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Mettre en œuvre le rapport d’évaluation relatif aux expertises médicales dans l’Al / Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national

Mettre en œuvre le rapport d’évaluation relatif aux expertises médicales dans l’Al / Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national

 

Rapport de la CSSS-N du 27.08.2025 publié dans la FF 2025 2664

[cf. mon commentaire en fin d’article]

 

Contenu du projet

Ce projet a pour but d’optimiser la procédure de conciliation pour les expertises médicales monodisciplinaires dans le domaine de l’assurance-invalidité (AI). D’une part, il vise à ce que l’assuré soit impliqué dès le début dans la désignation de l’expert chargé d’effectuer une expertise médicale monodisciplinaire de l’AI et à ce qu’une procédure de recherche d’un véritable consensus soit mise en œuvre. Sur ce point, le projet veut ainsi reprendre la pratique déjà appliquée par certains offices AI.

D’autre part, dans les cas où aucun expert n’a pu être choisi de manière consensuelle, les parties, à savoir l’assuré et l’office AI, désignent chacun un expert et les experts ainsi désignés auront pour tâche d’élaborer une expertise commune. En cas de divergences d’appréciation entre les deux experts, le service médical régional prend position sur les questions qui ne font pas l’unanimité et rend ses conclusions sur l’évaluation médicale.

Cette nouvelle réglementation vient ainsi compléter les différentes mesures qui ont été introduites dans le cadre du développement continu de l’AI (DCAI) visant à améliorer et garantir la qualité des expertises et de la procédure en général.

 

Dans le détail

Le rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) du 27 août 2025 présente la réforme de la procédure de conciliation pour les expertises médicales en assurance-invalidité. Ce rapport s’inscrit dans le contexte de l’initiative parlementaire Roduit 21.498, qui vise à mettre en œuvre les recommandations issues d’un rapport d’évaluation sur les expertises médicales en AI, publié en 2020 (Müller, Franziska / Liebrenz, Michael / Schleifer, Roman / Schwenzel Christof / Balthasar, Andreas (2020): Evaluation der medizinischen Begutachtung in der Invalidenversicherung). La nécessité de revoir la procédure actuelle est motivée par le souci d’améliorer la légitimité, l’acceptation et la qualité des expertises médicales dans le processus d’instruction des prestations AI.

Le projet vise essentiellement à renforcer la participation de l’assuré dans le choix de l’expert chargé de réaliser l’expertise monodisciplinaire en assurance-invalidité. Ce nouveau modèle de participation s’inspire partiellement de la pratique française de l’expertise conjointe, où chaque partie désigne son propre expert et où ces deux professionnels doivent aboutir à une évaluation commune lorsqu’un consensus n’a pu être trouvé initialement.

La situation légale actuelle découle du développement continu de l’AI (DCAI), entré en vigueur au 1er janvier 2022, qui a introduit des mesures pour renforcer les droits des assurés pendant la procédure de conciliation. Selon la réglementation en vigueur, la tentative de conciliation dans la désignation de l’expert s’applique uniquement pour les expertises monodisciplinaires ; les expertises bi- et pluridisciplinaires sont attribuées de manière aléatoire et échappent à cette procédure.

Dans l’AI, en 2023, sur 5552 expertises monodisciplinaires, 348 tentatives de conciliation ont eu lieu (6,3%) et dans 33 cas (0,6%), aucun accord n’a pu être trouvé. À la fin du 3e trimestre 2024, les chiffres intermédiaires montrent que le nombre de cas dans lesquels un expert n’a pas pu être désigné en accord avec les parties a fortement diminué par rapport à 2023 (0.25%). Dans ces cas, les offices AI rendent une décision incidente qui indique le nom de l’expert désigné et les raisons pour lesquelles les objections soulevées par l’assuré n’ont pas été retenues. Cette décision peut être attaquée devant le tribunal compétent.

La commission estime toutefois qu’un ajustement législatif demeure nécessaire pour mettre en œuvre la recommandation visant à « optimiser » la conciliation, telle qu’issue du rapport d’évaluation de 2020 (cf. supra). Malgré les mesures du DCAI, certaines recommandations n’ont pas pu être concrétisées en raison de contraintes d’organisation et de la pénurie d’experts. La recommandation n° 5 « Optimisation de la procédure de conciliation pour les expertises mono-/bidisciplinaires (renforcement de la procédure de conciliation) » demande encore une base légale claire.

Le cœur de la solution retenue se compose de deux éléments complémentaires.

  • Premièrement, l’assuré est formellement associé, dès l’origine, au choix de l’expert, selon une procédure de recherche d’un véritable consensus que le rapport rattache à des pratiques déjà suivies par certains offices AI. En effet, la procédure actuellement appliquée par certains offices AI prévoit que, lors de la communication du nom de l’expert désigné, il est donné à l’assuré la possibilité de proposer un autre spécialiste figurant sur la liste des experts avec lesquels l’office AI collabore.
  • Deuxièmement, à défaut d’accord, la CSSS-N s’inspire du modèle français d’expertise conjointe, développé dans le champ des accidents de la route pour accélérer la liquidation des sinistres. Transposée à l’AI, cette approche vise à garantir un poids équivalent aux voix des parties concernées – personnes assurées et offices AI – dans la phase d’instruction lorsque la conciliation échoue.

La proposition se matérialise dans le projet de modification de la LAI (publié in FF 2025 2665). Le nouvel art. 57 al. 4 P-LAI impose l’entente entre l’office AI et l’assuré sur le choix de l’expert monodisciplinaire (« … l’office AI et l’assuré sont tenus de s’entendre sur le choix d’un expert. »). En cas d’échec, chaque partie désigne un expert, et les deux experts établissent une expertise avec évaluation consensuelle, exposant leurs divergences si un consensus n’est pas possible. Le Service médical régional prend alors position sur les points non consensuels et rend ses conclusions sur l’évaluation médicale.

Sur la base de l’art. 44 al. 2 LPGA, l’office communique un nom et, simultanément, offre à l’assuré la possibilité de proposer un autre expert parmi les partenaires avec lesquels il collabore, l’assuré devant répondre dans le délai de dix jours (pratique actuelle de certains offices AI). Les experts pressentis doivent satisfaire aux exigences de l’art. 7m OPGA, renvoyant ainsi au dispositif de qualité introduit avec le DCAI.

Dans le cas où l’office AI et l’assuré ne parviennent pas à s’entendre sur le choix d’un expert, le nouvel art. 57 al. 4 P-LAI introduit le modèle d’expertise commune. L’expertise commune rendra une décision incidente concernant le choix d’un seul expert superflu. L’office AI et l’assuré désignent chacun un expert dans la discipline définie, qui s’engage à établir une expertise commune. Les deux experts doivent remplir les exigences fixées à l’art. 7m OPGA.

La procédure de consultation a généré 71 prises de position, dont 20 spontanées (cf. Prises de position dans le cadre de la consultation et Rapport de consultation du 11 août 2025). Une majorité d’acteurs soutient la modification, mettant en avant un meilleur taux d’acceptation des expertises et une possible réduction des litiges. À l’inverse, 24 cantons, l’UDC, l’Union patronale, la Conférence des offices AI, la FER, la Suva et la SIM s’y opposent, estimant la réforme disproportionnée au regard du faible nombre de cas et de sa complexité organisationnelle. En particulier, la Swiss Insurance Medicine (SIM), sur la base d’une connaissance concrète en la matière, rejette l’introduction du modèle de l’expertise commune et préconise plutôt que la personne assurée puisse proposer trois experts figurant sur une liste nationale et que l’office AI en désigne un parmi ces trois. La Commission fédérale d’assurance qualité des expertises médicales (COQEM), tout en approuvant l’idée de base du projet, ne se prononce pas sur les détails et propose de prendre des mesures pour plus de transparence dans ce domaine.

Une minorité de la CSSS-N conteste l’opportunité d’entrer en matière sur le projet, avançant que le système de conciliation proposé serait chronophage, accentuerait la pénurie d’experts, notamment en psychiatrie, et que la dernière réforme de la LPGA n’a pas encore livré tous ses enseignements.

 

Commentaire 

La proposition émise par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N), qui offre à l’assuré la possibilité de désigner trois experts issus d’une liste d’experts reconnus et conformes aux critères exigés par l’art. 7m OPGA, constitue une mesure particulièrement bienvenue. Cette approche apparaît à la fois pragmatique, peu onéreuse et immédiatement applicable dans le cadre de l’assurance-invalidité, grâce aux listes existantes tenues par les offices AI. En facilitant l’implication accrue de l’assuré dans le choix de l’expert, ce dispositif devrait contribuer à une plus grande acceptation des résultats d’expertise, en atténuant la perception d’imposition d’un expert choisi unilatéralement.

Toutefois, la concrétisation de la procédure d’expertise commune suscite de sérieuses réserves quant à sa faisabilité pratique. Il est légitime de s’interroger sur la capacité d’un assuré, souvent démuni pour mandater un avocat, à gérer seul une telle démarche d’envergure. L’assistance administrative, telle que prévue à l’art. 37 al. 4 LPGA, reste dès lors central. Néanmoins, subsiste une incertitude notable quant à l’assouplissement des « directives internes » des offices AI en matière d’acceptation et de mise en œuvre de cette assistance pour des cas aussi complexes. Sans un encadrement plus souple et explicite, la voie de l’expertise commune risque de demeurer inadaptée et inaccessible à une large majorité d’assurés.

Par ailleurs, la question de la disponibilité des experts dans un contexte déjà marqué par une pénurie préoccupante mérite une attention soutenue. La double désignation d’experts pour chaque dossier augmentera sensiblement la charge pesant sur un nombre d’experts déjà insuffisant, ce qui pourrait allonger les délais d’instruction. Il demeure aussi incertain que ces experts acceptent d’être directement contactés par l’assuré, alors même que cette nouvelle procédure augmente l’exposition et les exigences liées à leur mission.

Le projet confie au Conseil fédéral la fixation des modalités, qui devra impérativement prévoir des standards précis, notamment en ce qui concerne la sollicitation des experts, les délais d’exécution et la structure des rapports conjoints. Sans une uniformisation forte, la mise en œuvre pourrait pâtir de disparités cantonales, nuisant alors à la cohérence et à l’efficacité de la réforme.

Au-delà de ces considérations techniques et organisationnelles, la question la plus critique à mes yeux porte sur le profond manque d’harmonisation au sein des assurances sociales. Il est difficilement compréhensible que la commission ait limité le champ de la réforme à l’assurance-invalidité, excluant des régimes où les problématiques d’expertises médicales sont tout aussi déterminantes, notamment l’assurance-accidents (LAA) et l’assurance-maladie (LAMal). Cette restriction génère une inégalité de traitement structurelle entre assurés selon leur branche d’assurance, soulevant des interrogations majeures sur l’équité et la cohérence globale de notre système de protection sociale.

Cette dissymétrie dans le traitement des expertises médicales entre les différentes branches des assurances sociales engendrera des conséquences tangibles. Elle mettra en place des incitations procédurales divergentes selon l’assurance concernée, alimentera inévitablement des contentieux comparatifs et affaiblira la vision chère à la LPGA d’un socle procédural commun. Le sentiment déjà présent d’une inégalité de traitement chez les assurés risque par conséquent d’être aggravé, ce qui va précisément à l’encontre de l’objectif affiché de renforcer l’acceptation des expertises.

Or, la justification avancée par la commission, reposant sur le fait que le rapport d’évaluation initial ne portait que sur l’assurance-invalidité, ne semble pas suffisante. Le report à une éventuelle révision plus générale au niveau de la LPGA ne saurait répondre à l’urgence ni au besoin fondamental d’un traitement égalitaire entre assurés. Cette approche fragmentaire laisse un goût d’inachevé et contribue à perpétuer des disparités lourdes de conséquences.

Le choix de circonscrire la réforme à l’assurance-invalidité paraît étroit, d’autant plus que la tendance générale devrait être orientée vers l’unification et la simplification des procédures entre régimes. Maintenir des règles spécifiques à chaque assurance renforce au contraire la complexité juridique et administrative, au détriment tant des assurés que des intervenants professionnels.

Au-delà de ces perspectives critiques, je tiens à souligner, au fil de ma pratique quotidienne, la qualité de l’écoute et la volonté de dialogue des offices AI romands. Dans cette région, nous parvenons à une entente constructive sur la désignation des experts, ce qui témoigne déjà d’une certaine maturité et d’une coopération fructueuse entre assurés et offices.

Pour conclure, il est indispensable que les modalités pratiques définies par le Conseil fédéral fassent l’objet d’un large dialogue avec tous les acteurs concernés, experts, assurances et représentants des assurés. Seule une mise en œuvre pragmatique, flexible et centrée sur les besoins réels des assurés pourra permettre à cette réforme, perfectible par nature, de constituer une avancée significative dans le domaine complexe et sensible des expertises médicales.

 

Rapport de la CSSS-N du 27.08.2025 publié dans la FF 2025 2664

Projet de loi fédérale sur l’assurance-invalidité (Renforcement de la procédure de conciliation pour les expertises AI monodisciplinaires) paru dans la FF 2025 2665

Initiative parlementaire Roduit 21.498 « Mettre en oeuvre le rapport d’évaluation relatif aux expertises médicales dans l’Al » consultable ici

 

 

 

9C_526/2024 (f) du 03.07.2025 – Allocation pour impotent pour mineurs atteints de diabète – Notion de surveillance personnelle régulière, permanente et intense

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_526/2024 (f) du 03.07.2025

 

Consultable ici

 

Allocation pour impotent pour mineurs atteints de diabète / 9 LPGA – 42 LAI – 42bis LAI

Notion de surveillance personnelle régulière, permanente et intense / 37 RAI

 

Résumé
Un enfant né en 2017 et atteint d’un diabète de type 1 avait obtenu en instance cantonale une allocation pour impotent de degré faible au motif qu’il nécessitait une surveillance personnelle permanente. Le Tribunal fédéral a annulé cette décision, considérant que les besoins de surveillance de l’enfant, âgé de moins de six ans, ne dépassaient pas ceux d’un enfant en bonne santé du même âge. Le besoin de surveillance est certes régulier mais non pas permanent et intense et ne justifie pas la reconnaissance d’une impotence. Le recours de l’OFAS a ainsi été admis.

 

Faits
Assuré, né en 2017, est atteint d’un diabète de type 1 diagnostiqué en octobre 2021. En novembre 2022, par l’intermédiaire de ses parents, il a présenté une demande d’allocation pour impotent. Après avoir notamment diligenté une enquête à domicile (rapport du 5 juillet 2023 et complément du 22 août 2023), l’office AI a rejeté la demande (décision du 22 septembre 2023).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 19.08.2024, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision en ce sens que l’assuré a droit à une allocation pour impotent de degré faible depuis le 01.10.2022.

 

TF

Consid. 3.3
L’arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à la notion d’impotence (art. 9 LPGA), aux conditions du droit à une allocation pour (mineur) impotent (art. 42 al. 1 à 3 et 42bis LAI), aux critères d’évaluation de l’impotence (art. 37 RAI) et à la notion de surveillance personnelle permanente (art. 37 al. 2 let. b et al. 3 let. b RAI; arrêts 8C_393/2021 du 13 octobre 2021 consid. 3.2.2; 9C_831/2017 du 3 avril 2018 consid. 3.1). Il rappelle aussi la jurisprudence concernant le niveau de vraisemblance que doit atteindre un fait pour être considéré comme établi (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les arrêts cités), ainsi que les règles applicables à la valeur probante des rapports d’enquête pour l’évaluation du degré d’impotence (art. 69 al. 2 RAI; ATF 130 V 61 consid. 6; 128 V 93) et à la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA).

Consid. 3.4
L’interprétation et l’application correctes de la notion juridique de l’impotence, ainsi que les exigences relatives à la valeur probante de rapports d’enquête au domicile de l’assuré relèvent de questions de droit, que le Tribunal fédéral examine librement (art. 95 let. a LTF). Est en revanche une question de fait, soumise au Tribunal fédéral sous un angle restreint, celle de savoir si les éléments constitutifs d’une surveillance personnelle permanente au sens de la loi et de la jurisprudence sont réalisés dans un cas concret (arrêts 8C_393/2021 précité consid. 3.3; 9C_831/2017 précité consid. 1.2 et les arrêts cités).

Consid. 4.1 [résumé]
Les juges cantonaux ont admis l’existence d’un besoin de surveillance personnelle permanente au sens de l’art. 37 al. 3 let. b et al. 4 RAI, en se fondant notamment sur le rapport médical du 6 août 2023 et en se référant à l’arrêt 9C_825/2014 du 23 juin 2015 consid. 4.4.1. L’instance cantonale a retenu, sur la base de l’avis de la médecin traitante, que la surveillance assurée par les parents visait à prévenir des hypoglycémies ou hyperglycémies pouvant entraîner des séquelles graves, voire mettre sa vie en danger, de sorte que son intensité et son caractère permanent devaient être admis, même chez un enfant de moins de 6 ans. Elle a dès lors reconnu le droit de l’assuré à une allocation pour impotent de degré faible dès le 1er octobre 2022, date correspondant à un an après le diagnostic (art. 42 al. 4 LAI).

Consid. 4.2
L’OFAS recourant reproche aux juges précédents d’avoir violé le droit fédéral (art. 42 al. 4 LAI, art. 37 al. 3 let. b et al. 4 RAI) en retenant que l’assuré nécessite une surveillance personnelle permanente. Il fait en substance valoir que le besoin de surveillance que requièrent les enfants atteints de diabète de type 1 ne peut pas être qualifié de permanent ou de suffisamment intensif pour admettre la nécessité d’une surveillance personnelle permanente au sens de l’art. 37 al. 3 let. b RAI.

Consid. 5.1
Sous l’intitulé « Recommandations relatives à l’évaluation de l’impotence déterminante pour les mineurs », l’annexe II de la Circulaire sur l’impotence de l’OFAS (CSI), dans sa teneur valable à partir du 1er janvier 2022, état au 1er juillet 2023 (compte tenu de la date de la décision administrative litigieuse [du 22 septembre 2023]; cf. consid. 5.3 infra), prévoit qu’avant l’âge de 6 ans, une surveillance personnelle ne peut en général pas être prise en considération. Mais en fonction de la situation et du degré de gravité, un besoin de surveillance peut être reconnu pour les enfants dès 4 ans lorsqu’ils sont sujets à des crises d’épilepsie impossibles à prévenir par médication ou qu’ils présentent un autisme infantile. En cas de risque d’étouffement suite à de fréquents vomissements, il faut prendre en compte une surveillance dès le début. En cas de problèmes respiratoires, la surveillance n’est pas forcément nécessaire (elle dépend du degré de gravité et de l’applicabilité de mesures non personnelles, comme la surveillance par moniteur, etc.).

Consid. 5.2
Le 31 juillet 2024, l’OFAS a publié une Lettre-circulaire n° 443 relative à l’allocation pour impotent pour mineurs atteints de diabète. Selon le ch. 4 de cette circulaire, portant le titre marginal « Surveillance », « [a]vant 6 ans, l’enfant doit de toute façon être surveillé, même s’il est en bonne santé. Le contrôle régulier de la glycémie relève des mesures de soins et non de la surveillance. Les enfants diabétiques se comportent comme les autres enfants de leur âge, et ont la même perception du danger. Ils comprennent et peuvent suivre les instructions et les ordres. Bien que les parents doivent constamment garder un oeil sur la glycémie de leur enfant pour pouvoir réagir si nécessaire (par ex. en lui donnant des aliments appropriés ou de l’insuline supplémentaire), les enfants atteints de diabète peuvent régulièrement s’éloigner de la supervision de leurs parents, aller à l’école ou pratiquer des loisirs avec leurs amis (par ex. jouer dehors, jouer au foot). Même si les parents veilleront à ce qu’en règle générale, quelqu’un soit présent pour reconnaître les symptômes d’une hypoglycémie et réagir en conséquence, cela ne signifie pas qu’ils ne peuvent jamais quitter les enfants des yeux, ne serait-ce que pour quelques minutes. Il y a donc un certain besoin de surveillance, mais celui-ci n’est pas permanent (‘intensif’) au sens de l’art. 37, al. 3, let. b, RAI. Par ‘surveillance personnelle permanente’, on entend l’observation constante d’un assuré, qui ne saurait être interrompue plus de quelques minutes ici et là sans que cela ne cause de danger important pour la vie de l’assuré ou pour des tiers. Les enfants atteints de diabète n’ont pas besoin d’une surveillance aussi intense. […]. En vertu de l’obligation de réduire le dommage, il convient également de prendre en compte les moyens auxiliaires numériques qui permettent de réduire le besoin de présence des parents (par ex. applications pour smartphone indiquant simplement et rapidement les valeurs pertinentes). Dans de rares cas (à partir de 6 ans), un besoin de surveillance peut être reconnu si le diabète est très instable et qu’un état comateux risquait à tout moment de survenir sans signe annonciateur ».

Consid. 5.3
Bien que les directives administratives ne lient en principe pas le juge, celui-ci est néanmoins tenu de les considérer dans son jugement, pour autant qu’elles permettent une interprétation des normes juridiques qui soit adaptée au cas d’espèce et équitable. Ainsi, si les directives administratives constituent une concrétisation convaincante des dispositions légales, le tribunal ne s’en départit pas sans motif pertinent. Dans cette mesure, il prend en considération le but de l’administration tendant à garantir une application égale du droit (ATF 148 V 102 consid. 4.2; 146 V 224 consid. 4.4. et l’arrêt cité). En principe, il convient de tenir compte de la version qui était à la disposition de l’autorité de décision au moment de la décision (et qui a déployé un effet contraignant à son égard), soit en l’occurrence, de l’annexe II de la CSI, dans sa teneur valable à partir du 1er janvier 2022, état au 1er juillet 2023 (au vu de la date de la décision administrative litigieuse [du 22 septembre 2023]); des compléments ultérieurs peuvent éventuellement être pris en compte, notamment s’ils permettent de tirer des conclusions sur une pratique administrative déjà appliquée auparavant (cf. ATF 147 V 278 consid. 2.2 et les références), comme c’est le cas de la Lettre-circulaire n° 443 du 31 juillet 2024 relative à l’allocation pour impotent pour mineurs atteints de diabète.

Consid. 6
L’appréciation de la juridiction cantonale, qui a admis que l’assuré, âgé d’un peu plus de 5 ans au moment de la décision administrative litigieuse, requérait une surveillance personnelle permanente accrue au sens de l’art. 37 al. 3 let. b et al. 4 RAI, ne peut pas être suivie, pour les raisons qui suivent.

Consid. 6.1
On rappellera qu’en vertu de l’art. 37 al. 4 RAI, l’impotence des mineurs doit être évaluée en prenant en considération uniquement le surcroît d’aide et de surveillance que le mineur handicapé nécessite par rapport à un mineur du même âge et en bonne santé. Conformément à l’annexe II de la CSI (qui a succédé à l’annexe 3 de la Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité [CIIAI] établie par l’OFAS avec effet au 1er janvier 2022), une surveillance personnelle ne doit en règle générale pas être prise en considération avant l’âge de six ans, l’OFAS [recourant] insistant à cet égard sur le fait que tous les enfants ont besoin d’une surveillance importante avant cet âge. En fonction de la situation et du degré de gravité, un besoin de surveillance peut cependant être reconnu déjà avant l’âge de six ans, notamment si l’enfant présente un autisme infantile (arrêt 8C_158/2008 du 15 octobre 2008 consid. 5.2.2 et les références; cf. aussi consid. 5.1 supra).

Consid. 6.2
Certes, dans l’arrêt 8C_195/2023 du 5 mars 2024 consid. 5.2.2, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si un besoin de surveillance personnelle peut également être reconnu dès l’âge de quatre ans pour les enfants atteints de diabète sucré de type 1, en fonction de la situation et du degré de surveillance, par analogie avec la situation des enfants sujets à des crises d’épilepsie. Dans le cas jugé à l’époque, les contrôles réguliers de la glycémie ne dépassaient en effet pas de manière significative le niveau habituel de surveillance d’un enfant de trois ou cinq ans, selon les constatations de l’instance précédente qui liaient le Tribunal fédéral (« bindende Feststellungen »). Tel est également le cas en l’espèce. En effet, selon les constatations de l’enquêtrice, l’assuré requiert une surveillance en adéquation avec son âge; l’enquêtrice a précisé à cet égard que l’enfant suit une scolarité normale et va à l’accueil parascolaire, qu’il peut jouer seul dans une pièce et que sa glycémie est 73% du temps dans la cible. On ne saurait en déduire que les contrôles réguliers de la glycémie dépasseraient de manière significative le niveau habituel de surveillance d’un enfant de moins de six ans, ce d’autant plus que la pédiatre traitante ne l’a pas indiqué; dans son rapport du 6 août 2023, la médecin traitante a fixé le nombre de contrôles de la glycémie recommandés à plus de quatre par jour. Par ailleurs, il n’apparaît pas non plus que l’assuré souffrirait d’autres troubles susceptibles de nécessiter un besoin de surveillance personnelle plus élevé par rapport à un enfant en bonne santé du même âge (déficience intellectuelle ou cognitive, par exemple). Dans ce contexte, on rappellera que selon la jurisprudence, pour admettre la nécessité d’une surveillance personnelle permanente au sens de l’art. 37 al. 2 let. b et al. 3 let. b RAI, il faut qu’en raison de son état de santé sur le plan physique, psychique ou mental, l’assuré ne puisse pas être laissé seul toute la journée en raison de défaillances mentales, ou un tiers doive être présent toute la journée, sauf pendant de brèves interruptions (arrêt 9C_831/2017 précité consid. 3.1 et les arrêts cités).

Quant au fait que l’assuré ne peut pas être laissé seul la nuit, sous peine d’être en danger, il ne permet pas de parvenir à une autre conclusion. Comme le fait valoir l’OFAS, tous les enfants, en particulier quand ils sont âgés de moins de six ans, ne peuvent pas être laissés seuls la nuit. De plus, selon la jurisprudence, des contrôles et des interventions nécessaires plusieurs nuits par semaine ne suffisent pas pour admettre qu’un enfant souffrant de diabète de type 1 nécessite un besoin de surveillance permanente (cf. arrêt 8C_719/2022 du 5 mars 2024 consid. 6.6). Or à cet égard, les parents de l’assuré ont rapporté à l’enquêtrice devoir intervenir seulement de manière irrégulière de nuit (entre 1 et 3 fois pendant une nuit, puis plus pendant 2 à 4 nuits, puis 2 nuits de suite, puis plus, etc.).

Consid. 6.3
Par ailleurs, si la pédiatre traitante a indiqué qu’un enfant sans surveillance et en proie à une hyper- ou hypoglycémie se mettrait selon toute probabilité en danger, si bien qu’il doit être sous une surveillance personnelle accrue, permanente et perpétuelle, ses explications doivent être nuancées au regard du considérant précédent. La pédiatre traitante a exposé des considérations d’ordre général, transposables à la situation de tout enfant diabétique. Dans son rapport du 6 août 2023, elle ne s’est en effet pas concrètement référée au cas de l’assuré, lorsqu’elle a exposé qu’un enfant diabétique ne peut pas se prendre en charge de manière autonome et fiable avant l’âge de 12 ans environ (étant donné la capacité de calcul, de discipline et de prévoyance exigée par cette discipline), si bien que la présence constante d’un adulte (parents, professeur ou maman de jour) ayant été sensibilisé à cette pathologie et au comportement à adopter en cas de complication aiguë est indispensable pour assurer un équilibre glycémique et intervenir de manière adéquate en cas d’urgence.

En l’occurrence, si l’enquêtrice a admis l’existence d’un danger lorsque la glycémie de l’assuré n’est pas dans la cible, faisant état d’hyperglycémies susceptibles de se révéler délétères à long terme pour les organes vitaux, elle a cependant nié la nécessité d’une surveillance personnelle permanente. Elle a en particulier exposé que la glycémie était 73% du temps dans la cible et que durant les 27% du temps restants, l’enfant était plus souvent en hyperglycémie qu’en hypoglycémie, ce qui ne représentait pas un risque vital immédiat. L’enquêtrice a également expliqué que l’assuré dispose de moyens auxiliaires, notamment d’un capteur à glycémie et qu’il porte une pompe à insuline, qui sont reliés à une application pour smartphone et permettent de fournir en direct le taux de sucre dans le sang et d’émettre un signal lorsque la glycémie s’élève au-delà ou s’abaisse en-deçà de la cible, respectivement d’adapter la dose d’insuline injectée, d’où une diminution du risque de mise en danger pour l’enfant et du besoin de présence des parents. Le point de vue de l’enquêtrice n’est du reste pas contredit par l’avis de la pédiatre traitante, qui a en effet indiqué que son patient sait quand il est dans des valeurs hors cible et comment réagir. Au demeurant, lorsque l’assuré présente des hypoglycémies, elles sont le plus souvent sans gravité et remontent rapidement. Ces éléments confirment un besoin de surveillance certes régulier mais non pas permanent et intense, comme le fait valoir l’OFAS. Ils n’établissent par ailleurs pas, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’enfant courrait un danger important pour sa vie s’il était laissé sans surveillance durant quelques minutes.

Consid. 6.4
Quant aux interventions effectuées en cas d’urgence (augmentation de la dose d’insuline ou remise en place du cathéter, notamment), elles ont déjà été prises en compte dans le cadre de l’évaluation des besoins en soins de l’enfant, si bien qu’il n’y a pas lieu d’en tenir compte lorsqu’il s’agit d’évaluer le besoin de surveillance (arrêt 9C_831/2017 précité consid. 3.1).

Consid. 7
En définitive, en reconnaissant le droit de l’assuré à une allocation pour impotent de degré faible depuis le 01.10.2022, les juges cantonaux ont violé le droit fédéral. Ils ont en effet méconnu la notion de surveillance personnelle permanente au sens de l’art. 37 al. 3 let. b RAI. Le recours est bien fondé.

 

Le TF admet le recours de l’OFAS.

 

Arrêt 9C_526/2024 consultable ici

 

9C_221/2025 (f) du 23.06.2025 – Allocation pour impotent / Actes «se vêtir/se dévêtir», «faire sa toilette», «se déplacer à l’intérieur ou à l’extérieur, établir des contacts» et besoin d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie niés

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_221/2025 (f) du 23.06.2025

 

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Allocation pour impotent / 9 LPGA – 42 LAI – 37 RAI

Actes «se vêtir/se dévêtir», «faire sa toilette», «se déplacer à l’intérieur ou à l’extérieur, établir des contacts» et besoin d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie niés

 

Résumé
Assuré au bénéfice d’une rente entière depuis le 01.11.2019, a demandé une allocation pour impotent. Après enquête à domicile (rapport relevant l’aide régulière et importante d’autrui pour accomplir un acte ordinaire de la vie, soit celui de manger), l’office AI a rejeté la demande. Tant dans la procédure cantonale que fédérale, il n’a pas été établi un besoin d’aide régulier et important pour «se vêtir/se dévêtir», «faire sa toilette» ou «se déplacer/établir des contacts», ni la nécessité d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie. Selon le Tribunal fédéral, les constatations médicales et factuelles n’ont pas été jugées arbitraires et le grief de défaut de motivation a été écarté.

 

Faits
Assuré, né en 1970, a perçu une rente entière de l’assurance-invalidité du 01.08.2014 au 31.03. 2016. Il bénéficie à nouveau d’une rente entière depuis le 01.11.2019.

Le 16.08.2022, l’assuré a déposé une demande d’allocation pour impotent. L’office AI a notamment mis en oeuvre une enquête au domicile de l’assuré le 02.11.2023. Dans un rapport du 20.11.2023, l’enquêtrice a constaté que l’assuré avait besoin d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir un acte ordinaire de la vie, soit celui de manger. Par décision du 21.02.2024, l’office AI a rejeté la demande d’allocation pour impotent.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 94/24 – 82/2025 – consultable ici)

Par jugement du 20.03.2025, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2
L’impotence est moyenne si l’assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir la plupart des actes ordinaires de la vie, d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, une surveillance personnelle permanente, ou d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 38 RAI (art. 37 al. 2 let. a à c RAI). Selon cette disposition, ce besoin existe lorsque la personne assurée ne peut pas en raison d’une atteinte à la santé vivre de manière indépendante sans l’accompagnement d’une tierce personne, faire face aux nécessités de la vie et établir des contacts sociaux sans l’accompagnement d’une tierce personne, ou éviter un risque important de s’isoler durablement du monde extérieur (art. 38 al. 1 let. a à c RAI).

Dans la première éventualité, l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie doit permettre à la personne concernée de gérer elle-même sa vie quotidienne. Il intervient lorsque la personne nécessite de l’aide pour au moins l’une des activités suivantes: structurer la journée, faire face aux situations qui se présentent tous les jours (p. ex. problèmes de voisinage, questions de santé, d’alimentation et d’hygiène, activités administratives simples) et tenir son ménage (aide directe ou indirecte d’un tiers; ATF 133 V 450 consid. 10). Dans la deuxième éventualité (accompagnement pour les activités hors du domicile), l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie doit permettre à la personne assurée de quitter son domicile pour certaines activités ou rendez-vous nécessaires, tels les achats, les loisirs ou les contacts avec les services officiels, le personnel médical ou le coiffeur. Dans la troisième éventualité, l’accompagnement en cause doit prévenir le risque d’isolement durable ainsi que de la perte de contacts sociaux et, par là, la péjoration subséquente de l’état de santé de la personne assurée (arrêt 9C_308/2022 du 28 mars 2023 consid. 3.3 et la référence).

Consid. 2.3
La nécessité de l’aide apportée par une tierce personne doit être examinée de manière objective, selon l’état de santé de la personne assurée, indépendamment de l’environnement dans lequel celle-ci se trouve; seul importe le point de savoir si, dans la situation où elle ne dépendrait que d’elle-même, la personne assurée aurait besoin de l’aide d’un tiers (arrêt 9C_354/2023 du 15 novembre 2023 consid. 2.3 et les références).

Consid. 4.1 [résumé]
S’agissant de l’acte «se vêtir/se dévêtir», l’assuré soutient que l’enquêtrice avait omis de cocher «se dévêtir». Les juges cantonaux ont constaté que la mention «idem» figurait pour cet acte, de sorte qu’ils pouvaient retenir sans arbitraire que les limitations étaient identiques pour «se vêtir» et «se dévêtir». Le recours ne contient aucun élément propre à démontrer l’arbitraire. Le simple rappel d’atteintes psychiatriques, notamment une majoration des symptômes physiques pour des raisons psychologiques, ne montre pas que ces aspects n’auraient pas été pris en compte. Au contraire, les limitations fonctionnelles avaient été clairement définies par le médecin du SMR avant l’enquête à domicile, ce que l’assuré ne conteste pas. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de s’écarter de l’appréciation des juges cantonaux.

Consid. 4.2 [résumé]
Pour l’acte «faire sa toilette», l’assuré se limite aux déclarations de sa fille selon lesquelles il devait être «stimulé». Il ne prétend ni ne démontre que cette stimulation dépasserait de simples rappels ponctuels. Les juges cantonaux pouvaient dès lors retenir sans arbitraire que l’aide de l’épouse ne traduisait pas un besoin d’assistance important justifié par l’état de santé. Aucun élément médical objectif ne faisait obstacle à l’accomplissement de cet acte, ce que l’assuré ne conteste pas.

Consid. 4.3 [résumé]
Pour l’acte «se déplacer à l’intérieur ou à l’extérieur, établir des contacts», contrairement à ce que soutient l’assuré, les juges cantonaux ne se sont pas fondés uniquement sur une capacité de travail résiduelle. Ils ont retenu qu’il vivait avec son épouse et leurs enfants, conservait son autonomie de déplacement dans l’appartement, utilisait une canne anglaise à la main gauche, conduisait encore une voiture automatique «à titre exceptionnel» et se rendait parfois seul aux séances de physiothérapie. Ils ont dès lors retenu sans arbitraire qu’il pouvait se déplacer et établir des contacts.

Consid. 4.4
Enfin, en ce qui concerne le besoin d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie, l’assuré se borne à nouveau à opposer sa propre appréciation à celle de la juridiction cantonale, sans toutefois démontrer en quoi celle-ci serait manifestement insoutenable. Il en va en particulier ainsi lorsqu’il fait valoir que les diagnostics psychiatriques et la structure de sa personnalité justifieraient, déjà à eux seuls, le besoin revendiqué. Ce faisant, il n’établit pas qu’il était insoutenable de la part des juges précédents, et il n’apparaît pas que tel soit le cas, de suivre les constatations concrètes de l’enquêtrice de l’office AI, et d’en tirer qu’il était capable de structurer son quotidien sans difficultés substantielles, conservait la faculté de gérer des activités ordinaires simples et n’était pas entravé par ses limitations fonctionnelles physiques ou psychiques dans la réalisation de tâches légères (éventuellement en les fractionnant et en se servant de moyens auxiliaires).

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_221/2025 consultable ici

 

 

 

9C_660/2024 (f) du 27.06.2025 – Capacité de travail exigible – Rapport du médecin traitant probant – Mauvaise lecture par le médecin du SMR / Appréciation arbitraire des faits et des preuves par le tribunal cantonal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_660/2024 (f) du 27.06.2025

 

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Capacité de travail exigible – Rapport du médecin traitant probant – Mauvaise lecture par le médecin du SMR / 16 LPGA – 43 LPGA

Appréciation arbitraire des faits et des preuves par le tribunal cantonal

 

Résumé
Assurée, née en 1982, souffrant d’un syndrome de type angiome Klippel-Trenaunay de la jambe droite. L’office AI a nié le droit à des mesures professionnelles et à la rente, confirmé par la juridiction cantonale. Sur la base des pièces, le Tribunal fédéral a été retenu que le SMR avait mal interprété l’avis de l’angiologue traitant, qui a précisé qu’il ne serait pas possible de travailler assise une journée complète et a limité la capacité à environ quatre heures par jour. L’appréciation cantonale des preuves a été jugée arbitraire; une expertise médicale indépendante doit être mise en œuvre et la cause a été renvoyée à l’office AI.

 

Faits
En octobre 2021, assurée, née en 1982, a présenté une demande de prestations de l’assurance-invalidité. Elle y indiquait souffrir depuis la naissance d’un syndrome de type angiome Klippel-Trenaunay sur toute la jambe droite. Après avoir en particulier sollicité des renseignements auprès des médecins traitants de l’assurée, qu’il a soumis à son SMR, l’office AI a nié le droit de l’intéressée à des mesures d’ordre professionnel et à une rente.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 15.10.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Les juges cantonaux ont d’abord constaté que le médecin traitant spécialiste en médecine interne générale et en angiologie avait indiqué que l’assurée disposait d’une capacité de travail de 50% dans son activité habituelle de responsable de fabrication auprès de D.__ Sàrl, respectivement de 100% dans une activité entièrement adaptée à ses limitations fonctionnelles. Ils ont ensuite considéré qu’aucune raison ne permettait de « s’écarter » de l’appréciation probante du médecin du SMR, selon laquelle l’assurée disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité légère et adaptée. En particulier, l’avis de l’angiologue traitant ne contredisait pas les conclusions du médecin du SMR quant à l’exigibilité de l’exercice à 100% d’une activité entièrement adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assurée, à savoir un emploi sédentaire où celle-ci pourrait rester assise toute la journée et le cas échéant effectuer des pauses régulières pour allonger sa jambe droite. Après avoir confirmé le taux d’invalidité arrêté par l’office intimé à 38%, la juridiction cantonale a finalement nié le droit de l’assurée à une rente, ainsi qu’à des mesures de réadaptation.

