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Le Conseil fédéral juge inadéquate la mise en place d’expertises communes dans l’assurance-invalidité

Le Conseil fédéral juge inadéquate la mise en place d’expertises communes dans l’assurance-invalidité

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 15.10.2025 consultable ici

 

Les expertises médicales sont un élément central de l’assurance-invalidité (AI) et figurent parmi les instruments permettant de rendre des décisions fondées pour accorder ou non une rente. Lors de sa séance du 15 octobre 2025, le Conseil fédéral s’est prononcé contre le projet législatif de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N). Celui-ci vise, dans le cas d’expertises monodisciplinaires, l’introduction d’une expertise faite en commun par l’expert désigné par l’office AI et celui désigné par l’assuré si aucun consensus n’est trouvé au préalable sur le choix de l’expert. Le Conseil fédéral estime que les préoccupations soulevées par la CSSS-N sont légitimes mais que la procédure actuelle permet déjà d’atteindre le but visé. La proposition de la CSSS-N alourdirait en outre les procédures sans garantir une meilleure acceptation des résultats des expertises par les assurés.

 

Selon le droit en vigueur, lorsqu’une expertise médicale monodisciplinaire est nécessaire pour accorder une rente ou non, l’office AI désigne un expert. Si la personne assurée conteste ce choix, elle peut proposer un autre spécialiste. Dans la quasi-totalité des cas, un accord est trouvé entre l’office AI et l’assuré. En 2024, sur un volume de 3802 expertises monodisciplinaires mandatées, un accord sur le choix de l’expert n’a pas été trouvé dans 12 cas seulement.

La CSSS-N souhaite toutefois qu’un véritable consensus soit favorisé dès le début de la procédure. Afin de concrétiser l’initiative parlementaire 21.498 «Mettre en œuvre le rapport d’évaluation relatif aux expertises médicales dans l’AI», elle a adopté un projet législatif visant la mise en place d’une expertise commune lorsqu’aucune entente n’intervient sur le choix d’un expert. Elle estime que, dans ces situations-là, l’expertise devrait être réalisée par deux experts, celui désigné par l’office et celui choisi par la personne assurée.

Pour le Conseil fédéral, les préoccupations soulevées par la CSSS-N sont légitimes, mais les instruments légaux existants permettent d’atteindre les objectifs visés. Les recommandations issues du rapport d’évaluation de la qualité des expertises médicales dans l’AI, sur lequel se base le projet de la CSSS-N, ont déjà été prises en compte dans la dernière révision de l’AI (Développement continu) ou reprises dans les directives AI. Dans ces conditions, une modification législative n’apporterait pas les améliorations voulues. La procédure proposée par la CSSS-N aurait en outre plusieurs effets négatifs. Les délais de traitement des dossiers seraient ainsi allongés alors que, dans le cadre du développement continu de l’AI, le législateur a souhaité garantir une procédure rapide pour les assurés. Par ailleurs, les expertises seraient plus compliquées à organiser, notamment eu égard au manque d’experts. Les coûts augmenteraient également, sans garantie d’une meilleure acceptation des résultats des expertises par les assurés. Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral rejette le projet de la CSSS-N.

Le Conseil fédéral souligne toutefois l’importance d’impliquer les assurés dès le début de la procédure d’expertise médicale et du choix de l’expert. Cela permet de mieux tenir compte de la dimension humaine et de renforcer la confiance de la population dans le système de sécurité sociale. Dans le cadre de la future réforme de l’AI, le Conseil fédéral examinera de nouvelles pistes pour améliorer la qualité des expertises et renforcer les droits et les moyens d’action des assurés lorsqu’une insuffisance dans ce domaine est constatée. Il entend également améliorer la formation des experts et la surveillance pour garantir une pratique uniforme de la part des offices AI.

 

Résumé du rapport du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral rejette la proposition de la CSSS-N d’introduire, en cas de désaccord sur le choix d’un expert pour une expertise monodisciplinaire AI, une « expertise commune » réalisée par deux experts, l’un désigné par l’office AI, l’autre par l’assuré. Il juge la mesure inopportune car les instruments actuels atteignent déjà l’objectif d’une meilleure participation des assurés et d’une désignation consensuelle des experts.

Selon le Conseil fédéral, la procédure de conciliation prévue par l’art. 7j OPGA en lien avec l’art. 44 al. 2 LPGA fonctionne et conduit quasi toujours à un accord sur l’expert. Les chiffres disponibles montrent un nombre infime de cas sans consensus : 12 sur 3802 expertises monodisciplinaires en 2024, et 4 cas recensés jusqu’au 30 juin 2025. Modifier la loi pour ces cas résiduels ne se justifie pas.

Le projet de la CSSS-N visait à reprendre la recommandation n° 5 du rapport d’évaluation de 2020 en imposant une véritable recherche de consensus dès le début puis, à défaut, une expertise commune avec possibilité d’exposer les divergences et intervention au SMR pour trancher les points litigieux. Le Conseil fédéral reconnaît la légitimité des préoccupations mais estime que ces objectifs sont déjà atteignables dans le cadre légal actuel.

Sur le fond, le Conseil fédéral craint que l’expertise commune allonge les délais, complique l’organisation et renforce la pénurie d’experts, particulièrement en psychiatrie, domaine qui représente la grande majorité des expertises AI. Il note qu’on ne peut contraindre deux experts à un consensus et qu’un dispositif de « troisième expertise » pour départager des avis divergents ferait exploser coûts et délais.

Il souligne par ailleurs, en se ralliant à la prise de position de la Swiss Insurance Medicine (SIM), qu’aucune garantie n’existe quant à une meilleure acceptation des résultats par les assurés avec une expertise commune, notamment en cas de troubles psychiques où des divergences d’appréciation subsistent malgré des qualifications comparables. L’objectif de procédures plus rapides et proportionnées, voulu par le Développement continu de l’AI, risquerait d’être contrarié.

Le Conseil fédéral met en garde contre une fragmentation du droit des assurances sociales : limiter cette innovation à la seule LAI créerait des écarts de procédure avec les autres assurances régies par la LPGA et compliquerait la coordination, comme relevé par la Suva durant la consultation.

Le Conseil fédéral insiste néanmoins sur l’importance d’associer les assurés dès l’ouverture de la procédure d’expertise et dans le choix de l’expert, afin de mieux tenir compte de la dimension humaine et de renforcer la confiance. Il annonce que la thématique des expertises sera traitée dans la prochaine réforme de l’AI, avec un accent sur la qualité, la formation des experts et les moyens d’action lorsque la COQEM constate des insuffisances.

 

Commentaire

La proposition de la CSSS-N offrant à l’assuré la possibilité de désigner trois experts au sein d’une liste d’experts reconnus au sens de l’art. 7m OPGA me paraît particulièrement bienvenue. Elle est pragmatique, peu onéreuse et immédiatement applicable dans l’AI grâce aux listes déjà tenues par les offices AI. En renforçant l’implication de l’assuré dans le choix de l’expert, elle favorise l’adhésion au processus et, partant, une meilleure acceptation des résultats, en atténuant la sensation d’un expert « imposé » (cf. mon commentaire du 29.09.2025).

