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8C_734/2017 (f) du 30.05.2018 – Entreprise téméraire – Assuré âgé de 17 ans – 39 LAA – 50 OLAA/ Donné un coup de pied dans un bidon d’essence incandescent

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_734/2017 (f) du 30.05.2018

 

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Entreprise téméraire – Assuré âgé de 17 ans / 39 LAA – 50 OLAA

Donné un coup de pied dans un bidon d’essence incandescent

 

Assuré, né en 1999, apprenti paysagiste, a participé le 28.05.2016 avec des amis à l’aménagement d’un foyer simple pour grillades puis à une fête improvisée à proximité d’une station d’arrivée de télécabines. Vers 23h00, il s’est introduit parmi d’autres dans un local de l’entreprise de remontées mécaniques pour y prendre du matériel, dont des bonbonnes de spray et des liquides inflammables. Il a lancé ces objets dans le foyer pour aviver le feu. Puis, vers 00h30 heures, il a bouté le feu à un bidon en plastique préalablement rempli d’un produit inflammable. Il s’est ensuite élancé pour frapper d’un grand coup de pied le bidon en vue de le projeter dans le foyer. L’assuré a alors été éclaboussé par une partie du liquide incandescent et s’est immédiatement embrasé.

L’assuré a été hospitalisé au service de médecine intensive et centre des brûlés jusqu’au 11.08.2016, puis au service de chirurgie plastique et reconstructive jusqu’au 29.08.2016. Il a ensuite été transféré à la Clinique romande de réadaptation (CRR) de Sion jusqu’au 29.11.2016. Il présente des brûlures sur 64% du visage, du tronc et des membres supérieurs et inférieurs, dont 60% de 2ème degré profond et de 3ème degré. La CNA a pris en charge les prestations en nature.

L’assurance-accidents a, par décision, confirmée sur opposition, a réduit les prestations en espèces de moitié au titre d’une participation à entreprise téméraire.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 25.09.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’art. 50 OLAA, en relation avec l’art. 39 LAA, prévoit qu’en cas d’accidents non professionnels dus à une entreprise téméraire, les prestations en espèces sont réduites de moitié; elles sont refusées dans les cas particulièrement graves (al. 1); les entreprises téméraires sont celles par lesquelles l’assuré s’expose à un danger particulièrement grave sans prendre de mesures destinées à ramener celui-ci à des proportions raisonnables ou sans pouvoir prendre de telles mesures; toutefois, le sauvetage d’une personne est couvert par l’assurance même s’il peut être considéré comme une entreprise téméraire (al. 2).

La jurisprudence qualifie d’entreprises téméraires absolues celles qui, indépendamment de l’instruction, de la préparation, de l’équipement et des aptitudes de l’assuré, comportent des risques particulièrement importants, même si elles sont pratiquées dans les conditions les moins défavorables. Il en va de même des activités risquées dont la pratique ne répond à aucun intérêt digne de protection (ATF 141 V 216 consid. 2.2 p. 218; 138 V 522 consid. 3.1 p. 524 et les références). Ont par exemple été considérées comme des entreprises téméraires absolues un plongeon dans une rivière d’une hauteur de quatre mètres sans connaître la profondeur de l’eau (ATF 138 V 522), ou encore, faute de tout intérêt digne de protection, l’action de briser un verre en le serrant dans sa main (arrêt U 122/06 du 19 septembre 2006 consid. 2.1, in SVR 2007 UV n° 4 p. 10). En doctrine, la pyrobatie (soit le fait de marcher pieds nus sur des braises) est également qualifiée d’entreprise téméraire absolue (ALEXANDRA RUMO-JUNGO, Die Leistungskürzung oder -verweigerung gemäss Art. 37-39 UVG, 1993, p. 295).

En donnant un grand coup de pied à un récipient en plastique contenant un liquide incandescent, l’assuré a adopté en l’occurrence un comportement qui, en lui-même, est objectivement si dangereux que personne ne peut s’y engager sans courir un danger particulièrement grave et imminent. Cette action implique nécessairement un esprit d’audace, soit une intention de défier le danger, et ne répond à aucun intérêt digne de protection. Rien n’autorise par ailleurs à penser que l’assuré était totalement privé de la faculté d’apprécier le caractère téméraire de son acte et de celle de se déterminer selon cette appréciation (ATF 138 V 522 consid. 4.2 p. 525 et la référence). Il ne le prétend du reste pas. Les conditions d’application de l’art. 50 al. 2, 1 ère phrase, OLAA sont dès lors réalisées.

Pour déterminer les conséquences d’une entreprise téméraire, soit décider si les prestations en espèces doivent être réduites de moitié ou refusées en raison d’un acte particulièrement grave (art. 50 al. 1 OLAA), l’assureur-accidents – et, en cas de recours, le juge – dispose d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt U 232/05 du 31 mai 2006 consid. 3.2.1). Lorsqu’il s’agit d’apprécier le comportement d’enfants, il peut ainsi prendre en considération leur âge. Plus un enfant est jeune, moins on peut en effet lui adresser le reproche d’un cas particulièrement grave selon les critères applicables aux adultes, dont il n’a ni l’expérience, ni la maturité. Dans le cas présent, l’autorité précédente pouvait cependant se dispenser d’examiner plus avant les conséquences du jeune âge de l’assuré. L’assurance-accidents avait en effet déjà procédé à la réduction minimale prévue par l’art. 50 OLAA en cas d’entreprise téméraire (voir arrêts U 325/05 du 5 janvier 2006 consid. 1.2, in SVR 2006 UV n° 13 p. 45, 8C_640/2012 du 11 janvier 2013 consid. 6, 8C_579/2010 du 10 mars 2011 consid. 4 et les références).

Il y a dès lors lieu d’admettre, avec les premiers juges, que l’assurance-accidents était fondée à réduire les prestations en espèces de l’assurance-accidents de moitié en raison d’une entreprise téméraire absolue. En tant que lex specialis, l’art. 39 LAA exclut par ailleurs l’examen des conditions d’application de l’art. 37 al. 2 LAA sur l’accident provoqué par une négligence grave (ATF 134 V 340 consid. 3.2.4 p. 345 et les références).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_734/2017 consultable ici

 

 

8C_821/2017+8C_825/2017 (f) du 04.06.2018 – Indemnité de chômage après réadaptation AI / Gain assuré des handicapés – Taux d’invalidité de 10% – 23 al. 1 LACI – 40b OACI / Gain assuré déterminant calculé sur la base des indemnités journalières AI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_821/2017+8C_825/2017 (f) du 04.06.2018

 

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Indemnité de chômage après réadaptation AI

Gain assuré des handicapés – Taux d’invalidité de 10% / 23 al. 1 LACI – 40b OACI

Gain assuré déterminant calculé sur la base des indemnités journalières AI

 

Assuré, né en 1976, a travaillé à plein temps en qualité de « senior accountant » au service de la société B.__ Sàrl (ci-après: B.__) jusqu’au 30.04.2015, date à laquelle il a été licencié par son employeur. Il a subi une incapacité de travail entière dès le 29.09.2014 et a bénéficié, à partir de cette date et jusqu’au 22.04.2015, d’une indemnité journalière de l’assurance-maladie perte de gain, dont le montant brut était de 191 fr. 50.

L’office AI a mis en œuvre des mesures de réadaptation d’ordre professionnel sous la forme d’un réentraînement au travail dans le domaine d’activité fiduciaire. Pendant l’exécution de ces mesures, du 23.04.2015 au 31.01.2016, l’assuré a perçu une indemnité journalière de l’assurance-invalidité dont le montant (170 fr. 40) a été calculé sur la base d’un salaire annuel déterminant de 77’662 fr. Le 11.04.2016, l’office AI a rendu une décision par laquelle il a constaté la réussite des mesures de réadaptation mises en œuvre et a nié le droit de l’intéressé à une rente d’invalidité, motif pris que le taux d’incapacité de gain (10,01%) était insuffisant pour ouvrir droit à une telle prestation.

L’assuré a requis l’octroi d’une indemnité de chômage à compter du 01.02.2016, en indiquant être apte et disposé à accepter un emploi à plein temps. Son médecin traitant a attesté une capacité de travail entière depuis cette date.

Par décision, la caisse de chômage a fixé le gain assuré à 5’699 fr. dès le 01.02.2016 et elle a réduit ce montant de 10% à compter du 01.05.2016 – soit 5’129 fr. – en se référant à la décision de l’office AI constatant un taux d’invalidité de 10,01%. Dans le détail : Pour la période du mois de février au mois d’avril 2015 durant laquelle l’assuré était partie au rapport de travail, la caisse de chômage a pris en compte, en se fondant sur l’art. 39 OACI, le salaire qu’aurait perçu normalement l’intéressé au service de B.__ s’il n’avait pas été incapable de travailler en raison de l’atteinte à sa santé, à savoir un revenu mensuel de 7’119 fr. (treizième salaire et bonus compris). Pour la période postérieure au 30.04.2015, elle a retenu, au titre du gain assuré, les indemnités journalières allouées par l’office AI durant la mise en œuvre des mesures de réadaptation, à savoir 170 fr. 40 par jour civil. Comparant ensuite le salaire moyen des six derniers mois de cotisation selon l’art. 37 al. 1 OACI (01.08.2015 au 31.01.2016: 5’225 fr. 60) à celui des douze derniers mois de cotisation d’après l’art. 37 al. 2 OACI (01.02.2015 au 31.01.2016: 5’699 fr.), elle s’est fondée sur le second montant plus élevé. En outre, en application de l’art. 40b OACI, la caisse de chômage a réduit de 10% le montant retenu et l’a fixé à 5’129 fr. à partir du 01.05.2016, compte tenu de la décision de l’office AI.

