Archives de catégorie : Assurance-invalidité AI

9C_327/2022 (d) du 10.10.2023 – Notion d’invalidité – Caractère invalidant d’un trouble de la santé – 4 LAI / Possibilité de traiter une affection ne s’oppose pas à la survenance d’une invalidité donnant droit à une rente

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_327/2022 (d) du 10.10.2023

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Notion d’invalidité – Caractère invalidant d’un trouble de la santé / 4 LAI

Possibilité de traiter une affection ne s’oppose pas à la survenance d’une invalidité donnant droit à une rente

 

Assuré, né en 1989. 1e demande AI le 03.01.2016 en raison de migraines chroniques. Refus par décision du 15.09.2016. Nouvelle demande déposée le 17.01.2018 : décision de non-entrée en matière (16.05.2018).

3e demande AI déposée le 03.07.2018. Mise en œuvre d’investigations médicales et professionnelles. Expertise bidisciplinaire (psychiatrique et neurologique). Décision de refus de prestations AI en date du 08.12.2021.

 

Procédure cantonale (arrêt VBE.2022.8 – consultable ici)

Par jugement du 01.06.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
En procédant à une appréciation globale du dossier médical, mais en se fondant en particulier sur l’expertise bidisciplinaire, le tribunal cantonal a constaté que l’assuré était toujours en mesure d’exercer son activité habituelle à 75%. Ce faisant, le tribunal a suivi les explications de l’expert neurologue selon lesquelles seuls les maux de tête liés à la migraine et survenant jusqu’à cinq jours par mois devaient être reconnus comme invalidants. En revanche, les céphalées de premier plan induites par une surconsommation de médicaments ne doivent pas être prises en compte, car elles peuvent être traitées par un sevrage raisonnablement exigible.

Consid. 4.2
Comme l’assuré le fait valoir à juste titre, l’expert neurologue, et à sa suite la cour cantonale, partent d’une notion trop étroite de l’invalidité. Le Tribunal fédéral a affirmé à plusieurs reprises, en se référant à l’ATF 127 V 294 consid. 4c, que dans l’assurance-invalidité, la possibilité de traiter une affection ne s’oppose pas – de manière absolue – à la survenance d’une invalidité donnant droit à une rente (cf. par exemple les arrêts 8C_222/2017 du 6 juillet 2017 consid. 5.2 ; 9C_682/2016 du 16 février 2017 consid. 3.2 ; 8C_349/2015 du 2 novembre 2015 consid. 3.1). En effet, la possibilité de traitement en tant que telle ne dit rien sur le caractère invalidant d’un trouble de la santé. Une limitation de la capacité de gain doit être prouvée et son étendue déterminée dans chaque cas particulier, indépendamment de la classification diagnostique d’une affection et en principe sans égard à l’étiologie. La question déterminante est de connaître la capacité de travail exigible de la personne assurée, ce qui s’évalue selon des critères essentiellement objectifs (ATF 143 V 409 consid. 4.2.1). Dans la mesure où la jurisprudence s’écartait de ces principes pour certains types de troubles psychiques, le Tribunal fédéral a abandonné cette pratique dans l’ATF 143 V 409. La naissance du droit à une rente d’invalidité présuppose donc toujours et uniquement qu’une incapacité de travail d’au moins 40% ait existé pendant une année (sans interruption notable) et qu’une incapacité de gain fondant le droit subsiste. Un refus ou une réduction des prestations au motif que l’assuré n’épuise pas les ressources thérapeutiques nécessite une procédure conforme à l’art. 21 al. 4 LPGA.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_327/2022 consultable ici

 

Proposition de citation : 9C_327/2022 (d) du 10.10.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/12/9c_327-2022)

 

Articles et ouvrages – Sélection novembre 2023

Voici une sélection (personnelle et subjective) des divers articles, contributions et ouvrages parus récemment :

 

  • Christoph Müller, avec la collaboration de Mathieu Singer, La responsabilité́ civile extracontractuelle, 2e éd., 2023

 

  • Patrick Stoudmann, Le divorce en pratique : entretien du conjoint et des enfants, partage de la prévoyance professionnelle, 2e éd., 2023

 

  • Laura Kunz/Pia Meier, Das Arbeits(un)fähigkeitszeugnis : Tour d’Horizon durch die verschiedenen Erscheinungsformen im Arbeits-, Privatversicherungs- und Sozialversicherungsrecht: rechtliche Grundlagen und aktuelle Kontroversen, in Jusletter, 13. November 2023

 

  • Kurt Pärli/Nic Frei, Konflikt, Krankheit, Kündigung – wenn es kracht am Arbeitsplatz : Fallkonstellationen und aktuelle Rechtsprechung, in Jusletter, 13. November 2023

 

  • Manon Schneider/Gaëtan Corthay, PPE et responsabilité civile : la lacune de protection du propriétaire d’étage et les moyens de la combler, in PPE 2023, p. 183-233

 

  • Grégory Bovey, Le pouvoir d’appréciation du juge en matière de responsabilité du propriétaire d’immeuble à la lumière d’exemples choisis, in Le juge apprécie, 2023, p. 29-44

 

  • Christine Chappuis, La perle, le tribunal et la loi fédérale sur la responsabilité du fait des produits, in Le juge apprécie, 2023, p. 45-59

 

  • Anne-Sylvie Dupont, Le prêt sur gage et la protection sociale, in Le juge apprécie, 2023, p. 61-69

 

  • Thierry Tanquerel, Le juge administratif n’apprécie pas, in Le juge apprécie, 2023, p. 315-332

 

  • Luc Thévenoz/Célian Hirsch, Le pouvoir du juge d’apprécier le dommage d’investissement (art. 42 al. 2 CO) in Le juge apprécie, 2023, p. 333-343

 

  • Anne-Sylvie Dupont, La «pantomime des gueux» : de la cour des miracles à la Cour des assurances sociales, in Le droit au service de l’humanité, 2023, p. 147-155

 

  • Michael Biot, Droit de participation des employés au choix de l’institution de prévoyance selon l’art. 11 LPP : étendue, modalités de mise en œuvre et conséquences en cas de non-respect de la loi, in Panorama IV en droit du travail, 2023, p. 111-130

 

  • Jean-Philippe Dunand, De l’esclave Stichus au chauffeur Uber : six modalités du lien de subordination dans les relations de travail, in Panorama IV en droit du travail, 2023, p. 209-254

 

  • Sandrine Kreiner, Le télétravail des frontaliers: quel impact sur l’imposition du revenu et l’assujettissement aux assurances sociales?, in Panorama IV en droit du travail, 2023, p. 347-371

 

  • Gautier Lang, Droit au congé de paternité sous l’angle de l’art 329g CO; filiation reconnue à l’étranger et autres situations particulières, in Panorama IV en droit du travail, 2023, p. 373-401

 

  • Sandeep Pai, « Incapacité » de travail : impossibilité ou confort?, in Panorama IV en droit du travail, 2023, p. 509-539

 

  • Stéphanie Perrenoud, Allocations parentales : actualités et perspectives du régime des allocations pour perte de gain, in Panorama IV en droit du travail, 2023, p. 541-566

 

  • Guylaine Riondel Besson, Le détachement des travailleurs dans les relations franco-suisses au sens de la sécurité sociale et du droit du travail, in Panorama IV en droit du travail, 2023, p. 663-681

 

  • Sara Rousselle-Ruffieux/Paul Michel, L’indemnisation de la perte de gain maladie à la fin des rapports de travail, in Panorama IV en droit du travail, 2023, p. 683-709

 

  • David Ternande, Coordination des indemnités de chômage avec les indemnités journalières des autres assureurs sociaux et privés, in Panorama IV en droit du travail, 2023, p. 751-770

 

  • Gerd-Marko Ostendorf, Long-/Post-COVID : Probleme in der Begutachtung für die Privatversicherung, in Der medizinische Sachverständige, Jahrgang 119 (2023), Nummer 3, p. 116-121

 

  • Marco Weiss, Strafbestimmungen des AHVG, in Forum poenale, 16. Jahrgang (2023), Heft 3, p. 198-204

 

  • Davide Keller, Il certificato medico e le conseguenze penali di una scorretta certificazione, in Forum poenale, 16. Jahrgang (2023), Heft 5, p. 357-362

 

  • Marco Weiss, Strafbarkeit von versicherungsexternen medizinischen Gutachtern, in Forum poenale, 16. Jahrgang (2023), Heft 5, p. 363-367

 

  • Bernhard König, Die Haftung der Pistenhalter nach « Pistenschluss », in Zeitschrift für Verkehrsrecht, Jahrgang 68(2023), Heft 11, p. 423-425

 

  • Tiago Gomes, La subrogation de l’assureur social dans un contexte international, in Annuaire SDRCA 2022, p. 33-59

 

  • Muriel Vautier, Le calcul du dommage lorsque la victime est domiciliée à l’étranger, in Annuaire SDRCA 2022, p. 61-118

 

  • Ulrike Mönnich, Versicherungsaufsichtsrechtliche Risiken beim cross-border business, in Annuaire SDRCA 2022, p. 119-153

 

  • Guy Longchamp, Exigibilité des prestations de prévoyance professionnelle : questions choisies, in Annuaire SDRCA 2022, p. 215-228

 

  • Jacques Haldy, La révision en procédure civile, in Res iudicata – e poi?, Commissione ticinese per la formazione permanente dei giuristi, 2023, p. 3-16

 

  • Etienne Poltier, La modification des décisions administratives, in Res iudicata – e poi?, Commissione ticinese per la formazione permanente dei giuristi, 2023, p. 43-65

 

  • Andreas Zünd/Marco Savoldelli, La revisione di sentenze del Tribunale federale, in Res iudicata – e poi?, Commissione ticinese per la formazione permanente dei giuristi, 2023, p. 67-90

 

  • Francesco Parrino, Strumenti per correggere una decisione nell’ambito delle assicurazioni soziali : esempi tratti dalla recente giurisprudenza del Tribunale federale in Res iudicata – e poi?, Commissione ticinese per la formazione permanente dei giuristi, 2023, p. 115-145

 

  • Simon Gasser/Frédéric Lazeyras, Le remboursement des cotisations AVS en cas de départ de Suisse, Expert fiduciaire, Volume 30(2023), numéro 5, p. 300-304

 

 

Motion de Courten 23.4060 «Assurances sociales. Créer une base juridique complète et uniforme pour la procédure électronique (eLPGA)» – Réponses du Conseil fédéral

Motion 23.4060 de Courten  «Assurances sociales. Créer une base juridique complète et uniforme pour la procédure électronique (eLPGA)» – Réponses du Conseil fédéral

 

Motion 23.4060 de Courten  consultable ici

 

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de présenter une modification de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA, RS 830.1) qui crée une base juridique complète et globale instituant une procédure électronique pour toutes les assurances sociales (eLPGA).

 

Développement

Des services numériques modernes dans le domaine des services publics, en particulier dans celui des assurances sociales, sont d’une grande importance pour la Suisse. Les services des assurances sociales devraient également être disponibles sous forme électronique, tant pour les assurés que pour leurs employeurs et tous les autres acteurs de la procédure.

Dans le cadre des débats parlementaires sur le projet «Modernisation de la surveillance dans le 1er pilier» (19.080), le Conseil des États a proposé d’adopter une nouvelle norme pour introduire la procédure électronique. Le Conseil national, en tant que deuxième conseil, a rejeté l’article de loi proposé au motif que cette question ne concernait pas seulement les caisses de compensation, mais bien toutes les assurances sociales. La porte-parole de la commission du Conseil national a indiqué qu’il n’y avait pas de divergence au sein de la commission en ce qui concerne l’intention d’instaurer une communication électronique, mais qu’il s’agissait de mettre en place une solution globale. Elle a aussi indiqué que le Conseil fédéral souhaitait résoudre de manière plus complète et globale la question de la numérisation dans le droit des assurances sociales. L’introduction d’une procédure électronique unique pour toutes les branches des assurances sociales correspond à la volonté déclarée du Parlement.

Le professeur Ueli Kieser, spécialiste du droit de la procédure reconnu dans toute la Suisse, a formulé une proposition qui montre comment il est possible de régler de manière complète et globale la question de la procédure électronique dans les assurances sociales (eLPGA) par une révision partielle, qui remplirait ainsi le mandat politique. Nous chargeons le Conseil fédéral de présenter une révision de la LPGA qui règle de manière complète et globale la question de la communication électronique dans les assurances sociales.

 

Avis du Conseil fédéral du 22.11.2023

Le Conseil fédéral reconnaît la nécessité d’agir pour promouvoir la communication numérique dans le domaine des assurances sociales. Or, diverses dispositions légales empêchent aujourd’hui les administrations publiques d’offrir leurs prestations sous une forme moderne et numérique. C’est pourquoi un projet de loi est en cours d’élaboration, qui porte sur la communication numérique dans les assurances sociales du 1er pilier et les allocations familiales (DIKOS).