Je regrette que le Conseil fédéral n’ait pas choisi d’inscrire cette solution minimale dans la LPGA. Facile à mettre en œuvre et à coût marginal, elle aurait constitué un pas mesuré mais utile vers davantage de transparence et de confiance, sans alourdir la procédure ni bouleverser l’équilibre du système.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 15.10.2025 consultable ici

Rapport du Conseil fédéral du 15.10.2025 publié dans la FF 2025 3073

Rapport de la CSSS-N du 27.08.2025 publié dans la FF 2025 2664

Projet de loi fédérale sur l’assurance-invalidité (Renforcement de la procédure de conciliation pour les expertises AI monodisciplinaires) paru dans la FF 2025 2665

Initiative parlementaire Roduit 21.498 « Mettre en oeuvre le rapport d’évaluation relatif aux expertises médicales dans l’Al » consultable ici

 

8C_652/2024 (f) du 28.07.2025 – Droit à la rente d’invalidité – Priorité de la réadaptation sur la rente – Décision de principe (clôture de la phase d’intervention précoce) – Moment de l’aptitude à la réadaptation

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_652/2024 (f) du 28.07.2025

 

Consultable ici

 

Droit à la rente d’invalidité – Priorité de la réadaptation sur la rente / 28 al. 1 let. a LAI

Décision de principe (clôture de la phase d’intervention précoce) – Expertise médicale – Moment de l’aptitude à la réadaptation – Rente d’invalidité octroyée rétroactivement

Rente AI et indemnités journalières AI lors de mesures de réinsertion (14a LAI) / 22 al. 5bis LAI

 

Résumé
Le Tribunal fédéral confirme que l’assuré avait droit à une demi-rente d’invalidité du 1er juillet 2018 au 28 février 2021, car à cette époque aucune mesure de réadaptation n’était envisageable en raison de son état de santé, l’office AI ayant lui-même exclu la mise en œuvre de telles mesures (décision de principe mettant fin à la phase d’intervention précoce). Ce n’est qu’à la suite d’une expertise pluridisciplinaire puis des mesures de réinsertion (art. 14a LAI) que des mesures de réadaptation ont pu être entreprises dès février 2021, justifiant alors la fin du droit à la rente.

 

Faits
Assuré, né en 1978 et titulaire d’un certificat de fin d’apprentissage en mécanique-pratique, a souffert d’agoraphobie avec crises de panique, entraînant depuis le 20.04.2016 une incapacité de travail médicalement attestée à des taux variables. Le 01.09.2017, il a présenté une demande de prestations auprès de l’office AI.

Par décision du 7 décembre 2023, après mise en œuvre d’une expertise pluridisciplinaire, l’office AI lui a accordé un quart de rente d’invalidité du 01.07.2018 au 28.02.2021, veille du début d’indemnités journalières pour un stage d’entraînement à l’endurance, et a nié le droit à la rente dès le 01.03.2021. Il a retenu une incapacité totale de travail comme mécanicien de précision dès juillet 2017. Une activité adaptée n’était pas exigible de juillet 2017 à février 2018, puis exigible à 60% du 01.03.2018 au 31.03.2021 et à 100% dès le 01.04.2021. Sur la base d’un revenu sans invalidité de 77’282 fr. 35 et d’un revenu d’invalide de 40’659 fr. 85, l’office AI a calculé un degré d’invalidité de 47.39% du 01.07.2018 au 28.02.2021. À partir du 01.04.2021, avec un revenu d’invalide fixé à 65’683 fr. 55, le degré d’invalidité a été ramené à 15.01%, excluant le droit à une rente.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2024 4 – consultable ici)

Par jugement du 08.10.2024, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assuré à une demi-rente d’invalidité du 01.07.2018 au 28.02.2021 et confirmant la décision de l’OAI au surplus.

 

TF

Consid. 4.1
Selon la jurisprudence, si la capacité de gain d’une personne assurée peut être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles, le principe de la « priorité de la réadaptation sur la rente » s’applique (cf. art. 28 al. 1 let. a LAI). Ce n’est que lorsqu’aucune mesure appropriée n’est (plus) envisageable qu’un droit à une rente peut être accordé; dans le cas contraire, des mesures de réadaptation appropriées doivent être ordonnées au préalable. Selon la conception légale, une rente ne peut être octroyée avant la mise en oeuvre de mesures de réadaptation (le cas échéant également avec effet rétroactif) que si la personne assurée n’était pas – ou pas encore – apte à être réadaptée en raison de son état de santé. Le droit à une rente ne peut en principe naître qu’après la fin des mesures de réadaptation même si celles-ci n’ont eu qu’un succès partiel ou ont échoué. Il en va autrement après que des mesures d’instruction visant à déterminer si la personne assurée peut être réadaptée révèlent qu’elle ne l’est pas; dans ce cas, une rente peut être octroyée rétroactivement (ATF 148 V 397 consid. 6.2.4 et les références; 121 V 190 consid. 4; arrêt 9C_443/2023 du 28 février 2025 consid. 5.1.2 destiné à la publication).

Consid. 4.2.3 [résumé]
Le tribunal cantonal a refusé la reformatio in peius sollicitée par l’office AI, qui visait à nier toute rente à partir du 01.07.2018 en invoquant la priorité de la réadaptation sur la rente. Il a constaté qu’aucune mesure de réadaptation n’était envisageable de septembre 2017 à avril 2020, l’office AI ayant clôturé la phase d’intervention précoce en 2018 puis ordonné une expertise psychiatrique dont le rapport n’avait été rendu qu’en avril 2020. Les mesures de réadaptation professionnelle n’avaient été demandées à l’ORIF qu’en septembre 2020 et n’avaient débuté qu’en février 2021 pour se terminer en août 2022. Dans ce contexte, l’allocation rétroactive d’une rente entre juillet 2018 et février 2021 était justifiée.

Consid. 4.3 [résumé]
L’office AI recourant soutient que la communication du 05.07.2018 clôturant la phase d’intervention précoce n’avait aucune valeur juridique et ne préjugeait pas du droit à des mesures de réadaptation, puisqu’elle se limitait à constater qu’aucune mesure professionnelle (art. 15 ss LAI) n’était alors envisageable, contrairement aux mesures au sens de l’art. 14a LAI mises en œuvre dès février 2021. Il reproche au tribunal cantonal d’avoir retenu arbitrairement avril 2020, date de la réception du rapport d’expertise psychiatrique, pour déduire une inaptitude à la réadaptation avant cette date, alors que cette approche contredirait la stabilisation de l’état de santé reconnue depuis mars 2018 par l’expertise pluridisciplinaire jugée probante. Il lui fait encore grief de n’avoir pas examiné le rapport psychiatrique du 02.04.2020, qui constatait un bénéfice attendu d’une réinsertion professionnelle. Enfin, il estime que le décalage entre la demande de mesures de réadaptation en septembre 2020 et leur mise en œuvre effective en février 2021 est sans incidence sur le droit à la rente, l’aptitude à la réadaptation ne dépendant pas du calendrier de réalisation des mesures.

Consid. 4.4.1
L’office AI recourant ne saurait être suivi. Le Tribunal cantonal a en effet établi sans arbitraire que dans sa communication du 05.07.2018, l’office AI recourant avait informé l’assuré qu’aucune mesure de réadaptation d’ordre professionnel n’entrait en ligne de compte. Contrairement à ce que soutient l’office AI recourant, cette communication n’est pas dépourvue de toute portée juridique. Si des mesures de réadaptation professionnelles, y compris les mesures de réinsertion y préparant, avaient été sérieusement envisageables à l’époque, il aurait appartenu à l’OAI de compléter l’instruction en vue de déterminer quelles mesures exactement étaient adéquates et, le cas échéant, de les mettre en oeuvre sans tarder.

L’office AI recourant n’en a rien fait, dès lors qu’il considérait, comme il l’a communiqué clairement à l’assuré, qu’aucune mesure de réadaptation professionnelle n’entrait en considération à ce stade en vue de diminuer l’invalidité. L’assuré pouvait dès lors se fier à cette communication sans exiger qu’une décision formelle soit rendue sur le droit aux mesures de réadaptation. L’office AI recourant est ensuite passé à juste titre à l’examen du droit à la rente et a, dans ce contexte, ordonné une expertise. Le fait que selon l’office AI recourant, les experts mandatés ont finalement mis en évidence que des mesures de réadaptation étaient envisageables, et qu’elles auraient même pu être ordonnées plus tôt, ne permet pas d’ignorer que l’office AI recourant avait, à l’époque, renoncé à ordonner de telles mesures. Ce n’est qu’en prenant connaissance de nouveaux documents médicaux que l’office AI recourant a réexaminé l’opportunité d’ordonner des mesures de réadaptation. Il ne saurait, dans ce contexte, se prévaloir du principe selon lequel la réadaptation prime la rente pour nier la naissance du droit à la rente à une époque où lui-même avait exclu d’ordonner des mesures de réadaptation.

Au demeurant, il n’était pas arbitraire de la part de la juridiction cantonale d’avoir considéré qu’une aptitude à la réadaptation ne pouvait pas être constatée pour la période précédant l’expertise psychiatrique du 02.04.2020. Or, comme on l’a vu plus haut (consid. 4.1), le principe de la primauté de la réadaptation sur la rente n’exclut pas la possibilité d’octroyer une rente rétroactivement. Cela vaut aussi lorsque la personne assurée ne pouvait pas encore être réadaptée en raison de son état de santé et que des mesures de réadaptation sont envisagées à l’avenir (« selbst wenn in Zukunft Eingliederungsmassnahmen beabsichtigt sind », cf. arrêts 8C_209/2017 du 14 juillet 2017 consid. 5.2.2 et 8C_787/2014 du 5 février 2015 consid. 3.2 et les références).

Consid. 4.4.2
Le jugement cantonal peut également être confirmé pour ce qui concerne la durée de la rente d’invalidité octroyée rétroactivement.

En vertu de l’art. 22 al. 5bis LAI, lorsqu’un assuré reçoit une rente de l’assurance-invalidité, celle-ci continue de lui être versée en lieu et place d’indemnités journalières durant la mise en oeuvre des mesures de réinsertion au sens de l’art. 14a LAI et des mesures de nouvelle réadaptation au sens de l’art. 8a LAI. Cette règle fait exception au principe selon lequel la rente est normalement remplacée par des indemnités journalières pour la durée des mesures de réadaptation, comme cela ressort de l’art. 29 al. 2 LAI.

Etant donné que, contrairement aux autres bénéficiaires d’indemnités journalières, les personnes qui participent à des mesures de réinsertion préparant à la réadaptation professionnelle ne sont pas encore aptes à cette réadaptation, l’art. 22 al. 5bis LAI vise à empêcher qu’elles soient incitées à participer aux mesures de réinsertion uniquement par la perspective de toucher des indemnités éventuellement supérieures à leur rente actuelle (cf. le Message du Conseil fédéral du 22 juin 2005 concernant la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité [5e révision de l’AI], FF 2005 4215 p. 4321; cf. aussi Michel Valterio, Commentaire de la Loi fédérale sur l’assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 55 ad art. 22 LAI; Erwin Murer, Invalidenversicherungsgesetz [Art. 1-27 bis IVG], 2014, n. 24 ad art. 22 LAI).

En l’espèce, à l’instar de ce qui est admis par l’office AI recourant lui-même, les mesures de réadaptation qui ont débuté le 22.02.2021 sont des mesures de réinsertion au sens de l’art. 14a LAI. Celles-ci ont été ordonnées conformément aux conclusions de l’expertise psychiatrique du 02.04.2020, laquelle favorisait une réinsertion professionnelle de l’assuré. On relèvera, par ailleurs, que ces conclusions ont été confirmées par le Dr C.__ dans le cadre de l’expertise pluridisciplinaire (« Il convient de partager le pronostic de l’expert sur la capacité de la personne assurée à atteindre une capacité de 100% avec un rendement de à 100% »). Ainsi, force est de constater que la cour cantonale n’a pas versé dans l’arbitraire en retenant que l’assuré n’était pas (encore) apte à la réadaptation, en l’absence de constations de nature médicale dans ce sens et au vu de la mise en oeuvre d’une mesure de réinsertion. C’est donc à bon droit que les premiers juges ont estimé que la rente d’invalidité ne devait pas prendre fin au mois d’avril 2020 ou au moment où les mesures ont été requises auprès de l’ORIF, contrairement à ce que semble prétendre l’office AI recourant.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

Arrêt 8C_652/2024 consultable ici

 

 

8C_510/2024 (f) du 17.06.2025 – Droit de l’employeur au versement des arriérés de la rente d’invalidité en compensation des salaires versés / 22 LPGA – 85bis RAI – 29 al. 3 LPers – 58 al. 1 OPers

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_510/2024 (f) du 17.06.2025

 

Consultable ici

 

Droit de l’employeur au versement des arriérés de la rente d’invalidité en compensation des salaires versés / 22 LPGA – 85bis RAI – 29 al. 3 LPers – 58 al. 1 OPers

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé que la Confédération, en tant qu’employeur, pouvait obtenir de l’office AI le versement des arriérés de rente d’invalidité en compensation des salaires versés à l’assurée durant la même période. Il a rappelé que les dispositions de la LPers et de l’OPers conféraient explicitement ce droit à l’employeur afin d’éviter toute surindemnisation, de sorte que l’office AI avait valablement payé à la Confédération la somme de 75’909 fr., sans qu’il soit nécessaire d’obtenir l’accord de l’assurée.

 

Faits
Assurée, née en 1957, a été employée à partir du 1er août 2008 en tant que spécialiste à plein temps. Le 18.02.2015, elle a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité.

Par projet de décision du 06.05.2020, l’office AI a octroyé à l’assurée une rente d’invalidité limitée dans le temps à partir du 01.08.2015. Le 25.05.2020, l’employeur a demandé à l’office AI la rétrocession des montants versés à l’assurée du 01.08.2015 au 30.06.2019, étant donné que celle-ci avait touché un salaire durant cette période.

Par décision du 14.10.2020, l’office AI a reconnu divers degrés de rente d’invalidité, allant d’une rente entière à un quart de rente selon les périodes, et a en outre rétrocédé à l’employeur la somme de 75’909 fr. correspondant aux rentes dues entre le 01.08.2015 et le 30.06.2019. Par décision séparée du 23.10.2020, l’office AI a refusé d’octroyer des mesures d’ordre professionnel.

 

Procédure cantonale

L’assurée a recouru contre ces deux décisions. Le 09.03.2021, elle a conclu en outre à ce que l’office AI lui verse le montant de 75’909 fr. rétrocédé à tort à l’employeur.

Par jugement du 31.07.2024, la juridiction cantonale a joint les causes et rejeté les recours.

 

TF

Consid. 6.1
S’agissant du droit de l’employeur au versement des arriérés de la rente d’invalidité en compensation des salaires versés, la cour cantonale a relevé que l’assurée n’avait tout d’abord pas contesté la rétrocession à son employeur de la somme de 75’909 fr., correspondant aux rentes versées du 1er août 2015 au 30 juin 2019. Ce n’est qu’après l’échéance du délai de recours qu’elle a formulé une nouvelle conclusion portant sur la rétrocession en sa faveur de ce montant versé à tort à l’employeur. La cour cantonale a ainsi noté que, n’étant pas étroitement lié avec la question du droit à la rente d’invalidité, ce point pourrait être exclu de l’objet du litige et que la nouvelle conclusion pourrait être déclarée irrecevable.

Sur le fond, la cour cantonale a relevé que l’assurée faisait valoir à juste titre que l’art. 29 al. 1 LPers (RS 172.220.1) et l’art. 56 al. 1 et 2 OPers (RS 172.220.111.3) de même que l’art. 24 al. 1 O-OPers (RS 172.220.111.31) ne portaient pas sur le droit de l’employeur au versement des arriérés de la rente d’invalidité en compensation des salaires versés. Ces dispositions traitaient uniquement de l’obligation de l’employeur de poursuivre le versement du salaire à un employé empêché de travailler et des modalités de cette obligation. En revanche, ces prestations de salaires dues par l’employeur constituaient des avances au sens des art. 22 al. 2 let. a LPGA et 85bis al. 1 et 2 RAI. La base légale du droit de l’employeur au remboursement des avances versées par compensation avec les arriérés d’une rente de l’assurance-invalidité, telle qu’exigée par l’art. 85bis al. 2 let. b RAI, correspondait à l’art. 22 al. 2 let. a LPGA. Cette disposition était désormais applicable en matière d’assurance-invalidité et constituait une exception au principe de l’incessibilité du droit aux prestations. C’était ainsi à bon droit que l’office AI avait rétrocédé à l’employeur la somme de 75’909 fr. correspondant aux rentes versées du 1er août 2015 au 30 juin 2019. Le consentement de l’assurée n’était pas nécessaire pour procéder à cette rétrocession et le paiement par compensation à l’employeur intervenait avec effet libératoire pour l’office AI. Le versement des rentes de l’assurance-invalidité à l’assurée conduirait à une surindemnisation de celle-ci, dès lors qu’elle avait perçu des salaires sur la même période.

Consid. 6.2
L’assurée se plaint d’une violation de l’art. 85bis al. 2 RAI. Selon elle, la Confédération n’était pas fondée à réclamer une rétrocession des prestations à l’office AI. En effet, ni le contrat ni la loi ne prévoirait un droit au remboursement sans équivoque et l’employeur n’aurait pas disposé de l’accord de l’assurée pour réclamer la compensation.

Consid. 6.3
En l’espèce, en dépit de ce qu’avance l’assurée, la législation sur le personnel fédéral confère explicitement à l’employeur un droit au remboursement et ainsi à la compensation (art. 29 al. 3 LPers et 58 al. 1 OPers; arrêt 9C_225/2014 du 10 juillet 2014, consid. 3.2). Le message en langue allemande concernant la loi sur le personnel de la Confédération du 14 décembre 1998 relève d’ailleurs que l’art. 29 al. 3 LPers entend précisément exclure une surindemnisation de l’employé (BBl 1999 II 1597 ss, p. 1623  » Die Bestimmung dient u. a. als Grundlage, um auch künftig unberechtigte Mehrfachbezüge zu verhindern « ; non traduit in FF 1999 II 1421 ss, p. 1446). L’accord de l’assurée, y compris sa signature sur un formulaire dédié (ATF 136 V 381 consid. 5.1 et 5.2), n’était ainsi pas nécessaire à la rétrocession par l’office AI en faveur de l’employeur. Dans ce contexte et contrairement au raisonnement quelque peu circulaire retenu dans l’arrêt attaqué, il convient encore de relever que, si l’art. 22 LPGA constitue bien la base légale formelle sur laquelle repose désormais l’art. 85bis RAI (ATF 136 V 381 consid. 3.2), cette disposition ne fonde cependant pas directement le droit de l’employeur à obtenir la rétrocession des rentes de l’assurance-invalidité. Pour le reste, l’assurée invoque une convention conclue avec la Confédération le 25 septembre 2018. Cette convention outrepasse l’état de fait qui lie la cour de céans et, en toutes hypothèses, est antérieure aux décisions rendues par l’office AI en octobre 2020.

Consid. 6.4
Au vu de ce qui précède, la Confédération était ainsi fondée à réclamer la compensation de ses prestations à l’office AI et ce dernier a procédé à bon droit au paiement de 75’909 fr. en

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 8C_510/2024 consultable ici

 

 

Mettre en œuvre le rapport d’évaluation relatif aux expertises médicales dans l’Al / Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national

Mettre en œuvre le rapport d’évaluation relatif aux expertises médicales dans l’Al / Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national

 

Rapport de la CSSS-N du 27.08.2025 publié dans la FF 2025 2664

[cf. mon commentaire en fin d’article]

 

Contenu du projet

Ce projet a pour but d’optimiser la procédure de conciliation pour les expertises médicales monodisciplinaires dans le domaine de l’assurance-invalidité (AI). D’une part, il vise à ce que l’assuré soit impliqué dès le début dans la désignation de l’expert chargé d’effectuer une expertise médicale monodisciplinaire de l’AI et à ce qu’une procédure de recherche d’un véritable consensus soit mise en œuvre. Sur ce point, le projet veut ainsi reprendre la pratique déjà appliquée par certains offices AI.

D’autre part, dans les cas où aucun expert n’a pu être choisi de manière consensuelle, les parties, à savoir l’assuré et l’office AI, désignent chacun un expert et les experts ainsi désignés auront pour tâche d’élaborer une expertise commune. En cas de divergences d’appréciation entre les deux experts, le service médical régional prend position sur les questions qui ne font pas l’unanimité et rend ses conclusions sur l’évaluation médicale.

Cette nouvelle réglementation vient ainsi compléter les différentes mesures qui ont été introduites dans le cadre du développement continu de l’AI (DCAI) visant à améliorer et garantir la qualité des expertises et de la procédure en général.

 

Dans le détail

Le rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) du 27 août 2025 présente la réforme de la procédure de conciliation pour les expertises médicales en assurance-invalidité. Ce rapport s’inscrit dans le contexte de l’initiative parlementaire Roduit 21.498, qui vise à mettre en œuvre les recommandations issues d’un rapport d’évaluation sur les expertises médicales en AI, publié en 2020 (Müller, Franziska / Liebrenz, Michael / Schleifer, Roman / Schwenzel Christof / Balthasar, Andreas (2020): Evaluation der medizinischen Begutachtung in der Invalidenversicherung). La nécessité de revoir la procédure actuelle est motivée par le souci d’améliorer la légitimité, l’acceptation et la qualité des expertises médicales dans le processus d’instruction des prestations AI.

Le projet vise essentiellement à renforcer la participation de l’assuré dans le choix de l’expert chargé de réaliser l’expertise monodisciplinaire en assurance-invalidité. Ce nouveau modèle de participation s’inspire partiellement de la pratique française de l’expertise conjointe, où chaque partie désigne son propre expert et où ces deux professionnels doivent aboutir à une évaluation commune lorsqu’un consensus n’a pu être trouvé initialement.

La situation légale actuelle découle du développement continu de l’AI (DCAI), entré en vigueur au 1er janvier 2022, qui a introduit des mesures pour renforcer les droits des assurés pendant la procédure de conciliation. Selon la réglementation en vigueur, la tentative de conciliation dans la désignation de l’expert s’applique uniquement pour les expertises monodisciplinaires ; les expertises bi- et pluridisciplinaires sont attribuées de manière aléatoire et échappent à cette procédure.

Dans l’AI, en 2023, sur 5552 expertises monodisciplinaires, 348 tentatives de conciliation ont eu lieu (6,3%) et dans 33 cas (0,6%), aucun accord n’a pu être trouvé. À la fin du 3e trimestre 2024, les chiffres intermédiaires montrent que le nombre de cas dans lesquels un expert n’a pas pu être désigné en accord avec les parties a fortement diminué par rapport à 2023 (0.25%). Dans ces cas, les offices AI rendent une décision incidente qui indique le nom de l’expert désigné et les raisons pour lesquelles les objections soulevées par l’assuré n’ont pas été retenues. Cette décision peut être attaquée devant le tribunal compétent.

La commission estime toutefois qu’un ajustement législatif demeure nécessaire pour mettre en œuvre la recommandation visant à « optimiser » la conciliation, telle qu’issue du rapport d’évaluation de 2020 (cf. supra). Malgré les mesures du DCAI, certaines recommandations n’ont pas pu être concrétisées en raison de contraintes d’organisation et de la pénurie d’experts. La recommandation n° 5 « Optimisation de la procédure de conciliation pour les expertises mono-/bidisciplinaires (renforcement de la procédure de conciliation) » demande encore une base légale claire.

Le cœur de la solution retenue se compose de deux éléments complémentaires.

  • Premièrement, l’assuré est formellement associé, dès l’origine, au choix de l’expert, selon une procédure de recherche d’un véritable consensus que le rapport rattache à des pratiques déjà suivies par certains offices AI. En effet, la procédure actuellement appliquée par certains offices AI prévoit que, lors de la communication du nom de l’expert désigné, il est donné à l’assuré la possibilité de proposer un autre spécialiste figurant sur la liste des experts avec lesquels l’office AI collabore.
  • Deuxièmement, à défaut d’accord, la CSSS-N s’inspire du modèle français d’expertise conjointe, développé dans le champ des accidents de la route pour accélérer la liquidation des sinistres. Transposée à l’AI, cette approche vise à garantir un poids équivalent aux voix des parties concernées – personnes assurées et offices AI – dans la phase d’instruction lorsque la conciliation échoue.

La proposition se matérialise dans le projet de modification de la LAI (publié in FF 2025 2665). Le nouvel art. 57 al. 4 P-LAI impose l’entente entre l’office AI et l’assuré sur le choix de l’expert monodisciplinaire (« … l’office AI et l’assuré sont tenus de s’entendre sur le choix d’un expert. »). En cas d’échec, chaque partie désigne un expert, et les deux experts établissent une expertise avec évaluation consensuelle, exposant leurs divergences si un consensus n’est pas possible. Le Service médical régional prend alors position sur les points non consensuels et rend ses conclusions sur l’évaluation médicale.

Sur la base de l’art. 44 al. 2 LPGA, l’office communique un nom et, simultanément, offre à l’assuré la possibilité de proposer un autre expert parmi les partenaires avec lesquels il collabore, l’assuré devant répondre dans le délai de dix jours (pratique actuelle de certains offices AI). Les experts pressentis doivent satisfaire aux exigences de l’art. 7m OPGA, renvoyant ainsi au dispositif de qualité introduit avec le DCAI.

Dans le cas où l’office AI et l’assuré ne parviennent pas à s’entendre sur le choix d’un expert, le nouvel art. 57 al. 4 P-LAI introduit le modèle d’expertise commune. L’expertise commune rendra une décision incidente concernant le choix d’un seul expert superflu. L’office AI et l’assuré désignent chacun un expert dans la discipline définie, qui s’engage à établir une expertise commune. Les deux experts doivent remplir les exigences fixées à l’art. 7m OPGA.

La procédure de consultation a généré 71 prises de position, dont 20 spontanées (cf. Prises de position dans le cadre de la consultation et Rapport de consultation du 11 août 2025). Une majorité d’acteurs soutient la modification, mettant en avant un meilleur taux d’acceptation des expertises et une possible réduction des litiges. À l’inverse, 24 cantons, l’UDC, l’Union patronale, la Conférence des offices AI, la FER, la Suva et la SIM s’y opposent, estimant la réforme disproportionnée au regard du faible nombre de cas et de sa complexité organisationnelle. En particulier, la Swiss Insurance Medicine (SIM), sur la base d’une connaissance concrète en la matière, rejette l’introduction du modèle de l’expertise commune et préconise plutôt que la personne assurée puisse proposer trois experts figurant sur une liste nationale et que l’office AI en désigne un parmi ces trois. La Commission fédérale d’assurance qualité des expertises médicales (COQEM), tout en approuvant l’idée de base du projet, ne se prononce pas sur les détails et propose de prendre des mesures pour plus de transparence dans ce domaine.

Une minorité de la CSSS-N conteste l’opportunité d’entrer en matière sur le projet, avançant que le système de conciliation proposé serait chronophage, accentuerait la pénurie d’experts, notamment en psychiatrie, et que la dernière réforme de la LPGA n’a pas encore livré tous ses enseignements.

 

Commentaire 

La proposition émise par la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N), qui offre à l’assuré la possibilité de désigner trois experts issus d’une liste d’experts reconnus et conformes aux critères exigés par l’art. 7m OPGA, constitue une mesure particulièrement bienvenue. Cette approche apparaît à la fois pragmatique, peu onéreuse et immédiatement applicable dans le cadre de l’assurance-invalidité, grâce aux listes existantes tenues par les offices AI. En facilitant l’implication accrue de l’assuré dans le choix de l’expert, ce dispositif devrait contribuer à une plus grande acceptation des résultats d’expertise, en atténuant la perception d’imposition d’un expert choisi unilatéralement.

Toutefois, la concrétisation de la procédure d’expertise commune suscite de sérieuses réserves quant à sa faisabilité pratique. Il est légitime de s’interroger sur la capacité d’un assuré, souvent démuni pour mandater un avocat, à gérer seul une telle démarche d’envergure. L’assistance administrative, telle que prévue à l’art. 37 al. 4 LPGA, reste dès lors central. Néanmoins, subsiste une incertitude notable quant à l’assouplissement des « directives internes » des offices AI en matière d’acceptation et de mise en œuvre de cette assistance pour des cas aussi complexes. Sans un encadrement plus souple et explicite, la voie de l’expertise commune risque de demeurer inadaptée et inaccessible à une large majorité d’assurés.

Par ailleurs, la question de la disponibilité des experts dans un contexte déjà marqué par une pénurie préoccupante mérite une attention soutenue. La double désignation d’experts pour chaque dossier augmentera sensiblement la charge pesant sur un nombre d’experts déjà insuffisant, ce qui pourrait allonger les délais d’instruction. Il demeure aussi incertain que ces experts acceptent d’être directement contactés par l’assuré, alors même que cette nouvelle procédure augmente l’exposition et les exigences liées à leur mission.

Le projet confie au Conseil fédéral la fixation des modalités, qui devra impérativement prévoir des standards précis, notamment en ce qui concerne la sollicitation des experts, les délais d’exécution et la structure des rapports conjoints. Sans une uniformisation forte, la mise en œuvre pourrait pâtir de disparités cantonales, nuisant alors à la cohérence et à l’efficacité de la réforme.

Au-delà de ces considérations techniques et organisationnelles, la question la plus critique à mes yeux porte sur le profond manque d’harmonisation au sein des assurances sociales. Il est difficilement compréhensible que la commission ait limité le champ de la réforme à l’assurance-invalidité, excluant des régimes où les problématiques d’expertises médicales sont tout aussi déterminantes, notamment l’assurance-accidents (LAA) et l’assurance-maladie (LAMal). Cette restriction génère une inégalité de traitement structurelle entre assurés selon leur branche d’assurance, soulevant des interrogations majeures sur l’équité et la cohérence globale de notre système de protection sociale.

Cette dissymétrie dans le traitement des expertises médicales entre les différentes branches des assurances sociales engendrera des conséquences tangibles. Elle mettra en place des incitations procédurales divergentes selon l’assurance concernée, alimentera inévitablement des contentieux comparatifs et affaiblira la vision chère à la LPGA d’un socle procédural commun. Le sentiment déjà présent d’une inégalité de traitement chez les assurés risque par conséquent d’être aggravé, ce qui va précisément à l’encontre de l’objectif affiché de renforcer l’acceptation des expertises.

Or, la justification avancée par la commission, reposant sur le fait que le rapport d’évaluation initial ne portait que sur l’assurance-invalidité, ne semble pas suffisante. Le report à une éventuelle révision plus générale au niveau de la LPGA ne saurait répondre à l’urgence ni au besoin fondamental d’un traitement égalitaire entre assurés. Cette approche fragmentaire laisse un goût d’inachevé et contribue à perpétuer des disparités lourdes de conséquences.

Le choix de circonscrire la réforme à l’assurance-invalidité paraît étroit, d’autant plus que la tendance générale devrait être orientée vers l’unification et la simplification des procédures entre régimes. Maintenir des règles spécifiques à chaque assurance renforce au contraire la complexité juridique et administrative, au détriment tant des assurés que des intervenants professionnels.

Au-delà de ces perspectives critiques, je tiens à souligner, au fil de ma pratique quotidienne, la qualité de l’écoute et la volonté de dialogue des offices AI romands. Dans cette région, nous parvenons à une entente constructive sur la désignation des experts, ce qui témoigne déjà d’une certaine maturité et d’une coopération fructueuse entre assurés et offices.

Pour conclure, il est indispensable que les modalités pratiques définies par le Conseil fédéral fassent l’objet d’un large dialogue avec tous les acteurs concernés, experts, assurances et représentants des assurés. Seule une mise en œuvre pragmatique, flexible et centrée sur les besoins réels des assurés pourra permettre à cette réforme, perfectible par nature, de constituer une avancée significative dans le domaine complexe et sensible des expertises médicales.

 

Rapport de la CSSS-N du 27.08.2025 publié dans la FF 2025 2664

Projet de loi fédérale sur l’assurance-invalidité (Renforcement de la procédure de conciliation pour les expertises AI monodisciplinaires) paru dans la FF 2025 2665

Initiative parlementaire Roduit 21.498 « Mettre en oeuvre le rapport d’évaluation relatif aux expertises médicales dans l’Al » consultable ici

 

 

 

9C_526/2024 (f) du 03.07.2025 – Allocation pour impotent pour mineurs atteints de diabète – Notion de surveillance personnelle régulière, permanente et intense

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_526/2024 (f) du 03.07.2025

 

Consultable ici

 

Allocation pour impotent pour mineurs atteints de diabète / 9 LPGA – 42 LAI – 42bis LAI

Notion de surveillance personnelle régulière, permanente et intense / 37 RAI

 

Résumé
Un enfant né en 2017 et atteint d’un diabète de type 1 avait obtenu en instance cantonale une allocation pour impotent de degré faible au motif qu’il nécessitait une surveillance personnelle permanente. Le Tribunal fédéral a annulé cette décision, considérant que les besoins de surveillance de l’enfant, âgé de moins de six ans, ne dépassaient pas ceux d’un enfant en bonne santé du même âge. Le besoin de surveillance est certes régulier mais non pas permanent et intense et ne justifie pas la reconnaissance d’une impotence. Le recours de l’OFAS a ainsi été admis.

 

Faits
Assuré, né en 2017, est atteint d’un diabète de type 1 diagnostiqué en octobre 2021. En novembre 2022, par l’intermédiaire de ses parents, il a présenté une demande d’allocation pour impotent. Après avoir notamment diligenté une enquête à domicile (rapport du 5 juillet 2023 et complément du 22 août 2023), l’office AI a rejeté la demande (décision du 22 septembre 2023).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 19.08.2024, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision en ce sens que l’assuré a droit à une allocation pour impotent de degré faible depuis le 01.10.2022.

 

TF

Consid. 3.3
L’arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels relatifs notamment à la notion d’impotence (art. 9 LPGA), aux conditions du droit à une allocation pour (mineur) impotent (art. 42 al. 1 à 3 et 42bis LAI), aux critères d’évaluation de l’impotence (art. 37 RAI) et à la notion de surveillance personnelle permanente (art. 37 al. 2 let. b et al. 3 let. b RAI; arrêts 8C_393/2021 du 13 octobre 2021 consid. 3.2.2; 9C_831/2017 du 3 avril 2018 consid. 3.1). Il rappelle aussi la jurisprudence concernant le niveau de vraisemblance que doit atteindre un fait pour être considéré comme établi (ATF 139 V 176 consid. 5.3 et les arrêts cités), ainsi que les règles applicables à la valeur probante des rapports d’enquête pour l’évaluation du degré d’impotence (art. 69 al. 2 RAI; ATF 130 V 61 consid. 6; 128 V 93) et à la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA).

Consid. 3.4
L’interprétation et l’application correctes de la notion juridique de l’impotence, ainsi que les exigences relatives à la valeur probante de rapports d’enquête au domicile de l’assuré relèvent de questions de droit, que le Tribunal fédéral examine librement (art. 95 let. a LTF). Est en revanche une question de fait, soumise au Tribunal fédéral sous un angle restreint, celle de savoir si les éléments constitutifs d’une surveillance personnelle permanente au sens de la loi et de la jurisprudence sont réalisés dans un cas concret (arrêts 8C_393/2021 précité consid. 3.3; 9C_831/2017 précité consid. 1.2 et les arrêts cités).

Consid. 4.1 [résumé]
Les juges cantonaux ont admis l’existence d’un besoin de surveillance personnelle permanente au sens de l’art. 37 al. 3 let. b et al. 4 RAI, en se fondant notamment sur le rapport médical du 6 août 2023 et en se référant à l’arrêt 9C_825/2014 du 23 juin 2015 consid. 4.4.1. L’instance cantonale a retenu, sur la base de l’avis de la médecin traitante, que la surveillance assurée par les parents visait à prévenir des hypoglycémies ou hyperglycémies pouvant entraîner des séquelles graves, voire mettre sa vie en danger, de sorte que son intensité et son caractère permanent devaient être admis, même chez un enfant de moins de 6 ans. Elle a dès lors reconnu le droit de l’assuré à une allocation pour impotent de degré faible dès le 1er octobre 2022, date correspondant à un an après le diagnostic (art. 42 al. 4 LAI).

Consid. 4.2
L’OFAS recourant reproche aux juges précédents d’avoir violé le droit fédéral (art. 42 al. 4 LAI, art. 37 al. 3 let. b et al. 4 RAI) en retenant que l’assuré nécessite une surveillance personnelle permanente. Il fait en substance valoir que le besoin de surveillance que requièrent les enfants atteints de diabète de type 1 ne peut pas être qualifié de permanent ou de suffisamment intensif pour admettre la nécessité d’une surveillance personnelle permanente au sens de l’art. 37 al. 3 let. b RAI.

Consid. 5.1
Sous l’intitulé « Recommandations relatives à l’évaluation de l’impotence déterminante pour les mineurs », l’annexe II de la Circulaire sur l’impotence de l’OFAS (CSI), dans sa teneur valable à partir du 1er janvier 2022, état au 1er juillet 2023 (compte tenu de la date de la décision administrative litigieuse [du 22 septembre 2023]; cf. consid. 5.3 infra), prévoit qu’avant l’âge de 6 ans, une surveillance personnelle ne peut en général pas être prise en considération. Mais en fonction de la situation et du degré de gravité, un besoin de surveillance peut être reconnu pour les enfants dès 4 ans lorsqu’ils sont sujets à des crises d’épilepsie impossibles à prévenir par médication ou qu’ils présentent un autisme infantile. En cas de risque d’étouffement suite à de fréquents vomissements, il faut prendre en compte une surveillance dès le début. En cas de problèmes respiratoires, la surveillance n’est pas forcément nécessaire (elle dépend du degré de gravité et de l’applicabilité de mesures non personnelles, comme la surveillance par moniteur, etc.).

Consid. 5.2
Le 31 juillet 2024, l’OFAS a publié une Lettre-circulaire n° 443 relative à l’allocation pour impotent pour mineurs atteints de diabète. Selon le ch. 4 de cette circulaire, portant le titre marginal « Surveillance », « [a]vant 6 ans, l’enfant doit de toute façon être surveillé, même s’il est en bonne santé. Le contrôle régulier de la glycémie relève des mesures de soins et non de la surveillance. Les enfants diabétiques se comportent comme les autres enfants de leur âge, et ont la même perception du danger. Ils comprennent et peuvent suivre les instructions et les ordres. Bien que les parents doivent constamment garder un oeil sur la glycémie de leur enfant pour pouvoir réagir si nécessaire (par ex. en lui donnant des aliments appropriés ou de l’insuline supplémentaire), les enfants atteints de diabète peuvent régulièrement s’éloigner de la supervision de leurs parents, aller à l’école ou pratiquer des loisirs avec leurs amis (par ex. jouer dehors, jouer au foot). Même si les parents veilleront à ce qu’en règle générale, quelqu’un soit présent pour reconnaître les symptômes d’une hypoglycémie et réagir en conséquence, cela ne signifie pas qu’ils ne peuvent jamais quitter les enfants des yeux, ne serait-ce que pour quelques minutes. Il y a donc un certain besoin de surveillance, mais celui-ci n’est pas permanent (‘intensif’) au sens de l’art. 37, al. 3, let. b, RAI. Par ‘surveillance personnelle permanente’, on entend l’observation constante d’un assuré, qui ne saurait être interrompue plus de quelques minutes ici et là sans que cela ne cause de danger important pour la vie de l’assuré ou pour des tiers. Les enfants atteints de diabète n’ont pas besoin d’une surveillance aussi intense. […]. En vertu de l’obligation de réduire le dommage, il convient également de prendre en compte les moyens auxiliaires numériques qui permettent de réduire le besoin de présence des parents (par ex. applications pour smartphone indiquant simplement et rapidement les valeurs pertinentes). Dans de rares cas (à partir de 6 ans), un besoin de surveillance peut être reconnu si le diabète est très instable et qu’un état comateux risquait à tout moment de survenir sans signe annonciateur ».

Consid. 5.3
Bien que les directives administratives ne lient en principe pas le juge, celui-ci est néanmoins tenu de les considérer dans son jugement, pour autant qu’elles permettent une interprétation des normes juridiques qui soit adaptée au cas d’espèce et équitable. Ainsi, si les directives administratives constituent une concrétisation convaincante des dispositions légales, le tribunal ne s’en départit pas sans motif pertinent. Dans cette mesure, il prend en considération le but de l’administration tendant à garantir une application égale du droit (ATF 148 V 102 consid. 4.2; 146 V 224 consid. 4.4. et l’arrêt cité). En principe, il convient de tenir compte de la version qui était à la disposition de l’autorité de décision au moment de la décision (et qui a déployé un effet contraignant à son égard), soit en l’occurrence, de l’annexe II de la CSI, dans sa teneur valable à partir du 1er janvier 2022, état au 1er juillet 2023 (au vu de la date de la décision administrative litigieuse [du 22 septembre 2023]); des compléments ultérieurs peuvent éventuellement être pris en compte, notamment s’ils permettent de tirer des conclusions sur une pratique administrative déjà appliquée auparavant (cf. ATF 147 V 278 consid. 2.2 et les références), comme c’est le cas de la Lettre-circulaire n° 443 du 31 juillet 2024 relative à l’allocation pour impotent pour mineurs atteints de diabète.

Consid. 6
L’appréciation de la juridiction cantonale, qui a admis que l’assuré, âgé d’un peu plus de 5 ans au moment de la décision administrative litigieuse, requérait une surveillance personnelle permanente accrue au sens de l’art. 37 al. 3 let. b et al. 4 RAI, ne peut pas être suivie, pour les raisons qui suivent.

Consid. 6.1
On rappellera qu’en vertu de l’art. 37 al. 4 RAI, l’impotence des mineurs doit être évaluée en prenant en considération uniquement le surcroît d’aide et de surveillance que le mineur handicapé nécessite par rapport à un mineur du même âge et en bonne santé. Conformément à l’annexe II de la CSI (qui a succédé à l’annexe 3 de la Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité [CIIAI] établie par l’OFAS avec effet au 1er janvier 2022), une surveillance personnelle ne doit en règle générale pas être prise en considération avant l’âge de six ans, l’OFAS [recourant] insistant à cet égard sur le fait que tous les enfants ont besoin d’une surveillance importante avant cet âge. En fonction de la situation et du degré de gravité, un besoin de surveillance peut cependant être reconnu déjà avant l’âge de six ans, notamment si l’enfant présente un autisme infantile (arrêt 8C_158/2008 du 15 octobre 2008 consid. 5.2.2 et les références; cf. aussi consid. 5.1 supra).

Consid. 6.2
Certes, dans l’arrêt 8C_195/2023 du 5 mars 2024 consid. 5.2.2, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si un besoin de surveillance personnelle peut également être reconnu dès l’âge de quatre ans pour les enfants atteints de diabète sucré de type 1, en fonction de la situation et du degré de surveillance, par analogie avec la situation des enfants sujets à des crises d’épilepsie. Dans le cas jugé à l’époque, les contrôles réguliers de la glycémie ne dépassaient en effet pas de manière significative le niveau habituel de surveillance d’un enfant de trois ou cinq ans, selon les constatations de l’instance précédente qui liaient le Tribunal fédéral (« bindende Feststellungen »). Tel est également le cas en l’espèce. En effet, selon les constatations de l’enquêtrice, l’assuré requiert une surveillance en adéquation avec son âge; l’enquêtrice a précisé à cet égard que l’enfant suit une scolarité normale et va à l’accueil parascolaire, qu’il peut jouer seul dans une pièce et que sa glycémie est 73% du temps dans la cible. On ne saurait en déduire que les contrôles réguliers de la glycémie dépasseraient de manière significative le niveau habituel de surveillance d’un enfant de moins de six ans, ce d’autant plus que la pédiatre traitante ne l’a pas indiqué; dans son rapport du 6 août 2023, la médecin traitante a fixé le nombre de contrôles de la glycémie recommandés à plus de quatre par jour. Par ailleurs, il n’apparaît pas non plus que l’assuré souffrirait d’autres troubles susceptibles de nécessiter un besoin de surveillance personnelle plus élevé par rapport à un enfant en bonne santé du même âge (déficience intellectuelle ou cognitive, par exemple). Dans ce contexte, on rappellera que selon la jurisprudence, pour admettre la nécessité d’une surveillance personnelle permanente au sens de l’art. 37 al. 2 let. b et al. 3 let. b RAI, il faut qu’en raison de son état de santé sur le plan physique, psychique ou mental, l’assuré ne puisse pas être laissé seul toute la journée en raison de défaillances mentales, ou un tiers doive être présent toute la journée, sauf pendant de brèves interruptions (arrêt 9C_831/2017 précité consid. 3.1 et les arrêts cités).

Quant au fait que l’assuré ne peut pas être laissé seul la nuit, sous peine d’être en danger, il ne permet pas de parvenir à une autre conclusion. Comme le fait valoir l’OFAS, tous les enfants, en particulier quand ils sont âgés de moins de six ans, ne peuvent pas être laissés seuls la nuit. De plus, selon la jurisprudence, des contrôles et des interventions nécessaires plusieurs nuits par semaine ne suffisent pas pour admettre qu’un enfant souffrant de diabète de type 1 nécessite un besoin de surveillance permanente (cf. arrêt 8C_719/2022 du 5 mars 2024 consid. 6.6). Or à cet égard, les parents de l’assuré ont rapporté à l’enquêtrice devoir intervenir seulement de manière irrégulière de nuit (entre 1 et 3 fois pendant une nuit, puis plus pendant 2 à 4 nuits, puis 2 nuits de suite, puis plus, etc.).

Consid. 6.3
Par ailleurs, si la pédiatre traitante a indiqué qu’un enfant sans surveillance et en proie à une hyper- ou hypoglycémie se mettrait selon toute probabilité en danger, si bien qu’il doit être sous une surveillance personnelle accrue, permanente et perpétuelle, ses explications doivent être nuancées au regard du considérant précédent. La pédiatre traitante a exposé des considérations d’ordre général, transposables à la situation de tout enfant diabétique. Dans son rapport du 6 août 2023, elle ne s’est en effet pas concrètement référée au cas de l’assuré, lorsqu’elle a exposé qu’un enfant diabétique ne peut pas se prendre en charge de manière autonome et fiable avant l’âge de 12 ans environ (étant donné la capacité de calcul, de discipline et de prévoyance exigée par cette discipline), si bien que la présence constante d’un adulte (parents, professeur ou maman de jour) ayant été sensibilisé à cette pathologie et au comportement à adopter en cas de complication aiguë est indispensable pour assurer un équilibre glycémique et intervenir de manière adéquate en cas d’urgence.

En l’occurrence, si l’enquêtrice a admis l’existence d’un danger lorsque la glycémie de l’assuré n’est pas dans la cible, faisant état d’hyperglycémies susceptibles de se révéler délétères à long terme pour les organes vitaux, elle a cependant nié la nécessité d’une surveillance personnelle permanente. Elle a en particulier exposé que la glycémie était 73% du temps dans la cible et que durant les 27% du temps restants, l’enfant était plus souvent en hyperglycémie qu’en hypoglycémie, ce qui ne représentait pas un risque vital immédiat. L’enquêtrice a également expliqué que l’assuré dispose de moyens auxiliaires, notamment d’un capteur à glycémie et qu’il porte une pompe à insuline, qui sont reliés à une application pour smartphone et permettent de fournir en direct le taux de sucre dans le sang et d’émettre un signal lorsque la glycémie s’élève au-delà ou s’abaisse en-deçà de la cible, respectivement d’adapter la dose d’insuline injectée, d’où une diminution du risque de mise en danger pour l’enfant et du besoin de présence des parents. Le point de vue de l’enquêtrice n’est du reste pas contredit par l’avis de la pédiatre traitante, qui a en effet indiqué que son patient sait quand il est dans des valeurs hors cible et comment réagir. Au demeurant, lorsque l’assuré présente des hypoglycémies, elles sont le plus souvent sans gravité et remontent rapidement. Ces éléments confirment un besoin de surveillance certes régulier mais non pas permanent et intense, comme le fait valoir l’OFAS. Ils n’établissent par ailleurs pas, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’enfant courrait un danger important pour sa vie s’il était laissé sans surveillance durant quelques minutes.

Consid. 6.4
Quant aux interventions effectuées en cas d’urgence (augmentation de la dose d’insuline ou remise en place du cathéter, notamment), elles ont déjà été prises en compte dans le cadre de l’évaluation des besoins en soins de l’enfant, si bien qu’il n’y a pas lieu d’en tenir compte lorsqu’il s’agit d’évaluer le besoin de surveillance (arrêt 9C_831/2017 précité consid. 3.1).

Consid. 7
En définitive, en reconnaissant le droit de l’assuré à une allocation pour impotent de degré faible depuis le 01.10.2022, les juges cantonaux ont violé le droit fédéral. Ils ont en effet méconnu la notion de surveillance personnelle permanente au sens de l’art. 37 al. 3 let. b RAI. Le recours est bien fondé.

 

Le TF admet le recours de l’OFAS.

 

Arrêt 9C_526/2024 consultable ici

 

9C_221/2025 (f) du 23.06.2025 – Allocation pour impotent / Actes «se vêtir/se dévêtir», «faire sa toilette», «se déplacer à l’intérieur ou à l’extérieur, établir des contacts» et besoin d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie niés

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_221/2025 (f) du 23.06.2025

 

Consultable ici

 

Allocation pour impotent / 9 LPGA – 42 LAI – 37 RAI

Actes «se vêtir/se dévêtir», «faire sa toilette», «se déplacer à l’intérieur ou à l’extérieur, établir des contacts» et besoin d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie niés

 

Résumé
Assuré au bénéfice d’une rente entière depuis le 01.11.2019, a demandé une allocation pour impotent. Après enquête à domicile (rapport relevant l’aide régulière et importante d’autrui pour accomplir un acte ordinaire de la vie, soit celui de manger), l’office AI a rejeté la demande. Tant dans la procédure cantonale que fédérale, il n’a pas été établi un besoin d’aide régulier et important pour «se vêtir/se dévêtir», «faire sa toilette» ou «se déplacer/établir des contacts», ni la nécessité d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie. Selon le Tribunal fédéral, les constatations médicales et factuelles n’ont pas été jugées arbitraires et le grief de défaut de motivation a été écarté.

 

Faits
Assuré, né en 1970, a perçu une rente entière de l’assurance-invalidité du 01.08.2014 au 31.03. 2016. Il bénéficie à nouveau d’une rente entière depuis le 01.11.2019.

Le 16.08.2022, l’assuré a déposé une demande d’allocation pour impotent. L’office AI a notamment mis en oeuvre une enquête au domicile de l’assuré le 02.11.2023. Dans un rapport du 20.11.2023, l’enquêtrice a constaté que l’assuré avait besoin d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir un acte ordinaire de la vie, soit celui de manger. Par décision du 21.02.2024, l’office AI a rejeté la demande d’allocation pour impotent.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 94/24 – 82/2025 – consultable ici)

Par jugement du 20.03.2025, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2
L’impotence est moyenne si l’assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir la plupart des actes ordinaires de la vie, d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, une surveillance personnelle permanente, ou d’une aide régulière et importante d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie et nécessite, en outre, un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie au sens de l’art. 38 RAI (art. 37 al. 2 let. a à c RAI). Selon cette disposition, ce besoin existe lorsque la personne assurée ne peut pas en raison d’une atteinte à la santé vivre de manière indépendante sans l’accompagnement d’une tierce personne, faire face aux nécessités de la vie et établir des contacts sociaux sans l’accompagnement d’une tierce personne, ou éviter un risque important de s’isoler durablement du monde extérieur (art. 38 al. 1 let. a à c RAI).

Dans la première éventualité, l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie doit permettre à la personne concernée de gérer elle-même sa vie quotidienne. Il intervient lorsque la personne nécessite de l’aide pour au moins l’une des activités suivantes: structurer la journée, faire face aux situations qui se présentent tous les jours (p. ex. problèmes de voisinage, questions de santé, d’alimentation et d’hygiène, activités administratives simples) et tenir son ménage (aide directe ou indirecte d’un tiers; ATF 133 V 450 consid. 10). