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4A_42/2017 (f) du 29.01.2018 – proposé à la publication – Indemnités journalières en cas de maladie LCA / Valeur probante des avis du médecin-conseil niée – 8 CC – 152 CPC / Surassurance – Coordination entre prestations LCA et indemnités de chômage – 28 LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_42/2017 (f) du 29.01.2018, proposé à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/2HqnQQi

 

Indemnités journalières en cas de maladie LCA

Valeur probante des avis du médecin-conseil niée / 8 CC – 152 CPC

Surassurance – Coordination entre prestations LCA et indemnités de chômage / 28 LACI

 

Assuré, né le 27.06.1966, employé par une société exploitant un bureau d’architecture, bénéficiait de l’«assurance collective maladie perte de salaire» contractée par son employeuse (indemnité journalière 90% du salaire, payable dès le 15ème jour, durée maximale de 730 jours par cas).

Les conditions générales d’assurance (CGA) auxquelles renvoyait la police énonçaient notamment que, s’agissant de la surassurance, il est prévu que l’assureur LCA doit uniquement la différence entre les prestations, le cas échéant cumulées, des assureurs sociaux et l’indemnité journalière assurée (art. 8.5 CGA).

L’assuré a été incapable de travailler à 100% à compter du 05.01.2015. Le médecin-traitant, spécialiste FMH en médecine interne, a diagnostiqué un état dépressif majeur consécutif à un mobbing depuis plusieurs mois. Le 17.05.2015, le médecin-traitant a confirmé au médecin-conseil, spécialiste FMH en médecine générale, que l’assuré souffrait d’un état dépressif majeur, que l’évolution était progressivement favorable, que le patient suivait une psychothérapie de soutien et prenait des antidépresseurs et qu’une reprise du travail pourrait être exigible dans quelques mois. Le pronostic était lentement favorable.

Le 01.06.2015, la compagnie d’assurance a soumis le dossier à son médecin-conseil. Celui-ci a mentionné sur un formulaire non signé que l’assuré pourrait reprendre le travail à 50% dès le 01.07.2015 et à 100% dès le 01.09.2015. L’assuré en a été informé par courrier de la compagnie d’assurance du même jour.

Le médecin traitant a continué à certifier une incapacité de travail totale de l’assuré au-delà du 30.06.2015. L’assuré a été licencié pour le 31 octobre 2015 ; il s’est inscrit à l’assurance-chômage le 26.10.2015 pour le 01.11.2015.

Le 12.10.2015, le médecin-traitant de l’assuré a invité le médecin-conseil à convoquer son patient pour une expertise afin de réévaluer sa situation, dès lors qu’il présentait toujours une affection médicale d’ordre psychologique qui l’empêchait de reprendre son activité professionnelle.

Dans son avis médical du 02.11.2015, le médecin-conseil a indiqué « Ok de non-entrée en matière et lettre A.__ SA [la compagnie d’assurance] ». Le 03.11.2015, la compagnie d’assurance a fait savoir au médecin-traitant qu’elle maintenait sa position, tout en précisant qu’il appartenait à son patient de s’inscrire au chômage dans les plus brefs délais. Elle l’a également indiqué à l’assuré par lettre du 01.12.2015.

Dans son avis médical du 30.11.2015, le médecin-conseil s’est exprimé en ces termes : « Malgré la lettre du 02.11.15 de l’assuré, la lettre du 12.10.15 de son méd tt, il n’y a aucune LF [limitation fonctionnelle] décrite susceptible de modifier ma/notre décision de non-entrée en matière à partir du 01.09.2015. »

L’Office cantonal de l’emploi a déclaré l’assuré apte au placement dès le premier jour contrôlé, soit dès le 01.11.2015. Il a constaté que l’assuré, selon les explications données et le certificat médical produit, était capable de reprendre le travail à 50% dès le 14.12.2015, et qu’il avait déposé en mai 2015 une demande de détection précoce auprès de l’assurance-invalidité, qui était en cours d’instruction. L’office a conclu, en se référant notamment aux art. 15 al. 2 LACI et 15 al. 3 OACI, que l’assurance-chômage devait prendre en charge provisoirement les prestations et déclarer l’assuré apte au placement, du moment qu’il était disposé et en mesure de prendre un emploi convenable correspondant à 20% au moins d’un emploi à plein temps, et qu’une demande était pendante auprès de l’assurance-invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1050/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2Cyhpr2)

Par arrêt du 15.12.2016, le tribunal cantonal a condamné la compagnie d’assurance à verser 84’747 fr. 60 plus intérêts à l’assuré.

En substance, la cour cantonale a considéré que l’incapacité de travail de l’assuré était attestée tant par son médecin traitant que par son psychiatre. Elle n’a accordé aucune valeur probante aux avis exprimés par le médecin-conseil dès lors qu’ils étaient extrêmement sommaires et non motivés, ledit médecin s’étant de surcroît prononcé uniquement sur dossier. La Cour de justice a par ailleurs renoncé à auditionner ce médecin en faisant valoir qu’il n’avait jamais vu l’assuré et qu’une telle mesure était donc inutile. Quant à l’expertise médicale requise, elle pouvait uniquement permettre de constater l’état de santé de l’assuré au jour de l’expertise sans renseigner sur le passé.

La cour cantonale a constaté que l’art. 28 al. 2 LACI consacrait le principe de subsidiarité du versement de l’indemnité de chômage par rapport à l’indemnité compensant la perte de gain pour cause de maladie ou d’accident. Elle en a déduit que c’était au contraire l’assurance-chômage qui devait tenir compte des indemnités perte de gain dues par la compagnie d’assurance.

 

TF

Selon le TF, la cour cantonale n’a pas ignoré que l’art. 247 al. 2 let. a CPC lui imposait d’établir les faits d’office. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d’étendre à bien plaire l’administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles ; elle n’interdit pas au juge de renoncer à un moyen de preuve par appréciation anticipée (arrêt 5C.228/2003 du 6 janvier 2004 consid. 3.2; cf. ATF 125 III 231 consid. 4a p. 239).

 

Il est de jurisprudence qu’une expertise privée n’est pas un moyen de preuve au sens de l’art. 168 al. 1 CPC et doit être assimilée aux allégués de la partie qui la produit (ATF 141 III 433 consid. 2.6 p. 437; 140 III 24 consid. 3.3.3 p. 29; arrêt 4A_318/2016 du 3 août 2016 consid. 3.1). En vertu de l’art. 150 al. 1 CPC, seules doivent être prouvées les allégations qui sont expressément contestées. Une telle contestation doit être suffisamment précise pour atteindre son but, c’est-à-dire permettre à la partie adverse de comprendre quels allégués il lui incombe de prouver. Le degré de précision d’une allégation influe sur le degré de motivation que doit revêtir sa contestation. Plus les affirmations d’une partie sont détaillées, plus élevées sont les exigences quant à la précision de leur contestation. Une réfutation en bloc ne suffit pas. Le fardeau de la contestation ne saurait toutefois entraîner un renversement du fardeau de la preuve (ATF 141 III 433 consid. 2.6 p. 438 et les références ; arrêt précité 4A_318/2016 consid. 3.1).

Dans le cas présent, l’assuré fonde ses prétentions notamment sur différents documents émanant de son médecin traitant. Si la plupart de ces pièces se contentent de mentionner le pourcentage et la durée de son incapacité de travail, il s’en trouve deux qui sont bien plus détaillées sur le fond.

Le TF relève que les avis de son médecin-conseil sont dépourvus d’une quelconque motivation. Dans ces conditions, il ne saurait être question d’exiger de l’assuré qu’il démontre son incapacité de travail par le biais d’une expertise médicale, alors qu’il ne pouvait savoir, faute de contestation concrète, quels faits il lui incombait de prouver.

La compagnie d’assurance a requis la mise en œuvre d’une expertise pour compléter ses moyens de preuves, de sorte qu’il s’agit de déterminer si cette requête a été écartée par une appréciation anticipée entachée d’arbitraire. Il n’y avait rien d’insoutenable à retenir que cette expertise ne permettrait pas d’établir l’état de santé passé de l’assuré, l’expert étant renvoyé à cet égard aux renseignements des médecins traitants. N’est pas davantage arbitraire l’appréciation des juges cantonaux selon laquelle l’audition du médecin-conseil était inutile. La compagnie d’assurance plaide que l’intéressé aurait pu justifier son opinion ; il est toutefois avéré que celle-ci ne reposait pas sur un examen de l’assuré mais sur le dossier, et donc en particulier sur les rapports du médecin traitant.