Le projet vise à créer, par un nouvel acte législatif, les bases légales pour un canal de communication numérique facile d’accès pour les assurés du 1er pilier via une plateforme centralisée et accessible dans toute la Suisse, afin que tous les assurés puissent bénéficier des mêmes services numériques. Cette nouvelle base légale doit également réglementer de manière transparente les systèmes d’information du 1er pilier existants et à venir. De plus, le projet prévoit d’adapter les dispositions de procédure de la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA ; RS 830.1) à la communication numérique. La procédure de consultation à ce sujet doit être lancée dans les prochains mois.

La proposition de l’auteur de la motion vise au contraire à créer une base juridique complète et uniforme pour la procédure électronique dans la LPGA (eLPGA). Cette réglementation s’étendrait ainsi à l’assurance-maladie, à l’assurance-accidents et à l’assurance-chômage, ce qui rendrait la situation sensiblement plus complexe. En effet, il serait nécessaire d’introduire des dispositions de renvoi dans les lois existantes pour exclure l’application de la procédure électronique à ces assurances. De fait, l’assurance-maladie, l’assurance-accidents et l’assurance-chômage entendent suivre leur propre voie en matière de numérisation et devraient avoir la possibilité de le faire. Un exemple en est le projet DigiSanté, lancé par la DFI et qui sera également accompagné d’un projet législatif. L’assurance-chômage a déjà mis en place les bases légales pour ses systèmes d’information et pour la procédure administrative électronique. De plus, en l’absence de bases légales garantissant la protection des données pour de nouveaux systèmes d’information, la proposition eLPGA empêcherait le développement d’une plateforme d’assurances sociales uniforme pour toute la Suisse, avec une identité électronique unique au niveau fédéral. Elle entraverait sensiblement les services uniformisés de la Confédération à l’intention des assurés, par exemple l’extrait numérique du compte individuel de l’AVS (voir aussi Ip. 23.3984 Silberschmidt), et réduirait fortement la convivialité de la plateforme.

La proposition eLPGA obligerait en outre tous les organes d’exécution à développer un portail eux-mêmes (ou en collaboration avec d’autres organes d’exécution), ce qui entraînerait des coûts considérables pour les employeurs et ne permettrait pas de garantir que tous les assurés bénéficient des mêmes services numériques.

Le Conseil fédéral estime donc que, pour mettre en place la communication numérique dans les assurances sociales du 1er pilier et les allocations familiales, le projet DIKOS est mieux à même d’atteindre l’objectif qu’une modification de la LPGA. Les attentes de l’auteur de la motion seront ainsi largement satisfaites.

 

Proposition du Conseil fédéral

Rejet

 

Motion 23.4060 de Courten «Assurances sociales. Créer une base juridique complète et uniforme pour la procédure électronique (eLPGA)» consultable ici

Mozione 23.4060 de Courten «Assicurazioni sociali. Creare una base legale globale e uniforme per la procedura elettronica» disponibile qui

Motion 23.4060 de Courten «Sozialversicherung. Umfassende und einheitliche Rechtsgrundlage für das elektronische Verfahren schaffen (eATSG)» hier abrufbar

 

Motion 23.4227 Hurni «Allocation pour impotent. Pour une suppression du délai de carence pour les jeunes de moins de 20 ans atteints de maladies chroniques» – Réponse du Conseil fédéral

Motion 23.4227 Hurni «Allocation pour impotent. Pour une suppression du délai de carence pour les jeunes de moins de 20 ans atteints de maladies chroniques» – Réponse du Conseil fédéral

 

Motion 23.4227 Hurni consultable ici

 

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé par le parlement de lui proposer un projet de normes légales permettant de supprimer le délai de carence de douze mois pour les enfants et les jeunes de moins de 20 ans ayant droit à une allocation pour impotent.

 

Développement

En Suisse, les personnes en situation de handicap peuvent prétendre à l’allocation pour impotent (API), qui a pour objectif de leur permettre de vivre de manière indépendante. Or, actuellement, le droit à l’allocation pour impotent naît au plus tôt au terme du délai de carence (délais d’attente) d’une année, et sous certaines conditions, précisées par l’art. 42 al. 4 de la Loi sur l’assurance-invalidité (LAI) : «(…) Le droit naît dès qu’une impotence de degré faible au moins existe depuis une année sans interruption notable». Toutefois, dans les cas où l’impotence atteint l’étendue exigée dès la première année de la vie, l’art. 42bis, al. 3 précise : «Pour les assurés âgés de moins d’un an, le droit à l’allocation pour impotent prend naissance dès qu’il existe une impotence d’une durée probable de plus de douze mois». En d’autres termes, le délai de carence est supprimé en cas d’inscription des enfants de moins d’un an mais, passé cette limite, les enfants plus âgés ainsi que leur famille sont soumis au même régime que les adultes, et doivent attendre douze mois pour pouvoir bénéficier de l’API. Par conséquent, si l’on peut raisonnablement supposer que les bénéficiaires adultes et financièrement indépendant-e-s peuvent pour nombre d’entre elles et eux anticiper et compenser cette période de carence par d’autres moyens, par exemple à travers d’autres assurances telles que l’assurance perte de gains, il en va tout autrement pour les familles devant s’occuper d’un enfant impotent. En effet, force est de constater que dans la majorité des situations, ce sont les mères qui sont contraintes de diminuer le temps d’activité professionnelle, sans pouvoir bénéficier de la compensation financière correspondante.

Partant, il paraît nécessaire de rétablir un équilibre plus juste dans la prise en charge des personnes les plus fragiles de notre société, et particulièrement les jeunes ainsi que leur famille. Je demande donc au Conseil fédéral de présenter au parlement un projet de normes légales permettant de supprimer ce délai de carence d’une année pour les personnes de moins de 20 ans pouvant prétendre à une allocation pour impotent, leur permettant ainsi d’être pris en charge rapidement et sans avoir à souffrir de difficultés supplémentaires, notamment financières.

 

Avis du Conseil fédéral du 22.11.2023

La notion d’impotence est définie à l’art. 9 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA, RS 830.1), selon lequel «est réputée impotente toute personne qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a besoin de façon permanente de l’aide d’autrui ou d’une surveillance personnelle pour accomplir des actes élémentaires de la vie quotidienne». Il n’y a ainsi pas d’impotence lorsque le besoin d’aide n’est pas dû à une atteinte à la santé ou n’est que passager.

Dans l’AI, le délai d’attente d’une année sert à déterminer le caractère permanent du besoin d’aide ou de surveillance. Ce délai est particulièrement pertinent pour les mineurs, chez lesquels le besoin d’aide est évalué par rapport à celui d’un enfant du même âge et en bonne santé. En effet, il n’est pas rare que les enfants présentent un retard de développement dans l’acquisition de capacités motrices (marche, motricité fine) ou sociales (langage, propreté). Étant donné que le développement de l’enfant n’est jamais linéaire, le délai d’attente d’une année permet de déterminer s’il s’agit véritablement d’un retard annonciateur d’une atteinte à la santé de longue durée.

Sans l’exception en faveur des enfants de moins d’un an, ceux-ci seraient systématiquement exclus du droit à une allocation pour impotent (API). Cette exception ne peut toutefois être admise qu’en cas d’atteinte à la santé grave, dont on peut d’emblée présumer qu’elle entraînera un besoin d’aide permanent, et ne saurait être étendue à l’ensemble des enfants et des jeunes de moins de 18 ans. Au-delà de cet âge, l’API pour mineurs est dans tous les cas remplacée par une API pour adultes, pour autant que les conditions demeurent remplies. Par conséquent, en demandant la suppression du délai d’attente d’une année pour les enfants et les jeunes de moins de 20 ans, la motion ne se limite pas uniquement à l’API pour mineurs.

Avec l’introduction au 1er juillet 2021 de l’allocation pour les parents qui prennent en charge un enfant gravement atteint dans sa santé en raison d’une maladie ou d’un accident (art 16n ss de la loi fédérale sur les allocations pour perte de gain ; RS 834.1), la situation des parents concernés a été considérablement améliorée. Leurs pertes de revenus dues à l’interruption de leur activité lucrative durant le délai d’attente ouvrant le droit à une API sont ainsi déjà compensées.

 

Proposition du Conseil fédéral

Rejet

 

Motion 23.4227 Hurni «Allocation pour impotent. Pour une suppression du délai de carence pour les jeunes de moins de 20 ans atteints de maladies chroniques» consultable ici

 Mozione 23.4227 Hurni «Assegno per grandi invalidi. Sopprimere il termine d’attesa per i giovani di età inferiore ai 20 anni affetti da malattie croniche» disponibile qui

Motion 23.4227 Hurni «Hilflosenentschädigung. Streichung der Karenzfrist für Personen unter zwanzig Jahren mit einer chronischen Krankheit» hier abrufbar

 

9C_160/2023 (f) du 17.10.2023 – Dépôt d’une nouvelle demande AI – Délai octroyé (plus de 3 mois) à l’assuré pour rendre vraisemblable l’aggravation de l’état de santé et la modification de l’invalidité – 87 RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_160/2023 (f) du 17.10.2023

 

Consultable ici

 

Dépôt d’une nouvelle demande AI – Plausibilité de la modification de l’invalidité de manière à influencer ses droits / 87 RAI

Délai octroyé (plus de 3 mois) à l’assuré pour rendre vraisemblable l’aggravation de l’état de santé et la modification de l’invalidité – Refus d’entrer en matière faute de preuve déposée par l’assuré

 

Assuré, né en 1976, victime d’un accident le 30.04.2014, entraînant une rupture du LCA associée à une déchirure de la corne moyenne du ménisque externe.

1ère demande AI déposée le 12.01.2015. Par décision du 11.12.2018, octroi d’une rente entière d’invalidité pour la période limitée du 01.07.2015 au 31.12.2017. Par jugement du 11.02.2021, le tribunal cantonal a rejeté le recours que l’assuré avait formé contre cette décision

2ème demande AI déposée le 16.06.2020. Dans un projet de décision du 29.09.2021, l’office AI a fait savoir à l’assuré qu’il envisageait de ne pas entrer en matière sur sa demande de prestations, dès lors qu’il n’avait pas rendu plausible que son invalidité s’était modifiée de manière à influencer ses droits. A la demande de l’assuré, l’office AI lui a accordé, le 13.12.2021, une ultime prolongation du délai échéant le 15.01.2022 pour déposer des pièces médicales et étayer sa demande. Le 14.01.2022, l’assuré a demandé un nouveau délai de 30 jours pour déposer des pièces. Par décision du 18.01.2022, l’office AI a refusé d’entrer en matière sur la demande, en l’absence de modification notable de la situation médicale.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 21/22 – 10/2023 – consultable ici)

Par jugement du 11.01.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2
En vertu de l’art. 87 al. 2 et 3 RAI, lorsque la rente a été refusée parce que le taux d’invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l’assuré rend plausible que son invalidité s’est modifiée de manière à influencer ses droits. Cette exigence doit permettre à l’administration qui a précédemment rendu une décision de refus de prestations entrée en force d’écarter sans plus ample examen de nouvelles demandes dans lesquelles l’assuré se borne à répéter les mêmes arguments, sans alléguer une modification des faits déterminants (ATF 133 V 108 consid. 5.2 et 5.3; 130 V 64 consid. 5.2.3; 117 V 198 consid. 4b et les références). Lorsqu’elle est saisie d’une nouvelle demande, l’administration doit commencer par examiner si les allégations de l’assuré sont, d’une manière générale, plausibles. Si tel n’est pas le cas, l’affaire est liquidée d’entrée de cause et sans autres investigations par un refus d’entrer en matière (ATF 117 V 198 consid. 3a).

 

Consid. 3.1
Dans un premier grief, d’ordre formel, l’assuré reproche à l’office AI d’avoir violé son droit d’être entendu dès lors qu’il lui a accordé, le 13.12.2021, une ultime prolongation du délai au 15.01.2022 pour déposer des pièces médicales et étayer sa demande. Il soutient qu’il est notoire que les médecins sont surchargés et qu’il n’est pas rare que l’obtention d’un rapport médical puisse prendre plus de trois mois. L’assuré en déduit que le rapport du docteur B.__ du 21.01.2022 (établi juste après le refus d’entrer en matière) aurait dû être pris en compte.

Consid. 3.2
La jurisprudence relative à une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité, dûment rappelée dans l’arrêt entrepris, requiert que l’assuré présente des éléments suffisants pour rendre plausible une aggravation de l’état de santé (cf. art. 87 al. 2 et 3 RAI). En effet, le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’autorité (art. 43 al. 1 LPGA), ne s’applique pas à une telle procédure, de sorte que la juridiction de première instance est tenue d’examiner le bien-fondé de la décision de non-entrée en matière de l’office AI en fonction uniquement des documents produits jusqu’à la date de celle-ci (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5; arrêt 9C_576/2021 du 2 février 2022 consid. 3.2).

