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Le Conseil fédéral pose les bases d’une nouvelle révision de l’AI

Le Conseil fédéral pose les bases d’une nouvelle révision de l’AI

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.06.2025 consultable ici

 

Le Conseil fédéral élabore les bases d’une prochaine révision de l’AI. Celle-ci vise deux objectifs principaux. D’une part, l’augmentation des nouvelles rentes qui concerne notamment les jeunes souffrant de troubles psychiques graves, représente un défi important pour l’assurance-invalidité (AI). Lors de sa séance du 20 juin 2025, le Conseil fédéral a mandaté le Département fédéral de l’intérieur (DFI) afin qu’il étudie des mesures permettant de renforcer l’intégration sur le marché du travail. D’autre part, en raison de la détérioration des perspectives financières de l’AI dues à différents facteurs, le DFI est chargé d’étudier la mise en place d’un financement additionnel. Il devra également examiner les possibilités de désendettement de l’AI. Le Conseil fédéral entend adopter les lignes directrices de la révision début 2026.

Lors de sa séance du 20 décembre 2024, le Conseil fédéral avait chargé le DFI de lui soumettre des réflexions en vue d’une prochaine révision de l’AI. Celle-ci aura pour objectifs principaux de freiner la croissance des nouvelles rentes et de favoriser les sorties de l’assurance ainsi que de stabiliser les finances de l’AI. Elle permettra aussi d’offrir une vue d’ensemble de tous les projets en cours et d’assurer leur coordination. Depuis, le DFI a mené plusieurs consultations et ateliers réunissant les acteurs principaux. Ces échanges ont mis en évidence les conséquences, au niveau de l’AI, de la situation dans le domaine de la santé mentale, ainsi que la nécessité d’agir notamment pour améliorer l’accompagnement des personnes souffrant de troubles psychiques graves.

 

Mieux accompagner les jeunes assurés

Le développement d’une prestation d’intégration visant en particulier les jeunes sera examiné. Son objectif est d’éviter un octroi trop précoce d’une rente au moyen d’un accompagnement individuel et renforcé des jeunes assurés. Par ailleurs, la dernière révision «Développement continu de l’AI» a déjà introduit des mesures pour freiner la hausse des rentes chez les jeunes et favoriser leur réadaptation. Le conseil et l’accompagnement des jeunes assurés en transition entre l’école obligatoire et la formation professionnelle initiale ont par exemple été renforcés. Ces mesures doivent encore être améliorées – par exemple en matière de formation, de suivi des cas ou de collaboration entre les différents acteurs –, en tenant compte des résultats de l’évaluation en cours du Développement continu de l’AI.

 

Une situation financière préoccupante

Selon les données disponibles et les prévisions démographiques et économiques, la situation de l’AI se détériore. En 2024, le nombre de nouvelles rentes a continué d’augmenter par rapport à 2023, une tendance confirmée au premier trimestre 2025. Les raisons de cette détérioration sont multiples. Le DFI en a informé le Conseil fédéral le 6 novembre 2024. Au cours des dernières années, les réserves sont tombées à 37,5% des dépenses annuelles, bien en dessous du seuil légal de 50%. Dans ce contexte, le Conseil fédéral a chargé le DFI d’examiner un financement additionnel pour consolider les finances de l’AI. Il devra aussi étudier les possibilités de désendettement de l’AI. Celle-ci présente en effet une dette d’environ 10 milliards de francs envers l’AVS. Les discussions sur un financement supplémentaire de l’AI devront être coordonnées avec celles relatives à l’AVS.

 

Prochaines étapes

Le DFI présentera au Conseil fédéral, d’ici au premier trimestre 2026, des propositions détaillées. Le Conseil fédéral mettra la révision en consultation d’ici fin 2026.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.06.2025 consultable ici

Communiqué de presse de l’OFAS du 06.11.2024, Perspectives financières actualisées de l’AI, consultable ici

 

8C_398/2024 (d) du 26.03.2025 – Diagnostics à retenir – Capacité de travail exigible – Valeur probante d’un avis du SMR

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_398/2024 (d) du 26.03.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Diagnostics à retenir – Capacité de travail exigible – Valeur probante d’un avis du SMR / 43 LPGA

 

Résumé
Dans l’arrêt 8C_398/2024, le Tribunal fédéral a admis le recours d’un assuré contre le jugement de l’instance cantonale qui avait confirmé le refus de lui octroyer une rente d’invalidité. Le TF a relevé d’importantes contradictions entre les différentes évaluations médicales relatives à sa capacité de travail, notamment entre le rapport des experts psychiatre et neurologue (expertise mise en œuvre par l’assurance PGM) et les avis du Service médical régional, sans qu’une discussion suffisante de ces divergences ait été menée. Estimant que les conditions légales relatives à la valeur probante des avis médicaux internes n’avaient pas été respectées, le TF a considéré que la fiabilité des fondements médicaux retenus était insuffisante. La cause a dès lors été renvoyée à l’office AI pour complément d’instruction.

 

Faits
Assuré, né en 1991, avait été employé en qualité de conseiller financier en formation auprès de B. SA depuis mars 2020. L’employeur mit fin au contrat de travail pour cause de surmenage à fin novembre 2021.

Demande AI en août 2021, invoquant notamment des douleurs croissantes de l’appareil locomoteur depuis plusieurs années.

L’office AI se procura le dossier de l’assureur perte de gain maladie. Diagnostic de fibromyalgie établi en février 2020 lors d’une consultation à la clinique de rhumatologie de l’hôpital E. Selon le rapport du psychiatre traitant, qui suivait l’assuré depuis novembre 2013, un nouvel épisode dépressif survint en février 2021. Il attesta une incapacité totale de travail à compter du 01.03.2021. En janvier 2022, l’assuré fut hospitalisé au centre pulmonaire en raison d’embolies pulmonaires bilatérales, et fut par la suite suivi par un spécialiste en médecine interne et hématologie. Par ailleurs, une évaluation gastroentérologique fut réalisée en février 2022 au centre de gastroentérologie. L’assureur perte de gain maladie ordonna une évaluation de la capacité fonctionnelle, complétée par un examen neuropsychiatrique et de performance psychologique (expertise par un psychiatre et une neurologue).

Sur la base des avis du SMR, l’office AI refusa le droit à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt IV.2023.00649 – consultable ici)

Par jugement du 15.05.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4
Le tribunal cantonal a exposé de manière correcte les dispositions et principes relatifs à l’incapacité de gain (art. 7 LPGA) et à l’invalidité (art. 8 LPGA), au droit à une rente d’invalidité (art. 28 et 28b LAI), ainsi qu’à la valeur probante des rapports et expertises médicaux en général (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 125 V 351 consid. 3a avec renvoi) et des avis médicaux internes à l’assurance en particulier (ATF 139 V 225 consid. 5.2 ; 135 V 465 consid. 4.4 ; 125 V 351 consid. 3b/ee ; 122 V 157 consid. 1d). Il convient de souligner qu’une expertise obtenue par l’assureur en cas d’indemnités journalières de maladie en dehors de la procédure prévue à l’art. 44 LPGA n’a, selon la pratique, que la valeur probante d’un avis médical interne à l’assurance (arrêts 8C_247/2024 du 12 décembre 2024 consid. 2.3 ; 9C_634/2019 du 12 novembre 2019 consid. 4.3 ; 8C_71/2016 du 1er juillet 2016 consid. 5.2).

Consid. 5.1
Selon l’autorité cantonale, l’assuré est, sur la base des avis du SMR, capable de travailler à 80% dans son activité habituelle, en raison d’un syndrome douloureux et avec un besoin accru de pauses (en lien avec les troubles gastro-intestinaux [iléite/maladie de Crohn]), et à 100% dans une activité adaptée à ses limitations. D’un point de vue psychiatrique, il n’existerait pas d’atteinte durable à la santé, le diagnostic de trouble de stress post-traumatique posée par le psychiatre traitant n’ayant pas pu être confirmée.

Consid. 6.1
Il convient tout d’abord de rappeler que tous les rapports médicaux que l’autorité cantonale a considérés comme déterminants pour l’évaluation de la capacité de travail sont soumis aux règles applicables aux avis médicaux internes à l’assurance. Si ne serait-ce que de légers doutes existent quant à leur fiabilité, il n’est pas possible de s’y fier (cf. consid. 4 supra).

Consid. 6.3
Tandis que les spécialistes en médecine physique et réadaptation ainsi qu’en rhumatologie ont attesté une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée aux limitations (ce sur quoi le rhumatologue du SMR s’est également fondé), l’évaluation neuropsychiatrique et des performances psychologiques effectuée également au printemps 2022 a conclu à une limitation totale (100%) du potentiel fonctionnel en lien avec l’activité professionnelle. Cette atteinte a été attribuée principalement à un trouble complexe consécutif à un traumatisme, bien qu’un diagnostic psychiatrique fasse défaut dans le rapport. Après sa réévaluation neurologique en septembre 2022, l’experte neurologue a continué de considérer l’atteinte comme uniquement temporaire. Toutefois, elle n’a constaté qu’une légère amélioration des constatations cliniques, a maintenu une limitation de 50 à 60% et a recommandé une nouvelle évaluation dans un délai d’environ deux mois. L’avis de la spécialiste en psychiatrie et psychothérapie du SMR s’écarte quant à lui de manière notable de celui de l’experte neurologue. Selon la médecin du SMR, un trouble de stress post-traumatique (CIM-10 F43.1) ne peut être déduit malgré les traumatismes subis, car la symptomatologie requise ferait défaut. Il en irait de même, selon elle, en ce qui concerne l’épisode dépressif allégué. Ce faisant, elle ne fait aucunement référence aux observations des experts psychiatre et neurologue ni aux prises de position du psychiatre traitant, et ne motive pas davantage son avis.