Consid. 5.1
En l’occurrence, en ce qu’elle a considéré que l’avis du médecin traitant spécialiste en médecine interne générale et en angiologie ne contredisait pas les conclusions du médecin du SMR, selon lesquelles une activité entièrement adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assurée était exigible à 100%, la juridiction cantonale a apprécié arbitrairement les faits et les preuves. Elle s’est fondée sur l’avis du médecin du SMR, qui, appelé à se prononcer au sujet des conclusions de l’angiologue traitant, avait admis que son confrère avait apprécié la situation de sa patiente en ce sens qu’elle disposait d’une capacité de travail de 50% au maximum « dans l’activité habituelle (plutôt debout) » et de 100% « dans une activité plutôt assise ».

Or tels ne sont pas les propos de l’angiologue traitant. Dans son rapport, le médecin traitant n’a en effet pas indiqué que l’assurée disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée (même assise ou plutôt assise). Après avoir d’abord rappelé qu’en 2008, il s’était adressé à l’employeur de sa patiente afin de lui signifier qu’elle « devrait avoir au moins 50% de son activité en position assise », l’angiologue traitant a décrit l’« évolution sur 13 ans », en faisant état d’une « diminution de la capacité de travail lié[e] aux douleurs du [membre inférieur droit] de plus en plus importantes ». Dans ce contexte, le médecin traitant a indiqué que l’atteinte angiomateuse du réseau veineux profond ne pouvait bénéficier d’aucun traitement en dehors de la contention et de l’hygiène veineuse et qu’il « ne serait pas possible de travailler assise une journée complète »; il a précisé à ce propos qu’il pensait clairement que l’on ne pouvait pas attendre de l’assurée plus de quatre heures par jour de travail dans son activité et dans toute activité d’ailleurs. À cet égard, la considération de la juridiction cantonale, selon laquelle cette « précision » de l’angiologue traitant ne reposait sur aucune explication et semblait dès lors être principalement fondée par la relation de confiance particulière le liant à sa patiente, ne peut pas être suivie.

Consid. 5.2
On rappellera que le fait, tiré de l’expérience de la vie, qu’en raison du lien de confiance (inhérent au mandat thérapeutique) qui l’unit à son patient, le médecin traitant est généralement enclin à prendre parti pour celui-ci (ATF 135 V 465 consid. 4.5; 125 V 351 consid. 3a/cc) ne libère pas le juge de son devoir d’apprécier correctement les preuves, ce qui suppose de prendre également en considération les rapports versés par l’assuré à la procédure. Le juge doit alors examiner si ceux-ci mettent en doute, même de façon minime, la fiabilité et la pertinence des constatations des médecins internes à l’assurance. Lorsque, comme en l’occurrence, une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis motivé d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes quant à la fiabilité et à la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis. Il y a lieu de mettre en oeuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA (ou une expertise judiciaire; ATF 135 V 465 consid. 4.5 et 4.6; arrêt 9C_553/2023 du 14 novembre 2024 consid. 3.2 et les références). Aussi la cause doit-elle être renvoyée à l’office AI pour ce faire. Le recours est bien fondé.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_660/2024 consultable ici

 

 

 

9C_61/2025 (f) du 17.06.2025 – Allocation pour impotent (API) pour mineurs et supplément pour soins intenses (SSI) / Surcroît de temps pour l’acte « aller aux toilettes »

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_61/2025 (f) du 17.06.2025

 

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Allocation pour impotent (API) pour mineurs et supplément pour soins intenses (SSI) / 42ter LAI – 39 RAI

Surcroît de temps pour l’acte « aller aux toilettes »

 

Résumé
Assurée mineure née en 2015 et atteinte d’une trisomie 21 avec troubles visuels, a bénéficié d’une API de degré moyen dès le 01.11.2021. Saisi d’un recours contre le jugement cantonal qui avait retenu un degré grave et un supplément pour soins intenses fondé sur un besoin quotidien de 362 minutes dès le 1er mars 2023, l’examen s’est limité au montant du supplément. Le Tribunal fédéral a rappelé que la Circulaire sur l’impotence (CSI) fixe une limite maximale de 40 minutes pour l’acte « aller aux toilettes ». En rectifiant l’imputation du temps pour « aller aux toilettes » (70 minutes et non 100), le besoin d’aide quotidien a été arrêté à 332 minutes (5 h 32), ouvrant le droit au supplément pour soins intenses.

 

Faits
Assurée, née en 2015, est atteinte d’une trisomie 21, associée notamment à des troubles visuels importants. Elle a bénéficié de différentes prestations de l’AI lorsqu’elle a sollicité l’octroi d’une allocation pour impotent en novembre 2022, par l’intermédiaire de ses parents. Après avoir notamment mis en œuvre une enquête à domicile (07.02.2022), l’office AI a reconnu le droit de l’assurée à une allocation d’impotence pour mineurs de degré moyen à compter du 01.11.2021 (décision du 20 avril 2023).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1019/2024 – consultable ici)

Par jugement du 17.12.2024, admission du recours par le tribunal cantonal. La cour cantonale a (annulé la décision et) renvoyé la cause à l’office AI pour nouvelle décision au sens des considérants (octroi à l’assurée d’une allocation d’impotence pour mineurs de degré grave et d’un supplément pour soins intenses correspondant à un besoin de 6 heures [362 minutes] par jour depuis le 01.03.2023).

 

TF

Consid. 3.3
On rappellera qu’un supplément pour soins intenses peut être ajouté à l’allocation pour impotent lorsque celle-ci est servie à un mineur qui a en outre besoin d’un surcroît de soins dont l’accomplissement atteint le seuil minimum quotidien de 4 heures (cf. art. 42ter al. 3 LAI et 39 al. 1 RAI). Le montant mensuel de ce supplément s’élève à 100% du montant maximum de la rente de vieillesse au sens de l’art. 34 al. 3 et 5 LAVS, lorsque le besoin de soins découlant de l’invalidité est de 8 heures par jour au moins, à 70% de ce montant maximum lorsque le besoin est de 6 heures par jour au moins, et à 40% de ce montant maximum lorsque le besoin est de 4 heures par jour au moins (art. 42ter al. 3, 2e phrase, LAI).

Le point de savoir si l’impotent mineur a droit à un supplément pour soins intenses, tout comme le montant de cette prestation, reposent sur une appréciation temporelle de la situation (cf. arrêt 9C_666/2013 du 25 février 2014 consid 8.2 in: SVR 2014 IV n° 14 p. 55) dans laquelle il convient d’évaluer le surcroît de temps consacré au traitement et aux soins de base par rapport au temps ordinairement consacré auxdits traitements et soins pour un mineur du même âge en bonne santé (cf. art. 39 al. 2 RAI). Bien que ni la loi ni le règlement sur l’assurance-invalidité ne fassent expressément référence à l’ordonnance du 29 septembre 1995 sur les prestations dans l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie (OPAS; RS 832.112.31), les soins de base évoqués à l’art. 39 al. 2 RAI sont bien ceux figurant à l’art. 7 al. 2 let. c de cette ordonnance (cf. arrêt 9C_350/2014 du 11 septembre 2014 consid. 4.2.3). Ils consistent notamment en « bander les jambes du patient, lui mettre des bas de compression, refaire son lit, l’installer, lui faire faire des exercices, le mobiliser, prévenir les escarres, prévenir et soigner les lésions de la peau consécutives à un traitement; aider aux soins d’hygiène corporelle et de la bouche; aider le patient à s’habiller et à se dévêtir ainsi qu’à s’alimenter » (art. 7 al. 2 let. c ch. 1 OPAS).

Consid. 4.1
La juridiction cantonale a constaté que le surcroît de temps à prendre en considération dans le cas de l’assurée s’élevait au total à 362 minutes par jours (6 heures et 2 minutes), à savoir: 235 minutes pour les actes ordinaires de la vie (soit 50 minutes pour l’acte « se lever/s’asseoir/se coucher », 30 minutes pour l’acte « se vêtir/se dévêtir », 30 minutes pour l’acte « manger », 25 minutes pour l’acte « faire sa toilette » et 100 minutes pour l’acte « aller aux toilettes »), 7 minutes pour les visites médicales et 120 minutes pour la surveillance personnelle permanente.

Consid. 5
On rappellera, à la suite des juges cantonaux, que pour évaluer l’impotence des assurés mineurs, on applique par analogie les règles valables pour l’impotence des adultes selon les art. 9 LPGA et 37 RAI. Toutefois, l’application par analogie de ces dispositions n’exclut pas la prise en considération de circonstances spéciales, telles qu’elles peuvent apparaître chez les enfants et les jeunes gens. En vertu de l’art. 37 al. 4 RAI, seul est pris en considération dans le cas des mineurs le surcroît d’aide et de surveillance que le mineur handicapé nécessite par rapport à un mineur du même âge et en bonne santé. Cette disposition spéciale s’explique par le fait que plus l’âge d’un enfant est bas, plus il a besoin d’une aide conséquente et d’une certaine surveillance, même s’il est en parfaite santé (ATF 137 V 424 consid. 3.3.3.2 et les références; cf. aussi arrêt 8C_535/2022 du 1er juin 2023 consid. 2.2).

Afin de faciliter l’évaluation de l’impotence déterminante des mineurs, l’OFAS a adopté des lignes directrices (Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité [CIIAI] valable à partir du 1er janvier 2015, à laquelle a succédé la Circulaire sur l’impotence [CSI] avec effet au 1er janvier 2022). Celles-ci détaillent l’âge à partir duquel, en moyenne, un enfant en bonne santé n’a plus besoin d’une aide régulière et importante pour chacun des actes ordinaires de la vie, ainsi que les valeurs maximales à prendre en compte en termes de temps nécessaire à l’aide apportée en fonction de l’âge de l’enfant (cf. Annexes III et IV de la CIIAI, respectivement Annexes 2 et 3 de la CSI).

Consid. 6.1 [résumé]
S’agissant du surcroît de temps à prendre en compte pour l’acte « aller aux toilettes », il ressort des constatations cantonales, non contestées, que l’assurée porte des couches, souffre de troubles intestinaux et n’est pas autonome, à la différence des enfants de son âge. L’enquêtrice avait retenu 6 passages quotidiens, avec accompagnement par un adulte et absence de selles à nettoyer à chaque fois, l’enfant sachant monter et descendre sa couche. La mère avait exposé 12 passages par jour en raison de diarrhées et de constipations, une aide pour tout, y compris une toilette complète en cas de débordements, sans comportement récalcitrant mais avec un surcroît de temps lié à l’aide importante. Au vu de l’âge (8 ans en mars 2023) et des changements fréquents, la juridiction cantonale a considéré un surcroît de 100 minutes (40 minutes de base + 60 minutes pour 12 changes [12 × 5 minutes]), les premiers juges ayant exposé qu’il paraissait inconvenable de ne retenir que 30 minutes, l’acte impliquant l’accompagnement répété d’une jeune enfant avec retard et troubles gastro-intestinaux et des lavages réguliers.

Consid. 6.2
Comme le fait valoir l’office recourant, le supplément temporaire à prendre en compte en l’espèce pour l’acte « aller aux toilettes » s’élève à 70 minutes au total, à savoir un surcroît de temps de 40 minutes auquel s’ajoutent 30 minutes pour le changement des couches. Il ressort en effet tant de l’annexe 3 de la CSI que de l’annexe IV de la CIIAI que jusqu’à 10 ans, une limite maximale de 40 minutes a été fixée pour l’acte « aller aux toilettes » (se rendre aux toilettes, se rhabiller, hygiène corporelle, vérification de la propreté) et qu’un surcroît de temps de 5 minutes lié au changement fréquent des couches ou à l’accompagnement répété aux toilettes (à partir de 6 fois par jour) doit être pris en considération par intervention. Partant, c’est en vain que l’assurée affirme que la motivation de l’instance cantonale n’est pas arbitraire et ne « s’écarte même pas de la circulaire ». Quoi qu’elle en dise, les lignes directrices de l’administration s’opposent à la prise en compte d’un surcroît de temps additionnel de 5 minutes à partir du premier passage aux toilettes de la journée.

Dans ce contexte, on peine par ailleurs à suivre l’assurée lorsqu’elle affirme de manière péremptoire que la prise en considération de la charge supplémentaire des parents uniquement à partir du septième passage aux toilettes de la journée ne serait pas justifiable et serait contraire à la loi. Outre que l’assurée n’étaie aucunement son point de vue, on rappellera que bien que les directives administratives ne lient en principe pas le juge, celui-ci est néanmoins tenu de les considérer dans son jugement, pour autant qu’elles permettent une interprétation des normes juridiques qui soit adaptée au cas d’espèce et équitable. Ainsi, si les directives administratives constituent une concrétisation convaincante des dispositions légales, le tribunal ne s’en départit pas sans motif pertinent. Dans cette mesure, il tient compte du but de l’administration tendant à garantir une application égale du droit (ATF 148 V 102 consid. 4.2; 146 V 224 consid. 4.4. et l’arrêt cité). Or en l’occurrence, l’office recourant a expliqué de manière convaincante que les 6 premiers passages aux toilettes de la journée sont compris dans la limite maximale journalière de 40 minutes à prendre en compte (cf. annexe 3 de la CSI et l’annexe IV de la CIIAI).