A partir du 29.09.2021, jour où l’office AI a fait savoir à l’assuré qu’il n’avait pas rendu plausibles les faits qu’il alléguait, l’intéressé a bénéficié d’un délai de plus de trois mois (compte tenu d’une ultime prolongation accordée à sa demande le 13.12.2021) pour se déterminer et déposer ses moyens de preuve. En pareilles circonstances (proximité temporelle de la précédente décision de refus; allégués non documentés), un tel délai précédant un refus d’entrée en matière doit être qualifié de raisonnable. S’il fallait suivre le raisonnement de l’assuré, l’administration devrait suspendre indéfiniment le traitement de ce genre de demandes (voir par ex. l’arrêt I 67/02 du 2 décembre 2003 consid. 5). L’office AI n’a donc pas violé le droit de l’assuré d’être entendu en statuant le 18.01.2022 sur la base du dossier dont il disposait.

 

Consid. 4.2
Les juges cantonaux ont constaté que les diagnostics mentionnés par le docteur B.__ étaient connus, mais qu’ils n’étaient pas documentés par un examen clinique récent et un statut actualisé. Ils ont retenu que ce médecin, qui n’est ni orthopédiste ni rhumatologue, renvoyait à un rapport du professeur C.__ du mois de mai 2019 qui lui-même n’apportait pas d’élément nouveau.

L’argumentation de l’assuré, qui se fonde essentiellement et vainement sur le certificat du docteur B.__ du 21.01.2022, ne permet pas de remettre en cause l’appréciation que l’instance précédente a faite du certificat médical que le même médecin avait établi le 23.03.2021, ni d’en établir le caractère arbitraire. En niant que l’assuré eût rendu plausible une aggravation de son état de santé susceptible d’influencer ses droits, la juridiction cantonale n’a ni établi les faits de manière inexacte ou arbitraire, ni violé le droit fédéral. Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter de ses considérations.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_160/2023 consultable ici

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2024

Assurances sociales : ce qui va changer en 2024

 

Article de Mélanie Sauvain paru in Sécurité Sociale CHSS, 27.11.2023, consultable ici

 

Partir progressivement à la retraite devient possible. C’est l’un des changements concrets que les assurés suisses verront en 2024. D’autres modifications de loi, comme la modernisation de la surveillance du 1er pilier, seront moins tangibles mais tout aussi importantes pour la solidité des assurances sociales.

En un coup d’œil

  • La réforme AVS21 introduit diverses options pour passer de la vie active à la retraite de manière progressive.
  • Les réelles possibilités de revenu des personnes atteintes dans leur santé sont mieux prises en compte dans le calcul du taux d’invalidité.
  • En cas de décès d’un parent peu après la naissance d’un enfant, les congés de maternité, respectivement de paternité, sont prolongés pour le parent survivant.
  • Un monitorage pour surveiller l’évolution des coûts de la santé est introduit dans les conventions tarifaires entre prestataires de soins et assureurs.

 

Plusieurs nouvelles dispositions entrent en vigueur en 2024. Afin que les assurés, les employeurs et les personnes actives dans le domaine des assurances sociales aient une vue d’ensemble, le présent article résume les principaux changements, sur la base des informations disponibles à la mi-novembre 2023.

 

Stabilisation de l’AVS (AVS21)

Les différentes mesures de la réforme Stabilisation de l’assurance-vieillesse et survivants (AVS 21) entrent en vigueur de manière échelonnée (voir graphique). A partir du 1er janvier 2024, les assurés peuvent aménager leur passage de la vie active à la retraite de manière plus flexible et progressive. Ils peuvent notamment anticiper une partie de leur rente de vieillesse et ajourner une autre partie, dans l’AVS et la prévoyance professionnelle (pour plus de détails, voir Sauvain 2023).

À partir de la même date, il sera possible de choisir de continuer à payer des cotisations sur l’entier de son salaire en cas de poursuite de l’activité lucrative après l’âge de 65 ans, fixé comme âge de référence. La franchise sur la part du salaire inférieure à 1400 francs par mois devient en effet facultative. Cette possibilité permet de combler d’éventuelles lacunes de cotisations et d’augmenter sa rente future. Par ailleurs, le délai de carence pour obtenir une allocation pour impotent de l’AVS est abaissé à 6 mois au lieu d’une année jusqu’ici.

La réforme AVS21 entraîne aussi une hausse du taux ordinaire de la TVA de 0,4 point à 8,1% ; le taux réduit (biens de première nécessité) et le taux spécial (hébergement) augmentent de 0,1 point, passant respectivement à 2,6% et 3,8%. Les recettes ainsi engrangées sont entièrement versées à l’AVS, en plus de celles provenant du «point de pourcentage démographique» que l’assurance reçoit déjà.

Échelons de l’entrée en vigueur de la réforme AVS21

Échelons de l’entrée en vigueur de la réforme AVS21
Échelons de l’entrée en vigueur de la réforme AVS21

 

AI : revenu hypothétique plus réaliste 

Le taux d’invalidité est décisif pour déterminer s’il existe un droit à une rente invalidité et, le cas échéant, pour calculer le montant de cette rente. Pour évaluer ce taux, les offices AI comparent les revenus de l’assuré avant et après la survenance de l’invalidité. Lorsque l’assuré ne travaille plus, les montants utilisés sont hypothétiques et se basent sur des barèmes statistiques de salaires (OFAS 2023a).

A partir du 1er janvier 2024, ces revenus hypothétiques en cas d’invalidité seront réduits de 10% afin de mieux tenir compte des réelles possibilités de revenu des personnes atteintes dans leur santé qui sont souvent moins élevées que les montants de référence des barèmes de salaires. Cette adaptation devrait conduire à une augmentation du taux d’invalidité des personnes concernées et donc à une hausse de leur rente, ainsi qu’à un plus grand nombre de reclassements.

La nouvelle déduction forfaitaire de 10% est appliquée uniquement aux nouveaux cas (dès 2024) dans lesquels un revenu hypothétique doit être pris en compte, faute de revenu effectif après l’invalidité. Les rentes en cours, elles, devront être révisées par les offices AI réviser dans un délai de trois ans. Les autres méthodes de calcul du taux d’invalidité ne sont pas concernées.

 

APG : congé pour le parent survivant prolongé

Le régime des allocations pour perte de gain (APG) est adapté au 1er janvier 2024 pour faire face au décès d’un parent peu après la naissance d’un enfant. Le parent survivant bénéficie d’une prolongation à 16 semaines de son congé de maternité, respectivement de paternité. Si une mère décède dans les 14 semaines après son accouchement, le père de l’enfant – respectivement l’épouse de la mère – se voit octroyer un congé de 14 semaines qui s’ajoute aux 2 semaines auxquelles il (ou elle) avait déjà droit. En cas de décès du père ou de l’épouse de la mère au cours des six mois suivant la naissance de l’enfant, la mère survivante a droit à un congé supplémentaire de 2 semaines.

Cette adaptation des APG s’accompagne de modifications rédactionnelles. Les termes de «congé paternité» et «allocation de paternité» laissent place dans la loi aux «congé de l’autre parent» et «allocation à l’autre parent» afin de tenir compte de l’introduction du mariage civil pour tous en 2022. L’épouse de la mère est reconnue comme parent légal si l’enfant a été conçu au moyen de don de sperme. Et en français, on parle désormais d’ordonnance sur les allocations pour perte de gain (OAPG) et non plus de règlement (RAPG).

 

PC : fin de la période transitoire

Dans les prestations complémentaires (PC), 2024 marque la fin des dispositions transitoires de la réforme entrée en vigueur en 2021. Ces dispositions ont été prévues pour les personnes qui étaient déjà au bénéfice de PC et qui auraient vu leur situation se détériorer à la suite de la réforme. Les anciennes règles en vigueur avant 2021 leur ont été appliquées durant trois ans afin de leur permettre d’adapter leur situation personnelle, notamment en ce qui concerne le loyer.

D’autres nouveautés en lien avec la fortune, respectivement les renonciations de fortune, sont désormais aussi appliquées à ces personnes. Le seuil de fortune introduit en 2021 (100’000 francs pour une personne seule ; 200’000 pour un couple) peut par exemple conduire à la fin du droit aux PC pour les personnes qui possèdent un patrimoine supérieur à ces montants (la valeur du logement qui sert d’habitation et dont l’assuré est propriétaire n’est pas prise en compte).

 

Modernisation de la surveillance

Des instruments modernes de gestion des risques, de gestion de la qualité et de contrôle interne sont mis en place par les organes d’exécution dans l’AVS, les PC, le régime des APG et les allocations familiales dans l’agriculture. C’est l’une des mesures du projet «Modernisation de la surveillance» qui vise un renforcement de la gouvernance ainsi qu’une amélioration du pilotage et de la surveillance des systèmes d’information du 1er pilier. Dans ce but, les rôles et obligations des organes d’exécution et de l’autorité de surveillance sont précisés. Toutes ces mesures entrent en vigueur le 1er janvier 2024.

Dans le 2e pilier, des améliorations ponctuelles de la surveillance ont aussi lieu. Les adaptations visent en premier lieu à régler la reprise des effectifs de bénéficiaires de rentes. Les tâches des experts en matière de prévoyance professionnelle sont également précisées (Baumann, 2020).

 

AMal : mesures de maîtrise des coûts et hausse des primes

Quatre dispositions visant à limiter la hausse des coûts de la santé à ce qui est justifié médicalement entrent en vigueur le 1er janvier 2024. Elles composent le volet 1b d’un paquet plus global de mesures, dont le 2e volet (incluant la question des réseaux de soins coordonnés) est en cours de traitement au Parlement.

Un monitorage est désormais introduit dans les conventions tarifaires entre fournisseurs de prestations et assureurs. Les deux parties sont tenues de prendre des mesures pour surveiller l’évolution des quantités, des volumes et des coûts. Ils devront prendre des mesures correctives en cas de hausses excessives.

La modification de la Loi sur l’assurance-maladie (LAMal) prévoit aussi que les pharmaciens peuvent remettre un médicament meilleur marché lorsque plusieurs produits pharmaceutiques contenant la même substance active figurent dans la liste des spécialités. Dans ce cas de figure, la quote-part assumée par la personne assurée s’élève à 10% seulement.

Les associations d’assureurs obtiennent le droit de recourir auprès du Tribunal administratif fédéral contre les décisions des cantons en lien avec les listes des hôpitaux. Seules les organisations d’importance nationale ou régionale qui se consacrent à la défense des intérêts de leurs membres disposent de ce droit de recours. Enfin, la quatrième mesure concerne les médicaments ayant fait l’objet d’une importation parallèle : leur étiquetage et les textes d’information qui les accompagnent pourront être simplifiés.

En parallèle, le Conseil fédéral a mis en œuvre différentes mesures visant à promouvoir l’utilisation de génériques et de biosimilaires moins coûteux. Diverses ordonnances ont été révisées en ce sens.

Ce paquet de mesures intervient alors que les primes de l’assurance-maladie obligatoire prennent l’ascenseur. En 2024, la prime moyenne mensuelle s’élève à 359,50 francs, ce qui correspond à une hausse de 28,70 francs ou 8,7% par rapport à 2023. La prime moyenne des adultes atteint 426,70 francs (+ 8,6%) et celle des jeunes adultes 300,60 francs (+ 8,6%). La prime moyenne des enfants se monte à 111,80 francs (+ 7,7%). Toutes les données relatives aux primes peuvent être téléchargées à partir du portail Open Data.

Une autre modification de la LAMal au 1er janvier 2024 vise à aider le désendettement des plus jeunes. Les mineurs ne seront désormais plus poursuivis pour les primes et les participations aux coûts impayées par leurs parents. Ce changement mettra fin au régime actuel selon lequel chaque assuré, mineur ou majeur, est personnellement débiteur des primes d’assurance-maladie le concernant.

 

LPP : hausse du taux d’intérêt minimal

Dans la prévoyance professionnelle obligatoire (LPP), le taux d’intérêt minimal est relevé de 0,25 point à 1,25% en 2024 (OFAS 2023b). Le Conseil fédéral a suivi les recommandations de la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle pour fixer l’intérêt minimal auquel doivent être rémunérés les avoirs de vieillesse de la LPP. L’élément déterminant pour fixer ce taux à 1,25% est l’évolution du rendement des obligations de la Confédération qui a considérablement augmenté, ainsi que l’évolution des actions, des obligations et de l’immobilier.