Procédure cantonale

Par arrêt du 17.10.2017, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, fixant le gain assuré à 5’699 fr. dès le 01.02.2016 et ne le soumettant pas à une réduction de 10% à partir du 01.05.2016.

 

TF

Selon l’art. 8 al. 1 let. e LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré. Celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 [LACI]), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation (art. 13 al. 1 LACI). D’après l’art. 13 al. 2 let. c LACI, compte également comme période de cotisation le temps durant lequel l’assuré est partie à un rapport de travail mais ne touche pas de salaire notamment parce qu’il est malade (art. 3 LPGA [RS 830.1]) ou victime d’un accident (art. 4 LPGA) et, partant, ne paie pas de cotisations.

Aux termes de l’art. 23 al. 1 LACI, est réputé gain assuré le salaire déterminant au sens de la législation sur l’AVS qui est obtenu normalement au cours d’un ou de plusieurs rapports de travail durant une période de référence, y compris les allocations régulièrement versées et convenues contractuellement, dans la mesure où elles ne sont pas des indemnités pour inconvénients liés à l’exécution du travail (première phrase). Le Conseil fédéral détermine la période de référence et fixe le montant minimum (quatrième phrase).

La période de référence pour le calcul du gain assuré est réglée à l’art. 37 OACI. Le gain assuré est calculé sur la base du salaire moyen des six derniers mois de cotisation (art. 11 OACI) qui précèdent le délai-cadre d’indemnisation (al. 1). Il est déterminé sur la base du salaire moyen des douze derniers mois de cotisation précédant le délai-cadre d’indemnisation si ce salaire est plus élevé que le salaire moyen visé à l’alinéa 1 (al. 2). La période de référence commence à courir le jour précédant le début de la perte de gain à prendre en considération quelle que soit la date de l’inscription au chômage (al. 3, première phrase).

En cas de prise en compte de périodes assimilées à des périodes de cotisation selon l’art. 13 al. 2 let. b à d LACI, le salaire déterminant est celui que l’intéressé aurait normalement obtenu (art. 39 OACI) et non pas d’éventuelles indemnités journalières qu’il obtiendrait en vertu des art. 324a al. 4 et art. 324b CO (SVR 2015 ALV n° 11 p. 33, 8C_218/2014, consid. 3.2; arrêts 8C_104/2011 du 2 décembre 2011, consid. 3.1; C 336/05 du 7 novembre 2006, consid. 4.1; C 112/02 du 23 juillet 2002, consid. 2.2).

Quant au gain assuré des handicapés, il est réglé à l’art. 40b OACI, aux termes duquel est déterminant pour le calcul du gain assuré des personnes qui, en raison de leur santé, subissent une atteinte dans leur capacité de travail durant le chômage ou immédiatement avant, le gain qu’elles pourraient obtenir, compte tenu de leur capacité effective de gagner leur vie.

 

Gain assuré déterminant calculé sur la base des indemnités journalières AI

La situation de l’assuré dont l’employeur n’a pas résilié le contrat de travail et qui est au bénéfice d’indemnités de l’assurance-maladie perte de gain ou de l’assurance-accidents n’est pas comparable à celle de l’assuré qui perçoit des indemnités journalières de l’assurance-invalidité. Une période assimilée entre en considération lorsque l’obligation de l’employeur de verser le salaire a pris fin (cf. art. 324a CO) ou qu’à la place du salaire, l’assuré bénéficie d’indemnités journalières de l’assurance-maladie ou de l’assurance-accidents (art. 324b CO). Cette prise en compte d’une période assimilée a une fonction de coordination en relation avec l’assurance-maladie et l’assurance-accidents (cf. THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3e édition, n° 222 p. 2330 s.). En effet, contrairement aux indemnités journalières de l’assurance-invalidité (art. 25 LAI) et de l’assurance militaire (art. 29 LAM), les indemnités journalières de l’assurance-maladie et de l’assurance-accidents ne sont pas soumises à cotisation (cf. art. 6 al. 2 let. b RAVS). C’est pourquoi le salaire déterminant pour le gain assuré est, dans ce cas, le salaire que l’assuré aurait normalement obtenu (cf. SVR 2015 ALV n° 11 p. 33, déjà cité, consid. 3.2; arrêt 8C_645/2014 du 3 juillet 2015 consid. 2; 8C_104/2011 du 2 décembre 2011 consid. 3.1; BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 28 ad art. 23 LACI). En revanche lorsque, comme en l’occurrence, l’assuré obtient des indemnités journalières de l’assurance-invalidité, celles-ci sont soumises à cotisation de l’assurance-chômage (art. 25 al. 1 let. d LAI; art. 3 al. 1 LACI en liaison avec 6 al. 2 let. b RAVS; cf. SVR 2015 ALV n° 11 p. 33, déjà cité, consid. 5.1).

La cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral en confirmant le point de vue de la caisse de chômage, selon lequel le gain assuré déterminant pour la période du 01.05.2015 au 31.01.2016 doit être calculé sur la base des indemnités journalières allouées par l’office AI, à savoir 170 fr. 40 par jour civil.

 

Gain assuré des handicapés – 40b OACI

L’élément déterminant pour justifier une réduction du gain assuré en vertu de l’art. 40 OACI est la diminution de la capacité de gain, indépendamment de la capacité de travail de l’assuré au moment de la perception des indemnités de chômage. Or, l’assuré ne fait valoir aucun élément objectif de nature à mettre en cause les constatations de l’office AI faisant état d’une incapacité de gain de 10%. En outre, dans la mesure où le revenu d’invalide déterminant pour la comparaison des revenus selon l’art. 16 LPGA doit être distingué du gain assuré déterminant pour le calcul de l’indemnité de chômage, on ne saurait partager le point de vue de la cour cantonale, selon lequel le gain assuré de 68’388 fr. par année (5’699 fr. x 12) correspond à la capacité actuelle de l’assuré au seul motif qu’il est inférieur au revenu d’invalide de 70’238 fr. 24 retenu par l’office AI.

Par ailleurs, il n’y a pas de motif de revenir sur la jurisprudence, selon laquelle la différence de 20% entre le revenu assuré et le montant de l’indemnité journalière de l’assurance-invalidité ne doit pas être prise en considération dans l’adaptation du gain assuré prescrite à l’art. 40b OACI (arrêt 8C_829/2016 du 30 juin 2017 consid. 6). Enfin, si un taux d’invalidité inférieur à 10% ne justifie pas une telle adaptation (ATF 140 V 89, déjà cité, consid. 5.4.2 p. 95), il en va différemment lorsque, comme en l’occurrence, le taux d’incapacité de gain fixé à 10% est suffisant pour ouvrir droit à une rente d’invalidité de l’assurance-accidents (art. 18 al. 1 LAA).

Vu ce qui précède, la cour cantonale s’est écartée à tort de la décision sur opposition litigieuse en ce qui concerne la réduction de 10% du gain assuré à compter du 01.05.2016.

 

 

Le TF rejette le recours de l’assuré (8C_825/2017) et admet le recours de la caisse de chômage (8C_821/2017). Le jugement cantonal est annulé et la décision sur opposition de ladite caisse est confirmée.

 

 

Arrêt 8C_821/2017+8C_825/2017 consultable ici

 

 

9C_36/2018 (f) du 17.05.2018 – Revenu d’invalide exigible – 16 LPGA / Exigibilité d’un changement d’activité professionnelle d’un agriculteur dans le cadre de l’obligation de diminuer le dommage

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_36/2018 (f) du 17.05.2018

 

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Revenu d’invalide exigible / 16 LPGA

Exigibilité d’un changement d’activité professionnelle d’un agriculteur dans le cadre de l’obligation de diminuer le dommage

 

Assuré né en 1965, marié et père de quatre enfants (nés en 1989, 1991 et 2003), exploite une entreprise agricole. Sur instruction, il ressort que l’assuré souffre d’un status après rupture traumatique en 2008 de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche et non traumatique de la coiffe des rotateurs de l’épaule droite en 2013. Le médecin du SMR a fixé le début de l’incapacité durable de travail dans l’activité habituelle au mois de septembre 2008, et indiqué que celle-ci n’était plus exigible, bien qu’elle fût toutefois encore pratiquée par l’assuré à plein temps, avec aménagements, mais avec une diminution de rendement de l’ordre de 70%; il a en revanche conclu à une capacité de travail entière dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles retenues, sans diminution de rendement.

Après une enquête économique pour les indépendants puis une enquête agricole, l’office AI a rejeté la demande de prestations. En bref, elle a considéré qu’en tenant compte des changements de production à opérer au sein de l’entreprise agricole, le taux d’invalidité de l’assuré s’élevait à 6% (5,56%; résultant de la comparaison d’un revenu d’invalide de 27’284 fr. avec un revenu sans invalidité de 28’893 fr., correspondant au revenu annuel moyen de l’exploitation pour les années 2008 à 2012 [soit 49’461 fr.], après répartition en fonction de l’aide apportée par les membres de la famille à l’entreprise). Par ailleurs, si l’intéressé subissait effectivement une incapacité de travail dans son activité habituelle d’agriculteur indépendant depuis le 19.04.2013, il présentait une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à son état de santé, lui permettant au demeurant de réaliser un revenu plus élevé que son revenu de valide.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2016 245 – consultable ici)

La juridiction cantonale a examiné si un changement de profession pouvait effectivement être exigé de celui-ci, ce qu’elle a admis. En conséquence, les premiers juges ont confirmé le revenu d’invalide arrêté par l’administration en se fondant sur le tableau TA1 de l’ESS 2012, soit un revenu de 66’155 fr. 05 correspondant à l’exercice d’une activité dans l’industrie légère. Dans la mesure où ce revenu était plus élevé que le revenu annuel moyen généré par l’exploitation agricole avant la survenance de la première atteinte à la santé en 2008, ils ont nié la présence d’une invalidité. Ils ont finalement considéré que l’assuré ne pouvait pas se voir reconnaître le droit à une rente d’invalidité limitée dans le temps pour la période de transition nécessaire à la liquidation de son entreprise ou à la recherche d’un repreneur.