Il convient bien plutôt d’apprécier la valeur des allégations du médecin traitant de l’assuré au regard des autres éléments au dossier. En effet, dans certaines circonstances, les allégations précises résultant d’un rapport médical peuvent apporter la preuve de leur véracité si elles sont appuyées par des indices objectifs. Tel est bien le cas lorsque, comme en l’occurrence, une contestation concrète de ces allégations fait défaut (arrêt précité 4A_318/2016 consid. 3.2). Or, il apparaît que les indications du médecin traitant de l’assuré sont confortées par les rapports établis par son médecin psychiatre. Ajouté à cela que l’assuré a formulé une demande de détection précoce auprès de l’assurance-invalidité, la cour cantonale pouvait conclure, sans tomber dans l’arbitraire, à la réalité de l’incapacité de travail alléguée.

S’il est vrai que le médecin-traitant avait initialement évoqué un pronostic lentement favorable ainsi qu’une reprise potentielle du travail dans quelques mois, cette appréciation émise le 17.05.2015 ne l’a pas empêché d’attester ensuite une incapacité de travail totale de l’assuré jusqu’au 13.12.2015. De son côté, le médecin-conseil de la compagnie d’assurance ne s’est pas départi de l’avis qu’il avait exprimé sur dossier le 01.06.2015 (reprise à 50% dès le 01.07.2015 et à 100% dès le 01.09.2015). Les positions sont dès lors clairement antagonistes. On relèvera qu’en octobre 2015, le médecin traitant avait suggéré au médecin-conseil de convoquer l’assuré pour une «expertise», sans qu’aucune suite ne soit donnée. La compagnie d’assurance a renoncé à faire examiner l’intéressé par le médecin de son choix, comme le lui permettaient ses conditions générales ; ce faisant, elle a pris le risque de se priver, pour la période critique, de constatations cliniques autres que celles effectuées par les médecins traitants.

 

Les griefs quant à une violation du droit à la preuve, du droit d’être entendu, de la prohibition de l’arbitraire et de la maxime inquisitoire sociale sont rejetés par le TF.

 

Surassurance – Coordination entre prestations LCA et indemnités de chômage

Se pose la question de coordination entre l’assurance-chômage et l’assurance couvrant la perte de gain occasionnée par une maladie, étant rappelé qu’il s’agit ici d’une assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale, soumise à la LCA.

L’art. 28 LACI régit l’«indemnité journalière [de chômage] en cas d’incapacité passagère de travail, totale ou partielle». Cette disposition coordonne l’assurance-chômage et les assurances perte de gain pour cause de maladie ou d’accident. Elle repose sur la prémisse que ces assurances-ci ne prenaient autrefois effet qu’au 31ème jour d’incapacité. Aussi le législateur a-t-il voulu combler une lacune en prévoyant, à l’alinéa 1, une prise en charge par l’assurance-chômage durant les trente premiers jours d’incapacité de travail. Cette obligation de prestation est toutefois subsidiaire à l’assurance perte de gain, comme l’exprime l’art. 28 al. 2 LACI, qui est destiné à éviter la surindemnisation (ATF 142 V 448 consid. 4.2; 128 V 176 consid. 5 in fine; 128 V 149 consid. 3b; arrêt C 303/02 du 14 avril 2003, publié in DTA 2004 p. 50, consid. 3.1; FF 1980 III 509 et 588 ss ad art. 27).

L’alinéa 4 de l’art. 28 LACI règle le concours entre l’assurance-chômage et l’assurance perte de gain après épuisement du droit au sens de l’alinéa 1. Il doit être lu en conjonction avec l’art. 73 al. 1 LAMal, l’art. 5 al. 4 de l’ordonnance sur l’assurance-accidents des personnes au chômage (RS 837.171) et l’art. 25 al. 3 OLAA. Toutes ces dispositions fixent la quote-part des indemnités dues respectivement par l’assurance-chômage et par l’assurance perte de gain maladie ou accident en cas de capacité de travail partielle (arrêt précité C 303/02 consid. 3.1; UELI KIESER, Die Koordination von Taggeldern der Arbeitslosenversicherung mit Taggeldern anderer Sozialversicherungszweige, in DTA 2012 p. 222). Il en découle notamment que lorsque la capacité de travail est comprise entre 50% et 74%, l’assurance-chômage et l’assureur-maladie ou accident versent chacun une indemnité journalière de 50% (cf. FF 2008 7051). Ce système de coordination s’applique aussi aux assurances-maladie complémentaires soumises à la LCA. En effet, l’art. 100 al. 2 LCA prévoit l’application par analogie de l’art. 73 LAMal pour les preneurs d’assurance et assurés réputés chômeurs au sens de l’art. 10 LACI. A l’origine, le projet de loi sur l’assurance-chômage ne prévoyait pas une telle extension du système de coordination (FF 1980 III 697 s. a contrario), qui est due à une proposition de la Commission des affaires juridiques du Conseil National, fondée sur le constat que beaucoup d’entreprises avaient des contrats d’assurance collective auprès d’assureurs privés (cf. BOCN 1981 I 847 ad art. 113a; RO 1982 2222).

La jurisprudence, en se référant à cet art. 100 al. 2 LCA, a précisé que par «indemnités journalières de l’assurance-maladie» au sens de l’art. 28 al. 2 LACI, il fallait entendre aussi bien les indemnités de l’assurance-maladie sociale facultative régie par les art. 67 ss LAMal que celles d’assurances complémentaires soumises à la LCA (ATF 128 V 176 consid. 5; arrêt précité C 303/02 consid. 4.1; cf. aussi ATF 142 V 448 consid. 4.2 p. 453; arrêt 4A_111/2010 du 12 juillet 2010 consid. 4; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Soziale Sicherheit, 3ème éd. 2016, p. 2395 n. 437; BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 8 ad art. 28 LACI; KIESER, op. cit., p. 221 ch. 2 et p. 227 ch. 2).

Le Tribunal fédéral a récemment eu l’occasion de rappeler la portée de l’art. 28 al. 2 et 4 LACI, dans une affaire où l’assuré avait touché des indemnités de chômage calculées sur un gain assuré réduit de moitié, en raison d’une aptitude au placement restreinte par une maladie. L’assuré avait en outre touché pendant la même période de pleines indemnités journalières fondées sur une assurance collective perte de gain régie par la LCA. Après avoir eu connaissance de ce fait, la caisse de chômage avait réclamé le remboursement des indemnités de chômage ; elle a obtenu gain de cause. L’autorité de céans a relevé que si l’assureur privé – allant ainsi au-delà du régime de coordination légal – allouait de pleines indemnités pour une incapacité de travail de 50%, en se fondant sur ses conditions générales ou sur un engagement pris dans une procédure de conciliation, ces indemnités devaient être déduites de l’assurance-chômage, conformément au principe de subsidiarité découlant des alinéas 2 et 4 de l’art. 28 LACI (ATF 142 V 448 consid. 4.2 et 5.4 ; cf. aussi arrêt précité C 303/02 consid. 5.1).

 

En l’espèce, la situation se présente sous un angle quelque peu différent. La compagnie d’assurance a cessé de verser des indemnités journalières en se fondant sur la prémisse (erronée) que l’assuré avait retrouvé une pleine capacité de travail le 01.09.2015. Pour sa part, la caisse de chômage a considéré que l’assuré réalisait les conditions d’indemnisation à compter du 01.11.2015. Elle a alloué de pleines indemnités pendant 30 jours, soit du 01.11.2015 au 30.11.2015 (cf. art. 28 al. 1 LACI). Constatant que l’assuré avait ensuite retrouvé une capacité de travail à 50% le 14.12.2015 et qu’il n’était ainsi pas manifestement inapte au placement, elle a versé depuis lors de pleines indemnités de chômage, au motif qu’une demande de prestations était pendante devant l’assurance-invalidité et que la prise en charge provisoire des prestations lui incombait dans l’intervalle. Elle a donc non seulement versé des indemnités de chômage correspondant à la capacité médicalement attestée de l’assuré (soit 50%), mais en sus elle a avancé les indemnités que l’assurance-invalidité pourrait lui octroyer ultérieurement, ce en application de l’art. 15 al. 3 OACI, auquel renvoie l’art. 15 al. 2 LACI.

Force est de constater que pour la première phase d’indemnisation par l’assurance-chômage (01.11.15-30.11.15), l’assurance perte de gain déployait déjà ses effets; comme l’incapacité de travail était totale, de pleines indemnités perte de gain étaient dues. Le principe de subsidiarité de l’assurance-chômage (art. 28 al. 2 LACI) fait ainsi échec à l’art. 8.5 CGA.

