8C_547/2020 (i) du 01.03.2021 – Troubles psychiques – Causalité adéquate – 6 LAA / Définition et examen du critère du degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_547/2020 (i) du 01.03.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt original fait foi

 

Troubles psychiques – Causalité adéquate / 6 LAA

Chute de 3.0/3.5 m – Gravité moyenne stricto sensu

Définition et examen du critère du degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques

 

Le 11.04.2016, l’assuré, né en 1969, grutier, a fait une chute d’une hauteur de 3,0/3,5m sur la dalle de béton alors qu’il utilisait une échelle pour atteindre un échafaudage. Il a subi des fractures au niveau du fémur proximal gauche, du radius distal gauche et du plateau tibial droit. En juillet 2016, l’assuré a débuté un traitement en raison d’un trouble anxiodépressif.

L’examen médical auprès du médecin d’arrondissement a eu lieu le 07.08.2018. Le lendemain, l’assurance-accidents a informé l’assuré de la stabilisation du cas, de la fin du versement des indemnités journalières et du traitement médical dès le 01.10.2018.

Par décision du 20.02.2019, l’assurance-accidents a octroyé – pour les seules suites somatiques de l’accident, niant la causalité des troubles psychiques – une rente d’invalidité fondée sur un taux de 11% dès le 01.10.2018 ainsi qu’une IPAI de 35%. La décision sur opposition du 14.05.2019 a augmenté le taux d’invalidité à 33%.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 17.08.2020, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, admettant le lien de causalité naturelle et adéquate entre les troubles psychiques et l’accident, annulant la décision sur opposition dans la mesure où elle niait la responsabilité de l’assurance-accidents concernant les troubles psychiques et renvoyant la cause à l’assurance-accidents pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

 

TF

L’objet du litige est de savoir si le tribunal cantonal a violé le droit fédéral en admettant le critère du degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques, ce qui a entraîné l’admission du recours et du lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques dont se plaint l’assuré et l’accident du 11.04.2016.

En présence de troubles psychiques consécutifs à un accident, il faut prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140, 403 consid. 5c/aa) :

  • les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident;
  • la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques;
  • la durée anormalement longue du traitement médical;
  • les douleurs physiques persistantes;
  • les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident;
  • les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes;
  • le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.

Dans l’arrêt attaqué, le tribunal cantonal a classé l’accident du 11.04.2016 dans les accidents de gravité moyenne stricto sensu, ce qui signifie qu’au moins trois critères doivent être réunis. Les juges cantonaux ont conclu qu’au moins trois des critères pertinents, à savoir la durée anormalement longue du traitement médical, les douleurs physiques persistantes et le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques, étaient remplis en l’espèce.

 

Selon la jurisprudence, le critère du degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques est rempli s’il existe une incapacité totale de travail de près de trois ans (« fast drei Jahren »/ »rund dreijährige durchgehende Arbeitsunfähigkeit » ; arrêts 8C_627/2019 du 10 mars 2020 consid. 5.4.5 ; 8C_803/2017 du 14 juin 2018 consid. 3.7 et 8C_116/2009 du 26 juin 2009 consid. 4.6). Une incapacité dans l’activité précédemment exercée n’est pas suffisante ; il faut également une limitation dans une activité adaptée (arrêts 8C_209/2020 du 18 janvier 2021 consid. 5.2.2 ; 8C_585/2017 du 16 octobre 2018 consid. 7.3 et 8C_803/2017 du 14 juin 2018 consid. 3.7). En outre, ce critère n’est pas rempli lorsque les troubles psychiques ont joué un rôle prépondérant dans l’état de santé de l’assuré (ATF 140 V 356 consid. 3.2 p. 359 ; arrêts 8C_209/2020 du 18 janvier 2021 consid. 5.2.2 ; 8C_ 608/2020 du 15 décembre 2020 consid. 6.3 ; 8C_475/2018 du 5 septembre 2019 consid. 5.3.4).

L’examen du caractère adéquat du lien de causalité a lieu au moment où l’on ne peut plus attendre de sensible amélioration des troubles somatiques par la poursuite du traitement médical (ATF 134 V 109 consid. 6.1 p. 116).

En l’espèce, l’accident est survenu le 11.04.2016 ; l’examen médical final a eu lieu le 07.08.2018 et l’assurance-accidents a informé l’assuré le 08.08.2018 de la stabilisation de l’état de santé. Il en résulte une période de près de deux ans et quatre mois entre l’accident et la stabilisation de l’état de santé. Dans l’opposition du 25.03.2019, l’assuré a contesté le moment de la stabilisation du cas. Dans la décision sur opposition du 14.05.2019, l’assurance-accidents a confirmé la date du 07.08.2018. Devant le tribunal cantonal, l’assuré a contesté l’incapacité de travail pour les séquelles somatiques et celles pour les aspects psychiques, ainsi que l’étendue de l’IPAI. Le moment de la stabilisation du cas n’a plus jamais été mentionné ni dans le recours ni dans les actes ultérieurs de l’affaire envoyés par l’assuré aux juges cantonaux. D’ailleurs, la cour cantonale n’a pas explicitement remis en cause cet aspect.

Dès lors que les problèmes psychiques ne semblent pas avoir eu un rôle prépondérant sur l’état de santé de l’assuré, il ne peut être soutenu que déjà en juillet 2016, quand l’assuré a débuté la psychothérapie, les troubles psychiques sont apparus. Toutefois, entre le moment de l’accident et la stabilisation du cas, il ne s’est écoulé que près de deux ans et quatre mois. Dans ces conditions, on ne peut pas dire, comme le prétend la cour cantonale, que l’assuré a été incapable de travailler pendant près de trois ans.

Le critère du degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques n’étant pas réalisé, il ne reste que deux critères, dont on sait qu’ils sont insuffisants pour établir un lien de causalité adéquat pour un accident moyen stricto sensu. Le jugement cantonal viole donc le droit fédéral. Dans son jugement, la cour cantonale a admis à tort la causalité adéquate des troubles psychiques et a rejeté le recours de l’assuré concernant l’IPAI (sur l’aspect distinct entre la rente d’invalidité et l’IPAI, voir le jugement 8C_819/2017 du 25 septembre 2018 consid. 4.3, non publié dans l’ATF 144 V 354), sans se prononcer sur l’intégralité du recours. La cause est donc renvoyée au tribunal cantonal pour réexamen.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_547/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_547/2020 (i) du 01.03.2021 – Troubles psychiques – Causalité adéquate – Chute de 3.0/3.5 m – Gravité moyenne stricto sensu, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/04/8c_547-2020)

 

Procédure accélérée en cas de retrait du permis de conduire et assouplissements pour les conducteurs professionnels

Procédure accélérée en cas de retrait du permis de conduire et assouplissements pour les conducteurs professionnels

 

Communiqué de presse de l’OFROU du 21.04.2021 consultable ici

 

Lors de sa séance du 21.04.2021, le Conseil fédéral a décidé d’accélérer la procédure qui fait suite à une saisie du permis conduire par la police. Par ailleurs, en cas de retrait, les conducteurs professionnels seront autorisés à effectuer les trajets nécessaires à l’exercice de leur profession. Le Conseil fédéral met ainsi en consultation la mise en œuvre des motions 17.4317 « Circulation routière. Procédures plus équitables » et 17.3520 « Non à une double sanction des conducteurs professionnels ! » transmises par le Parlement. La consultation commencera le 21.04.2021 et s’achèvera le 11.08.2021.

La mise en œuvre proposée de la motion 17.4317 Caroni « Circulation routière. Procédures plus équitables » vise l’accélération de la procédure en cas de saisie du permis de conduire par la police. Les titulaires de permis de conduire se verront également conférer plus de droits en cas de retrait à titre préventif.

 

Accélération et amélioration de la transparence des procédures lors du retrait du permis de conduire

Si le permis de conduire a été saisi par la police, l’autorité chargée des retraits de permis doit désormais statuer sur son retrait à titre préventif dans les dix jours ouvrés. Si elle n’est pas en mesure de le faire, par exemple dans l’attente de l’analyse toxicologique d’une prise de sang, elle est tenue de restituer le permis à son titulaire. C’est seulement lorsqu’elle aura des doutes suffisamment sérieux sur l’aptitude à la conduite de la personne concernée qu’elle pourra de nouveau lui retirer son permis à titre préventif.

Si l’autorité cantonale a prononcé un retrait du permis de conduire à titre préventif, elle doit le réévaluer tous les trois mois, sur demande de la personne concernée.

Si un particulier communique des doutes sur l’aptitude à la conduite d’une autre personne à l’autorité cantonale, cette dernière lui garantit l’anonymat s’il le demande. À l’avenir, l’auteur de la communication devra pour ce faire apporter la preuve d’un intérêt digne de protection.

 

Pas de double sanction des conducteurs professionnels pour des infractions légères

L’autorité cantonale pourra dorénavant autoriser les conducteurs professionnels à effectuer les trajets nécessaires à l’exercice de leur profession pendant leur retrait de permis, pour autant que celui-ci soit dû à une infraction légère et que le permis n’ait pas été retiré plus d’une fois au cours des cinq années précédentes. En plus de s’être vu retirer le permis de conduire, ces personnes risquent souvent de perdre leur emploi. Il s’agit d’atténuer ce risque afin que toutes les personnes concernées ressentent des effets comparables en cas de retrait du permis de conduire. Ces mesures permettent la mise en œuvre de la motion 17.3520 Graf-Litscher « Non à une double sanction des conducteurs professionnels ! ».

La mise en œuvre de ces modifications requiert l’adaptation de l’ordonnance réglant l’admission à la circulation routière (OAC) et de l’ordonnance sur le contrôle de la circulation routière (OCCR). La consultation débutera le 21.04.2021 et prendra fin le 11.08.2021.

 

 

Communiqué de presse de l’OFROU du 21.04.2021 consultable ici

Rapport explicatif du DETEC du 21.04.2021 en vue de l’ouverture de la procédure de consultation disponible ici

Projet de modification de l’OAC consultable ici

Projet de modification de l’OCCR consultable ici

 

 

8C_606/2020 (f) du 05.03.2021 – Revenu sans invalidité – 16 LPGA / Premières déclarations de l’employeur quant à l’absence d’augmentation de salaire

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_606/2020 (f) du 05.03.2021

 

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Revenu sans invalidité / 16 LPGA

Premières déclarations de l’employeur quant à l’absence d’augmentation de salaire

 

Assuré, né en 1971, a travaillé à plein temps en tant que maçon-carreleur depuis avril 2014 pour la société B.__ Sàrl, dont il est associé gérant avec signature individuelle et qui a été inscrite au Registre du commerce le 21.05.2014. Le 30.03.2015, il a chuté sur un chantier et s’est blessé à l’épaule gauche. L’employeur de l’assuré a annoncé cet accident par le biais d’une déclaration d’accident-bagatelle LAA du 07.04.2015 [cf. arrêt cantonal]. L’assurance-accidents a pris en charge le cas.

Le 27.01.2016, l’employeur de l’assuré a annoncé à la CNA une rechute de l’accident du 30.03.2015 depuis le 04.01.2016, date à partir de laquelle l’assuré était en incapacité totale de travail. L’employeur précisait dans sa déclaration de sinistre que son employé percevait un salaire mensuel brut de 4800 fr., allocations familiales par 300 fr. en sus.

L’assuré a subi une première intervention chirurgicale le 11.03.2016. Il a repris une activité à 20% au sein de son entreprise dès le 01.06.2016, se chargeant de sa gestion. Le 04.10.2017, il a été opéré une seconde fois. L’assurance-accidents a reconnu à l’assuré une capacité de travail de 50% dès le 01.06.2018, puis de 60% dès le 01.09.2018.

Le 03.05.2018, la CNA a requis de l’employeur qu’il lui indique quel aurait été le salaire de base de l’assuré pour les années 2016 à 2018 s’il avait été en pleine possession de ses moyens. Ce courrier a fait l’objet de plusieurs relances.

Dans son rapport d’examen final, le spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur et médecin-conseil de l’assurance-accidents a retenu que la capacité de travail de l’assuré était entière dans une activité respectant certaines limitations fonctionnelles. Ce spécialiste a en outre estimé que la situation de l’assuré ne lui donnait pas droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI). Le même jour, l’assuré a complété le courrier de l’assurance-accidents concernant son salaire entre 2016 et 2018 en y ajoutant la note manuscrite « salaire inchangé ».

Par décision du 23.10.2018, l’assurance-accidents a refusé d’allouer à l’assuré une rente d’invalidité, en tenant compte d’un revenu d’invalide de 60’079 fr. 40 fixé sur la base de données salariales résultant des descriptions de postes de travail (DPT) et d’un revenu sans invalidité de 57’600 fr. Elle a également refusé d’octroyer une IPAI à l’intéressé. Par décision sur opposition du 04.07.2019, l’assurance-accidents a partiellement admis l’opposition formée contre la décision du 23.10.2018, en ce sens qu’une IPAI fondée sur un taux de 10% a été accordée à l’assuré, compte tenu d’une nouvelle appréciation médicale de son médecin-conseil. Elle a en revanche confirmé sa première décision en tant qu’elle refusait l’octroi d’une rente d’invalidité, compte tenu cette fois d’un revenu d’invalide de 67’405 fr. 97 établi sur la base des données statistiques de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) et d’un revenu sans invalidité inchangé de 57’600 fr.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 115/19-127/2020 – consultable ici)

La juridiction cantonale a constaté que l’assurance-accidents avait fixé le revenu sans invalidité à 57’600 fr., ce qui correspondait à un salaire de 4800 fr. versé douze fois l’an, alors que l’assuré l’évaluait à 67’418 fr. en se fondant sur un revenu mensuel brut de 5102 fr. et en tenant compte d’une augmentation de salaire, le montant de 4800 fr. figurant dans la déclaration d’accident représentant selon lui le salaire net. Se référant à l’extrait de compte individuel de la Caisse de compensation AVS, les juges cantonaux ont relevé que les revenus y figurant réalisés en 2016 et 2017 n’étaient pas probants, dans la mesure où l’assuré avait perçu des indemnités journalières durant cette période. Il en allait de même des revenus annoncés en 2014, dès lors qu’ils n’étaient pas suffisamment représentatifs de sa situation financière au vu de la constitution de sa société cette année-là. Le revenu annuel de 66’334 fr. déclaré à la Caisse de compensation AVS pour l’année 2015 – qui se recoupait avec le revenu obtenu sur la base du salaire mensuel brut issu des fiches de salaire de l’assuré (5102 fr. x 13 = 66’326 fr.) – représentait en revanche le revenu sans invalidité. Il n’y avait pas lieu de prendre en compte une augmentation de salaire : en effet, l’assuré avait indiqué que son salaire était resté inchangé en 2016 et 2017 et il convenait de privilégier ses premières déclarations par rapport aux informations contenues dans une attestation de son employeur rédigée à l’attention de son mandataire en 2019 faisant état d’une augmentation de 100 fr. sur le salaire net. La comparaison du revenu sans invalidité de 66’334 fr. avec le revenu d’invalide fixé initialement à bon droit à 60’079 fr. 40 par l’assurance-accidents aboutissait à un taux d’invalidité de 9,42%, arrondi à 9%. Le calcul de ce taux en tenant compte d’un revenu d’invalide de 67’405 fr. 97 tel que fixé dans la décision sur opposition, avec un abattement de 10% tel que requis par l’assuré, n’était pas plus favorable à celui-ci. Enfin, le point de savoir si l’assuré avait recouvré une pleine capacité de travail et de gain, au vu du salaire perçu en 2018 qui était équivalent à celui réalisé avant l’accident, a été laissé ouvert.

Par jugement du 31.08.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Si l’assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins ensuite d’un accident, il a droit à une rente d’invalidité (art. 18 al. 1 LAA). Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA ; méthode ordinaire de la comparaison des revenus).

Pour déterminer le revenu sans invalidité, il convient d’établir ce que l’assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s’il n’était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. C’est pourquoi il se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l’assuré avant l’atteinte à la santé, en tenant compte de l’évolution des salaires (ATF 135 V 297 consid. 5.1 p. 300; 134 V 322 consid. 4.1 p. 325 s.; 129 V 222 consid. 4.3.1 p. 224).

 

L’assuré ayant été employé à temps plein par B.__ Sàrl au moment de l’accident, il s’agit de définir le revenu qu’il aurait réalisé auprès de cette entreprise sans la survenance de l’accident. Les autres revenus réalisés auprès d’autres employeurs entre 2009 et 2013 et en 2014 ainsi que les indemnités de chômage perçues en 2014 figurant sur l’extrait de compte individuel ne sont donc pas pertinents.

Les juges cantonaux se sont écartés à bon droit des données concernant l’année 2014, durant laquelle l’assuré n’a été salarié par B.__ Sàrl, fondée cette même année, que durant six mois. Il en va de même des années 2016 et 2017, durant lesquelles l’assuré ne disposait pas d’une pleine capacité de travail. L’autorité cantonale s’est donc basée à juste titre sur les chiffres de l’année 2015, pour laquelle il ressort de l’extrait de compte individuel de la Caisse de compensation AVS un revenu de 66’334 fr. réalisé auprès de B.__ Sàrl entre janvier et décembre 2015. Un autre revenu de 5120 fr. réalisé auprès du même employeur correspondant à la même période a certes été porté à l’extrait de compte individuel. Cela étant, l’assuré a lui-même fait état dans le cadre de la procédure d’opposition auprès de l’assurance-accidents d’un salaire mensuel brut de 5102 fr. 65, versé 13 fois l’an, et d’un revenu annuel brut de 66’334 fr. 45 au moment de son accident, en produisant notamment des fiches de salaire des mois de novembre 2014 à février 2015 pour étayer ses affirmations. Comme constaté par l’instance cantonale, le revenu de 66’334 fr. figurant sur l’extrait de compte individuel correspond au franc près à celui obtenu en tenant compte d’un salaire mensuel de 5102 fr. 65 versé 13 fois, à savoir 66’334 fr. 45. En outre, l’assuré n’explique pas à quoi le second revenu de 5120 fr. inscrit sur l’extrait de compte individuel se rapporte et le dossier ne permet pas de le déduire. Il n’y a donc pas lieu de s’écarter du revenu de 66’334 fr. retenu par la cour cantonale, qui correspond à 45 centimes près aux déclarations de l’assuré et au salaire mensuel perçu avant l’accident versé 13 fois l’an.

Par ailleurs, on ne saurait prendre en compte une augmentation du revenu de 2015, l’assuré ayant indiqué fin 2018 que son salaire était resté inchangé. Ses explications concernant sa prétendue méconnaissance des aspects liés à la gestion d’une entreprise ne s’avèrent pas convaincantes, dès lors qu’il s’est précisément consacré à la gestion de sa société dès qu’il a disposé d’une capacité de travail réduite en juin 2016. Le revenu sans invalidité doit donc être maintenu à 66’334 fr., voire à 66’334 fr. 45, dont la comparaison avec le revenu d’invalide non litigieux fixé à 60’079 fr. 40 par les premiers juges aboutit à un taux d’invalidité de 9,4%, qui n’ouvre pas le droit à une rente d’invalidité.

Au demeurant, c’est à raison que la cour cantonale a mis en doute l’incapacité de gain partielle de l’assuré. Il ressort en effet de l’extrait de compte individuel que l’assuré a perçu de la part de B.__ Sàrl un salaire de 66’334 fr. en 2018, équivalent au revenu sans invalidité, alors même qu’il touchait encore des indemnités journalières cette année-là et qu’aucune aggravation de son état de santé ni de péjoration de ses limitations fonctionnelles postérieurement à 2018 ne ressortent du dossier. Au vu de ce qui précède, il n’est toutefois pas davantage nécessaire de trancher cette question en procédure fédérale qu’en procédure cantonale.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_606/2020 consultable ici

 

 

 

Commentaire personnel :

La question se pose de savoir s’il aurait été possible de fixer le revenu sans invalidité sur la base de l’ESS.

Il ressort tant de l’arrêt cantonal que du TF que l’assuré est associé gérant avec signature individuelle de la société B.__ Sàrl, inscrite au Registre du commerce le 21.05.2014. A la lecture des arrêts, nous ne savons en revanche pas la répartition des parts sociales (l’assuré a-t-il la majorité des parts sociales ?) ni si d’autres personnes sont associées gérantes.

Pro memoria, un assuré qui a la qualité formelle d’employé d’une société anonyme ou d’une société à responsabilité limitée, mais qui occupe la fonction de directeur et possède la majorité des participations et qui de ce fait joue un rôle prépondérant sur la politique et la marche de l’entreprise, doit être considéré comme un indépendant aux fins de l’évaluation de l’invalidité (MICHEL VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI), 2018, n. 47 ad art. 28a LAI, p. 422, et les références).

Les personnes qui se mettent à leur compte ne réalisent pas, au début de leur nouvelle activité, les mêmes revenus que des entrepreneurs établis depuis plusieurs années et qu’elles consentent souvent des sacrifices financiers importants durant cette période (arrêts du TF 8C_450/2016 du 06.10.2016 consid. 3.2.2 ; I 22/06 du 19.01.2007 consid. 2.8.1 ; I 137/04 du 13.01.2005 consid. 5.1.2).

Par exemple, le Tribunal fédéral a jugé que le revenu sans invalidité ne pouvait être déterminé avec suffisamment de précision en se basant sur les revenus inscrits dans le compte individuel pendant trois ans (arrêt du TF 8C_567/2013 du 30.12.2013 consid. 4.2 et les références). Le Tribunal fédéral a ensuite déterminé le revenu sans invalidité sur la base de l’ESS, même s’il s’agit du revenu de salariés (Arrêt du TF 8C_567/2013 consid. 4.4 et 4.6. Il en a été de même p. ex. dans l’arrêt I 505/06 du 16.05.2007 consid. 2.1 et 2.2 [assuré indépendant depuis 2 ans]).

Aurait-il été possible de plaider cette méthode d’évaluation du revenu sans invalidité en l’espèce ?

 

8C_476/2020 (f) du 15.02.2021 – Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique ESS lors de l’application du niveau de compétences 2 – 16 LPGA / Gain assuré pour la rente – 15 LAA – 24 al. 2 OLAA / Force probante de la déclaration d’accident de l’époque (1980) vs du relevé des CI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_476/2020 (f) du 15.02.2021

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique ESS lors de l’application du niveau de compétences 2 / 16 LPGA

Gain assuré pour la rente / 15 LAA – 24 al. 2 OLAA

Force probante de la déclaration d’accident de l’époque (1980) vs du relevé des CI

 

Assuré, né en 1957, maçon, a été victime, le 16.02.1980, d’un accident en jouant au football, qui a entraîné une entorse du genou droit. Ensuite de plusieurs interventions chirurgicales, l’intéressé a repris son activité professionnelle jusqu’en 1989, puis a travaillé pour divers employeurs avant de fonder sa propre entreprise de maçonnerie en 2000. En 2002, il a annoncé une rechute sous forme d’une gonarthrose et n’a plus exercé d’activité professionnelle depuis lors.

Par décision du 02.09.2015, l’assurance-accidents a alloué à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur un taux de 14% à compter du 01.09.2015 ainsi qu’une IPAI de 27%. En 2016, ensuite d’une expertise mise en œuvre par l’assurance-invalidité, la prothèse du genou droit de l’intéressé a été remplacée par une prothèse d’un autre type; l’assurance-accidents, admettant une rechute, a pris en charge l’intervention.

Par décision du 04.07.2018 confirmée sur opposition, l’assurance-accidents octroyé à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur un taux de 18% dès le 01.03.2018 et calculée en tenant compte d’un gain assuré de 51’733 fr. Le taux retenu résultait de la comparaison d’un revenu sans invalidité évalué à 79’040 fr. avec un revenu d’invalide de 64’945 fr. L’assurance-accidents a fixé le revenu d’invalide en se référant aux statistiques de l’ESS et en prenant comme base les chiffres du niveau de compétence 2. Elle a procédé à un abattement de 10% tenant compte des limitations fonctionnelles (concernant la position, la montée et la descente répétées d’escaliers ainsi que l’utilisation d’échelles) de l’assuré, en précisant que ce taux se justifiait « pour les cas – comme celui en l’espèce – ou même dans une activité légère non qualifiée, il subsist[ait] des limitations (…) « . Une IPAI fixée sur un taux de 36,68% lui a par ailleurs été allouée.

 

Procédure cantonale

Les juges cantonaux ont relevé que l’assuré était âgé de 60 ans et demi au moment déterminant et qu’il présentait des limitations fonctionnelles objectives dans les activités adaptées. Il n’avait plus exercé d’activité professionnelle depuis 2002 et avait dès lors été éloigné du marché du travail depuis presque 20 ans. En outre, il avait toujours travaillé dans le même secteur d’activité et n’avait aucune expérience dans les emplois qualifiés correspondant au niveau de compétence 2. Compte tenu des difficultés de réadaptation dans un emploi qualifié cumulées à ses limitations fonctionnelles, il convenait de procéder à un abattement de 15%.

Par jugement du 09.06.2020, admission partielle du recours par le tribunal cantonal. La cour cantonale a réformé la décision en ce sens que l’assuré avait droit à une rente d’invalidité fondée sur un taux de 57% – compte tenu d’un revenu sans invalidité de 141’424 fr. 65 et d’un revenu d’invalide de 60’276 fr. 90 fixé ensuite d’un abattement de 15% – et calculée sur la base d’un gain assuré de 65’984 fr. 20.

 

TF

Revenu d’invalide – Abattement lors de l’application du niveau de compétences 2

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l’assuré. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS ou sur les données salariales résultant des descriptions de postes de travail (DPT) établies par la CNA (ATF 139 V 592 consid. 2.3 p. 593 s.; 135 V 297 consid. 5.2 p. 301). Aux fins de déterminer le revenu d’invalide, les salaires fixés sur la base des données statistiques de l’ESS peuvent à certaines conditions faire l’objet d’un abattement de 25% au plus (ATF 129 V 472 consid. 4.2.3 p. 481 s.; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.).

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Il n’y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d’appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d’invalide, compte tenu de l’ensemble des circonstances du cas concret (ATF 126 V 75 précité consid. 5b/bb p. 80; arrêts 8C_175/2020 du 22 septembre 2020 consid. 3.3; 8C_766/2017 du 30 juillet 2018 consid. 8.3.1).

L’étendue de l’abattement justifié dans un cas concret constitue une question typique relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci (ATF 146 V 16 consid. 4.2 p. 20; 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 s.), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (ATF 135 III 179 consid. 2.1 p. 181; 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).

Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance n’est pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le juge des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 précité consid. 5.2 p. 73 et l’arrêt cité).

 

En l’espèce, l’assurance-accidents a retenu un taux d’abattement de 10% en tenant compte uniquement des limitations fonctionnelles de l’assuré et en faisant référence à la pratique en matière d’activité non qualifiée. Pour les assurés dont sont exigibles des activités non qualifiées, à savoir du niveau de compétence 1 (tâches physiques ou manuelles simples), le salaire statistique est effectivement suffisamment représentatif de ce qu’ils seraient en mesure de réaliser en tant qu’invalides dès lors qu’il recouvre un large éventail d’activités variées et non qualifiées, ne requérant pas d’expérience professionnelle spécifique, ni de formation particulière, si ce n’est une phase initiale d’adaptation et d’apprentissage (arrêt 8C_175/2020 précité consid. 4.2). En d’autres termes, il n’y a pas lieu de prendre en considération d’autres critères d’abattement que celui des limitations fonctionnelles dans les cas où des activités non qualifiées sont exigibles de l’assuré. Le niveau de compétence 2, que l’assurance-accidents a elle-même retenu, recouvre toutefois des emplois qualifiés, ce dont elle n’a pas tenu compte pour fixer le taux d’abattement. Dès lors que la cour cantonale a confirmé la prise en compte du niveau de compétence 2 et qu’elle a constaté que l’assuré n’avait aucune expérience dans les emplois qualifiés correspondant à ce niveau de compétence – ce qui n’est en soi pas contesté par l’assurance-accidents -, on ne voit pas en quoi les juges cantonaux auraient commis un excès ou un abus de leur pouvoir d’appréciation en augmentant pour ce motif le taux d’abattement de 10 à 15%. L’appréciation de la cour cantonale apparaît d’autant moins critiquable que l’assurance-accidents avait opéré un abattement de 10% en considération d’une « activité légère non qualifiée ». Enfin, les pièces citées dans le recours ne permettent pas de retenir que l’absence d’une activité professionnelle depuis 2002 serait imputable à un manque de motivation de l’assuré.

Le revenu d’invalide ainsi que, par voie de conséquence, le taux d’invalidité retenus par la juridiction cantonale doivent être confirmés.

 

Gain assuré

Selon l’art. 15 LAA, les indemnités journalières et les rentes sont calculées d’après le gain assuré (al. 1); est déterminant pour le calcul des rentes le salaire que l’assuré a gagné durant l’année qui a précédé l’accident (al. 2, deuxième phrase; cf. également l’art. 22 al. 4, première phrase, OLAA). Le Conseil fédéral édicte des prescriptions sur le gain assuré pris en considération dans des cas spéciaux (al. 3). Faisant usage de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l’art. 24 OLAA sous le titre marginal « Salaire déterminant pour les rentes dans des cas spéciaux ». Selon l’art. 24 al. 2 OLAA, lorsque le droit à la rente naît plus de cinq ans après l’accident ou l’apparition de la maladie professionnelle, le salaire déterminant est celui que l’assuré aurait reçu, pendant l’année qui précède l’ouverture du droit à la rente, s’il n’avait pas été victime de l’accident ou de la maladie professionnelle, à condition toutefois que ce salaire soit plus élevé que celui qu’il touchait juste avant la survenance de l’accident ou l’apparition de la maladie professionnelle.

Dans sa décision sur opposition, l’assurance-accidents a retenu que l’assuré avait perçu une rémunération de 22’370 fr. durant l’année ayant précédé l’accident (du 16.02.1979 au 15.02.1980). Après indexation et adaptation à la période de calcul déterminante (du 01.03.2017 au 28.02.2018 selon l’art. 24 al. 2 OLAA), il en résultait un gain annuel assuré de 51’733 fr.

L’assurance-accidents précise avoir calculé la rémunération perçue entre le 16.02.1979 et le 15.02.1980 sur la base de l’extrait de compte individuel de l’assuré, qui attestait de revenus déclarés de 23’000 fr. en 1979 et de 17’950 fr. en 1980; au prorata des jours de travail (319 jours en 1979 et 46 jours en 1980), on obtenait une rémunération de 22’370 fr. En présence de l’extrait de compte individuel qui se trouvait au dossier, les juges cantonaux auraient statué en violation du droit (art. 15 al. 2 LAA et art. 61 let. c LPGA) en retenant une rémunération de 27’996 fr. sur l’année ayant précédé l’accident, dès lors qu’ils se seraient fondés pour ce faire sur le seul salaire annoncé par l’employeur, lequel n’était pas confirmé par pièce et était de surcroît infirmé par l’extrait de compte individuel qui attestait du salaire effectivement versé.

La critique de l’assurance-accidents est justifiée. La force probante de la déclaration d’accident du 01.03.1980 est faible en tant qu’elle porte sur la rémunération de l’assuré. Les données manuscrites inscrites par l’employeur sont peu lisibles, comportent une rature (le salaire mensuel a été corrigé) et sont peu claires voire incohérentes (une allocation journalière de 2450 fr. est évoquée). De surcroît, la période à laquelle le salaire se rapporte n’est pas précisée. Il convenait ainsi de se fonder, comme l’a fait l’assurance-accidents, sur l’extrait de compte individuel de l’assuré, qui figure au dossier et dont la valeur probante apparaît supérieure à celle de la déclaration d’accident. Cet extrait émane en effet de la caisse de compensation et détaille les revenus précis pris en compte par la caisse chaque année, entre 1975 et 2000. Cela étant, c’est à raison que l’assuré souligne que son revenu déclaré pour l’ensemble de l’année 1980 a été « artificiellement tiré vers le bas » par le fait qu’il s’est retrouvé pendant plusieurs mois au bénéfice d’indemnités journalières. Dès lors, il convient par défaut de se baser uniquement sur le revenu de l’année 1979 pour déterminer le salaire annuel ayant précédé l’accident, à savoir 23’000 fr. Après indexation tenant compte de l’évolution des salaires (T39, hommes), il en résulte un gain annuel assuré de 54’209 fr. 05.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_476/2020 consultable ici

 

 

8C_164/2020 (f) du 01.03.2021 – Lien de causalité naturelle entre un CRPS et l’accident / Troubles psychiques – Causalité adéquate – 6 LAA / Mécanicien-électricien heurté par une valve métallique le projetant en arrière sur plusieurs mètres – Moyen stricto sensu

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_164/2020 (f) du 01.03.2021

 

Consultable ici

 

Lien de causalité naturelle entre un CRPS et l’accident – Rappel / 6 LAA

Troubles psychiques – Causalité adéquate / 6 LAA

Mécanicien-électricien heurté par une valve métallique le projetant en arrière sur plusieurs mètres – Moyen stricto sensu

 

Assuré, né en 1962, mécanicien-électricien, a été victime d’un accident le 07.06.2009 : il a été heurté au thorax par une valve métallique d’un silo mélangeur sous pression qu’il était en train de dévisser et a été projeté en arrière sur plusieurs mètres ; cette pièce mesurait environ 30 cm de diamètre sur 60 cm de profondeur et pesait environ 10 kilos. A l’Hôpital C.__, où l’assuré est resté en observation durant 24 heures, l’on a diagnostiqué une contusion du thorax, du coude gauche et de l’auriculaire droit. L’absence de fracture et d’hématome au thorax a été confirmée par un scanner du 28 septembre 2009 ; cet examen a en revanche montré un remaniement arthrosique des articulations sterno-costales.

