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9C_820/2019 (f) du 25.02.2020 – Moyens auxiliaires pour malvoyant – 21 LAI – 14 RAI – OMAI / Logiciel permettant la lecture de tout type de documents électroniques (Voice Dream Reader) et formation heures pour pouvoir utiliser de manière efficace le logiciel et une tablette (iPad Pro)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_820/2019 (f) du 25.02.2020

 

Consultable ici

 

Moyens auxiliaires pour malvoyant / 21 LAI – 14 RAI – OMAI

Logiciel permettant la lecture de tout type de documents électroniques (Voice Dream Reader) et formation heures pour pouvoir utiliser de manière efficace le logiciel et une tablette (iPad Pro)

Pas de reconnaissance du droit des personnes aveugles ou malvoyantes à la prise en charge des coûts d’une formation à l’usage d’une tablette ou d’un smartphone de manière générale

 

Assuré, avocat indépendant, atteint d’une rétinite pigmentaire bilatérale, au bénéfice notamment d’une allocation pour impotent depuis le 01.10.1991 et d’une demi-rente d’invalidité à partir du 01.03.1996. L’office AI lui a également octroyé des moyens auxiliaires dès 1996, en particulier un équipement informatique de la place de travail et un appareil de lecture.

Le 12.09.2017, l’assuré a sollicité, par l’intermédiaire du Service Romand d’Informatique Pour Handicapés de la Vue (SRIHV), la prise en charge des coûts d’un logiciel permettant la lecture de tout type de documents électroniques (Voice Dream Reader), ainsi que ceux d’une formation pour malvoyant à l’utilisation d’une tablette (iPad Pro) comme outil de travail, à titre de moyens auxiliaires. Par décision, l’office AI a rejeté la demande.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1014/2019 – consultable ici)

La juridiction cantonale a admis, en se référant au ch. 13.01 de l’annexe à l’OMAI (« Instruments de travail et appareils ménagers rendus nécessaires par l’invalidité; installations et appareils accessoires; adaptations nécessaires à la manipulation d’appareils et de machines ») et à l’arrêt 9C_360/2013 du 14 octobre 2013 consid. 5.1, que dans la mesure où l’iPad est un instrument de nature à faciliter l’exercice de l’activité lucrative de l’assuré, les coûts supplémentaires nécessaires à son usage qui sont liés à l’invalidité, doivent en principe être pris en charge, car, sans eux, l’assuré ne pourrait pas l’utiliser. Les juges cantonaux ont aussi mentionné le ch. 1036 CMAI, relatif à la prise en charge d’une formation aux moyens auxiliaires, qui prévoit que si les instructions relatives à l’utilisation du moyen auxiliaire sont en principe comprises dans le prix d’achat, l’assurance-invalidité peut toutefois prendre en charge les frais d’un entraînement à l’emploi proprement dit lors de la première remise (par ex. entraînement auditif et cours de lecture labiale pour les adultes). Etant donné que le SRIHV a attesté qu’il était nécessaire que l’assuré suive une formation spécifique d’environ six heures pour pouvoir utiliser de manière efficace l’iPad et le logiciel Voice Dream Reader, les juges cantonaux ont considéré que les coûts d’une « formation de six heures à l’usage d’un iPad » devaient être pris en charge par l’assurance-invalidité.

Par jugement du 06.11.2019, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision et renvoyant la cause à l’office AI pour nouvelle décision au sens des considérants, selon lesquels les coûts de la formation requise par l’assuré devaient être pris en charge par l’assurance-invalidité.

 

TF

Le ch. 2102 de la Circulaire de l’OFAS concernant la remise des moyens auxiliaires par l’assurance-invalidité (CMAI), relatif au ch. 11.01 de l’annexe à l’OMAI « Cannes blanches et systèmes de navigation pour piétons », prévoit que des appareils de détection des obstacles pour protège-torse (par ex. canne laser, Ultra Body Guard) et des systèmes de navigation (par ex. Trekker Breeze) ou des aides à la navigation (par ex. applications spécifiques pour aveugles telles que Blindsquare) peuvent être remis au besoin en plus d’une canne blanche. Le ch. 2102.1 CMAI précise que pour que l’assuré puisse se former au bon usage d’un smartphone ou d’une tablette, une formation de base de 20 heures au plus peut être prise en charge sur demande motivée d’un spécialiste de la réadaptation. Le spécialiste doit notamment préciser pourquoi une formation en groupe est insuffisante. Le taux horaire pour une telle formation se fonde sur la convention tarifaire conclue avec UCBA (www.bsvlive.admin.ch/vollzug/documents). Une formation complémentaire individuelle de 20 heures au plus à l’emploi d’un smartphone ou d’une tablette peut être prise en charge pour permettre à l’assuré d’utiliser des applications spécifiques (calendrier, horaire de transports publics, traitement de texte, notes, courriel, localisation, mobilité, etc.; ch. 2102.2* CMAI).

 

En admettant que les coûts d’une formation à l’usage d’un iPad devaient être pris en charge par l’assurance-invalidité, la juridiction cantonale n’a pas pris en considération que l’iPad ne correspond pas à un moyen auxiliaire sous l’angle du ch. 13.01 de l’annexe à l’OMAI puisque, comme elle l’a reconnu à juste titre, il fait partie de l’équipement de travail de base (cf. arrêt 9C_80/2012 du 23 juillet 2012 consid. 1.2). Or le droit de l’assuré à la prise en charge des coûts d’une formation suppose que celle-ci ait pour but l’usage d’un moyen auxiliaire (cf. art. 7 al. 1 OMAI, ch. 1036 CMAI; cf. aussi arrêt 9C_631/2015 du 21 mars 2016 consid. 3.3 et 3.4). Cela étant, dans la mesure où l’assuré a, en raison de son atteinte à la santé, besoin d’une formation pour qu’il puisse utiliser de manière efficace tant l’iPad que le logiciel Voice Dream Reader, et où les juges cantonaux ont considéré que ledit logiciel est un moyen auxiliaire, le jugement cantonal est conforme au droit dans son résultat. En effet, le logiciel Voice Dream Reader, dont les coûts d’acquisition n’ont en l’espèce pas été pris en charge par l’assurance-invalidité car ils n’excédaient pas 400 fr. (cf. ch. 13.01 de l’annexe à l’OMAI), est en l’occurrence un moyen auxiliaire qui est étroitement lié à l’utilisation de l’iPad, et dont l’usage entraîne des besoins d’apprentissage indissociables de ceux découlant de l’utilisation de l’iPad (rapport du Centre d’Information et de Réadaptation de l’Association pour le Bien des Aveugles et malvoyants du 28 février 2019). Dès lors, la prise en charge des coûts, par l’assurance-invalidité, d’une formation de six heures pour pouvoir utiliser de manière efficace le logiciel Voice Dream Reader et l’iPad est conforme au droit, sans qu’il apparaisse adéquat de délimiter le temps nécessaire à l’entraînement pour utiliser le moyen auxiliaire et celui nécessaire à l’apprentissage lié à l’usage de l’iPad, au vu aussi de la difficulté de déterminer sur une aussi courte période de formation les proportions temporelles respectives.

Contrairement à ce que soutient l’assuré, il n’y a en revanche pas lieu de reconnaître le droit des personnes aveugles ou malvoyantes à la prise en charge des coûts d’une formation à l’usage d’une tablette ou d’un smartphone de manière générale.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_820/2019 consultable ici

 

 

Enquête suisse sur la structure des salaires en 2018: premiers résultats

Enquête suisse sur la structure des salaires en 2018: premiers résultats

 

Communiqué de presse de l’OFS du 21.04.2020 consultable ici

Tableau TA1_skill_level (utilisé dans le domaine des assurances sociales) de l’ESS 2018 est disponible ici

 

Pour l’ensemble de l’économie (secteurs privé et public ensemble), le salaire médian était en 2018 de 6538 francs bruts par mois pour un poste à plein temps. Les écarts salariaux sont toujours marqués entre les branches économiques et aussi selon les régions. Entre le haut et le bas de la pyramide des salaires, les différences sont restées relativement stables entre 2008 et 2018. En Suisse, près d’un tiers des salariés touche des boni. C’est ce qu’indiquent les premiers résultats de l’enquête suisse sur la structure des salaires de l’Office fédéral de la statistique (OFS).

Le salaire médian en 2018 s’est élevé à 6538 francs bruts par mois. Les 10% des salariés les moins bien rémunérés ont tous gagné moins de 4302 francs par mois alors que les 10% les mieux payés gagnent tous plus que 11 698 francs.