Consid. 6.3 [résumé]
Il faut ainsi soustraire du total de 362 minutes (6 h 02) retenu par le Tribunal cantonal les 30 minutes indûment comptées pour « aller aux toilettes » (6 × 5 minutes pour les 6 premiers passages), ce qui aboutit à 332 minutes (5 h 32). Ce besoin ouvre le droit à un supplément pour soins intenses au sens de l’art. 39 RAI correspondant à un besoin de soins découlant de l’invalidité d’au moins 4 heures par jour selon l’art. 42ter al. 3 LAI (consid. 3.3). Il convient dès lors de réformer l’arrêt attaqué en ce sens; il n’y a pas lieu d’examiner plus avant le grief relatif à l’acte « manger ».

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_61/2025 consultable ici

 

 

8C_515/2024 (d) du 23.05.2025, destiné à la publication – Maxime inquisitoire – Principe de la libre appréciation des preuves / Rapport établi par une psychologue

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_515/2024 (d) du 23.05.2025, destiné à la publication

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Maxime inquisitoire – Principe de la libre appréciation des preuves / 61 let. c LPGA – 43 al. 1 LPGA

Rapport établi par une psychologue

 

Résumé
Le Tribunal fédéral rappelle que l’évaluation du droit aux prestations nécessite des bases médicales de décision fiables. En l’espèce, la cour cantonale s’est exclusivement fondée sur l’évaluation – sur dossier – du médecin orthopédiste du SMR, sans tenir compte du rapport circonstancié de la psychothérapeute traitante, ni des diagnostics antérieurs attestant d’un trouble psychique. Le Tribunal fédéral a jugé que ni l’office AI ni le tribunal cantonal n’ont satisfait à leur obligation d’instruire, en omettant d’évaluer de manière approfondie l’état psychique de l’assurée malgré des indices sérieux d’une atteinte à la santé psychique. Il a dès lors annulé l’arrêt cantonal et renvoyé la cause à l’office AI pour des mesures d’instruction complémentaire et nouvelle décision.

 

Faits
Assurée, née en 1965, a déposé en septembre 2014 une première demande de prestations de l’assurance-invalidité. Par décision du 09.11.2016, l’office AI lui a octroyé une demi-rente limitée au mois de mars 2015. Cette décision n’avait pas été contestée.

En mai 2021, l’assurée a déposé une nouvelle demande, invoquant des douleurs au genou ainsi qu’une dépression. L’office AI a procédé à une évaluation de la situation médicale et professionnelle. Après consultation du SMR, l’office AI a informé l’assurée de son intention de rejeter la demande. À l’issue de compléments d’instruction et notamment d’un nouvel avis du SMR, l’office AI a rejeté la demande (décision du 21.12.2023).

 

Procédure cantonale (arrêt VBE.2024.82 – consultable ici)

Par jugement du 25.06.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon la cour cantonale, il convient de se fonder, comme base probante pour apprécier l’état de santé, le profil de capacité de travail exigible et les limitations fonctionnelles, sur la seule appréciation sur dossier du 18.07.2023 établi par le Dr B.__, orthopédiste et médecin du SMR. Selon celle-ci, il n’existerait, ni sur le plan somatique, ni sur le plan psychique, d’atteintes à la santé ayant une incidence sur la capacité de travail. Il convient dès lors d’admettre une pleine capacité de travail de la recourante pour toute activité au plus tard dès septembre 2021.

Consid. 3.2
Comme déjà lors de la procédure cantonale, l’assurée ne conteste pas l’appréciation du SMR sur le plan somatique. Il n’y a dès lors pas lieu d’aller plus loin sur ce point.

Consid. 3.3
Sur le plan psychique, l’assurée invoque une violation du principe inquisitoire (art. 61 let. c LPGA). Elle fait valoir que la conclusion de l’instance cantonale, selon laquelle il n’existerait pas même de doutes minimes quant à la prise de position interne à l’assurance du Dr B.__, est insoutenable. Elle invoque également une appréciation arbitraire des preuves par les juges cantonaux.

Consid. 4.1
La cour cantonale a constaté qu’aucune pathologie psychique n’est établie par un médecin spécialiste, ce que ne changeait pas non plus le rapport de la psychothérapeute traitante, lic. phil. C.__, du 18.04.2023. Il ne s’agissait en effet pas d’une évaluation médicale spécialisée. En outre, ce rapport ne contenait ni indications anamnestiques suffisantes ni une explicitation compréhensible du raisonnement diagnostique.

Consid. 4.3
Comme l’a reconnu à juste titre le tribunal cantonal, l’évaluation de la psychothérapeute ne constitue pas une appréciation médicale spécialisée. Il est également exact qu’une évaluation spécialisée de l’état de santé et de la capacité de travail ne peut en principe être remise en cause que sur la base d’une autre évaluation divergente émanant elle aussi d’un médecin spécialiste (arrêts 8C_584/2018 du 13 novembre 2018 consid. 4.1.1.2 ; 8C_450/2018 du 16 octobre 2018 consid. 5.1 ; 9C_139/2014 du 6 octobre 2014 consid. 5.2 et les références citées). On ne saurait toutefois en déduire qu’un rapport émanant d’une psychothérapeute serait d’emblée dépourvu de pertinence (cf. par ex. arrêt 8C_398/2018 du 5 décembre 2018 consid. 5.1 et 5.4). Le principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA) impose plutôt aux tribunaux cantonaux des assurances sociales d’examiner objectivement tous les moyens de preuve, indépendamment de leur origine, et de décider ensuite si les pièces disponibles permettent une évaluation fiable du droit litigieux.

Consid. 4.4
L’évaluation du droit aux prestations relevant du droit des assurances sociales nécessite des bases médicales de décision fiables (ATF 134 V 231 consid. 5.1; SVR 2018 UV Nr. 27 p. 94, 8C_830/2015 consid. 5.2). Tant la procédure administrative que le procès cantonal en matière d’assurances sociales sont régis par la maxime inquisitoire (art. 43 al. 1 et art. 61 let. c LPGA). Selon ce principe, l’administration et le tribunal cantonal doivent établir d’office les faits juridiquement pertinents. Cette obligation d’instruction s’étend jusqu’à ce que les faits nécessaires à l’examen des prétentions en cause soient suffisamment élucidés (SVR 2013 UV Nr. 9 p. 29, 8C_592/2012 consid. 5.1 et les références ; cf. également ATF 144 V 427 consid. 3.2 et les références). La maxime inquisitoire présente des liens étroits avec le principe de la libre appréciation des preuves, applicable tant au niveau administratif que judiciaire (cf. consid. 4.3 supra).

Si les investigations menées d’office conduisent, dans le cadre d’une appréciation des preuves complète, correcte, objective et matérielle (ATF 132 V 393 consid. 4.1), l’assureur ou le tribunal est convaincu que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante (ATF 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2) et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu de rechercher d’autres preuves. Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu (appréciation anticipée des preuves ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 124 V 90 consid. 4b). En revanche, si des doutes sérieux subsistent quant à l’exhaustivité et/ou l’exactitude des constatations de fait établies jusqu’ici, il convient de compléter l’instruction de la cause, pour autant que l’on puisse attendre un résultat probant des mesures d’instruction entrant en considération (arrêt 8C_676/2023 du 22 mai 2024 consid. 3.2 et la référence).

Consid. 4.5
Selon les constatations non arbitraires de l’instance cantonale, l’expertise bidisciplinaire rhumatologique et psychiatrique du 27.11.2015 n’a pas attesté d’incapacité de travail en raison d’une atteinte psychique. Toutefois, l’experte psychiatre y a posé le diagnostic d’un épisode dépressif léger (CIM-10 F32.0). Comme l’a également relevé la cour cantonale, le rapport des services psychiatriques du 21.10.2015 mentionnait le diagnostic d’un épisode dépressif modéré à sévère. Ces indications médicales ne concernent certes pas la période déterminante de la nouvelle demande. Elles montrent néanmoins qu’une atteinte à la santé psychique avait été diagnostiquée par un médecin spécialiste dans le passé. Il ressort en outre du rapport de lic. phil. C.__ du 18.04.2023 que l’assurée se trouve depuis plusieurs années en traitement psychothérapeutique prescrit par un médecin.

Consid. 4.6
Comme le fait valoir à juste titre l’assurée, le médecin orthopédiste du SMR ne s’est absolument pas penché sur le contenu des indications fournies par lic. phil. C.__. Il s’est contenté d’écarter de manière générale aux psychologues la qualification professionnelle nécessaire à l’évaluation de l’état de santé psychique. Lui-même ne dispose toutefois ni d’un titre de spécialiste en psychiatrie, ni n’a jamais examiné personnellement l’assurée. Il convient également de relever que, selon l’art. 50c OAMal en vigueur depuis le 1er juillet 2022, les psychologues-psychothérapeutes sont, sous certaines conditions, reconnus comme fournisseurs de prestations dans l’assurance obligatoire des soins (voir à ce sujet les conditions d’autorisation à l’exercice de la psychothérapie à l’art. 11b de l’Ordonnance du DFI du 29 septembre 1995 sur les prestations de l’assurance des soins [OPAS ; RS 832.112.31] ; voir également l’art. 24 de la loi fédérale du 18 mars 2011 sur les professions de la psychologie [LPsy ; RS 935.81]). Ce seul fait ne rend certes pas superflue une évaluation par un médecin spécialiste. Toutefois, en raison des constatations psychopathologiques établies par la psychothérapeute (cf. consid. 4.2 supra), il existe en tout cas des indices sérieux d’une atteinte psychique significative. En ce sens, la conclusion du tribunal cantonal selon laquelle il n’existerait aucun indice d’un tableau clinique de maladie psychique apparaît insoutenable.

Consid. 4.7
Au vu de ce qui précède, il demeure incertain si la capacité de travail de l’assurée est ou non limitée pour des raisons psychiques. Il manque donc, sur le plan psychique, une base médicale fiable pour la décision. En renonçant à procéder à des investigations complémentaires concernant l’état de santé psychique de l’assurée, le tribunal cantonal a constaté les faits juridiquement pertinents de manière incomplète et en violation de la maxime inquisitoire (art. 61 let. c LPGA ; cf. consid. 4.4 ci-dessus). De son côté, l’office AI n’a pas non plus satisfait à son obligation d’instruire (art. 43 al. 1 LPGA), de sorte que la cause doit lui être renvoyée afin qu’il examine de manière suffisante l’état de santé psychique de l’assurée et vérifie si une modification notable de son état de santé est intervenue depuis la dernière évaluation matérielle. Il devra ensuite rendre une nouvelle décision sur le droit aux prestations.

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

Arrêt 8C_515/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_515/2024 (d) du 23.05.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/08/8c_515-2024)

 

 

9C_559/2021 (f) du 14.07.2022 – Début du droit à la rente d’invalidité – 28 al. 1 aLAI / Principe de la priorité de la réadaptation sur la rente – Possibilité de réadaptation professionnelle en raison de l’état de santé de l’assuré

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_559/2021 (f) du 14.07.2022

 

Consultable ici

 

Début du droit à la rente d’invalidité / 28 al. 1 aLAI

Principe de la priorité de la réadaptation sur la rente – Possibilité de réadaptation professionnelle en raison de l’état de santé de l’assuré

 

Résumé
L’assurée, active à temps partiel comme concierge et dans des activités indépendantes, avait déposé une demande de prestations AI en juillet 2014 en raison de lombalgies et d’une hernie discale. En l’absence de stabilisation de son état de santé, aucune mesure de réadaptation n’était exigible jusqu’à fin 2017, malgré une capacité de travail de 70% reconnue rétrospectivement dès août 2014. Le Tribunal fédéral a admis l’ouverture du droit à une demi-rente d’invalidité dès le 01.08.2015, soulignant que la reconnaissance rétrospective par les médecins-experts et le SMR d’une capacité de travail de 70% dans une activité adaptée ne remettait pas en cause l’impossibilité de mettre en œuvre une réadaptation avant fin 2017.

 

Faits
Assurée, née en 1969, a exercé une activité de concierge à temps partiel (30%) pour une commune dès octobre 2009, ainsi qu’une activité indépendante dans le nettoyage et au sein de l’exploitation agricole familiale. Le 02.07.2014, elle a déposé une demande AI en raison de lombalgies et d’une hernie discale médio-latérale gauche L5-S1.

L’office AI a mis en œuvre une expertise pluridisciplinaire. Dans leur rapport du 30.11. 2016, les spécialistes en médecine interne générale, psychiatrie et psychothérapie, rhumatologie et neurologie ont diagnostiqué des lombalgies chroniques (M54.5) avec discopathie et protrusion discale L5-S1 (M51.2), un status après cure de hernie discale en 2014, ainsi qu’une diminution de l’audition modérée à gauche et sévère à droite sur otosclérose. Hormis l’atteinte auditive, qui réduisait la capacité de travail dans toute activité impliquant la communication ou l’audition depuis 1995, les experts ont conclu à une capacité de travail entière dans une activité adaptée, avec une baisse de rendement d’environ 30% dès le 05.08.2014, soit trois mois après la cure de hernie discale.

