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9C_2/2023 (f) du 25.09.2023 – Survenance de l’invalidité chez un étudiant schizophrène – Montant de la rente chez un assuré n’ayant pas encore accompli sa vingt-cinquième année au moment de la survenance de l’invalidité / 37 al. 2 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_2/2023 (f) du 25.09.2023

 

Consultable ici

 

Survenance de l’invalidité chez un étudiant schizophrène / 4 LAI

Montant de la rente chez un assuré n’ayant pas encore accompli sa vingt-cinquième année au moment de la survenance de l’invalidité / 37 al. 2 LAI

 

Assuré, né en août 1994, titulaire d’un Master en droit obtenu en 2021, a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 08.09.2020.

L’office AI a confié un mandat d’expertise psychiatrique au centre B.__. Dans un rapport, le spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et la médecin assistante ont posé le diagnostic de schizophrénie indifférenciée (F20.3). Ils ont attesté que le début d’une symptomatologie polymorphe avec un retentissement important sur son fonctionnement et la construction psychique pouvait être identifié vers l’âge de 13 ans et correspondait à la première hospitalisation en milieu psychiatrique. L’incapacité de travail était de 100% dans toute activité en milieu économique en raison d’angoisses psychotiques avec manifestations cognitives, somatiques et dissociatives, en regard d’une désorganisation du comportement avec des rituels para-kinésies incontrôlables, sans perspective d’amélioration permettant la reprise d’une activité lucrative. Les experts ont précisé que le début de l’incapacité de travail pouvait être situé vers la fin de ses études, le mois de septembre 2020 coïncidant avec la demande de prestations d’invalidité. Le SMR s’est rallié à l’opinion des experts du centre B.__.

Par décision du 09.05.2022, l’office AI a alloué à son assuré une rente entière d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 100% à compter du 01.09.2021, d’un montant mensuel de 1’195 francs. Dans le calcul de la rente, l’office AI a tenu compte d’un revenu annuel moyen déterminant de 5’736 fr., d’une durée de cotisations de 6 ans et de l’échelle de rente 44 (rente complète).

 

Procédure cantonale

Par arrêt du 29.11.2022, la juridiction cantonale a admis le recours, réformé la décision administrative en ce sens que le montant de la rente devait être majoré à 133 1/3% du montant minimum de la rente complète correspondante et renvoyé la cause à l’office AI pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

TF

Consid. 3.2
Aux termes de l’art. 4 al. 2 LAI, l’invalidité est réputée survenue dès qu’elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération. Le moment de la survenance de l’invalidité doit être déterminé objectivement, d’après l’état de santé; des facteurs externes fortuits n’ont pas d’importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où l’assuré apprend, pour la première fois, que l’atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d’assurance (ATF 140 V 246 consid. 6.1 et les arrêts cités). En outre, selon l’art. 28 al. 1 LAI, l’assuré a droit à une rente s’il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) et si au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).

D’après l’art. 37 al. 2 LAI, lorsqu’un assuré comptant une durée complète de cotisations n’a pas encore accompli sa vingt-cinquième année au moment de la survenance de l’invalidité, la rente d’invalidité lui revenant et les rentes complémentaires éventuelles s’élèvent au moins à 133 1/3% du montant minimum de la rente complète correspondante.

Consid. 4
La juridiction cantonale a admis que la situation de l’assuré correspond à celle des assurés devenus invalides au cours de leurs jeunes années, soit après l’achèvement de leur formation professionnelle, de sorte qu’il convenait de déterminer s’il pouvait bénéficier de l’augmentation de la rente conformément à l’art. 37 al. 2 LAI. Elle a constaté que l’assuré a achevé sa formation en droit à 27 ans révolus. La durée d’étude a été de 9 ans (18 semestres, de septembre 2012 à novembre 2021), alors que le plan d’études prévoit 9 semestres (6 pour le Bachelor et 3 pour le Master). Pour savoir à partir de quand l’atteinte à la santé avait entravé le cours normal des études dans une mesure de 40% au moins sur une année, les juges cantonaux se sont fondés sur l’avis des experts du centre B.__ et du SMR qui ont retenu que l’assuré avait présenté des symptômes invalidants depuis ses treize ans et que les troubles psychiques avaient retardé l’achèvement de la formation. Ils ont dès lors admis que, dès cet âge, le cursus de formation s’était prolongé en raison de la maladie, à tout le moins à 40%, de sorte qu’on ne pouvait exclure, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré aurait terminé ses études avant sa vingt-cinquième année sans sa maladie. Les conditions d’une augmentation du montant de la rente en application de l’art. 37 al. 2 LAI étaient par conséquent réunies.

 

Consid. 6.1
Pour avoir droit au supplément de rente litigieux dont il est question à l’art. 37 al. 2 LAI, l’assuré aurait dû présenter une incapacité de travail d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (cf. art. 28 al. 1 let. b LAI), cela au plus tard lorsqu’il avait accompli sa vingt-cinquième année, soit en août 2019 (cf. ATF 137 V 417 consid. 2.3). Il faut ainsi déterminer à partir de quand l’atteinte à la santé psychique, qui a évolué depuis l’adolescence de l’assuré, l’a entravé dans la mise à profit de sa capacité de travail ou l’accomplissement de ses travaux habituels à hauteur de 40% au moins durant une année (cf. art. 28 al. 1 let. b et c, 28a al. 2 LAI; art. 26bis RAI).

Consid. 6.2
En retenant que les troubles psychiques ont retardé l’achèvement de la formation de l’assuré avant l’âge de vingt-cinq ans et que le cursus normal de formation s’est prolongé en raison de la maladie, dans une mesure de 40% au moins sur une année, les juges cantonaux n’ont pas apprécié la situation de façon insoutenable. Leur décision n’est pas contredite par un avis médical. En effet, si les troubles psychiques de l’assuré, qui existent depuis ses treize ans, ne l’ont pas empêché d’achever sans retard une formation bilingue gymnasiale en juillet 2012, puis de poursuivre ses études dans le domaine juridique à l’université F.__ (l’assuré y a obtenu son Bachelor en droit en février 2016 en travaillant à temps partiel auprès de la bibliothèque de cet établissement en qualité d’auxiliaire de juillet 2015 à février 2016), il en est allé différemment pour le Master en droit qu’il avait entrepris en 2016. L’assuré ne l’a achevé qu’en février 2021, ayant eu besoin de cinq ans alors que le plan d’études prévoit trois semestres. La durée inhabituellement longue de cette dernière formation s’explique, au degré de la vraisemblance prépondérante (cf. ATF 139 V 176 consid. 5.3), en raison de l’incidence délétère des troubles psychiques sur la capacité de l’assuré d’accomplir ses travaux habituels (c’est-à-dire la préparation du Master en droit), ces troubles ayant considérablement retardé le cursus de cette formation. L’atteinte à la santé a présenté un caractère progressivement déficitaire, aboutissant à une incapacité totale de travailler dès le mois de septembre 2020 selon les experts du centre B.__, qui ne l’ont toutefois pas quantifiée pour la période précédente.

En se limitant à alléguer que les médecins consultés avaient indiqué qu’une incapacité (totale) de travail avait débuté en septembre 2020, sans aborder la durée des études du Master, l’office AI recourant ne démontre pas que la constatation des juges cantonaux, qui retiennent une aggravation progressive de l’état de santé de l’assuré déjà bien avant ses vingt-cinq ans, était manifestement erronée, voire arbitraire. Cette constatation lie le Tribunal fédéral. Il s’ensuit que l’invalidité au sens de l’art. 4 al. 2 LAI est survenue avant que l’assuré ait atteint l’âge de vingt-cinq ans.

Consid. 6.3
Les constatations de l’instance cantonale sont en revanche très imprécises sur le moment à partir duquel la maladie a prolongé le cursus de formation. En effet, elle a simplement retenu que l’assuré « présente des symptômes invalidants depuis ses 13 ans et que les troubles psychiques ont retardé l’achèvement de sa formation », ajoutant que « on peut donc admettre que dès cet âge, le cursus de formation s’est prolongé en raison de la maladie, à tout le moins à 40% ».

Cet élément temporel doit pourtant être connu pour savoir si et comment la rente d’invalidité doit être majorée en vertu de l’art. 37 al. 2 LAI, car la loi requiert que l’assuré ait compté une durée complète de cotisations au moment de la survenance de l’invalidité. La survenance du cas d’assurance est déterminante pour calculer le montant de la rente. Il sied par conséquent de renvoyer la cause à l’office AI recourant afin qu’il puisse établir ce moment et statuer à nouveau. L’éventualité d’une majoration en application de l’art. 40 al. 3 LAI est réservée. En ce sens, la conclusion subsidiaire du recours est bien fondée.

Le TF admet partiellement le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_2/2023 consultable ici

 

Abattement forfaitaire : une meilleure comparaison des revenus pour les bénéficiaires de l’AI (selon le Conseil fédéral) – Détails et commentaires

Abattement forfaitaire : une meilleure comparaison des revenus pour les bénéficiaires de l’AI (selon le Conseil fédéral)

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 18.10.2023 [disponible ici]

Pour les assurés dont il est impossible de comparer les revenus effectifs avant et après la survenance de l’invalidité, la méthode d’évaluation du taux d’invalidité doit être améliorée. Les revenus hypothétiques employés jusqu’ici, critiqués parce que trop élevés, seront réduits en appliquant une déduction forfaitaire de 10% afin de tenir compte des limitations des personnes handicapées sur le marché du travail. Cette adaptation devrait conduire à une augmentation des rentes ainsi qu’à un plus grand nombre de reclassements. En réponse à la motion 22.3377, le Conseil fédéral a adopté lors de sa séance du 18 octobre 2023 une modification du règlement sur l’assurance-invalidité (RAI), qui entrera en vigueur le 1er janvier 2024.

Le taux d’invalidité est déterminant pour le montant d’une rente AI. Il est calculé en comparant le revenu qu’une personne réalisait avant la survenance de l’invalidité avec celui qu’elle peut encore réaliser une fois invalide. Exprimée en pourcentage, cette différence donne le taux d’invalidité. Si une personne assurée ne réalise pas de revenu, il faut déterminer quel revenu elle serait théoriquement en mesure d’obtenir compte tenu de sa situation. Pour ce faire, on se base sur les données de l’Office fédéral de la statistique (OFS), qui couvrent de nombreuses professions à différents niveaux de compétence. Ces données reflètent les revenus surtout des personnes sans invalidité, qui ont tendance à être plus élevés que ceux que peuvent obtenir les personnes handicapées.

Or, si la comparaison des revenus est basée sur un revenu hypothétique trop élevé, la différence avec le revenu réalisé avant l’invalidité est plus faible, et le taux d’invalidité, plus bas. La rente sera par conséquent elle aussi plus basse et, dans certains cas limites, l’assuré peut même perdre complètement le droit à une rente. La réforme de l’AI entrée en vigueur en 2022 a déjà permis de remédier en partie à ce problème. Afin de le corriger encore mieux, la modification du RAI adoptée par le Conseil fédéral prévoit que, lors de la comparaison des revenus, une déduction forfaitaire de 10% sera appliquée au revenu hypothétique tiré des données de l’OFS. Ce pourcentage se fonde sur une étude du bureau BASS en 2021. La déduction forfaitaire, qui fait office de facteur de correction, est facile à appliquer, peut être mise en œuvre dès début 2024 sans nécessiter d’adaptations importantes et sera instaurée de manière permanente.

 

Les rentes en cours également concernées

Cette méthode s’appliquera à toute nouvelle rente AI pour laquelle, faute de revenu effectif, un revenu hypothétique doit servir de base de calcul. Les rentes en cours, elles, devront être révisées par les offices AI dans un délai de trois ans. Ce changement concerne les quelque 30’000 bénéficiaires qui ne touchent pas actuellement de rente entière (c’est-à-dire ceux dont le taux d’invalidité est inférieur à 70%).

 

Conséquences financières pour l’AI et les autres assurances sociales

Selon une estimation sommaire, le coût supplémentaire attendu pour l’AI s’élève à 82 millions de francs par an. Étant donné que la même base de calcul est utilisée pour l’examen du droit à un reclassement et à une rente, davantage de personnes auront désormais droit à un reclassement. Le coût supplémentaire est difficile à estimer de manière fiable, mais le Conseil fédéral s’attend à une augmentation de 40 millions de francs.