En Suisse, le paysage salarial présente de fortes disparités selon les branches économiques. Les niveaux de rémunération sont clairement supérieurs au salaire médian dans les activités économiques à forte valeur ajoutée telles que les activités informatiques et services d’information (9000 francs), l’industrie pharmaceutique (9747 francs) ou encore les services financiers (9921 francs). Au bas de l’échelle des salaires, on retrouve l’industrie textile et de l’habillement (5095 francs), le commerce de détail (4875 francs), l’hébergement et la restauration (4412 francs) et les services personnels (4144 francs).

 

Les écarts salariaux restent relativement stables entre 2008 et 2018

La fourchette générale des salaires, à savoir l’écart global entre les salaires les plus élevés et ceux les plus bas, est restée relativement stable entre 2008 et 2018. Durant cette même période, les 10% des personnes les mieux payées ont vu leur rémunération augmenter de 9,1%. Les salariés appartenant à la « classe moyenne » ont connu une augmentation salariale de 7,3% alors que la hausse des salaires pour les 10% des personnes les moins bien payées s’est montée à 9,6%.

 

La valeur des boni a continué d’augmenter en 2018

En 2018, près de 1 salarié sur 3 (32,8%) a reçu des boni, c’est-à-dire un paiement irrégulier annuel qui vient s’ajouter au salaire de base. De 2008 à 2014, la valeur monétaire moyenne des boni attribués a diminué, passant de 11 698 francs en 2008 à 7939 francs en 2014. La valeur moyenne annuelle des boni a connu une première hausse en 2016 (9033 francs). En 2018, le montant des boni a continué à augmenter pour s’établir à 9913 francs. La valeur des boni varie considérablement selon les branches économiques et selon le niveau de responsabilité occupé au sein de l’entreprise. Ainsi, pour les cadres supérieurs, la valeur monétaire des boni atteint par exemple 16 138 francs en moyenne annuelle dans le commerce de détail, 21 432 francs dans la construction, 79 989 francs dans l’industrie pharmaceutique, 89 028 francs dans les services financiers. Les personnes n’occupant pas de fonction dirigeante perçoivent également des boni mais leur valeur monétaire moyenne sur une année est bien plus basse (4137 francs). Dans la grande majorité des branches économiques, les boni représentent une composante à la fois flexible et pleinement intégrée au système global de rémunération du travail salarié.

 

La part des postes à bas salaires a légèrement augmenté entre 2016 et 2018

En Suisse, le nombre de postes à bas salaires (équivalent à un niveau de rémunération inférieur à 4359 francs bruts par mois pour un temps plein) a légèrement augmenté en 2018 pour atteindre 353 000 contre 329 000 en 2016. Les branches économiques qui présentent un taux élevé de postes à bas salaires sont les suivantes : le commerce de détail (24,4%), la restauration (44,7%), l’industrie de l’habillement (56%) ou encore les services personnels (57,3%). En 2018, plus de 480 000 personnes perçoivent un bas salaire, soit 12,1% des salariés. Parmi ces salariés 64,4% sont des femmes (2016: 66,4%).

 

Les inégalités salariales entre les femmes et les hommes diminuent progressivement

Dans l’ensemble de l’économie, l’écart de salaire entre les femmes et les hommes a atteint 11,5% en 2018 contre 12,0% en 2016 et 12,5% en 2014. Dans le secteur privé, les femmes ont gagné en 2018 14,4% de moins que les hommes alors que dans le secteur public, cette différence globale est de 11,4%. Ce différentiel des niveaux de rémunération entre les sexes s’explique en partie par des profils structurels et des activités exercées différentes (notamment le niveau de responsabilité du poste occupé ou la branche économique). Ces écarts salariaux mettent en évidence l’insertion professionnelle inégale qui existe entre le personnel féminin et masculin sur le marché du travail.

Le différentiel salarial entre les sexes est d’autant plus marqué que la position dans la hiérarchie est élevée. Ainsi, les femmes occupant les postes à haute responsabilité gagnent 8872 francs bruts alors que la rémunération de leurs collègues masculins – occupant le même niveau de responsabilité – se monte à 10 893 francs, soit une différence de 18,6%. L’écart salarial en défaveur du personnel féminin est moins marqué pour les postes de travail exigeant des niveaux plus bas de responsabilité (9,4%) et de 7,6% pour les femmes sans fonction de cadre.

En 2018, la répartition des femmes et des hommes en fonction des classes salariales était la suivante: 58,3% des postes dont le niveau de salaire est inférieur à 4500 francs bruts par mois sont occupés par des femmes. A l’inverse, 82,4% des emplois dont la rémunération dépasse 16 000 francs bruts mensuels sont occupés par des hommes.

 

Main-d’œuvre étrangère: disparités salariales selon les permis de séjour

Au niveau de l’ensemble de l’économie, on constate que la rémunération des personnes salariées de nationalité suisse reste en moyenne plus élevée que celle versée à leurs collègues de nationalité étrangère, soit respectivement 6873 francs contre 5886 francs. Globalement, ce différentiel salarial en faveur des salariés suisses par rapport au personnel étranger se retrouve quelle que soit la catégorie de permis de séjour.

En revanche, pour les postes exigeant un haut niveau de responsabilité, la main-d’œuvre étrangère gagne des salaires plus élevés que ceux versés aux salariés de nationalité suisse. Ainsi, les frontaliers occupant des postes à haut niveau de responsabilité gagnent 10 750 francs, les bénéficiaires d’une autorisation de séjour 12 510 francs contre 10 138 francs pour les salariés suisses.

Cette situation s’inverse lorsque l’on considère les postes de travail n’exigeant pas de responsabilité hiérarchique. Avec 6260 francs, la rémunération des salariés de nationalité suisse n’occupant pas de fonction de cadre est supérieure aux salaires versés à la main-d’œuvre étrangère, soit 5699 francs pour les frontaliers et 5189 francs pour les salariés disposant d’une autorisation de séjour.

 

Hiérarchie régionale des salaires: Zürich toujours en tête

Le paysage des salaires en Suisse diffère significativement selon les espaces considérés. Pour les emplois les plus qualifiés, les niveaux de rémunération sont régulièrement plus élevés dans les régions de Zürich (9221 francs) et du Nord-Ouest (BS, BL, AG) avec 8874 francs. A l’autre bout de l’échelle régionale des salaires, on retrouve le Tessin, qui connaît les plus bas niveaux de rémunération, que ce soit pour les emplois les plus qualifiés (7367 francs) ou pour ceux qui exigent le moins de qualification (4222 francs). Cette hiérarchie régionale des salaires s’explique en grande partie par la concentration de branches économiques à forte valeur ajoutée dans certains espaces ainsi qu’aux spécificités structurelles des marchés régionaux du travail.

 

 

Commentaire/Remarques

Pro memoria, pour fixer le revenu d’invalide, il y a lieu de se fonder au moment de la décision sur les données les plus récentes (arrêts du Tribunal fédéral 8C_520/2016 du 14 août 2017 consid. 4.3.1 et la référence ; 9C_767/2015 du 19 avril 2016 consid. 3.4).

S’agissant de l’indexation des salaires nominaux, les chiffres pour 2019 paraîtront normalement d’ici une à deux semaines.

 

 

Communiqué de presse de l’OFS du 21.04.2020 consultable ici

Tableau TA1_skill_level (utilisé dans le domaine des assurances sociales) de l’ESS 2018 en français, italien et allemand

Les autres tableaux de l’ESS 2018 parfois utilisés dans le domaine des assurances sociales :

 

 

9C_470/2019 (f) du 02.03.2020 – Revenu sans invalidité chez une jeune avant apprentissage mais après son choix de métier – 16 LPGA – 28a al. 1 LAI – 26 RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_470/2019 (f) du 02.03.2020

 

Consultable ici

 

Revenu sans invalidité chez une jeune avant apprentissage mais après son choix de métier / 16 LPGA – 28a al. 1 LAI – 26 RAI

Vraisemblance prépondérante de la formation qui aurait été entreprise

 

Assurée, née en 1995, était en 9e année du cursus scolaire en voie secondaire générale (VSG) et envisageait une formation d’éducatrice de la petite enfance, lorsqu’elle a été victime d’un accident de la circulation routière, le 24.10.2010, qui a notamment entraîné un TCC sévère avec des difficultés neuropsychologiques séquellaires et une parésie cubitale traumatique.