Le 12.02.2018, l’office AI a octroyé une mesure de reclassement professionnel, prévue du 12.02.2018 au 31.07.2018, interrompue trois jours plus tard en raison de l’état de santé. Des indemnités journalières d’attente ont été versées du 27.04.2017 au 11.02.2018.

Le 20.11.2018, l’office AI a requis une expertise complémentaire, dont le rapport du 01.04.2019 a confirmé les conclusions précédentes. Par décision du 03.04.2020, l’office AI a reconnu le droit à une demi-rente d’invalidité dès le 01.02.2018, fondée sur un taux d’invalidité de 51%.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 21.09.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.1
En instance fédérale, le litige porte uniquement sur la date à partir de laquelle est né le droit de l’assurée à une demi-rente d’invalidité. L’assurée est d’avis que cette prestation lui est due à compter du 01.08.2015, tandis que la juridiction cantonale a confirmé la décision administrative selon laquelle la demi-rente doit être allouée depuis le 01.02.2018.

Consid. 2.2
Dans le cadre du « développement continu de l’AI », la LAI, le RAI et la LPGA – notamment – ont été modifiés avec effet au 01.02.2022 (RO 2021 705; FF 2017 2535). Compte tenu cependant du principe de droit intertemporel prescrivant l’application des dispositions légales qui étaient en vigueur lorsque les faits juridiquement déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), le droit applicable reste, en l’occurrence, celui qui était en vigueur jusqu’au 31.12.2021 dès lors que la décision litigieuse a été rendue avant cette date.

A teneur de l’art. 28 al. 1 LAI, l’assuré a droit à une rente aux conditions suivantes: a. sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles; b. il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable; c. au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins. Selon l’art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29, al. 1, LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18e anniversaire de l’assuré. D’après l’art. 29 al. 2 LAI, le droit à la rente ne prend pas naissance tant que l’assuré peut faire valoir son droit à une indemnité journalière au sens de l’art. 22.

Selon la jurisprudence, si l’assuré peut prétendre à des prestations de l’assurance-invalidité, l’allocation d’une rente d’invalidité à l’issue du délai d’attente (cf. art. 28 al. 1 LAI), n’entre en considération que si l’intéressé n’est pas, ou pas encore, susceptible d’être réadapté professionnellement en raison de son état de santé (principe dit de la priorité de la réadaptation sur la rente; ATF 121 V 190 consid. 4c). La preuve de l’absence de capacité de réadaptation comme condition à l’octroi d’une rente d’invalidité doit présenter un degré de vraisemblance prépondérante. Dans les autres cas, une rente de l’assurance-invalidité ne peut être allouée avec effet rétroactif que si les mesures d’instruction destinées à démontrer que l’assuré est susceptible d’être réadapté ont révélé que celui-ci ne l’était pas (ATF 121 V 190 consid. 4d; arrêts 9C_380/2021 du 31 janvier 2022 consid. 5.1 et les références; 9C_794/2007 du 27 octobre 2008 consid. 2.2).

Consid. 4.1 [résumé]
Le 22.09.2014, des mesures d’intervention précoce avaient été envisagées (rapport IP du même jour), mais immédiatement abandonnées en raison de l’état de santé de l’assurée (rapport du 24.01.2015). Le médecin du SMR a relevé le 03.03.2015 une absence de stabilisation de la situation et la nécessité d’une mise à jour du dossier médical après une intervention neurochirurgicale envisagée. Celle-ci a été réalisée le 13.10.2015. Par la suite, la médecin traitante a estimé dans son rapport du 30.11.2015 que toute mesure de réadaptation professionnelle paraissait alors illusoire. Le médecin du SMR a confirmé cette évaluation dans un avis du 27.04.2017, tout en précisant que la capacité de travail était entière dans une activité adaptée avec une diminution de rendement de 30% dès le 05.08.2014. Résumant la situation dans un rapport intermédiaire du 14.12.2017, l’office AI a indiqué qu’aucune mesure n’avait pu être mise en place auparavant en raison des suivis médicaux, mais que le droit à des mesures d’ordre professionnel était désormais ouvert. Ces mesures ont effectivement débuté le 12.02.2018, conformément aux communications du même jour et à la décision du 13.02.2018.

Consid. 4.2 [résumé]

Contrairement ce que soutient l’office intimé, aucune mesure professionnelle n’était envisageable entre août 2014 et décembre 2017, l’état de santé de l’assurée n’étant pas stabilisé durant cette période. La reconnaissance rétrospective par les médecins-experts (rapport du 30.11.2016) et du SMR (avis du 27.04.2017) d’une capacité de travail de 70% dans une activité adaptée à partir du 05.08.2014 ne remet pas en cause l’impossibilité de mettre en œuvre une réadaptation avant fin 2017.

En conséquence, comme l’assurée n’était pas susceptible de réadaptation jusqu’à ce moment-là, l’allocation d’une rente à titre rétroactif est justifiée (consid. 2.2 supra). Le taux d’invalidité correspond à la perte de gain établie par l’office AI compte tenu de la capacité de travail de 70% dans une activité adaptée. Partant, il y a lieu d’admettre la conclusion de l’assurée tendant à l’allocation du droit à une demi-rente d’invalidité depuis le 01.08.2015 (cf. art. 28 et 29 LAI; cf. art. 107 al. 1 LTF), sous déduction des indemnités journalières perçues entre le 27.04.2017 et le 11.02.2018.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_559/2021 consultable ici

 

9C_409/2024 (f) du 13.05.2025 – Formation professionnelle initiale (FPI) – Droit et but aux indemnités journalières AI – Vraisemblance prépondérante du manque à gagner dû à l’invalidité

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_409/2024 (f) du 13.05.2025

 

Consultable ici

 

Formation professionnelle initiale (FPI) – Droit aux indemnités journalières AI / 22 al. 1bis aLAI

But de l’indemnité journalière AI pendant la FPI – Vraisemblance prépondérante du manque à gagner dû à l’invalidité

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé la décision de l’office AI refusant d’allouer des indemnités journalières à une assurée atteinte de cécité bilatérale pendant sa formation universitaire. Il a retenu que l’intéressée n’avait pas rendu vraisemblable, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’elle aurait exercé une activité lucrative en parallèle de ses études pour subvenir à ses besoins si elle n’avait pas été invalide. Il a en outre constaté qu’elle n’avait ni prolongé sa formation en raison de son invalidité, ni démontré que ses conditions financières l’obligeaient à travailler.

 

Faits
L’assurée, née en octobre 2001 et atteinte de cécité bilatérale depuis 2013 en lien avec une infirmité congénitale, a bénéficié de diverses prestations de l’assurance-invalidité, notamment d’une mesure de formation professionnelle initiale pour la poursuite de sa scolarité en école de maturité. Après l’obtention de son certificat de maturité en juillet 2019, elle a entamé une formation à l’École B.__ au semestre d’automne 2019. L’office AI a pris en charge les frais supplémentaires afférents aux trois années de Bachelor effectuées entre le 01.08.2019 et le 31.07.2022, ainsi que les frais de logement. Par communications du 14.07.2022, l’office AI a indiqué qu’il prendrait en charge les frais supplémentaires liés à la première année de Master de l’assurée à l’École B.__ (du 01.08.2022 au 31.07.2023), ainsi que ses frais de logement.

Le 6 juillet 2020, l’office AI a informé l’assurée qu’il allait examiner son droit à une indemnité journalière. Par l’intermédiaire de son avocat, elle a demandé le 02.12.2022 à ce qu’une décision soit rendue à ce sujet. Le 15.12.2022, l’office AI a répondu que le droit à une indemnité journalière avait été examiné, mais que les conditions d’octroi n’étaient pas remplies, position qu’il a maintenue les 17.01.2023 et 01.03.2023.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 82/23 – 179/2024 – consultable ici)

Par acte du 13.03.2023, l’assurée a formé un recours pour déni de justice, concluant à la constatation du refus illicite de statuer de l’office AI au sens des art. 49 al. 1 et 56 al. 2 LPGA, à l’octroi d’indemnités journalières dès le 24.10.2019, ainsi qu’au renvoi de la cause à l’administration pour fixation desdites indemnités. Dans sa réponse du 22.05.2023, l’office AI a proposé, pour des motifs d’économie de procédure, de considérer son écriture du 01.03.2023 comme une décision informelle. À la suite notamment d’une audience de débats publics tenue le 09.04.2024, au cours de laquelle le mandataire de l’assurée a produit un « procédé écrit », la cour cantonale a, par arrêt du même jour, rejeté le recours et confirmé la communication du 01.03.2023 de l’office AI comme valant décision.

 

TF

Consid. 2.4
Dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, l’art. 22 al. 1bis LAI prévoit que l’assuré qui suit une formation professionnelle initiale ainsi que l’assuré qui n’a pas encore atteint l’âge de 20 ans et n’a pas encore exercé d’activité lucrative ont droit à une indemnité journalière s’ils ont perdu entièrement ou partiellement leur capacité de gain. L’indemnité journalière correspond à 10% du montant maximum de l’indemnité journalière défini à l’art. 24 al. 1 LAI (art. 22 al. 1 RAI). Elle est allouée lorsque la personne assurée subit un manque à gagner dû à l’invalidité (ATF 124 V 113 consid. 4b; arrêt I 568/99 du 16 mars 2000 consid. 2c; cf. aussi le ch. 1032 de la CIJ, valable dès le 01.01.2019, applicable en l’espèce). Il existe un manque à gagner notamment lorsque l’assuré commence sa formation avec un certain retard (désavantage par rapport au montant du salaire d’apprenti) ou doit prolonger sa formation en raison de son invalidité (cf. ch. 1034 de la CIJ, valable dès le 01.01.2019). Un tel manque à gagner a ainsi été admis dans le cas d’un invalide, au bénéfice d’un diplôme de l’école de commerce, qui ne trouvait pas de travail en raison d’un grave handicap moteur-cérébral d’origine congénitale et avait poursuivi, pour cette raison, sa formation (perfectionnement professionnel d’une durée de trois ans) dans une école supérieure spécialisée (ATF 124 V 113 consid. 4c). Un manque à gagner peut également être admis s’il y a suffisamment d’indices selon lesquels l’assuré aurait exercé une activité lucrative régulière, à côté des études, soit pendant les semestres ou durant les vacances, s’il n’avait pas été invalide, obtenant ainsi une part essentielle de ses moyens d’existence et des ressources nécessaires au financement de ses études (cf. ATF 124 V 113 consid. 4b; arrêts I 570/00 du 25 mai 2011 consid. 2d; I 85/89 du 19 octobre 1989, in: RCC 1990 p. 506 et ss; cf. aussi le ch. 1039 de la CIJ, valable dès le 01.01.2019).

Consid. 2.5
Bien que les directives administratives ne lient en principe pas le juge, celui-ci est néanmoins tenu de les considérer dans son jugement, pour autant qu’elles permettent une interprétation des normes juridiques qui soit adaptée au cas d’espèce et équitable. Ainsi, si les directives administratives constituent une concrétisation convaincante des dispositions légales, le tribunal ne s’en départit pas sans motif pertinent. Dans cette mesure, il tient compte du but de l’administration tendant à garantir une application égale du droit (ATF 148 V 102 consid. 4.2; 146 V 224 consid. 4.4. et l’arrêt cité). En principe, il convient de tenir compte de la version qui était à la disposition de l’autorité de décision au moment de la décision (et qui a déployé un effet contraignant à son égard); des compléments ultérieurs peuvent éventuellement être pris en compte, notamment s’ils permettent de tirer des conclusions sur une pratique administrative déjà appliquée auparavant (ATF 147 V 278 consid. 2.2 et les références).

Consid. 4.2
Le droit d’être entendu, compris comme l’un des aspects de la notion générale de procès équitable au sens de l’art. 6 par. 1 CEDH (cf., également, art. 29 Cst.), englobe notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les arrêts cités). La garantie constitutionnelle n’empêche toutefois pas le juge de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, il a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1; 140 I 285 consid. 6.3.1). En particulier, le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement, ni celui d’obtenir l’audition de témoins; l’autorité de jugement peut renoncer à faire citer des témoins si elle peut dénier à ces témoignages une valeur probante décisive pour le jugement (ATF 130 II 425 consid. 2.1). Le refus d’une mesure probatoire par appréciation anticipée des preuves ne peut être remis en cause devant le Tribunal fédéral qu’en invoquant l’arbitraire (art. 9 Cst.) de manière claire et détaillée (art. 106 al. 2 LTF; cf. arrêt 8C_159/2018 du 17 décembre 2018 consid. 3.2 et la référence citée).