 

Mélanie Sauvain, Assurances sociales : ce qui va changer en 2024, in Sécurité Sociale CHSS, 27.11.2023, consultable ici

Mélanie Sauvain, Sozialversicherungen: Was ändert sich 2024?, in Soziale Sicherheit CHSS, 27.11.2023, hier abrufbar

 

Extension de la remise de moyens auxiliaires par l’AI et l’AVS

Extension de la remise de moyens auxiliaires par l’AI et l’AVS

 

Lettre circulaire AI n° 433 : Modification des ordonnances concernant la remise de moyens auxiliaires par l’AI (OMAI) et l’AVS (OMAV) consultable ici

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.11.2023 consultable ici

 

Extension de la remise de moyens auxiliaires par l’AI et l’AVS

Outre les chiens d’assistance à la mobilité, l’AI participera désormais aux frais des chiens d’alerte pour personnes épileptiques et des chiens d’accompagnement pour enfants autistes, ce qui permettra à ces personnes de mener une vie plus autonome. De plus, le modèle de remboursement pour les prestations de tiers (par ex. l’interprétation en langue des signes) passe d’un remboursement mensuel à un remboursement annuel. Dans le cadre de l’AVS, le droit à des chaussures orthopédiques est étendu : désormais, l’AVS verse une contribution annuelle aux frais, au lieu d’une fois tous les deux ans seulement jusqu’à présent. En modifiant les ordonnances concernant la remise de moyens auxiliaires par l’AI (OMAI) et par l’AVS (OMAV), le Département fédéral de l’intérieur (DFI) met en œuvre, au 1er janvier 2024, trois motions dans le domaine des moyens auxiliaires.

 

Lettre circulaire AI n° 433 : Modification des ordonnances concernant la remise de moyens auxiliaires par l’AI (OMAI) et l’AVS (OMAV)

L’OMAI et l’OMAV seront modifiées au 1er janvier 2024. Les modifications sont expliquées dans ce qui suit et précédées à chaque fois du nouveau texte des ordonnances.

Les circulaires CMAI et CMAV seront, elles aussi, adaptées au 1er janvier 2024.

1 Modifications de l’OMAI

1.1 Modalités de remboursement des frais occasionnés par les services d’un tiers

Art. 9, al. 2

2 Le remboursement annuel ne peut dépasser ni le revenu annuel de l’activité lucrative de l’assuré ni une fois et demie le montant minimal annuel de la rente de vieillesse complète définie à l’art. 34 de la loi fédérale du 20 décembre 1946 sur l’assurance-vieillesse et survivants (LAVS).

La modification répond à la motion 21.3452 «Services fournis par des tiers dans le domaine de l’assurance-invalidité. Modèle de remboursement».

Le montant maximal du remboursement des frais occasionnés par les services d’un tiers auquel un assuré a droit en lieu et place d’un moyen auxiliaire n’est plus mensuel, mais annuel. Ce plafond ne peut dépasser ni revenu annuel de l’activité lucrative de l’assuré, ni une fois et demie le montant minimal annuel de la rente de vieillesse complète de l’AVS. Il est calculé par année civile ; pour les droits de moins d’un an, il est calculé au prorata. Le montant annuel maximal est actuellement (état 2023) de 22’056 francs.

Comme le contrôle de l’office AI ne peut s’effectuer que rétrospectivement (c’est-à-dire après réception de la facture), l’assuré doit impérativement vérifier lui-même si le plafond annuel a été atteint. En effet, une fois ce plafond dépassé, la différence est à la charge de l’assuré. Les assurés doivent donc en être informés adéquatement (les directives relatives au recueil de textes standards seront adaptées).

Parmi les services fournis par des tiers à l’assuré, en lieu et place d’un moyen auxiliaire, les trois prestations suivantes sont financées lorsqu’elles s’inscrivent dans le cadre de l’exercice d’une activité lucrative : les prestations destinées aux sourds (en particulier interprétation en langue des signes et retranscription), les trajets jusqu’au lieu de travail pour les handicapés moteurs et les graves handicapés de la vue, et enfin, les services destinés aux aveugles (par ex., lecture).

 

1.2 Extension du droit aux chiens d’assistance

14.06 Chiens d’assistance

14.06.1 Chien d’assistance à la mobilité pour handicapés moteurs dès 16 ans,

s’il est établi que l’assuré est apte à détenir un chien d’assistance et que, grâce à celui-ci, il sera capable de vivre à domicile de manière plus autonome. Le droit est limité aux personnes présentant un handicap moteur grave, qui perçoivent au minimum une allocation pour impotent de degré faible et dont le besoin d’assistance est avéré dans au moins deux domaines des actes de la vie suivants : se déplacer, entretenir des contacts sociaux ; se lever, s’asseoir, se coucher ; se vêtir, se dévêtir.

Le centre de remise du chien d’assistance à la mobilité doit être certifié par l’organisation Assistance Dogs International (ADI). L’assurance prend en charge une contribution forfaitaire de 20 280 francs au moment de la remise du chien d’assistance. Ce montant est réparti de la manière suivante : 15 000 francs pour l’achat du chien et 5 280 francs pour les frais de nourriture et de vétérinaire. La prestation de l’assurance peut être revendiquée au maximum tous les huit ans, mais une seule fois pour le même chien.

14.06.02 Chiens d’alerte pour personnes épileptiques pour les enfants à partir de 4 ans et pour les adultes,

s’il est établi par le centre de remise que l’assuré ou le détenteur de l’autorité parentale est apte à détenir un chien d’alerte. Le droit n’existe que si l’épilepsie est diagnostiquée par un médecin spécialiste. En outre, les adultes doivent pouvoir remplir, grâce au chien, un objectif de réadaptation au sens de l’art. 21, al. 1 et 2, LAI.

Le centre de remise du chien d’alerte pour personnes épileptiques doit être certifié par l’organisation Assistance Dogs International (ADI). L’assurance prend en charge une contribution forfaitaire de 14 280 francs. Ce montant est réparti de la manière suivante : 9 000 francs pour l’achat du chien et 5 280 francs pour les frais de nourriture et de vétérinaire. La prestation de l’assurance peut être revendiquée au maximum tous les huit ans, mais une seule fois pour le même chien.

14.06.03 Chiens d’accompagnement pour enfants autistes entre 4 et 9 ans,

s’il est établi par le centre de remise que l’assuré ou le détenteur de l’autorité parentale est apte à détenir un chien. Le droit n’existe que si un trouble du spectre de l’autisme au sens du chiffre 405 de l’ordonnance du DFI du 3 novembre 2021 concernant les infirmités congénitales sans contre-indication médicale à la détention d’un chien a été confirmé et si le chien permet d’apprendre à se déplacer en toute sécurité dans l’espace public.

Le centre de remise du chien d’accompagnement pour les enfants autistes doit être certifié par l’organisation Assistance Dogs International (ADI). L’assurance prend en charge une contribution forfaitaire de 20 280 francs. Ce montant est réparti de la manière suivante: 15 000 francs pour l’achat du chien et 5 280 francs pour les frais de nourriture et de vétérinaire. La prestation de l’assurance ne peut être revendiquée qu’une seule fois.

La modification répond à la motion 19.4404 «Inclure les chiens d’assistance pour les enfants et les adolescents dans l’assurance-invalidité».

Après examen des types de chiens d’assistance proposés en Suisse, il a été décidé qu’une contribution pouvait être allouée, dans le cadre légal de l’AI, à trois types de chiens : les chiens d’assistance à la mobilité pour handicapés moteurs dès 16 ans, les chiens d’alerte pour personnes épileptiques (enfants, adolescents et adultes) ainsi que les chiens d’accompagnement pour enfants autistes.

Les contributions forfaitaires de l’AI couvriront, comme c’est déjà le cas, 50% environ des coûts totaux calculés sur la base des données des centres de formation interrogés. La contribution aux coûts d’un chien d’assistance à la mobilité a en outre été relevée. En effet, les frais de formation ont augmenté au cours des treize dernières années et le forfait des frais de nourriture et de vétérinaire, basé sur la contribution aux coûts d’un chien-guide pour aveugle, a été recalculé. À partir du 1er janvier 2024, les contributions forfaitaires de l’AI seront les suivantes :

  • chiens d’assistance à la mobilité : 20 280 francs, au maximum tous les huit ans ;
  • chiens d’accompagnement pour personnes autistes : 20 280 francs, une seule contribution par enfant ;
  • chiens d’alerte pour personnes épileptiques : 14 280 francs, au maximum tous les huit ans (contribution réduite, car la formation n’a pas lieu dans une institution mais au domicile de l’assuré).

La contribution forfaitaire de l’AI n’est versée qu’une fois que l’assuré a rempli le rapport de contrôle avec le centre de remise et l’a fait parvenir à l’office AI. Ce rapport atteste que le chien possède et utilise les aptitudes nécessaires. Les exigences minimales figurent sur le rapport. Au moment de la remise définitive du chien, le centre de remise doit être membre à part entière de l’organisation Assistance Dogs International (ADI).

Soit le chien d’assistance devient la propriété de l’assuré, soit il reste la propriété du centre de remise.

La demande de contribution ne peut être déposée auprès de l’office AI qu’une fois que le chien est formé et que l’introduction auprès de l’assuré est terminée, ce qu’atteste le rapport de contrôle. Avant cela (avant l’établissement du rapport de contrôle), l’AI ne peut entrer en matière sur la demande, puisque le droit dépend du fait que l’introduction du chien auprès de l’assuré a été achevée avec succès. C’est donc la date du dépôt de la demande auprès de l’office AI qui détermine si l’évaluation doit se fonder sur le nouveau droit ; pour les chiens d’assistance, cette date correspond à la remise définitive.

Les nouvelles dispositions s’appliquent uniquement aux chiens remis après le 1er janvier 2024. Le recueil de textes standards sera adapté.

Les nouveaux rapports de contrôle figurent en annexe de la présente circulaire et doivent impérativement être utilisés.

 

1.2.1 Commentaires sur les trois types de chiens :

1.2.1.1 Chiens d’assistance à la mobilité pour handicapés moteurs dès 16 ans

Les chiens d’assistance à la mobilité pour les personnes présentant un handicap moteur grave figurent déjà au ch. 14.06 OMAI ; ils peuvent désormais être remis également aux mineurs de 16 ans au moins. L’AI doit pouvoir garantir que les chiens qu’elle cofinance ne mettent en danger ni leur propriétaire ni les tiers. Puisque la contribution est octroyée à la condition que le chien permette à l’assuré de se déplacer de manière autonome, il n’est pas possible de le remettre à un enfant de moins de 16 ans. Octroyer cette contribution aux assurés dès 16 ans revient à étendre le règlement actuel, qui s’applique exclusivement aux adultes.

 

1.2.1.2 Chiens d’accompagnement pour enfants autistes jusqu’à 9 ans

Les chiens d’accompagnement pour les enfants autistes profitent en premier lieu aux parents de l’assuré. On a cependant observé que la simple présence du chien (dressé) pouvait avoir des effets positifs sur les parents, et donc sur leur relation avec l’enfant. Les parents sont plus calmes et plus sûrs d’eux et donc plus détendus dans leurs relations avec l’enfant, ce qui aurait souvent des répercussions positives sur son développement, y compris sur son aptitude à fréquenter l’école.

Toutefois, ces chiens ne devraient être remis qu’à des enfants jeunes, jusqu’à 9 ans au maximum (= date de la remise définitive, le chien étant ensuite utilisé pendant 8 ans en moyenne). En effet, les spécialistes estiment qu’en matière d’acceptation et d’utilité de l’animal, l’âge de l’enfant est déterminant. La décision d’accueillir un chien d’accompagnement devrait donc être prise au plus tard lorsque l’enfant a 7 ans, puisque le dressage avec/chez ce dernier dure en général deux ans. La responsabilité du chien incombe aux parents, l’utilisation du chien se fait exclusivement sous leur surveillance. Le chien doit permettre à l’enfant de se déplacer en toute sécurité dans l’espace public.

 

1.2.1.3 Chiens d’alerte pour personnes épileptiques pour les enfants à partir de 4 ans et pour les adultes

Les chiens d’alerte pour personnes épileptiques (EpiDogs) peuvent être remis aux assurés à partir de 4 ans. La formation dure entre deux et trois ans et se déroule au domicile de l’assuré. Le chien peut donc déjà être introduit auprès d’enfants de 2 ans, mais la remise définitive et la garantie de prise en charge par l’AI ne peuvent intervenir avant l’âge de 4 ans.

Les enfants ne bénéficient qu’indirectement de la présence d’un EpiDog (qui est utile en premier lieu pour les parents ou les personnes qui s’occupent de l’enfant). Les rapports et les études disponibles suggèrent cependant que l’animal aurait aussi des retombées positives sur le plan médical et économique (en permettant d’éviter des hospitalisations). Ce type de chien a donc sa place parmi les moyens auxiliaires de l’AI servant à développer l’autonomie personnelle.