Avec l’aide de l’AI, qui lui a accordé des mesures de réadaptation professionnelle, l’assurée a entrepris un apprentissage en septembre 2012 qui a abouti à l’obtention d’un CFC d’employée de commerce en été 2016. L’assurée a ensuite bénéficié d’une mesure d’aide au placement, sous la forme notamment de deux stages comme employée de commerce durant l’année 2017. A la suite du second stage, elle a été engagée en qualité de secrétaire, à un taux d’occupation de 40%, pour un salaire mensuel de 1746 fr. 65, versé treize fois l’an.

L’office AI a reconnu le droit de l’assurée à un quart de rente d’invalidité (taux d’invalidité de 46%) dès le 01.08.2016, sous déduction des indemnités journalières octroyées du 03.04.2017 au 30.09.2017.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 226/18 – 173/2019 – consultable ici)

La juridiction cantonale a procédé à l’évaluation du niveau de l’assurée et a nié qu’il fût possible d’établir que l’intéressée aurait pu obtenir un diplôme d’une école supérieure (ES) dans la filière « éducation de l’enfance » ou un diplôme d’une Haute école spécialisée (HES) dans la filière de formation « travail social » sans la survenance de l’accident. Dès lors qu’au moment de l’accident, celle-ci suivait un cursus scolaire, non pas en voie baccalauréat, mais en voie secondaire générale (VSG), dont le débouché naturel n’est pas l’entrée au gymnase, mais en apprentissage, les juges cantonaux ont constaté que le chemin pour obtenir un diplôme ES/HES aurait été long et parsemé de raccordements. Leurs constatations à cet égard font en effet état d’une durée de formation allant de six à dix ans pour l’obtention d’un diplôme auprès d’une HES ou ES. La cour cantonale a considéré qu’une projection sur une durée de cinq à dix ans depuis l’accident apparaissait « pour le moins aléatoire », ce d’autant plus qu’il n’était en particulier pas établi que l’assurée avait les capacités pour entrer au gymnase, puis, dans l’affirmative, également pour suivre ensuite avec succès une formation dans une HES ou ES.

Le revenu sans invalidité a été fixé à 65’552 fr. 40, correspondant au salaire obtenu par les femmes travaillant dans le secteur « Santé humaine et action sociale », niveau de compétence 2, femmes, selon l’ESS 2016 (T1_skill_level, 86-88).

Par jugement du 29.05.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Conformément à la jurisprudence, l’art. 26 al. 2 RAI est également applicable lorsque l’assuré n’a pas été en mesure, en raison de la survenance de l’atteinte à la santé, de commencer la formation auquel il se destinait et par rapport à laquelle il avait eu des projets concrets (arrêt 9C_163/2017 précité consid. 4.1). En conséquence, il n’y a pas lieu de revenir sur l’application en tant que telle de cette disposition, contestée à tort par l’office AI.

Contrairement à ce que soutient l’assurée, le fait qu’elle a « manifesté, à de nombreuses reprises sa volonté de se former par le biais du gymnase, suivi d’une formation ultérieure en tant qu’éducatrice de l’enfance » ne suffit pas pour admettre que le gymnase en voie diplôme n’était pas « qu’une éventualité, conditionnée à l’obtention d’un certain nombre de points », comme l’ont retenu les juges cantonaux. On ne saurait en effet inférer de la circonstance que la voie gymnasiale constituait, pour reprendre les termes de l’assurée, « son premier choix », qu’elle aurait eu les capacités pour suivre un tel cursus. Le fait que les médecins et autres professionnels ayant suivi l’intéressée l’aient décrite comme une personne volontaire, s’investissant pleinement dans ses études, et capable de passer beaucoup de temps pour apprendre ses cours ne permet pas non plus d’établir qu’elle aurait obtenu les points nécessaires pour entrer au gymnase sans la survenance de l’accident en octobre 2010. En l’espèce, au moment de l’accident, l’assurée était en 9e année VSG, soit un cursus scolaire dont le débouché naturel est l’entrée en apprentissage. Or, sous l’angle de l’art. 26 al. 2 RAI, il importe que la formation à laquelle se destinait la personne assurée apparaisse réaliste compte tenu de ses capacités avant la survenance de l’atteinte à la santé, comme c’est le cas lors de l’évaluation du revenu sans invalidité d’une jeune personne ayant subi une atteinte à la santé au moment où elle débutait son parcours professionnel (cf. arrêt 8C_612/2014 du 28 avril 2015 consid. 4.2.2.2). Partant, en considérant que l’entrée au gymnase en voie de diplôme n’était qu’une éventualité parmi d’autres, pas suffisamment certaine pour retenir l’obtention d’une maturité, les juges cantonaux n’ont pas fait preuve d’arbitraire.

L’argumentation de l’assurée, selon laquelle si même à admettre que sans la survenance de l’accident, la seule voie envisageable pour elle aurait été un apprentissage d’assistante socio-éducative, on ne saurait en déduire qu’elle n’aurait pas complété celui-ci par « une formation ES de deux ans ou par une maturité professionnelle, puis un diplôme HES », ne peut pas non plus être suivie. Il ne suffit en effet pas d’affirmer qu’elle « a été entravée dans sa formation et a dû opter pour une formation inférieure à celle qu’elle entendait effectuer » pour établir, selon le degré de la vraisemblance prépondérante, qu’elle aurait commencé et terminé avec succès une formation dans une HES ou une ES en complément de son CFC d’ASE si elle n’avait pas été victime d’un accident en 2010. L’application de l’art. 26 al. 2 RAI présuppose en effet qu’il y ait des indications concrètes que l’assuré aurait effectivement achevé sa formation sans l’atteinte à la santé ; de simples déclarations d’intention ou spéculations ne suffisent pas (arrêt I 318/94 du 22 juin 1995 consid. 1b et les arrêts cités).

Au demeurant, on ajoutera dans ce contexte que selon la jurisprudence, la notion de formation professionnelle à laquelle se réfère l’art. 26 al. 2 RAI correspond à la formation professionnelle de base (« berufliche Grundausbildung »), et non à une formation ultérieure (« entsprechende Weiterbildung » ; arrêt I 104/96 du 10 mars 1997 consid. 2a, confirmé par l’arrêt 8C_550/2009 du 12 novembre 2009 consid. 4.2), sans qu’il apparaisse nécessaire d’examiner l’argumentation de l’assurée sous cet angle.

En conclusion, il n’y a pas lieu de s’écarter du résultat de l’évaluation du taux d’invalidité effectuée par la juridiction cantonale.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_470/2019 consultable ici

 

 

Remarque : un élément m’échappe. Même en lisant le consid. 4/cc de l’arrêt de la juridiction cantonale, la question de l’utilisation du T1_skill_level au lieu du TA1_skill_level se pose. Ce d’autant plus que la cour cantonale précise que « les deux [arrêts] plus récents ont été rendus sur la base du tableau TA1_skill_level de l’ESS 2012 ». L’office AI a fixé le revenu sans invalidité sur la base du tableau TA1.

Pour rappel, il convient en règle générale de se référer à la table TA1 « secteur privé » ; la table T1 valable pour l’ensemble du secteur privé et public est généralement utilisé lorsque l’assuré a exercé sa dernière activité dans le secteur public (cf. par exemple l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3).

Dans le cas d’espèce, prendre le tableau T1 est à l’avantage de l’assurée, le tableau TA1_skill_level donnant généralement des revenus légèrement inférieurs (in casu, 5’156 francs pour le TA1 et 5’240 francs pour le T1).

 

 

 

Rapport de recherche no 1/20 « Conditions pour réduire le dommage dans l’assurance-invalidité »

Rapport de recherche « Conditions pour réduire le dommage dans l’assurance-invalidité »

 

Rapport complet disponible ici (en allemand avec des résumés en français, italien et anglais)

 

Avant-propos de l’Office fédéral des assurances sociales

Depuis la 5e révision de la loi sur l’assurance-invalidité (LAI), cette assurance suit le principe selon lequel « la réadaptation prime la rente » ; elle applique donc une approche résolument axée sur la réadaptation. Une telle approche est également attendue des assurés : en vertu de la LAI, l’assuré doit en effet entreprendre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui pour réduire la durée et l’étendue de son incapacité de gain et pour empêcher la survenance d’une invalidité ; c’est ce que la jurisprudence désigne par le terme d’obligation de réduire le dommage. Pour garantir que ces efforts soient faits, l’office AI peut assortir la prestation octroyée, par exemple une mesure de réadaptation ou une rente, d’une ou plusieurs conditions. Si l’assuré ne les respecte pas, l’office AI peut prononcer une sanction, sous forme de réduction ou de suspension des prestations.