A compter du 14.12.2015, l’assurance-chômage a versé provisoirement de pleines indemnités dans la perspective d’une éventuelle prise en charge par l’assurance-invalidité, et c’est dans cette avance que réside le nœud du problème. En effet, si elle avait été calculée sur la base d’une aptitude au travail de 50%, l’indemnité journalière de l’assurance-chômage aurait été réduite de 50% (art. 28 al. 4 let. b LACI). Elle aurait été complétée par la demi-indemnité due par l’assureur-maladie privé, conformément à l’art. 8.2 CGA – et à l’art. 73 al. 1 LAMal, applicable par renvoi de l’art. 100 al. 2 LCA. Dans cette mesure, la question d’une déduction ne se pose pas, les deux demi-indemnités étant versées à des titres bien distincts, à savoir la perte de revenu imputable à la conjoncture pour l’indemnité de chômage, et celle imputable à un état de santé déficient pour l’autre indemnité.

Subsiste la question de savoir si la compagnie d’assurance est exonérée de l’obligation de verser les indemnités compensant la perte de gain due à la maladie, au motif que l’assurance-chômage a avancé à l’assuré les prestations que pourrait verser l’assurance-invalidité.

Tel ne saurait être le cas. La compagnie d’assurance ne peut en effet porter en déduction de sa dette une indemnité allouée à titre provisoire, sans reconnaissance aucune d’un droit définitif à une prestation susceptible d’émaner de l’assurance-invalidité. L’art. 15 al. 3 OACI a été introduit afin d’éviter une privation de prestations d’assurance pendant la période de carence durant l’instruction du cas par l’assurance-invalidité (ATF 136 V 95 consid. 7.1; NUSSBAUMER, op. cit., p. 2352 ch. 283), dans l’optique d’une compensation ultérieure avec les indemnités de l’assurance-invalidité (ATF 127 V 484 consid. 2; 126 V 124 consid. 3a; RUBIN, op. cit., n° 93 ad art. 15 LACI), et non pas pour permettre à l’assureur privé couvrant la perte de gain due à la maladie de cesser prématurément le versement des indemnités journalières. La caisse de chômage n’aurait du reste pas eu versé une telle avance si la compagnie d’assurance avait d’emblée assumé ses obligations contractuelles en versant les indemnités journalières dont elle était redevable, étant encore rappelé que l’art. 70 al. 2 LPGA n’est pas applicable dans les relations entre l’assurance-chômage et un assureur perte de gain maladie soumis à la LCA (arrêt 8C_791/2016 du 27 janvier 2017 consid. 5.1).

La compagnie d’assurance plaide en outre que l’art. 28 LACI n’aurait pas vocation à s’appliquer dès lors que l’incapacité de travail de l’assuré n’était pas « passagère» au sens de cette disposition. Comme le Tribunal fédéral l’a déjà souligné, du moment qu’il est question de la coordination entre l’assurance-chômage et une assurance perte de gain maladie, le caractère passager ou durable de l’incapacité n’importe pas (arrêt précité C 303/02 consid. 5.2). Une telle question de coordination se pose aussi longtemps que l’indemnité journalière perte de gain est due selon les conditions qui la régissent (cf. à cet égard KIESER, op. cit., pp. 228 let. c, 233 let. d et 234 ch. 8). En l’occurrence, rien n’indique qu’elle n’était plus due.

 

Le TF conclut que le tribunal cantonal n’a pas violé le droit fédéral en considérant qu’il n’y avait pas lieu de déduire les indemnités versées par la caisse de chômage de celles dues par la compagnie d’assurance.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance LCA.

 

 

Arrêt 4A_42/2017 consultable ici : http://bit.ly/2HqnQQi

 

 

Circulaire no 20 de l’OFSP – Calcul de l’indemnité journalière LAA

Circulaire no 20 de l’OFSP du 30.03.2017 – Calcul de l’indemnité journalière LAA

 

Consultable ici : http://bit.ly/2E9YepI

 

En adoptant la réglementation actuelle, le législateur de 1981 entendait que les indemnités journalières soient calculées de manière abstraite, c’est-à-dire qu’elles soient allouées indépendamment de la perte de gain réellement subie durant les jours déterminés de la période d’incapacité de travail. Dans son message du 18 août 1976 à l’appui d’un projet de loi fédérale sur l’assurance-accidents (FF 1976 III 170), le Conseil fédéral écrivait en effet que «l’indemnité journalière ne sera plus calculée sur la base du gain dont on peut présumer que l’assuré sera privé à la suite de l’accident mais, en règle générale, comme pour les rentes, c’est-à-dire sur la base du gain effectivement réalisé immédiatement avant l’accident. Cette solution a l’avantage d’être beaucoup plus simple du point de vue administratif et de promouvoir la coordination avec les autres branches des assurances sociales».

Dans un arrêt daté du 29 octobre 2003 (ATF 130 V 35, U 51/03), le Tribunal fédéral des assurances (TFA) a estimé qu’un assuré à la retraite anticipée subissant un accident durant la période d’assurance prolongée de l’art. 3, al. 2, de la loi sur l’assurance-accidents (LAA) n’a pas droit à l’indemnité journalière, faute de perte de gain. Depuis lors, la question se pose de savoir s’il en va de même dans toutes les situations semblables, à savoir dans tous les cas où un accident survient durant la période de 31 jours suivant la fin du droit au demi-salaire au moins (art. 3, al. 2, LAA) ainsi que dans les cas de prolongation d’assurance par convention (art. 3, al. 3, LAA), d’accidents survenus lors de périodes de chômage ou d’accidents intervenus lors de brèves périodes d’engagement (ex: étudiants).

Le TFA ayant laissé volontairement toutes ces questions indécises, nous sommes d’avis, conformément à la doctrine en la matière (cf. Alfred Maurer: Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, Verlag Stämpfli 1985, p. 321; Ghélew/Ramelet/Ritter: Commentaire de la loi sur l’assurance-accidents (LAA), Editions Réalités sociales, Lausanne 1992, p. 94 ; Gabriela Riemer-Kafka : Arrêt U51/03 du 20 octobre 2003, dans SZS 2004, p. 78 ss; Ueli Kieser: Lohneinbusse als Voraussetzung von Taggeldern der Unfallversicherung? Art. 16 Abs. 1 UVG, dans AJP 2004 p. 190) que les indemnités journalières doivent, dans la règle, être calculées de manière abstraite, c’est-à-dire qu’elles doivent être allouées indépendamment de la perte de gain réellement subie durant les jours déterminés de la période d’incapacité de travail.

Aussi, pour assurer une application uniforme de la LAA, l’OFSP invite les assureurs-accidents à bien vouloir, jusqu’à plus ample informé, se conformer à cette pratique, sous réserve bien évidemment du cas des assurés préretraités.

Cette circulaire est entrée en vigueur le 01.04.2017 et remplace la circulaire No 20 datée du 15.02.2006.

 

 

Circulaire nº 20 de l’OFSP du 30.03.2017 – Calcul de l’indemnité journalière LAA consultable ici : http://bit.ly/2E9YepI

 

 

8C_778/2016 (f) du 01.09.2017 – Gain assuré pour l’indemnité journalière en cas de rechute – 15 LAA – 23 al. 8 OLAA / Gain assuré pour un chômeur transfrontalier (ressortissant français résidant en France) / Calcul des indemnités journalières en cas de rechute

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_778/2016 (f) du 01.09.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2hsUpkw

 

Gain assuré pour l’indemnité journalière en cas de rechute / 15 LAA – 23 al. 8 OLAA

Gain assuré pour un chômeur transfrontalier (ressortissant français résidant en France)

Calcul des indemnités journalières en cas de rechute / 23 al. 8 OLAA

 

Le 07.09.2012, l’assuré, ressortissant français et domicilié en France voisine, a été victime d’une agression lors d’un braquage commis dans une station-service en Suisse. Il travaillait alors en qualité de menuisier. Le cas a été pris en charge par l’assureur LAA.

Par lettre du 01.09.2014, l’assuré a informé l’assureur-accidents d’une « opération de la clavicule » envisagée par son médecin-traitant, en lui demandant si elle en assumerait le coût et les conséquences sur sa capacité de travail. Après avoir complété l’instruction, l’assureur-accidents a accepté de reprendre le versement des prestations en nature à titre de rechute et réservé à un examen ultérieur le droit à des indemnités journalières. À compter du 17.11.2015, l’assuré a présenté une incapacité de travail et demandé l’octroi de prestations en espèces.