Consid. 6.4
Il existe ainsi d’importantes contradictions entre les différentes évaluations de la capacité de travail, sans que les divergences entre les avis aient été examinées dans chaque cas. Cela suffit à susciter des doutes quant à la fiabilité de l’ensemble des appréciations internes à l’assurance. En considérant de manière sélective le rapport des experts psychiatre et neurologue et l’avis de la spécialiste en psychiatrie et psychothérapie du SMR comme pleinement probants, le tribunal cantonal a enfreint les règles applicables en matière de valeur probante de tels avis. Faute de bases médicales fiables pour évaluer la capacité de travail, l’affaire doit être renvoyée à l’office AI pour les investigations complémentaires nécessaires.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_398/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_398/2024 (d) du 26.03.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/06/8c_398-2024)

 

8C_529/2024 (d) du 27.03.2025 – Frais d’expertise judiciaire à charge de l’administration – Absence de motivation du tribunal cantonal sur le montant retenu

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_529/2024 (d) du 27.03.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Frais d’expertise judiciaire à charge de l’administration / 43 LPGA

Absence de motivation du tribunal cantonal sur le montant retenu / 61 LPGA

 

Résumé
Dans l’arrêt 8C_529/2024, le Tribunal fédéral s’est prononcé sur la question de savoir si c’est à juste titre que le tribunal cantonal avait mis à la charge de l’office AI les frais d’une expertise judiciaire s’élevant à 14’200 francs. Il a jugé que, si la mise à charge en soi n’était pas contestée, l’instance cantonale avait omis de motiver de manière suffisante le montant retenu, notamment au regard des honoraires facturés et de la jurisprudence relative aux tarifs applicables. Le Tribunal fédéral a rappelé que le tarif MEDAS [COMAI] pouvait servir de référence, sans toutefois lier les tribunaux, et que toute dérogation devait être dûment justifiée. En l’absence d’une telle motivation, le Tribunal fédéral a renvoyé la cause au tribunal cantonal afin qu’il examine plus précisément les notes d’honoraires des experts et rende une nouvelle décision sur le montant devant être supporté par l’office AI.

 

Faits

Assuré, né en 1993, a déposé une demande AI le 05.07.2019. L’office a notamment ordonné des mesures d’intervention précoce, ainsi qu’une expertise pluridisciplinaire (neurologie, rhumatologie, médecine interne et psychiatrie). Par décision du 4 juillet 2022, l’office AI a nié le droit de l’assuré à des mesures de réadaptation et à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 25.07.2024, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision et reconnaissant le droit de l’assuré à une rente entière dès le 01.02.2020, à une rente de 68% dès le 01.06.2022 et une rente de 59% dès le 01.11.2022. La cour cantonale a en outre mis à la charge de l’office AI les frais des expertises judiciaires ordonnées, réalisées en neuropsychologie et en psychiatrie, pour un montant total de 14’200 francs.

 

TF

Consid. 2.1
Est uniquement litigieuse la question de savoir si l’autorité cantonale a violé le droit fédéral en imposant l’office AI la prise en charge des frais de l’expertise judiciaire à hauteur de 14’200 francs. Il n’est pas contesté que les conditions pour une mise à charge des frais sont remplies en l’espèce (voir à ce sujet ATF 143 V 269 consid. 3.3 ; 140 V 70 consid. 6.1 ; 139 V 496 consid. 4.4 ; arrêt 9C_325/2024 du 24 octobre 2024 consid. 6.1.1, destiné à la publication). Il peut donc être renoncé à des développements à ce sujet.

Consid. 2.2
S’agissant de la mise à charge aux offices AI des frais d’expertises judiciaires pluridisciplinaires, il manquait une base légale fédérale permettant à l’OFAS de conclure avec les MEDAS [COMAI] des conventions tarifaires applicables également aux procédures de recours de première instance (ATF 143 V 269 consid. 6.2.2). Les offices AI doivent assumer, dans le cadre des principes définis par l’ATF 139 V 496, l’intégralité des frais de l’expertise judiciaire. Le tarif convenu par l’OFAS avec les MEDAS peut toutefois servir de ligne directrice à laquelle les parties doivent se référer. Cela à l’instar d’une directive ou d’une ordonnance administrative, qui ne lie pas le tribunal, mais doit néanmoins être prise en considération, pour autant qu’elle permette une solution adaptée au cas d’espèce (cf. ATF 141 III 401 consid. 4.2.2). Cela signifie qu’il convient d’exposer les raisons pour lesquelles, dans le cas concret, les forfaits prévus par le tarif en question ne suffiraient pas, et qu’on ne saurait non plus recourir simplement à la catégorie Tarmed D (« expertise présentant un degré de difficulté supérieur à la moyenne ») ou même E (« cas exceptionnellement difficiles ») (ATF 143 V 269 consid. 7.3).

Consid. 3.1
L’office AI recourant fait valoir que l’autorité cantonale a conclu qu’au cours de la procédure administrative, l’état de fait n’avait pas été suffisamment clarifié et que cette lacune dans les investigations devait être comblée dans le cadre de la procédure judiciaire. C’est pour cette raison que les frais d’expertise de 14’200 francs devaient être supportés par l’office AI. L’instance cantonale aurait, d’une part, omis d’examiner les honoraires du psychiatre et du neuropsychologue et, d’autre part, elle n’aurait pas exposé, en violation de son devoir de motivation au sens de l’art. 61 al. 1 let. h LPGA, quelles instructions de l’OFAS pourraient servir de ligne directrice pour ces investigations conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral. Entre-temps, un accord a été conclu avec l’OFAS concernant l’établissement d’expertises bidisciplinaires, qui pourrait servir de référence. Cet accord contient également des dispositions sur la rémunération, avec en annexe des tarifs supplémentaires et des explications relatives à la rémunération des expertises bidisciplinaires, selon lesquelles un examen neuropsychologique est considéré uniquement comme une investigation complémentaire. Il s’agirait donc d’une expertise psychiatrique monodisciplinaire avec un examen neuropsychologique complémentaire.

Consid. 3.2
L’office AI recourant fait valoir à juste titre que le montant de 14’200 francs dépasse ce à quoi l’on peut s’attendre habituellement, l’investigation complémentaire neuropsychologique ayant à elle seule été estimée à 5’200 francs. Dans l’arrêt 9C_573/2023 du 23 juillet 2024 consid. 8.4, le Tribunal fédéral est parvenu à une conclusion similaire pour une expertise psychiatrique dont les frais allégués s’élevaient à 16’560 francs (voir également les autres exemples cités dans l’arrêt précité : arrêts 8C_98/2023 du 10 août 2023 : 10’000 francs [publié partiellement in : SVR 2023 UV n° 52 p. 184] ; 8C_60/2023 du 14 juillet 2023 : 11’352.50 francs ; arrêt 9C_13/2012 du 20 août 2012 : 6’774 francs ainsi que l’arrêt 9C_492/2021 du 23 août 2022, état de fait let. B et consid. 7 : 5’500 francs).

Consid. 4.1
Comme le fait valoir à juste titre l’office AI, l’instance cantonale a constaté, en ce qui concerne la mise à charge des frais d’expertise d’un montant de 14’200 francs, uniquement que ceux-ci devaient être supportés par l’administration en raison de l’établissement incomplet des faits dans la procédure administrative.

Consid. 4.2
Eu égard aux frais d’expertise s’élevant au total à 14’200 francs, l’instance cantonale aurait été tenue, au vu de ce qui précède, de motiver la mise à charge d’un tel montant (cf. consid. 2.2 supra). Même s’il faut admettre qu’elle s’est appuyée pour ce faire sur la note d’honoraires figurant dans le dossier cantonal, établie par le neuropsychologue pour un montant de 5’200 francs, ainsi que sur la note d’honoraires non détaillée du psychiatre s’élevant à 9’000 francs, cela ne ressort pas de l’arrêt attaqué. Aucune discussion concernant les honoraires facturés n’a eu lieu, ce qui aurait pourtant été indiqué, ne serait-ce qu’en raison de leur montant (cf. consid. 2.2 et 3.2 supra).

Dans ces circonstances, il se justifie de renvoyer la cause à l’instance précédente afin qu’elle examine les notes d’honoraires et qu’elle rende une nouvelle décision sur le montant des honoraires d’expertise devant être pris en charge par l’office AI. Aucun motif n’est exposé dans le recours pour justifier une réduction de moitié laissée à l’appréciation du Tribunal fédéral ; il n’y a donc pas lieu d’entrer en matière sur ce point. Le recours est fondé sur le point principal.