Aucun état des lieux systématique n’a été réalisé jusqu’ici sur les conditions relatives à cette obligation. Ni leur mise en œuvre ni leurs effets n’ont fait non plus l’objet d’une analyse détaillée. C’est ce que s’attache à faire le présent rapport. Il aborde la question sous plusieurs angles et répond notamment aux questions suivantes : À quelle fréquence, selon quels principes et à l’égard de quels assurés les offices AI émettent-ils des conditions pour réduire la durée et l’étendue de l’incapacité de gain ? Comment ces conditions sont-elles perçues par les différents acteurs, y compris par les assurés concernés ? Quels sont les effets de ces conditions ?

Le rapport montre que cet instrument n’est que rarement utilisé. Cependant, la pratique des offices AI en la matière est très variable et les modalités de mise en œuvre sont réglées différemment d’un office AI à l’autre. Les offices ont tendance à ne poser des conditions que lorsque des moyens plus modérés pour encourager l’assuré à participer activement à une mesure de réadaptation ou à suivre un traitement médical (par exemple, des accords oraux et écrits ou des plans d’intégration) n’ont pas porté leurs fruits. L’examen du profil des assurés montre que ce sont avant tout des jeunes atteints dans leur santé psychique qui se voient imposer de telles conditions : il est généralement exigé d’eux qu’ils participent activement à une mesure de réadaptation ou qu’ils suivent un traitement psychiatrique ou une psychothérapie. De plus, la participation à des mesures de réadaptation implique souvent l’abstinence totale de toute substance addictive.

Les résultats obtenus et les connaissances acquises grâce au présent rapport de recherche constituent une première base de discussion pour l’OFAS et les offices AI, en vue d’optimiser la pratique en matière de conditions relatives à l’obligation de réduire le dommage, et de l’appliquer.

 

 

Résumé en français

Le droit suisse des assurances sociales oblige l’assuré à entreprendre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui pour réduire la durée et l’étendue de son incapacité de travail et pour empêcher la survenance d’une invalidité (art. 21, al. 4, LPGA ; art 7, al. 1, LAI). Le principe de l’obligation de réduire le dommage se concrétise notamment dans le fait que l’office AI peut assortir l’octroi d’une prestation (rente, mesure de réinsertion par ex.) de conditions. Il oblige donc l’assuré à adopter un certain comportement, que l’office AI juge propre à réduire le dommage relevant du droit des assurances (par ex. suivre un traitement médical). Le comportement imposé à l’assuré doit être proportionné et raisonnablement exigible. Les conditions émises à l’octroi de prestations de l’AI dans le cadre de l’obligation de réduire le dommage sont formulées sous la forme d’une injonction écrite, qui en décrit les termes, fixe un délai adéquat et signale les suites juridiques de leur non-observation (mise en demeure et délai de réflexion). Si l’assuré ne respecte pas les conditions qui lui sont imposées, l’office AI peut le sanctionner en réduisant ou refusant la prestation. La décision correspondante est susceptible de recours, l’injonction écrite ne l’est pas.

 

Questions et méthodologie de l’étude

Les auteurs de la présente étude, conduite à la demande de l’OFAS, ont examiné la question de savoir à quelle fréquence, dans quelles situations et comment les offices AI recourent à pareilles conditions pour réduire le dommage, et quels effets cet instrument déploie.

Pour avoir une vue d’ensemble de la situation à l’échelle de la Suisse, ils se sont fondés d’une part sur un sondage réalisé en ligne auprès des offices AI cantonaux, de l’autre sur une analyse statistique de la fréquence des conditions visant à réduire le dommage et de la caractérisation des groupes cibles. Les auteurs ont utilisé pour ce faire des données du registre AI et – dans la mesure où elles existaient – des données individuelles des offices AI sur les conditions. Partant de là, ils ont sélectionné quatre offices AI afin de procéder à des examens plus poussés. Ces derniers ont consisté dans une analyse quantitative du déroulement de 206 cas dans lesquels des conditions visant à réduire le dommage avaient été imposées aux assurés. En complément, les auteurs de l’étude ont interrogé par écrit une partie de ces assurés. Enfin, dernier volet, ils ont examiné plus précisément la manière dont les quatre offices AI mettent les conditions en œuvre au moyen d’une analyse documentaire, d’échanges d’information et d’un entretien en groupe avec chacun d’entre eux, et discuté des modes opératoires qui ont prouvé leur efficacité.

 

État des lieux

  • Les conditions visant à réduire le dommage sont rares : les offices AI imposent rarement des conditions, leur part dans le total des versements de prestations AI dans le domaine des rentes ou de la réadaptation (mesures d’ordre professionnel MOP, mesures de réinsertion MR) s’élève à 1,9% par an. La proportion varie toutefois considérablement d’un canton à l’autre, de 0,1% à 3,5%. Comme une personne peut se voir imposer plusieurs conditions, la part des personnes percevant une prestation AI qui sont concernées est légèrement inférieure, avec 1,7%. Selon les estimations des cantons, jusqu’à un tiers des conditions sont fixées avant même qu’une prestation ne soit accordée, mais il n’existe aucune donnée sur le sujet. Mesurée à l’aune des bénéficiaires de prestations, la part des personnes soumises à condition pourrait atteindre 2,5%.
  • Les conditions portent souvent sur la participation active à la réadaptation ou à un traitement psychiatrique ou psychologique : les termes des conditions imposées dans le cadre de rentes ou de mesures de réadaptation se distinguent considérablement les uns des autres. Dans le domaine de la réadaptation, plus de deux tiers des conditions visent une participation active à la mesure de réadaptation. Il s’agit le plus souvent d’assurer que l’intéressé participera bel et bien à la mesure. En deuxième position, on trouve les conditions relatives à un traitement psychiatrique ou psychologique. Environ 1/5e des conditions fixées dans le domaine de la réadaptation concerne le comportement en matière de santé. L’objectif est souvent l’abstinence. Dans le domaine des rentes, les conditions portent dans les trois quarts des cas sur des traitements psychiatriques ou psychologiques. Il s’agit le plus souvent de thérapies ambulatoires, sans prise de médicaments, suivies de thérapies ambulatoires associées à la prise de médicaments. Les thérapies dispensées en institution sont plus rares. Les autres conditions médicales telles que traitement médicamenteux indépendante du traitement psychiatrique ou psychologique ou de la chirurgie, représentent une part d’un pour cent de toutes les conditions et sont donc très rares.
  • Des conditions sont surtout imposées aux personnes les plus jeunes atteintes dans leur santé psychique : les troubles psychiques sont la cause la plus fréquente des conditions imposées. 77% des personnes concernées dans le domaine des rentes et 54% de celles qui le sont dans le domaine de la réadaptation sont atteintes dans leur santé psychique, alors que ces personnes représentent respectivement 46% et 45% de tous les bénéficiaires de prestations dans les deux domaines. Ce sont les personnes souffrant d’un handicap psychique qui se voient le plus fréquemment imposer des conditions. La fréquence des handicaps psychiques ayant augmenté ces dernières années, l’inclusion des conditions dans les études qui seront réalisées dans ce domaine pourraient être riches d’enseignements. En deuxième position, on trouve comme cause d’imposition de conditions les handicaps physiques (25% des conditions pour les MOP/MR, 11% des conditions pour les rentes). Ces proportions se situent toutefois au-dessous des parts des handicaps physiques parmi les bénéficiaires de prestations (30% pour les bénéficiaires de MOP/MR, 24% pour les bénéficiaires de rente).

Les personnes les plus touchées par des conditions sont âgées de 25 à 44 ans : 47% des personnes concernées dans le domaine des rentes et 39% de celles qui le sont dans le domaine de la réadaptation appartiennent à ce groupe d’âges. En comparaison, sur le total des bénéficiaires de MOP/MR, 24% sont âgés de 25 à 44 ans, et ils sont 36% chez les bénéficiaires d’une rente. Dans le domaine de la réadaptation, les jeunes adultes (18 à 24 ans) sont aussi légèrement surreprésentés par des conditions avec une part de 35%. Leur groupe d’âges représente 32% de l’ensemble des bénéficiaires de MOP/MR.

Les hommes sont légèrement plus souvent visés par des conditions que les femmes dans le domaine de la réadaptation en comparaison de la part qu’ils représentant dans le total des bénéficiaires (66% vs. 60%). Dans le domaine des rentes, les deux sexes sont à peu près à égalité. Les étrangers par une condition sont légèrement surreprésentés par rapport à leur proportion dans l’ensemble, aussi bien dans le domaine des rentes (28% vs. 22%) que dans celui de la réadaptation (26% vs. 23%).