Par jugement du 20.11.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Dans le domaine de l’assurance-invalidité, on applique de manière générale le principe selon lequel un invalide doit, avant de requérir des prestations, entreprendre de son propre chef tout ce qu’on peut raisonnablement attendre de lui, pour atténuer le mieux possible les conséquences de son invalidité; c’est pourquoi un assuré n’a pas droit à une rente lorsqu’il serait en mesure, au besoin en changeant de profession, d’obtenir un revenu excluant une invalidité ouvrant droit à une rente. La réadaptation par soi-même est un aspect de l’obligation de diminuer le dommage et prime aussi bien le droit à une rente que celui à des mesures de réadaptation. Le point de savoir si une mesure peut être exigée d’un assuré doit être examiné au regard de l’ensemble des circonstances objectives et subjectives du cas concret. Par circonstances subjectives, il faut entendre en premier lieu l’importance de la capacité résiduelle de travail ainsi que les facteurs personnels tels que l’âge, la situation professionnelle concrète ou encore l’attachement au lieu de domicile. Parmi les circonstances objectives doivent notamment être prises en compte l’existence d’un marché du travail équilibré et la durée prévisible des rapports de travail (ATF 138 I 205 consid. 3.2 p. 209 et les références ; cf. aussi arrêt 9C_644/2015 du 3 mai 2016 consid. 4.3.1).

Dans le cas d’un assuré de condition indépendante, on peut exiger, pour autant que la taille et l’organisation de son entreprise le permettent, qu’il réorganise son emploi du temps au sein de celle-ci en fonction de ses aptitudes résiduelles. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que plus la taille de l’entreprise est petite, plus il sera difficile de parvenir à un résultat significatif sur le plan de la capacité de gain. Au regard du rôle secondaire des activités administratives et de direction au sein d’une entreprise artisanale, un transfert de tâches d’exploitation proprement dites vers des tâches de gestion ne permet en principe de compenser que de manière très limitée les répercussions économiques résultant de l’atteinte à la santé (arrêt 9C_580/2007 du 17 juin 2008 consid. 5.4). Aussi, lorsque l’activité exercée au sein de l’entreprise après la survenance de l’atteinte à la santé ne met pas pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle de l’assuré, celui-ci peut être tenu, en fonction des circonstances objectives et subjectives du cas concret, de mettre fin à son activité indépendante au profit d’une activité salariée plus lucrative (cf. arrêts 9C_578/2009 du 29 décembre 2009 consid. 4.2.4; 9C_236/2009 du 7 octobre 2009 consid. 4.3 et les références; voir également arrêt 8C_748/2008 du 10 juin 2009 consid. 4; s’agissant de la situation d’un agriculteur, voir arrêt I 38/06 du 7 juin 2006 consid. 3.2 et les références). De jurisprudence constante, ce n’est qu’à des conditions strictes que l’on peut considérer qu’un changement d’activité professionnelle, singulièrement la cessation d’une activité agricole, ne constitue pas une mesure raisonnablement exigible de l’assuré; en particulier, l’activité exercée jusqu’alors ne doit pas être poursuivie aux coûts de l’assurance-invalidité, même si l’intéressé effectue un travail d’une certaine importance économique (arrêts 9C_644/2015 du 3 mai 2016 consid. 4.3.1; 8C_413/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3.3.1; 9C_357/2014 du 7 avril 2015, consid. 2.3.1; 9C_624/2013 du 11 décembre 2013 consid. 3.1.1; 9C_834/2011 du 2 avril 2012 consid. 4 et les références).

Le point de savoir ce qui est exigible de l’assuré afin de satisfaire à l’obligation de diminuer le dommage est un élément qui doit être examiné sur la base des circonstances existant après la survenance de l’invalidité sans attendre de voir si le résultat escompté se réalise effectivement. L’analyse doit ainsi être effectuée de manière pronostique et non pas rétrospective (cf. arrêt 9C_156/2008 du 18 novembre 2008 consid. 3.1 ; ATF 124 V 108 consid. 3b p. 111 s.; 110 V 99 consid. 2 p. 102).

La juridiction cantonale a relevé que, d’un point de vue objectif, rien ne faisait obstacle à ce que l’assuré changeât d’activité professionnelle. Âgé de 51 ans au moment de la décision litigieuse, l’assuré n’avait pas atteint l’âge à partir duquel la jurisprudence considère généralement qu’il n’existe plus de possibilité réaliste de mise en valeur de la capacité résiduelle de travail sur un marché de l’emploi supposé équilibré (cf. ATF 143 V 431 consid. 4.5.2 p. 433 et les références). Il ne semble par ailleurs pas que le choix de postes de travail exigibles fût si limité qu’il rendît très incertaine la possibilité de trouver un emploi, malgré l’absence de réelle expérience professionnelle de l’assuré dans un domaine économique autre que celui dans lequel il a toujours œuvré. La juridiction cantonale a en effet relevé que les limitations fonctionnelles de l’assuré n’étaient « pas très restrictives » et qu’il bénéficiait d’un « très large panel d’activités à choix » ; elle a au demeurant souligné que le maintien de l’activité habituelle était « clairement contre-indiqué médicalement », ce que l’assuré ne conteste pas.

Quant à l’argumentation relative à l’attachement subjectif et personnel qui lie un agriculteur à son entreprise, elle ne suffit pas non plus pour conclure à l’absence d’exigibilité d’un changement d’occupation professionnelle. Si le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de constater que le passage du statut d’agriculteur indépendant à celui de salarié constitue, dans les faits, une profonde remise en question socio-professionnelle, qui présuppose des facultés d’adaptation considérables d’un point de vue subjectif, elle a cependant aussi, dans la situation alors jugée, attaché de l’importance à la circonstance que les perspectives de revenus offertes par un changement d’activité n’étaient que légèrement plus élevées que celles liées au revenu obtenu dans l’activité agricole (cf. arrêt 9C_578/2009 du 29 décembre 2009 consid. 4.3.2), ce qui n’est précisément pas le cas en l’occurrence compte tenu du salaire d’invalide déterminé par la juridiction cantonale en fonction d’une activité adaptée dans l’industrie légère.

Le Tribunal fédéral a jugé, à plusieurs reprises, que l’attachement au domaine familial ne saurait avoir pour conséquence de nier le caractère exigible d’un changement de profession lorsque celui-ci induit une meilleure valorisation économique de la capacité de travail de l’assuré (arrêts 8C_413/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3.3.2; 9C_834/2011 du 2 avril 2012, consid. 4 et les références). A cet égard, on relèvera au demeurant que l’exigibilité de la réinsertion dans une nouvelle activité n’oblige pas, en tant que telle, l’intéressé à quitter son domaine. Il demeure en effet libre de poursuivre son activité agricole ; dans ce cas, toutefois, il ne saurait prétendre des prestations à la charge de l’assurance-invalidité (cf. arrêt 8C_413/2015 du 3 novembre 2015 consid. 3.3.2).

Dans ces conditions, il faut admettre que c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré qu’il était raisonnablement exigible de l’assuré qu’il abandonnât son activité d’agriculteur indépendant au profit d’un emploi adapté à ses limitations fonctionnelles, dans lequel il était susceptible de mettre en œuvre une capacité entière de travail. Dans la mesure où l’assuré invoque comme seule perspective à ce sujet l’inscription à l’assurance-chômage, il omet que l’exigibilité de l’exercice d’une certaine activité et le revenu hypothétique en résultant sont examinés au regard du marché du travail équilibré (cf. art. 16 LPGA).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_36/2018 consultable ici

 

 

8C_657/2017 (f) du 14.05.2018 – Causalité naturelle – Valeur probante d’une expertise médicale réalisée par la Clinique Corela – 6 LAA – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_657/2017 (f) du 14.05.2018

 

Consultable ici

 

Causalité naturelle – Valeur probante d’une expertise médicale réalisée par la Clinique Corela / 6 LAA – 44 LPGA

 

Assuré, né en 1964, a subi un œdème et un hématome à la main droite lors d’un déménagement, le 19.05.1992. Cet accident a été annoncé à l’assureur-accidents de l’époque. Le 17.08.1992 le prénommé a été engagé en qualité de garçon d’office dans un restaurant d’entreprise. A ce titre, il était assuré obligatoirement contre le risque d’accident auprès d’une autre assurance-accidents. Le 23.02.1996, il a chuté sur le sol et s’est blessé à la main droite alors qu’il portait une grille d’évacuation d’eau. Plusieurs interventions chirurgicales ont été réalisées en particulier une arthrodèse de l’articulation trapézo-métacarpienne droite (le 03.09.1996) et une reprise d’arthrodèse, ainsi qu’une greffe et l’ablation du matériel d’ostéosynthèse (le 26.07.2004). Le 08.05.2012, il a été procédé à une désarthrodèse de la main droite et à la mise en place d’une prothèse Pi2 à droite.