Par décision du 27.04.2016, confirmée sur opposition, l’assureur-accidents a fixé le montant de l’indemnité journalière à 85 fr. 80, calculé sur la base du salaire perçu juste avant le 01.09.2014, lequel était constitué d’allocations d’aide au retour à l’emploi allouées par les autorités de chômage françaises.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 74/16 – 103/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2xtX3OG)

Par jugement du 20.10.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Gain assuré pour l’indemnité journalière en cas de rechute

Selon l’art. 15 LAA, les indemnités journalières et les rentes sont calculées d’après le gain assuré (al. 1). Est réputé gain assuré pour le calcul des indemnités journalières le dernier salaire que l’assuré a reçu avant l’accident (art. 15 al. 2, première phrase, LAA). Sous réserve de certaines dérogations énumérées sous lettres a à d, il s’agit du salaire déterminant au sens de la législation sur l’assurance-vieillesse et survivants (art. 22 al. 2, 1 ère phrase, OLAA).

Conformément à la délégation de l’art. 15 al. 3 LAA, le Conseil fédéral a promulgué des dispositions sur la prise en considération du gain assuré dans des cas spéciaux, pour l’indemnité journalière (art. 23 OLAA). Selon l’alinéa 8 de cette disposition réglementaire, le salaire déterminant en cas de rechute est celui que l’assuré a reçu juste avant celle-ci ; il ne saurait toutefois être inférieur à 10 % du montant maximum du gain journalier assuré, sauf pour les bénéficiaires de rentes de l’assurance sociale.

En l’occurrence, sous réserve de certains des cas spéciaux prévus par la loi (cf. par exemple art. 23 al. 1 OLAA), le gain assuré au sens des art. 15 LAA et 22 OLAA se fonde sur le salaire effectivement touché par l’assuré et ne se rapporte pas à un gain fictif. Il ne faut pas perdre de vue que, dans l’assurance-accidents, les indemnités journalières servent à compenser la perte de revenu d’une activité lucrative ou d’un revenu de substitution en cas d’incapacité de travail consécutive à un accident assuré (art. 16 al. 1 LAA; Message du 18 août 1976 à l’appui d’un projet de loi fédérale sur l’assurance-accidents, FF 1976 III 143, 170 ch. 342; ALFRED MAURER, Schweizerisches Unfallversicherungsrecht, 2 e éd. 1989, p. 321). Partant, contrairement à ce que soutient l’assuré, les indemnités journalières LAA auxquelles il prétend ne peuvent se fonder sur le montant des indemnités de chômage qu’il aurait hypothétiquement touchées en vertu du droit suisse. La loi ne prévoit aucune dérogation pour les chômeurs transfrontaliers.

En outre, et à juste titre, l’assuré ne remet pas en cause la compétence des autorités françaises pour le versement des prestations de chômage (voir l’ATF 142 V 590 consid. 4.3 concernant une travailleuse transfrontalière au chômage complet). Dans ces conditions, le mode de calcul des indemnités de chômage selon le droit français n’est pas pertinent pour la résolution du cas d’espèce et l’assuré ne saurait se prévaloir d’une inégalité de traitement.

Dans la mesure où il est domicilié en France, sa situation n’est pas similaire à celle d’un chômeur en Suisse. Le fait que, malgré une activité salariée en Suisse, il a perçu des prestations de chômage de la France, et donc un revenu de substitution inférieur à celui prévu dans la LACI, n’est que la conséquence de la coordination des systèmes de sécurité sociale entre la Suisse et les États membres de l’Union européenne.

 

Calcul des indemnités journalières en cas de rechute selon l’art. 23 al. 8 OLAA

Selon la jurisprudence, la loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre. Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales. Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; en particulier, il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 142 IV 389 consid. 4.3.1 p. 397; 139 V 250 consid. 4.1 p. 254 et les arrêts cités).

Par ailleurs, les dispositions d’exception ne doivent être interprétées ni restrictivement ni extensivement, mais conformément à leur sens et à leur but, dans les limites de la règle générale (ATF 137 V 167 consid. 3.4 p. 171; 136 V 84 consid. 4.3.2 p. 92; 130 V 229 consid. 2.2 p. 233 et les arrêts cités).

L’art. 23 al. 8 OLAA concerne le calcul des indemnités journalières en cas de rechute, à savoir lorsque se manifeste à nouveau une atteinte à la santé qui, en apparence seulement mais non dans les faits, était considérée comme guérie (ATF 123 V 137 consid. 3a p. 138 et les références; arrêt 8C_61/2016 du 19 décembre 2016 consid. 3.2, in SVR 2017 UV n° 19 p. 63). Il s’agit d’une prescription particulière qui déroge à la règle générale de l’art. 15 al. 2 LAA, concernant la période de référence pour le calcul du gain assuré. Les indemnités journalières visent à compenser une perte de gain due à une incapacité de travail. Aussi la circonstance prévue à l’art. 23 al. 8 OLAA se rapporte-t-elle directement à la survenance d’une (nouvelle) incapacité de travail. Par salaire reçu juste avant la rechute, il faut ainsi comprendre le gain réalisé juste avant l’incapacité de travail.

Dans le cas d’espèce, la cour cantonale a fixé le point de départ de la rechute au 01.09.2014, à savoir la date de la lettre de l’assuré recourant dans laquelle il questionne la CNA au sujet de la prise en charge d’une éventuelle opération. L’incapacité de travail du recourant ne s’est toutefois manifestée qu’une année plus tard environ. Entre-temps l’assuré a repris une activité salariée, de juin 2015 à novembre 2015. La date du 01.09.2014 ne se rapporte pas non plus à la reprise d’un traitement médical. Il semble même que l’opération envisagée n’a finalement pas eu lieu. Dans ces conditions, rien ne justifiait un calcul du gain assuré sur la base du revenu perçu au mois d’août 2014.

Il convient bien plutôt de prendre en considération la période précédant immédiatement l’incapacité de travail donnant droit aux indemnités en cause.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré et renvoie la cause à l’assurance-accidents qu’elle procède à un nouveau calcul du gain assuré. Si le nouveau calcul se révèle défavorable à l’assuré par rapport à la décision litigieuse, elle devra lui donner l’occasion de retirer son opposition (art. 12 al. 2 OPGA ; ATF 131 V 414 consid. 1 p. 416 s.).

 

 

Arrêt 8C_778/2016 consultable ici : http://bit.ly/2hsUpkw

 

 

Assurances d’indemnités journalières : coordination satisfaisante avec l’AI et la LPP

Assurances d’indemnités journalières : coordination satisfaisante avec l’AI et la LPP

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 28.06.2017 consultable ici : http://bit.ly/2todig5

 

Le système de coordination entre les assurances d’indemnités journalières et les dispositions relatives à l’invalidité des 1er (AI) et 2e piliers (LPP) fonctionne aujourd’hui à satisfaction. Tel est le constat du Conseil fédéral dans son rapport en réponse à un postulat du Parlement, adopté lors de la séance du 28.06.2017.

 

Le Conseil fédéral tire un bilan positif de l’analyse du système actuel de coordination : il n’occasionne pratiquement pas d’insécurité pour les assurés. Dans son rapport, le Conseil fédéral s’est en outre penché sur la question d’une assurance obligatoire d’indemnités journalières en cas de maladie. Il s’avère que la couverture contre une perte de gain en cas de maladie, comme par ailleurs également en cas d’accident, est totale pour une grande partie des assurés, malgré l’absence d’une assurance obligatoire d’indemnités journalières. En conséquence, le Conseil fédéral ne voit actuellement pas de besoin d’agir à ce propos. Il a établi le rapport en réponse au postulat Nordmann (12.3087).

 

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 28.06.2017 consultable ici : http://bit.ly/2todig5

« Coordination entre les assurances d’indemnités journalières et les prestations du 1er et du 2e pilier – Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat 12.3087 Nordmann du 7 mars 2012 » du 28.06.2017 : http://bit.ly/2u1e4NO

Postulat Nordmann 12.3087 « Etat de situation sur la couverture du revenu en cas de maladie » : http://bit.ly/2ts5SJM

 

 

 

4A_643/2016 (f) du 07.04.2017 – Indemnité journalière LCA – Prétention frauduleuse – 40 LCA / Incapacité de travail d’une coiffeuse indépendante

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2016 (f) du 07.04.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2pXRndE

 

Indemnité journalière LCA – Prétention frauduleuse / 40 LCA

Incapacité de travail d’une coiffeuse indépendante

 

Assurée, coiffeuse indépendante, a conclu une assurance perte de gain en cas de maladie. Le début de l’assurance était fixé au 29.05.2012; le salaire annuel assuré s’élevait à 60’000 fr.

Le 06.11.2012, l’assurée a subi une opération de l’épaule gauche. Une incapacité totale de travail a été attestée médicalement dès cette date.