Si l’évolution a été favorable en ce qui concerne le coude et l’auriculaire, l’assuré a continué à se plaindre de douleurs thoraciques importantes malgré la médication antalgique (Tramal), ce qui a motivé un séjour du 09.12.2009 au 19.01.2010 à la Clinique Romande de réadaptation (CRR). IRM du sternum et scintigraphie osseuse : résultats témoignant des suites d’une contusion osseuse sans mise en évidence d’une fracture. Les médecins de la CRR ont également observé des croyances erronées et des anticipations anxieuses chez l’assuré. L’assuré a repris le travail dans une activité légère à 30% le 25.01.2010.

Dès le mois d’avril 2010, l’assuré a été suivi par le professeur D.__, spécialiste en anesthésiologie, qui a retenu des signes compatibles avec un CRPS (complex regional pain syndrom ou syndrome douloureux régional complexe) et qui a procédé le 03.09.2010 à l’implantation d’un stimulateur médullaire.

Nouvel arrêt de travail 100% dès le 13.08.2010 ; l’assuré n’a plus repris le travail depuis lors. Consilium neurologique : le spécialiste en neurologie a observé une zone d’hypoesthésie tactile et douloureuse globale (dorso-latéro-antérieure) à la hauteur des vertèbres thoraciques T1 à T9, qui, selon lui, était difficilement explicable par un processus de contusions des structures nerveuses superficielles tel qu’évoqué par le professeur D.__ en l’absence d’une fracture ou d’une autre pathologie importante.

Expertise pluridisciplinaire à l’Hôpital M.__ : au titre de diagnostics neurologiques, ils ont notamment retenu un CRPS avec lésion post-traumatique des nerfs intercostaux T2-T5 à gauche et T3-T7 à droite. L’assurance-accidents a soumis cette expertise pour avis à ses médecins de son Centre de compétences, qui ont réfuté le diagnostic de CRPS. Nouvelle expertise, auprès d’un neurologue et d’un psychiatre : après concertation, ces médecins ont conclu à un syndrome douloureux somatoforme persistant ; pour la contusion thoracique, le neurologue a fixé le statu quo ante une année après l’accident.

L’assurance-accidents a mis, par décision du 29.05.2018 confirmée sur opposition, a mis fin avec effet immédiat à la prise en charge du traitement médical et entériné l’arrêt du versement des indemnités journalières au 18.07.2011 (précédente décision annulée par le tribunal cantonal).

 

Procédure cantonale (arrêt AA 133/18 – 14/2020 – consultable ici)

Par jugement du 27.01.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Lien de causalité naturelle entre un CRPS et l’accident

Le Tribunal fédéral rappelle que, pour admettre l’existence d’un lien de causalité naturelle entre un CRPS et l’accident, qu’il est déterminant qu’on puisse conclure, en se fondant sur les constats médicaux effectués en temps réel, que la personne concernée a présenté, au moins partiellement, des symptômes typiques du CRPS durant la période de latence de six à huit semaines après l’accident (voir les arrêts 8C_416/2019 du 15 juillet 2020 et 8C_177/2016 du 22 juin 2016).

En l’occurrence, il n’y a pas de motif de mettre en cause l’appréciation de la cour cantonale selon laquelle les conclusions des experts neurologues de l’Hôpital M.__ dans le sens d’une confirmation d’un CRPS ne sauraient être suivies. Ces médecins ont retenu ce diagnostic en considération de la combinaison des symptômes sensitifs, vaso- et sudomoteurs et des douleurs thoraciques extrêmement invalidantes. Ils ont précisé que ce diagnostic permettait d’expliquer l’ensemble des symptômes présentés par l’assuré par opposition aux autres diagnostics différentiels, tels que des douleurs neuropathiques d’origine périphérique ou centrale (polyneuropathies, radiculopathies, douleur post-zostérien, lésion médullaire etc.). Toutefois, comme l’a relevé à juste titre la cour cantonale en se fondant sur les objections des médecins du Centre de compétences de l’assurance-accidents, si les neurologues de l’Hôpital M.__ ont bien observé au moment de leur examen une allodynie, ils n’ont constaté aucune sudation, œdème, rougeur ou changement de coloration de la peau, ni trouble moteur ou changement trophique. De plus, l' »impression de froideur » décrite par l’assuré n’avait pas fait l’objet d’une confirmation par des mesures. Ces considérations, que l’assuré ne discute au demeurant pas sérieusement, permettent de considérer qu’il manque des indices cliniques pertinents pour le diagnostic selon les critères dits de Budapest.

Les arguments médicaux sont convaincants et permettent d’écarter l’éventualité de séquelles neurologiques notables. Pour le reste, on peut constater que les médecins de la CRR n’avaient retenu aucune contre-indication à une augmentation progressive de la capacité de travail de l’assuré à la fin de l’année 2010, que le docteur S.__ a confirmé une guérison totale sur le plan anatomique, et, enfin, que l’assuré présente une arthrose sterno-costale qui n’a pas pu être attribuée à l’événement accidentel. Aussi peut-on s’en tenir à la fixation du statu quo ante au 18.07.2011 comme reconnu par l’assurance-accidents en ce qui concerne les conséquences de la contusion thoracique du 07.06.2009, étant précisé que le médecin-expert neurologue a considéré que ce statu quo ante était déjà atteint une année après l’accident.

 

Troubles psychiques – Causalité adéquate

On ne voit pas de motif de ranger l’accident du 07.06.2009 dans la catégorie des accidents moyens à la limite des cas graves. L’assuré a été heurté directement au thorax par une valve métallique d’une machine sous pression, ce qui lui a occasionné une contusion thoracique. Compte tenu de la nature de cette lésion, on doit retenir que les forces mises en jeu sur son thorax au moment de l’accident étaient d’importance moyenne. La qualification de la cour cantonale concernant le degré de gravité de l’accident peut donc être confirmée.

Partant, il faut un cumul de trois critères sur les sept ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour que la causalité adéquate soit admise (SVR 2010 UV n° 25 p. 100 [8C_897/ 2009] consid. 4.5; arrêt 8C_663/2019 du 9 juin 2020 consid. 3.2). Or, si le critère du caractère particulièrement impressionnant de l’événement du 07.06.2009 peut être reconnu, il n’a pas revêtu à lui seul une intensité suffisante pour l’admission du rapport de causalité adéquate. Quant aux deux autres critères invoqués, ils ne sont pas réalisés. En effet, les douleurs de l’assuré sont entretenues par son état psychique et on ne peut pas parler dans son cas d’un traitement médical pénible sur une longue durée. On notera que tous les médecins ont recommandé que l’assuré se soumette à un sevrage du Tramal.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_164/2020 consultable ici

 

 

9C_324/2020 (f) du 05.02.2021 – Lésions dentaires chez une assurée de 78 ans à la suite d’un accident / Causalité naturelle– Atteinte à la santé en grande partie imputable à un état antérieur massif (in casu : parodontite de sévère à très sévère) / Cause partielle / Causalité adéquate en cas de lésions dentaires et physiques

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_324/2020 (f) du 05.02.2021

 

Consultable ici

 

Lésions dentaires chez une assurée de 78 ans à la suite d’un accident / 4 LPGA – 1 al. 2 lit. b LAMal – 28 LAMal – 31 al. 2 LAMal

Lien de causalité naturelle entre l’accident et l’atteinte à la santé – Atteinte à la santé en grande partie imputable à un état antérieur massif (in casu : parodontite de sévère à très sévère) / Cause partielle

Causalité adéquate en cas de lésions dentaires et physiques

Pas d’arbitraire dans l’appréciation des preuves et l’établissement des faits

 

Assurée, née en 1939, a chuté sur le visage le 12.06.2017, ce qui a notamment entraîné des dommages dentaires (fractures des racines des dents 12 et 21, luxations des dents 11, 12 et 21, subluxation de la dent 22).

Le 26.06.2017, le dentiste traitant, a établi un devis de 10’373 fr. 40 pour la réalisation d’un pont pour quatre incisives et deux implants. Après avoir soumis le cas à son médecin-conseil, la caisse-maladie a fait savoir à l’assurée qu’elle allait refuser la prise en charge du traitement tel que devisé par le dentiste traitant vu l’état parodontal préexistant, car l’accident n’expliquait pas les dégâts constatés.

Par décision, confirmée sur opposition, la caisse-maladie a refusé d’intervenir.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/230/2020 – consultable ici)

Examinant les divergences de vues entre les médecins-conseils de l’assureur et les dentistes de l’assurée, les juges cantonaux ont admis que le dossier ne permettait pas de considérer qu’une sollicitation quotidienne normale, soit l’acte de mastiquer, aurait entraîné une luxation, une subluxation ou encore une fracture des dents en question, à peu près au même moment que l’accident. Même si les dents étaient déjà branlantes avant l’accident, rien au dossier ne justifiait de retenir que le fait de mastiquer les aurait déplacées ou entraîné une fracture de la racine en juin 2017. Les juges cantonaux en ont déduit que l’accident ne constituait pas une cause fortuite, de sorte que le lien de causalité naturelle devait être admis, de même que le lien de causalité adéquate puisque les conditions pour admettre son interruption étaient identiques.

Par jugement du 16.03.2020, admission partielle du recours, annulation de la décision litigieuse, constant que l’atteinte dentaire était en lien de causalité avec l’accident assuré. La cause est renvoyée à la caisse-maladie pour instruction et décision sur le montant de la prise en charge.

 

TF

En ce qui concerne l’exigence d’un lien de causalité naturelle et adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé, la responsabilité de l’assurance ne peut être exclue au motif qu’une atteinte à la santé est en grande partie imputable à un état antérieur massif et que l’événement accidentel n’a qu’une importance secondaire (cf. ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181, 402 consid. 4.3.1 p. 406 et les arrêts cités; arrêt 9C_242/2010 du 29 novembre 2010 consid. 3.2). En présence d’un état antérieur, ce n’est que si une sollicitation quotidienne aurait pu causer les mêmes dommages au même moment en raison de cet état que la causalité naturelle peut être niée (arrêt 9C_242/2010 cité consid. 3.2).