Consid. 4.3 [résumé]
L’assurée fait valoir que l’audition de ses parents ainsi que celle de C., conseiller social à l’École B., aurait permis à la juridiction cantonale d’obtenir des informations essentielles sur sa situation personnelle, son planning d’études et les exigences qui y étaient liées, ce qui aurait permis d’évaluer plus concrètement si elle pouvait exercer une activité lucrative en parallèle. Toutefois, par son argumentation, elle ne remet pas en cause l’appréciation anticipée des preuves opérée par les premiers juges en renonçant à ces auditions, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’examiner ce point plus avant (art. 42 al. 2 LTF). Les juges cantonaux ont en outre relevé que le conseiller social avait fourni un témoignage écrit daté du 21.03.2023, produit par le conseil de l’assurée, et que cette dernière avait pu s’exprimer lors de l’audience de débats du 09.04.2024. Quant au reproche de l’assurée selon lequel la juridiction cantonale aurait statué sur ses réquisitions de preuve dans l’arrêt attaqué, l’empêchant ainsi de réagir ou de proposer de nouveaux moyens de preuve, il repose sur une prémisse erronée, à savoir qu’elle disposerait d’un droit illimité à offrir des preuves, ce qui n’est pas le cas (cf. consid. 4.2).

 

Consid. 5.2.1
Le principe selon lequel une indemnité journalière est allouée aux assurés en cours de formation professionnelle initiale ainsi qu’aux assurés âgés de moins de 20 ans qui n’ont pas encore exercé d’activité lucrative, lorsqu’ils subissent un manque à gagner dû à l’invalidité, a été introduit le 1er juillet 1987, lors de l’entrée en vigueur de la modification de la loi sur l’assurance-invalidité du 9 octobre 1986 (2e révision de l’assurance-invalidité; cf. art. 22 al. 1, 2e phrase, dans sa teneur en vigueur à ce moment-là; RO 1987 447). Auparavant, aucune indemnité journalière n’était allouée pendant la formation professionnelle initiale au sens de l’art. 16 LAI (cf. art. 22 al. 1, 2e phrase, LAI, dans sa teneur au moment de l’entrée en vigueur de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité du 19 juin 1959, le 15 octobre 1959; RO 1959 857; cf. aussi ATF 118 V 7 consid. 1b; arrêt I 416/87 du 5 août 1988 consid. 1b). L’absence de droit à une indemnité journalière pendant la formation professionnelle initiale, à l’entrée en vigueur de la LAI, avait été justifiée par le fait qu’une personne ne présentant pas d’invalidité n’était généralement pas payée non plus pendant son apprentissage ou ses études et qu’au surplus l’assurance couvrait tous les frais supplémentaires de quelque importance (Message du 24 octobre 1958 relatif à un projet de loi sur l’assurance-invalidité ainsi qu’à un projet de loi modifiant celle sur l’assurance-vieillesse et survivants, FF 1958 II 1161, 1212 s.). Dans le cadre des travaux préparatoires de la 2e révision de l’assurance-invalidité, le Conseil fédéral a exposé que l’indemnité journalière vise à compenser d’une manière appropriée un manque à gagner subi pendant l’application de mesures de réadaptation, que la condition du droit à retenir en cas de formation professionnelle initiale semble donc être la privation d’un revenu du travail et que l’indemnité ne doit par conséquent être accordée que si l’assuré subit une telle perte pendant la formation et aussi longtemps seulement qu’il la subit (Message du 21 novembre 1984 concernant la deuxième révision de l’assurance-invalidité, FF 1985 I 21, 49 ch. 233.2). Ainsi, dans sa teneur en vigueur du 1er juillet 1987 au 31 décembre 2007, l’art. 22 al. 1, 2e phrase, LAI subordonnait expressément l’octroi d’une indemnité journalière pendant la formation professionnelle initiale à l’existence d’un manque à gagner dû à l’invalidité. La volonté du législateur était donc bien de conditionner le droit à l’indemnité journalière pendant la formation professionnelle initiale à l’existence d’un manque à gagner dû à l’invalidité.

Consid. 5.2.2
Par la suite, lors de l’entrée en vigueur de la 5e révision de l’assurance-invalidité, le 1er janvier 2008, un art. 22 al. 1bis LAI a été introduit, parallèlement à la suppression de la 2e phrase de l’art. 22 al. 1 LAI. Selon l’art. 22 al. 1bis LAI (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, date de son abrogation [RO 2021 705]), l’assuré qui suit une formation professionnelle initiale ainsi que l’assuré qui n’a pas encore atteint l’âge de 20 ans et n’a pas encore exercé d’activité lucrative ont droit à une indemnité journalière s’ils ont perdu entièrement ou partiellement leur capacité de gain (RO 2007 5129). Avec la notion de perte entière ou partielle de la capacité de gain selon l’art. 22 al. 1bis LAI (dans sa teneur au 1er janvier 2008), le législateur n’a pas voulu s’écarter de celle de « manque à gagner dû à l’invalidité » au sens de l’art. 22 al. 1, 2e phrase, LAI (dans sa teneur jusqu’au 31 décembre 2007). Il ressort en effet à cet égard des travaux préparatoires de la 5e révision de l’assurance-invalidité que le nouvel art. 22 al. 1bis LAI devait correspondre à l’art. 22 al. 1, 2e phrase, LAI, auquel il se substituait (Message du 22 juin 2005 concernant la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité [5e révision de l’AI], FF 2005 4215, 4320).

Consid. 5.3.1 [résumé]
L’analyse du dossier révèle que, le 15.12.2022, l’office AI a informé l’assurée que son droit aux indemnités journalières avait été examiné, mais que les conditions d’octroi n’étaient pas remplies. Le 17.01.2023, il l’a invitée à produire des preuves montrant que l’activité accessoire qu’elle aurait exercée durant ses études, en l’absence d’atteinte à la santé, était nécessaire à sa subsistance. L’assurée a indiqué, le 19.01.2023, qu’elle transmettrait des « attestations démontrant la perte de gain ». Le 01.03.2023, l’office AI lui a réitéré qu’elle pouvait produire des éléments rendant vraisemblable de manière prépondérante qu’elle aurait exercé une activité lucrative en parallèle de ses études pour subvenir à ses besoins, ce que son invalidité empêchait.

Dans le cadre de son recours pour déni de justice introduit le 13.03.2023, l’assurée a produit un certificat médical du 16.03.2023, établi par l’ophtalmologue traitant, attestant d’une cécité bilatérale empêchant l’exercice d’une activité lucrative à côté d’études « sollicitant beaucoup de temps et d’énergie ». Elle a également versé une attestation du conseiller social du Service des affaires estudiantines de l’École B.__, précisant qu’il n’était pas envisageable de lui confier un poste d’assistante compte tenu de ses limitations fonctionnelles, une charge supplémentaire pouvant compromettre la réussite de ses études « particulièrement exigeantes en termes de temps et d’énergie ».

Consid. 5.3.2
Si les pièces produites par l’assurée devant le tribunal cantonal permettent d’établir qu’elle est limitée ou empêchée dans l’exercice d’une activité lucrative en raison de son atteinte à la santé, elles ne contiennent en revanche aucun indice rendant vraisemblable qu’elle aurait dû travailler pour pouvoir financer une partie de ses besoins et sa formation parce qu’elle ne disposait pas des moyens financiers nécessaires. Il y a lieu de rappeler à cet égard que le but de l’indemnité journalière allouée durant la formation initiale ne vise pas à compenser la perte de l’argent de poche de l’assuré, mais bien celle d’un revenu dont il appert au degré de la vraisemblance prépondérante que celui-ci a besoin pour subvenir à ses besoins (Message concernant la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité [Développement continu de l’AI] du 15 février 2017, FF 2017 2363, 2386). Or l’assurée n’a pas démontré – ni même allégué en instance cantonale – qu’elle aurait dû financer ses études par ses propres moyens, du fait, par exemple, de l’absence de fortune de ses parents ou du revenu modeste de ceux-ci. Dans ces circonstances, c’est en vain qu’elle se prévaut d’une discrimination selon que la personne assurée était ou non déjà invalide avant ses études.

Quoi qu’en dise l’assurée, il lui était en effet loisible de produire, dans la procédure administrative et de recours cantonale, des éléments afin de rendre vraisemblable qu’elle aurait exercé une activité lucrative parallèlement à ses études pour subvenir à ses besoins, ce qu’elle n’a toutefois pas fait. Son argumentation sur ce point est du reste contradictoire lorsqu’elle affirme à la fois qu’il lui serait impossible de rendre vraisemblable l’aspect litigieux en cause, alors qu’elle énumère ensuite les « nombreux critères » pertinents pour ce faire.

Par conséquent, l’assurée ne saurait reprocher un manque d’instruction à la juridiction cantonale, alors qu’elle n’a pas fait suite aux demandes de l’administration de lui fournir des documents permettant de confirmer que l’activité qu’elle aurait exercée pendant ses études s’avérait nécessaire à sa subsistance, ni allégué voire produit de pièces concernant la situation financière de ses parents. Procédant à une appréciation anticipée des preuves, l’instance cantonale pouvait ainsi, sans arbitraire et sans violer le droit d’être entendue de l’assurée, rejeter les demandes d’audition qu’elle avait présentées. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu d’examiner plus avant les critiques d’ordre général de l’assurée en relation notamment avec la méconnaissance, par les premiers juges, des réalités académiques et des conditions de vie des étudiants, pas plus du reste que ses griefs tirés d’une constatation des faits et d’une appréciation des preuves arbitraires y relatives.

Consid. 5.4
C’est également en vain que l’assurée fait grief aux juges précédents d’avoir constaté les faits de manière inexacte, en ce qu’ils ont nié qu’elle eût dû prolonger la durée de sa formation en raison de son invalidité, subissant ainsi un manque à gagner. Elle se limite à cet égard à affirmer qu’« il a clairement été allégué et rendu vraisemblable qu[‘elle] a dû prolonger ses études d’une année, en raison de son invalidité » et à reprocher à la juridiction de première instance de ne pas avoir instruit ce fait, en violation de son devoir d’instruction. En l’occurrence, selon les constatations cantonales, non contestées par l’assurée, elle a réussi toutes ses années d’études, effectuant même une année de mobilité à l’étranger. Une prolongation de la formation au sens du ch. 1034 CIJ (dans sa teneur valable dès le 01.01.2019) entre en ligne de compte lorsqu’un assuré poursuit ses études parce qu’il ne trouve pas d’emploi à la fin de sa formation (cf. ATF 124 V 113 consid. 4c). Or l’assurée ne prétend pas qu’elle aurait dû poursuivre sa formation, parce qu’elle n’aurait pas trouvé d’emploi à la fin de ses études à l’École B.__, en raison de son atteinte à la santé, et il n’apparaît pas qu’elle ait dû renoncer à entrer dans le monde du travail à cette époque à cause de son handicap.

Consid. 5.5
En définitive, au vu des arguments avancés, il n’y a pas lieu de s’écarter de l’appréciation de la juridiction cantonale qui l’a conduite à nier que les conditions du droit de l’assurée à des indemnités journalières pendant sa formation auprès de l’École B.__ débutée en automne 2019 étaient réalisées.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_409/2024 consultable ici

 

 

9C_183/2022 (f) du 01.06.2022 – Procuration en faveur d’un avocat vague, d’une portée générale et établie pour une précédente procédure – 40 al. 2 LTF / Frais judiciaires à la charge du représentant de l’assuré

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_183/2022 (f) du 01.06.2022

 

Consultable ici

 

Procuration en faveur d’un avocat vague, d’une portée générale et établie pour une précédente procédure / 40 al. 2 LTF

Vérification de la volonté de recourir de l’assuré

Frais judiciaires à la charge du représentant de l’assuré / 40 LTF – 66 LTF

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours interjeté contre le refus d’octroi de l’assistance judiciaire dans le cadre d’une nouvelle demande de prestations AI, au motif que le mandataire n’avait pas produit, dans le délai imparti, une procuration spécifique l’autorisant à recourir dans cette procédure. Il a rappelé que le juge instructeur peut exiger une procuration actualisée et topique sans que cela constitue un formalisme excessif, et que le non-respect de cette exigence entraîne l’irrecevabilité du recours. Les frais judiciaires ont été mis à la charge du mandataire.

 

Faits
L’assuré s’est vu allouer une rente entière d’invalidité limitée dans le temps (juillet 2015 à décembre 2017), décision confirmée par jugement cantonal du 11.02.2021.

Le 16.06.2020, il avait déposé une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité. Par décision du 18.01.2022, l’office AI a refusé d’entrer en matière sur cette demande.

Le 02.03.2022, le juge instructeur cantonal a rejeté la demande d’assistance judiciaire de l’assuré dans le cadre du recours formé contre la décision du 18.01.2022, et imparti un délai de 30 jours pour verser une avance de frais de 600 francs, sous peine d’irrecevabilité du recours.

L’assuré a interjeté un recours en matière de droit public contre la décision du 02.03.2022, accompagné d’une procuration du 21.09.2018, ainsi que de requêtes d’effet suspensif et d’assistance judiciaire.

Par ordonnance du 04.05.2022, le Tribunal fédéral a invité son mandataire à produire, jusqu’au 17.05.2022, une procuration conférant expressément le pouvoir de recourir contre la décision du 02.03.2022, faute de quoi le recours serait déclaré irrecevable, cette autorisation ne ressortant pas de la procuration de 2018.

Par écriture du 10.05.2022, le représentant de l’assuré a produit une copie de la procuration du 21.09.2018 en soutenant que ce document suffisait pour recourir contre la décision litigieuse.

 

TF

La procuration du 21.09.2018 a été produite dans le cadre d’une précédente demande de prestations ayant abouti au jugement du 11.02.2021.