Contrairement à la remise aux enfants, la remise aux adultes et l’octroi d’une contribution aux frais est subordonnée à un objectif de réadaptation de l’AI au sens de l’art. 21, al. 1 ou 2 LAI.

 

1.3 Autres adaptations de l’OMAI

1.3.1 Droit à la substitution de la prestation / réparations dans le cadre du droit à la substitution de la prestation

Art. 2, al. 5

Abrogé

Cette disposition est obsolète, car le droit à la substitution de la prestation est déjà inscrit à l’art. 21bis LAI. L’actuel art. 2, al. 5, OMAI limite en outre d’une certaine façon l’art. 21bis en introduisant la précision «moins onéreux». De plus, la définition du droit à la substitution de la prestation est interprétée au sens large. Il importe peu qu’un moyen auxiliaire figure ou non sur la liste en annexe à l’OMAI.

Art. 7, al. 2bis

2bis Si les coûts d’un moyen auxiliaire plus coûteux que celui figurant dans la liste sont pris en charge en vertu de l’art. 21bis, al. 2, LAI, les frais de réparation sont pris en charge dans les mêmes proportions.

La disposition relative aux réparations est complétée par un alinéa qui garantit l’égalité de traitement entre assurés : lorsqu’un moyen auxiliaire est financé en vertu du droit à la substitution et qu’il est plus coûteux que le moyen auxiliaire figurant sur la liste, toute réparation sera financée à hauteur du même pourcentage que la participation aux frais d’acquisition. Dans le cas contraire, il y aurait une inégalité de traitement entre assurés et entre fournisseurs de prestations.

 

1.3.2 Suppression des indemnités d’amortissement pour les cyclomoteurs, les motocycles légers et les motocycles

10.01*
Abrogé

10.02*
Abrogé

L’indemnité d’amortissement pour les cyclomoteurs, les motocycles légers et les motocycles n’a plus de raison d’être. En effet, en 2021, seuls trois assurés en ont bénéficié, pour un total annuel de 2 500 francs. Si l’on excepte ces trois cas, seules les indemnités d’amortissement pour les voitures automobiles (ch. 10.04* OMAI) sont encore utilisées aujourd’hui.

Par conséquent, les ch. 10.01* et 10.02* OMAI sont abrogés. Le droit des bénéficiaires actuels sera cependant maintenu au titre de la garantie des droits acquis tant que les conditions de l’ancien droit sont remplies. Les indemnités d’amortissement pour les cyclomoteurs, les motocycles légers et les motocycles allouées jusqu’à fin 2023 seront donc toujours soumises au droit actuel.

 

1.3.3 Correction relative aux lits électriques

14.03 Lits électriques (avec potence mais sans matelas et sans autres accessoires)

pour l’utilisation au domicile privé des assurés qui en dépendent pour se coucher et se lever. La remise a lieu sous forme de prêt. Les assurés durablement grabataires sont exclus de ce droit.

Le prix d’achat d’un lit est remboursé à concurrence du montant maximal de 2 500 francs, TVA comprise. Le montant maximal remboursé pour les frais de livraison du lit électrique est de 250 francs, TVA comprise.

Une partie de la phrase du ch. 14.03 OMAI a été supprimée par erreur lors de la modification du 1er janvier 2017 («… qui en dépendent pour se coucher et se lever»). Cette erreur est désormais corrigée. L’expression n’avait pas été supprimée dans la CMAI.

 

2 Modification de l’OMAV

2.1 Chaussures orthopédiques : droit annuel

4.51 Chaussures orthopédiques sur mesure et chaussures orthopédiques de série, frais de fabrication inclus

Lorsqu’elles sont adaptées individuellement à une forme ou à une fonction pathologique du pied ou qu’elles remplacent un appareil orthopédique. La prestation de l’assurance peut être revendiquée une fois par année civile, à moins que des raisons médicales ne justifient un nouvel achat avant l’expiration de ce délai.

Cette modification répond à la motion 21.4036 «Chaussures orthopédiques pour personnes diabétiques. Stop au passage douloureux de l’AI à l’AVS !»

La prestation pourra être revendiquée chaque année et non plus tous les deux ans seulement. Près de 80% des assurés de l’AVS qui ont besoin de chaussures sur mesure et de chaussures orthopédiques de série sont atteints de diabète. Le droit à la prestation n’est toutefois pas limité aux diabétiques, ainsi que le demandait la motion, mais s’applique à tous les assurés concernés au titre de l’égalité de traitement.

Le ch. 4.51 OMAV est modifié de sorte à introduire un droit annuel à une contribution de l’AVS aux frais d’acquisition d’une paire de chaussures orthopédiques sur mesure ou de chaussures orthopédiques de série, frais de fabrication inclus (75% des coûts conformément à la convention tarifaire passée avec l’association Pied & chaussure).

Au vu de la durée d’octroi de cette prestation, les garanties de prise en charge existantes doivent être révisées d’office.

 

Lettre circulaire AI n° 433 : Modification des ordonnances concernant la remise de moyens auxiliaires par l’AI (OMAI) et l’AVS (OMAV) consultable ici

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.11.2023 consultable ici

OMAI – Modification d’ordonnance et commentaire (disponible ici)

OMAV – Modification d’ordonnance et commentaire (disponible ici)

 

 

Lettera circolare AI n. 433 / Modifiche delle ordinanze sulla consegna di mezzi ausiliari da parte dell’assicurazione per l’invalidità (OMAI) e dell’assicurazione per la vecchiaia (OMAV) disponibile qui

Ampliamento della consegna di mezzi ausiliari da parte dell’AI e dell’AVS, communicato stampa dell’UFAS disponibile qui

OMAI – Modifica dell’ordinanza e commento (disponibile qui)

OMAV – Modifica dell’ordinanza e commento (disponibile qui)

 

IV-Rundschreiben Nr. 433 / Änderungen der Verordnungen über die Abgabe von Hilfsmitteln durch die IV (HVI) und die AHV (HVA) hier abrufbar

Die Abgabe von Hilfsmitteln durch die IV und die AHV wird ausgebaut, Medienmitteilung von BSV hier abrufbar

HVI – Verordnungsänderung und Erläuterungen (hier abrufbar)

HVA – Verordnungsänderung und Erläuterungen (hier abrufbar)

 

 

9C_2/2023 (f) du 25.09.2023 – Survenance de l’invalidité chez un étudiant schizophrène – Montant de la rente chez un assuré n’ayant pas encore accompli sa vingt-cinquième année au moment de la survenance de l’invalidité / 37 al. 2 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_2/2023 (f) du 25.09.2023

 

Consultable ici

 

Survenance de l’invalidité chez un étudiant schizophrène / 4 LAI

Montant de la rente chez un assuré n’ayant pas encore accompli sa vingt-cinquième année au moment de la survenance de l’invalidité / 37 al. 2 LAI

 

Assuré, né en août 1994, titulaire d’un Master en droit obtenu en 2021, a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 08.09.2020.

L’office AI a confié un mandat d’expertise psychiatrique au centre B.__. Dans un rapport, le spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et la médecin assistante ont posé le diagnostic de schizophrénie indifférenciée (F20.3). Ils ont attesté que le début d’une symptomatologie polymorphe avec un retentissement important sur son fonctionnement et la construction psychique pouvait être identifié vers l’âge de 13 ans et correspondait à la première hospitalisation en milieu psychiatrique. L’incapacité de travail était de 100% dans toute activité en milieu économique en raison d’angoisses psychotiques avec manifestations cognitives, somatiques et dissociatives, en regard d’une désorganisation du comportement avec des rituels para-kinésies incontrôlables, sans perspective d’amélioration permettant la reprise d’une activité lucrative. Les experts ont précisé que le début de l’incapacité de travail pouvait être situé vers la fin de ses études, le mois de septembre 2020 coïncidant avec la demande de prestations d’invalidité. Le SMR s’est rallié à l’opinion des experts du centre B.__.

Par décision du 09.05.2022, l’office AI a alloué à son assuré une rente entière d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 100% à compter du 01.09.2021, d’un montant mensuel de 1’195 francs. Dans le calcul de la rente, l’office AI a tenu compte d’un revenu annuel moyen déterminant de 5’736 fr., d’une durée de cotisations de 6 ans et de l’échelle de rente 44 (rente complète).

 

Procédure cantonale

Par arrêt du 29.11.2022, la juridiction cantonale a admis le recours, réformé la décision administrative en ce sens que le montant de la rente devait être majoré à 133 1/3% du montant minimum de la rente complète correspondante et renvoyé la cause à l’office AI pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

TF

Consid. 3.2
Aux termes de l’art. 4 al. 2 LAI, l’invalidité est réputée survenue dès qu’elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération. Le moment de la survenance de l’invalidité doit être déterminé objectivement, d’après l’état de santé; des facteurs externes fortuits n’ont pas d’importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où l’assuré apprend, pour la première fois, que l’atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d’assurance (ATF 140 V 246 consid. 6.1 et les arrêts cités). En outre, selon l’art. 28 al. 1 LAI, l’assuré a droit à une rente s’il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) et si au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).

D’après l’art. 37 al. 2 LAI, lorsqu’un assuré comptant une durée complète de cotisations n’a pas encore accompli sa vingt-cinquième année au moment de la survenance de l’invalidité, la rente d’invalidité lui revenant et les rentes complémentaires éventuelles s’élèvent au moins à 133 1/3% du montant minimum de la rente complète correspondante.

Consid. 4
La juridiction cantonale a admis que la situation de l’assuré correspond à celle des assurés devenus invalides au cours de leurs jeunes années, soit après l’achèvement de leur formation professionnelle, de sorte qu’il convenait de déterminer s’il pouvait bénéficier de l’augmentation de la rente conformément à l’art. 37 al. 2 LAI. Elle a constaté que l’assuré a achevé sa formation en droit à 27 ans révolus. La durée d’étude a été de 9 ans (18 semestres, de septembre 2012 à novembre 2021), alors que le plan d’études prévoit 9 semestres (6 pour le Bachelor et 3 pour le Master). Pour savoir à partir de quand l’atteinte à la santé avait entravé le cours normal des études dans une mesure de 40% au moins sur une année, les juges cantonaux se sont fondés sur l’avis des experts du centre B.__ et du SMR qui ont retenu que l’assuré avait présenté des symptômes invalidants depuis ses treize ans et que les troubles psychiques avaient retardé l’achèvement de la formation. Ils ont dès lors admis que, dès cet âge, le cursus de formation s’était prolongé en raison de la maladie, à tout le moins à 40%, de sorte qu’on ne pouvait exclure, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré aurait terminé ses études avant sa vingt-cinquième année sans sa maladie. Les conditions d’une augmentation du montant de la rente en application de l’art. 37 al. 2 LAI étaient par conséquent réunies.

 

Consid. 6.1
Pour avoir droit au supplément de rente litigieux dont il est question à l’art. 37 al. 2 LAI, l’assuré aurait dû présenter une incapacité de travail d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (cf. art. 28 al. 1 let. b LAI), cela au plus tard lorsqu’il avait accompli sa vingt-cinquième année, soit en août 2019 (cf. ATF 137 V 417 consid. 2.3). Il faut ainsi déterminer à partir de quand l’atteinte à la santé psychique, qui a évolué depuis l’adolescence de l’assuré, l’a entravé dans la mise à profit de sa capacité de travail ou l’accomplissement de ses travaux habituels à hauteur de 40% au moins durant une année (cf. art. 28 al. 1 let. b et c, 28a al. 2 LAI; art. 26bis RAI).

Consid. 6.2
En retenant que les troubles psychiques ont retardé l’achèvement de la formation de l’assuré avant l’âge de vingt-cinq ans et que le cursus normal de formation s’est prolongé en raison de la maladie, dans une mesure de 40% au moins sur une année, les juges cantonaux n’ont pas apprécié la situation de façon insoutenable. Leur décision n’est pas contredite par un avis médical. En effet, si les troubles psychiques de l’assuré, qui existent depuis ses treize ans, ne l’ont pas empêché d’achever sans retard une formation bilingue gymnasiale en juillet 2012, puis de poursuivre ses études dans le domaine juridique à l’université F.__ (l’assuré y a obtenu son Bachelor en droit en février 2016 en travaillant à temps partiel auprès de la bibliothèque de cet établissement en qualité d’auxiliaire de juillet 2015 à février 2016), il en est allé différemment pour le Master en droit qu’il avait entrepris en 2016. L’assuré ne l’a achevé qu’en février 2021, ayant eu besoin de cinq ans alors que le plan d’études prévoit trois semestres. La durée inhabituellement longue de cette dernière formation s’explique, au degré de la vraisemblance prépondérante (cf. ATF 139 V 176 consid. 5.3), en raison de l’incidence délétère des troubles psychiques sur la capacité de l’assuré d’accomplir ses travaux habituels (c’est-à-dire la préparation du Master en droit), ces troubles ayant considérablement retardé le cursus de cette formation. L’atteinte à la santé a présenté un caractère progressivement déficitaire, aboutissant à une incapacité totale de travailler dès le mois de septembre 2020 selon les experts du centre B.__, qui ne l’ont toutefois pas quantifiée pour la période précédente.