Pour ce qui est des prestations complémentaires (PC), l’augmentation des rentes AI permettra d’une part de faire des économies. Néanmoins, étant donné qu’un plus grand nombre de personnes auront droit à une rente et donc potentiellement aussi à des PC, ce changement entraînera également des dépenses supplémentaires. Estimé à 14 millions de francs par an, ce coût sera assumé aux 5/8 par la Confédération et aux 3/8 par les cantons.

D’après une estimation approximative, le coût supplémentaire pour la prévoyance professionnelle pourrait s’élever à environ 30 millions de francs par an.

 

Modification du RAI [disponible ici]

Nouvelle teneur de l’art. 26bis al. 3 RAI (dès le 1er janvier 2024) :

Une déduction de 10% est opérée sur la valeur statistique visée à l’al. 2. Si, du fait de l’invalidité, l’assuré ne peut travailler qu’avec une capacité fonctionnelle au sens de l’art. 49, al. 1bis, de 50% ou moins, une déduction de 20% est opérée. Aucune déduction supplémentaire n’est possible.

 

Dispositions transitoires relatives à la modification du …

1 Pour les rentes en cours à l’entrée en vigueur de la modification du … qui correspondent à un taux d’invalidité inférieur à 70% et pour lesquelles le revenu avec invalidité a été déterminé sur la base de valeurs statistiques et n’a pas déjà fait l’objet d’une déduction de 20%, une révision est engagée dans les trois ans qui suivent l’entrée en vigueur de la présente modification. Si la révision devait conduire à une diminution ou à une suppression de la rente, il y sera renoncé. Si elle devait conduire à une augmentation de la rente, celle-ci prendra effet à l’entrée en vigueur de la présente modification.

2 Lorsque l’octroi d’une rente ou d’un reclassement a été refusé avant l’entrée en vigueur de la modification du … parce que le taux d’invalidité était insuffisant, une nouvelle demande n’est examinée que s’il est établi de façon plausible qu’un calcul du taux d’invalidité effectué en application de l’art. 26bis, al. 3, pourrait aboutir cette fois à la reconnaissance d’un droit à la rente ou au reclassement.

 

Rapport explicatif (après la consultation) du 18.10.2023 [disponible ici]

Une base de calcul sera introduite au 1er janvier 2024, sous la forme d’une déduction forfaitaire permettant, lors de la détermination du revenu avec invalidité au moyen de valeurs statistiques, de tenir compte des possibilités de revenu réelles des personnes atteintes dans leur santé. Cette déduction forfaitaire est une mesure permanente.

 

Instauration d’une déduction forfaitaire à long terme

Le projet d’élaboration de barèmes de salaires sur le modèle Riemer-Kafka/Schwegler ne sera pas poursuivi. L’introduction de barèmes ESS éventuellement adaptés aurait pour conséquence d’abolir la déduction forfaitaire ou de la remplacer par ces mêmes barèmes, ce qui entraînerait une nouvelle révision et une adaptation des rentes concernées. Une telle révision pourrait détériorer la situation de certains assurés, étant donné qu’un calcul basé sur des barèmes ESS adaptés peut résulter en un taux d’invalidité inférieur à celui obtenu par déduction forfaitaire. De fait, les offices AI se trouveraient en charge de procédures de révision complexes et parfois longues (y compris les procédures de recours) pendant plusieurs années. On estime qu’ils devraient procéder par deux fois à quelque 30’000 révisions en l’espace de quelques années. Il en résulterait de plus une surcharge de travail pour les experts médicaux et la pénurie de ressources dans ce domaine s’en trouverait augmentée. Pour les personnes concernées, cela entraînerait un allongement des délais d’attente, déjà parfois très longs aujourd’hui. Des adaptations répétées des bases de calcul dans un domaine aussi complexe que celui de l’évaluation du taux d’invalidité génèreraient une grande insécurité. Il faudrait s’attendre à un nombre important de questions et de problèmes imprévisibles dans la mise en œuvre des dispositions du droit fédéral. Pour toutes ces raisons, il conviendra de procéder à une évaluation complète de l’impact de la déduction forfaitaire mais également des conséquences des nouveautés introduites au 1er janvier 2022 par le développement continu l’AI sur le calcul du taux d’invalidité. Cette évaluation sera réalisée par l’OFAS dans le cadre du programme de recherche de l’AI (PR AI). S’appuyant sur les résultats de cette évaluation, le Conseil fédéral décidera s’il y a lieu de modifier une nouvelle fois le calcul du taux d’invalidité, et dans quelle mesure.

 

Pourcentage de la déduction forfaitaire

Les revendications en faveur d’une déduction supérieure à 10% ne seront pas prises en compte.

 

Dispositions transitoires

Les rentes en cours sont adaptées au nouveau droit dans la mesure suivante : toute rente en cours dont le bénéficiaire n’avait pas encore atteint l’âge de 55 ans au 1er janvier 2022 et présente un taux d’invalidité de 40 à 69% est soumise à une révision dans un délai de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la déduction forfaitaire. Lors de la révision, la situation de l’assuré fait donc en principe l’objet d’un examen complet (sur le plan médical et économique). L’on omettra toutefois de procéder à la révision si celle-ci déboucherait sur une situation moins favorable pour l’assuré du seul fait de cette modification du droit en vigueur.

La demande formulée lors de la consultation de ne pas procéder à des révisions qui nécessiteraient un examen complet de la situation médicale et économique des assurés bénéficiant d’une rente en cours, a été examinée en détail. Or ni la LPGA ni la LAI ne permettent de recalculer purement et simplement le taux d’invalidité d’un assuré. En effet, d’une part, l’introduction d’un tel recalcul au niveau du règlement limiterait la compétence des offices AI de procéder à des révisions des rentes. D’autre part, cette approche constituerait une dérogation au principe de l’instruction de la demande visée à l’art. 43 LPGA. L’introduction d’une telle réglementation n’est pas licite et doit dès lors être rejetée.

Une partie des participants souhaite en outre que les personnes qui se sont vu refuser un reclassement par le passé en raison d’un taux d’invalidité trop bas puissent déposer une nouvelle demande. Les dispositions transitoires ont été adaptées en conséquence. Il faut donc s’attendre à ce que le nombre de reclassements augmente encore à l’avenir, ce qui répond à la demande exprimée dans la motion.

 

Proposition de nouvelle réglementation pour l’évaluation du taux d’invalidité

Concernant la demande, formulée dans le cadre de la consultation, de procéder à des déductions individuelles en plus de la déduction forfaitaire sur le revenu statistique, il faut donc retenir que ces facteurs sont déjà pris en compte, mais à un stade plus précoce de l’évaluation du taux d’invalidité (capacité fonctionnelle individuelle, mise en parallèle) et non plus au moyen de telles déductions. Les éventuelles limitations dues à l’atteinte à la santé déjà incluses dans l’évaluation de la capacité de travail ou de la capacité fonctionnelle ne peuvent pas également entrer dans le calcul de la déduction liée à l’atteinte à la santé, car sinon, elles seraient au final prises en compte à double (ATF 148 V 174, consid. 6.3 ; ATF 146 V 16, consid. 4.1 avec remarques).

Les autres dispositions réglementaires relatives à l’évaluation du taux d’invalidité introduites le 1er janvier 2022 dans le cadre du DC AI demeurent inchangées.

La mise en œuvre de la déduction forfaitaire peut se faire au niveau réglementaire, étant donné qu’en vertu de l’art. 28a al. 1 LAI, le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables. L’introduction d’une déduction forfaitaire est en outre compatible avec l’art. 8 Cst. Le législateur n’est pas tenu de tenir compte de chaque inégalité de fait et de prévoir, à cet égard, des conséquences juridiques différentes. Certaines schématisations et simplifications peuvent se justifier pour des raisons pratiques (notamment de faisabilité en matière d’exécution) et de sécurité juridique, pour autant que ces schématisations ne conduisent pas à des résultats qui ne semblent plus adéquats et raisonnables. Etant donné qu’aucune personne ou groupe de personnes ne seraient d’emblée touchés de manière inacceptable par cette généralisation, la déduction forfaitaire est dans le cas présent justifiée. En particulier, des facteurs tels que le statut de séjour ou la nationalité sont déjà pris en compte lors de la mise en parallèle du revenu sans invalidité.

Cette déduction ne pose aucun problème d’interprétation ni d’application pour la pratique administrative ou la jurisprudence : elle est fondée sur le même principe que les déductions auparavant opérées en raison de l’atteinte à la santé, garantit une égalité de traitement, est compatible avec le système actuel et est aisément compréhensible. Les nouvelles bases de calcul permettront d’octroyer des prestations (reclassements, rentes) conformes à la loi, en augmentant les chances de réussite de la réadaptation et en octroyant des rentes calculées de manière adéquate. Ceci vaut en particulier pour les femmes et les personnes qui exercent des activités dans des secteurs où les salaires sont plutôt bas.

 

Mise en œuvre

Une modification des dispositions légales se répercute en principe aussi sur les prestations en cours, sous réserve de dispositions transitoires contraires (ATF 121 V 157 consid. 4a). Afin de garantir l’égalité de traitement entre tous les assurés, l’adaptation des rentes en cours doit être réglée par une disposition transitoire.

Les bénéficiaires de rentes qui auront atteint l’âge de 55 ans au 1er janvier 2022 ne sont toutefois pas concernés. En effet, dans ce cas, c’est la réglementation des droits acquis figurant à la let. c des dispositions transitoires de la modification de la LAI du 19 juin 2020 qui s’applique. Pour ces personnes, les dispositions légales en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 resteront applicables jusqu’à leur sortie de l’assurance-invalidité.

Les rentes en cours doivent être adaptées au nouveau droit (ATF 121 V 157 consid. 4a). La modification du droit se subroge, en l’occurrence, au motif de la révision. Conformément au principe de l’instruction visé à l’art. 43 al. 1 LPGA, les offices AI sont tenus de prendre d’office les mesures d’instruction nécessaires. Doivent à cet égard être examinés tous les éléments pertinents pour les prestations (tels que les facteurs médicaux et économiques). Les offices AI déterminent eux-mêmes la nature et l’étendue de l’instruction nécessaire (art. 43 al. 1bis LPGA). La disposition transitoire prévoit qu’une révision des rentes en cours concernées doit être entamée dans un délai de trois ans. Pour tous les assurés concernés, l’augmentation de la rente prendra effet à l’entrée en vigueur de la modification réglementaire (à savoir, au 1er janvier 2024), indépendamment de la date à laquelle la révision a été initiée. L’on omettra toutefois de procéder à la révision si celle-ci déboucherait sur une situation moins favorable pour l’assuré du seul fait de cette modification du droit en vigueur (réduction ou suppression de la rente). Par contre, les assurés percevant une rente complète ne feront pas l’objet d’un examen, puisque leur rente ne peut être augmentée.

Les nouveaux taux d’invalidité fixés par l’AI sont repris par la prévoyance professionnelle pour le calcul de ses prestations.

Les personnes dont la demande de rente a déjà été refusée ne feront pas l’objet d’un examen automatique selon les nouvelles dispositions. Les assurés concernés devront eux-mêmes déposer une nouvelle demande conformément aux règles générales.

 

Conséquences pour l’AI

Rentes : En moyenne, il faut s’attendre à des coûts supplémentaires de l’ordre de 40 millions de francs par an pour l’effectif actuel des rentes et de l’ordre de 42 millions de francs par an pour les nouveaux bénéficiaires. Les dépenses de l’AI devraient donc augmenter d’environ 82 millions de francs par année.

Mesures d’ordre professionnel : Le montant actuel versé par l’AI pour ces mesures est d’environ 98 millions de francs, dont 16 millions de frais de déplacement. Il faut y ajouter environ 260 millions de francs pour les indemnités journalières versées aux assurés. Le nombre de personnes présentant un taux d’invalidité inférieur à 20% n’est pas connu. Étant donné que ce taux ne représente qu’une condition parmi d’autres, il n’est possible d’estimer que très approximativement les frais supplémentaires engendrés par l’octroi de nouvelles mesures de reclassement (y c. indemnités journalières accessoires et frais de déplacement). On peut s’attendre à une augmentation des coûts d’environ 40 millions de francs par an.