 

Mise en œuvre et méthodes éprouvées

  • Les conditions visant à réduire le dommage ne sont pas faciles à appliquer : la grande majorité des offices AI qualifient de plutôt exigeant, pour le moins, d’apprécier à l’avance si telle ou telle condition apportera une amélioration substantielle (par ex. une amélioration de la capacité de travailler qui influe sur la rente). Ils ressentent pour la plupart comme exigeant d’assurer un maniement uniforme et adapté, de fixer comme condition un degré de concrétisation adéquat et de contrôler si une condition est respectée, tout comme d’associer l’assuré ou le médecin traitant.
  • Différences notables dans la mise en œuvre : il existe de grandes différences entre les offices AI et entre le domaine de la réadaptation et celui des rentes dans la manière de mettre en œuvre les conditions. C’est particulièrement vrai pour l’association de l’assuré, du médecin traitant dans le cas des conditions médicales ou du partenaire chargé de l’exécution dans celui des mesures de réadaptation. Quelques offices AI fixent parfois des conditions visant à réduire le dommage avant même d’accorder une prestation à un assuré, d’autres l’excluent explicitement.
  • Mesures visant à assurer la qualité, en particulier lors de l’estimation de l’exigibilité raisonnable et de la proportionnalité : les quatre offices AI examinés appliquent une série de mesures pour assurer une bonne qualité du maniement de l’obligation de réduire les dommages. Il s’agit en particulier d’outils écrits d’aide à la décision, de formations spécifiques pour les collaborateurs ou de l’application du principe du double contrôle. Un (grand) office AI délègue les cas dans lesquels il en va de l’obligation de réduire les dommages à des spécialistes spécialement formés à cet effet.
  • Stratégies de « convaincre de l’assuré », en particulier dans la réadaptation : dans le domaine de la réadaptation, il existe plusieurs méthodes pour « convaincre » l’assuré de suivre une mesure visant à réduire le dommage. Mise en demeure et délai de réflexion n’ont tendance à être utilisés que si les moyens plus « doux » d’encourager la participation active à une mesure de réadaptation ont échoué. Il s’avère être un avantage d’associer au processus le partenaire chargé de l’exécution et le médecin traitant. Cette manière de faire a aussi prouvé son utilité dans le domaine des rentes dans l’un des quatre offices AI examinés.
  • Contrôle adapté du respect des conditions : il est possible d’adapter au cas par cas la souplesse ou la sévérité du contrôle de l’observation d’une condition lorsqu’on a bien observé le comportement passé de l’assuré et qu’on sait précisément ce dont il souffre. Trouver le bon équilibre entre confiance et contrôle est un facteur important pour le succès de la réduction du dommage. Les formes de contrôle appliquées dépendent largement de la nature de la condition. Le contrôle a tendance à être étroit dans le cas de conditions liées à l’abstinence (alcool ou drogues illégales), il est plus limité dans le cas des traitements psychiatriques ou psychologiques.

 

Effets

  • Les assurés comprennent les conditions, mais sont parfois surpris : le sondage des assurés montre qu’une grande majorité d’entre eux comprend en principe les termes de la condition. Un quart des personnes interrogées ont toutefois été surprises de se voir imposer une condition visant à réduire le dommage. Plus de la moitié des personnes interrogées se sont senties mises sous pression. Elles ont en effet un avis partagé sur le délai fixé par l’office AI pour l’observation de la condition.
  • Les conditions sont respectées par la moitié des assurés : l’analyse des dossiers a abouti au résultat que les conditions visant à réduire le dommage ont été respectées dans environ la moitié des cas examinés, même s’il existe des différences considérables entre le domaine de la réadaptation et le domaine des rentes. Dans le domaine de la réadaptation, les conditions sont plus ou moins observées dans quelque 57% des cas en moyenne. Dans le domaine des rentes, elles le sont bien plus, avec environ les trois quarts des cas, plus ou moins intensément là aussi.

Dans l’ensemble, les offices AI ont pris des sanctions pour environ les trois quarts des assurés qui ne respectaient pas ou que partiellement une condition. Dans le domaine de la réadaptation, 81% des personnes dans ce cas ont été sanctionnées, elles ont été 57% dans le domaine des rentes. Six assurés ont fait recours contre la sanction décidée. Seul l’un d’entre eux a obtenu gain de cause.

  • Les conditions sont surtout efficaces dans le domaine de la réadaptation : l’analyse des dossiers a montré que l’observation de la condition déploie surtout des effets dans le domaine de la réadaptation. Plus de la moitié des personnes (57%) ayant respecté tout ou partie de la condition qui leur était imposée ont poursuivi leur formation ou l’ont terminée. Dans le domaine des rentes, par contre, on a constaté une réduction du degré d’invalidité chez seulement 12% des assurés.

Du point de vue des assurés interrogés par écrit, les effets des conditions sont plutôt faibles. Plus que deux cinquièmes d’entre eux sont d’avis que la condition n’a servi à rien. Ils indiquent en second lieu avoir vécu la condition comme une charge psychique. Il est aussi frappant de noter que les personnes interrogées évoquent plus souvent une dégradation qu’une amélioration de leur état de santé en raison de la condition.

 

Bilan

Les offices AI ne fixent des conditions visant à réduire le dommage que dans de rares cas. L’application de cet instrument est exigeante, mais les offices AI parviennent tout à fait à y recourir efficacement. Il existe des différences notables entre les offices AI dans la fréquence, la manière de mettre en œuvre et les effets des conditions. La comparaison entre le domaine de la réadaptation et celui des rentes montre que si le but des conditions varie, leur mise en œuvre et leurs effets diffèrent tout autant.

  • Dans le domaine de la réadaptation, la réduction des dommages vise une participation active, motivée, aux mesures de réadaptation qui ont été prises. Bien connaitre l’assuré permet d’adapter le degré de son association et du contrôle quand il en va d’obtenir le comportement exigé. L’office AI n’a tendance à recourir à la mise en demeure et au délai de réflexion, avec condition formelle, que lorsque les stratégies plus « douces » n’ont pas permis d’obtenir le comportement visé. En comparaison, la condition n’est alors que rarement observée. Lorsqu’elle l’est, il assez probable que l’assuré poursuivra la mesure de réadaptation, voir la mènera jusqu’à son terme.
  • Dans le domaine des rentes, les conditions telles que, de manière typique, un traitement psychiatrique ou psychologique, visent un meilleur état de santé et un degré d’invalidité plus faible de l’assuré. Les tentatives faites auparavant pour fidéliser ce dernier à la mesure envisagée sont rares et le contrôle de la mise en œuvre plutôt faible ; le SMR ou l’office AI fait parfois appel au médecin traitant. Il est certes relativement fréquent que les assurés respectent les conditions, mais l’amélioration espérée par l’office AI se produit beaucoup plus rarement que dans le cas des conditions imposées lors de mesures de réadaptation.

Les données réunies au sujet des conditions, dans le cadre de ce projet de recherche, pourront peut-être servir dans quelques années pour mesurer les effets à long terme de la perception de prestations et de la participation au marché de l’emploi. Les différences d’application existant entre les cantons sont considérables et évoluent avec le temps. Le fait qu’une partie des conditions ne peut être identifiée, parce qu’elles sont imposées avant même qu’une prestation ne soit accordée, tend à indiquer qu’une saisie uniforme des conditions simplifierait les futures analyses faites dans ce domaine.

 

 

Rapport « Auflagen zur Leistungsgewährung im Rahmen der Schadenminderungspflicht der Invalidenversicherung »  disponible ici (en allemand avec des résumés en français, italien et anglais)

 

 

LAA et AI : Couverture des coûts des prestations pendant la pandémie COVID-19

LAA et AI : Couverture des coûts des prestations pendant la pandémie COVID-19

 

Information du Service central des tarifs médicaux SCTM consultable ici

 

La CTM et le SCTM ont reçu des demandes relatives à la prise en charge des coûts par l’assurance accident obligatoire pour les prestations ambulatoires et hospitalières. Afin de clarifier le plus rapidement possible les questions ouvertes, la SCTM participe à des groupes de travail hebdomadaires avec l’OFSP et les deux associations d’assureurs-maladie (santésuisse et curafutura).

Les fiches d’information ci-jointes contiennent une liste des options de facturation des consultations téléphoniques qui s’appliquent actuellement aux groupes de fournisseurs de prestations concernés.