Le dossier a été la source de diverses péripéties judiciaires (dont les arrêts U 270/00 du 31.01.2001, 8C_738/2008 du 14.10.2008 et 8C_221/2012 du 04.04.2013).

L’assurance-accidents a confié une expertise à un spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, de la Clinique Corela. Se fondant sur les conclusions de l’expert, elle a rendu une décision, confirmée sur opposition, par laquelle elle a nié le droit de l’assuré à des prestations d’assurance au motif que l’existence d’un lien de causalité naturelle entre les troubles et l’accident du 23.01.1996 n’était pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante. Aussi a-t-elle supprimé le droit aux prestations avec effet ex nunc et pro futuro en renonçant à réclamer la restitution des prestations déjà allouées. L’assurance-accidents a retenu que l’intéressé n’était pas tombé sur sa main lors de sa chute et n’avait pas non plus reçu la grille d’évacuation d’eau sur cette partie du corps. En revanche il avait été victime de plusieurs accidents avant le 23.02.1996, à savoir une chute sur le poignet droit le 20.04.1992, ainsi qu’une atteinte résultant de la chute d’un objet lourd sur cette partie du corps le 19.05.1992. Les examens radiologiques effectués après ces accidents avaient révélé une fracture intra-articulaire ancienne à la base du premier métacarpien droit, consolidée en position vicieuse, ainsi qu’un remaniement arthrosique de la base du pouce droit.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/686/2017 – consultable ici)

La cour cantonale a considéré que la question du droit de l’assuré à des prestations d’assurance pour la période antérieure au 30.09.2007 était définitivement tranchée étant donné notamment les décisions de l’assurance-accidents de prise en charge de l’intervention de reprise d’arthrodèse du 26.07.2004 et d’octroi d’une indemnité journalière depuis cette date jusqu’au 30.09.2007, ainsi que les jugements de la cour cantonale, entrés en force, et les arrêts du Tribunal fédéral excluant que le statu quo sine vel ante fût atteint avant le 30.09.2007. Par ailleurs la juridiction précédente a nié toute valeur probante aux conclusions de l’expert mandaté. En premier lieu elle reproche à cet expert de s’être fondé sur une fausse prémisse en tant qu’il retient que l’assuré n’a pas subi de choc à la main droite lors de sa chute, le 23.02.1996. Au surplus l’expert mandaté ne reproduit pas les plaintes de l’assuré et ne s’est pas prononcé sur le lien de causalité entre l’accident du 23.02.1996 et l’état pathologique au moment de l’examen, ni sur le point de savoir si le statu quo sine vel ante était atteint.

Par jugement du 14.08.2017, admission du recours par le tribunal cantonal, retenant que l’avènement du statu quo sine vel ante n’était pas établi sur la base d’un avis d’expert ayant valeur probante, de sorte que l’assurance-accidents était tenue de poursuivre le versement de ses prestations.

 

TF

Valeur probante d’une expertise médicale réalisée par la Clinique Corela

Outre le fait que le rapport de l’expert ne répond pas à la question de savoir si, et le cas échéant, à quel moment le statu quo sine vel ante a été atteint, il n’est pas certain que l’on puisse accorder pleine confiance aux conclusions de cette expertise pratiquée au sein du « département expertise » de la Clinique Corela. En effet, par arrêté du 25.06.2015 le Département de l’emploi, des affaires sociales et de la santé de la République et canton de Genève a retiré à cet établissement l’autorisation d’exploiter une institution de santé pour une durée de trois mois. Ce retrait a été confirmé par le Tribunal fédéral en ce qui concerne du moins les départements « psychiatrie » et « expertise » de cet établissement. Le Tribunal fédéral a retenu que les expertises pratiquées auprès du département en question ont un poids déterminant pour de nombreux justiciables, de sorte que l’on peut attendre de ces expertises qu’elles soient rendues dans les règles de l’art. Il existe ainsi un intérêt public manifeste à ce que des acteurs intervenant dans des procédures administratives en tant qu’experts, et qui au demeurant facturent d’importants montants à la charge de la collectivité, rendent des expertises dans lesquelles l’administré et l’autorité peuvent avoir pleine confiance, ceux-ci n’étant le plus souvent pas des spécialistes des domaines en cause. Or de très importants manquements ont été constatés dans la gestion de l’institution de santé et en particulier des graves violations des devoirs professionnels incombant à une personne responsable d’un tel établissement. C’est pourquoi le Tribunal fédéral a jugé qu’une mesure de retrait de trois mois de l’autorisation d’exploiter le département « expertise » n’était pas contraire au droit (arrêt 2C_32/2017 du 22 décembre 2017).

A la suite de cet arrêt, la Cour de justice de la République et canton de Genève a publié un communiqué de presse aux termes duquel les assurés dont le droit à des prestations a été nié sur la base d’une expertise effectuée à la Clinique Corela ont la possibilité de demander la révision – devant l’autorité qui a statué en dernier lieu (Office cantonal de l’assurance-invalidité, CNA ou autre assurance, chambre des assurances sociales de la Cour de justice ou Tribunal fédéral) – de la décision les concernant – sans garantie quant au succès de cette démarche – dans un délai de 90 jours depuis la connaissance des faits susmentionnés. De son côté, répondant à la question de Madame la Conseillère nationale Rebecca Ruiz (question 18.5054; consultable sur le lien https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId=20185054), le Conseil fédéral a indiqué que les organes de l’assurance-invalidité avait renoncé à confier des mandats d’expertise à cette clinique depuis 2015 et qu’ils venaient de résilier la convention tarifaire conclue avec celle-ci.

Vu ce qui précède on ne saurait reprocher à la cour cantonale de s’être écartée – même si c’est pour d’autres motifs – des conclusions de l’expert mandaté par l’assurance-accidents et d’avoir renvoyé la cause à la recourante pour instruction complémentaire sur le point de savoir si le statu quo sine vel ante a été atteint, et le cas échéant, à quel moment.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_657/2017 consultable ici

 

 

8C_779/2017 (f) du 25.04.2018 – Accident chez un jeune assuré en cours d’apprentissage / Revenu sans invalidité calculé sur la base de l’ESS (vs selon la CCT par l’assurance-accidents) – Possibilités théoriques de développement professionnel – 16 LPGA – 26 al. 2 RAI / Existence d’un salaire social dans le calcul du revenu d’invalide

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_779/2017 (f) du 25.04.2018

 

Consultable ici

 

Accident chez un jeune assuré en cours d’apprentissage

Revenu sans invalidité – Possibilités théoriques de développement professionnel / 16 LPGA – 26 al. 2 RAI

Revenu sans invalidité calculé sur la base de l’ESS (vs selon la CCT par l’assurance-accidents)

Existence d’un salaire social dans le calcul du revenu d’invalide

 

Assuré, né en 1990, a entrepris un apprentissage de maçon au mois de juillet 2006. Le 18.04.2008, au cours de sa deuxième année d’apprentissage, il a été victime d’un grave accident de la circulation à la suite duquel il a subi notamment un traumatisme cranio-cérébral et de nombreuses fractures. L’assuré a repris les cours théoriques de deuxième année d’apprentissage à partir du mois de septembre 2008, mais la reprise pratique au mois de mars 2009 a été perturbée en raison des limitations de l’intéressé. L’office AI a mis en œuvre un stage préparatoire à l’entrée en apprentissage d’agent d’exploitation au cours du printemps 2010. L’assuré a entrepris cette formation au mois de septembre suivant et a obtenu un CFC dans cette profession au mois de juin 2013.

Le Département de B.__ a engagé l’assuré à partir du 01.01.2015 en qualité de concierge auprès d’une école à un taux d’activité de 50%. Le salaire mensuel était de 2’267 fr. 40. Par ailleurs l’intéressé a été engagé à compter de la même date par la Ville de D.__ en qualité de concierge de la salle de sport de la même école à un taux d’activité de 18% environ, correspondant à 400 heures par année scolaire. Cette activité était rémunérée à raison de 32 fr. 10 par heure, treizième salaire, vacances et jours fériés compris. Pour cette activité un acompte mensuel de 1’000 fr. net était versé du mois de septembre au mois de mai à l’assuré, lequel devait établir au mois de juin le décompte effectif des heures de travail accomplies et percevoir le solde de la rémunération.

L’office AI a alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité du 01.12.2009 au 31.03.2015 (mais suspendue pendant la période durant laquelle l’intéressé a bénéficié d’indemnités journalières en raison de la mise en œuvre de mesures de réadaptation professionnelle). Dès le 01.04.2015, un quart de rente fondé sur un taux d’invalidité de 45% a été allouée.

Le revenu sans invalidité (76’766 fr. 95) a été calculé sur la base du salaire réalisable dans une activité de maçon selon l’ESS, motif pris que l’assuré aurait exercé cette profession s’il n’avait pas été victime de l’accident survenu au cours de sa deuxième année d’apprentissage. Le revenu d’invalide a été fixé à 42’316 fr. 20 (29’476 fr. 20 [part versée par l’Etat B.__: 2’267 fr. 40 x 13] + 12’840 fr. [part versée par la Ville de D.__ : 400h x 32 fr. 10 par heure]).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 04.10.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Revenu sans invalidité – Possibilités théoriques de développement professionnel

Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). L’art. 26 RAI est un cas particulier d’application de la méthode générale de la comparaison des revenus et permet de déterminer le revenu sans invalidité des assurés qui n’ont pas de formation professionnelle à cause de leur invalidité. Aux termes de l’al. 2 de cette norme d’exécution, lorsque l’assuré a été empêché par son invalidité d’achever sa formation professionnelle, le revenu qu’il pourrait obtenir s’il n’était pas invalide est le revenu moyen d’un travailleur de la profession à laquelle il se préparait.