Office AI : L’introduction de la déduction forfaitaire accroîtra la charge de travail des offices AI. D’une part, pour près de 30’000 assurés, la rente devra être révisée et le taux d’invalidité recalculé en tenant compte de la nouvelle déduction forfaitaire. D’autre part, il faut s’attendre à recevoir de nouvelles demandes de prestations, tant pour les rentes que pour les reclassements. Cette charge supplémentaire devrait perdurer trois à quatre ans après l’entrée en vigueur, raison pour laquelle la durée des nouveaux postes créés est limitée à quatre ans. Il faudra compter deux ans pour le recalcul des taux et trois pour le traitement des nouvelles demandes. Les besoins supplémentaires en personnel s’élèvent à 24 équivalents plein temps environ, ce qui correspond à près de 4,3 millions de francs par an.

 

Conséquences pour les prestations complémentaires

Pour les PC, la déduction forfaitaire proposée engendrera, d’une part, des économies dans les cas où la rente AI augmente et, d’autre part, des frais supplémentaires dans les cas où une nouvelle rente est octroyée.

Les dépenses supplémentaires nettes pour les PC sont donc d’environ 14 millions de francs par an, ce qui engendre pour la Confédération des frais supplémentaires nets de l’ordre de 9 millions de francs par an liés au financement partiel (5/8) des PC (art. 13 al. 1 LPC). Pour les cantons, qui assument aussi le financement partiel des PC (3/8), il en résulte également des dépenses supplémentaires de l’ordre de 5 millions de francs par an.

 

Conséquences pour la prévoyance professionnelle

Les prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle sont calculées sur la base du taux d’invalidité établi par l’AI. Si ces taux deviennent plus élevés, les rentes servies par la prévoyance professionnelle augmenteront en conséquence, ainsi que leur nombre. Il faut cependant rappeler ici que les prestations de la prévoyance professionnelle sont réduites en cas de surindemnisation. En outre, les institutions de prévoyance disposent d’une grande marge de manœuvre dans la partie surobligatoire et peuvent décider dans quelle mesure elles veulent répercuter dans ce domaine une augmentation du taux d’invalidité qui n’est contraignante que pour le régime obligatoire. Les estimations qui suivent ne donnent donc qu’un ordre de grandeur du supplément de coût.

Le montant annuel total des rentes d’invalidité versées par la prévoyance professionnelle (régime surobligatoire compris) s’élevait environ à 1,9 million de francs en 2020 [ndr : il s’agit probablement d’une coquille dans le rapport et qu’il doit s’agir de 1.9 milliard de francs]. Partant de l’hypothèse selon laquelle le taux d’invalidité est basé sur un salaire statistique dans deux tiers des cas, la somme des rentes versées par la prévoyance professionnelle augmenterait d’une valeur estimée à 1,6% avec une déduction forfaitaire du revenu avec invalidité de 10%, ce qui correspond à un montant d’environ 30 millions de francs par an.

 

Conséquences pour l’assurance-accidents et assurance militaire

Seule la législation sur l’AI prévoit une norme de délégation pour l’instauration de la nouvelle déduction forfaitaire. Une telle déduction ne peut donc pas être introduite au niveau réglementaire dans l’assurance-accidents et l’assurance militaire, ce qui signifie qu’elle n’est pas applicable.

Les dispositions censées s’appliquer en dehors de l’AI devraient en principe être inscrites dans la LPGA ou dans l’ordonnance correspondante. On peut aussi se demander si une déduction forfaitaire de 10% dans l’assurance-accidents et l’assurance militaire serait judicieuse. En effet, dans l’assurance-accidents, un taux d’invalidité de 10% donne déjà droit à une rente, alors que dans l’AI, celle-ci n’est accordée qu’à partir d’un taux d’invalidité de 40%. Ainsi, l’introduction d’une déduction forfaitaire dans l’assurance-accidents engendrerait une augmentation du nombre de rentes octroyées et donc une hausse des coûts.

Lorsque l’assuré touche déjà une rente AI, l’assurance-accidents ne verse qu’une rente complémentaire. Si l’AI verse de nouvelles rentes ou des rentes plus élevées, l’assurance-accidents réalisera des économies ; il n’est actuellement pas possible d’estimer leur montant.

 

Conséquences pour l’assurance-chômage

L’assurance-chômage (AC) couvre uniquement la capacité de gain résiduelle (capacité de travail). Si les taux d’invalidité augmentent, le gain assuré des personnes bénéficiant de prestations AI et AC sera revu à la baisse en raison de leur capacité de gain résiduelle plus faible ; les indemnités journalières de l’AC s’en trouveront réduites. Si l’augmentation des rentes AI ou des taux d’invalidité a lieu avec effet rétroactif à la date d’entrée en vigueur de la présente modification (1er janvier 2024), l’AC demandera rétroactivement le remboursement de l’indemnité versée en trop à partir de cette date ou la compensera avec les prestations de l’AI. Pour les bénéficiaires d’indemnités journalières de l’AC qui se sont auparavant vu refuser une rente AI en raison d’un taux d’invalidité trop faible, et qui l’obtiendront désormais après avoir déposé une nouvelle demande, l’AC pourrait exiger un remboursement de l’AI. Les économies supplémentaires réalisées par l’AC ainsi que les éventuels coûts supplémentaires ne peuvent pour l’instant pas être quantifiés.

 

Commentaires et remarques personnelles

Le conseiller fédéral Alain Berset avait déjà évoqué cette possibilité d’un abattement forfaitaire lors de la séance du 14.12.2022 au Conseil national (cf. notre article ici).

Initialement proposée comme une solution provisoire, l’abattement forfaitaire devient donc permanent. La justification pour ne pas procéder à une correcte détermination du revenu avec invalidité, par exemple par l’élaboration de tableaux ESS spécifiques, ne saurait convaincre.

Par ailleurs, le Conseil fédéral mentionne que les éléments qui faisaient auparavant l’objet d’un abattement, en particulier les limitations fonctionnelles (physiques ou psychiques), sont désormais pris en compte par les médecins dans le cadre de la capacité fonctionnelle restante de la personne assurée. Le Conseil fédéral précise que les limitations dues au handicap au sens strict (limitations quantitatives ou qualitatives dans l’exercice de la profession) sont déjà systématiquement prises en compte dans l’évaluation de la capacité fonctionnelle de l’assuré. Par rapport à la pratique actuelle, ce nouveau système améliore la situation des assurés, car la déduction liée à l’atteinte à la santé n’est plus limitée à un maximum de 25% du salaire statistique.

Dans le cadre de ma pratique quotidienne, je n’ai pas vu de franches différences entre l’évaluation de la capacité de travail telle qu’effectuée avant la 7e révision AI (DCAI) et l’évaluation de la capacité fonctionnelle selon le nouveau droit. Bien au contraire, l’impression qui domine est que la personne assurée est doublement pénalisée dans le cadre du nouveau droit : le médecin du SMR n’examine pas la capacité fonctionnelle (mais uniquement la capacité de travail exigible) et l’administration n’octroie plus d’abattement en raison des limitations fonctionnelles. Cette notion de « capacité fonctionnelle » demeure obscure, tant pour les praticiens que pour les médecins. Là où le Tribunal fédéral reconnaissait un abattement en sus d’une baisse de rendement (p. ex. 8C_849/2017 du 5 juin 2018 consid. 3.2 et la référence.), ces situations ne font plus l’objet d’une appréciation différente que celle de la capacité de travail exigible. La situation d’une majorité d’assurés ne se trouve ainsi pas améliorée par le nouveau droit en vigueur.

L’abattement forfaitaire de 10% ne permet pas de réparer les mésestimations de la capacité fonctionnelle des personnes assurées. Il aurait, au contraire, été plus juste de maintenir une appréciation par les médecins de la capacité de travail exigible puis de laisser à l’administration le soin de déterminer le revenu avec invalidité au moyen de données statistiques fiables, cas échéant corrigées par un abattement justifié dans le cas d’espèce. La solution hybride actuelle n’est de loin pas satisfaisante.

Enfin, on ne peut qu’être étonné par l’absence de volonté d’une harmonisation de l’évaluation de l’invalidité. Comme le relève pourtant le Conseil fédéral dans le rapport sur les résultats de la consultation, la Suva et l’ASA ont souligné qu’il faudrait coordonner la déduction forfaitaire avec l’assurance-accidents et l’assurance militaire. L’absence d’une norme de délégation créerait une insécurité juridique indésirable dans ces deux branches d’assurance, de sorte qu’il incomberait aux tribunaux de déterminer si la déduction forfaitaire y est également applicable. Des dossiers resteraient ainsi en suspens pendant de longues années, ce qui est très fâcheux tant pour les assureurs que pour les assurés concernés. En ancrant dans le RAI et non dans l’OPGA l’abattement forfaitaire de 10%, la situation des assurés victime d’un accident ne sera pas harmonisée. Pour le surplus, nous renvoyons la lectrice et le lecteur au ch. 302 ss et 314 ss de notre article « Revenu d’invalide selon l’ESS – une mise à jour » par in Jusletter 21 novembre 2022.

 

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 18.10.2023 consultable ici

Modification du RAI et rapport explicatif (après la consultation) du 18.10.2023 disponible ici

Fiche d’information « Calcul du taux d’invalidité », 18.10.2023, disponible ici

Rapport sur les résultats de la consultation, octobre 2023, disponible ici

Documents de la consultation et les avis exprimés disponibles ici

Motion CSSS-N 22.3377 « Utiliser des barèmes de salaires correspondant à l’invalidité dans le calcul du taux d’invalidité » consultable ici

Cf. également le communiqué de presse du 18.10.2023 d’Inclusion Handicap [en français / en allemand]

 

La deduzione forfettaria migliora il confronto dei salari delle persone con invalidità, Comunicato stampa del Consiglio federale del 18.10.2023 disponibile qui

Pauschalabzug verbessert den Lohnvergleich für Menschen mit Invalidität, Medienmitteilung des Bundesrates vom 18.10.2023 hier abrufbar

 

8C_169/2023 (f) du 25.08.2023 – Remboursement des frais et dépens – Juste valeur le travail des défenseurs très rarement considéré – Grief de la réduction régulière rejeté par le TF- 61 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_169/2023 (f) du 25.08.2023

 

Consultable ici

 

Remboursement des frais et dépens – Admission partielle du recours par l’instance cantonale / 61 LPGA

Juste valeur le travail des défenseurs très rarement considéré – Grief de la réduction régulière rejeté par le TF

 

Assuré, engagé en qualité de technicien « audio/vidéo » dès le 14.01.2019.

Le dimanche 08.12.2019, après avoir violé une règle de signalisation routière, le prénommé a été arrêté par la police cantonale valaisanne puis soumis à des éthylotests qui se sont révélés positifs. Son permis de conduire a été immédiatement saisi puis, au terme de la procédure administrative ouverte en raison de ces faits, lui a été retiré pour une durée de trois mois.

Le 13.12.2019, l’employeur a résilié les rapports de travail avec effet immédiat, à la suite de quoi l’assuré s’est inscrit comme demandeur d’emploi, faisant valoir son droit à l’indemnité de chômage à compter du 16.12.2019.

L’assuré et la caisse de chômage, subrogée à l’assuré dans ses droits, ont contesté le licenciement. Le litige a abouti à une transaction judiciaire prévoyant le versement par l’employeur d’un montant de 7’000 fr., pour solde de tout compte, en faveur de l’assuré.

Par décision du 11.05.2020, la caisse a sanctionné l’assuré de 35 jours de suspension du droit à l’indemnité de chômage, au motif qu’il s’était retrouvé sans travail par sa propre faute, en raison du retrait de son permis de conduire. Saisie d’une opposition, la caisse l’a partiellement admise par décision du 21.10.2020. Elle a confirmé que l’assuré s’était retrouvé sans travail par sa propre faute, soulignant en particulier que celui-ci avait besoin d’un permis de conduire pour mener à bien son activité professionnelle et qu’il ne pouvait pas ignorer que, par son comportement, il avait pris le risque d’être licencié. Tenant compte du fait que les conditions d’une résiliation avec effet immédiat n’étaient pas remplies, elle a néanmoins réduit à 25 jours la durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 95/14 – 85/2015 – consultable ici)

Par jugement du 09.02.2023, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision en ce sens que la durée de la suspension de l’indemnité de chômage était réduite à 16 jours. La cour cantonale a par ailleurs condamné la caisse à verser à l’assuré une indemnité de dépens de 1’200 fr.