 

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

Arrêt 8C_529/2024 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_529/2024 (d) du 27.03.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/06/8c_529-2024)

8C_395/2024 (d) du 26.03.2025 – Frais d’expertise judiciaire à charge de l’administration – Absence de motivation du tribunal cantonal sur le montant retenu

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_395/2024 (d) du 26.03.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Frais d’expertise judiciaire à charge de l’administration / 43 LPGA

Absence de motivation du tribunal cantonal sur le montant retenu / 61 LPGA

 

Résumé
Dans l’arrêt 8C_395/2024, le Tribunal fédéral s’est prononcé sur la légalité de la décision de l’instance cantonale mettant à la charge de l’office AI les frais d’une expertise judiciaire monodisciplinaire psychiatrique, incluant une évaluation neuropsychologique, d’un montant total de CHF 24’171.65. Il a jugé que l’instance cantonale avait violé le droit fédéral en ne motivant pas de manière suffisante ce montant, lequel dépassait nettement les coûts usuellement observés pour des expertises similaires (cf. ATF 143 V 269 consid. 7.3 ; 9C_573/2023 consid. 8.4). Le Tribunal fédéral a rappelé que le tarif MEDAS [COMAI] pouvait servir de référence, sans toutefois lier les tribunaux, et que toute dérogation devait être dûment justifiée. Le recours de l’office AI a été admis et la cause renvoyée à l’instance cantonale pour nouvelle décision sur la prise en charge des frais.

 

Faits

Assuré, né en 1963, a déposé une demande AI le 07.07.2004. L’office AI lui a reconnu le droit à une rente entière d’invalidité dès le 01.11.2004 (invalidité de 100%). Ce droit avait été confirmé lors de révisions menées en 2006 et en 2010.

Après que l’assuré était retourné en Tunisie, l’OAIE a procédé à une révision à l’automne 2014. Dans le cadre de ses investigations, il avait requis une expertise psychiatrique.

En avril 2017, l’assuré a repris un domicile dans le canton de Bâle-Campagne. Par décision du 27.06.2017, l’office AI a supprimé la rente entière au motif d’une révision procédurale, au motif qu’il n’y avait jamais eu de schizophrénie paranoïde grave et que l’assuré avait toujours conservé sa capacité de travail. Le tribunal cantonal a admis le recours annulant et renvoyant la cause pour instruction complémentaire.

Une nouvelle expertise psychiatrique a été mise en œuvre. Le nouvel expert est parvenu à la même conclusion que la précédente experte psychiatre. Par nouvelle décision, et après l’échec des mesures de réinsertion, l’office AI a supprimé la rente entière avec effet à la fin du mois suivant la notification de cette décision.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 11.04.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal. La cour cantonale a mis à charge de l’office AI les frais de l’expertise judiciaire, pour un montant total de CHF 24’171.65 (y compris les coûts de l’examen neuropsychologique).

 

TF

Consid. 2.1
Est uniquement litigieuse la question de savoir si l’autorité cantonale a violé le droit fédéral en imposant à l’office AI la prise en charge des frais de l’expertise judiciaire monodisciplinaire à hauteur de CHF 24’171.65. Il n’est pas contesté que les conditions pour une mise à charge des frais sont remplies en l’espèce (cf. à ce sujet ATF 143 V 269 consid. 3.3 ; 140 V 70 consid. 6.1 ; 139 V 496 consid. 4.4 ; arrêt 9C_325/2024 du 24 octobre 2024 consid. 6.1.1, destiné à la publication). Il peut donc être renoncé à des développements à ce sujet.

Consid. 2.2
S’agissant de la mise à charge aux offices AI des frais d’expertises judiciaires pluridisciplinaires, il manquait une base légale fédérale permettant à l’OFAS de conclure avec les MEDAS [COMAI] des conventions tarifaires applicables également aux procédures de recours de première instance (ATF 143 V 269 consid. 6.2.2). Les offices AI doivent assumer, dans le cadre des principes définis par l’ATF 139 V 496, l’intégralité des frais de l’expertise judiciaire. Le tarif convenu par l’OFAS avec les MEDAS peut toutefois servir de ligne directrice à laquelle les parties doivent se référer. Cela à l’instar d’une directive ou d’une ordonnance administrative, qui ne lie pas le tribunal, mais doit néanmoins être prise en considération, pour autant qu’elle permette une solution adaptée au cas d’espèce (cf. ATF 141 III 401 consid. 4.2.2). Cela signifie qu’il convient d’exposer les raisons pour lesquelles, dans le cas concret, les forfaits prévus par le tarif en question ne suffiraient pas, et qu’on ne saurait non plus recourir simplement à la catégorie Tarmed D (« expertise présentant un degré de difficulté supérieur à la moyenne ») ou même E (« cas exceptionnellement difficiles ») (ATF 143 V 269 consid. 7.3).

Consid. 3.1
L’office AI recourant fait valoir à juste titre que les frais réclamés dans la note d’honoraires pour l’expertise judiciaire monodisciplinaire (comportant 32 pages, d’une longueur moyenne), y compris une évaluation neuropsychologique, s’élevant à un total de CHF 24’171.65, dépassaient de manière significative les coûts habituellement attendus pour ce type d’expertise.

Dans l’arrêt 9C_573/2023 du 23 juillet 2024, consid. 8.4, le Tribunal fédéral est arrivé à une conclusion similaire pour une expertise psychiatrique de CHF 16’560.– (cf. à ce sujet les autres exemples mentionnés dans l’arrêt précité : arrêts 8C_98/2023 du 10 août 2023  : CHF 10’000.– [partiellement publié in : SVR 2023 UV n° 52 p. 184] ; 8C_60/2023 du 14 juillet 2023 : CHF 11’352.50 ; arrêt 9C_13/2012 du 20 août 2012 : CHF 6’774.– ainsi que l’arrêt 9C_492/2021 du 23 août 2022 : CHF 5’500.–).

De manière cohérente, l’office AI recourant expose de façon compréhensible qu’au cours des trois dernières années, elle a supporté des coûts de CHF 4’200.– et CHF 10’315.– pour des expertises judiciaires psychiatriques monodisciplinaires, et qu’une expertise judiciaire monodisciplinaire psychiatrique avec évaluation neuropsychologique avait coûté CHF 11’058.–. Les expertises judiciaires somatiques monodisciplinaires se situaient entre CHF 1’100.– et CHF 5’570.–. Pour des expertises judiciaires bidisciplinaires, elle avait pris en charge des montants de CHF 10’159.– à CHF 12’655.–. Même les expertises judiciaires pluridisciplinaires avaient été moins onéreuses, avec des coûts compris entre CHF 16’088.– et CHF 19’890.–, que la présente expertise monodisciplinaire. Aucun motif compréhensible ne permet de justifier un tel montant pour la présente expertise judiciaire, d’autant que l’instance cantonale ne s’est pas exprimée sur ce point. Aucun besoin accru de clarification, justifiant les coûts nettement plus élevés par rapport à d’autres expertises judiciaires, n’était discernable. Les frais invoqués devaient ainsi être qualifiés d’arbitraires et, en définitive, ne pouvaient être soutenus, de sorte que l’instance précédente, en violant son devoir de motivation sur ce point, avait enfreint le droit fédéral.

Consid. 4
Dans l’arrêt attaqué, l’instance cantonale a uniquement considéré, au sujet de la mise à charge des frais de l’expertise judiciaire, que les coûts de CHF 24’171.65 se composaient de la note d’honoraires du psychiatre d’un montant de CHF 23’709.55 pour l’établissement de l’expertise, ainsi que des frais des analyses de laboratoire à hauteur de CHF 462.10. Elle n’a pas motivé, en violation du droit fédéral, la mise à charge des frais dans leur globalité (cf. déjà cité arrêt 9C_573/2023 consid. 8.4).

Dès lors que la cour cantonale a, dans le cadre de la procédure devant la dernière instance, exprimé son accord avec un renvoi de la cause pour qu’elle puisse s’en saisir plus en détail, il se justifie sans autre de lui renvoyer la cause à cette fin. Elle devra examiner la note d’honoraires, procéder si nécessaire à de nouvelles investigations et statuer à nouveau sur le montant des frais de l’expertise judiciaire à mettre à la charge de la recourante. Le recours est fondé.

 

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

Arrêt 8C_395/2024 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_395/2024 (d) du 26.03.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/06/8c_395-2024)

 

 

8C_628/2024 (f) du 25.03.2025 – Capacité de travail exigible – Valeur probante de l’expertise pluridisciplinaire

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_628/2024 (f) du 25.03.2025

 

Consultable ici

 

Capacité de travail exigible – Valeur probante de l’expertise pluridisciplinaire / 16 LPGA – 44 LPGA

 

Assurée, née en 1974 et titulaire d’une formation d’employée de commerce, a exercé en tant que comptable indépendante sous une raison individuelle créée en septembre 2013, jusqu’à la faillite de cette dernière en février 2020. En janvier 2020, elle a sollicité des prestations auprès de l’office AI, invoquant un trouble bipolaire de type 2 et un syndrome douloureux somatoforme persistant, diagnostiqués depuis 2002.

L’office AI a ordonné plusieurs mesures d’instruction, incluant la collecte d’avis médicaux et une expertise pluridisciplinaire (avec volets en médecine interne, rhumatologie, psychiatrie et bilan neuropsychologique). Dans leur rapport du 13 mai 2022, les experts ont conclu à une capacité de travail, définie par le volet psychiatrique, de 0% entre décembre 2019 et février 2022 et de 50% dès mars 2022, dans toute activité. Une enquête économique complémentaire a été réalisée pour évaluer l’activité indépendante.

Se fondant sur l’avis de son SMR, aux termes duquel l’assurée présentait une capacité de travail similaire dans toute activité, y compris dans l’activité habituelle, l’office AI a admis que le taux d’invalidité se confondait avec celui de l’incapacité de travail. Par décision du 26.07.2023, procédant à une comparaison en pour-cent, l’office AI a reconnu à l’assuré le droit à une rente entière d’invalidité à partir du 01.07.2020 puis à une demi-rente d’invalidité dès le 01.03.2022.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/737/2024 – consultable ici)

Par jugement du 27.09.2024, admission partielle du recours par le tribunal cantonal et maintien du droit à une rente entière d’invalidité dès le 01.03.2022.