L’assureur a mandaté une agence de détectives privés afin de vérifier si l’assurée travaillait et montrait les signes d’une atteinte physique quelconque. Des surveillances ont été effectuées du 21.03.2013 au 23.03.2013; un rapport d’observation a été établi le 27.03.2013.

Par courrier du 17.04.2013, l’assureur a informé l’assurée qu’après contrôle de son revenu réel, le salaire annuel fixe déclaré à la signature du contrat (60’000 fr.) ne correspondait pas à la situation effective, le revenu moyen déterminant calculé sur les cinq dernières années de cotisations s’élevant à 35’366 fr. Il a été établi une nouvelle police, prenant effet au 01.04.2013 et mentionnant un salaire annuel de 40’000 fr.

A partir du 18.04.2013, l’assurée était en incapacité de travail à 90%.

Le 21.05.2013, l’assureur a mandaté une seconde entreprise de surveillance, qui a observé l’assurée les 24.05.2013 et 25.05.2013 et rendu son rapport d’enquête le 27.05.2013.

L’assureur a interrompu le versement des prestations dès le 01.05.2013 et a informé l’assurée qu’elle avait fait l’objet d’une surveillance, laquelle avait révélé une activité dans le salon de coiffure allant bien au-delà de la prescription médicale attestée. Les gestes observés ne montraient aucune gêne fonctionnelle et étaient en contradiction avec les limitations invoquées par l’assurée. L’assureur a annulé la police perte de gain maladie à la date du sinistre, à refuser toute prestation en lien avec cet événement et à réclamer le remboursement intégral des indemnités payées.

L’expert médical mandaté par l’assureur a examiné l’assurée le 16.05.2013. Il a précisé que, pour l’heure, l’incapacité de travail était justifiée dans la mesure où l’assurée ne pouvait pas passer le membre supérieur gauche au-dessus de l’horizontale et que son travail s’exerçait debout, membre supérieur en abduction la plupart du temps.

L’assureur a réclamé à l’assurée le remboursement de 37’029 fr.35, représentant l’addition des indemnités journalières versées à tort (24’843 fr.15), des frais de surveillance (6’235 fr.) et des frais extraordinaires liés aux recherches (8’000 fr.), moins la part de prime non absorbée (2’048 fr.80).

L’assurée a refusé de payer ce montant et contestait avoir exercé une activité de coiffeuse durant son incapacité de travail. Elle précisait n’avoir jamais caché s’être rendue parfois au salon de coiffure, en particulier pour maintenir le contact avec la clientèle.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/802/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2puVivH)

Par arrêt du 29.09.2016, la Chambre des assurances sociales a rejeté la demande principale, refusé la mainlevée de l’opposition à la poursuite et dit que le contrat d’assurance perte de gain maladie n’a pas été valablement résilié par l’assureur ; sur demande reconventionnelle, elle a condamné l’assureur à verser à l’assuré le montant de 14’628 fr.95 représentant les indemnités journalières du 01.05.2013 au 31.12.2013, prononcé la mainlevée définitive de l’opposition à due concurrence dans la poursuite et condamné l’assureur à verser à l’assurée la somme de 3’000 fr. à titre de dommages-intérêts.

A noter que, dans le cadre de l’appréciation des preuves, la cour cantonale a émis des doutes sur la fiabilité des rapports de détective à propos de certaines activités décrites, qui figuraient dans la synthèse des détectives mais non dans leurs observations détaillées et minutées.

 

TF

L’art. 40 LCA définit la prétention frauduleuse. Il prévoit que si l’ayant droit ou son représentant, dans le but d’induire l’assureur en erreur, dissimule ou déclare inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’assureur, ou si, dans le but d’induire l’assureur en erreur, il ne fait pas ou fait tardivement les communications que l’art. 39 LCA lui impose, l’assureur n’est pas lié par le contrat envers l’ayant droit. D’un point de vue objectif, la dissimulation ou la déclaration inexacte doit porter sur des faits qui sont propres à remettre en cause l’obligation même de l’assureur ou à influer sur son étendue; en d’autres termes, sur la base d’une communication correcte des faits, l’assureur verserait une prestation moins importante, voire n’aurait aucune prestation à verser. Ainsi en est-il lorsque l’ayant droit déclare un dommage plus étendu qu’en réalité, par exemple lorsque l’atteinte à la santé n’est pas aussi grave qu’annoncée. En plus, l’ayant droit doit, sur le plan subjectif, avoir l’intention de tromper. Il faut qu’il ait agi avec la conscience et la volonté d’induire l’assureur en erreur, afin d’obtenir une indemnisation plus élevée que celle à laquelle il a droit; peu importe à cet égard qu’il soit parvenu à ses fins (arrêt 4A_286/2016 du 29 août 2016 consid. 5.1.2 et les arrêts cités).

Dans le cas d’espèce, l’assurée, en incapacité de travail totale, puis à 90%, se rendait dans son salon de coiffure, sans respecter un horaire particulier; elle y passait du temps devant l’ordinateur, répondait au téléphone, prenait les rendez-vous, s’occupait de l’agenda et discutait avec la clientèle; elle n’exerçait aucune activité spécifique de coiffure. Les quelques tâches accessoires effectuées par l’assurée dans son salon incombaient en principe à l’employée qui la remplaçait, laquelle par ailleurs coiffait seule les clients. En outre, la cour cantonale a constaté que le médecin mandaté par l’assureur avait confirmé l’incapacité de travail invoquée par l’assurée, qui ne pouvait notamment pas lever le membre supérieur gauche au-dessus de l’horizontale et qui éprouvait toujours des douleurs. La cour cantonale a retenu qu’aucun des gestes observés par les détectives, y compris hors du salon de coiffure, n’impliquait de lever le bras gauche au-dessus de l’horizontale, ni de porter de charges plus lourdes que celles que l’assurée pouvait tenir sans douleur avec la main gauche.

L’activité de coiffeuse indépendante consiste essentiellement à coiffer les clients. Pendant la période où l’assurée a invoqué une incapacité de travail à 100% ou à 90%, elle n’a pas exercé une telle activité, ni effectué des gestes démontrant qu’elle était capable de coiffer. Comme la cour cantonale l’a bien vu, aucune déclaration mensongère ne saurait dès lors être imputée à l’assurée sur sa capacité à exercer l’activité de coiffure.

En ce qui concerne les tâches effectuées par l’assurée lorsqu’elle se trouvait au salon, la cour cantonale a jugé qu’elles étaient « très auxiliaires » au métier de coiffeuse indépendante et que l’assurée les avait assumées occasionnellement afin d’occuper son temps, et non dans un but lucratif puisqu’elles incombaient en principe à l’employée qui la remplaçait. Elle en a déduit que les activités en cause ne suffisaient pas pour exclure l’obligation de l’assureur ou pour en restreindre l’étendue, soit pour influer sur la capacité de travail de l’assurée. Une telle conclusion, niant une prétention frauduleuse sur le plan objectif, n’apparaît pas contraire aux principes déduits de l’art. 40 LCA.

Même à supposer que les activités accessoires reprochées à l’assurée soient pertinentes sur le plan objectif pour fixer le montant des indemnités journalières, la condition subjective de la prétention frauduleuse ne serait pas non plus réalisée en l’occurrence, comme la cour cantonale l’a jugé à bon droit. En effet, l’assurée pouvait penser de bonne foi que seule l’activité de coiffure, qu’elle n’était pas capable d’exercer, était déterminante pour le montant des indemnités journalières. De plus, lors d’un entretien avec l’assureur en avril 2013, l’assurée, qui ignorait la surveillance dont elle avait fait l’objet, n’a pas caché sa présence au salon de coiffure et les activités accessoires qu’il lui arrivait d’y exercer. On ne saurait dès lors conclure que l’assurée a, consciemment et volontairement, cherché à induire en erreur la recourante afin d’obtenir une prétention indue et, par là-même, eu l’intention de tromper exigée pour l’application de l’art. 40 LCA.

 

Le TF rejette le recours de l’assureur.