 

TF

Consid. 2.1
Selon l’art. 61 let. g LPGA, le recourant qui obtient gain de cause a droit au remboursement de ses frais et dépens dans la mesure fixée par le tribunal; leur montant est déterminé sans égard à la valeur litigieuse d’après l’importance et la complexité du litige. Pour le reste, la fixation du montant de l’indemnité de dépens ressortit au droit cantonal (art. 61 première phrase LPGA; arrêt 9C_714/2018 du 18 décembre 2018 consid. 9.2, non publié in ATF 144 V 380). Sous réserve des cas cités à l’art. 95 let. c à e LTF qui n’entrent pas en considération dans le cas particulier, le recours ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal. En revanche, il est toujours possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu’elle est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. ou contraire à d’autres droits ou principes constitutionnels (ATF 143 I 321 consid. 6.1). Un tel moyen tiré de la violation d’un droit constitutionnel doit être expressément soulevé et développé avec la précision requise à l’art. 106 al. 2 LTF (ATF 138 I 1 consid. 2.1; 133 III 462 consid. 2.3).

Consid. 2.2
Appelé à revoir l’interprétation d’une norme cantonale sous l’angle de l’arbitraire, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d’un droit certain. En revanche, si l’application de la loi défendue par l’autorité cantonale ne s’avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution éventuellement plus judicieuse paraît possible. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 148 I 145 consid. 6.1 et les arrêts cités).

Consid. 3
La cour cantonale a octroyé une indemnité de dépens au recourant dans la mesure où celui-ci avait obtenu partiellement gain de cause (art. 61 let. g LPGA et 91 al. 1 de la loi cantonale valaisanne du 6 octobre 1976 sur la procédure et la juridiction administratives [RS/VS 172.6]). Relevant que la mandataire du recourant avait produit une note d’honoraires d’un montant total de 3’491 fr. 96 (débours et TVA compris), elle a considéré que le nombre d’heures facturées paraissait cependant trop important (13,5 heures) et devait être diminué. En particulier, la durée attribuée à la rédaction du recours (7.5 heures) ne se justifiait pas dans la présente cause. En outre, la durée totale tenait compte d’opérations qui ne relevaient pas de l’activité proprement dite de l’avocat ou qui étaient déjà comprises dans les honoraires, à l’instar des frais de secrétariat, des activités de nature administrative (transmission de pièces ou de copies), ainsi que de brefs contacts téléphoniques et de l’établissement de télécopies ou de brèves correspondances. En conséquence, au vu de l’activité utile déployée dans la présente cause, comprenant un recours de 20 pages, de la teneur des pièces déposées, de la complexité moyenne de l’affaire, de l’ampleur réduite du dossier et du fait que le recourant n’obtenait que partiellement gain de cause, les juges cantonaux ont fixé l’indemnité de dépens à un montant arrondi à 1’200 francs, débours et TVA compris, en application des art. 4 al. 1, 27 al. 1 et al. 4 et 40 al. 1 de la loi cantonale valaisanne du 11 février 2009 fixant le tarif des frais et dépens devant les autorités judiciaires ou administratives (LTar; RS/VS 173.8) et de la jurisprudence en la matière.

Consid. 4
Le recourant reproche à la cour cantonale de considérer très rarement à leur juste valeur le travail des défenseurs, se référant à plusieurs arrêts rendus par celle-ci ou par le Tribunal fédéral. Dans le cas d’espèce, il soutient qu’après déduction des débours et de la TVA, l’indemnité octroyée par les premiers juges représente 3 heures 20 de travail utile ([1’200 fr. – 927 fr. 70 de débours et 74 fr. 45 de TVA] / 260 fr. par heure). Il expose ensuite les opérations effectuées par sa mandataire, telle que l’analyse juridique qui impliquait également un aspect civil (existence d’un motif de licenciement immédiat) et reproche d’ailleurs à la cour cantonale d’avoir omis que la cause impliquait aussi des analyses et recherches juridiques en plus de la rédaction du recours. Il en conclut qu’il est arbitraire de considérer qu’une durée de 13,5 heures de travail serait excessive, alors que plus de deux ans depuis la clôture des échanges d’écritures avaient été nécessaires à l’autorité pour rendre son jugement. Le recourant fait également valoir que l’art. 4 LTar – aux termes duquel les dépens couvrent en principe les frais indispensables occasionnés par le litige – ne prévoit pas l’exclusion des opérations ne relevant pas de l’activité proprement dite de l’avocat. Il serait en particulier arbitraire d’exclure les brefs contacts téléphoniques et l’établissement de brèves correspondances, lesquels étaient pourtant indispensables en l’espèce. Le recourant fait par ailleurs valoir que les 1’200 fr. octroyés ne représentent que 11 % de la fourchette prévue à l’art. 40 LTar. Enfin, la décision attaquée serait également arbitraire dans son résultat puisqu’elle inciterait l’avocat à limiter son travail au lieu de prendre le temps nécessaire à une défense correcte du client. Les réductions des dépens, telles qu’opérées par la cour cantonale, auraient même pour conséquence d’empêcher l’accès aux tribunaux au sens des art. 29 ss Cst. En effet, la diligence de l’avocat imposerait d’annoncer aux clients que même s’ils obtenaient gain de cause, une partie des honoraires seraient à leur charge, alors qu’en matière d’assurances sociales, la majorité des assurés seraient démunis.

Consid. 5
En l’occurrence, devant la cour cantonale, le recourant concluait à l’annulation de la décision sur opposition du 21 octobre 2020 et à ce qu’il soit constaté qu’il n’avait commis aucune faute au sens de l’art. 30 LACI. A titre subsidiaire, il demandait une suspension, pour faute légère, d’une durée maximale de trois jours. Or la cour cantonale, en retenant une faute moyenne de la part du recourant et en le sanctionnant de 16 jours de suspension du droit à l’indemnité de chômage, ne l’a formellement suivi dans aucune de ses conclusions. Dans ces conditions, l’indemnité de dépens octroyée n’apparaît en tout cas pas arbitraire dans son résultat. D’ailleurs, le recourant ne conteste pas que celle-ci devait être réduite et il n’y a pas lieu d’examiner ce qu’il en serait s’il avait eu pleinement gain de cause. Autrement dit, même à considérer que la note d’honoraires produite comprenait uniquement des opérations relevant de l’activité proprement dite de l’avocat et que celles-ci étaient indispensables au regard de l’affaire, les premiers juges pouvaient lui allouer une indemnité de 1’200.-. représentant un peu plus d’un tiers de la note finale, compte tenu du fait que le recourant a eu gain de cause dans une faible mesure. Pour le reste, en tant que le recourant entend faire condamner une pratique restrictive de la cour cantonale, son argumentation est mal fondée. En effet, il n’y a pas lieu d’examiner dans la présente procédure le montant des indemnités octroyées dans d’autres jugements cantonaux. Quant aux affaires portées devant le Tribunal fédéral, elles ont certes abouti à des admissions partielles en ce qui concerne les arrêts 9C_519/2020 du 6 mai 2021 et 9C_411/2016 du 21 novembre 2016 mais également à un rejet du recours dans la cause 8C_792/2013 du 25 février 2015. On ne saurait donc en déduire une pratique arbitraire ou entravant l’accès au juge d’une quelconque manière. En invoquant « l’accès aux tribunaux au sens des art. 29 Cst. ss », l’argumentation ne répond d’ailleurs pas aux exigences de motivation accrues de l’art. 106 al. 2 LTF.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_169/2023 consultable ici

 

9C_584/2022 (f) du 12.07.2023 – Impotence de degré faible – 37 al. 3 lit. e RAI – 38 RAI / Accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_584/2022 (f) du 12.07.2023

 

Consultable ici

 

Impotence de degré faible / 37 al. 3 lit. e RAI – 38 RAI

Accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie

Examen de l’octroi de l’API sur la base de l’enquête à domicile et non uniquement sur une expertise médicale

 

Assuré, née en 1970, a travaillé notamment comme nettoyeuse jusqu’au 31.01.2007. Elle a été victime d’un accident vasculaire cérébral (AVC) en 2008. Octroi d’un quart de rente AI dès le 01.02.2009. Après révision, l’office AI a mis l’assurée au bénéfice de trois quarts de rente de l’assurance-invalidité dès le 01.07.2017. Entre autres éléments, il a considéré qu’elle disposait d’une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée.

Entre-temps, l’assurée a déposé une demande d’allocation pour impotent le 06.11.2017. L’office AI a réalisé une enquête ménagère à domicile le 25.11.2020 (rapport du 26.11.2020). Rejet de la demande par décision du 25.01.2021.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 70/21 – 338/2022 – consultable ici)

Par jugement du 11.11.2022, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision en ce sens que l’assurée a droit à une allocation pour impotent de degré faible à compter du 01.09.2020.

 

TF

Consid. 2.2
L’impotence est faible notamment si la personne assurée, même avec des moyens auxiliaires, a besoin d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 38 RAI (art. 37 al. 3 let. e RAI). Selon cette disposition, ce besoin existe lorsque la personne assurée ne peut pas en raison d’une atteinte à la santé vivre de manière indépendante sans l’accompagnement d’une tierce personne (art. 38 al. 1 let. a RAI), faire face aux nécessités de la vie et établir des contacts sociaux sans l’accompagnement d’une tierce personne (art. 38 al. 1 let. b RAI), ou éviter un risque important de s’isoler durablement du monde extérieur (art. 38 al. 1 let. c RAI). Dans la première éventualité, l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie doit permettre à la personne concernée de gérer elle-même sa vie quotidienne. Il intervient lorsque la personne nécessite de l’aide pour au moins l’une des activités suivantes: structurer la journée, faire face aux situations qui se présentent tous les jours (p. ex. problèmes de voisinage, questions de santé, d’alimentation et d’hygiène, activités administratives simples) et tenir son ménage (aide directe ou indirecte d’un tiers; ATF 133 V 450 consid. 10). Dans la deuxième éventualité (accompagnement pour les activités hors du domicile), l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie doit permettre à la personne assurée de quitter son domicile pour certaines activités ou rendez-vous nécessaires, tels les achats, les loisirs ou les contacts avec les services officiels, le personnel médical ou le coiffeur. Dans la troisième éventualité, l’accompagnement en cause doit prévenir le risque d’isolement durable ainsi que de la perte de contacts sociaux et, par là, la péjoration subséquente de l’état de santé de la personne assurée (arrêt 9C_308/2022 du 28 mars 2023 consid. 3.3 et la référence).

Consid. 2.3
La nécessité de l’aide apportée par une tierce personne doit être examinée de manière objective, selon l’état de santé de la personne assurée, indépendamment de l’environnement dans lequel celle-ci se trouve; seul importe le point de savoir si, dans la situation où elle ne dépendrait que d’elle-même, la personne assurée aurait besoin de l’aide d’un tiers. L’assistance que lui apportent les membres de sa famille a trait à l’obligation de diminuer le dommage et ne doit être examinée que dans une seconde étape (cf. arrêts 9C_330/2017 du 14 décembre 2017 consid. 4; 9C_410/2009 du 1 er avril 2010 consid. 5.1, in SVR 2011 IV n° 11 p. 29; voir aussi arrêt 9C_425/2014 du 26 septembre 2014 consid. 4.2).

Consid. 3.1
La juridiction cantonale a retenu que l’assurée avait droit à une allocation pour impotent de degré faible dès le 01.09.2020. Elle a constaté tout d’abord que l’assurée était en mesure d’accomplir cinq des six actes ordinaires de la vie (se vêtir et se dévêtir; se lever, s’asseoir, se coucher; manger; faire sa toilette; aller aux toilettes), mais pas celui de se déplacer à l’extérieur. En revanche, l’assurée n’était pas capable de vivre de manière indépendante, sans l’accompagnement d’une tierce personne et requérait une aide constante. Il ressortait en effet de l’expertise pluridisciplinaire des médecins de l’Unité d’expertises médicales, du 01.09.2020, mise en œuvre au cours de la procédure de révision de la rente, que le mari de l’assurée réalisait la quasi-totalité de l’entretien du domicile et qu’il préparait le repas de midi la plupart du temps. Dans les cas où l’assurée préparait à manger, son époux se chargeait de la cuisson. De plus, dès lors qu’elle ne parvenait pas à se baisser, l’assurée utilisait difficilement le lave-vaisselle et ne pouvait pas remplir le lave-linge. Le mari de l’assurée effectuait encore les courses pendant qu’elle l’attendait au restaurant du magasin. L’assurée présentait enfin un cas lourd de pathologies, avec de nombreuses comorbidités somatiques et psychiques, et de multiples limitations fonctionnelles.