 

Selon la jurisprudence, l’arbitraire dans l’appréciation des preuves et l’établissement des faits ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution serait envisageable ou même préférable. Le Tribunal fédéral n’annule la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité (cf. ATF 141 I 49 consid. 3.4 p. 53 et les arrêts cités). Pour qu’une décision soit annulée au titre de l’arbitraire au sens de l’art. 9 Cst., il ne suffit pas qu’elle se fonde sur une motivation insoutenable; encore faut-il qu’elle apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 137 I 1 consid. 2.4 p. 5 et les arrêts cités). En ce qui concerne plus précisément l’appréciation des preuves et l’établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l’autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu’elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266).

 

En ce qui concerne l’état de la dentition au moment de l’accident, la caisse-maladie soutient que si l’assurée avait croqué normalement des aliments, ses incisives se seraient luxées ou subluxées, car ces dents ne supportaient plus une charge normale en raison de l’état d’avancement de la parodontite. On ne saurait toutefois suivre ce raisonnement à la lumière des déclarations de son médecin-conseil. En effet, ce dernier a retenu que l’assurée pouvait encore croquer doucement avec ses incisives (l’attache osseuse étant de 3mm), car la résistance existait encore avant l’accident même si elle était fortement diminuée. Lors de l’audience d’enquêtes, le médecin-conseil a certes qualifié la parodontite de sévère à très sévère et indiqué que le pronostic était clairement mauvais. Néanmoins, s’agissant de la mobilité des dents, il a précisé qu’il ne pouvait pas contredire les affirmations du dentiste traitant, selon lequel il n’y avait aucune mobilité des incisives avant l’accident, même si ce fait pouvait être suspecté. De plus, si le dentiste-conseil s’est étonné du pronostic évoqué par le dentiste traitant, qui était d’avis que les dents auraient encore été en place dans cinq ans, il ne l’a cependant pas contredit quant à cette durée.

En l’espèce, il incombait à la partie recourante d’établir en quoi les premiers juges auraient constaté les faits de manière manifestement inexacte en n’ayant pas retenu qu’une sollicitation quotidienne des dents aurait pu produire les mêmes dommages à peu près au moment de l’accident. L’affirmation de la caisse-maladie selon laquelle « les incisives de l’assurée étaient condamnées » ne suffit pas. A la lumière des avis médicaux qui lui étaient soumis, la juridiction cantonale n’a pas tiré de constatations insoutenables en écartant cette éventualité, nonobstant la fragilité avérée des dents en raison de l’étendue de la perte osseuse (parodontite). L’instance cantonale pouvait ainsi admettre que l’état antérieur de la dentition n’avait constitué qu’une cause partielle de la perte des incisives et que celles-ci n’auraient pas été endommagées de la même manière sans l’accident.

 

Quant au lien de causalité adéquate, la caisse-maladie se réfère à la jurisprudence en matière de cas dentaires (ATF 114 V 169 consid. 3b p. 171). En tant qu’elle se réfère à une condition particulière concernant la causalité adéquate, elle semble ignorer que la jurisprudence prévoit une analogie entre la causalité naturelle et la causalité adéquate dans ce domaine (arrêt 9C_242/2010 cité consid. 3.3 avec la référence à l’ATF 114 V 169). Une violation du droit fédéral à cet égard ne saurait être reprochée aux juges cantonaux.

 

Le TF rejette le recours de la caisse-maladie.

 

 

Arrêt 9C_324/2020 consultable ici

 

 

9C_344/2020 (d) du 22.02.2021 – Rappel de la procédure de la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire en assurance-invalidité – 44 LPGA – 72bis RAI / Contestation relative à la sélection du centre d’expertise doit être soulevée le plus tôt possible – Principe de la bonne foi

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_344/2020 (d) du 22.02.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt du TF fait foi

 

Rappel de la procédure de la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire en assurance-invalidité / 44 LPGA – 72bis RAI

Une désignation consensuelle des experts (et non par attribution aléatoire) n’est pas conforme à la jurisprudence

Contestation relative à la sélection du centre d’expertise doit être soulevée le plus tôt possible – Principe de la bonne foi

 

Assuré, né en 1969, dernier emploi d’agent de sécurité. Demande AI déposée le 03.05.2011, consécutivement à un accident survenu le 02.11.2010. Expertise pluridisciplinaire (orthopédique-traumatologique-rhumatologique, neurologique et psychiatrique) mise en œuvre par l’office AI. Décision de refus de rente le 18.07.2019.

 

Procédure cantonale

L’assuré soutient que le rapport d’expertise du COMAI ne devrait pas être retenu, car le centre d’expertise n’a pas été choisi aléatoirement, en violation de l’art. 72bis al. 2 RAI [il y a eu une désignation consensuelle entre l’office AI et l’assuré]. La cour cantonale est arrivée à la conclusion que l’assuré est capable à 100% de travailler dans une activité adaptée. Par jugement du 23.04.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Procédure de la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire en AI

Au sens de l’art. 43 al. 1 LPGA, l’assureur examine les demandes, prend d’office les mesures d’instruction néces­saires et recueille les renseignements dont il a besoin. Les renseignements donnés oralement doivent être consignés par écrit. Si l’assureur doit recourir aux services d’un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties, conformément à l’art. 44 LPGA. Les parties peuvent récuser l’expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions. Les expertises comprenant trois ou plus de trois disciplines médicales doivent se dérouler auprès d’un centre d’expertises médicales lié à l’office fédéral par une convention (art. 72bis al. 1 RAI). L’attribution du mandat d’expertise doit se faire de manière aléatoire (art. 72bis al. 2 RAI).

Conformément à la jurisprudence, le choix de l’expert pour les évaluations COMAI polydisciplinaires doit toujours être fait de manière aléatoire (ATF 138 V 271 consid. 1.1 p. 274 s., 139 V 349 consid. 5.2.1 p. 354).

Dans un premier temps, l’office AI informe l’assuré qu’une expertise doit être réalisée ; il lui indique en même temps le type d’expertise envisagé (poly- ou mono- ou bi-disciplinaire) ainsi que les disciplines médicales et les questions d’expertise envisagées. À ce stade, la personne assurée peut soulever des objections de fond quant à l’évaluation en tant que telle ou à la nature ou à la portée de l’évaluation (exemples : deuxième avis inutile, choix inapproprié des disciplines médicales envisagées).

Dans un deuxième temps, l’office AI communique à la personne assurée le centre d’expertise attribué par tirage au sort (via la plateforme d’attribution SuisseMed@P développée par l’OFAS, par laquelle l’ensemble du processus d’obtention d’une expertise est géré et contrôlé) et les noms des experts, y compris les titres de spécialistes. Par la suite, l’assuré a la possibilité de soulever des objections personnelles matérielles ou formelles (ATF 139 V 349 consid. 5.2.2 p. 355 s.).

Ce modèle d’attribution est destiné à neutraliser les craintes générales de dépendance et de partialité découlant des conditions-cadres du système d’expertise (ATF 139 V 349 consid. 5.2.2.1 p. 355).

En raison de ces règles de procédure, il n’y a pas de place pour une nomination consensuelle des experts dans les expertises polydisciplinaires. Un accord consensuel peut en principe se révéler approprié, dans des cas particuliers, pour accroître l’acceptation des expertises COMAI polydisciplinaires, notamment auprès des assurés. Toutefois, ce n’est pas une raison pour renoncer à la désignation aléatoire ou pour n’y recourir que si les parties ne parviennent pas à se mettre d’accord sur un centre d’expertise. Etant donné que seuls les centres d’expertise qui remplissent les critères de reconnaissance (organisationnelle et professionnelle) de l’OFAS sont autorisés à établir des expertises polydisciplinaires pour l’AI, l’office AI ne peut en principe refuser les COMAI proposés par l’assuré que pour des raisons d’économie de procédure et est donc largement obligé de suivre les propositions de l’assuré. Si une désignation consensuelle des experts devait être régulièrement envisagée/recherchée, cela établirait à nouveau une sélection du centre d’expertise axée sur le résultat, ce que le principe de l’aléatoire consacré par l’art. 72bis al. 2 RAI vise précisément à empêcher (cf. ATF 140 V 507 consid. 3.2 p. 511 ss).

 

Contestation de la détermination du centre d’expertise

Sur la base du principe de bonne foi, qui s’applique également aux particuliers, et de l’interdiction de l’abus de droit (art. 5 al. 3 Cst. ; ATF 137 V 394 consid. 7.1 p. 403 et les références), la jurisprudence du Tribunal fédéral exige que les objections procédurales soient soulevées le plus tôt possible, c’est-à-dire à la première occasion après avoir pris connaissance un défaut. Il est contraire à la bonne foi de ne soulever des irrégularités de ce type qu’à un stade ultérieur de la procédure ou même dans une procédure ultérieure si l’objection aurait pu être établie et contestée auparavant. Une partie qui intervient dans la procédure sans soulever un vice de procédure à la première occasion perd généralement le droit d’invoquer la disposition procédurale prétendument violée à un stade ultérieur (voir ATF 135 III 334 consid. 2.2 p. 336 ; ATF 134 I 20 consid. 4.3.1 p. 21 ; ATF 132 II 485 consid. 4.3 p. 496 s. ; ATF 130 III 66 consid. 4.3 p. 75 ; chacun avec références ; arrêt 1C_630/2014 du 18 septembre 2015 consid. 3.1). Ainsi, notamment, les motifs de récusation présentés tardivement ne sont pas à prendre en compte ou sont frappés de péremption (ATF 143 V 66 consid. 4.3 p. 69 ; 140 I 271 consid. 8.4.5 p. 276 ; SVR 2006 UV n° 20 p. 70 consid. 4.5, U 303/05).

Selon les constatations de fait de la cour cantonale, l’assuré était déjà représenté au moment de la détermination du centre d’expertise. Il n’a toutefois pas soulevé le grief de la sélection illicite du centre d’expertise dans la procédure administrative – pas même de manière informelle (cf. également arrêt 9C_174/2020 du 2 novembre 2020 consid. 6.2.2, destiné à la publication) – mais l’a soulevée pour la première fois dans le recours devant la cour cantonale. Comme les juges cantonaux l’ont estimé à juste titre, ce grief a donc été soulevé avec retard/hors délai. Il n’y a pas de raisons apparentes pour lesquelles la jurisprudence selon laquelle les objections procédurales doivent être soulevées le plus tôt possible, c’est-à-dire à la première occasion après avoir pris connaissance d’un défaut, ne devrait pas s’appliquer à la sélection juridiquement incorrecte d’un centre d’expertise (cf. également arrêt 8C_635/2018 du 21 décembre 2018 consid. 5.3). Si même le droit de faire valoir un motif formel de récusation est périmé en cas d’allégation tardive, cela doit d’autant plus s’appliquer dans des cas comme en l’espèce où il n’y a qu’une désignation consensuelle des experts – même si elle est inadmissible selon la jurisprudence. Dans un cas comme dans l’autre, il n’est pas acceptable qu’un assuré attende d’avoir connaissance de l’évaluation des experts avant de soulever le vice, et donc de ne le signaler que s’il n’est pas d’accord avec dite évaluation.

La cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral lorsqu’elle a établi les faits médicaux en tenant compte de l’expertise. La capacité établie de travailler dans une activité adaptée n’entraînant pas un degré d’invalidité justifiant une rente, c’est à juste titre que la cour cantonale a confirmé la décision de refus de prestations de l’office AI.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_344/2020 consultable ici

Proposition de citation : 9C_344/2020 (d) du 22.02.2021 – Procédure de la mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire en assurance-invalidité, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/04/9c_344-2020)

 

9C_333/2020 (f) du 23.02.2021 – Prévoyance surobligatoire – Réticence – Examen en fonction des dispositions statutaires et réglementaires / Connexité temporelle et matérielle d’une maladie évoluant par poussées (schizophrénie) – Pas d’interruption malgré une période de 12 mois sans incapacité de travail

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_333/2020 (f) du 23.02.2021

 

Consultable ici

 

Prévoyance surobligatoire – Réticence – Examen en fonction des dispositions statutaires et réglementaires

Connexité temporelle et matérielle d’une maladie évoluant par poussées (schizophrénie) – Pas d’interruption du lien malgré une période de 12 mois sans incapacité de travail / 23 LPP

 

Assurée, née en 1973, a bénéficié de prestations de l’assurance-invalidité du 01.05.1999 au 30.04.2015 (droit à une demi-rente d’invalidité jusqu’au 30.04.2000, puis à une rente entière). Elle était atteinte d’un trouble schizo-affectif de type dépressif (en rémission au moment de l’examen), sur personnalité schizoïde et obsessionnelle, entraînant une limitation partielle de la capacité de travail. Pendant cette période, l’assurée a travaillé pour le compte de la Fondation C.__, d’abord en qualité d’éducatrice de l’enfance à 25% dès le 01.08.2006, puis à 100%, en tant que directrice du jardin d’enfants/jardinière d’enfants, à partir du 01.08.2014. A ce titre, elle a été assurée pour la prévoyance professionnelle auprès de l’institution de prévoyance dès le 01.08.2014.

Au mois de septembre 2015, l’assurée a présenté une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité. La Fondation C.__ a adressé à l’institution de prévoyance une demande d’exemption de cotisations en faveur de son employée en février 2016, en indiquant que celle-ci était en incapacité totale de travail depuis le 18.08.2015. Les rapports de travail ont pris fin avec effet au 30.06.2016. Par courrier du 03.10.2016, l’institution de prévoyance a informé l’assurée qu’en raison d’une violation de l’obligation de déclarer, elle résiliait le contrat pour les prestations non obligatoires en relation avec les problèmes de santé qui n’avaient pas été communiqués au début de l’assurance. Par décision du 09.11.2017, l’office AI a reconnu le droit de l’assurée à une rente entière d’invalidité à compter du 01.12.2017, en précisant qu’une décision relative à la période du 01.03.2016 au 30.11.2017 lui parviendrait ultérieurement.

Le 26.02.2018, l’assurée s’est adressée à l’institution de prévoyance en vue d’obtenir le versement des prestations d’invalidité obligatoires et surobligatoires. Celle-ci a nié toute obligation de prester (courrier du 16.04.2018). En bref, elle a considéré que le cas d’assurance était survenu avant le début de l’affiliation de l’assurée auprès d’elle, et que l’intéressée avait par ailleurs commis une réticence en répondant par la négative à différentes questions concernant son état de santé au moment de sa demande d’affiliation.

 

Procédure cantonale (arrêt PP 29/18 – 6/2020 – consultable ici)

La juridiction de première instance a d’abord examiné le point de savoir si l’institution de prévoyance était en droit de résilier le contrat de prévoyance pour toutes les prestations non obligatoires, en raison d’une réticence. Au vu de la mention d’une pleine capacité de travail dans la demande d’affiliation à la prévoyance professionnelle du 16.06.2015, et des réponses manifestement fausses ou incomplètes de l’assurée figurant dans le questionnaire de santé qu’elle avait signé le 05.07.2015, elle a considéré que la caisse de pensions était en droit de résilier l’assurance surobligatoire et de limiter ses prestations à la prévoyance professionnelle obligatoire, ce qu’elle avait fait dans le délai utile après avoir eu connaissance de la réticence. Les juges cantonaux ont ensuite admis l’existence d’un lien de connexité matérielle et temporelle entre les troubles psychiques que présentait l’assurée avant le début de sa couverture d’assurance auprès de l’institution de prévoyance et l’incapacité de travail ayant débuté dès le 18.08.2015, avec pour conséquence qu’ils ont nié que la caisse de pensions fût tenue à prestations.

Par jugement du 02.04.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Réticence

Pour admettre que l’intéressée avait commis une réticence, ils se sont en effet fondés sur l’art. 4 du règlement selon lequel la caisse de pensions remet un questionnaire de santé aux personnes à assurer à titre surobligatoire et une déclaration de santé complète et véridique est la condition d’admission dans l’assurance; la disposition règlementaire précise par ailleurs que la caisse peut réduire les prestations au minimum légal en cas de violation de l’obligation de renseigner, en l’annonçant à la personne concernée dans les trois mois après en avoir eu connaissance. A cet égard, selon la jurisprudence, à laquelle la juridiction cantonale s’est dûment référée, dans le domaine de la prévoyance plus étendue, la réticence et ses conséquences doivent en effet être examinées en fonction des dispositions statutaires et réglementaires valables au moment où a été conclu le contrat de prévoyance; ce n’est qu’en l’absence de telles dispositions que les institutions de prévoyance sont fondées à se départir du contrat de prévoyance en cas de réticence, par application analogique des art. 4 ss LCA (ATF 130 V 9 consid. 2.1 in fine p. 12 et consid. 4-5 p. 13 ss; cf. aussi arrêts 9C_606/2017 du 14 mars 2018 consid. 3.2 et 9C_532/2014 du consid. 3.1). Aussi, compte tenu des dispositions réglementaires applicables en l’espèce, l’argumentation de l’assurée selon laquelle ses déclarations dans le questionnaire de santé ne peuvent pas être constitutives d’une réticence parce qu’elle aurait remis celui-ci plus d’un mois après la confirmation par l’institution de prévoyance de son affiliation, est mal fondée. L’art. 4 du règlement de prévoyance prévoit en effet expressément que l’admission dans l’assurance est subordonnée à la condition que la personne à assurer remplisse un tel questionnaire. Or selon les constatations de la juridiction cantonale, qui ne sont pas remises en cause par les parties, le questionnaire lui a été remis en même temps que la confirmation de son entrée dans la caisse de pensions, avec l’invitation de le remplir. L’affiliation (sans réserve de santé) était dès lors soumise à la condition que l’assurée effectue une déclaration de santé complète et véridique; le fait qu’elle a renvoyé le questionnaire plus d’un mois plus tard n’est pas déterminant.

A la suite des premiers juges, on constate que l’assurée a répondu par la négative aux questions de savoir, notamment, si elle présentait une incapacité totale ou partielle de travail à la date de sa première affiliation, percevait une rente, prenait des médicaments à intervalles réguliers ou avait dû arrêter partiellement ou totalement de travailler du fait d’une maladie ou d’un accident pendant plus de quatre semaines au cours des cinq dernières années. On ne voit pas en quoi, en particulier cette dernière question, ne serait pas précise ou présenterait un caractère équivoque. La question fait en effet référence à une incapacité totale ou partielle de travailler d’une durée de plus de quatre semaines au cours des cinq dernières années. A cet égard, on rappellera que l’assurée a bénéficié d’une rente entière de l’assurance invalidité du 01.05.2000 au 30.04.2015 et qu’elle a travaillé à temps partiel avant le 01.08.2014. Il ressort par ailleurs des constatations cantonales – que l’assurée ne conteste pas – qu’elle avait indiqué à l’assurance-invalidité, en décembre 2009, que son activité professionnelle exercée alors à un taux de 25% constituait le maximum qu’elle pouvait faire pour garder le fragile équilibre qui était le sien et qu’elle n’avait par la suite pas augmenté le taux d’activité avant août 2014. L’assurée ne pouvait ainsi ignorer, au moment où elle a rempli le questionnaire de santé en été 2015, que sa capacité de travail n’avait pas été entière durant les cinq dernières années ou qu’elle avait perçu une rente (en relation avec les questions 2 et 7 du questionnaire). Partant, quoi qu’en dise l’assurée, c’est sans arbitraire que les juges cantonaux ont considéré qu’en répondant par la négative à cette question, elle avait donné de faux renseignements, avec pour conséquence que l’institution de prévoyance était en droit de résilier l’assurance surobligatoire et de limiter ses prestations à la prévoyance obligatoire.

 

Connexité temporelle et matérielle

Les parties ne contestent pas l’existence d’un lien de connexité matériel entre le trouble schizo-affectif de type dépressif, sur personnalité schizoïde et obsessionnelle, en raison duquel l’assurée s’est vu reconnaître le droit à une rente de l’assurance-invalidité du 01.05.1999 au 30.04.2015 et l’incapacité durable de travail survenue en août 2015, qui est à l’origine de l’invalidité actuelle.

Certes, comme le fait valoir l’assurée en se référant à l’arrêt 9C_76/2015 du 18 décembre 2015 consid. 4.2, le recouvrement d’une capacité de travail de plus de 80% dans une activité lucrative adaptée durant plus de trois mois constitue un indice important en faveur de l’interruption du lien de connexité temporelle que seuls des éléments objectifs importants peuvent remettre en cause. Cela étant, comme l’ont dûment rappelé les juges cantonaux, cette durée de trois mois doit être relativisée lorsque l’activité en question doit être considérée comme une tentative de réinsertion, en particulier lorsque l’invalidité résulte d’une maladie évoluant par poussées, telle que la sclérose en plaque ou la schizophrénie. Lorsque les tableaux cliniques sont caractérisés par des symptômes évoluant par vagues, avec une alternance des périodes d’exacerbation et de rémission, même une phase plus longue pendant laquelle la personne assurée avait pu reprendre le travail n’implique pas forcément une amélioration durable de l’état de santé et de la capacité de travail si chaque augmentation de la charge professionnelle entraîne après quelque temps, en règle générale, une recrudescence des symptômes conduisant à une nouvelle incapacité de travail notable. La jurisprudence essaie d’en tenir compte en accordant une signification particulière aux circonstances de chaque cas d’espèce (arrêt 9C_515/2019 du 22 octobre 2019 consid. 2.1.1; 9C_575/2018 du 15 avril 2019 consid. 4.1 et les arrêts cités).

On rappellera que les constatations de la juridiction cantonale relatives à l’incapacité de travail résultant d’une atteinte à la santé relèvent d’une question de fait et ne peuvent être examinées par le Tribunal fédéral que sous un angle restreint, dans la mesure où elles reposent sur une appréciation concrète des circonstances du cas d’espèce. Les conséquences que tire l’autorité précédente des constatations de fait quant à la connexité temporelle sont en revanche soumises, en tant que question de droit, au plein pouvoir d’examen du Tribunal fédéral (arrêt 9C_214/2019 du 12 décembre 2019 consid. 4.1 et la référence).