 

 

Arrêt 4A_643/2016 consultable ici : http://bit.ly/2pXRndE

 

 

9C_501/2016 (f) du 09.01.2017 – Droit aux indemnités journalières AI pendant des mesures de réadaptation / 22 al. 1 LAI – 8 al. 3 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_501/2016 (f) du 09.01.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2l3tFXQ

 

Droit aux indemnités journalières AI pendant des mesures de réadaptation / 22 al. 1 LAI – 8 al. 3 LAI

Cours effectués en dehors des heures usuelles de travail

 

TF

Aux termes de l’art. 22 al. 1 LAI, l’assuré a droit à une indemnité journalière pendant l’exécution des mesures de réadaptation prévues à l’art. 8 al. 3 LAI si ces mesures l’empêchent d’exercer une activité lucrative durant trois jours consécutifs au moins ou s’il présente, dans son activité habituelle, une incapacité de travail de 50% au moins. Selon la jurisprudence, les mesures de réadaptation doivent avoir lieu pendant trois jours consécutifs au moins même en relation avec la deuxième hypothèse de l’art. 22 al. 1 LAI (ATF 112 V 16 consid. 2c p. 17; 139 V 407 consid. 7 p. 406). L’art. 22 al. 6 LAI charge le Conseil fédéral de fixer les conditions auxquelles des indemnités journalières peuvent être allouées pour des jours isolés. L’art. 17 bis RAI, adopté sur la base de cette délégation de compétence, prévoit que l’assuré qui se soumet à une mesure de réadaptation durant trois jours isolés au moins au cours d’un mois a droit à une indemnité journalière: a. pour chaque jour de réadaptation durant lequel il est toute la journée empêché d’exercer une activité lucrative par la mesure de réadaptation; b. pour chaque jour de réadaptation et pour les jours se situant dans l’intervalle s’il présente, dans son activité habituelle, une incapacité de travail de 50% au moins.

En l’espèce, les cours de français correspondant à la mesure de réadaptation avaient eu lieu pendant une heure et demie (de 12h00 à 13h30) deux fois par semaine. Leur durée ne correspondait pas à trois jours consécutifs au moins, de telle sorte que les conditions de l’art 22 al. 1 LAI ne sont pas réunies.

L’octroi d’indemnités journalières ne peut pas non plus être fondé sur l’art. 17 bis RAI, qui exige que l’assuré se soumette à une mesure de réadaptation durant au moins trois jours isolés au cours d’un mois. Cette durée n’est pas atteinte au regard des heures quotidiennes de cours suivis par l’assuré, qui s’élevaient à bien moins qu’une demi-journée (cf. arrêt 9C_631/2015 du 21 mars 2016, consid. 4.4). En outre, la jurisprudence retient que l’assuré n’a pas le droit au paiement d’indemnités journalières lorsque la mesure de reclassement est prévue sous la forme de cours effectués en dehors des heures usuelles de travail (ATF 139 V 399 consid. 7.2 p. 406). La formation en cause, organisée entre 12h00 et 13h30, ne peut par conséquent donner lieu à l’octroi d’indemnités journalières.

 

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_501/2016 consultable ici : http://bit.ly/2l3tFXQ

 

 

8C_14/2016 (f) du 21.12.2016 – Montant de l’indemnité journalière – 23 al. 8 OLAA / Rechute comme indépendant / Détermination du revenu provenant d’une activité lucrative indépendante – 23 RAVS / Salaire correspondant aux usages professionnels et locaux – 22 al. 2 let. c OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_14/2016 (f) du 21.12.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2jFq9WT

 

Accident en 1972 – LAMA – Rechute comme indépendant en 2014

Montant de l’indemnité journalière – 23 al. 8 OLAA

Détermination du revenu provenant d’une activité lucrative indépendante – 23 RAVS / Salaire correspondant aux usages professionnels et locaux – 22 al. 2 let. c OLAA

 

Assuré qui a été victime d’un accident de la circulation en 1972, pris en charge par la CNA. Une rente d’invalidité a été allouée, fondée sur une incapacité de gain de 25% dès le 02.12.1973, de 50% à compter du 01.03.1996 et de 62% à partir du 01.03.2007. L’assuré bénéficie en outre d’une demi-rente de l’assurance-invalidité depuis le 01.05.1994. Entre-temps, l’intéressé a entrepris un apprentissage de menuisier et a obtenu un CFC en 1978. Il par la suite a fondé une entreprise en raison individuelle et a travaillé en qualité de menuisier-charpentier indépendant.

La CNA a pris en charge la rechute annoncée le 18.02.2014. De l’extrait du compte individuel, il est fait état d’un revenu annuel d’indépendant de 9’333 fr. pour l’année 2013. De son côté, l’assuré a fait valoir un gain mensuel net de 5’669 fr. La CNA a informé l’intéressé qu’il avait droit à une indemnité journalière d’un montant de 20 fr. 50 (9’333 fr. x 80 % : 365 jours) à compter du 18.02.2014, confirmé sur opposition.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 18.11.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 23 al. 8 OLAA, le salaire déterminant en cas de rechute est celui que l’assuré a reçu juste avant celle-ci; il ne saurait toutefois être inférieur à 10% du montant maximum du gain journalier assuré, sauf pour les bénéficiaires de rentes de l’assurance sociale. Dans ce sens, l’art. 21 al. 3, 2ème phrase, LAA prévoit qu’en cas de rechute et de séquelles tardives survenues après la fixation de la rente, le bénéficiaire de la rente dont le gain diminue a droit à une indemnité journalière dont le montant est calculé sur la base du dernier gain réalisé avant le nouveau traitement médical. Cette disposition permet au titulaire d’une rente partielle de l’assurance-accidents qui a mis en valeur sa capacité résiduelle de gain de percevoir, outre la rente allouée initialement, une indemnité journalière calculée sur la base de son dernier revenu avant la rechute ou la séquelle tardive (ATF 139 V 514 consid. 3.2 p. 518; arrêt 8C_1023/2008 du 1 er décembre 2009 consid. 5.4). En outre, la jurisprudence considère que le terme de « salaire » mentionné à l’art. 23 al. 8 OLAA permet de tenir compte également d’un revenu d’indépendant perçu juste avant la rechute (SVR 2010 UV n° 15 p. 57, 8C_898/2008, consid. 4.2).

Sous réserve de certaines dérogations énumérées sous lettres a à d, est réputé gain assuré le salaire déterminant au sens de la législation sur l’assurance-vieillesse et survivants (art. 22 al. 2, 1ère phrase, OLAA). Pour la détermination du revenu provenant d’une activité lucrative indépendante, les caisses de compensation se fondent sur des données fiscales qui les lient (art. 23 RAVS). Toutefois, pour les membres de la famille de l’employeur travaillant dans l’entreprise, les associés, les actionnaires ou les membres de sociétés coopératives, il est au moins tenu compte du salaire correspondant aux usages professionnels et locaux (art. 22 al. 2 let. c OLAA). Le but de cette réglementation est d’éviter que les assurés qui se trouvent dans un rapport particulier avec leur employeur et, de ce fait, perçoivent un gain inférieur à celui qu’ils pourraient réaliser normalement sur le marché du travail, ne soient désavantagés lorsqu’ils ont droit à des prestations de l’assurance-accidents (SVR 2007 UV n° 39 p. 131, 8C_88/2007, consid. 2; arrêt 8C_893/2011 du 31 mai 2012 consid. 2).

 

La cour cantonale a fixé le gain assuré déterminant pour le calcul de l’indemnité journalière compte tenu du gain d’indépendant réalisé par l’assuré juste avant la survenance de l’incapacité entière de travail. Retenant que l’assuré ne se trouve pas dans un rapport particulier avec un employeur, puisqu’il est lui-même son propre employeur, elle a considéré qu’il ne pouvait pas se prévaloir de la dérogation prévue à l’art. 22 al. 2 let. c OLAA pour obtenir de l’assureur-accidents l’indemnisation des frais fixes et des autres charges d’exploitation conduisant à un revenu inférieur au gain réalisé, conformément aux usages professionnels, par un menuisier occupé à 50%.

 

Selon le TF, le gain assuré déterminant pour le calcul de l’indemnité journalière se fondant sur le gain réalisé par l’assuré en qualité d’indépendant, avant la survenance de l’incapacité de travail n’est pas affecté par des frais supplémentaires de remplacement ou par une éventuelle augmentation des autres charges d’exploitation liée à l’incapacité entière de travail.

Cela étant, l’assuré n’apparaît pas désavantagé par son statut d’indépendant au moment de la rechute. Pour ce motif déjà, sa situation n’a ainsi rien de comparable avec celle des assurés qui se trouvent dans un rapport particulier avec leur employeur et, de ce fait, perçoivent un gain inférieur à celui qu’ils pourraient réaliser normalement sur le marché du travail. Au demeurant, si le gain réalisé par l’intéressé dans son activité d’indépendant est modeste, cela est dû au fait que cette activité est réduite en raison de l’invalidité, laquelle ouvre d’ailleurs droit à une rente de l’assurance-accidents qui, elle, n’est pas calculée en fonction du revenu d’indépendant.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_14/2016 consultable ici : http://bit.ly/2jFq9WT

 

 

8C_716/2015 (f) du 13.06.2016 – Gain assuré pour l’indemnité journalière – 15 LAA – 5 RAVS / Prestations en nature (nourriture et logement) pour un fromager d’alpage engagé pour 3 mois / Calcul du gain annuel assuré pour un contrat de travail incluant les vacances – 48 semaines vs 52 semaines

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_716/2015 (f) du 13.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2aU6hge

 

Gain assuré pour l’indemnité journalière / 15 LAA – 5 RAVS

Prestations en nature (nourriture et logement) pour un fromager d’alpage engagé pour 3 mois

Calcul du gain annuel assuré pour un contrat de travail incluant les vacances – 48 semaines vs 52 semaines

 

Assuré engagé par un alpage, du 19.06.2010 au 19.09.2010 en qualité de fromager. Selon le contrat de travail signé le 19.06.2010, le salaire convenu était de CHF 130.00 par jour, auquel s’ajoutait une indemnité à titre de « pension » de CHF 10.00 par jour.