Consid. 4.1
Selon la jurisprudence, la nécessité de l’assistance d’un tiers pour la réalisation des tâches ménagères peut justifier à elle seule la reconnaissance du besoin d’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie (arrêt 9C_330/2017 du 14 décembre 2017 consid. 4). La nécessité de l’aide apportée par une tierce personne doit cependant être examinée de manière objective, selon l’état de santé de la personne assurée, indépendamment de l’environnement dans lequel celle-ci se trouve. A cet égard, l’enquête effectuée au domicile de la personne assurée constitue en principe une base appropriée et suffisante pour évaluer l’étendue des empêchements dans la vie quotidienne (sur les exigences relatives à la valeur probante d’un tel rapport d’enquête, cf. ATF 140 V 543 consid. 3.2.1; 133 V 450 consid. 11.1.1 et les références).

Consid. 4.2
En l’espèce, si la juridiction cantonale se réfère certes à la description de la vie quotidienne donnée par l’assurée aux experts du centre d’expertises, elle ne discute en revanche nullement les constatations et conclusions de l’enquête du 25.11.2020. Or cette enquête avait pour objet de préciser et de compléter sur un plan objectif la description des empêchements de l’assurée dans la vie quotidienne. Dans cette mesure, l’enquêtrice a constaté que l’assurée préparait ses repas assise à table, qu’elle pouvait cuire des choses simples, comme des pâtes (si elle n’avait pas trop mal au dos), qu’elle pouvait mettre des objets dans le lave-vaisselle, qu’elle pouvait charger le panier de son rollator et se rendre au lave-linge à l’étage, qu’elle y était autonome, qu’elle passait la panosse, qu’elle nettoyait le lavabo et les toilettes et qu’elle faisait des commissions simples, avec son rollator (lorsqu’elle se sentait assez bien). De son côté, l’époux de l’assurée se chargeait des paiements, cuisait les repas avec son épouse, complétait le ménage avec une femme de ménage (mise à disposition par le centre médico-social), faisait parfois des rappels de rendez-vous à son épouse et l’accompagnait à certains rendez-vous si elle était moins bien.

En omettant de prendre en considération l’enquête à domicile, la juridiction cantonale s’est fondée, en violation du droit fédéral, sur la manière dont l’assurée a elle-même décrit aux experts du centre d’expertises ses facultés à assumer sa vie quotidienne (préparation des repas, utilisation du lave-vaisselle, besoin d’aide dans le ménage, etc.), alors qu’il y avait lieu d’établir la mesure de ce qui était raisonnablement exigible d’elle le plus objectivement possible. En se référant ensuite à la rente allouée à l’assurée en raison des pathologies dont elle souffre, sans en tirer de constatations quant à d’éventuels empêchement effectifs pour accomplir certaines tâches, les premiers juges n’ont pas mis en évidence d’éléments déterminants sous l’angle du besoin d’accompagnement durable. Or, en prenant en considération le résultat de l’enquête à domicile, on constate que l’assurée est en mesure de structurer ses journées, de faire face aux situations qui se présentent tous les jours et de tenir son ménage, même si des aides ont été mises en place pour la décharger partiellement de ses tâches ménagères. L’assurée peut donc vivre de manière indépendante sans l’accompagnement d’une tierce personne. Elle ne présente en particulier pas le risque d’être placée en institution si elle était livrée à elle-même. Il y a donc lieu de nier la réalisation des conditions de l’art. 38 al. 1 let. a RAI.

 

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_584/2022 consultable ici

 

9C_458/2022 (f) du 16.08.2023 – Subvention de l’assurance-invalidité pour la construction – Restitution / 73 aLAI – 104bis aRAI – Dispositions transitoires de la modification de la LAI du 6 octobre 2006 – Loi sur les subventions (LSu)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_458/2022 (f) du 16.08.2023

 

Consultable ici

 

Subvention de l’assurance-invalidité pour la construction – Restitution / 73 aLAI – 104bis aRAI – Dispositions transitoires de la modification de la LAI du 6 octobre 2006 – Loi sur les subventions (LSu)

Notion de détournement du but du bâtiment

Possibilité d’une réduction du montant à restituer en raison de l’existence d’un cas de rigueur en matière de subvention accordée par l’assurance-invalidité

 

La Fondation A.__ est une fondation de droit privé au sens des art. 80 ss CC, reconnue d’utilité publique. Son but est la prise en charge de personnes adultes souffrant d’un handicap psychique et présentant des comportements à risque. Elle a été créée en 2010 par la reprise des actifs et passifs de l' »Association B.__ », radiée du registre du commerce du Bas-Valais en avril 2011, précédemment, nommée l’association « C.__ », puis « Association D.__ ».

Par décision du 16.05.1994, l’OFAS a octroyé à l’association « C.__ » une subvention de l’assurance-invalidité fixée provisoirement à 1’133’205 fr. pour la réalisation du centre résidentiel « E.__ » à U.__, soit une structure d’habitation pour la réintégration socio-professionnelle de personnes toxicodépendantes. Le montant définitif de ladite subvention a été arrêté à 1’034’145 fr. (décision du 25.03.1999).

Par courrier du 22.01.2018, l’OFAS a interpellé la Fondation A.__, en lui rappelant que les subventions de l’assurance-invalidité à la construction sont liées pendant vingt-cinq ans à une affectation précise et que toute modification doit lui être signalée. Ledit courrier était accompagné notamment d’un questionnaire relatif à l’affectation des subventions pour la construction selon l’ancien art. 73 LAI. Après que la Fondation A.__ a indiqué, le 23.02.2018, que le bâtiment « E.__ » avait été démoli en 2016 et qu’un nouveau bâtiment avait été construit, un échange de correspondances s’en est suivi entre les parties. Par décision du 08.07.2019, l’OFAS a exigé une restitution proportionnelle de la subvention accordée en 1999, à hauteur d’un montant de 327’479 fr., correspondant à un usage non conforme dès avril 2016. En bref, il a considéré que la démolition du bâtiment constituait un détournement du but de la subvention, ce qui justifiait la restitution d’une partie de celle-ci.

 

Procédure cantonale (arrêt C-4577/2019 – consultable ici)

La Fondation A.__ a formé recours contre cette décision devant le TAF qui, par ordonnance du 14.06.2022, l’a informée qu’il envisageait de prononcer un arrêt qui lui serait plus défavorable que la décision attaquée (reformatio in pejus) et lui a imparti un délai au 05.07.2022 pour prendre position ou retirer son recours. Sans réponse de la Fondation A.__ dans ce délai, le TAF a rejeté le recours, le 25.08.2022. Il a réformé la décision du 08.07.2019 en ce sens que la Fondation A.__ doit rembourser le montant de la créance en restitution s’élevant à 330’926 fr. 40, en lieu et place du montant initial de 327’479 fr.

 

TF

Consid. 3.1
A la suite des premiers juges, on rappellera que selon l’art. 73 al. 1 LAI (abrogé au 1er janvier 2008), l’assurance-invalidité alloue des subventions pour la construction, l’agrandissement et la rénovation d’établissements et d’ateliers publics ou reconnus d’utilité publique, qui appliquent des mesures de réadaptation dans une proportion importante. En relation avec cette disposition, l’art. 104bis RAI (également abrogé au 1er janvier 2008) prévoyait que si, avant l’expiration d’un délai de vingt-cinq ans à compter du paiement final, l’établissement est détourné de son but ou transféré à un organisme responsable dont le caractère d’utilité publique n’est pas reconnu, la subvention doit être remboursée. Le montant à rembourser est diminué de 4% pour chaque année d’utilisation conforme à l’affectation prévue (al. 1). Le remboursement sera exigé par l’office fédéral dans un délai de cinq ans à compter du moment où la subvention a été détournée de son but (al. 2).

Dans le cadre de la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons entrée en vigueur le 1er janvier 2008 (RO 2007 5779, 5823), les art. 73 LAI et 104bis RAI ont été abrogés et le contenu de cette dernière disposition a été repris par les dispositions transitoires de la modification de la LAI du 6 octobre 2006 (ci-après: les dispositions transitoires de la LAI), dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 et applicable en l’occurrence (ATF 129 V 354 consid. 1; cf. ATF 144 V 224 consid. 3.4, ainsi que Message sur la législation d’exécution concernant la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons [RPT] du 7 septembre 2005, FF 2005 5641, 5810 s.). Conformément aux al. 1 à 3 desdites dispositions transitoires, si, avant l’expiration d’un délai de vingt-cinq ans à compter du dernier paiement de subventions au sens de l’ancien art. 73 LAI, des établissements sont détournés de leurs buts ou transférés à un organisme responsable dont le caractère d’utilité publique n’est pas reconnu, les subventions doivent être remboursées au Fonds de compensation défini à l’art. 107 LAVS, en faveur du compte de l’assurance-invalidité (al. 1). Le montant à rembourser est diminué de 4% pour chaque année d’utilisation conforme à l’affectation prévue (al. 2) et le remboursement est exigé par l’OFAS dans un délai de cinq ans à compter du moment où la subvention a été détournée de son but (al. 3).

Consid. 3.2
La loi fédérale du 5 octobre 1990 sur les aides financières et les indemnités (loi sur les subventions, LSu; RS 616.1), entrée en vigueur le 1er avril 1991, s’applique à toutes les aides financières et indemnités prévues par le droit fédéral (art. 2 al. 1 LSu). Le chapitre 3 de la loi est applicable sauf dispositions contraires d’autres loi ou arrêtés fédéraux de portée générale (art. 2 al. 2 LSu).

Selon l’art. 29 al. 1 LSu, avec le titre marginal « Aides, désaffectation et aliénation », lorsqu’un bien immobilier (immeuble, construction, autre ouvrage) ou mobilier pour lequel une aide a été versée est désaffecté ou aliéné, l’autorité compétente exige la restitution de l’aide. Le montant à restituer est fonction de la relation entre d’une part la durée pendant laquelle l’allocataire a effectivement utilisé le bien conformément à l’affectation prévue et, d’autre part, la durée d’affectation qui avait été fixée. Le montant à restituer peut être réduit en cas de rigueurs excessives. L’al. 2 de la disposition prévoit que dans les cas d’aliénation, l’autorité peut renoncer en tout ou partie à la restitution de l’aide lorsque l’acquéreur remplit les conditions qui y donnent droit et qu’il assume toutes les obligations de l’allocataire. Quant à l’art. 29 al. 3 LSu, il prévoit que l’allocataire informe sans tarder et par écrit l’autorité compétente de toute désaffectation ou aliénation.

Consid. 3.3
Les art. 11 à 40 LSu sont applicables à toutes les aides financières (aides) et indemnités prévues par le droit fédéral, à moins que d’autres lois ou arrêtés fédéraux de portée générale n’en disposent autrement, conformément à l’art. 2 al. 2 LSu. Cette norme prévoit une réserve, parce que les dispositions de la LSu, qui a été conçue comme une loi générale pour l’ensemble des aides financières et indemnités sur le plan fédéral, peuvent, selon les domaines de droit, conduire à des situations qui n’ont pas été voulues. Par son adoption, le législateur a aussi mis en évidence que la LSu est considérée comme une lex generalis et que des dispositions contraires d’autres lois fédérales, en tant que lex specialis, priment. Ainsi, en application des principes de la lex posterior et de la lex specialis les dispositions transitoires de la LAI priment la LSu, en cas de divergences (ATF 144 V 224 consid. 6; cf. aussi Message concernant la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité [Développement continu de l’AI] du 15 février 2017, FF 2017 2363, 2450), ce que les parties ne contestent au demeurant pas.

Consid. 4.1
A l’appui de son recours, la Fondation A.__ se prévaut d’une violation des dispositions transitoires de la LAI. Elle reproche en substance à la juridiction précédente d’avoir considéré que les termes « détourné de son but » utilisés à l’al. 1 desdites dispositions transitoires signifient la même chose que le terme « désaffectation » employé à l’art. 29 al. 1 LSu. Selon elle, les termes « détourné de son but » ont une portée plus limitée que celui de « désaffectation », puisqu’ils impliqueraient « un acte volontaire, une action » et ne viseraient ainsi qu’un changement d’affectation et non également une cessation pure et simple de toute affectation. Dans la mesure où il s’agirait d’un cas de fin d’utilisation en raison d’une impossibilité de toute utilisation du bâtiment, et non pas d’un changement d’affectation, la recourante soutient qu’elle ne peut être tenue à restitution.