 

Pour admettre que le lien de connexité temporelle entre les troubles psychiques en raison desquels l’assurée a bénéficié d’une rente de l’assurance-invalidité dès le mois de mai 1999 et l’incapacité de travail ayant débuté dès le 18.08.2015 n’avait pas été interrompu pendant la période d’activité professionnelle à 100% du 01.08.2014 au 18.08.2015, les juges cantonaux ont d’abord considéré que cette période d’activité avait constitué une tentative de reprise du travail. Après avoir constaté que l’assurée avait travaillé à 100% dès le 01.08.2014, sans présenter d’incapacité de travail médicalement attestée avant le 18.08.2015, la juridiction cantonale a admis que l’incapacité durable de travail médicalement attestée dès cette dernière date trouvait sa cause dans l’activité professionnelle exercée à 100% dès le 1er août 2014, qui avait progressivement entraîné un épuisement des ressources de l’assurée et une augmentation des symptômes. Dans le contexte d’un trouble schizo-affectif évoluant sous la forme de « poussées-rémissions », présent depuis de nombreuses années et ayant justifié l’octroi d’une rente entière de l’assurance-invalidité jusqu’au 30.04.2015, soit pendant encore les neuf premiers mois de la période d’activité à 100% de l’assurée, les juges cantonaux ont considéré que le seul fait que cette atteinte à la santé n’ait pas entraîné de période d’arrêt de travail ou de diminution du taux d’activité pendant une année n’était pas suffisant pour interrompre le lien de connexité temporelle.

D’une part, pour parvenir à la conclusion que l’activité exercée par l’assurée à 100% dès août 2014 constituait une tentative de réinsertion, les juges cantonaux se sont fondés sur des éléments objectifs importants. Il ressort à cet égard de leurs constatations, qui ne sont pas contestées par l’assurée, que lorsqu’elle avait postulé pour cet emploi à 100%, elle était bien consciente du fait que cette augmentation du taux d’activité pouvait la déstabiliser et qu’elle n’était pas certaine de pouvoir tenir sur le long terme, ce dont elle avait fait part à l’office AI au moment de son engagement (cf. rapport d’entretien du 07.05.2014). La juridiction cantonale s’est également référée à un rapport de la doctoresse D.__, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, du 13.03.2014, qui suivait l’assurée depuis novembre 2003. Selon le médecin, une reprise du travail à 100% était possible, à raison de quatre heures de présence quotidienne et de quatre heures de planification libre, une présence de 8 heures quotidiennes n’étant pas exigible.

Un autre élément objectif important en faveur d’une tentative de reprise d’un emploi à plein temps résidait également dans le fait que l’office AI avait poursuivi le versement de la rente entière dont l’assurée était titulaire jusqu’au 30.04.2015. On ajoutera que lors d’un entretien, le 07.05.2014, dans les locaux de l’office AI, l’assurée avait en outre été informée que l’activité qu’elle avait l’intention de débuter à 100% en août 2014 était un projet de reprise, et que son droit à la rente allait être maintenu pendant le début de l’activité pour s’assurer du caractère durable de celle-ci (rapport d’entretien du 07.05.2014). Compte tenu de ce qui précède, les considérations de la juridiction cantonale selon lesquelles l’activité exercée à 100% dès le 01.08.2014 était une tentative de réinsertion n’apparaissent pas insoutenables. Au moment de l’engagement, il existait en effet de sérieux doutes quant au point de savoir si l’exercice d’une activité professionnelle à plein temps était adapté à l’état de santé de l’assurée.

 

D’autre part, on ne saurait reprocher à la juridiction cantonale d’avoir considéré que le fait que l’assurée n’avait pas été en incapacité de travail durant la tentative de réinsertion initiée en août 2014, avant le 18.08.2015, était insuffisant pour interrompre le lien de connexité temporelle. Lorsque l’atteinte à la santé se caractérise par une alternance des périodes d’exacerbation et de rémission, comme c’est le cas en l’espèce, des troubles psychiques présentés par l’assurée, une période de plusieurs mois pendant laquelle la personne assurée est en mesure d’exercer une activité professionnelle à plein temps ne signifie pas nécessairement que l’état de santé et la capacité de travail se sont durablement améliorés lorsque l’augmentation de la charge professionnelle entraîne après quelque temps une recrudescence des symptômes conduisant à une nouvelle incapacité de travail notable (arrêts 9C_515/2019 et 9C_578/2018 cités). Or en l’occurrence, c’est précisément la reprise du travail à 100% en août 2014 qui a provoqué l’incapacité durable de travail à compter du mois d’août 2015. On constate en effet, à la suite des juges cantonaux, que la doctoresse D.__ a indiqué que sa patiente avait commencé à présenter des signes de décompensation sous forme de symptômes somatiques et psychiques au printemps 2015 et que durant les vacances d’été, l’anxiété s’était généralisée et que tous les symptômes étaient devenus plus percutants (rapport du 05.10.2015). Dans un rapport du 27.11.2015, le docteur E.__, spécialiste en médecine interne générale, qui suivait l’assurée depuis le mois de mars 2014, avait pour sa part fait état d’une tentative de reprise du travail à 100% avec un épuisement progressif au plan émotionnel, et précisé que les longues vacances d’été n’avaient pas permis de rétablir l’équilibre préexistant.

En indiquant que son employeur n’avait pas fait preuve de sollicitude particulière envers elle et que son engagement ne reposait pas sur des considérations sociales, dès lors qu’il n’était pas au courant des problèmes de santé passés de son employée, et qu’il n’avait jamais observé quoi que ce fût de particulier, l’assurée ne remet pas en cause les constatations des juges cantonaux fondées sur le dossier médical. Elle ne démontre pas en quoi la juridiction cantonale aurait fait preuve d’arbitraire en admettant que son état de santé et sa capacité de travail ne s’étaient pas durablement améliorés, si bien que le lien de connexité temporelle entre les troubles psychiques qu’elle présentait avant le début de sa couverture d’assurance auprès de l’institution de prévoyance et l’incapacité durable de travail ayant débuté dès le 18.08.2015 n’avait pas été interrompu.

 

En conclusion, en admettant que l’assurée n’était pas assurée auprès de l’institution de prévoyance lorsque l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité est survenue, avec pour conséquence qu’elle a nié l’obligation de l’institution de prévoyance d’allouer des prestations d’invalidité, la juridiction cantonale n’a pas procédé à une appréciation manifestement insoutenable des circonstances particulières du cas d’espèce et, partant, n’a pas violé l’art. 23 LPP et la jurisprudence y relative.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_333/2020 consultable ici

 

 

8C_186/2020 (i) du 26.06.2020 – Révision d’une rente d’invalidité – Revenu d’invalide – 17 LPGA – 16 LPGA / Rappel relatif à l’utilisation de l’ESS – TA1_tirage_skill_level / Conditions pour s’écarter du tableau TA1 et pour appliquer la table T17

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_186/2020 (i) du 26.06.2020

 

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt original fait foi

Consultable ici

 

Révision d’une rente d’invalidité – Revenu d’invalide / 17 LPGA – 16 LPGA

Rappel relatif à l’utilisation de l’ESS – TA1_tirage_skill_level

Conditions pour s’écarter du tableau TA1 et pour appliquer la table T17

 

Assurée, née en 1954, serveuse dans un hôtel-restaurant, a fait une chute en skiant le 28.01.1991, entraînant une fracture des vertèbres D8 et D9 et nécessitant une spondylodèse D7-D10 en novembre 1991. L’assurance-accidents a octroyé une rente d’invalidité au taux de 50% depuis le 01.11.1993. De 1995 à 2007, l’assuré a suivi un traitement intensif de physiothérapie en stationnaire ou en « Day Hospital » pendant 2 à 3 semaines consécutives par an. Ce traitement a été pris en charge par l’assurance-accidents.

Le 26.01.2017, l’assureur-accidents a procédé à la révision de la rente d’invalidité et mis en œuvre une expertise médicale. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a réduit le degré d’invalidité à 26% à compter du 01.08.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt 35.2019.12 – consultable ici)

Le tribunal cantonal a relevé que l’assureur-accidents a appliqué le tableau T17 2014, secteur des activités de bureau/administratives, indexé à 2018. Le tribunal cantonal a constaté que l’assurée avait été serveuse du 01.04.1976 jusqu’à l’accident du 28.01.1991. De 1992 à 2008, elle a travaillé dans un grotto dirigé par sa sœur. L’assurée a déclaré que ses horaires de travail ne correspondaient pas à ceux d’une serveuse normale, mais comprenaient des tâches administratives. Sa sœur ayant cessé son activité entrepreneuriale, elle a été inscrite au chômage à partir du 01.01.2009 ; à partir du 01.04.2009, elle a également travaillé comme « secrétaire auxiliaire » dans une boucherie et comme « réceptionniste auxiliaire » dans un hôtel à Locarno. Sans activité lucrative depuis l’automne 2015, l’assuré a perçu des indemnités de chômage de 2009 à 2017 [pour la période 2009-2015 : gain intermédiaire].

Le Tribunal cantonal a rappelé qu’en l’absence d’un revenu effectivement réalisé le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques du tableau TA1 [de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS)]. Il existe des exceptions à ce principe lorsque le revenu d’invalide peut être déterminer plus précisément et lorsque le secteur public est ouvert à l’assuré en plus du secteur privé.

Compte tenu des antécédents professionnels de l’assurée, le tribunal cantonal n’a pas accepté l’application de la ligne 4 [« Employé(e)s de type administratif »] du tableau T17, car il a considéré que le secteur public n’était pas ouvert à l’assurée en plus du secteur privé dans le domaine du travail administratif. Tout en prenant en considération l’expérience professionnelle de l’assurée, la cour cantonale a conclu que le revenu de l’invalide pouvait être établi de manière plus précise en appliquant les données statistiques du secteur économique 77-82 (« Activités de services admin. et de soutien »), niveau de qualification 2, du tableau TA1.

Par jugement du 05.02.2020, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, fixant le degré d’invalidité à 43% dès le 01.08.2018.

 

TF

L’application correcte des tableaux des ESS, à savoir le choix du tableau applicable et du niveau de compétence, est une question de droit que le Tribunal fédéral réévalue librement (ATF 143 V 295 consid. 2.4 p. 297 ; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399). L’ESS s’appuie à son tour sur la Nomenclature générale des activités économiques (NOGA) pour classer les activités en fonction des activités économiques (arrêt 9C_480/2016 du 10 novembre 2016 consid. 5.2).

Lorsque les tableaux ESS sont applicables, les salaires mensuels contenus dans le tableau TA1, total secteur privé, sont généralement utilisés ; il s’agit de la statistique des salaires bruts standardisés, valeur moyenne ou centrale (ATF 124 V 321 consid. 3b), et à partir de l’ESS 2012 le tableau TA1_tirage_skill_level doit être utilisé au lieu de TA_b (ATF 143 V 295 consid. 4.2.2 p. 302 ss ; 142 V 178 consid. 2.5.3.1 p. 184 ss).