En se limitant à alléguer que les médecins consultés avaient indiqué qu’une incapacité (totale) de travail avait débuté en septembre 2020, sans aborder la durée des études du Master, l’office AI recourant ne démontre pas que la constatation des juges cantonaux, qui retiennent une aggravation progressive de l’état de santé de l’assuré déjà bien avant ses vingt-cinq ans, était manifestement erronée, voire arbitraire. Cette constatation lie le Tribunal fédéral. Il s’ensuit que l’invalidité au sens de l’art. 4 al. 2 LAI est survenue avant que l’assuré ait atteint l’âge de vingt-cinq ans.

Consid. 6.3
Les constatations de l’instance cantonale sont en revanche très imprécises sur le moment à partir duquel la maladie a prolongé le cursus de formation. En effet, elle a simplement retenu que l’assuré « présente des symptômes invalidants depuis ses 13 ans et que les troubles psychiques ont retardé l’achèvement de sa formation », ajoutant que « on peut donc admettre que dès cet âge, le cursus de formation s’est prolongé en raison de la maladie, à tout le moins à 40% ».

Cet élément temporel doit pourtant être connu pour savoir si et comment la rente d’invalidité doit être majorée en vertu de l’art. 37 al. 2 LAI, car la loi requiert que l’assuré ait compté une durée complète de cotisations au moment de la survenance de l’invalidité. La survenance du cas d’assurance est déterminante pour calculer le montant de la rente. Il sied par conséquent de renvoyer la cause à l’office AI recourant afin qu’il puisse établir ce moment et statuer à nouveau. L’éventualité d’une majoration en application de l’art. 40 al. 3 LAI est réservée. En ce sens, la conclusion subsidiaire du recours est bien fondée.

Le TF admet partiellement le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_2/2023 consultable ici

 

Abattement forfaitaire : une meilleure comparaison des revenus pour les bénéficiaires de l’AI (selon le Conseil fédéral) – Détails et commentaires

Abattement forfaitaire : une meilleure comparaison des revenus pour les bénéficiaires de l’AI (selon le Conseil fédéral)

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 18.10.2023 [disponible ici]

Pour les assurés dont il est impossible de comparer les revenus effectifs avant et après la survenance de l’invalidité, la méthode d’évaluation du taux d’invalidité doit être améliorée. Les revenus hypothétiques employés jusqu’ici, critiqués parce que trop élevés, seront réduits en appliquant une déduction forfaitaire de 10% afin de tenir compte des limitations des personnes handicapées sur le marché du travail. Cette adaptation devrait conduire à une augmentation des rentes ainsi qu’à un plus grand nombre de reclassements. En réponse à la motion 22.3377, le Conseil fédéral a adopté lors de sa séance du 18 octobre 2023 une modification du règlement sur l’assurance-invalidité (RAI), qui entrera en vigueur le 1er janvier 2024.

Le taux d’invalidité est déterminant pour le montant d’une rente AI. Il est calculé en comparant le revenu qu’une personne réalisait avant la survenance de l’invalidité avec celui qu’elle peut encore réaliser une fois invalide. Exprimée en pourcentage, cette différence donne le taux d’invalidité. Si une personne assurée ne réalise pas de revenu, il faut déterminer quel revenu elle serait théoriquement en mesure d’obtenir compte tenu de sa situation. Pour ce faire, on se base sur les données de l’Office fédéral de la statistique (OFS), qui couvrent de nombreuses professions à différents niveaux de compétence. Ces données reflètent les revenus surtout des personnes sans invalidité, qui ont tendance à être plus élevés que ceux que peuvent obtenir les personnes handicapées.

Or, si la comparaison des revenus est basée sur un revenu hypothétique trop élevé, la différence avec le revenu réalisé avant l’invalidité est plus faible, et le taux d’invalidité, plus bas. La rente sera par conséquent elle aussi plus basse et, dans certains cas limites, l’assuré peut même perdre complètement le droit à une rente. La réforme de l’AI entrée en vigueur en 2022 a déjà permis de remédier en partie à ce problème. Afin de le corriger encore mieux, la modification du RAI adoptée par le Conseil fédéral prévoit que, lors de la comparaison des revenus, une déduction forfaitaire de 10% sera appliquée au revenu hypothétique tiré des données de l’OFS. Ce pourcentage se fonde sur une étude du bureau BASS en 2021. La déduction forfaitaire, qui fait office de facteur de correction, est facile à appliquer, peut être mise en œuvre dès début 2024 sans nécessiter d’adaptations importantes et sera instaurée de manière permanente.

 

Les rentes en cours également concernées

Cette méthode s’appliquera à toute nouvelle rente AI pour laquelle, faute de revenu effectif, un revenu hypothétique doit servir de base de calcul. Les rentes en cours, elles, devront être révisées par les offices AI dans un délai de trois ans. Ce changement concerne les quelque 30’000 bénéficiaires qui ne touchent pas actuellement de rente entière (c’est-à-dire ceux dont le taux d’invalidité est inférieur à 70%).

 

Conséquences financières pour l’AI et les autres assurances sociales

Selon une estimation sommaire, le coût supplémentaire attendu pour l’AI s’élève à 82 millions de francs par an. Étant donné que la même base de calcul est utilisée pour l’examen du droit à un reclassement et à une rente, davantage de personnes auront désormais droit à un reclassement. Le coût supplémentaire est difficile à estimer de manière fiable, mais le Conseil fédéral s’attend à une augmentation de 40 millions de francs.

Pour ce qui est des prestations complémentaires (PC), l’augmentation des rentes AI permettra d’une part de faire des économies. Néanmoins, étant donné qu’un plus grand nombre de personnes auront droit à une rente et donc potentiellement aussi à des PC, ce changement entraînera également des dépenses supplémentaires. Estimé à 14 millions de francs par an, ce coût sera assumé aux 5/8 par la Confédération et aux 3/8 par les cantons.

D’après une estimation approximative, le coût supplémentaire pour la prévoyance professionnelle pourrait s’élever à environ 30 millions de francs par an.

 

Modification du RAI [disponible ici]

Nouvelle teneur de l’art. 26bis al. 3 RAI (dès le 1er janvier 2024) :

Une déduction de 10% est opérée sur la valeur statistique visée à l’al. 2. Si, du fait de l’invalidité, l’assuré ne peut travailler qu’avec une capacité fonctionnelle au sens de l’art. 49, al. 1bis, de 50% ou moins, une déduction de 20% est opérée. Aucune déduction supplémentaire n’est possible.

 

Dispositions transitoires relatives à la modification du …

1 Pour les rentes en cours à l’entrée en vigueur de la modification du … qui correspondent à un taux d’invalidité inférieur à 70% et pour lesquelles le revenu avec invalidité a été déterminé sur la base de valeurs statistiques et n’a pas déjà fait l’objet d’une déduction de 20%, une révision est engagée dans les trois ans qui suivent l’entrée en vigueur de la présente modification. Si la révision devait conduire à une diminution ou à une suppression de la rente, il y sera renoncé. Si elle devait conduire à une augmentation de la rente, celle-ci prendra effet à l’entrée en vigueur de la présente modification.

2 Lorsque l’octroi d’une rente ou d’un reclassement a été refusé avant l’entrée en vigueur de la modification du … parce que le taux d’invalidité était insuffisant, une nouvelle demande n’est examinée que s’il est établi de façon plausible qu’un calcul du taux d’invalidité effectué en application de l’art. 26bis, al. 3, pourrait aboutir cette fois à la reconnaissance d’un droit à la rente ou au reclassement.

 

Rapport explicatif (après la consultation) du 18.10.2023 [disponible ici]

Une base de calcul sera introduite au 1er janvier 2024, sous la forme d’une déduction forfaitaire permettant, lors de la détermination du revenu avec invalidité au moyen de valeurs statistiques, de tenir compte des possibilités de revenu réelles des personnes atteintes dans leur santé. Cette déduction forfaitaire est une mesure permanente.

 

Instauration d’une déduction forfaitaire à long terme

Le projet d’élaboration de barèmes de salaires sur le modèle Riemer-Kafka/Schwegler ne sera pas poursuivi. L’introduction de barèmes ESS éventuellement adaptés aurait pour conséquence d’abolir la déduction forfaitaire ou de la remplacer par ces mêmes barèmes, ce qui entraînerait une nouvelle révision et une adaptation des rentes concernées. Une telle révision pourrait détériorer la situation de certains assurés, étant donné qu’un calcul basé sur des barèmes ESS adaptés peut résulter en un taux d’invalidité inférieur à celui obtenu par déduction forfaitaire. De fait, les offices AI se trouveraient en charge de procédures de révision complexes et parfois longues (y compris les procédures de recours) pendant plusieurs années. On estime qu’ils devraient procéder par deux fois à quelque 30’000 révisions en l’espace de quelques années. Il en résulterait de plus une surcharge de travail pour les experts médicaux et la pénurie de ressources dans ce domaine s’en trouverait augmentée. Pour les personnes concernées, cela entraînerait un allongement des délais d’attente, déjà parfois très longs aujourd’hui. Des adaptations répétées des bases de calcul dans un domaine aussi complexe que celui de l’évaluation du taux d’invalidité génèreraient une grande insécurité. Il faudrait s’attendre à un nombre important de questions et de problèmes imprévisibles dans la mise en œuvre des dispositions du droit fédéral. Pour toutes ces raisons, il conviendra de procéder à une évaluation complète de l’impact de la déduction forfaitaire mais également des conséquences des nouveautés introduites au 1er janvier 2022 par le développement continu l’AI sur le calcul du taux d’invalidité. Cette évaluation sera réalisée par l’OFAS dans le cadre du programme de recherche de l’AI (PR AI). S’appuyant sur les résultats de cette évaluation, le Conseil fédéral décidera s’il y a lieu de modifier une nouvelle fois le calcul du taux d’invalidité, et dans quelle mesure.

 

Pourcentage de la déduction forfaitaire

Les revendications en faveur d’une déduction supérieure à 10% ne seront pas prises en compte.

 

Dispositions transitoires

Les rentes en cours sont adaptées au nouveau droit dans la mesure suivante : toute rente en cours dont le bénéficiaire n’avait pas encore atteint l’âge de 55 ans au 1er janvier 2022 et présente un taux d’invalidité de 40 à 69% est soumise à une révision dans un délai de trois ans à compter de l’entrée en vigueur de la déduction forfaitaire. Lors de la révision, la situation de l’assuré fait donc en principe l’objet d’un examen complet (sur le plan médical et économique). L’on omettra toutefois de procéder à la révision si celle-ci déboucherait sur une situation moins favorable pour l’assuré du seul fait de cette modification du droit en vigueur.

La demande formulée lors de la consultation de ne pas procéder à des révisions qui nécessiteraient un examen complet de la situation médicale et économique des assurés bénéficiant d’une rente en cours, a été examinée en détail. Or ni la LPGA ni la LAI ne permettent de recalculer purement et simplement le taux d’invalidité d’un assuré. En effet, d’une part, l’introduction d’un tel recalcul au niveau du règlement limiterait la compétence des offices AI de procéder à des révisions des rentes. D’autre part, cette approche constituerait une dérogation au principe de l’instruction de la demande visée à l’art. 43 LPGA. L’introduction d’une telle réglementation n’est pas licite et doit dès lors être rejetée.

Une partie des participants souhaite en outre que les personnes qui se sont vu refuser un reclassement par le passé en raison d’un taux d’invalidité trop bas puissent déposer une nouvelle demande. Les dispositions transitoires ont été adaptées en conséquence. Il faut donc s’attendre à ce que le nombre de reclassements augmente encore à l’avenir, ce qui répond à la demande exprimée dans la motion.

 

Proposition de nouvelle réglementation pour l’évaluation du taux d’invalidité

Concernant la demande, formulée dans le cadre de la consultation, de procéder à des déductions individuelles en plus de la déduction forfaitaire sur le revenu statistique, il faut donc retenir que ces facteurs sont déjà pris en compte, mais à un stade plus précoce de l’évaluation du taux d’invalidité (capacité fonctionnelle individuelle, mise en parallèle) et non plus au moyen de telles déductions. Les éventuelles limitations dues à l’atteinte à la santé déjà incluses dans l’évaluation de la capacité de travail ou de la capacité fonctionnelle ne peuvent pas également entrer dans le calcul de la déduction liée à l’atteinte à la santé, car sinon, elles seraient au final prises en compte à double (ATF 148 V 174, consid. 6.3 ; ATF 146 V 16, consid. 4.1 avec remarques).