Consid. 4.2
Interprétant l’al. 1 des dispositions transitoires de la LAI, le Tribunal administratif fédéral a constaté que la loi ne fournissait pas de définition de la condition du « détournement du but de l’établissement ». Il s’est référé sur ce point au ch. 7001 de la circulaire de l’OFAS sur le versement de subventions pour la construction et les agencements, valable dès le 1er avril 2005, qui prévoit que si, moins de vingt-cinq ans à compter du versement final des subventions, les bâtiments changent d’affectation ou sont transférés à un support juridique qui n’est pas d’intérêt public, les subventions doivent être entièrement remboursées. Il en a déduit que les termes « détournement du but de l’établissement » (au sens de l’al. 1 des dispositions transitoires de la LAI) et « changement d’affectation » du bâtiment (au sens de la circulaire précitée) désignent la même chose, à savoir un changement d’utilisation de celui-ci. La juridiction de première instance a ensuite constaté que le terme « désaffectation » se retrouve à l’art. 29 LSu (consid. 3.2 supra) et que, selon la jurisprudence (cf. décision de la Commission de recours du Département fédéral de l’économie [DFE] du 13 novembre 1995, in JAAC 60/1996 n° 66 p. 539, consid. 4.3), cette notion doit être comprise au sens large, dans la mesure où elle englobe toutes les raisons qui font que l’objet ne sert plus à l’usage auquel il était destiné et qui a motivé l’octroi de l’aide financière; le seul élément déterminant est ainsi que l’objectif initial ne soit plus atteint et les raisons qui ont conduit au changement d’affectation ne sont en principe pas décisives pour déterminer si l’objet a subi un tel changement. Les premiers juges ont considéré que même si l’art. 29 LSu ne trouve pas application en l’espèce, cela ne les empêche pas de se fier à l’interprétation faite par la jurisprudence de termes et circonstances similaires.

Consid. 4.3
Les considérations du Tribunal administratif fédéral ne prêtent pas le flanc à la critique. Quoi qu’en dise la recourante, il a expliqué de manière convaincante que selon les versions allemande et italienne de l’art. 29 al. 1 LSu (« [seinem] Zweck entfremdet », « è stato sottratto al suo scopo ») et de l’al. 1 des dispositions transitoires de la LAI (« zweckentfremdet », « sono distolte dallo scopo cui erano destinate »), les deux dispositions visent le même cas de figure et que les termes « détournement du but de l’établissement » (au sens de l’al. 1 des dispositions transitoires de la LAI) et « changement d’affectation » (selon la circulaire de l’OFAS précitée) visent également le même état de fait.

On ajoutera qu’il ressort du titre marginal de l’art. 29 LSu, dans ses versions allemande et française (« Zweckentfremdung und Veräusserung bei Finanzhilfen » et « Aides, désaffectation et aliénation ») que le terme « désaffectation » correspond à la traduction en français du terme « Zweckentfremdung » (« détournement du but »), qui se retrouve à l’al. 1 des dispositions transitoires de la LAI, comme le fait valoir l’OFAS [intimé]. Partant, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations des premiers juges, selon lesquelles la démolition du bâtiment « E.__ » constitue un détournement du but du bâtiment qui entraîne une obligation de restitution à la charge de la recourante au sens de l’al. 1 des dispositions transitoires de la LAI.

 

Consid. 5.1
Dans une argumentation subsidiaire, la recourante allègue que si l’on devait « appliquer par analogie la jurisprudence sur l’art. 29 al. 1 LSu » – c’est-à-dire en définitive admettre son obligation de restituer -, il conviendrait alors d’examiner la question de l’existence d’un cas de rigueur conduisant à la réduction du montant à restituer (au sens de l’art. 29 al. 1, 3e phrase, LSu; consid. 3.2 supra). En conséquence, la Fondation A.__ reproche au Tribunal administratif fédéral de ne pas s’être posé cette question. Elle invoque un établissement manifestement inexact des faits, en ce qu’il a retenu que la subvention avait été allouée en 1999 pour la construction du centre résidentiel « E.__ », alors qu’elle devait en réalité seulement permettre la rénovation d’un ancien bâtiment existant afin d’en prolonger l’utilisation pour quelques années. Elle se prévaut également de « moyens de preuve nouveaux » devant être pris en considération pour établir l’existence d’un cas de rigueur.

Consid. 5.2
Contrairement à ce que soutient l’OFAS, l’argumentation subsidiaire de la recourante et la conclusion qu’elle en tire – à savoir, le renvoi de la cause au Tribunal administratif fédéral, subsidiairement à l’OFAS, pour complément d’instruction et nouvelle décision quant à l’existence d’un cas de rigueurs excessives au sens de l’art. 29 al. 1, 3e phrase, LSu) – ne sont pas irrecevables (art. 99 al. 2 LTF). La requête fondée sur l’art. 29 al. 1, 3e phrase, LSu tendant à la réduction du montant à restituer (pour cause de cas de rigueurs excessives), présentée pour la première fois par la recourante dans le cadre du recours en matière de droit public, est admissible, même si la question de la réduction pour ce motif n’a fait l’objet ni de la décision administrative ni du jugement de l’autorité judiciaire précédente. Comme le fait valoir à juste titre la Fondation A.__, l’existence d’un cas de rigueurs excessives susceptible de justifier la réduction du montant de la subvention à restituer constitue un aspect du rapport juridique qui fait l’objet de la procédure, soit l’obligation de la recourante de restituer à l’assurance-invalidité une partie de la subvention qu’elle lui avait octroyée. La question de la réduction pour le motif invoqué constitue un nouvel argument juridique dans les limites de l’objet du litige (supra consid. 2), qui est dans tous les cas admissible lorsque la requête en réduction se fonde sur des faits résultant du dossier (cf. ATF 136 V 362 consid. 4.1 et les arrêts cités).

Consid. 5.3
En ce qui concerne la possibilité d’une réduction du montant à restituer en raison de l’existence d’un cas de rigueur en matière de subvention accordée par l’assurance-invalidité au sens de l’ancien art. 73 LAI, le Tribunal fédéral a appliqué l’art. 29 al. 1, 3e phrase, LSu dans une situation relevant de l’ancien art. 104bis al. 1 RAI (arrêt I 977/06 du 2 avril 2008), comme le fait valoir la recourante. Or pas plus que cette ancienne disposition réglementaire, les dispositions transitoires de la LAI ne règlent la question d’une éventuelle réduction du montant à restituer en cas de rigueurs excessives. Ces normes ne prévoient donc pas une éventualité qui s’écarterait des dispositions de la LSu, de sorte que les art. 11 à 40 LSu sont applicables en l’occurrence, la subvention dont la restitution en cause faisant partie des aides financières et indemnités prévues par le droit fédéral (cf. art. 2 al. 2 LSu; supra consid. 3). Dans ce contexte, l’art. 29 al. 1, 3e phrase, LSu est donc applicable. Quoi qu’en dise l’OFAS [intimé], il n’y a pas lieu de s’écarter de cette solution, déjà admise sous l’ancien droit. C’est en vain que l’autorité de surveillance invoque à cet égard le principe de la lex specialis et de la lex posterior, puisqu’il ne met pas en évidence que les dispositions transitoires de la LAI seraient contraires à l’art. 29 al. 1 LSu; le seul fait qu’elles ne prévoient pas l’éventualité de la réduction pour cas de rigueur ne relève pas d’une contradiction avec la possibilité prévue sur ce point par l’art. 29 al. 1, 3e phrase, LSu. L’OFAS [intimé] n’allègue pas non plus de motif qui justifierait que le Tribunal fédéral s’écarte de la solution découlant de l’arrêt I 977/06 cité.

Consid. 5.4
Il n’appartient cependant pas au Tribunal fédéral de se prononcer pour la première fois sur l’application concrète de la disposition en cause à la situation de la recourante. Il convient bien plutôt de renvoyer la cause à l’OFAS afin qu’il examine la question de l’existence d’un cas de rigueur au sens de l’art. 29 al. 1, 3e phrase, LSu, puis rende une nouvelle décision. A cet égard, on précisera que la correction du montant à restituer opérée par les premiers juges (330’926 fr. 40 en lieu et place du montant de 327’479 fr. fixé par l’intimé), qui n’est pas contestée par la recourante, ne prête pas le flanc à la critique (soit 17 [années d’utilisation conforme] x 4% [correspondant à la diminution du montant à rembourser par année d’utilisation conforme selon l’al. 2 des dispositions transitoires de la LAI] = 68%; 1’034’145 fr. x 32% = 330’926 fr. 40). Dans ces circonstances, il est superflu d’examiner les autres griefs soulevés par la recourante, en particulier son argumentation portant sur la production de moyens de preuve nouveaux (art. 99 al. 1 LTF) pour établir l’existence d’un cas de rigueur. La conclusion subsidiaire de la recourante est bien fondée.

 

Le TF admet partiellement le recours de la Fondation.

 

Arrêt 9C_458/2022 consultable ici

 

Suspension de l’attribution de mandats de l’AI au centre d’expertises PMEDA

Suspension de l’attribution de mandats de l’AI au centre d’expertises PMEDA

 

Consultable ici

 

L’assurance-invalidité n’attribue plus d’expertise médicale à la société PMEDA. Elle suit ainsi la recommandation de la Commission fédérale d’assurance qualité des expertises médicales (COQEM), qui a relevé des insuffisances dans la forme et le fond des expertises médicales de PMEDA.

Jusqu’ici, la société PMEDA réalisait, pour le compte des offices AI, des expertises bi- ou pluridisciplinaires, c’est-à-dire des expertises impliquant deux ou plusieurs spécialités médicales. Depuis le 1er juillet 2023, elle n’a plus accepté aucun mandat et a résilié les contrats relatifs à l’activité d’expertise.

L’OFAS a chargé les offices AI de soumettre à un contrôle de qualité supplémentaire les expertises déjà réalisées par PMEDA pour lesquelles aucune décision d’octroi de prestation n’a encore été rendue. Les décisions d’octroi de prestations déjà entrées en force sont maintenues.

La COQEM n’a encore communiqué, ni ses recommandations concernant les exigences et normes de qualité à appliquer (art. 7p, al. 1, let. a, OPGA), ni aucune information sur les insuffisances qu’elle a constatées dans la forme et le fond des expertises de PMEDA. Dès que l’OFAS aura reçu ces informations, il en instruira les offices AI et les services médicaux régionaux (SMR). Si une expertise satisfait aux critères de la COQEM, l’office AI pourra rendre sa décision. Dans le cas contraire, il devra ordonner une nouvelle expertise.

Actuellement, 16 expertises bidisciplinaires et 55 expertises pluridisciplinaires – attribuées avant le 1er juillet – sont encore en cours chez PMEDA. Celles-ci devront également être soumises à un contrôle de qualité dès qu’elles seront en la possession de l’office AI.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 04.10.2023 consultable ici

Recommandation de la COQEM du 04.10.2023 disponible ici

 

La convention de sécurité sociale avec l’Albanie entre en vigueur le 1er octobre 2023

La convention de sécurité sociale avec l’Albanie entre en vigueur le 1er octobre 2023

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 27.09.2023 consultable ici

 

La convention de sécurité sociale entre la Suisse et l’Albanie, signée à Tirana le 18 février 2022 par le conseiller fédéral Alain Berset, entre en vigueur le 1er octobre 2023. Elle coordonne les systèmes de sécurité sociale des deux États contractants dans les domaines vieillesse, décès et invalidité et règle notamment le versement des rentes à l’étranger. Les relations économiques entre la Suisse et l’Albanie s’en trouveront renforcées.

La convention règle les relations entre la Suisse et l’Albanie en matière de sécurité sociale. Elle correspond aux conventions de sécurité sociale déjà conclues par la Suisse et est conforme aux standards internationaux en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale. La convention couvre la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité, à savoir l’AVS et l’AI pour la Suisse.

Elle garantit aux assurés une large égalité de traitement et un accès facilité aux prestations, et permet le versement des rentes à l’étranger. Enfin, la convention favorise les échanges économiques entre les deux pays et évite les doubles assujettissements en facilitant le détachement de personnel dans l’autre État. Comme toutes les conventions de sécurité sociale conclues ces dernières années par la Suisse, elle contient également une base pour la coopération en matière de lutte contre les abus.