 

TF

Consid. 4 [résumé]
La cour cantonale a mis en doute la valeur probante de l’expertise pluridisciplinaire, soulignant que l’évaluation d’une capacité de travail durable de 50% dès fin février 2022 paraissait contredite par les données médicales. Bien que l’état psychique de l’assurée se soit partiellement amélioré après ses hospitalisations en 2021-2022, les scores de dépression (BDI-II : 29) et d’anxiété (échelle de Hamilton : 23) indiquaient toujours une pathologie sévère. La conclusion de l’expert, selon laquelle l’assurée avait recouvré une capacité de travail durable de 50% dès la fin de sa dernière hospitalisation ne convainquait pas, dès lors que cet expert faisait état, de décembre 2019 à février 2022, d’une évolution trop chaotique et de périodes d’amélioration trop courtes ou trop fluctuantes pour attester d’une amélioration pérenne. De plus, l’anamnèse dressée par l’expert psychiatre indiquait des difficultés dans le classement des archives des anciens clients de l’assurée, difficultés qui avaient également été relevées lors de l’enquête économique effectuée en août 2022, soit près de cinq mois plus tard. La juridiction cantonale a encore souligné que la psychiatre traitante avait attesté d’une incapacité totale de travail de l’assurée depuis qu’elle la suivait (octobre 2022).

Sur le plan somatique, le constat du rhumatologue – qui excluait tout impact incapacitant des diagnostics de fibromyalgie, syndrome lombo-vertébral chronique ou obésité – a été jugé insuffisamment motivé. La cour cantonale a notamment relevé l’absence d’examen concret des répercussions fonctionnelles de ces pathologies et l’omission d’analyser spécifiquement la fibromyalgie conformément à la jurisprudence, ni lors de l’évaluation consensuelle.

Cela étant, la cour cantonale a considéré qu’il n’était pas indispensable de compléter l’instruction. S’appuyant sur les limitations fonctionnelles établies (difficultés à mobiliser ses ressources pendant un long moment, mauvaise gestion de son stress, fatigabilité, difficultés de concentration, d’attention et de mémoire de travail) et le bilan neuropsychologique révélant des atteintes cognitives moyennes, la cour cantonale a estimé que l’activité habituelle de comptable – exigeant de fortes capacités attentionnelles – n’était pas la mieux adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assurée et qu’une profession moins exigeante sur le plan intellectuel correspondait mieux aux aptitudes de cette dernière.

Elle a dès lors rejeté la méthode de comparaison en pour-cent utilisée par l’office AI au profit de la méthode ordinaire de comparaison des revenus, s’appuyant sur l’ESS 2020. Elle a évalué le revenu d’invalide à l’aide de la table TA1_tirage_skill_level, ligne « total », appliquant le niveau de compétences 1 puis le niveau 2, et tenant compte d’une capacité de travail de 50% « en partant de l’hypothèse que les conclusions des experts […] au sujet de la capacité de travail […] soient probantes ». Elle a conclu que dans toutes les hypothèses, le taux d’invalidité n’était pas inférieur à 70%.

Consid. 6.1
En l’occurrence, la cour cantonale a considéré que les experts ne motivaient pas de façon suffisante leurs conclusions sur la capacité de travail ; elle n’en a pas pour autant formellement nié le caractère probant.

Cela étant, elle a émis des doutes sur le caractère durable de l’amélioration de l’état de santé psychique de l’assurée et sur sa capacité à travailler à 50% dès le 01.03.2022. Ses doutes résultaient de ses constatations relatives à la situation médicale, où elle reprenait le contenu du volet psychiatrique de l’expertise du 13.05.2022, qu’elle comparait aux lettres de sortie des récentes hospitalisations de l’assurée (séjour au service de psychiatrie adulte de l’Hôpital B.__ du 30.11.2021 au 10.01.2022; séjour à la Clinique C.__ du 08.02.2022 au 28.02.2022), à ses déclarations lors de l’enquête économique effectuée en août 2022 et à l’avis de la psychiatre traitante qui la suivait depuis octobre 2022.

La juridiction cantonale a également mis en doute le fait que l’activité habituelle de comptable apparaisse comme réellement adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assurée. Pour autant, elle a renoncé à compléter l’instruction, laissant ouverte la question de la valeur probante de l’expertise, tout comme celle de la capacité de travail dont disposait l’assurée dès le 01.03.2022. Elle a ensuite retenu, nonobstant ses doutes, que l’assurée n’était en mesure que de reprendre à 50% une activité professionnelle adaptée à ses limitations fonctionnelles – l’activité exercée précédemment étant exclue dans ce contexte -, ce qui justifiait d’appliquer la méthode ordinaire de comparaison des revenus pour l’évaluation de l’invalidité.

En procédant ainsi, la juridiction cantonale a agi de manière contradictoire et arbitraire. Elle ne pouvait pas, sans nier la valeur probante de l’expertise ni compléter l’instruction par une nouvelle expertise, s’écarter des constatations des experts relatives à la capacité résiduelle de travail de l’assurée dans l’activité habituelle. On rappellera, comme le fait du reste valoir l’office AI recourant, que la capacité de travail dont dispose l’assurée dès le 01.03.2022 – dans son activité habituelle de comptable et dans une activité adaptée – a une influence sur l’évaluation du revenu d’invalide, et corollairement sur la quotité de la rente. Eu égard aux doutes – fondés – sur cet aspect, ainsi que sur la question de l’amélioration – durable ou non – de l’état de santé de l’assurée au 01.03.2022 (art. 88a al. 1 RAI), l’instruction médicale doit être complétée.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et la décision, la cause étant renvoyée à l’office AI pour mise en œuvre d’une nouvelle expertise et nouvelle décision.

 

Arrêt 8C_628/2024 consultable ici

 

Publication du rapport de recherche : «Évaluation des nouveautés dans le domaine des expertises médicales dans l’assurance-invalidité» dans le cadre du Programme de recherche de l’assurance-invalidité

Publication du rapport de recherche : «Évaluation des nouveautés dans le domaine des expertises médicales dans l’assurance-invalidité» dans le cadre du Programme de recherche de l’assurance-invalidité

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 22.05.2025 consultable ici

Rapport «Evaluation der Neuerungen im Bereich der medizinischen Begutachtungen in der Invalidenversicherung» (Numéro du rapport 5/25) disponible ici

Article de Christian Bolliger/Martina Flick Witzig, Expertises AI : mise en œuvre des dernières nouveautés, paru in Sécurité Sociale CHSS du 22.05.2025 consultable ici

En test sur le site : En cas de manque de temps, je vous propose un podcast (créé par IA) basé sur le rapport de recherche et l’article paru in CHSS disponible ici
(6 min.34)

 

Résumé (issu du rapport de recherche)

Lors de l’examen du droit aux prestations, l’assurance-invalidité (AI) s’appuie sur des expertises médicales réalisées par des experts indépendants si les informations dont elle dispose ne lui permettent pas d’établir elle-même les faits médicaux. Grâce au Développement continu de l’assurance-invalidité (DC AI) entré en vigueur le 1er janvier 2022, le législateur a pu apporter plusieurs modifications aux modalités d’attribution et de réalisation des expertises médicales ; ces changements doivent contribuer à améliorer la qualité des expertises et à accroître leur transparence. La plupart concernent toutes les assurances sociales. Ainsi, les exigences en matière de qualification des experts ont été renforcées. Les offices AI doivent désormais tenir des listes publiques contenant des informations sur les experts qu’ils mandatent. Les entretiens entre l’assuré et l’expert font l’objet d’un enregistrement sonore, à moins que l’assuré ne s’y oppose. L’attribution des expertises bidisciplinaires est désormais soumise à la procédure aléatoire. Pour les expertises monodisciplinaires, la recherche d’un consensus entre l’assurance et l’assuré en cas de désaccord sur le choix de l’expert a été précisée et les possibilités de contester l’attribution des expertises ont été restreintes. Enfin, une commission a été instituée : il s’agit de la Commission fédérale pour l’assurance qualité des expertises médicales (COQEM).

 

Problématique et procédure

La présente évaluation a permis pour la première fois d’examiner de plus près les expériences faites depuis la mise en place de ces changements dans l’AI. Le but consistait, premièrement, à analyser la mise en œuvre et les difficultés observées ; deuxièmement, à réunir différentes données de référence concernant l’attribution des expertises, en précisant si possible l’évolution au fil du temps ; troisièmement, à analyser l’évolution du marché des expertises, c’est-à-dire l’offre d’experts ; et quatrièmement, à analyser l’effet des nouveautés sur le niveau d’acceptation et de perception de la légitimité des expertises médicales. Cette démarche a été réalisée en prenant en compte les perspectives des acteurs impliqués (offices AI, services médicaux régionaux [SMR], experts et conseillers juridiques représentant les assurés). L’intérêt était porté sur la nouvelle situation et sur les répercussions des changements introduits. En outre, les acteurs impliqués ont été interrogés sur leurs attentes vis-à-vis de la COQEM.