Dans le contexte d’une nouvelle demande suivie d’une décision et d’un nouveau litige, il est loisible au Tribunal fédéral de s’assurer que l’assuré entend contester les décisions rendues dans ce contexte, singulièrement le refus de l’octroi de l’assistance judiciaire pour la procédure cantonale de recours consécutive au refus d’entrer en matière sur cette demande.

Le Tribunal fédéral est légitimé à vérifier qu’une personne a bien la volonté de recourir, en particulier lorsque l’objet est vague et d’une portée générale, soit comme en l’espèce « Dans le cadre de l’affaire: c/AI ».

En vertu de l’art. 40 al. 2 LTF, le tribunal peut exiger une procuration spécifique et, selon l’art. 42 al. 5 LTF, trancher l’affaire en cas d’absence d’autorisation valable du mandataire. En d’autres termes, le juge instructeur peut requérir, s’il l’estime nécessaire, une procuration actualisée et topique, sans pour autant que sa demande relève du formalisme excessif.

Si l’on se conformait aux souhaits de l’assuré recourant, une partie pourrait en définitive décider elle-même du contenu et de la validité des procurations qu’elle entend déposer devant le Tribunal fédéral et, plus généralement, choisir à sa guise de se conformer ou non aux directives du juge instructeur, sans que cela puisse avoir d’incidence sur la suite de la procédure, si bien que les art. 32 al. 1, 40 al. 2 et 42 al. 5 LTF seraient ainsi dénués de toute portée (cf. arrêt 9F_7/2013 du 27 novembre 2013 consid. 3.2.2).

L’assuré recourant n’ayant pas remédié au vice de forme dans le délai imparti, le recours est déclaré irrecevable selon la procédure simplifiée. Etant vouée à l’échec, la requête d’assistance judiciaire pour la procédure fédérale est rejetée.

En vertu de l’art. 66 al. 1 et 3 LTF, il convient de mettre les frais judiciaires à la charge du représentant de l’assuré (cf. arrêt 9C_459/2012 du 13 février 2013 consid. 4; LAURENT MERZ, Basler Kommentar, Bundesgerichtsgesetz, 3e éd., ch. 43 ad art. 40 LTF),

 

Le TF déclare le recours irrecevable.

 

Arrêt 9C_183/2022 consultable ici

 

9C_707/2020 (f) du 11.05.2021 – Décès de la personne assurée en cours d’instruction de la demande AI – Sort des prestations – Succession / Pas de nullité de la décision du fait du décès – antérieure – de la personne assurée

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_707/2020 (f) du 11.05.2021

 

Consultable ici

 

Décès de la personne assurée en cours d’instruction de la demande AI – Sort des prestations – Succession / 560 CC – 566 CC

Pas de nullité de la décision du fait du décès – antérieure – de la personne assurée

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a jugé qu’en cas de décès de l’assurée en cours d’instruction d’une demande de prestations AI, la décision peut valablement être rendue postérieurement au décès et notifiée à la succession. Le droit à la rente d’invalidité, n’étant pas strictement personnel, entre dans la succession s’il existe encore au moment du décès. Les héritiers, ayant accepté la succession, sont pleinement titulaires des droits de la défunte et peuvent se voir notifier tant le projet que la décision. La notification à la succession ne viole ni les règles de procédure ni le droit d’être entendu, dès lors que les héritiers ont été mis en mesure de s’exprimer avant la décision et qu’ils ont reçu les informations nécessaires, même si le projet de décision manquait de précision quant à sa forme.

Faits
Au début du mois de mars 2017, l’employeur a signalé à l’AI le cas de son employée A.__, née en 1955 et atteinte d’un cancer. À la suite du dépôt d’une demande de prestations en juillet 2017, l’office AI a recueilli plusieurs avis médicaux. Il a également obtenu des renseignements économiques de l’employeur.

L’assurée est décédée en 2018, et ses filles, B.__ et C.__, ont accepté la succession. Le 25.09.2018, la caisse de pension a informé B.__ qu’elle lui verserait un capital de 209’946 fr. 95 en lien avec le décès de leur mère. Le 26.04.2019, l’office AI a transmis un projet de décision à la Justice de Paix, indiquant son intention d’octroyer une rente entière d’invalidité à l’assurée dès le 01.01.2018, sur la base d’un taux d’invalidité de 100%, une incapacité de travail étant médicalement attestée dès avril 2015; la prestation devait être limitée au 30.04.2018. Une copie de la décision a été adressée notamment à B.__, C.__ et à la caisse de pension.

Par courrier du 09.07.2019, la caisse de pension a demandé à C.__ la restitution du capital versé par erreur, n’ayant pas eu connaissance d’une demande AI en cours, feu l’assurée ne pouvant plus être considérée comme membre salariée mais comme membre pensionnée. Par décision du 15.08.2019, l’office AI a reconnu le droit de feu l’assurée à une rente entière d’invalidité du 01.01.2018 au 30.04.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 305/19 – 308/2020 – consultable ici)

Par jugement du 02.09.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.1 [résumé]
Le litige porte sur la validité de la décision du 15.08.2019, B.__ et C.__, recourantes, soutenant sa nullité de plein droit au motif que le projet de décision du 26.04.2019 se rapportait à une personne décédée depuis le 13.04.2018. Selon elles, cette irrégularité entachait également la décision subséquente.

Consid. 2.2
Conformément à l’art. 31 al. 1 CC, la personnalité finit avec la mort. Au jour du décès, les héritiers acquièrent de plein droit l’universalité de la succession (art. 560 CC). Le droit à une rente de l’assurance-invalidité n’est pas un droit strictement personnel (cf. ATF 99 V 165 consid. 2b), de sorte qu’il entre dans la succession, dans la mesure où il existe (soit est encore en suspens) au moment du décès (ATF 136 V 7 consid. 2.1.2; Hans Michael Riemer, Vererblichkeit und Unvererblichkeit von Rechten und Pflichten im Privatrecht und im öffentlichen Recht, recht 1/2006, p. 31).

Comme l’a retenu à juste titre la juridiction cantonale, au décès de l’assurée, ses deux filles – qui ont accepté leur qualité d’héritières (cf. art. 566 CC) – ont acquis de plein droit l’universalité de la succession et sont devenues pleinement titulaires des droits et obligations de la défunte, y compris de la prétention à la rente d’invalidité (cf. ATF 141 V 170 consid. 4.3). Le fait que le projet de décision, puis la décision sur la prestation de l’assurance-invalidité n’ont pas été rendus du vivant de l’assurée n’est pas déterminant et ne conduit pas à la nullité du prononcé du 15.08.2019. L’argumentation des recourantes sur ce point méconnaît qu’en vertu du principe de la saisine prévu par l’art. 560 al. 1 CC, les héritiers « entrent directement et automatiquement dans les relations juridiques de l’auteur de la succession » (SANDOZ, Commentaire romand, Code civil II, n° 7 ad art. 560 CC) et que l’objet de la succession porte aussi sur les expectatives de droit (art. 560 al. 2 CC; SANDOZ, op. cit., n° 18 ad art. 560 CC). Dans ces circonstances, l’office AI, qui avait été saisi d’une demande de prestations de l’assurée, était en droit de rendre une décision postérieurement au décès de celle-ci, portant sur le droit de feu l’assurée à une rente de l’assurance-invalidité pour la période déterminante, s’étendant jusqu’à la fin du mois d’avril 2018 (cf. art. 30 LAI).

Contrairement à ce que prétendent par ailleurs les recourantes, le projet de décision du 26.04.2019 et la décision du 15.08.2019 n’ont pas été notifiés « à une personne défunte » mais à la succession de feu l’assurée, le premier à l’adresse de la Justice de Paix compétente, la seconde à l’adresse de l’hoirie, au domicile de B.__. Leur grief tiré d’une nullité de plein droit de la décision administrative est mal fondé.

Consid. 3.2 [résumé]
Après avoir pris connaissance du décès de l’assurée, l’office AI s’était renseigné auprès de la Justice de Paix (courrier du 12.04.2019), laquelle lui avait communiqué, le 18.04.2019, les noms et adresses des héritières ayant accepté la succession. Ces dernières prenaient dès lors la place de la défunte dans la procédure (consid. 2.2 supra). Le projet aurait donc dû leur être formellement adressé, comme cela fut fait pour la décision du 15.08.2019. Toutefois, selon les constatations non contestées, elles ont bien reçu copie du projet et en ont eu connaissance, ce qui leur a permis de prendre connaissance de la position de l’office AI, y compris des modalités d’opposition. Malgré l’imprécision de l’adresse (« Mesdames, Messieurs »), le contenu et l’objet du projet étaient clairs, à savoir l’octroi d’une rente en faveur de feu l’assurée, avec indication de la possibilité de faire valoir des objections. Leur argument selon lequel elles n’auraient pas compris qu’elles pouvaient se déterminer ne saurait être retenu.

Sous l’angle de la protection contre les notifications irrégulières (cf. ATF 122 I 97 consid. 3a/aa; 111 V 149 consid. 4c et les références), il ne ressort pas que les recourantes aient été effectivement induites en erreur par une notification uniquement en copie. Le projet leur ayant été communiqué plus de trois mois avant la décision, elles disposaient de suffisamment de temps pour faire valoir leurs objections, y compris pour envisager un retrait de la demande. Le grief tiré de la violation du droit d’être entendu est mal fondé, sans qu’il soit nécessaire d’examiner l’argument des recourantes quant à l’absence de possibilité de réparer le prétendu vice, voire la validité ou la portée d’un retrait de la demande de prestations qui n’a pas eu lieu jusqu’au prononcé de la décision administrative.

Consid. 4
Vu le motif soulevé par les recourantes en lien avec une « violation manifeste des principes applicables à l’évaluation de l’invalidité », le litige porte ensuite sur le bien-fondé du droit à la rente entière d’invalidité en faveur de feu l’assurée du 01.01.2018 au 30.04.2018.

Consid. 4.3
Invoquant une violation du droit fédéral et l’arbitraire dans la constatation des faits, les recourantes soutiennent que la répartition des champs d’activités propres à l’application de la méthode mixte d’évaluation aurait dû être de 50% pour l’activité lucrative et de 50% pour l’accomplissement des travaux ménagers (au lieu de 80% et 20%). Par ailleurs, l’assurée n’aurait présenté aucune invalidité pour la part ménagère mais seulement une invalidité de 50% pour la part professionnelle (50% d’un 50% ou encore 75% d’un 100%), de sorte que le taux d’invalidité maximal qui pouvait être retenu était de 25%, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente d’invalidité.

Consid. 4.3.1 [résumé]
En l’espèce, la constatation cantonale selon laquelle l’assurée aurait exercé une activité lucrative à 80%, avec une part ménagère de 20%, ne relève pas de l’arbitraire. L’assurée avait par ailleurs déclaré, dans un questionnaire du 25.09.2017, qu’en l’absence d’atteinte à la santé, elle aurait continué à travailler à 80% ou 66%, ce dernier chiffre correspondant probablement au taux d’activité usuel dans l’enseignement public. Les affirmations contraires des recourantes sont donc mal fondées.

Consid. 4.3.2 [résumé]

Les recourantes contestaient le taux d’invalidité de 100% retenu dans la sphère professionnelle par les juges cantonaux.

Leur critique des rapports médicaux est infondée. Le Dr F.__, spécialiste en médecine interne, oncologie et hématologie, avait expliqué de manière circonstanciée l’évolution négative de la maladie justifiant les limitations fonctionnelles. De même, la prétendue absence de motivation du rapport du Dr I.__, spécialiste en médecine interne et médecin traitant, repose sur une lecture incomplète : ce dernier avait mentionné une fatigue intense en lien avec les traitements oncologiques lourds (chimiothérapie et radiothérapie) consécutifs au diagnostic posé en avril 2015.

Consid. 4.3.3 [résumé]
S’il ressort de la déclaration que l’assurée avait encore exercé partiellement une activité d’enseignement au début de l’année 2018, cela ne rend pas arbitraire la constatation d’une incapacité totale médicalement attestée dès le 01.01.2018. L’attestation du directeur, cohérente avec ses déclarations antérieures valorisant le courage de l’assurée et l’effet moral positif de quelques heures d’activité hebdomadaire, ne contredit pas les conclusions médicales, notamment celles du Dr F.__, du Dr I.__ et du SMR, attestant une incapacité totale en lien avec une aggravation clinique (progression des métastases nécessitant de nouveaux traitements). L’audition de l’employeur sollicitée par les recourantes n’aurait pas remis en cause ces éléments médicaux, rendant une instruction complémentaire inutile.

En tout état de cause, même s’il y avait lieu d’admettre que l’assurée aurait disposé d’une capacité de travail exigible de 25% tout au plus à partir du 01.01.2018 – équivalente à celle retenue pour la période antérieure -, il en résulterait un taux d’invalidité supérieur à celui de 25% invoqué par les recourantes. Indépendamment d’un éventuel empêchement pour le champ d’activités ménagères, une incapacité de travail de 75% pour la sphère professionnelle conduirait à un taux d’invalidité global de 60% ouvrant le droit à une rente d’invalidité.

 

Le TF rejette le recours de B.__ et C.__.

 

Arrêt 9C_707/2020 consultable ici