Dans certains cas, cependant, il peut être nécessaire de se référer aux revenus statistiques réalisé dans un secteur de l’économie (secteur 2 [production] ou 3 [services]) ou même à une branche économique en particulier. Tel sera le cas s’il est plus objectif de tenir compte dans le cas concret d’une exploitation de la capacité de travail exigible, notamment pour les assurés qui, avant l’atteinte à la santé, travaillaient dans un domaine pendant de nombreuses années et qu’une activité dans un autre domaine n’entre pas en ligne de compte.

Lorsque les circonstances du cas concret le justifient, on peut s’écarter de la table TA1 pour se référer à la table TA7 (anciennement TA7 ; « Secteur privé et secteur public ensemble »), si cela permet de fixer plus précisément le revenu d’invalide (ou sans invalidité) et que le secteur en question est adapté et exigible (arrêts 8C_66/2020 du 14 avril 2020 consid. 4.2.2 et 4.3, 8C_212/2018 du 13 juin 2018 consid. 4.4.1 et les références et 9C_237/2007 du 24 août 2007 consid. 5.1, non publié dans ATF 133 V 545). Par exemple, il est justifié de s’écarter du tableau TA1 lorsque l’activité précédente n’est plus exigible de la part de l’assuré et qu’il est tenu de chercher un nouveau domaine d’activité, seulement si on pense qu’en principe tout le champ d’action du marché du travail est disponible (cf. 9C_237/2007 consid. 5.2).

Dans le cas d’espèce, l’assurée était, au moment de l’accident, serveuse dans un restaurant-hôtel. Elle a transmis le contrat de travail avec la boucherie (valable du 01.04.2009 au 31.12.2011) le 22.05.2018. Elle a déclaré que « mon travail consistait à recueillir les commandes par téléphone ou oralement, à préparer les livraisons de marchandises, à contrôler les factures des fournisseurs, à encaisser ou payer en espèces les factures et à gérer le courrier et la correspondance en attendant l’arrivée de la secrétaire. Je travaillais du lundi au samedi uniquement sur appel et selon les horaires comme attesté à l’assurance chômage du 01.04.2009 au 31.12.2011 ». Des attestations, il résulte un temps de travail mensuel compris entre 11,50 heures et 36 heures. L’assurée a également transmis ses contrats de travail avec l’hôtel de 2009 à 2015. Elle a décrit son activité comme suit : « Le travail de secrétaire de réception et de petit-déjeuner comprenait la notification et l’enregistrement dans le PC de l’arrivée et du départ des clients, la facturation ou le paiement en espèces ou par carte de crédit, la préparation du plan quotidien pour les petits-déjeuners et le rangement des chambres, la commande de produits divers pour le petit-déjeuner et le nettoyage, le contrôle des chambres, la réponse au téléphone ou par e-mail des demandes et réservations des chambres, le traitement général de la correspondance, l’ouverture de l’hôtel pour les petits-déjeuners ou la fermeture le soir à 20h00/21h00. Je remplaçais mes employeurs pendant leur absence. » Les relevés des salaires annuels font mention de 157.5h en 2009, 160.2h en 2010, 198.5h en 2011, 168.5h en 2012, 640.0h en 2013, 640.0h en 2014 et 517.4h en 2015.

 

Tout d’abord, il n’est pas possible d’accorder un poids spécifique au fait que l’assuré a fréquenté un gymnase. En effet, il est bien connu que dans le canton du Tessin, le gymnase n’était pas une école secondaire, mais seulement l’un des deux choix (gymnase ou école secondaire) prévus par la scolarité obligatoire au Tessin après la cinquième année (voir aussi le règlement scolaire cantonal, dans Scuola ticinese, année I, n° 4, série III, avril 1972, page 4 ; disponible sur https://www4.ti.ch/decs/ds/pubblicazioni/edizioni-precedenti/1972-1980/). Il ne peut pas non plus être soutenu que l’assurée a assumé des tâches de « grande responsabilité » chez ses employeurs. Elle n’a jamais exercé de fonctions de direction : elle a d’abord débuté son activité professionnelle comme serveuse dans un restaurant, puis a effectué, à temps partiel, des tâches principalement administratives, mais toujours sous la supervision d’autres personnes, dans les secteurs de l’hôtellerie, de la restauration ou du commerce de détail. L’assureur-accidents n’a pas démontré que les conditions pour s’écarter de la règle selon laquelle il faut en principe utiliser le tableau TA1 pour l’application des salaires statistiques sont réunies.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_186/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_186/2020 (i) du 26.06.2020 – Revenu d’invalide – Conditions pour s’écarter du tableau TA1 et pour appliquer la table T17, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/04/8c_186-2020)

 

9C_500/2020 (f) du 01.03.2021 – Droit aux mesures d’ordre professionnel – 17 LAI / Détermination du revenu sans invalidité lorsque la perte de l’emploi est due à des motifs étrangers à l’invalidité – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_500/2020 (f) du 01.03.2021

 

Consultable ici

 

Droit aux mesures d’ordre professionnel / 17 LAI

Détermination du revenu sans invalidité lorsque la perte de l’emploi est due à des motifs étrangers à l’invalidité / 16 LPGA

 

Par décision du 20.02.2019, l’office AI a rejeté la demande de prestations déposée en février 2018 par l’assuré, né en 1965. En bref, en se fondant sur l’ensemble des éléments médicaux recueillis, il a considéré que l’assuré disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles dès le 13.11.2017. Au terme d’une comparaison des revenus avec et sans invalidité, tirés de données statistiques, le taux d’invalidité de l’assuré s’élevait à 15%, soit un taux insuffisant pour ouvrir le droit tant à une rente d’invalidité qu’à des mesures d’ordre professionnel, de telles mesures n’étant au demeurant pas nécessaires dans la situation de l’assuré, selon l’administration.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/461/2020 – consultable ici)

Si la cour cantonale a confirmé le revenu d’invalide fixé par l’office AI à 57’036 fr. en se référant aux données statistiques (ESS 2016, TA1, tous secteurs confondus [total], niveau 1, hommes, compte tenu d’une réduction de 15% pour tenir compte des limitations fonctionnelles), elle a en revanche considéré que le revenu sans invalidité devait être déterminé concrètement, en se fondant sur le revenu moyen réalisé par l’assuré durant les cinq dernières années d’activité au service de B.__ SA, de 2008 à 2012, réactualisé en 2016, soit 75’876 fr. Compte tenu de ce montant (et non de 67’102 fr. comme retenu par l’administration en se fondant sur les données statistiques de l’ESS 2016), l’assuré présentait un taux d’invalidité de 24,83% ([75’876 fr. – 57’036 fr.] / 75’876 fr. x 100 = 24,83%).

Par jugement du 20.05.2020, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision en tant qu’elle nie à l’assuré le droit à une mesure d’ordre professionnelle et renvoyant la cause à l’office AI.

 

TF

Droit aux mesures d’ordre professionnel

Le seuil minimum fixé par la jurisprudence pour ouvrir le droit à une mesure de reclassement est une diminution de la capacité de gain de 20% environ (ATF 139 V 399 consid. 5.3 p. 403; 130 V 488 consid. 4.2 p. 489; 124 V 108 consid. 2b p. 110; arrêt 9C_320/2020 du 6 août 2020 consid. 2.2 et les références).

 

Revenu sans invalidité

Le revenu hypothétique de la personne valide (revenu sans invalidité au sens de l’art. 16 LPGA) se détermine en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce qu’elle aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant si elle était en bonne santé. Il doit être évalué de la manière la plus concrète possible ; c’est pourquoi il se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par la personne assurée avant l’atteinte à la santé, en tenant compte de l’évolution des salaires jusqu’au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 134 V 322 consid. 4.1 p. 325; 129 V 222 consid. 4.3.1 p. 224 et les références). Toutefois, lorsque la perte de l’emploi est due à des motifs étrangers à l’invalidité, le salaire doit être établi sur la base de valeurs moyennes (arrêts 9C_247/2015 du 23 juin 2015 consid. 5.1; 9C_212/2015 du 9 juin 2015 consid. 5.4 et les arrêts cités; cf. aussi arrêts 8C_728/2016 du 21 décembre 2016 consid. 3.1 et 9C_501/2013 du 28 novembre 2013 consid. 4.2). Autrement dit, n’est pas déterminant pour la fixation du revenu hypothétique de la personne valide le salaire que la personne assurée réaliserait actuellement auprès de son ancien employeur, mais bien plutôt celui qu’elle réaliserait si elle n’était pas devenue invalide (arrêt 9C_394/2013 du 27 septembre 2013 consid. 3.3 et les références).

Le raisonnement de la juridiction cantonale selon lequel le revenu obtenu par l’assuré dans l’activité de monteur de production auprès de B.__ SA jusqu’en mars 2013 correspondait le mieux à ce qu’il aurait pu gagner s’il n’était pas invalide, puisqu’il s’agissait du gain qu’il aurait effectivement réalisé s’il avait été en bonne santé n’est pas fondé. Il ne prend en effet pas en considération le fait que l’assuré a perdu son emploi pour des motifs étrangers à l’invalidité, comme le soutient à juste titre l’office AI. L’assuré était en effet sans emploi depuis mars 2013 et a perçu des indemnités de l’assurance-chômage du 05.04.2013 au 31.12.2014, à la suite de quoi il s’est adressé à l’Hospice général afin de bénéficier d’une aide financière au début de l’année 2015, n’ayant pas retrouvé un travail. Dans la demande de prestations de l’assurance-invalidité du 27.02.2018, l’assuré a par ailleurs indiqué qu’il présentait une incapacité de travail depuis le 01.01.2015 – celle-ci n’ayant été cependant reconnue par l’office AI qu’à partir du 13.11.2017 – et aucune pièce figurant au dossier ne fait état d’une incapacité de travail qui serait survenue antérieurement à cette date. A la lecture de la lettre de licenciement du 10.01.2013, on constate du reste que l’ancien employeur de l’assuré n’a pas fait mention d’éventuels problèmes médicaux qui auraient motivé le licenciement. Dans ces circonstances, dans la mesure où la fin des rapports de travail n’était pas liée à une raison médicale, on ne peut admettre que l’assuré aurait poursuivi son activité auprès du même employeur.

Par conséquent, c’est à tort que les juges cantonaux se sont fondés sur le revenu effectif perçu par l’assuré jusqu’en 2013 plutôt que sur le salaire statistique pour fixer le revenu sans invalidité. Le montant arrêté à ce titre à 67’102 fr. par l’office AI ne prête pas à discussion.

Au vu du revenu sans invalidité de 67’102 fr. et du revenu d’invalide de 57’036 fr. (retenu par la juridiction cantonale et non contesté par les parties), le taux d’invalidité de l’assuré doit être fixé à 15% ([67’102 fr. – 57’036 fr.] / 67’102 fr. x 100 = 15%). Ce taux étant inférieur au seuil de 20% minimum requis pour ouvrir le droit à un reclassement, l’assuré ne saurait y prétendre.

 

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_500/2020 consultable ici