Selon la jurisprudence, le revenu que pourrait réaliser l’assuré sans invalidité est en principe établi sans prendre en considération les possibilités théoriques de développement professionnel (lié en particulier à un complément de formation) ou d’avancement, à moins que des indices concrets rendent très vraisemblable qu’elles se seraient réalisées. Cela pourra être le cas lorsque l’employeur a laissé entrevoir une telle perspective d’avancement ou a donné des assurances dans ce sens. En revanche, de simples déclarations d’intention de l’assuré ne suffisent pas; l’intention de progresser sur le plan professionnel doit s’être manifestée par des étapes concrètes, telles que la fréquentation d’un cours, le début d’études ou la passation d’examens (arrêts 9C_221/2014 du 28 août 2014 consid. 3.2; 8C_380/2012 du 2 mai 2013 consid. 2; 8C_839/2010 du 22 décembre 2010 consid. 2.2.2.2). Ces principes s’appliquent aussi dans le cas de jeunes assurés (SVR 2010 UV n° 13 p. 52, 8C_550+677/2009, consid. 4.2). Le point de savoir si le salaire réel aurait augmenté grâce à un développement des capacités professionnelles individuelles, notamment un changement de profession, doit être établi au degré de la vraisemblance prépondérante (RAMA 2006 n° U 568 p. 67, U 87/05, consid. 2; 1993 n° U 168 p. 101, U 110/92, consid. 3b; arrêt 8C_380/2012, déjà cité, consid. 2).

L’assuré fait valoir que sans l’atteinte à la santé il aurait poursuivi sa formation après l’obtention de son CFC. Il avait en effet la ferme intention d’entreprendre une formation complémentaire de contremaître ou tout au moins de chef d’équipe. Les allégations de l’assuré ne sont toutefois pas étayées par des éléments concrets et pertinents établissant qu’il aurait poursuivi sa formation au-delà du CFC de maçon.

Certes il indique avoir fait part à plusieurs personnes de son intention de progresser sur le plan professionnel et d’avoir pris des renseignements à ce sujet. Cependant ces éléments permettent uniquement de déduire qu’il a manifesté son intérêt pour la poursuite de sa formation professionnelle. Il s’agit ainsi de simples déclarations d’intention, insuffisantes à elles seules pour que l’on puisse admettre, au degré de la vraisemblance prépondérante, que leur auteur entendait progresser sur le plan professionnel et devenir contremaître ou chef d’équipe après avoir mené à chef sa formation de maçon. Quant au fait qu’il avait les capacités intellectuelles requises pour atteindre ses buts, il ne présage en rien quant à l’évolution effective de sa carrière professionnelle. Certes, on ne saurait exiger d’un apprenti en cours de formation initiale qu’il suive des cours de contremaître ou de technicien. Il n’en demeure pas moins qu’en dehors de ses simples déclarations d’intention l’intéressé ne se prévaut d’aucun indice concret rendant très vraisemblable que des possibilités théoriques de développement professionnel se seraient réalisées. La cour cantonale n’a dès lors pas violé le droit fédéral en confirmant le point de vue de l’office AI selon lequel le salaire réalisable dans l’activité de maçon est déterminant pour le calcul du revenu sans invalidité.

Les salaires fixés par la convention collective de travail de la construction (73’786 fr.) tiennent mieux compte des différentes catégories d’activités et, partant, sont mieux à même de respecter le principe selon lequel le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible (cf. arrêts 8C_643/2016 du 25 avril 2017 consid. 4.2; 9C_363/2016 du 12 décembre 2016 consid. 5.3.1; 8C_515/2013 du 14 avril 2014 consid. 3.2). Cependant, d’un montant inférieur au salaire statistique, ils ne sont d’aucune aide pour la thèse de l’assuré.

 

Existence d’un salaire social dans le calcul du revenu d’invalide

Selon la jurisprudence des éléments de salaire dont il est prouvé que l’assuré ne peut fournir la contrepartie, parce que sa capacité de travail limitée ne le lui permet pas, ne font pas partie du revenu déterminant pour l’évaluation de l’invalidité. La preuve de l’existence d’un salaire dit « social » est toutefois soumise à des exigences sévères, car on doit partir du principe que les salaires payés équivalent normalement à une prestation de travail correspondante (ATF 141 V 351 consid. 4.2 p. 353; 117 V 8 consid. 2c/aa p. 18). Des liens de parenté ou l’ancienneté des rapports de travail peuvent constituer des indices de la possibilité d’un salaire social (arrêt 9C_371/2013 du 22 août 2013 consid. 4.1 et la référence).

En l’espèce, il n’existe toutefois aucun élément concret permettant de penser que l’assuré n’est pas en mesure de fournir la contrepartie des salaires perçus. En particulier le fait qu’il « donne entièrement satisfaction grâce aux conditions de travail adaptées » (cf. rapport final sur les mesures professionnelles de l’office AI) ne permet pas d’inférer que les rémunérations perçues par l’assuré n’équivalent pas aux prestations de travail correspondantes, bien au contraire. L’existence d’un salaire dit « social » n’apparaît dès lors pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante.

 

Revenu d’invalide – Obligation de diminuer le dommage

Le contrat de travail prévoit un taux d’activité de 18% environ, ce qui correspond à 400 heures par année scolaire. Avec un salaire horaire convenu de 32 fr. 10, l’assuré est ainsi en mesure de réaliser un gain annuel de 12’840 fr. par année. Il lui incombait dès lors, en vertu de son obligation de diminuer le dommage, d’accomplir le nombre d’heures de travail convenues et, le cas échéant, d’en établir le décompte effectif à l’attention de son employeur, conformément au contrat de travail.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_779/2017 consultable ici

 

 

Pour le volet AA : arrêt du TF 8C_778/2017 du 25.04.2018

 

 

8C_778/2017 (f) du 25.04.2018 – Accident chez un jeune assuré en cours d’apprentissage / Revenu sans invalidité calculé sur la base de la CCT – Possibilités théoriques de développement professionnel – 16 LPGA / Existence d’un salaire social dans le calcul du revenu d’invalide

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_778/2017 (f) du 25.04.2018

 

Consultable ici

 

Accident chez un jeune assuré en cours d’apprentissage

Revenu sans invalidité – Possibilités théoriques de développement professionnel / 16 LPGA

Revenu sans invalidité calculé sur la base de la CCT

Existence d’un salaire social dans le calcul du revenu d’invalide

 

Assuré, né en 1990, a entrepris un apprentissage de maçon au mois de juillet 2006. Le 18.04.2008, au cours de sa deuxième année d’apprentissage, il a été victime d’un grave accident de la circulation à la suite duquel il a subi notamment un traumatisme cranio-cérébral et de nombreuses fractures. L’assuré a repris les cours théoriques de deuxième année d’apprentissage à partir du mois de septembre 2008, mais la reprise pratique au mois de mars 2009 a été perturbée en raison des limitations de l’intéressé. L’office AI a mis en œuvre un stage préparatoire à l’entrée en apprentissage d’agent d’exploitation au cours du printemps 2010. L’assuré a entrepris cette formation au mois de septembre suivant et a obtenu un CFC dans cette profession au mois de juin 2013.

Le Département de B.__ a engagé l’assuré à partir du 01.01.2015 en qualité de concierge auprès d’une école à un taux d’activité de 50%. Le salaire mensuel était de 2’267 fr. 40. Par ailleurs l’intéressé a été engagé à compter de la même date par la Ville de D.__ en qualité de concierge de la salle de sport de la même école à un taux d’activité de 18% environ, correspondant à 400 heures par année scolaire. Cette activité était rémunérée à raison de 32 fr. 10 par heure, treizième salaire, vacances et jours fériés compris. Pour cette activité un acompte mensuel de 1’000 fr. net était versé du mois de septembre au mois de mai à l’assuré, lequel devait établir au mois de juin le décompte effectif des heures de travail accomplies et percevoir le solde de la rémunération.

L’assurance-accidents a alloué à l’assuré, à partir du 01.01.2015, une rente d’invalidité fondée sur un taux d’incapacité de gain de 43%. Le revenu sans invalidité (73’786 fr.) a été calculé sur la base du salaire réalisable dans une activité de maçon selon la convention collective de travail de la construction, motif pris que l’assuré aurait exercé cette profession s’il n’avait pas été victime de l’accident survenu au cours de sa deuxième année d’apprentissage. Le revenu d’invalide a été fixé à 42’316 fr. 20 (29’476 fr. 20 [part versée par l’Etat B.__: 2’267 fr. 40 x 13] + 12’840 fr. [part versée par la Ville de D.__ : 400h x 32 fr. 10 par heure]).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 04.10.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Revenu sans invalidité – Possibilités théoriques de développement professionnel

Selon la jurisprudence, le revenu que pourrait réaliser l’assuré sans invalidité est en principe établi sans prendre en considération les possibilités théoriques de développement professionnel (lié en particulier à un complément de formation) ou d’avancement, à moins que des indices concrets rendent très vraisemblable qu’elles se seraient réalisées. Cela pourra être le cas lorsque l’employeur a laissé entrevoir une telle perspective d’avancement ou a donné des assurances dans ce sens. En revanche, de simples déclarations d’intention de l’assuré ne suffisent pas ; l’intention de progresser sur le plan professionnel doit s’être manifestée par des étapes concrètes, telles que la fréquentation d’un cours, le début d’études ou la passation d’examens (arrêts 9C_221/2014 du 28 août 2014 consid. 3.2; 8C_380/2012 du 2 mai 2013 consid. 2; 8C_839/2010 du 22 décembre 2010 consid. 2.2.2.2). Ces principes s’appliquent aussi dans le cas de jeunes assurés (SVR 2010 UV n° 13 p. 52, 8C_550+677/2009, consid. 4.2). Le point de savoir si le salaire réel aurait augmenté grâce à un développement des capacités professionnelles individuelles, notamment un changement de profession, doit être établi au degré de la vraisemblance prépondérante (RAMA 2006 n° U 568 p. 67, U 87/05, consid. 2; 1993 n° U 168 p. 101, U 110/92, consid. 3b; arrêt 8C_380/2012, déjà cité, consid. 2).