Le 19.06.2010, lors de son premier jour de travail, l’assuré a été grièvement brûlé à la suite d’une explosion due à une fuite de gaz.

L’assurance-accidents a alloué une indemnité journalière de CHF 73.85 pour une incapacité totale de travail en fonction d’un salaire assuré de CHF 33’677.00, étant précisé que son activité devait être qualifiée d’irrégulière. Ce montant correspondait à une moyenne des salaires des douze derniers mois ayant précédé l’accident. Lors d’une précédente procédure du 14.01.2014 (8C_296/2013), le TF a constaté que l’activité exercée par l’assuré au service de l’alpage ne présentait pas un caractère irrégulier. La cause a été renvoyé à l’assureur-accidents pour qu’il fixe l’indemnité journalière.

Une nouvelle décision a été rendue, fixant l’indemnité journalière à CHF 79.80, en se fondant sur un salaire annuel de CHF 36’400.00.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 02.09.2015, le tribunal cantonal a partiellement admis le recours et l’a réformée en ce sens que l’indemnité journalière était fixée à CHF 81.00.

 

TF

Prestations en nature

Selon l’art. 15 LAA, les indemnités journalières et les rentes sont calculées d’après le gain assuré (al. 1). Est réputé gain assuré pour le calcul des indemnités journalières le dernier salaire que l’assuré a reçu avant l’accident (art. 15 al. 2, première phrase). Le salaire que l’assuré a reçu en dernier lieu avant l’accident correspond en règle générale au salaire mensuel, à la semaine ou à l’heure, qui est converti en gain annuel puis divisé par 365 (art. 17 al. 3 LAA en lien avec l’art. 25 al. 1 et l’annexe 2 OLAA; cf. également ATF 139 V 464 consid. 2.2 p. 467). L’indemnité journalière correspond, en cas d’incapacité totale de travail, à 80 % du gain assuré (art. 17 al. 1 LAA).

Sous réserve de diverses dérogations qui ne concernent pas le présent cas, est réputé gain assuré le salaire déterminant au sens de la législation sur l’assurance-vieillesse et survivants (art. 22 al. 2 OLAA). Selon l’art. 5 al. 2 LAVS en lien avec l’art. 7 let. f RAVS, les prestations en nature ayant un caractère régulier font partie du salaire déterminant. L’art. 11 RAVS détermine de quelle manière doivent être calculées les prestations en nature, lorsqu’elles consistent en nourriture et logement. La nourriture et le logement des personnes employées dans l’entreprise et du personnel de maison sont évalués à 33 fr. par jour (art. 11 al. 1 RAVS). Si l’employeur ne fournit qu’en partie la nourriture et le logement, un montant de 11 fr. 50 par jour est pris en compte pour le logement, le solde de 21 fr. 50 étant réparti entre les trois repas journaliers (al. 2).

En l’espèce, selon le contrat de travail, le salaire convenu était de CHF 130.00 par jour, auquel s’ajoutait un montant de CHF 10.00 par jour à titre de « pension ». Il n’est pas contesté que l’employeur fournissait la pension, toutes les prestations en nature (logement et nourriture) étaient comprises dans le montant de CHF 140.00.

Pour ce qui est du logement, l’assuré était hébergé par l’employeur, dans une habitation à proximité de la fromagerie. Ces prestations en nature font partie du salaire déterminant conformément à l’art. 5 al. 2 LAVS et viennent donc s’ajouter au salaire en espèces. Pour calculer le gain annuel assuré, il faut ainsi partir d’un salaire déterminant de CHF 130.00 par jour, auquel il y a lieu d’ajouter le montant forfaitaire de CHF 33.00 par jour (et pas seulement CHF 10.00) prévu par l’art. 11 al. 2 RAVS pour la nourriture et le logement. Le gain assuré de l’assuré se monte dès lors à CHF 163.00 par jour.

 

Vacances

Le gain annuel se calcule sur une base de 52 semaines de travail lorsque le salaire horaire n’inclut pas l’indemnité pour vacances et jours fériés (cf. annexe 2 de l’OLAA : exemple b du calcul de l’indemnité journalière ; voir aussi l’arrêt U 52/99 du 10 novembre 1999 consid. 4d). Lorsque les congés payés sont déjà inclus dans le salaire horaire ou journalier, comme cela ressort de manière explicite du contrat de travail, il faut alors multiplier le salaire hebdomadaire non pas par 52 semaines mais par 48 semaines, pour tenir compte des 4 semaines de vacances auxquelles a droit le travailleur selon la loi, respectivement selon son contrat de travail (cf. art. 329a al. 1 CO). Pour calculer le gain assuré de l’assuré retenir une durée de travail hebdomadaire de 50 heures, réparties sur 5,5 jours, de sorte qu’il convient de multiplier le salaire journalier de CHF 163.00 par 5,5 jours et par 48 semaines. On obtient un gain assuré annuel de CHF 43’032.00 et une indemnité journalière de CHF 94.30 (43’032 fr. : 365 x 80 %) pour une incapacité totale de travail.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_716/2015 consultable ici : http://bit.ly/2aU6hge

 

 

8C_465/2015 (f) du 20.04.2016 – Gain assuré de l’IJ pour salaire soumis à de fortes variations – Recommandation ad hoc 3/84 – Indemnités de vacances et pour jours fériés non prises en compte

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_465/2015 (f) du 20.04.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1stJGdM

 

Gain assuré de l’IJ pour salaire soumis à de fortes variations / 15 LAA – 23 al. 3 OLAA – Recommandation ad hoc 3/84

Indemnités de vacances et pour jours fériés non prises en compte

 

Assuré, travaillant depuis le 05.06.2013 de manière irrégulière en qualité de vendeuse pour un salaire horaire de base de 17 fr. 70, victime d’une chute à vélo le 18.06.2014. L’assurance-accidents a alloué à l’assurée une indemnité journalière d’un montant de 64 fr. 85 pour une incapacité de travail entière, en se fondant sur le salaire perçu durant les mois de mars, avril et mai 2014. La méthode de calcul et le montant de l’indemnité journalière de l’assureur-accidents ont été confirmés par le tribunal cantonal, par jugement du 09.06.2015.

 

TF

Gain assuré de l’IJ pour salaire soumis à de fortes variations

Selon l’art. 15 LAA, les indemnités journalières et les rentes sont calculées d’après le gain assuré (al. 1). Les bases de calcul dans le temps du gain assuré sont différentes pour l’indemnité journalière et pour la rente (art. 15 al. 2 LAA). Est réputé gain assuré pour le calcul des indemnités journalières le dernier salaire que l’assuré a reçu avant l’accident (art. 15 al. 2, première phrase, LAA), y compris les éléments de salaire non encore perçus et auxquels il a droit (art. 22 al. 3 OLAA).

Conformément à la délégation de l’art. 15 al. 3 LAA, le Conseil fédéral a promulgué des dispositions sur la prise en considération du gain assuré dans des cas spéciaux, pour l’indemnité journalière (art. 23 OLAA) et pour les rentes (art. 24 OLAA). Ces dispositions ont pour but d’atténuer la rigueur de la règle du dernier salaire reçu avant l’accident, lorsque cette règle pourrait conduire à des résultats inéquitables ou insatisfaisants (JEAN-MAURICE FRÉSARD / MARGIT MOSER-SZELESS, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Sécurité sociale, 3ème éd. 2016, n° 183 p. 959; ALEXANDRA RUMO-JUNGO / ANDRÉ PIERRE HOLZER, Bundesgesetz über die Unfall-versicherung [UVG], 4ème éd. 2012, p. 114).

Selon l’art. 23 al. 3 OLAA, lorsque l’assuré n’exerce pas d’activité lucrative régulière ou lorsqu’il reçoit un salaire soumis à de fortes variations, il y a lieu de se fonder sur un salaire moyen équitable par jour.