L’évaluation s’appuie en premier lieu sur des analyses statistiques de données des registres AI (concernant la période 2017 à 2023), de la plateforme d’attribution des mandats d’expertise Suisse-MED@P (années 2022 et 2023) et d’une sélection d’offices AI. De plus, des enquêtes en ligne ont été menées auprès des 26 offices AI cantonaux, des experts (475 participants) et des conseillers juridiques des assurés (223 participants). Enfin, des entretiens approfondis portant sur des thèmes choisis en lien avec les expertises ont été menés avec des représentants de quatre offices AI et de leurs SMR respectifs, de même qu’avec des experts et des conseillers juridiques. Au total, 30 personnes ont été interrogées au cours de 17 entretiens. Les documents mis à disposition par les offices AI et SMR interrogés ont été exploités également dans le cadre de l’analyse de leurs démarches.

 

Mise en œuvre des nouveautés

Les nouveautés sont mises en œuvre et les problèmes pratiques initiaux ont été en grande partie surmontés. Trois ans après leur entrée en vigueur, les nouveautés concernant le domaine des expertises sont bien établies auprès des acteurs impliqués ; dans l’ensemble, elles sont mises en œuvre en conformité avec les directives. Une grande partie des problèmes d’ordre pratique rencontrés initialement ont été surmontés. Les expériences rapportées à l’équipe des évaluateurs par les acteurs concernés sont ambivalentes : d’un côté, les offices AI déplorent le surcroît de travail organisationnel et administratif induit par les nouveautés mises en place, en particulier dans la phase initiale. Mais de l’autre, seuls quelques experts ont fait état de difficultés rencontrées durant la phase de mise en œuvre ; les experts chevronnés reconnaissent qu’en cas de litige, les enregistrements sonores contribuent aussi à leur propre protection. Les conseillers juridiques ont parfois mentionné des difficultés ; ils ont toutefois plutôt émis des réserves de principe concernant les expertises dans l’AI tels que des doutes sur le choix des experts qu’évoqué des problèmes pratiques. Un premier bilan de la mise en œuvre des nouveautés est exposé ci-après.

  • Qualification des experts : les nouvelles exigences minimales posées en matière de qualification des experts ont amené un relèvement global – à un niveau relativement uniforme – de leurs qualifications formelles, sachant qu’auparavant, les offices AI plaçaient la barre à des hauteurs variables lors de leur recrutement. S’agissant des expertises monodisciplinaires, les offices AI ont toutefois maintenu différents critères, comme les expériences réalisées antérieurement (par l’AI) avec un expert, la proximité géographique de l’expert, ou encore le principe de la sélection aléatoire.

 

  • Liste publique et recherche de consensus : lors de la recherche d’experts pour mener des expertises monodisciplinaires, les offices AI se fondent principalement sur leur propre liste d’experts (quoique aussi, occasionnellement mais assez rarement, sur d’autres listes publiques). Les conseillers juridiques se servent de ces listes pour obtenir une vue d’ensemble et faire des contre-propositions (recherche de consensus). En cas d’expertise monodisciplinaire, la recherche d’un consensus entre l’office AI et l’assuré au sujet de l’expert à mandater échoue dans moins de 1% des cas. Selon les participants interrogés, les offices AI acceptent la contre-proposition de l’assuré ou de son représentant légal pour autant que l’expert proposé figure sur la liste publique. D’aucuns critiquent le fait que cette liste indique les incapacités de travail attestées par les expertises. Ils estiment que cela pourrait inciter les experts à « rester dans la moyenne ».

 

  • Enregistrements sonores : des problèmes techniques ou pratiques, comme un enregistrement sonore défectueux, son absence, ou encore le fait que l’assuré ignore qu’il doit annoncer à l’office AI son éventuel refus de l’enregistrement, ont surtout causé des difficultés durant la phase initiale. D’après des déclarations concordantes faites lors des entretiens, ce point ne pose toutefois plus qu’exceptionnellement problème. Une minorité des conseillers juridiques critiquent le fait que l’accès à l’enregistrement sonore via une plateforme de streaming soit semé d’embûches et que le streaming soit si fastidieux. Selon la plupart des personnes interrogées, les enregistrements sonores ne sont que très rarement demandés, même si certains conseillers juridiques interrogés ont indiqué qu’ils écoutaient souvent les enregistrements. Une estimation statistique approximative montre que les enregistrements sonores sont consultés dans 6% des expertises au maximum.

 

  • Attribution aléatoire d’expertises bidisciplinaires : ce changement n’a pas entraîné, en soi, de difficulté majeure. Seule une minorité des personnes interrogées ont signalé des problèmes. À titre d’exemple, il a parfois été signalé que la distance à parcourir par un assuré pour se rendre chez l’expert avait augmenté.

 

  • Limitation des possibilités d’objection : si aucun office AI n’a déclaré rencontrer des difficultés en raison de la limitation des possibilités de contester l’attribution des expertises, une minorité tout de même importante (30%) des conseillers juridiques affirment le contraire ; une partie des personnes interrogées émettent également la critique que leurs objections ne seraient pas suffisamment entendues. S’agissant de savoir sur quels aspects de l’attribution des expertises la voie de recours reste ouverte, les avis des tribunaux cantonaux divergent. Quant au Tribunal fédéral, il n’est pas associé à la clarification de ces points de droit.

 

  • COQEM : jusqu’à présent, la COQEM s’est attelée principalement à la préparation des indicateurs de qualité, des normes et des procédures qu’elle entend mettre en place. Son action passe assez inaperçue et elle est encore méconnue des acteurs concernés. Les personnes interrogées lors des entretiens attendent de la COQEM qu’elle contribue à un examen aussi objectif et indépendant que possible de la qualité des expertises, et ce, sur la base de critères et de normes clairs. Elles espèrent qu’un dialogue constructif, équitable et transparent s’installe entre la commission et les experts qu’elle est chargée de contrôler.

 

Évolution constatée au fil du temps et effets des nouveautés

Se fondant sur les données analysées et sur les enquêtes, l’équipe d’évaluateurs a examiné les évolutions suivantes et les effets des nouveautés sur celles-ci.

  • Fréquence des expertises et pénurie d’experts – effet ponctuel des nouveautés : l’office AI ordonne une expertise pour 25 à 30% des demandes de prestations portant sur des mesures professionnelles ou sur la rente. Cette proportion a diminué ces dernières années. Il semble néanmoins que, globalement, la demande d’experts ait plutôt augmenté, du moins jusqu’en 2022, puisque le nombre absolu d’expertises pluridisciplinaires a connu une hausse sensible, tandis que celui des expertises monodisciplinaires et bidisciplinaires a quelque peu diminué. En 2023, le nombre d’expertises pluridisciplinaires a fléchi, probablement en raison de l’abandon des expertises pluridisciplinaires à trois disciplines introduit en février 2023 (puis annulé à partir du 1er janvier 2025). Pour le reste, comme on pouvait s’y attendre, les tendances décrites ici ne révèlent pas d’effet des nouveautés sur la demande d’expertises et d’experts. Les différences de fréquence des expertises d’une région linguistique et d’un office AI à l’autre sont frappantes : si en 2022 et 2023, quatre offices AI ont recensé au moins quatre expertises pour dix demandes de prestations, six offices AI n’en ont eu qu’entre une et deux en moyenne, et deux autres, même moins d’une (maximum : 43% ; minimum 7%).

 

  • Coûts des expertises – la hausse des tarifs laisse des traces : les nouveautés liées au DC AI n’ont pas eu de répercussions sur le coût des expertises. En revanche, les modifications introduites en février 2023 en ont eues. Située entre 15 et 18%, la hausse des tarifs pour les expertises pluridisciplinaires a fait augmenter leur coût moyen, tandis que celui des expertises monodisciplinaires et bidisciplinaires est resté constant. De même, en 2023, le coût moyen des expertises pluridisciplinaires a augmenté en raison de la suppression (temporaire) des expertises ne portant que sur trois disciplines.

 

  • L’attribution et le traitement des expertises prennent du temps (souvent trop) – absence d’effets mesurables des nouveautés : une grande majorité des offices AI (85%) et des conseillers juridiques (85% aussi) interrogés lors de l’évaluation ainsi qu’une minorité importante des experts (40%) estiment que les expertises prennent trop de temps. Et les chiffres le confirment : pour les expertises pluridisciplinaires, 237 jours se sont écoulés en moyenne entre le dépôt d’un mandat sur la plateforme d’attribution des mandats et la remise de l’expertise en 2023 ; un quart des expertises ont même pris 327 jours ou (parfois nettement) plus. Pour les expertises bidisciplinaires, la médiane se situe à 152 jours. Plusieurs raisons expliquent ces résultats : d’une part, le fait que la plupart des mandataires ne sont pas en mesure de respecter les délais ordinaires prescrits (durée entre la réception des documents et la remise de l’expertise). D’autre part, pour les expertises pluridisciplinaires, il a souvent fallu longtemps, en 2022 et 2023 – notamment faute de disposer de suffisamment d’experts dans certaines disciplines –, avant qu’un centre d’expertises ne puisse prendre en charge un mandat. Les derniers chiffres font toutefois état d’un meilleur équilibre entre l’offre et la demande au second semestre 2024, notamment en Suisse alémanique. Ainsi, fin 2024, seuls 192 mandats d’expertises pluridisciplinaires déposés sur la plateforme (dont 162 en Suisse romande) n’étaient pas encore attribués, alors qu’en milieu d’année 2022, il en restait encore 1876.