L’assuré fait valoir que sans l’atteinte à la santé il aurait poursuivi sa formation après l’obtention de son CFC. Il avait en effet la ferme intention d’entreprendre une formation complémentaire de contremaître ou tout au moins de chef d’équipe. Les allégations de l’assuré ne sont toutefois pas étayées par des éléments concrets et pertinents établissant qu’il aurait poursuivi sa formation au-delà du CFC de maçon. Certes il indique avoir fait part à plusieurs personnes de son intention de progresser sur le plan professionnel et d’avoir pris des renseignements à ce sujet. Cependant ces éléments permettent uniquement de déduire qu’il a manifesté son intérêt pour la poursuite de sa formation professionnelle. Il s’agit ainsi de simples déclarations d’intention, insuffisantes à elles seules pour que l’on puisse admettre, au degré de la vraisemblance prépondérante, que leur auteur entendait progresser sur le plan professionnel et devenir contremaître ou chef d’équipe après avoir mené à chef sa formation de maçon. Quant au fait qu’il avait les capacités intellectuelles requises pour atteindre ses buts, il ne présage en rien quant à l’évolution effective de sa carrière professionnelle. Certes, on ne saurait exiger d’un apprenti en cours de formation initiale qu’il suive des cours de contremaître ou de technicien. Il n’en demeure pas moins qu’en dehors de ses simples déclarations d’intention l’intéressé ne se prévaut d’aucun indice concret rendant très vraisemblable que des possibilités théoriques de développement professionnel se seraient réalisées. La cour cantonale n’a dès lors pas violé le droit fédéral en confirmant le point de vue de l’assurance-accidents selon lequel le salaire réalisable dans l’activité de maçon est déterminant pour le calcul du revenu sans invalidité.

 

Revenu sans invalidité calculé sur la base de la CCT

Dans la mesure où ils tiennent mieux compte des différentes catégories d’activités que les statistiques salariales, les salaires fixés par la convention collective de travail de la construction sont mieux à même de respecter le principe selon lequel le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible (cf. arrêts 8C_643/2016 du 25 avril 2017 consid. 4.2; 9C_363/2016 du 12 décembre 2016 consid. 5.3.1; 8C_515/2013 du 14 avril 2014 consid. 3.2).

 

Existence d’un salaire social dans le calcul du revenu d’invalide

Selon la jurisprudence des éléments de salaire dont il est prouvé que l’assuré ne peut fournir la contrepartie, parce que sa capacité de travail limitée ne le lui permet pas, ne font pas partie du revenu déterminant pour l’évaluation de l’invalidité. La preuve de l’existence d’un salaire dit « social » est toutefois soumise à des exigences sévères, car on doit partir du principe que les salaires payés équivalent normalement à une prestation de travail correspondante (ATF 141 V 351 consid. 4.2 p. 353; 117 V 8 consid. 2c/aa p. 18). Des liens de parenté ou l’ancienneté des rapports de travail peuvent constituer des indices de la possibilité d’un salaire social (arrêt 9C_371/2013 du 22 août 2013 consid. 4.1 et la référence).

En l’espèce, il n’existe toutefois aucun élément concret permettant de penser que l’assuré n’est pas en mesure de fournir la contrepartie des salaires perçus. En particulier le fait qu’il « donne entièrement satisfaction grâce aux conditions de travail adaptées » (cf. rapport final sur les mesures professionnelles de l’office AI) ne permet pas d’inférer que les rémunérations perçues par l’assuré n’équivalent pas aux prestations de travail correspondantes, bien au contraire. L’existence d’un salaire dit « social » n’apparaît dès lors pas établie au degré de la vraisemblance prépondérante.

 

Revenu d’invalide – Obligation de diminuer le dommage

Le contrat de travail prévoit un taux d’activité de 18% environ, ce qui correspond à 400 heures par année scolaire. Avec un salaire horaire convenu de 32 fr. 10, l’assuré est ainsi en mesure de réaliser un gain annuel de 12’840 fr. par année. Il lui incombait dès lors, en vertu de son obligation de diminuer le dommage, d’accomplir le nombre d’heures de travail convenues et, le cas échéant, d’en établir le décompte effectif à l’attention de son employeur, conformément au contrat de travail.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_778/2017 consultable ici

 

Pour le volet AI : arrêt du TF 8C_779/2017 du 25.04.2018

 

 

6B_252/2017 (d) du 20.06.2018 – Responsabilité du détenteur du véhicule pour les amendes d’ordre qui lui sont infligées lorsque le conducteur effectif est inconnu

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_252/2017 (d) du 20.06.2018

 

Communiqué de presse du TF du 20.06.2018 consultable ici

 

En matière de circulation routière, il n’est pas contraire au principe de la présomption d’innocence d’infliger les amendes d’ordre au détenteur mentionné dans le permis de circulation du véhicule, lorsque le conducteur est inconnu. Toutefois, à défaut d’être suffisamment précise, la réglementation en la matière, prévue à l’article 6 de la Loi sur les amendes d’ordre (LAO), ne peut pas s’appliquer lorsque la détentrice du véhicule est une entreprise.

L’article 6 LAO prévoit que les amendes d’ordre (jusqu’à 300 francs) peuvent être infligées, si le conducteur est inconnu, au détenteur du véhicule mentionné dans le permis de circulation. Si le détenteur indique le nom et l’adresse du conducteur, ce dernier se voit remettre l’amende d’ordre. En revanche, si le conducteur du véhicule ne peut être déterminé sans efforts disproportionnés, l’amende doit être payée par le détenteur, sauf s’il établit de manière crédible que son véhicule a été utilisé contre sa volonté et qu’il n’a pu l’empêcher, bien qu’ayant fait preuve de la diligence nécessaire.

Dans le cas d’espèce, en 2014, le conducteur d’un véhicule d’entreprise a dépassé de 14 km/h la vitesse maximale autorisée à l’intérieur d’une localité. Se fondant sur l’article 6 LAO, la police cantonale obwaldienne a alors exigé de la société détentrice du véhicule le paiement d’une amende de 250 francs. Après que la société a indiqué qu’elle ne savait pas qui avait conduit le véhicule, le Ministère public l’a condamnée au paiement de l’amende par ordonnance pénale. Les autorités judiciaires cantonales ont confirmé la décision.

Lors de sa séance publique de mercredi, le Tribunal fédéral admet partiellement le recours formé par la société condamnée. Il juge que l’article 6 LAO n’est pas critiquable sous l’angle de la présomption d’innocence, qui est ancrée tant dans la Constitution fédérale (article 32 Cst.) que dans la Convention européenne des droits de l’homme (article 6 CEDH). Si la présomption d’innocence inclut notamment le « droit au silence », ce droit ne vaut toutefois pas de manière absolue. Ainsi, selon la jurisprudence récente du Tribunal fédéral et de la Cour européenne des droits de l’homme, le détenteur et le conducteur d’un véhicule motorisé doivent savoir, par leur adhésion à la législation sur la circulation routière et par l’obtention du permis de conduire, qu’ils sont tenus de respecter diverses obligations. Parmi celles-ci figure notamment un devoir de renseignement à l’égard des autorités. Ainsi, si le détenteur et le conducteur ne peuvent pas être contraints de fournir des renseignements, ils doivent néanmoins supporter les conséquences d’un refus de collaborer.

L’application de l’article 6 LAO à l’égard d’entreprises détentrices de véhicules consacre toutefois une violation du principe de la légalité, respectivement de l’adage « nulla poena sine lege » (« pas de peine sans loi »). Les dispositions générales du Code pénal (CP) sont en effet applicables à la Loi sur la circulation routière (LCR), pour autant que cette dernière ne prévoie pas de prescriptions contraires. Or, le Code pénal exclut la responsabilité pénale de l’entreprise lorsque, comme en l’espèce, l’infraction constitue une simple contravention. Dès lors que l’article 6 LAO ne se réfère pas expressément à la responsabilité de l’entreprise en qualité de détentrice du véhicule, cette disposition ne peut pas s’appliquer aux sociétés, à défaut d’une base légale suffisamment précise.

 

 

Arrêt 6B_252/2017 non encore publié sur le site du TF

Communiqué de presse du TF du 20.06.2018 consultable ici

 

 

9C_44/2018 (f) du 03.04.2018 – Capacité de travail exigible – Conception bio-médicale de la maladie – 16 LPGA / Revenu d’invalide – Abattement pour un assuré âgé de 61 ans

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_44/2018 (f) du 03.04.2018

 

Consultable ici

 

Capacité de travail exigible – Conception bio-médicale de la maladie / 16 LPGA

Revenu d’invalide – Abattement pour un assuré âgé de 61 ans

 

Assuré, restaurateur indépendant de janvier 2004 à mai 2010, dépose une demande AI le 24.04.2014.