Les recommandations de l’OFSP et du CTM décrivent également des solutions temporaires pour la facturation des consultations à distance au lieu des consultations au cabinet ou au domicile du patient.

La fiche d’information de l’OFSP « Prise en charge des coûts des traitements stationnaires dans le cadre de la pandémie COVID-19 » réglemente le remboursement des prestations stationnaires pour les cas COVID-19 fournies dans les hôpitaux de soins aigus, les cliniques de réadaptation et les maisons de repos. Les cas de COVID-19 dans les hôpitaux de soins aigus sont facturés selon SwissDRG. Les cliniques de réadaptation et les maisons de repos sont soumises à une taxe spécifique.

En coordination avec l’OFAS et l’AI, une fiche d’information pour le remboursement des moyens auxiliaires a été élaborée.

Les recommandations de l’OFSP et de la CTM ont pour but de garantir une pratique uniforme dans toute la Suisse.

Les écarts tarifaires spécifiques par rapport aux tarifs de la CTM sont indiqués séparément.

 

 

Information du Service central des tarifs médicaux SCTM consultable ici

Fiche d’information du SCTM pour les prestations médicales ambulatoires pendant la pandémie COVID-19 (uniquement en allemand) disponible ici

Fiche d’information pour les prestations paramédicales ambulatoires pendant la pandémie COVID-19 (uniquement en allemand) disponible ici

Fiche d’information pour les moyens auxiliaires pendant la pandémie COVID-19 (uniquement en allemand) disponible ici

Fiche d’information de l’OFSP « Prise en charge des coûts des traitements stationnaires dans le cadre de la pandémie COVID-19 » (en français) disponible ici

 

 

9C_537/2019 (f) du 25.02.2020 – Revenu d’invalide selon ESS – 16 LPGA / Abattement de 15% pour une atteinte au membre supérieur droit et une capacité de travail de 60% (baisse de rendement de 40% sur un 100%)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_537/2019 (f) du 25.02.2020

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide selon ESS / 16 LPGA

Abattement de 15% pour une atteinte au membre supérieur droit et une capacité de travail de 60% (baisse de rendement de 40% sur un 100%)

 

Assurée, née en 1960, a travaillé en dernier lieu en qualité de tenancière d’une épicerie tea-room.

Dans le contexte d’une demande de prestations de l’assurance-invalidité (déposée le 28.02.2012), l’office AI a été enjoint de se prononcer à nouveau sur le droit à la rente en fonction d’une capacité résiduelle de travail de 60% dans une activité adaptée, fondée sur les conclusions du professeur B.__ et de la doctoresse C.__ (arrêt du Tribunal fédéral du 23 janvier 2017 [9C_422/2016]). Les deux spécialistes en neurologie avaient posé le diagnostic de tremblement psychogène et de trouble moteur dissociatif, concluant à une limitation du rendement en raison de l’impotence fonctionnelle du membre supérieur droit. Par décision, l’office AI a alloué à l’assurée un quart de rente d’invalidité à partir du 01.01.2013, fondé sur un taux d’invalidité de 47%. En bref, il a notamment pris en considération dans la comparaison des revenus déterminants un abattement de 10% sur le revenu d’invalide en raison de l’âge de l’assurée et du fait que seules des activités légères restaient possibles.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/556/2019 – consultable ici)

En ce qui concerne l’abattement sur le salaire statistique, les juges cantonaux se sont référés à la casuistique du Tribunal fédéral relative aux déductions pratiquées pour des assurés qui ont une main partiellement ou complètement non fonctionnelle. Ils ont admis que la déduction de 10% retenue par l’office AI était inférieure à la quotité généralement admise pour ce motif, de sorte qu’elle s’avérait problématique pour des questions d’égalité de traitement entre assurés. A cela, il fallait tenir compte de l’âge de l’assurée, également susceptible de réduire son revenu d’invalide. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, la déduction de 10% apparaissait insuffisante, tandis qu’un abattement de 15% était plus approprié.

Par jugement du 06.06.2019, admission du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assurée à une demi-rente d’invalidité dès le 01.01.2013. La cour cantonale a considéré que l’abattement sur le salaire statistique devait être fixé à 15%, ce qui entraînait un taux d’invalidité de 50%.

 

TF

En ce qui concerne la fixation du revenu d’invalide (cf. art. 16 LPGA) sur la base des statistiques salariales, il est notoire, selon la jurisprudence, que les personnes atteintes dans leur santé, qui présentent des limitations même pour accomplir des activités légères, sont désavantagées sur le plan de la rémunération par rapport aux travailleurs jouissant d’une pleine capacité de travail et pouvant être engagés comme tels; ces personnes doivent généralement compter sur des salaires inférieurs à la moyenne (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb p. 323). La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent par conséquent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité, autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79).

Le point de savoir s’il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou à d’autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral; en revanche, l’étendue de l’abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si celle-ci a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci, notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399; 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).

 

L’assurée présente une capacité de travail de 60% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles du membre supérieur droit. Le professeur B.__ a indiqué que la main droite, malgré le tremblement, était encore utilisable en appui à la gauche, que les travaux de précision et les gestes fins étaient impossibles, que le port d’objets de plus de 5 kg était à proscrire, et que l’écriture restait possible, bien que difficile. Or ce sont précisément ces limitations qui ont justifié aux yeux des experts la diminution de la capacité de travail à 60%, la baisse de rendement de 40% étant due aux stratégies que l’assurée devait mettre en place pour fonctionner en utilisant « ce qu’il reste de son bras et sa main droite » dans un milieu professionnel.

Il n’y a pas lieu dans le cadre de l’abattement sur le revenu d’invalide de tenir compte une seconde fois de limitations qui ont été prises en considération lors de l’évaluation de la capacité de l’assurée sous l’angle médical (voir par ex. arrêts 9C_273/2019 du 18 juillet 2019 consid. 6.1 et 9C_847/2018 du 2 avril 2019 consid. 6.2.3).

Ce nonobstant, la juridiction cantonale n’a pas violé le droit ni abusé ou excédé de son pouvoir d’appréciation en fixant à 15% l’abattement sur le revenu d’invalide. En effet, au regard des activités citées par les experts neurologues puis l’office AI, il apparaît que le spectre des activités légères adaptées pouvant entrer en considération dans le cas d’espèce est fortement réduit. On ne voit ainsi pas que les activités de « patrouilleuse » scolaire ou surveillante scolaire soient exigibles d’une assurée dont le bras droit est atteint de tremblements pratiquement constants, au regard de la responsabilité inhérente aux postes cités. A l’inverse par ailleurs de ce que prétend l’office AI, l’égalité de traitement fait partie des principes de droit constitutionnel qui régissent l’activité de l’administration et des autorités judiciaires, de sorte qu’on ne saurait reprocher aux juges cantonaux d’avoir pris en considération la pratique du Tribunal fédéral concernant la déduction sur le salaire statistique dans le cas de personnes assurées privées partiellement ou complètement de l’usage d’un membre supérieur (cf. arrêt 8C_58/2018 du 7 août 2018 consid. 5.3 et les arrêts cités).

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_537/2019 consultable ici

 

 

Suicide et assurances sociales

Suicide et assurances sociales

 

Article paru in Jusletter, 30 mars 2020

 

En Suisse, le suicide constitue la quatrième cause de mort précoce en termes d’années de vie potentielles perdues, après le cancer, les maladies cardiovasculaires et les accidents. Des actes suicidaires existent dans toutes les classes d’âge, chez les hommes comme chez les femmes et dans toutes les catégories socio-économiques. Face à cette réalité sociétale, comment les principales branches de l’assurance sociale abordent-elles le problème du suicide ?

 

Publication : Suicide et assurances sociales – David Ionta – Jusletter 2020-03-30

 

 

Lettre circulaire AI no 400 – Moyens auxiliaires – Expertises ORL dans le cadre du remplacement d’appareils auditifs pour les personnes en âge AVS

Lettre circulaire AI no 400 – Moyens auxiliaires – Expertises ORL dans le cadre du remplacement d’appareils auditifs pour les personnes en âge AVS

 

Lettre circulaire AI no 400 du 23.03.2020 consultable ici

 

En décembre 2019, le Conseil des États a traité la motion 19.4175 « Mettre fin aux expertises AI superflues ». La motion a été retirée et, en contrepartie, la gestion des expertises de suivi se déroulera de façon plus pragmatique.