 

  • Offre d’experts – pénurie préexistante probablement quelque peu accentuée par les nouveautés : selon les indications des offices AI et des experts interrogés, quelques experts se sont retirés du marché à la suite des nouveautés, les principales raisons invoquées étant les enregistrements sonores, les qualifications exigées et la liste publique. L’hypothèse que les nouveautés auraient, à court terme, quelque peu accentué la pénurie semble donc plausible. À l’inverse, selon l’enquête, les experts ne se trouvent pas plus souvent contraints de refuser des mandats que lors de la dernière enquête de ce type, en 2016. Tous les offices AI, 85% des conseillers juridiques interrogés et 58% des experts perçoivent la pénurie. Si celle-ci se manifeste de manière assez différente selon les offices AI, globalement, elle touche à de nombreuses disciplines médicales. Toutefois, comme indiqué au paragraphe précédent, la pénurie s’est peu manifestée au deuxième semestre 2024.

 

  • Offre hétérogène – petit nombre de centres d’expertises dominants en Suisse latine : selon l’enquête menée auprès des experts, la part d’entre eux qui exercent à titre principal à l’étranger a légèrement augmenté ; elle se situe aujourd’hui à 9% (contre 6% en 2016). De même, la part des personnes qui consacrent au moins trois quarts de leur temps à la réalisation d’expertises a augmenté par rapport à la situation qui prévalait lors de la dernière enquête de 2016 ; ce groupe d’experts est cependant toujours nettement minoritaire. Il représente aujourd’hui 14% des experts interrogés. Même parmi les personnes qui réalisent plus de 30 expertises par an pour l’AI, seule une minorité (37%) y consacre une part aussi importante de son temps de travail. En ce qui concerne le nombre de mandats pris en charge, on constate aussi de nettes différences entre les centres d’expertises. En Suisse romande, selon la liste publique 2023, 39% des expertises pluridisciplinaires ont été réalisées par l’un de ses neuf centres d’expertises, alors qu’en Suisse italienne, il n’y a qu’un seul centre d’expertises médicales qui propose ses services à l’AI. Le principe d’attribution aléatoire y est donc compromis par l’offre limitée.

 

  • Une légère hausse de l’acceptation de l’attribution des expertises semble plausible : les résultats de l’enquête portent à croire que, pour au moins une minorité de conseillers juridiques (32%), les litiges avec l’AI concernant l’attribution des expertises ont légèrement diminué (néanmoins, 6% d’entre eux pensent le contraire). Cinq offices AI font même état d’une acceptation légèrement accrue. Le plus souvent, les personnes interrogées attribuent des effets positifs à la nouvelle réglementation sur la recherche d’un consensus, sur l’attribution aléatoire en cas d’expertises bidisciplinaires et sur les enregistrements sonores. 42% des offices AI interrogés (et exactement la même proportion des conseillers juridiques) estiment toutefois que l’attribution des expertises débouche encore trop souvent sur des litiges.

 

  • Effets jusqu’à présent limités des nouveautés sur l’acceptation des résultats des expertises : on dispose ponctuellement de données et de calculs des offices AI concernant l’acceptation des décisions de prestations de l’AI fondées sur des expertises. L’évolution survenue depuis 2018 est hétérogène et l’introduction des nouveautés en 2022 n’a pas marqué de vraie rupture. Seuls sept offices AI ont confirmé certains changements, comme le fait que la recherche d’un consensus a amélioré l’acceptation des expertises. Quelque 38% des conseillers juridiques estiment que les enregistrements sonores ont eu un effet sur cette acceptation. Les personnes interrogées ont révélé que les comportements inamicaux – voire inappropriés – d’experts envers les assurés sont devenus plus rares après l’introduction des enregistrements sonores. 44% des conseillers juridiques pensent que l’enregistrement sonore a généralement amélioré l’interaction pendant l’expertise, tandis que 4% pensent le contraire. Sur ce point, les avis sont plus partagés chez les experts (16% d’avis positifs pour 21% d’avis négatifs). Peu d’entre eux supposent que la transparence pourrait également avoir un effet sur le résultat des expertises.

 

  • Effets des nouveautés globalement peu perceptibles – des solutions à la pénurie existent : dans l’ensemble, les effets des nouveautés sur l’offre d’experts, la durée du processus d’expertise et l’acceptation des expertises et de leurs résultats sont donc assez peu prononcés. Les difficultés rencontrées dans le domaine des expertises n’ont donc pas fondamentalement évolué ; ce résultat n’aurait de toute façon pas pu être anticipé, ce que même les acteurs interrogés confirment. Alors que l’impression dominante, dans les offices AI et chez les experts, est que la faible utilité des nouveautés peine à justifier un surcroît de travail administratif, une partie au moins des conseillers juridiques attestent que la transparence a une valeur intrinsèque et que les experts accordent ainsi, dans l’ensemble, davantage d’estime aux assurés. Même si les tout derniers chiffres laissent entrevoir des améliorations, l’évaluation montre, à l’exemple des retards dans l’attribution des mandats d’expertise, qu’une pénurie d’experts peut entraîner des conséquences néfastes sur les pratiques d’expertise. Les grandes différences entre offices AI concernant le nombre d’expertises ordonnées et les possibilités, mises en évidence lors de l’évaluation, de limiter le besoin d’expertises (partielles) prouvent que ce problème ne saurait être résolu uniquement par l’élargissement de l’offre d’experts, mais que les offices AI ont aussi eux-mêmes un certain impact sur la demande d’expertises. Voici quelques exemples de stratégies, à appliquer au cas par cas en respectant toujours les normes de qualité requises, telles que définies par les tribunaux : exploitation des informations contenues dans le dossier de l’assuré, notamment celles issues de la procédure de réadaptation, externalisation de questions ou de problématiques plutôt périphériques, dotation du SMR en disciplines clés et propres examens réalisés par le SMR.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 22.05.2025 consultable ici

Rapport «Evaluation der Neuerungen im Bereich der medizinischen Begutachtungen in der Invalidenversicherung» (Numéro du rapport 5/25) disponible ici

Article de Christian Bolliger/Martina Flick Witzig, Expertises AI : mise en œuvre des dernières nouveautés, paru in Sécurité Sociale CHSS du 22.05.2025 consultable ici

 

 

Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique [DNT] 2024

Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique [DNT] 2024

 

L’office fédéral de la statistique (OFS) a publié le 22.05.2025 les chiffres annuels de la durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique (NOGA 2008), en heures par semaine, jusqu’à l’année 2024.

Pour rappel, ces statistiques sont nécessaires pour la détermination des revenus sans et avec invalidité en cas d’utilisation des salaires statistiques (ESS).

 

Notre page « Durée normale du travail dans les entreprises » a été mise à jour.

 

 

8C_344/2024 (f) du 26.03.2025 – Valeur probante d’une expertise médicale – 44 LPGA / Divergences entre les appréciations d’observation professionnelle et médicales

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_344/2024 (f) du 26.03.2025

 

Consultable ici

 

Valeur probante d’une expertise médicale / 44 LPGA

Divergences entre les appréciations d’observation professionnelle et médicales

 

Assuré né en 1996, titulaire d’un CFC d’informaticien, entame en 2017 une formation complémentaire de technicien en informatique interrompue le 20.12.2018 à la suite d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Le 06.02.2019, il dépose une demande AI.

L’office AI lui a octroyé successivement plusieurs mesures : observation professionnelle (02.06.2020 – 31.08.2020), entraînement progressif au travail en tant qu’informaticien (01.09.2020 – 30.11.2020), soutien à la recherche d’emploi (08.01.2021 – 02.05.2021) et placement à l’essai au sein de la société C.__ Sàrl avec coaching (03.05.2021 – 15.07.2021). La réintégration de l’assuré sur le marché du travail n’ayant pas réussi, l’Office AI met fin à l’aide au placement le 16.07.2021.

Par préavis du 27.04.2022, l’office AI a indiqué son intention de rejeter la demande de rente, estimant le degré d’invalidité inférieur à 30%. L’assuré a contesté cette décision les 02.05.2022 et 07.06.2022, tout en bénéficiant d’un mandat de soutien auprès de la fondation D.__ d’août 2022 à février 2023.

Le SMR a ordonné une expertise bidisciplinaire, confiée aux Dr E.__ (neurologue FMH) et Dr F.__ (psychiatre-psychothérapeute FMH), certifiés SIM. Leur rapport du 24.01.2023 a conduit l’office AI à allouer à l’assuré, par décision du 16.05.2023, un trois quarts de rente d’invalidité à partir du 01.12.2020.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 28.05.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.3
Le tribunal peut accorder une pleine valeur probante à une expertise mise en œuvre dans le cadre d’une procédure administrative au sens de l’art. 44 LPGA, aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de son bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4; 125 V 351 consid. 3b/bb). En effet, au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d’expertise (ATF 124 I 170 consid. 4), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l’administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion distincte de celle exprimée par les experts. Il n’en va différemment que si ces médecins traitants font état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l’expertise (arrêt 8C_816/2023 du 28 août 2024 consid. 3.2 et l’arrêt cité).

Consid. 2.4
Par ailleurs, il appartient avant tout aux médecins, et non aux spécialistes de l’orientation professionnelle, de se prononcer sur la capacité de travail d’un assuré souffrant d’une atteinte à la santé et sur les éventuelles limitations résultant de celles-ci (ATF 140 V 193 consid. 3.2; arrêts 9C_462/2022 du 31 mai 2023 consid. 4.2.2.1; 9C_441/2019 du 28 octobre 2019 consid. 3.1). Cependant, les organes d’observation professionnelle ont pour fonction de compléter les données médicales en examinant concrètement dans quelle mesure l’assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail (arrêt 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17). Au regard de la collaboration étroite, réciproque et complémentaire, selon la jurisprudence, entre les médecins et les organes d’observation professionnelle (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b), on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d’ordre professionnel recueillis à l’occasion d’un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l’assuré en cause. En effet, dans les cas où les appréciations (d’observation professionnelle et médicale) divergent sensiblement, il incombe à l’administration, respectivement au tribunal de confronter les deux évaluations et, au besoin, de requérir un complément d’instruction (arrêts 9C_68/2017 du 18 avril 2017 consid. 4.4.2; 9C_512/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5.2.1 et les arrêts cités).