Les autres dispositions réglementaires relatives à l’évaluation du taux d’invalidité introduites le 1er janvier 2022 dans le cadre du DC AI demeurent inchangées.

La mise en œuvre de la déduction forfaitaire peut se faire au niveau réglementaire, étant donné qu’en vertu de l’art. 28a al. 1 LAI, le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables. L’introduction d’une déduction forfaitaire est en outre compatible avec l’art. 8 Cst. Le législateur n’est pas tenu de tenir compte de chaque inégalité de fait et de prévoir, à cet égard, des conséquences juridiques différentes. Certaines schématisations et simplifications peuvent se justifier pour des raisons pratiques (notamment de faisabilité en matière d’exécution) et de sécurité juridique, pour autant que ces schématisations ne conduisent pas à des résultats qui ne semblent plus adéquats et raisonnables. Etant donné qu’aucune personne ou groupe de personnes ne seraient d’emblée touchés de manière inacceptable par cette généralisation, la déduction forfaitaire est dans le cas présent justifiée. En particulier, des facteurs tels que le statut de séjour ou la nationalité sont déjà pris en compte lors de la mise en parallèle du revenu sans invalidité.

Cette déduction ne pose aucun problème d’interprétation ni d’application pour la pratique administrative ou la jurisprudence : elle est fondée sur le même principe que les déductions auparavant opérées en raison de l’atteinte à la santé, garantit une égalité de traitement, est compatible avec le système actuel et est aisément compréhensible. Les nouvelles bases de calcul permettront d’octroyer des prestations (reclassements, rentes) conformes à la loi, en augmentant les chances de réussite de la réadaptation et en octroyant des rentes calculées de manière adéquate. Ceci vaut en particulier pour les femmes et les personnes qui exercent des activités dans des secteurs où les salaires sont plutôt bas.

 

Mise en œuvre

Une modification des dispositions légales se répercute en principe aussi sur les prestations en cours, sous réserve de dispositions transitoires contraires (ATF 121 V 157 consid. 4a). Afin de garantir l’égalité de traitement entre tous les assurés, l’adaptation des rentes en cours doit être réglée par une disposition transitoire.

Les bénéficiaires de rentes qui auront atteint l’âge de 55 ans au 1er janvier 2022 ne sont toutefois pas concernés. En effet, dans ce cas, c’est la réglementation des droits acquis figurant à la let. c des dispositions transitoires de la modification de la LAI du 19 juin 2020 qui s’applique. Pour ces personnes, les dispositions légales en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021 resteront applicables jusqu’à leur sortie de l’assurance-invalidité.

Les rentes en cours doivent être adaptées au nouveau droit (ATF 121 V 157 consid. 4a). La modification du droit se subroge, en l’occurrence, au motif de la révision. Conformément au principe de l’instruction visé à l’art. 43 al. 1 LPGA, les offices AI sont tenus de prendre d’office les mesures d’instruction nécessaires. Doivent à cet égard être examinés tous les éléments pertinents pour les prestations (tels que les facteurs médicaux et économiques). Les offices AI déterminent eux-mêmes la nature et l’étendue de l’instruction nécessaire (art. 43 al. 1bis LPGA). La disposition transitoire prévoit qu’une révision des rentes en cours concernées doit être entamée dans un délai de trois ans. Pour tous les assurés concernés, l’augmentation de la rente prendra effet à l’entrée en vigueur de la modification réglementaire (à savoir, au 1er janvier 2024), indépendamment de la date à laquelle la révision a été initiée. L’on omettra toutefois de procéder à la révision si celle-ci déboucherait sur une situation moins favorable pour l’assuré du seul fait de cette modification du droit en vigueur (réduction ou suppression de la rente). Par contre, les assurés percevant une rente complète ne feront pas l’objet d’un examen, puisque leur rente ne peut être augmentée.

Les nouveaux taux d’invalidité fixés par l’AI sont repris par la prévoyance professionnelle pour le calcul de ses prestations.

Les personnes dont la demande de rente a déjà été refusée ne feront pas l’objet d’un examen automatique selon les nouvelles dispositions. Les assurés concernés devront eux-mêmes déposer une nouvelle demande conformément aux règles générales.

 

Conséquences pour l’AI

Rentes : En moyenne, il faut s’attendre à des coûts supplémentaires de l’ordre de 40 millions de francs par an pour l’effectif actuel des rentes et de l’ordre de 42 millions de francs par an pour les nouveaux bénéficiaires. Les dépenses de l’AI devraient donc augmenter d’environ 82 millions de francs par année.

Mesures d’ordre professionnel : Le montant actuel versé par l’AI pour ces mesures est d’environ 98 millions de francs, dont 16 millions de frais de déplacement. Il faut y ajouter environ 260 millions de francs pour les indemnités journalières versées aux assurés. Le nombre de personnes présentant un taux d’invalidité inférieur à 20% n’est pas connu. Étant donné que ce taux ne représente qu’une condition parmi d’autres, il n’est possible d’estimer que très approximativement les frais supplémentaires engendrés par l’octroi de nouvelles mesures de reclassement (y c. indemnités journalières accessoires et frais de déplacement). On peut s’attendre à une augmentation des coûts d’environ 40 millions de francs par an.

Office AI : L’introduction de la déduction forfaitaire accroîtra la charge de travail des offices AI. D’une part, pour près de 30’000 assurés, la rente devra être révisée et le taux d’invalidité recalculé en tenant compte de la nouvelle déduction forfaitaire. D’autre part, il faut s’attendre à recevoir de nouvelles demandes de prestations, tant pour les rentes que pour les reclassements. Cette charge supplémentaire devrait perdurer trois à quatre ans après l’entrée en vigueur, raison pour laquelle la durée des nouveaux postes créés est limitée à quatre ans. Il faudra compter deux ans pour le recalcul des taux et trois pour le traitement des nouvelles demandes. Les besoins supplémentaires en personnel s’élèvent à 24 équivalents plein temps environ, ce qui correspond à près de 4,3 millions de francs par an.

 

Conséquences pour les prestations complémentaires

Pour les PC, la déduction forfaitaire proposée engendrera, d’une part, des économies dans les cas où la rente AI augmente et, d’autre part, des frais supplémentaires dans les cas où une nouvelle rente est octroyée.

Les dépenses supplémentaires nettes pour les PC sont donc d’environ 14 millions de francs par an, ce qui engendre pour la Confédération des frais supplémentaires nets de l’ordre de 9 millions de francs par an liés au financement partiel (5/8) des PC (art. 13 al. 1 LPC). Pour les cantons, qui assument aussi le financement partiel des PC (3/8), il en résulte également des dépenses supplémentaires de l’ordre de 5 millions de francs par an.

 

Conséquences pour la prévoyance professionnelle

Les prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle sont calculées sur la base du taux d’invalidité établi par l’AI. Si ces taux deviennent plus élevés, les rentes servies par la prévoyance professionnelle augmenteront en conséquence, ainsi que leur nombre. Il faut cependant rappeler ici que les prestations de la prévoyance professionnelle sont réduites en cas de surindemnisation. En outre, les institutions de prévoyance disposent d’une grande marge de manœuvre dans la partie surobligatoire et peuvent décider dans quelle mesure elles veulent répercuter dans ce domaine une augmentation du taux d’invalidité qui n’est contraignante que pour le régime obligatoire. Les estimations qui suivent ne donnent donc qu’un ordre de grandeur du supplément de coût.

Le montant annuel total des rentes d’invalidité versées par la prévoyance professionnelle (régime surobligatoire compris) s’élevait environ à 1,9 million de francs en 2020 [ndr : il s’agit probablement d’une coquille dans le rapport et qu’il doit s’agir de 1.9 milliard de francs]. Partant de l’hypothèse selon laquelle le taux d’invalidité est basé sur un salaire statistique dans deux tiers des cas, la somme des rentes versées par la prévoyance professionnelle augmenterait d’une valeur estimée à 1,6% avec une déduction forfaitaire du revenu avec invalidité de 10%, ce qui correspond à un montant d’environ 30 millions de francs par an.

 

Conséquences pour l’assurance-accidents et assurance militaire

Seule la législation sur l’AI prévoit une norme de délégation pour l’instauration de la nouvelle déduction forfaitaire. Une telle déduction ne peut donc pas être introduite au niveau réglementaire dans l’assurance-accidents et l’assurance militaire, ce qui signifie qu’elle n’est pas applicable.

Les dispositions censées s’appliquer en dehors de l’AI devraient en principe être inscrites dans la LPGA ou dans l’ordonnance correspondante. On peut aussi se demander si une déduction forfaitaire de 10% dans l’assurance-accidents et l’assurance militaire serait judicieuse. En effet, dans l’assurance-accidents, un taux d’invalidité de 10% donne déjà droit à une rente, alors que dans l’AI, celle-ci n’est accordée qu’à partir d’un taux d’invalidité de 40%. Ainsi, l’introduction d’une déduction forfaitaire dans l’assurance-accidents engendrerait une augmentation du nombre de rentes octroyées et donc une hausse des coûts.

Lorsque l’assuré touche déjà une rente AI, l’assurance-accidents ne verse qu’une rente complémentaire. Si l’AI verse de nouvelles rentes ou des rentes plus élevées, l’assurance-accidents réalisera des économies ; il n’est actuellement pas possible d’estimer leur montant.

 

Conséquences pour l’assurance-chômage

L’assurance-chômage (AC) couvre uniquement la capacité de gain résiduelle (capacité de travail). Si les taux d’invalidité augmentent, le gain assuré des personnes bénéficiant de prestations AI et AC sera revu à la baisse en raison de leur capacité de gain résiduelle plus faible ; les indemnités journalières de l’AC s’en trouveront réduites. Si l’augmentation des rentes AI ou des taux d’invalidité a lieu avec effet rétroactif à la date d’entrée en vigueur de la présente modification (1er janvier 2024), l’AC demandera rétroactivement le remboursement de l’indemnité versée en trop à partir de cette date ou la compensera avec les prestations de l’AI. Pour les bénéficiaires d’indemnités journalières de l’AC qui se sont auparavant vu refuser une rente AI en raison d’un taux d’invalidité trop faible, et qui l’obtiendront désormais après avoir déposé une nouvelle demande, l’AC pourrait exiger un remboursement de l’AI. Les économies supplémentaires réalisées par l’AC ainsi que les éventuels coûts supplémentaires ne peuvent pour l’instant pas être quantifiés.

 

Commentaires et remarques personnelles

Le conseiller fédéral Alain Berset avait déjà évoqué cette possibilité d’un abattement forfaitaire lors de la séance du 14.12.2022 au Conseil national (cf. notre article ici).

Initialement proposée comme une solution provisoire, l’abattement forfaitaire devient donc permanent. La justification pour ne pas procéder à une correcte détermination du revenu avec invalidité, par exemple par l’élaboration de tableaux ESS spécifiques, ne saurait convaincre.

Par ailleurs, le Conseil fédéral mentionne que les éléments qui faisaient auparavant l’objet d’un abattement, en particulier les limitations fonctionnelles (physiques ou psychiques), sont désormais pris en compte par les médecins dans le cadre de la capacité fonctionnelle restante de la personne assurée. Le Conseil fédéral précise que les limitations dues au handicap au sens strict (limitations quantitatives ou qualitatives dans l’exercice de la profession) sont déjà systématiquement prises en compte dans l’évaluation de la capacité fonctionnelle de l’assuré. Par rapport à la pratique actuelle, ce nouveau système améliore la situation des assurés, car la déduction liée à l’atteinte à la santé n’est plus limitée à un maximum de 25% du salaire statistique.

Dans le cadre de ma pratique quotidienne, je n’ai pas vu de franches différences entre l’évaluation de la capacité de travail telle qu’effectuée avant la 7e révision AI (DCAI) et l’évaluation de la capacité fonctionnelle selon le nouveau droit. Bien au contraire, l’impression qui domine est que la personne assurée est doublement pénalisée dans le cadre du nouveau droit : le médecin du SMR n’examine pas la capacité fonctionnelle (mais uniquement la capacité de travail exigible) et l’administration n’octroie plus d’abattement en raison des limitations fonctionnelles. Cette notion de « capacité fonctionnelle » demeure obscure, tant pour les praticiens que pour les médecins. Là où le Tribunal fédéral reconnaissait un abattement en sus d’une baisse de rendement (p. ex. 8C_849/2017 du 5 juin 2018 consid. 3.2 et la référence.), ces situations ne font plus l’objet d’une appréciation différente que celle de la capacité de travail exigible. La situation d’une majorité d’assurés ne se trouve ainsi pas améliorée par le nouveau droit en vigueur.