Dès à présent, le principe suivant s’applique pour le remplacement d’appareils auditifs (les premiers appareillages ne sont pas concernés) :

Les personnes en âge AVS (dès 64/65 ans) qui ont besoin de remplacer leurs appareils auditifs sont libres de demander une (nouvelle) expertise ORL, mais n’y sont pas tenues. L’OFAS recommande une consultation chez un expert ORL, mais laisse les personnes concernées prendre leur décision. L’AVS continuera de financer la consultation chez l’expert ORL.

Pour les personnes en âge AI, rien ne change fondamentalement par rapport à la pratique actuelle.

L’OFAS considère que des expertises médicales sont utiles environ tous les six ans, en particulier pour :

  • évaluer si, au lieu de la fourniture d’appareils auditifs, une opération ou une autre thérapie pourrait être utile ;
  • déterminer s’il faut opter pour la pose d’un implant cochléaire ou d’un appareil auditif à ancrage osseux ;
  • procéder à un nettoyage médical des oreilles

En théorie, il peut arriver qu’un appareil auditif ne soit plus utilisable avant l’expiration du délai de six ans, qu’une réparation ne soit plus possible et que l’assuré n’ait pas violé son devoir de diligence, mais que l’acousticien/le fabricant ne montre aucune souplesse et que l’assurance pour appareils auditifs ne prenne pas en charge le remplacement. L’OFAS n’a pas connaissance de telles situations. Si un tel cas devait tout de même se présenter, l’OFAS plaide, à titre d’exception, pour une approche pragmatique : accorder le financement pour la fourniture d’appareils auditifs avant l’expiration du délai de six ans (versement du forfait), sans nouvelle expertise ORL obligatoire.

Les circulaires concernant la remise des moyens auxiliaires par l’assurance-invalidité ou par l’assurance vieillesse (ch. 2037 CMAI et ch. 2009 CMAV) ainsi que les directives à l’intention des médecins-experts ORL seront modifiées en conséquence avec effet au 1er janvier 2021.

 

 

Lettre circulaire AI no 400 du 23.03.2020 consultable ici

Lettera circolare AI n. 400 – Mezzi ausiliari – Perizie ORL in caso di ulteriore protesizzazione con apparecchi acustici per le persone in età AVS

IV-Rundschreiben Nr. 400 – Hilfsmittel – ORL-Expertisen im Rahmen von Hörgeräte-Wiederversorgungen bei Personen im AHV-Alter

 

 

9C_131/2019 (f) du 16.08.2019 – Allocation pour impotent – 9 LPGA – 42 LAI / Besoin durable d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie nié – 42 al. 3 LAI – 38 RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_131/2019 (f) du 16.08.2019

 

Consultable ici

 

Allocation pour impotent / 9 LPGA – 42 LAI

Besoin durable d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie nié / 42 al. 3 LAI – 38 RAI

 

Assuré, né en 1968, sous curatelle de gestion et de représentation, bénéficie d’une rente entière de l’AI depuis le 01.02.2011. Le 04.11.2016, il a déposé une demande d’allocation pour impotent. Le médecin-traitant, spécialiste en médecine interne générale, a indiqué que l’assuré souffrait d’une polyarthrite séropositive (depuis 2015), d’un trouble dépressif sévère récurrent (depuis 2000) et de dépendance aux opiacés (depuis 2000). Selon le médecin, l’assuré était très fragile psychologiquement et avait besoin d’un soutien à domicile pour l’aider dans ses démarches médicales.

L’office AI a mis en œuvre une enquête à domicile. Après s’être entretenue avec l’assuré et une infirmière de l’Institution genevoise de maintien à domicile (IMAD), la collaboratrice de l’office AI a indiqué que l’assuré ne nécessitait pas de l’aide régulière et importante de tiers pour les actes ordinaires de la vie, d’une surveillance personnelle permanente ou d’un accompagnement durable de tiers pour faire face aux nécessités de la vie pour plus de deux heures par semaine. L’office AI a rejeté la demande d’allocation pour impotent.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1212/2018 – consultable ici)

S’agissant de l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie, la cour cantonale a retenu que l’assuré pouvait manifestement vivre de manière indépendante. Aucun des médecins consultés ne soutenait qu’à défaut d’accompagnement, il devrait être placé dans un home. Les juges cantonaux ont relevé que l’assuré sortait de plus tous les jours de chez lui pour se rendre à la pharmacie et pour se sustenter. Ils ont admis que l’assuré ne gérait pas correctement ses rendez-vous médicaux. Les médecins déploraient en particulier le manque de suivi régulier et les risques pour la santé de l’assuré que cela impliquait. Cela étant, les juges cantonaux ont constaté que l’assuré bénéficiait de la visite, une fois par semaine, d’une infirmière de l’IMAD et que celle-ci contrôlait son état de santé et lui préparait son pilulier hebdomadaire. Ils ont considéré que cette infirmière serait de plus à même, cas échéant, d’alerter les médecins en cas d’aggravation de l’état de santé de l’assuré. Partant, ils ont retenu que le « soutien médical » évoqué par le médecin traitant d’une heure par semaine tout au plus était déjà assuré par une infirmière de l’IMAD.

La juridiction cantonale a indiqué que l’assuré avait en revanche besoin de l’accompagnement d’un tiers pour la gestion de ses affaires administratives et assumer correctement son ménage pendant manifestement plus de deux heures par semaine. Il était tout d’abord avéré que l’assuré n’était pas capable de gérer seul ses affaires administratives puisqu’une curatelle avait été mise en place. Les juges cantonaux ont constaté que le besoin d’une aide ménagère avait de plus été reconnu lors de l’enquête administrative. Or, selon l’expérience générale de la vie, ils ont retenu que l’assistance fournie pour des activités telles que cuisiner – ce que l’assuré omettait de faire alors que ses difficultés financières devaient l’y inciter plutôt que de s’alimenter à l’extérieur -, faire les courses, la lessive et le ménage représentait un investissement temporel régulier de plus de deux heures par semaine, de sorte que le caractère régulier de l’aide était réalisé.

Par jugement du 20.12.2018, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, octroi d’une allocation pour impotence de degré faible et renvoi de la cause à l’office AI pour le calcul des prestations dues.

 

TF

L’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 38 RAI ne comprend ni l’aide de tiers pour les six actes ordinaires de la vie (se vêtir et se dévêtir ; se lever, s’asseoir, se coucher ; manger ; faire sa toilette ; aller aux toilettes ; se déplacer à l’intérieur ou à l’extérieur, établir des contacts), ni les soins ou la surveillance personnelle. Il représente bien plutôt une aide complémentaire et autonome, pouvant être fournie sous forme d’une aide directe ou indirecte à des personnes atteintes dans leur santé physique, psychique ou mentale (ATF 133 V 450 ; arrêt 9C_410/2009 du 1er avril 2010 consid. 2 in SVR 2011 IV n° 11 p. 29).

Cette aide intervient lorsque l’assuré ne peut pas en raison d’une atteinte à la santé vivre de manière indépendante sans l’accompagnement d’une tierce personne (art. 38 al. 1 let. a RAI), faire face aux nécessités de la vie et établir des contacts sociaux sans l’accompagnement d’une tierce personne (art. 38 al. 1 let. b RAI), ou éviter un risque important de s’isoler durablement du monde extérieur (art. 38 al. 1 let. c RAI). Dans la première éventualité, l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie doit permettre à la personne concernée de gérer elle-même sa vie quotidienne. Il intervient lorsque la personne nécessite de l’aide pour au moins l’une des activités suivantes : structurer la journée, faire face aux situations qui se présentent tous les jours (p. ex. problèmes de voisinage, questions de santé, d’alimentation et d’hygiène, activités administratives simples), et tenir son ménage (aide directe ou indirecte d’un tiers; ATF 133 V 450 consid. 10 p. 466). Dans la deuxième éventualité (accompagnement pour les activités hors du domicile), l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie doit permettre à la personne assurée de quitter son domicile pour certaines activités ou rendez-vous nécessaires, tels les achats, les loisirs ou les contacts avec les services officiels, le personnel médical ou le coiffeur (arrêt 9C_28/2008 du 21 juillet 2008 consid. 3.3). Dans la troisième éventualité, l’accompagnement en cause doit prévenir le risque d’isolement durable ainsi que de la perte de contacts sociaux et, par là, la péjoration subséquente de l’état de santé de la personne assurée (arrêt 9C_543/2007 du 28 avril 2008 consid. 5.2 in SVR 2008 IV n° 52 p. 173).