Consid. 3.1 [résumé]
Les juges cantonaux ont accordé une pleine force probante au rapport d’expertise bidisciplinaire du 24.01.2023, tant sur le plan formel que matériel. Ils ont retenu que l’assuré présentait une phobie sociale, un probable syndrome d’Asperger et des séquelles d’un AVC survenu quatre ans auparavant, sans déficit sensitivomoteur mais avec une fatigue persistante, une fatigabilité accrue et des troubles neuropsychologiques durables.

La juridiction cantonale a fait sienne l’appréciation consensuelle des experts, qui ont estimé la capacité de travail à 50% dans l’activité habituelle et entre 60% et 70% dans une activité adaptée, à savoir une activité évitant le stress et exercée dans un milieu de travail bienveillant, avec peu d’exposition au regard des autres et le moins possible de contacts avec la clientèle ou des collègues, ainsi que de changements de collègues, de clients ou encore de responsables.

Sur cette base, le taux d’invalidité a été fixé à 61% dès le 01.12.2021, ouvrant droit à un trois-quarts de rente d’invalidité.

Consid. 3.2 [résumé]
L’assuré reproche à la juridiction inférieure d’avoir fondé son jugement sur une expertise du 24.01.2023 qu’il juge lacunaire et inexacte. Il relève que le psychiatre expert a évoqué un syndrome d’Asperger « à confirmer » sans en examiner l’incidence sur la capacité de travail. Les juges cantonaux auraient également écarté les conclusions du psychiatre traitant de l’assuré, du 19.06.2023, en retenant un rapport de complaisance de la part de ce dernier, alors qu’il serait le seul à s’être intéressé au diagnostic d’Asperger, à l’avoir confirmé et à s’être exprimé sur les limitations de la capacité de travail en lien avec ce diagnostic.

L’assuré dénonce l’absence dans l’expertise d’éléments clés des rapports d’observation professionnelle, notamment ceux de la Fondation B.__ concernant ses limitations sur le marché ordinaire. Il souligne une contradiction dans l’évaluation du rendement à 50-60% par l’Orif, calculé sur une base horaire réduite à 60%, ce qui ramènerait sa capacité réelle à 30-36%.

L’assuré critique en outre le fait que les juges cantonaux aient suivi les conclusions de l’expert-psychiatre concernant sa capacité de travail en dépit du fait que celles-ci divergeaient de celles issues des rapports d’observation professionnelle et que l’expert-psychiatre ne se soit pas exprimé au sujet de ces divergences. L’assuré argue également que sa capacité de travail est nulle sur le premier marché de l’emploi, les conditions-cadres spécifiées par les experts dans une activité adaptée étant typiques de celles d’un atelier protégé, ce que les juges cantonaux n’auraient pas retenu.

Consid. 4.1
Les griefs de l’assuré à l’encontre du jugement entrepris, en tant qu’il reconnaît une pleine valeur probante à l’expertise bidisciplinaire ordonnée par l’office AI, sont fondés dans une large mesure.

Dans la partie « résumé médico-assécurologique commun », en particulier, cette expertise mentionne le rapport final de l’Orif du 19.07.2021 en indiquant que le rendement de l’assuré y était évalué entre 50 et 60%. Comme le souligne l’assuré, elle omet de préciser que ce rendement limité n’était obtenu que sur une activité exercée à 60%, ce qui entraîne une présentation erronée de la capacité de travail effective de l’assuré constatée par l’Orif (30 à 36%, et non 50 à 60%). Certes, l’expert-psychiatre et l’expert-neurologue mentionnent ensuite que la précédente activité était exercée à raison de quatre heures par jour seulement. Toutefois, l’ambiguïté demeure, dès lors qu’ils font état d’une capacité de travail de 40 à 60% dans cette activité sans discuter des constatations effectuées lors des stages professionnels, relatives à une capacité de travail notablement inférieure et qui sont à peine évoquées. L’expert-psychiatre n’expose par ailleurs pas comment il aboutit pour sa part au constat d’une capacité de travail globale de 40 à 60% dans cette activité, tout en admettant une performance globale réduite dans la même mesure sur un temps de présence limité à quatre heures par jour, ce qui paraît contradictoire.

Enfin, au regard de la capacité de travail tout de même très limitée constatée lors de stages sous l’égide de l’assurance-invalidité dans un environnement déjà très bienveillant, les constatations de l’expert-psychiatre relatives à une capacité de travail de 70 à 80% dans une activité exercée à plein temps, divergent manifestement de celles effectuées par l’Orif, même si l’on prend en considération les limitations mentionnées par l’expert, relatives à la nécessité d’un employeur présentant une bienveillance supérieure à la norme, ainsi que d’éviter autant que possible le regard des autres et les impératifs d’interaction sociale régulière, de même que les contacts avec les collègues ou la clientèle aussi restreints que possible, même par téléphone. L’expert-psychiatre ne pouvait passer purement et simplement sous silence ces divergences.

Selon les juges cantonaux, l’expert-psychiatre a estimé de manière convaincante que les troubles psychiques de l’assuré ne sont que faiblement incapacitants, en mettant en relief les ressources conséquentes dont il disposait. Il avait ainsi pu terminer sa scolarité et obtenir un certificat fédéral de capacité, disposait de très bonnes compétences en informatique, apprenait rapidement, était consciencieux, discipliné et réaliste, mais aussi méthodique, analytique et orienté vers les détails. Il pouvait également compter sur le soutien de sa famille. En outre, toujours selon la Cour cantonale, l’expert-psychiatre avait considéré que la capacité de travail de l’assuré pouvait encore être améliorée par une prise en charge plus serrée et spécifique des troubles d’anxiété sociale, avec une intensification de la médication. Sur ce dernier point, on doit toutefois constater que l’expert-psychiatre a évoqué un probable syndrome d’Asperger, en laissant ce diagnostic ouvert dès lors qu’il devrait être confirmé par de plus amples investigations.

Or il est pour le moins prématuré de se prononcer sur les possibilités de prise en charge médicale et d’amélioration des symptômes ainsi que de la capacité résiduelle de travail, notamment par un traitement médicamenteux, sans préalablement vérifier la pertinence du diagnostic de syndrome d’Asperger, comme le relève à juste titre l’assuré. Par ailleurs, en ce qui concerne les ressources de l’assuré, les juges cantonaux, comme l’expert-psychiatre, ont dans une large mesure retranscrit la description qu’en faisait lui-même l’assuré dans son curriculum vitae. Cela prête à discussion et il aurait convenu d’en vérifier la pertinence, ou du moins de l’étayer par les observations faites lors des stages professionnels.

Enfin, l’assuré a produit en instance cantonale un rapport de la Fondation D.__, qui constate l’échec de toutes les tentatives d’insertion professionnelle de l’assuré pendant un accompagnement de six mois et recommande une activité auprès d’un employeur bienveillant non pas sur le premier marché du travail, mais sur le « deuxième marché du travail », autrement dit dans un milieu protégé. Les juges cantonaux ont totalement passé sous silence ces conclusions, qui paraissent, comme les constatations de l’Orif, difficilement compatibles avec la capacité résiduelle de travail de 70 à 80% constatée par l’expert-psychiatre sur le marché primaire de l’emploi, même auprès d’un employeur bienveillant et en limitant autant que possible tous contacts sociaux.

Consid. 4.2
Il ressort de ce qui précède que l’expertise bidisciplinaire présente des lacunes que l’on ne peut ignorer, dans la mesure où l’anamnèse socio-professionnelle comporte des imprécisions notables et où les experts, en particulier l’expert-psychiatre, n’exposent pas de manière claire pourquoi ils se distancient de l’évaluation de la capacité de travail lors des stages professionnels effectués par l’assuré.

Au vu de leurs constatations peu claires, pour autant qu’elles ne soient pas même contradictoires, relatives à la capacité de travail dans les activités effectuées pendant ces stages, il n’est d’ailleurs pas sûr qu’ils aient pris la mesure des empêchements présentés par l’assuré, quand bien même ils en ont retenu que les contacts sociaux devaient être limités autant que possible.

L’analyse des ressources de l’assuré est relativement sommaire, se limitant au constat d’une scolarité obligatoire et de l’obtention d’un certificat fédéral de capacité ainsi qu’à la retranscription des qualités que se prête l’assuré dans son curriculum vitae ainsi qu’à la référence à un soutien par la famille et le réseau de soins.

Le diagnostic psychiatrique reste également à préciser, ce qui ne permet pas de tirer de conclusions sur les possibilités d’amélioration des symptômes et de la capacité de travail par un traitement, contrairement à ce que les juges cantonaux ont pris en considération dans leur appréciation.

Dans ces conditions, la juridiction cantonale ne pouvait pas, sans arbitraire, attribuer une pleine valeur probante à l’expertise et statuer sans autre mesure d’instruction, en passant également sous silence les conclusions du rapport de la Fondation D.__. La cause lui sera donc renvoyée afin qu’elle ordonne une nouvelle expertise bidisciplinaire et statue à nouveau.