La Commission ad hoc sinistres LAA (dans laquelle plusieurs assureurs LAA privés, ainsi que la CNA sont représentés) a été créée afin que les divers organismes appliquent la LAA de façon uniforme. Elle émet dans ce but des recommandations (consultables sur le site internet www.uvgadhoc.ch). C’est ainsi qu’elle a établi à l’intention des assureurs-accidents une recommandation pour l’application de l’art. 23 al. 3 OLAA (Recommandation n° 3/84 intitulée « Salaire déterminant pour les personnes exerçant une activité irrégulière et pour les travailleurs temporaires », du 18 juillet 1984, révisée le 31 mars 2014). Selon cette recommandation, pour les personnes exerçant une activité lucrative irrégulière (par exemple travailleurs à la tâche, travailleurs occasionnels, chauffeurs de taxi avec revenu dépendant du chiffre d’affaire), on tiendra compte dans la règle pour fixer l’indemnité journalière du salaire moyen réalisé pendant les trois derniers mois; en cas de très fortes variations, la période de référence peut être étendue au maximum à 12 mois.

Les recommandations de la Commission ad hoc sinistres LAA ne sont ni des ordonnances administratives, ni des directives de l’autorité de surveillance aux organes d’exécution de la loi. Elles ne créent pas de nouvelles règles de droit. Même si elles ne sont pas dépourvues d’importance sous l’angle de l’égalité de traitement des assurés, elles ne lient pas le juge (ATF 139 V 457 consid. 4.2 p. 460 s.; 134 V 277 consid. 3.5 p. 283 et les références citées).

En tant qu’elle prévoit, en règle générale, une période de référence portant sur les trois derniers mois de salaire et qu’elle n’étend cette période à douze mois qu’en cas de « très fortes variations » de salaire, la recommandation n° 3/84 pose des critères simples d’application permettant, dans la mesure du possible, d’assurer une égalité de traitement entre assurés. C’est pourquoi, bien qu’elle ne lie pas le juge, elle n’apparaît pas contraire à la loi, notamment dans la mesure où elle fait une distinction en fonction de l’importance de la variation de salaire. Il n’y a dès lors pas de raison de s’en écarter (voir arrêt 8C_207/2010 du 31 mai 2010 consid. 3.3.1).

Au demeurant, il ressort du calcul opéré par la cour cantonale que l’indemnité journalière calculée sur une période de douze mois est inférieure à l’indemnité fondée sur la période de calcul des trois derniers mois de salaire avant l’accident.

L’assurance-accidents était dès lors fondée à se référer aux trois derniers mois de salaire avant l’accident.

 

Indemnités de vacances et pour jours fériés non prises en compte

L’assurée critique le fait que les indemnités de vacances (10,64%) et pour jours fériés (2,4%), lesquelles représentent ensemble plus de 12% de son revenu, n’ont pas été prises en compte dans le calcul du gain assuré bien qu’elles aient été soumises à cotisation de l’assurance-accidents obligatoire.

Selon le Tribunal fédéral : de deux choses l’une: soit on suit le mode de calcul de l’assurance-accidents, confirmé par la cour cantonale, et l’on reporte sur une durée de 365 jours le gain obtenu par l’assurée durant les trois derniers mois d’activité (92 jours) après déduction des indemnités de vacances et pour jours fériés (7’395 fr. 70 [2’187 fr. 65 + 2’247 fr. 25 + 2’960 fr. 80]), ce qui donne un gain assuré annuel de 29’341 fr. 65 (7’395 fr. 70 : 92 x 365) et un gain assuré journalier de 80 fr. 40 (29’341 fr. 65 : 365 = 80 fr. 38), soit un montant encore légèrement inférieur au montant admis par la cour cantonale (81 fr. 05). Soit on tient compte des indemnités de vacances et pour jours fériés et l’on obtient, pour les trois derniers mois d’activité, un gain de 8’321 fr. 50 (2’466 fr. 35 + 2’525 fr. 65 + 3’329 fr. 50). Mais dans ce cas, les indemnités en cause, qui représentent environ 13% (10,64% + 2,4% = 13,04%) du salaire de base et qui sont destinées à rémunérer les périodes de repos, ne doivent pas être reportées sur une durée de 365 jours car cela conduirait à tenir compte deux fois de ces périodes (RAMA 1989 n° U 81 p. 382 consid. 2c), mais sur une durée de 318 jours (365 – [13% x 365]). On obtient ainsi un gain assuré annuel de 28’763 fr.40 (8’321 fr. 50 : 92 x 318) et un gain assuré journalier de 78 fr. 80 (28’763 fr.40 : 365), soit un montant également inférieur au montant retenu par la juridiction précédente.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_465/2015 consultable ici : http://bit.ly/1stJGdM

 

 

8C_307/2015 (f) du 08.10.2015 – Incapacité de travail totale préexistante pour maladie et accident avec nouvelle incapacité de travail – Droit à l’indemnité journalière – 16 LAA / Causalité outrepassante

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_307/2015 (f) du 08.10.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/21dvOOK

 

Incapacité de travail totale préexistante pour maladie et accident avec nouvelle incapacité de travail – Droit à l’indemnité journalière – 16 LAA

Causalité outrepassante

 

Assurée, née en 1956, travaillant en qualité d’aide de cuisine depuis le 15.08.2001, est en incapacité de travail à 100% pour cause de maladie à partir du 01.05.2007. Elle a perçu des indemnités journalières de l’assurance perte de gain maladie jusqu’au 31.03.2008, date de la résiliation du contrat de travail.

Le 08.10.2007, l’assurée a été victime d’une chute dans un trolleybus, à la suite d’un freinage brusque. Par déclaration d’accident-bagatelle LAA du 10.06.2008, l’ex-employeur de l’assurée a informé l’assureur-accidents que le 12.12.2007, l’assurée avait été victime d’une chute, en glissant sur la chaussée.

Par des décisions séparées du 02.06.2009, l’assureur-accidents a mis fin, d’une part, au droit de l’assurée à des « prestations à court terme (traitement médical) » pour les suites de l’accident du 08.10.2007 et, d’autre part, a nié le droit de celle-ci à des prestations pour les suites de l’accident du 12.12.2007. Se fondant sur l’avis de son médecin-consultant, spécialiste en chirurgie orthopédique, elle a considéré que dans les deux cas il n’existait pas de lien de causalité naturelle entre les événements accidentels et les troubles actuels de l’assurée.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 1/13 – 21/2015 – consultable ici : http://bit.ly/1QZx4pe)

Par jugement du 23.03.2015, rejet du recours en tant qu’il portait sur le droit à des indemnités journalières et à une rente d’invalidité et renvoi de la cause à l’assurance-accidents pour complément d’instruction et nouvelle décision sur le droit éventuel de l’assurée à la prise en charge des frais de traitement et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité.

 

TF

On parle de causalité outrepassante, lorsqu’après un événement dommageable se produisent de nouveaux faits, qui auraient entraîné le même dommage si celui-ci n’était pas déjà survenu. Dans ce cas, la cause subséquente ne peut plus avoir d’incidence ni sur la survenance ni sur l’étendue du dommage (voir Franz Werro, La responsabilité civile, 2 e éd. 2011, p. 63 s.; Thomas Probst, La causalité aujourd’hui, in Les causes du dommages, 2007, p. 20 s.).

La juridiction cantonale n’a pas nié le lien de causalité entre les accidents et les troubles de l’assurée. Se référant à la notion de causalité outrepassante, elle a toutefois considéré qu’un accident ne pouvait pas entraîner une incapacité de travail auprès d’une personne déjà dépourvue de toute capacité de travail. Aussi bien a-t-elle nié le droit de l’assurée aux indemnités journalières. Ces considérations sont pertinentes. En effet, depuis le mois de mai 2007, l’assurée était en incapacité de travail entière et durable dans son activité habituelle, en raison notamment de lombo-pseudo-sciatalgies chroniques et de troubles dégénératifs du rachis lombaire, ce qu’elle ne conteste pas. Dans ces conditions, force est de constater que les accidents des 08.10.2007 et 12.12.2007 n’ont pas provoqué une incapacité de travail supérieure à celle résultant des affections préexistantes. A cet égard, le fait que l’assurée a reçu des indemnités pour perte de gain en cas de maladie d’une assurance privée n’est pas décisif.

 

Le TF est rejeté.

 

 

Arrêt 8C_307/2015 consultable ici : http://bit.ly/21dvOOK

 

 

Remarque : la recommandation de la Commission ad hoc n° 13/85 (révision totale du 17 novembre 2008) et son annexe reprennent ce principe. L’annexe permet d’expliquer de manière compréhensible cette notion par un schéma.