Selon le chiffre marginal 8053 de la Circulaire de l’OFAS sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité (CIIAI), l’accompagnement est régulier au sens de l’art. 38 al. 3 RAI lorsqu’il est nécessité en moyenne au moins deux heures par semaine sur une période de trois mois. Le Tribunal fédéral a reconnu que cette notion de la régularité était justifiée d’un point de vue matériel et partant conforme aux dispositions légales et réglementaires (ATF 133 V 450 consid. 6.2 p. 461 et les références; arrêt 9C_1056/2009 du 10 mai 2010 consid. 2).

 

En l’espèce, on cherche en vain dans les constatations du jugement déféré les limitations physiques, psychiques ou mentales concrètes sur lesquelles la juridiction cantonale s’est fondée pour retenir que l’assuré avait durablement besoin de l’accompagnement d’un tiers pour tenir son ménage, cuisiner, faire ses courses et laver son linge. L’enquêtrice de l’assurance-invalidité n’a en particulier mis en évidence aucun empêchement déterminant en ce sens. Dans son rapport, elle a exposé que l’assuré préparait peu de repas car il n’aimait pas manger seul, qu’il faisait ses courses, qu’il essayait tant bien que mal d’entretenir son logement, lequel était relativement propre, et qu’il allait au lavoir du quartier pour laver son linge. S’agissant plus spécifiquement du ménage, l’enquêtrice a certes ajouté que l’assuré nécessitait de l’aide et qu’il serait prêt à recevoir un peu d’aide pour l’entretien de son logement. En l’absence de toute précision d’ordre médical à ce sujet, l’on ne saurait cependant suivre la juridiction cantonale lorsqu’elle affirme que l’enquêtrice a « reconnu » le besoin d’une aide ménagère (au sens de l’art. 38 al. 1 let. a RAI). En répondant « non » à la question de savoir si l’assuré avait besoin de prestations d’aide permettant de vivre de manière indépendante, l’enquêtrice a au contraire clairement indiqué que l’assuré n’avait pas besoin d’un tel accompagnement pour une durée d’au moins deux heures par semaine. Elle n’a de plus pas inséré ses remarques sur l’aide au ménage dans ses recommandations finales.

Quant au médecin-traitant, seul médecin qui s’est prononcé à ce propos, il a déclaré lors de son audition qu’il confirmait le fait qu’à son avis l’assuré avait besoin d’une aide ménagère dont la durée serait à évaluer. Le médecin traitant n’a cependant assorti son point de vue d’aucun élément concret qui expliquerait pourquoi l’assuré aurait médicalement besoin d’un accompagnement pour tenir son ménage et semble plutôt faire référence aux seules périodes de crise durant lesquelles celui-ci se mettrait « en pause ». La juridiction cantonale a cependant constaté que ces périodes de crise ne sont pas régulières et ne justifiaient pas de retenir un besoin d’aide pour accomplir les actes ordinaires de la vie. Aussi, les indications du médecin traitant ne remettent nullement en cause les constatations de l’enquêtrice de l’AI, qui n’a pas retenu concrètement la nécessité d’un accompagnement durable avec la tenue du ménage. Il s’ensuit que ni l’enquête administrative ni les avis des médecins traitants ne permettent de fonder la nécessité de l’accompagnement d’un tiers pour que l’assuré puisse tenir son ménage et encore moins d’autres activités que l’assuré réalise selon l’enquête administrative régulièrement (s’alimenter, faire ses courses, laver son linge).

 

En vertu de l’art. 38 al. 3 RAI, en lien avec les art. 42 al. 3 et 86 al. 2 LAI, les activités de représentation et d’administration dans le cadre des mesures de protection de l’adulte au sens des art. 390 à 398 du Code civil ne sont ensuite pas prises en compte dans l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie. En retenant que l’instauration d’une curatelle mettait en évidence l’incapacité de l’assuré à gérer ses affaires administratives et, partant, un besoin d’aide à cet égard, alors que « le curateur se chargeait désormais de cet aspect de la vie », la juridiction cantonale a méconnu cette disposition. L’aide fournie par un curateur dans la gestion des affaires administratives de l’assuré ne constitue pas un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 38 RAI. Seule est déterminante l’aide qui n’est pas déjà apportée par le curateur (Message concernant la 4e révision de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 21 février 2011, FF 2001 3087 ch. 2.3.1.5.2.3).

 

On ne saurait suivre l’assuré lorsqu’il soutient que la spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie a décrit sur le plan rhumatologique un besoin d’accompagnement qui correspondrait à celui qui lui serait procuré dans un home. Le médecin a en effet mentionné dans son avis la nécessité de veiller à ce que l’assuré se présente à une consultation de suivi clinique et biologique par trimestre. On ne saurait y voir le besoin d’un accompagnement régulier au sens de l’art. 38 al. 1 let. a et al. 3 RAI. Pour le surplus, les juges cantonaux ont constaté que l’accompagnement social décrit par le médecin-traitant correspondait à celui mis en place par l’IMAD, soit la visite hebdomadaire d’une infirmière spécialisée chargée du contrôle de la santé de l’assuré et de la préparation et de l’administration des traitements. Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter de l’appréciation des preuves qui a conduit la juridiction cantonale à retenir que l’assuré pouvait manifestement vivre de manière indépendante avec l’aide ponctuelle et de moins d’une heure par semaine d’une infirmière de l’IMAD.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_131/2019 consultable ici

 

 

Assurance-invalidité : l’engagement pour la réinsertion porte ses fruits

Assurance-invalidité : l’engagement pour la réinsertion porte ses fruits

 

Communiqué de presse de la Conférence des offices AI (COAI) du 05.03.2020 consultable ici

 

Le nombre total de personnes atteintes dans leur santé qui ont pu être intégrées au marché du travail a constitué un nouveau record de 22’534 personnes l’an dernier. La Conférence des offices AI qui recueille ces statistiques annuellement auprès de ses membres, les 26 offices AI cantonaux, en a publié aujourd’hui les résultats.

En 2019, les 26 offices AI cantonaux ont pu réinsérer 22’534 personnes dans le premier marché du travail en Suisse. Cela représente une augmentation de 6% par rapport à l’année précédente (2018 : 21’156 personnes / +5%). Pour les offices AI, la réinsertion professionnelle ne signifie pas uniquement d’aider à trouver un nouvel emploi, mais dans de nombreux cas, à maintenir l’emploi actuel grâce à des mesures de détection et d’intervention précoce. Avec le soutien de l’AI, 12’640 personnes ont pu conserver leur emploi, 1’933 personnes ont pu changer d’emploi dans la même entreprise et 7’420 personnes ont trouvé un nouvel emploi en dehors de leur entreprise. En outre, 541 personnes bénéficiant d’une rente AI ont pu soit reprendre un travail soit augmenter leur capacité de gain.

 

Plus de réinsertions signifie moins de rentes

En 2019, le nombre de réinsertions est presque deux fois et demie plus élevé qu’il y a dix ans, avec une tendance à la hausse. La Conférence des offices AI observe cette évolution avec une certaine satisfaction. « Parallèlement à l’augmentation constante des chiffres de réinsertion, nous constatons également une baisse significative du taux de nouvelles rentes au cours des 15 dernières années », déclare Florian Steinbacher, président de la Conférence des offices AI, et ajoute : « Cela ne signifie pas uniquement de nouvelles perspectives et un mode de vie autonome pour les personnes atteintes dans leur santé, mais c’est aussi un investissement qui profite à l’assainissement financier de l’AI ». Dans son business case publié en août 2019, la Conférence des offices AI a démontré qu’entre 2004 (4ème révision de la LAI) et 2018, un montant de plus de 11 milliards de francs, soit environ 730 millions de francs par an, a pu être économisé uniquement grâce à la réinsertion professionnelle.

 

Rôle clé des employeurs

Les offices AI ont pour objectif de poursuivre sur cette vague de succès. Les employeurs impliqués jouent un rôle particulièrement important dans la réussite de la réinsertion professionnelle. Par leur engagement, ils font preuve d’une véritable responsabilité sociale et sociétale. Ils montrent également que la réinsertion de personnes atteintes dans leur santé est bénéfique pour les deux parties, l’AI et les entreprises, et qu’elle deviendra encore plus importante à l’avenir. L’objectif est qu’un plus grand nombre possible d’entreprises prennent le train en marche pour la réinsertion professionnelle. Les offices AI proposent des offres intéressantes à cet effet, comme le conseil et le coaching sur place, afin de mener à bien les processus de réinsertion en collaboration avec les employeurs.

 

Placements des offices AI 2012-2019

 

Communiqué de presse de la Conférence des offices AI (COAI) du 05.03.2020 consultable ici