L’abattement forfaitaire de 10% ne permet pas de réparer les mésestimations de la capacité fonctionnelle des personnes assurées. Il aurait, au contraire, été plus juste de maintenir une appréciation par les médecins de la capacité de travail exigible puis de laisser à l’administration le soin de déterminer le revenu avec invalidité au moyen de données statistiques fiables, cas échéant corrigées par un abattement justifié dans le cas d’espèce. La solution hybride actuelle n’est de loin pas satisfaisante.

Enfin, on ne peut qu’être étonné par l’absence de volonté d’une harmonisation de l’évaluation de l’invalidité. Comme le relève pourtant le Conseil fédéral dans le rapport sur les résultats de la consultation, la Suva et l’ASA ont souligné qu’il faudrait coordonner la déduction forfaitaire avec l’assurance-accidents et l’assurance militaire. L’absence d’une norme de délégation créerait une insécurité juridique indésirable dans ces deux branches d’assurance, de sorte qu’il incomberait aux tribunaux de déterminer si la déduction forfaitaire y est également applicable. Des dossiers resteraient ainsi en suspens pendant de longues années, ce qui est très fâcheux tant pour les assureurs que pour les assurés concernés. En ancrant dans le RAI et non dans l’OPGA l’abattement forfaitaire de 10%, la situation des assurés victime d’un accident ne sera pas harmonisée. Pour le surplus, nous renvoyons la lectrice et le lecteur au ch. 302 ss et 314 ss de notre article « Revenu d’invalide selon l’ESS – une mise à jour » par in Jusletter 21 novembre 2022.

 

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 18.10.2023 consultable ici

Modification du RAI et rapport explicatif (après la consultation) du 18.10.2023 disponible ici

Fiche d’information « Calcul du taux d’invalidité », 18.10.2023, disponible ici

Rapport sur les résultats de la consultation, octobre 2023, disponible ici

Documents de la consultation et les avis exprimés disponibles ici

Motion CSSS-N 22.3377 « Utiliser des barèmes de salaires correspondant à l’invalidité dans le calcul du taux d’invalidité » consultable ici

Cf. également le communiqué de presse du 18.10.2023 d’Inclusion Handicap [en français / en allemand]

 

La deduzione forfettaria migliora il confronto dei salari delle persone con invalidità, Comunicato stampa del Consiglio federale del 18.10.2023 disponibile qui

Pauschalabzug verbessert den Lohnvergleich für Menschen mit Invalidität, Medienmitteilung des Bundesrates vom 18.10.2023 hier abrufbar

 

8C_169/2023 (f) du 25.08.2023 – Remboursement des frais et dépens – Juste valeur le travail des défenseurs très rarement considéré – Grief de la réduction régulière rejeté par le TF- 61 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_169/2023 (f) du 25.08.2023

 

Consultable ici

 

Remboursement des frais et dépens – Admission partielle du recours par l’instance cantonale / 61 LPGA

Juste valeur le travail des défenseurs très rarement considéré – Grief de la réduction régulière rejeté par le TF

 

Assuré, engagé en qualité de technicien « audio/vidéo » dès le 14.01.2019.

Le dimanche 08.12.2019, après avoir violé une règle de signalisation routière, le prénommé a été arrêté par la police cantonale valaisanne puis soumis à des éthylotests qui se sont révélés positifs. Son permis de conduire a été immédiatement saisi puis, au terme de la procédure administrative ouverte en raison de ces faits, lui a été retiré pour une durée de trois mois.

Le 13.12.2019, l’employeur a résilié les rapports de travail avec effet immédiat, à la suite de quoi l’assuré s’est inscrit comme demandeur d’emploi, faisant valoir son droit à l’indemnité de chômage à compter du 16.12.2019.

L’assuré et la caisse de chômage, subrogée à l’assuré dans ses droits, ont contesté le licenciement. Le litige a abouti à une transaction judiciaire prévoyant le versement par l’employeur d’un montant de 7’000 fr., pour solde de tout compte, en faveur de l’assuré.

Par décision du 11.05.2020, la caisse a sanctionné l’assuré de 35 jours de suspension du droit à l’indemnité de chômage, au motif qu’il s’était retrouvé sans travail par sa propre faute, en raison du retrait de son permis de conduire. Saisie d’une opposition, la caisse l’a partiellement admise par décision du 21.10.2020. Elle a confirmé que l’assuré s’était retrouvé sans travail par sa propre faute, soulignant en particulier que celui-ci avait besoin d’un permis de conduire pour mener à bien son activité professionnelle et qu’il ne pouvait pas ignorer que, par son comportement, il avait pris le risque d’être licencié. Tenant compte du fait que les conditions d’une résiliation avec effet immédiat n’étaient pas remplies, elle a néanmoins réduit à 25 jours la durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 95/14 – 85/2015 – consultable ici)

Par jugement du 09.02.2023, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision en ce sens que la durée de la suspension de l’indemnité de chômage était réduite à 16 jours. La cour cantonale a par ailleurs condamné la caisse à verser à l’assuré une indemnité de dépens de 1’200 fr.

 

TF

Consid. 2.1
Selon l’art. 61 let. g LPGA, le recourant qui obtient gain de cause a droit au remboursement de ses frais et dépens dans la mesure fixée par le tribunal; leur montant est déterminé sans égard à la valeur litigieuse d’après l’importance et la complexité du litige. Pour le reste, la fixation du montant de l’indemnité de dépens ressortit au droit cantonal (art. 61 première phrase LPGA; arrêt 9C_714/2018 du 18 décembre 2018 consid. 9.2, non publié in ATF 144 V 380). Sous réserve des cas cités à l’art. 95 let. c à e LTF qui n’entrent pas en considération dans le cas particulier, le recours ne peut pas être formé pour violation du droit cantonal. En revanche, il est toujours possible de faire valoir que la mauvaise application du droit cantonal constitue une violation du droit fédéral, en particulier qu’elle est arbitraire au sens de l’art. 9 Cst. ou contraire à d’autres droits ou principes constitutionnels (ATF 143 I 321 consid. 6.1). Un tel moyen tiré de la violation d’un droit constitutionnel doit être expressément soulevé et développé avec la précision requise à l’art. 106 al. 2 LTF (ATF 138 I 1 consid. 2.1; 133 III 462 consid. 2.3).

Consid. 2.2
Appelé à revoir l’interprétation d’une norme cantonale sous l’angle de l’arbitraire, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d’un droit certain. En revanche, si l’application de la loi défendue par l’autorité cantonale ne s’avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution éventuellement plus judicieuse paraît possible. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 148 I 145 consid. 6.1 et les arrêts cités).

Consid. 3
La cour cantonale a octroyé une indemnité de dépens au recourant dans la mesure où celui-ci avait obtenu partiellement gain de cause (art. 61 let. g LPGA et 91 al. 1 de la loi cantonale valaisanne du 6 octobre 1976 sur la procédure et la juridiction administratives [RS/VS 172.6]). Relevant que la mandataire du recourant avait produit une note d’honoraires d’un montant total de 3’491 fr. 96 (débours et TVA compris), elle a considéré que le nombre d’heures facturées paraissait cependant trop important (13,5 heures) et devait être diminué. En particulier, la durée attribuée à la rédaction du recours (7.5 heures) ne se justifiait pas dans la présente cause. En outre, la durée totale tenait compte d’opérations qui ne relevaient pas de l’activité proprement dite de l’avocat ou qui étaient déjà comprises dans les honoraires, à l’instar des frais de secrétariat, des activités de nature administrative (transmission de pièces ou de copies), ainsi que de brefs contacts téléphoniques et de l’établissement de télécopies ou de brèves correspondances. En conséquence, au vu de l’activité utile déployée dans la présente cause, comprenant un recours de 20 pages, de la teneur des pièces déposées, de la complexité moyenne de l’affaire, de l’ampleur réduite du dossier et du fait que le recourant n’obtenait que partiellement gain de cause, les juges cantonaux ont fixé l’indemnité de dépens à un montant arrondi à 1’200 francs, débours et TVA compris, en application des art. 4 al. 1, 27 al. 1 et al. 4 et 40 al. 1 de la loi cantonale valaisanne du 11 février 2009 fixant le tarif des frais et dépens devant les autorités judiciaires ou administratives (LTar; RS/VS 173.8) et de la jurisprudence en la matière.

Consid. 4
Le recourant reproche à la cour cantonale de considérer très rarement à leur juste valeur le travail des défenseurs, se référant à plusieurs arrêts rendus par celle-ci ou par le Tribunal fédéral. Dans le cas d’espèce, il soutient qu’après déduction des débours et de la TVA, l’indemnité octroyée par les premiers juges représente 3 heures 20 de travail utile ([1’200 fr. – 927 fr. 70 de débours et 74 fr. 45 de TVA] / 260 fr. par heure). Il expose ensuite les opérations effectuées par sa mandataire, telle que l’analyse juridique qui impliquait également un aspect civil (existence d’un motif de licenciement immédiat) et reproche d’ailleurs à la cour cantonale d’avoir omis que la cause impliquait aussi des analyses et recherches juridiques en plus de la rédaction du recours. Il en conclut qu’il est arbitraire de considérer qu’une durée de 13,5 heures de travail serait excessive, alors que plus de deux ans depuis la clôture des échanges d’écritures avaient été nécessaires à l’autorité pour rendre son jugement. Le recourant fait également valoir que l’art. 4 LTar – aux termes duquel les dépens couvrent en principe les frais indispensables occasionnés par le litige – ne prévoit pas l’exclusion des opérations ne relevant pas de l’activité proprement dite de l’avocat. Il serait en particulier arbitraire d’exclure les brefs contacts téléphoniques et l’établissement de brèves correspondances, lesquels étaient pourtant indispensables en l’espèce. Le recourant fait par ailleurs valoir que les 1’200 fr. octroyés ne représentent que 11 % de la fourchette prévue à l’art. 40 LTar. Enfin, la décision attaquée serait également arbitraire dans son résultat puisqu’elle inciterait l’avocat à limiter son travail au lieu de prendre le temps nécessaire à une défense correcte du client. Les réductions des dépens, telles qu’opérées par la cour cantonale, auraient même pour conséquence d’empêcher l’accès aux tribunaux au sens des art. 29 ss Cst. En effet, la diligence de l’avocat imposerait d’annoncer aux clients que même s’ils obtenaient gain de cause, une partie des honoraires seraient à leur charge, alors qu’en matière d’assurances sociales, la majorité des assurés seraient démunis.

Consid. 5
En l’occurrence, devant la cour cantonale, le recourant concluait à l’annulation de la décision sur opposition du 21 octobre 2020 et à ce qu’il soit constaté qu’il n’avait commis aucune faute au sens de l’art. 30 LACI. A titre subsidiaire, il demandait une suspension, pour faute légère, d’une durée maximale de trois jours. Or la cour cantonale, en retenant une faute moyenne de la part du recourant et en le sanctionnant de 16 jours de suspension du droit à l’indemnité de chômage, ne l’a formellement suivi dans aucune de ses conclusions. Dans ces conditions, l’indemnité de dépens octroyée n’apparaît en tout cas pas arbitraire dans son résultat. D’ailleurs, le recourant ne conteste pas que celle-ci devait être réduite et il n’y a pas lieu d’examiner ce qu’il en serait s’il avait eu pleinement gain de cause. Autrement dit, même à considérer que la note d’honoraires produite comprenait uniquement des opérations relevant de l’activité proprement dite de l’avocat et que celles-ci étaient indispensables au regard de l’affaire, les premiers juges pouvaient lui allouer une indemnité de 1’200.-. représentant un peu plus d’un tiers de la note finale, compte tenu du fait que le recourant a eu gain de cause dans une faible mesure. Pour le reste, en tant que le recourant entend faire condamner une pratique restrictive de la cour cantonale, son argumentation est mal fondée. En effet, il n’y a pas lieu d’examiner dans la présente procédure le montant des indemnités octroyées dans d’autres jugements cantonaux. Quant aux affaires portées devant le Tribunal fédéral, elles ont certes abouti à des admissions partielles en ce qui concerne les arrêts 9C_519/2020 du 6 mai 2021 et 9C_411/2016 du 21 novembre 2016 mais également à un rejet du recours dans la cause 8C_792/2013 du 25 février 2015. On ne saurait donc en déduire une pratique arbitraire ou entravant l’accès au juge d’une quelconque manière. En invoquant « l’accès aux tribunaux au sens des art. 29 Cst. ss », l’argumentation ne répond d’ailleurs pas aux exigences de motivation accrues de l’art. 106 al. 2 LTF.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_169/2023 consultable ici