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_344/2024 consultable ici

 

Le Conseil fédéral adopte le message concernant la convention de sécurité sociale avec l’Argentine

Le Conseil fédéral adopte le message concernant la convention de sécurité sociale avec l’Argentine

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 14.05.2025 consultable ici

 

Lors de sa séance du 14 mai 2025, le Conseil fédéral a transmis au Parlement le message concernant l’approbation de la convention de sécurité sociale entre la Suisse et l’Argentine. La convention coordonne les systèmes de sécurité sociale des deux États dans le domaine des assurances vieillesse, décès et invalidité et règle en particulier le versement des rentes à l’étranger.

La convention règle les relations entre la Suisse et l’Argentine en matière de sécurité sociale. Elle correspond aux conventions déjà conclues par la Suisse dans ce domaine et est conforme aux standards internationaux en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale. La convention couvre les assurances en cas de vieillesse, décès et invalidité, à savoir l’AVS et l’AI pour la Suisse.

Elle garantit aux assurés une égalité de traitement ainsi qu’un accès facilité aux prestations, et permet notamment le versement des rentes à l’étranger. Cet accord favorise en outre les échanges économiques entre les deux pays en simplifiant le détachement de personnel dans l’autre État. La convention contient également des dispositions relatives à la coopération en matière de lutte contre les abus.

En Amérique du Sud, la Suisse a déjà conclu des conventions avec le Chili, l’Uruguay et le Brésil. La convention avec l’Argentine a été signée le 27 mai 2024. Son entrée en vigueur définitive requiert l’approbation des parlements des deux États.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 14.05.2025 consultable ici

Message du Conseil fédéral du 14.05.2025 concernant l’approbation de la convention de sécurité sociale entre la Suisse et l’Argentine publié in FF 2025 1691 

Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République argentine publié in FF 2025 1693 

 

9C_733/2023 (f) du 10.03.2025 – Examen du droit à un reclassement – Evaluation prospective / Aptitude objective et subjective au reclassement

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_733/2023 (f) du 10.03.2025

 

Consultable ici

 

Examen du droit à un reclassement – Evaluation prospective / 17 LAI

Aptitude objective et subjective au reclassement

 

Assuré, né en 1984, victime d’un accident de la circulation en 2004. Il a obtenu un CFC d’assistant en soins et santé communautaire le 01.07.2008. Dépôt de la demande AI le 13.04.2012. Les médecins (interniste et psychiatre) ont diagnostiqué – avec répercussion sur la capacité de travail – un status après accident avec polytraumatisme, traumatismes cranio-cérébral et coma le 04.04.2004. Les médecins ont retenu une capacité de travail de 100% comme assistant en soins et santé communautaire, mais avec une baisse de rendement de 25%, et une capacité de 100% sans baisse de rendement dans une activité adaptée depuis 2011. Par décision du 18.09.2017, l’office AI a refusé les prestations, décision confirmée par le tribunal cantonal le 27.06.2019.

L’assuré a déposé une nouvelle demande AI le 10.07.2019. L’office AI a pris en charge une mesure de réadaptation professionnelle auprès de la fondation D.__, à 50% dès août 2021, puis à 70% dès octobre 2021. En janvier et mars 2022, l’assuré a passé des tests psychométriques, qui ont révélé des aptitudes insuffisantes pour une formation CFC, mais compatibles avec une formation de type AFP (attestation fédérale de formation professionnelle) avec soutien spécialisé. En avril 2022, le médecin du Service médical régional AI a recommandé d’orienter l’assuré vers une formation adaptée à ses limitations neuropsychologiques et orthopédiques.

Après plusieurs échanges d’écriture, l’office AI a sommé l’assuré le 03.06.2022 de transmettre par écrit un choix professionnel adapté à ses problèmes de santé et limitations fonctionnelles et l’a averti des conséquences d’un manque de collaboration. Le 29.06.2022, l’assuré a informé l’office AI qu’il s’était inscrit à une formation d’assistant médical menant à un CFC auprès de l’École F.__. Par décision du 16.09.2022, l’office AI a rejeté la nouvelle demande de prestations.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 17.10.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2
Le sens et le but de la procédure de mise en demeure avec un délai de réflexion prescrite à l’art. 21 al. 4 LPGA est de rendre la personne assurée attentive aux conséquences négatives possibles d’une attitude rénitente à collaborer, afin qu’elle soit à même de prendre une décision en pleine connaissance de cause et, le cas échéant, de modifier sa conduite (arrêt I 552/06 du 13 juin 2007 consid. 4.1 et les références).

Consid. 3.1 [résumé]
La juridiction cantonale a retenu que les tests psychométriques révélaient chez l’assuré des aptitudes verbales comparables à un niveau CFC, mais des compétences spatiales et numériques correspondant au profil AFP, avec un raisonnement bien inférieur aux attentes de ce même niveau. Ces résultats ont conduit à la conclusion qu’il ne possédait pas les compétences nécessaires pour entreprendre une formation CFC d’assistant médical. L’office AI a donc sommé l’assuré de choisir une formation adaptée à ses aptitudes, sommation restée sans réponse, entravant ainsi sa réadaptation. Les juges ont estimé que, même en cas d’adaptation de la formation CFC, l’office AI aurait été en droit d’exiger un choix professionnel différent, les préférences personnelles de l’assuré n’étant pas déterminantes (ATF 130 V 488 consid. 4.2). Les conditions de l’article 21 alinéa 4 LPGA étant remplies, l’office AI a statué correctement sur le refus de mesures de reclassement en l’état du dossier.

Consid. 4.1
Toute mesure de réadaptation, y compris un reclassement (art. 17 LAI), doit être évaluée sur la base de toutes les circonstances du cas concret. La tâche des organes de l’assurance-invalidité consiste à pronostiquer – au degré de la vraisemblance prépondérante – le succès de la réadaptation en tenant compte de l’âge de l’assuré, de son niveau de développement, de ses aptitudes et de la durée probable de la vie active (art. 8 al. 1 bis let. a-d LAI). Il faut entendre par la « durée probable de la vie active » la période restante jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite selon l’art. 21 al. 1 LAVS (ATF 143 V 190 consid. 7.4 et les références; arrêt 9C_71/2023 du 5 septembre 2023 consid. 3.3.1). En règle générale, l’assuré n’a droit qu’aux mesures nécessaires, propres à atteindre le but de réadaptation visé, mais non pas à celles qui seraient les meilleures dans son cas (ATF 139 V 399 consid. 5.4).

Consid. 4.2
En l’espèce, l’examen du droit à un reclassement doit faire l’objet d’une évaluation prospective (arrêt 9C_384/2023 du 11 janvier 2024 consid. 4.2). Dès lors, pour évaluer le pronostic des organes de l’assurance-invalidité, les juges cantonaux ont rappelé à juste titre que les faits survenus postérieurement à la décision du 16.09.2022 ne sont en principe pas pertinents (cf. ATF 148 V 21 consid. 5.3; 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références). En se limitant à indiquer que la réussite de son premier trimestre à l’École F.__ démontrait qu’il avait les capacités de suivre une formation CFC d’assistant médical, l’assuré n’expose pas d’éléments suffisants pour s’écarter de ces principes.

Au demeurant, même à supposer que ces faits puissent être pris en considération, les juges cantonaux ont considéré sans arbitraire qu’ils ne changeraient en rien l’issue de la procédure. L’assuré détient déjà un CFC d’assistant en soins et santé communautaire, obtenu après son accident. Dès lors, l’autorité cantonale savait qu’il était en mesure, d’un point de vue formel, de réussir des examens menant à une certification professionnelle. Elle a relevé que la réussite de ce premier CFC avait toutefois nécessité de la part de l’assuré un « très grand effort sur soi-même et [une] lutte constante ». Or, selon les faits constatés par la juridiction cantonale, la situation médicale de l’assuré s’était encore dégradée depuis lors, celui-ci ne pouvant plus exercer l’activité d’assistant en soins et santé communautaire. Aussi, quoi qu’en dise l’assuré, la réussite de son premier trimestre à l’École F.__ ne constitue pas un élément de preuve suffisant pour remettre en cause l’appréciation de l’autorité cantonale. Comme l’ont mis en évidence les tests d’aptitude, ses limitations fonctionnelles cognitives, en particulier sa grande lenteur d’exécution, ses problèmes de mémoire et sa fatigabilité, compromettent grandement son aptitude à réussir une formation CFC et à exercer durablement une activité d’assistant médical de manière conforme aux exigences du marché du travail. Ces déficits, bien qu’ils ne l’ont pas empêché d’acquérir des connaissances théoriques et de les valoriser dans un cadre scolaire structuré lors de son premier trimestre à l’École F.__, constituent objectivement des obstacles importants à son reclassement professionnel dans une formation exigeante sur un plan physique et psychique. Il n’y a pas lieu de s’écarter de l’appréciation des juges cantonaux.

Consid. 4.3
Pour le surplus, les juges cantonaux ont confirmé sans arbitraire qu’en entreprenant – malgré une mise en demeure – une voie professionnelle trop exigeante pour lui, l’assuré avait démontré une absence d’aptitude subjective au reclassement. En particulier, on ne saurait reprocher à la juridiction cantonale d’avoir statué en l’état du dossier sur la demande de prestations, dès lors que les démarches entreprises pour favoriser le reclassement de l’assuré apparaissaient compromises par la volonté clairement exprimée de celui-ci de mener à terme une formation vraisemblablement trop exigeante sur un plan physique et psychique (supra consid. 4.2).

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_733/2023 consultable ici