Après les démarches usuelles, l’office AI a soumis l’assuré à une expertise pluridisciplinaire. Dans un rapport établi le 12.07.2016, les médecins (spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie, spécialiste en rhumatologie, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie) ont diagnostiqué – avec répercussion sur la capacité de travail – une polyartériopathie avec artériopathie oblitérante des membres inférieurs prédominant à gauche, une coronaropathie avec status après infarctus antérieur en juillet 2014 et une gonarthrose prédominant à droite. Les médecins ont indiqué que l’assuré ne pouvait plus exercer son activité habituelle de restaurateur indépendant, mais qu’il disposait d’une capacité de travail complète dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (pas de longs déplacements, pas d’utilisation répétée d’escaliers et pas de travail à genoux ou accroupi). L’office AI a rejeté la demande de prestations, au motif que l’assuré présentait un degré d’invalidité de 15%.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 295/16 – 329/2017 – consultable ici)

Par jugement du 27.11.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Conception bio-médicale de la maladie

En tant qu’il a pour objet la question de l’invalidité, le droit des assurances sociales s’en tient à une conception bio-médicale de la maladie (voir ATF 127 V 294 consid. 5a p. 299). Les experts étaient tenus de se distancer de facteurs psychosociaux ou socioculturels, qui sont étrangers à la définition juridique de l’invalidité. De même, s’il est vrai que des facteurs tels que l’âge et le manque de formation jouent un rôle non négligeable pour déterminer dans un cas concret les activités que l’on peut encore raisonnablement exiger d’un assuré, le Tribunal fédéral a déjà rappelé à maintes reprises qu’ils ne constituent pas des circonstances supplémentaires qui, à part le caractère raisonnablement exigible d’une activité, sont susceptibles d’influencer l’étendue de l’invalidité, même s’ils rendent parfois difficile, voire impossible la recherche d’une place et, partant, l’utilisation de la capacité de travail résiduelle (arrêt I 381/06 du 30 avril 2007 consid. 5.2 et les références).

 

Revenu d’invalide – Abattement

L’instance cantonale a tenu compte des arguments de l’assuré, notamment de son âge (61 ans en 2016), mais n’a pas jugé qu’ils constituaient des obstacles irrémédiables à la reprise d’une activité lucrative. En particulier, elle a considéré que l’assuré disposait d’une grande capacité d’adaptation et d’une expérience professionnelle susceptibles de compenser les désavantages liés à son âge et à la nature de ses limitations fonctionnelles. Partant, faute pour l’assuré de s’en prendre concrètement et précisément aux motifs détaillés qui ont conduit la juridiction précédente à admettre le caractère exploitable de sa capacité de travail sur un marché équilibré de l’emploi (à ce sujet, voir arrêt 9C_659/2014 du 13 mars 2015 consid. 5.3 et les références) ou d’expliquer en quoi ceux-là seraient, à son avis, contraires au droit, on ne discerne pas dans le recours de motif commandant de s’écarter de l’appréciation des premiers juges. Le seul fait d’asséner qu’il est « manifeste qu’aucune activité ne peut dès lors être raisonnablement exigée (…)  » ne contredit en rien cette appréciation. La juridiction cantonale n’a par ailleurs pas excédé son pouvoir d’appréciation en retenant que l’assuré disposait d’une capacité de travail supérieure à celle alléguée, ainsi qu’une faculté d’adaptation certaine, et partant, de confirmer le taux d’abattement de 15% admis par l’administration.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_44/2018 consultable ici

 

 

8C_827/2017 (f) du 18.05.2018 – Soulèvement d’un lave-linge – Notion d’accident niée – 4 LPGA / Luxation de l’épaule – Notion de lésion assimilée niée – 9 al. 2 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_827/2017 (f) du 18.05.2018

 

Consultable ici

 

Soulèvement d’un lave-linge – Notion d’accident niée / 4 LPGA

Luxation de l’épaule – Notion de lésion assimilée niée / 9 al. 2 OLAA

 

Assuré, né en 1984, directeur et associé gérant d’une société de vente en gros et au détail d’appareils ménagers et électroniques de loisirs (B.__ Sàrl), remplit une déclaration d’accident en raison d’un « déboîtement d’épaule » survenu alors qu’il soulevait un appareil d’électroménager le 30.05.2016. Sur demande de l’assurance-accidents, il a décrit l’incident comme suit: « je déplaçais un lave-linge emballé et je me suis déboîté/luxé l’épaule [droite] ». Il a par ailleurs répondu « non » à la question de savoir si un fait inhabituel ou imprévu (p. ex. une glissade ou une chute) avait contribué à l’événement et indiqué, au titre de ses antécédents médicaux, qu’il s’était déboîté l’épaule droite lors d’un match de football en février 2009. Par décision du 26.07.2016, l’assurance-accidents a considéré que l’événement du 30.05.2016 ne constituait pas un accident.

Dans son opposition, l’assuré a fait valoir, en substance, qu’il avait souffert d’une luxation antéro-inférieure de la tête humérale, avec notamment une lésion Bankart, car une partie de l’emballage du lave-linge s’était déchirée lors de son effort provoquant un mouvement non contrôlé de son bras droit en avant. L’assurance-accidents a confirmé la décision malgré l’opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/942/2017 – consultable ici)

La cour cantonale a retenu que l’effort que l’assuré avait dû produire pour déplacer (respectivement soulever un peu) un lave-linge sur un autre appareil situé à côté du précédent n’était – à teneur même de ses déclarations – pas extraordinaire. L’assuré avait en effet indiqué qu’il déplaçait quotidiennement des lave-linges et qu’aucun fait inhabituel ou imprévu (p. ex. une glissade ou une chute) n’avait contribué à l’événement du 30.05.2016. Le fait que l’assuré avait déclaré ultérieurement que l’emballage de l’appareil s’était rompu n’était par ailleurs au mieux qu’une possibilité non susceptible d’être établie de façon convaincante par l’administration des preuves offertes, en particulier par l’audition d’un de ses collaborateurs ou de ses médecins traitants.

Par jugement du 24.10.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Notion d’accident

L’assurance-accidents est en principe tenue d’allouer ses prestations en cas d’accident professionnel ou non professionnel (art. 6 al. 1 LAA). Est réputé accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). La notion d’accident se décompose en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés: une atteinte dommageable, le caractère soudain de l’atteinte, le caractère involontaire de l’atteinte, le facteur extérieur de l’atteinte, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l’un d’entre eux fasse défaut pour que l’événement ne puisse pas être qualifié d’accident (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221; 129 V 402 consid. 2.1 p. 404 et les références).

Suivant la définition même de l’accident, le caractère extraordinaire de l’atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu’il excède le cadre des événements et des situations que l’on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d’habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221 et les références). Pour des lésions dues à l’effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l’effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l’intéressé (arrêt 8C_292/2014 du 18 août 2014 consid. 5.1 et la référence).

L’existence d’un facteur extérieur est en principe admise en cas de « mouvement non coordonné », à savoir lorsque le déroulement habituel et normal d’un mouvement corporel est interrompu par un empêchement non programmé, lié à l’environnement extérieur, tel le fait de glisser, de trébucher, de se heurter à un objet ou d’éviter une chute; le facteur extérieur – modification entre le corps et l’environnement extérieur – constitue alors en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1 p. 118).

D’après la jurisprudence, il appartient à la personne assurée de rendre plausible que les éléments d’un accident, tel qu’il est défini, sont réunis. Lorsque l’instruction ne permet pas de tenir ces éléments pour établis ou du moins pour vraisemblables (à ce sujet, voir ATF 139 V 176 consid. 5.3 p. 186; 138 V 218 consid. 6 p. 221 et les références), le juge constatera l’absence de preuves ou d’indices et, par conséquent, l’inexistence juridique d’un accident. Les mêmes principes sont applicables en ce qui concerne la preuve d’une lésion assimilée à un accident (ATF 116 V 136 consid. 4b p. 140).

En présence de deux versions différentes sur les circonstances d’un accident, il faut, en principe, donner la préférence à celle que l’assuré a donnée en premier, alors qu’il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être – consciemment ou non – le produit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 45 consid. 2a p. 47 et les références; voir aussi ATF 143 V 168 consid. 5.2.2 p. 174).

En l’occurrence, l’assuré a donné deux versions différentes de l’événement du 30.05.2016. Il est vrai que les (nouveaux) détails du déroulement de l’événement ne constituent pas à proprement parler des contradictions, mais une version plus précise de l’événement en cause (bris de l’emballage du lave-linge). La juridiction cantonale a retenu qu’il n’était cependant pas établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que le déplacement du lave-linge s’était déroulé de manière non programmée. Les premiers juges ont constaté que l’assuré n’avait en particulier subi aucune lésion traumatique récente, mais qu’il avait en revanche souffert d’un traumatisme grave de l’épaule droite en 2009, avec fracture à l’époque de la clavicule, luxation antéro-inférieure et lésions de Bankart et de Hill-Sachs. Les médecins n’avaient par ailleurs nullement expliqué l’atteinte à la santé de l’assuré par un violent mouvement vers l’avant de son bras droit.

A l’inverse de ce que semble affirmer l’assuré, les premiers juges ne se sont donc pas limités à lui reprocher de n’avoir pas indiqué immédiatement que l’emballage de l’appareil s’était brisé.

 

Notion de lésion assimilée

Il n’y a pas matière à examiner la suite de l’argumentation de l’assuré portant sur l’existence d’une lésion assimilée à un accident. Il convient en effet de nier l’existence d’une telle lésion dans tous les cas où le facteur dommageable extérieur se confond avec l’apparition de douleurs identifiées comme étant des symptômes de lésions corporelles (préexistantes) au sens de celles énumérées de manière exhaustive à l’anc. art. 9 al. 2 OLAA (ATF 129 V 466 consid. 4.2.2 p. 470; voir ég. ATF 139 V 327 consid. 3.3.1 p. 329). Or, la juridiction cantonale a, en l’absence de lésion traumatique récente, retenu sans arbitraire que l’effort du 30.05.2016 n’avait vraisemblablement fait que déclencher la manifestation (douloureuse) d’un facteur pathologique préexistant.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_827/2017 consultable ici

 

 

9C_644/2017 (f) du 19.01.2018 – Incarcération de l’assuré – 21 al. 5 LPGA / Obligation de restituer la rente versée à tort – 25 al. 1 LPGA / Remise de l’obligation de restituer – Bonne foi de l’assuré acceptée

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_644/2017 (f) du 19.01.2018

 

Consultable ici

 

Incarcération de l’assuré – 21 al. 5 LPGA / Obligation de restituer la rente versée à tort – 25 al. 1 LPGA

Remise de l’obligation de restituer – Bonne foi de l’assuré acceptée

 

Assuré, né en 1981, a été mis au bénéfice d’une rente entière de l’assurance-invalidité à partir du 01.09.2001, ainsi que de prestations complémentaires à compter du 01.12.2006.

Par décision du 25.07.2014, l’office AI a suspendu le versement de la rente dès le 01.09.2013, en raison d’une incarcération intervenue le 15.05.2013. L’administration a ensuite exigé la restitution d’un montant de 18’720 fr. correspondant aux rentes versées à tort entre le 01.09.2013 et le 31.08.2014. A la suite de la demande formée pour son compte par son curateur, l’assuré s’est vu accorder la remise de l’obligation de restituer, excepté pour la période allant du 01.09.2013 au 30.09.2013 où sa bonne foi a été niée. La caisse de compensation a aussi exigé la restitution des prestations complémentaires versées indûment dès le 01.09.2013, avant d’accorder la remise partielle de ce paiement.

L’assuré a été une nouvelle fois incarcéré, à compter du 25.08.2015. A la suite de l’annonce de cet événement par un courrier de son curateur daté du 31.08.2015, l’office AI a suspendu le versement de la rente à compter du 01.09.2015 (décision du 18.03.2016) et a demandé la restitution des prestations allouées à tort dès cette date et jusqu’au 31.03.2016, pour un montant de 10’969 fr. Il a rejeté la demande de remise, au motif que la condition de la bonne foi n’était pas remplie. La caisse de compensation a également suspendu le versement des prestations complémentaires, exigé la restitution des prestations versées à tort et refusé d’accorder la remise de l’obligation de restituer.

 

Procédure cantonale

Les juges cantonaux ont d’abord constaté que faute d’avoir fait l’objet d’une contestation de l’assuré, la décision portant sur la restitution de la rente à compter du 01.09.2015 (décision du 31.03.2016) était entrée en force, si bien qu’il n’y avait pas lieu de revenir sur son bien-fondé. Ils ont ensuite examiné si la condition afférente à la bonne foi de l’assuré nécessaire à l’obtention d’une remise de l’obligation de restituer (art. 25 al. 1 LPGA) était réalisée en l’espèce. Ils sont parvenus à la conclusion que tel était le cas, considérant que l’assuré, par le biais de son curateur, avait fait preuve de toute l’attention que sa situation personnelle permettait raisonnablement d’exiger de lui et qu’il ne s’était dès lors rendu coupable d’aucune négligence. L’instance cantonale a donc admis le recours de l’assuré, annulé la décision et, dans la mesure où cette dernière ne portait pas sur la seconde condition cumulative posée par l’art. 25 al. 1 LPGA (soit, sur le critère de la situation difficile), renvoyé la cause à l’administration pour instruction complémentaire sur ce point et nouvelle décision.

Par jugement du 19.07.2017, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

A teneur de l’art. 25 al. 1 LPGA, la restitution de prestations indûment touchées ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile. Selon la jurisprudence relative à la disposition légale précitée, l’ignorance, par le bénéficiaire des prestations, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre qu’il était de bonne foi. Il faut bien plutôt qu’il ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. (ATF 138 V 218 consid. 4 p. 220 et 112 V 97 consid. 2c p. 103; arrêt 9C_496/2014 du 22 octobre 2014 consid. 3.1). Il y a négligence grave quand un ayant droit ne se conforme pas à ce qui peut raisonnablement être exigé d’une personne capable de discernement dans une situation identique et dans les mêmes circonstances (ATF 110 V 176 consid. 3d p. 181). Le comportement et le degré de connaissance du curateur est opposable à l’assuré (ATF 112 V 97 consid. 3b p. 104; arrêt 9C_496/2014 du 22 octobre 2014 consid. 3.1).

La jurisprudence distingue entre la bonne foi en tant que manque de conscience, de la part de l’intéressé, d’agir contrairement au droit et la question de savoir s’il peut invoquer la bonne foi dans les circonstances données ou s’il aurait dû, en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait exiger de lui, reconnaître l’irrégularité juridique qui s’est produite. Alors que la présence ou le défaut de conscience d’agir contrairement au droit relève d’une question de fait, qui ne peut être examinée par le Tribunal fédéral que sous l’angle de l’art. 105 al. 2 LTF, l’examen de l’attention exigible constitue une question de droit qui peut être revue librement, dans la mesure où il s’agit d’examiner si l’intéressé peut invoquer sa bonne foi au vu des circonstances de fait données (ATF 122 V 221 consid. 3 p. 223; voir aussi arrêt 9C_496/2014 du 22 octobre 2014 consid. 3.2).

 

En l’espèce, seule est litigieuse devant le TF la question de savoir si un défaut de diligence peut être reproché à l’assuré. A cet égard, conformément à ce qu’ont relevé les premiers juges, le curateur a informé l’administration de la détention préventive de son pupille le 31.08.2015, soit le jour même où il a lui-même eu connaissance de ce fait; il l’a, au demeurant, renseignée par la suite, spontanément et à plusieurs reprises, au sujet de l’évolution de la situation (courriel du 19.11.2015 et courrier du 26.01.2016 notamment). Bien que dûment informée de l’incarcération et de la situation de l’assuré par l’intermédiaire de son curateur, l’administration avait cependant continué à verser la rente jusqu’au 31.03.2016, sans aucune réserve.

Le fait que l’assuré avait été incarcéré une première fois en 2013 ne suffit pas pour admettre qu’il aurait dû se rendre compte que la continuation du paiement des prestations était indue. En effet, d’une part, dans la mesure où la précédente décision de restitution ne portait pas sur les trois premiers mois de l’incarcération, l’assuré était fondé à en déduire qu’il en irait de même s’il venait à être à nouveau incarcéré; cela vaut d’autant plus que ladite décision ne comportait aucune motivation sur l’obligation de restitution ni aucune référence à une base légale, de sorte qu’il n’en ressortait pas pourquoi la restitution n’était due que pour une partie de la période de détention. Au demeurant, lors de la première procédure, le curateur avait apparemment en vain sollicité des informations sur le sort de la rente de son pupille sans que l’office AI ne l’informe sur ce point.

En outre dans la mesure où la bonne foi avait été admise dans le cadre de l’incarcération qui avait débuté le 15.05.2013, et qu’une remise partielle avait été accordée à la suite de l’annonce de cet événement faite par le biais du curateur au mois d’octobre 2013 (soit, un mois après la nomination du curateur, le 01.09.2013), ce dernier pouvait de bonne foi partir de l’idée qu’en informant l’administration de la nouvelle incarcération de son pupille (survenue le 25.08.2015) le jour où il avait lui-même eu connaissance de ce fait (soit, le 31.08.2015), il satisfaisait à son obligation d’annoncer et ne s’exposait pas à une éventuelle restitution; en 2013, en effet, sa bonne foi n’avait été niée que pour le mois de septembre 2013 et admise pour toute la période de versement postérieure. Par ailleurs, le fait que la caisse de compensation avait rendu une décision reconnaissant le droit de l’assuré à des prestations complémentaires pour la période du 01.08.2015 au 31.10.2015, le 18.12.2015, soit à une date où elle était avisée de l’incarcération de ce dernier, ne pouvait également que renforcer l’assuré dans son idée que le versement n’était pas indu.

Au vu de ce qui précède, c’est à bon droit que les premiers juges ont considéré que le curateur avait fait tout ce qui était en son pouvoir pour annoncer en temps utile les faits susceptibles d’entraîner une suspension du droit à la rente, comme l’exigent les art. 31 LPGA et 77 RAI et donc, qu’il avait fait preuve de la diligence requise.

A l’inverse de ce que prétend finalement l’office AI recourant, ce résultat n’a pas pour conséquence « qu’aucune restitution de la rente perçue pendant la durée de la détention préventive ne pouvait intervenir si l’assuré en informe l’office AI ». La bonne foi de l’assuré résulte en effet de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce que la juridiction cantonale a apprécié à satisfaction de droit, en particulier au regard de l’absence, qu’elle a constatée, de toute information donnée par l’office recourant au curateur quant aux conséquences d’une détention sur une éventuelle restitution des prestations, et des différentes interventions du curateur pour renseigner l’administration sur l’évolution de la procédure pénale.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_644/2017 consultable ici