 

Champ d’application matériel

Sur le fond, cette convention correspond à celles que la Suisse a déjà conclues avec d’autres États. Son champ d’application matériel comprend les dispositions légales des deux États contractants en matière d’assurance-vieillesse et survivants et d’assurance-invalidité. Elle offre en outre une base pour la lutte contre les abus.

La convention réglemente en particulier l’égalité de traitement des ressortissants des deux États contractants, l’accès aux prestations de sécurité sociale des États contractants, le versement des rentes ordinaires en cas de domicile à l’étranger ainsi que l’assujettissement à l’assurance des personnes exerçant une activité lucrative. En ce qui concerne ce dernier point, le principe du lieu de travail s’applique, avec la possibilité d’un détachement (voir plus bas «Détachement»). Les ressortissants d’États tiers sont également couverts par les dispositions de la convention sur la législation applicable.

La convention règle en outre le versement des indemnités forfaitaires en lieu et place des rentes partielles de l’AVS ou de l’AI dont le montant n’excède pas 20% de la rente ordinaire.

En ce qui concerne le droit des ressortissants albanais à des prestations complémentaires, un délai de carence de cinq ans s’applique.

Les allocations familiales ne sont pas régies par la convention. Il n’existe donc toujours pas de droit aux prestations familiales pour les enfants domiciliés en Albanie, même après l’entrée en vigueur de la convention.

 

Détachement

L’attestation de détachement suisse porte sur l’assurance-vieillesse et survivants ainsi que sur l’assurance-invalidité. La durée maximale du détachement est de 24 mois. Le détachement peut être prolongé jusqu’à une durée de six ans dans le cadre d’un accord particulier entre les autorités compétentes.

 

Coassurance des membres de la famille n’exerçant pas d’activité lucrative

Les membres de la famille qui accompagnent une personne détachée en Albanie restent assurés à l’AVS/AI/APG, pour autant qu’ils n’exercent pas d’activité lucrative dans ce pays. De même, les membres de la famille qui accompagnent une personne détachée en Suisse restent assurés en Albanie et sont dispensés de l’obligation de s’assurer et de cotiser à l’AVS/AI/APG en Suisse.

 

Remboursement des cotisations

Après le 1er octobre 2023, il ne sera plus possible de demander le remboursement des cotisations versées à l’AVS. Les ressortissants albanais dont les cotisations ont été remboursées ainsi que leurs survivants ne peuvent plus faire valoir de droits ni à l’égard de l’assurance-vieillesse et survivants ni à l’égard de l’assurance-invalidité suisse sur la base de ces cotisations et des périodes de cotisation correspondantes.

 

Totalisation des périodes d’assurance pour déterminer la naissance du droit à une rente AI

Dans les relations avec l’Albanie, les périodes d’assurance accomplies à l’étranger sont prises en compte dans le calcul de la durée minimale de cotisation de trois ans requise pour la naissance du droit à une rente AI, à condition qu’il y ait au moins une année de cotisation en Suisse. Seules sont prises en compte les périodes d’assurance accomplies en Albanie ou dans les États tiers avec lesquels la Suisse a conclu des conventions de sécurité sociale qui prévoient aussi la totalisation des périodes d’assurance pour déterminer la naissance du droit à une rente ordinaire de l’assurance-invalidité suisse.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 27.09.2023 consultable ici

Bulletin à l’intention des caisses de compensation AVS et des organes d’exécution des PC no 474 disponible ici

Lettre circulaire AI n° 431 consultable ici

Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République d’Albanie consultable ici (FF 2022 2195)

 

Entrata in vigore della Convenzione di sicurezza sociale tra la Svizzera e l’Albania con effetto dal 1° ottobre 2023, Informativa n. 474 per le casse di compensa-zione AVS e gli organi esecutivi PC disponibile qui

Inkrafttreten des Sozialversicherungsabkommens mit Albanien per 1. Oktober 2023, Mitteilungen an die AHV-Ausgleichskassen und EL-Durchführungsstellen Nr. 474 hier verfügbar

IV-Rundschreiben Nr. 431 hier verfügbar

 

 

Modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité LAI (Intervention précoce intensive en cas d’autisme infantile, IPI) – Procédure de consultation

Modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité LAI (Intervention précoce intensive en cas d’autisme infantile, IPI) – Procédure de consultation

 

La contribution de l’assurance-invalidité (AI) à la prise en charge des coûts de l’intervention précoce intensive auprès d’enfants atteints d’autisme infantile (IPI) fait l’objet d’un projet pilote qui court jusqu’à fin 2026. L’objectif de la modification de la loi sur l’assurance-invalidité est de poursuivre l’octroi par l’AI de forfaits destinés à couvrir les coûts des mesures médicales dispensées dans le cadre de l’IPI au-delà de 2026, eu égard à l’efficacité de ce type d’intervention. Comme les prestations fournies dans le cadre de l’IPI sont financées à la fois par l’AI et par les cantons, il est prévu que la Confédération et les cantons concluent des conventions réglant leur collaboration, les objectifs et les standards de qualité concernant l’IPI, ainsi que les modalités de la participation financière de l’assurance, du contrôle et de l’évaluation.

 

Contexte

La prévalence de l’autisme infantile précoce est d’environ 0,3%, ce qui correspond en Suisse à environ 270 enfants par année (0,3% des 89 600 naissances en 2021).

L’intervention précoce intensive auprès d’enfants atteints d’autisme infantile (IPI) s’adresse aux enfants d’âge préscolaire et associe des mesures médicales et pédagogiques. Son efficacité est largement reconnue sur le plan scientifique et il existe un consensus sur le fait qu’aucune autre approche ne permet pour l’heure d’obtenir de meilleurs résultats. En Suisse, les prestations fournies dans le cadre de l’IPI ne sont cependant pas financées par un seul agent payeur : l’assurance-invalidité (AI) prend en charge les coûts des mesures médicales, alors que les cantons assument les coûts des mesures pédagogiques.

 

Contenu du projet

La modification proposée de la loi sur l’assurance-invalidité (LAI) prévoit que l’assurance peut verser aux cantons des forfaits destinés à couvrir les coûts des mesures médicales effectuées dans le cadre d’une IPI pour les assurés atteints d’autisme infantile. En raison du cofinancement de l’IPI, il est prévu que la Confédération et les cantons règlent leur collaboration dans le cadre de conventions, qui fixent également des objectifs, des conditions et des standards visant à assurer la qualité de l’IPI, les modalités de la participation financière de l’assurance ainsi que le contrôle et l’évaluation. Les conventions se fonderont sur les plans cantonaux relatifs à l’IPI, ce qui permettra de tenir compte de la situation particulière de chaque canton tout en favorisant le maintien ou la diffusion de l’offre d’IPI en Suisse.

Il est prévu que les contributions de l’assurance, prélevées sur le Fonds de compensation de l’assurance-invalidité (art. 79 LAI), soient versées sous forme de forfaits par cas. Les cantons verseront les forfaits aux fournisseurs de prestions d’IPI. La conclusion de contrats de prestations avec les fournisseurs d’IPI sera, le cas échéant, du ressort des cantons, de même que le contrôle du respect par les fournisseurs de prestations des conditions et des standards de qualité.

Un plafond des coûts à charge de l’AI est fixé à 25% des coûts moyens estimés de l’intervention. Le Conseil fédéral règle le calcul des forfaits au niveau de l’ordonnance. Il règle les éléments essentiels de l’IPI, les conditions applicables aux fournisseurs de mesures médicales, les conditions liées à la santé des assurés et à leur âge, de sorte à harmoniser la qualité des interventions et les modalités d’accès à l’IPI. Il fixe également les modalités de la surveillance ainsi que les critères pour évaluer l’efficacité de l’IPI, afin d’assurer la comparabilité des résultats obtenus dans les différentes institutions.

 

Le 22 septembre 2023, le Conseil fédéral a chargé le DFI de consulter les cantons, les partis politiques, les associations faîtières des communes, des villes et des régions de montagne qui œuvrent au niveau national, les associations faîtières de l’économie qui œuvrent au niveau national et les autres milieux intéressés sur le projet de modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (Intervention précoce intensive en cas d’autisme infantile). Le délai imparti à la consultation court jusqu’au 22 décembre 2023.

 

 

Rapport explicatif relatif à l’ouverture de la procédure de consultation, septembre 2023, disponible ici

Modification de la LAI (projet mis en consultation) disponible ici

 

Modifica della legge federale sull’assicurazione per l’invalidità LAI (Intervento precoce intensivo in caso di autismo infantile, IPI), Rapporto esplicativo disponibile qui

Änderung des Bundesgesetzes über die Invalidenversicherung IVG (Intensive Frühintervention bei frühkindlichem Autismus, IFI), erläuternder Bericht hier verfügbar

 

8C_396/2022 (d) du 21.04.2023 – Revenu sans invalidité d’un indépendant – Vraisemblance de la poursuite ou de la cessation de l’activité en bonne santé – Revenu précédant l’atteinte à la santé relativement bas – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_396/2022 (d) du 21.04.2023

 

Consultable ici

NB : Traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Revenu sans invalidité d’un indépendant – Vraisemblance de la poursuite ou de la cessation de l’activité en bonne santé – Revenu précédant l’atteinte à la santé relativement bas / 16 LPGA

 

Assuré, né en 1982, a exercé une activité indépendante en tant que propriétaire de l’entreprise individuelle B.__ à partir du 01.03.2010. Troubles dès janvier 2016 en lien avec une sclérose en plaques (diagnostic posé en septembre 2016). Dépôt de la demande AI : 08.03.2017. Expertise neurologique en octobre 2018 et expertises psychiatriques en janvier 2019 et mai 2021. Décision de refus de prestations AI le 05.10.2021.

 

Procédure cantonale (arrêt IV.2021.178 – consultable ici)

Par jugement du 30.03.2022, admission du recours par le tribunal cantonal (droit à une demi-rente AI dès septembre 2017 et à un quart de rente dès avril 2021).

 

TF

Consid. 3.2.1
Pour déterminer le revenu sans invalidité, il est déterminant de savoir ce que la personne assurée aurait gagné au moment déterminant sur la base de ses capacités professionnelles et de ses circonstances personnelles, au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 145 V 141 consid. 5.2.1). Partant de la présomption que l’assuré aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité, ce revenu se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l’assuré avant l’atteinte à la santé, en prenant en compte également l’évolution des salaires jusqu’au moment de la naissance du droit à la rente ; les exceptions doivent être établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 144 I 103 consid. 5.3 avec référence). Ce n’est que lorsque les circonstances réelles ne permettent pas de chiffrer le revenu sans invalidité avec une précision suffisante que l’on peut recourir à des valeurs statistiques telles que les enquêtes sur la structure des salaires (ESS) publiées par l’Office fédéral de la statistique (OFS) (arrêts 8C_236/2022 du 4 octobre 2022 consid. 9.4 ; 8C_177/2022 du 13 juillet 2022 consid. 8.1).

Consid. 3.2.2
Le revenu sans invalidité des indépendants peut en principe être déterminé sur la base des inscriptions au compte individuel (CI) (SVR 2017 IV no 6 p. 15, 9C_644/2015 consid. 4.6.2 ; arrêt 8C_738/2021 du 8 février 2023 consid. 3.4.2.2 et les références). Si le dernier revenu réalisé présente des fluctuations importantes et relativement brèves, il faut se baser sur le gain moyen réalisé sur une période plus longue (SVR 2021 UV n° 26 p. 123, 8C_581/2020 E. 6.1 ; arrêt 9C_341/2022 du 8 novembre 2022 consid. 4.3). La jurisprudence du Tribunal fédéral n’exclut toutefois pas que, même pour les personnes exerçant une activité lucrative, on ne se base pas, dans certaines circonstances, sur le dernier revenu réalisé. C’est notamment le cas pour les indépendants lorsque les circonstances permettent de supposer au degré de la vraisemblance prépondérante que la personne assurée aurait, en cas d’atteinte à la santé, abandonné son activité indépendante et accepté une autre activité mieux rémunérée. Il en va de même lorsque l’activité indépendante exercée avant l’atteinte à la santé ne constitue pas, en raison de sa courte durée, une base suffisante pour la détermination du revenu sans invalidité, d’autant plus que les bénéfices d’exploitation sont habituellement faibles au cours des premières années suivant le début de l’activité indépendante, et ce pour diverses raisons (taux d’amortissement élevé sur les nouveaux investissements, etc. ; ATF 135 V 58 consid. 3.4.6; arrêt 8C_572/2021 du 19 janvier 2022 consid. 3.2 et les références; 9C_153/2020 du 9 octobre 2020 consid. 2 et les références; cf. CHRISTOPH FREY/NATHALIE LANG, in: Basler Kommentar, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts, 2020, N. 44 f. zu Art. 16 ATSG). Si la personne assurée, même lorsque sa capacité de travail n’était pas encore réduite, s’est toutefois contentée pendant plusieurs années d’un revenu modeste provenant d’une activité indépendante, c’est ce revenu qui est déterminant pour la fixation du revenu de valide (ATF 135 V 58 consid. 3.4.6 et les références; arrêt 8C_738/2021 du 8 février 2023 consid. 3.4.2.3).

Consid. 3.2.3
La question de savoir quelle serait l’activité professionnelle de la personne assurée si elle n’était pas atteinte dans sa santé est une question de fait que le Tribunal fédéral ne peut examiner que sous un angle restreint (art. 105 al. 1 et 2 LTF), dans la mesure où elle repose sur l’appréciation des preuves, même si elle prend également en compte des conclusions tirées de l’expérience générale de la vie (arrêts 9C_52/2021 du 15 mars 2021 consid. 4.3 et les références; 8C_784/2020 du 18 février 2021 consid. 2.3 et les références). Les constatations du tribunal cantonal à ce sujet lient donc en principe le Tribunal fédéral, sauf si elles sont manifestement inexactes ou si elles reposent sur une violation du droit au sens de l’art. 95 LTF.

 

Consid. 4.1
Dans sa décision, l’office AI a constaté que l’assuré était limité dans sa capacité de travail depuis septembre 2016. A l’échéance du délai d’attente en septembre 2017, il n’était plus en mesure d’exercer son ancienne activité d’indépendant. Des activités adaptées à son état de santé auraient toutefois pu être exigées de lui à un taux d’occupation de 50%. A partir de janvier 2019, sa capacité de travail dans des activités adaptées est passée à 60%. Pour calculer les revenus sans invalidité, l’office AI s’est basé sur la moyenne des revenus des années 2012 (32’300 francs), 2013 (32’700 francs) et 2014 (46’200 francs) inscrit au CI de l’assuré, adaptée à l’évolution des salaires nominaux jusqu’en 2017 et 2019. Pour l’année 2017, il en résulte un revenu d’invalidité de 37’776 francs, pour l’année 2019 de 38’494 francs. L’office AI a déterminé le revenu d’invalide sur la base des salaires statistiques de l’ESS (valeur totale de la table TA1, niveau de compétence 1, hommes, ESS 2016 ou 2018), ce qui a donné pour l’année 2017 un revenu d’invalide de 33’551 francs pour un taux d’occupation raisonnable de 50% et pour l’année 2019 un revenu d’invalide de 41’026 francs en supposant un taux d’occupation de 60%. Les comparaisons de revenus ont abouti à des taux d’invalidité de 11 % (2017) et de 0 % (2019) ne donnant pas droit à une rente.

Consid. 5.1
La cour cantonale a d’abord retenu à ce sujet qu’il semblait en soi correct que l’office AI n’ait pas pris en compte les revenus des années 2010 (29’400 francs) et 2011 (9’094 francs) mentionnés dans l’extrait du CI de l’assuré, étant donné que l’entreprise était encore en phase de développement durant ces années. […] En raison de la chute massive du revenu en 2015 à 9’333 francs – que l’office AI n’a pas prise en compte dans le calcul de la valeur moyenne en faveur de l’assuré – la question se pose toutefois de savoir si, relativement peu d’années après la création de l’entreprise, il aurait continué à exercer cette activité même sans atteinte à la santé. Il est frappant de constater qu’au cours des cinq années qui se sont écoulées entre l’ouverture de son commerce et le début des symptômes de la sclérose en plaques en janvier 2016, il n’a réalisé qu’un revenu relativement faible. Il est concevable que l’assuré ait espéré une nette amélioration en raison de la tendance à la hausse à partir de l’année 2012 et du revenu réalisé en 2014. Toutefois, il n’apparaît pas comme étant vraisemblable qu’il aurait continué à exercer l’activité indépendante après la baisse massive de revenus en 2015, alors qu’il était en bonne santé, d’autant plus qu’en l’absence d’indices correspondants, on ne peut pas non plus supposer que les affaires se seraient rétablies. Il faut plutôt partir du principe que l’assuré aurait abandonné l’activité indépendante, car un revenu aussi bas n’aurait pas permis de vivre à long terme.

 

Consid. 5.2.2.1
Pour conclure que l’assuré aurait cessé d’exercer une activité indépendante même s’il était en bonne santé, l’instance cantonale s’est appuyée sur les revenus qu’il a perçus, en accordant notamment une importance décisive à la chute des revenus en 2015. On ne peut toutefois pas suivre son point de vue. Comme l’a objecté à juste titre l’office AI, les fluctuations de revenus sont inhérentes à une activité lucrative indépendante. L’arrêt attaqué ne fait d’ailleurs pas état d’éléments concrets qui plaideraient en faveur de l’hypothèse de l’instance cantonale selon laquelle la situation économique de l’assuré ne se serait probablement pas rétablie dans les années suivant 2015 ; il s’agit donc d’une simple spéculation sur ce point. En ce qui concerne la baisse de revenu subie en 2015 et la nature modeste des revenus obtenus auparavant, la cour cantonale ne tient pas compte du fait que l’assuré a malgré tout exercé son activité pendant plus de cinq ans et n’a finalement cessé son activité qu’en septembre 2017, c’est-à-dire un an après le début de son incapacité de travail pour raisons de santé. Dans cette situation initiale, un revenu modeste ne revêt pas en soi une importance telle qu’il faille déroger à la règle lors de la détermination du revenu sans invalidité et recourir exceptionnellement aux valeurs statistiques (cf. sur l’ensemble consid. 3.2.1 supra).

Consid. 5.2.2.2
Le tribunal cantonal n’a pas mentionné d’indices pertinents permettant de conclure que l’assuré ne se serait pas contenté d’un revenu modeste, mais qu’il aurait cherché un travail mieux rémunéré. Au contraire, la cour cantonale s’est contentée de supposer qu’il était « concevable qu’il ait espéré une nette amélioration de son revenu en raison de la tendance à la hausse à partir de l’année 2012 ». Dans la mesure où elle a néanmoins conclu, dans ce contexte, que l’assuré aurait abandonné son activité indépendante même s’il était en bonne santé, cette conclusion est manifestement insoutenable.

Consid. 5.2.2.3
On peut renoncer à un renvoi de l’affaire à la cour cantonale pour un examen plus approfondi de l’activité hypothétique de l’assuré (cf. art. 107 al. 2 LTF), les faits pouvant être complétés sans autre sur la base du dossier de procédure (art. 105 al. 2 LTF). Selon le rapport d’enquête du 21 novembre 2017, l’assuré a justifié l’abandon de l’affaire en septembre 2017 auprès de l’office AI en raison de son état de santé. Il en va de même de divers rapports médicaux. En revanche, aucun indice ne plaide en faveur de l’hypothèse des juges cantonaux. Contrairement à l’avis de ces derniers, l’office AI a donc à juste titre basé les revenus sans invalidité déterminants sur la base des revenus provenant d’une activité lucrative indépendante.

Consid. 5.2.3
En ce qui concerne le calcul concret des revenus sans invalidité la décision de l’office AI (consid. 4.1 supra-dessus) doit également être confirmée. La cour cantonale avait déjà constaté à cet égard qu’il semblait en soi correct que l’office AI n’ait pas tenu compte des revenus de la phase de développement commercial 2010 et 2011 mentionnés dans l’extrait CI de l’assuré et qu’il se soit également basé sur la valeur moyenne correspondante des revenus de ces trois années en raison des grandes différences de revenus entre 2012 et 2014. Cela peut être suivi sans autre (cf. consid. 3.2.2 supra). Les revenus sans invalidité de 37’776 francs (2017) et de 38’494 francs (2019) calculés par l’office AI s’avèrent globalement conformes au droit fédéral. […] Le recours de l’office AI est fondé.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 8C_396/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_396/2022 (d) du 21.04.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/09/8c_396-2022)

 

AI : le Conseil fédéral prévoit d’examiner le remplacement d’expressions critiquées dans les prochaines révisions de loi

AI : le Conseil fédéral prévoit d’examiner le remplacement d’expressions critiquées dans les prochaines révisions de loi

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 15.09.2023 consultable ici

 

Un certain nombre d’expressions utilisées dans la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI) peuvent être perçues comme péjoratives ou ambiguës. Le Conseil fédéral entend profiter des prochaines révisions de la loi pour examiner les expressions concernées et les remplacer si c’est possible et pertinent. Tel est le constat de son rapport à ce sujet adopté le 15 septembre 2023. Il renonce à un projet législatif entièrement consacré à la modernisation de la LAI sur le plan linguistique, qui entraînerait une charge de travail importante.

 

Certaines expressions utilisées dans la loi sur l’assurance-invalidité font l’objet de critiques depuis plusieurs années. Selon la langue, des expressions telles que «invalidité», «impotence», «handicapé(e)», «infirmité» ou «malformation» peuvent être perçues comme péjoratives. Par ailleurs, l’expression «rente pour enfant» peut prêter à confusion, en particulier en allemand, car elle se réfère à une rente octroyée aux adultes bénéficiaires d’une rente AI ayant des enfants.

 

Défi linguistique et législatif assorti d’une charge de travail élevée

Le Conseil fédéral reconnaît en particulier dans son rapport que les réserves émises à l’encontre des expressions perçues par les personnes concernées comme péjoratives et obsolètes sont fondées. Cependant, trouver de bonnes expressions de remplacement représenterait un véritable défi.

En effet, les expressions alternatives retenues devraient remplir une multitude de critères. Elles devraient notamment s’intégrer dans la systématique terminologique de plusieurs domaines du droit suisse qui devrait en outre rester compatible avec le droit international. Les nouvelles expressions devraient éviter toute confusion avec des prestations déjà existantes, elles devraient être claires et n’entraîner aucune modification matérielle des dispositions légales. Par ailleurs, il faudrait trouver dans chacune des langues officielles une solution qui représente une nette amélioration par rapport au statu quo, sans oublier qu’une expression peut être perçue différemment d’une région linguistique à une autre.

Le remplacement d’expressions dans la LAI représenterait une charge de travail très importante non seulement pour la Confédération mais également pour les cantons et les communes, ainsi que pour les organes privés. Il ne s’agirait pas seulement d’adapter de nombreuses lois et ordonnances, mais aussi un grand nombre de textes officiels et autres documents. Le remplacement de l’expression «invalidité» et d’autres termes entraînerait en outre une modification de la Constitution ce qui exigerait une votation populaire. Les conventions de sécurité sociale internationales devraient également être modifiées, en accord avec les États contractants. Il en ressort qu’une telle démarche engendrerait des coûts considérables, même s’il n’est pas possible de les évaluer de manière concrète.

 

Mise en œuvre de manière ponctuelle à l’occasion de futures modifications de la LAI

Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, le Conseil fédéral s’exprime contre un projet législatif unique visant le seul remplacement des expressions critiquées. Il continuera néanmoins à traiter la modernisation linguistique de la LAI dans le cadre des futures révisions de la loi. Lorsque les dispositions affectées par les futures révisions comporteront des expressions problématiques, ces dernières feront l’objet d’un nouvel examen approfondi. Dans la mesure du possible et s’il y a lieu, une alternative adéquate sera proposée.

Le rapport du Conseil fédéral a été élaboré sur mandat de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des États (postulat 20.3002) par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), en collaboration avec les Services linguistiques centraux de la Chancellerie fédérale. Le Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées y a également contribué. Les organisations d’aide aux personnes handicapées Inclusion Handicap, AGILE.CH, insieme Schweiz, Procap Suisse et Pro Infirmis ont été consultées pour l’élaboration d’une liste des expressions critiquées.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 15.09.2023 consultable ici

Modernisation de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité sur le plan linguistique – Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat 20.3002 de la CSSS-E du 17 janvier 2020 disponible ici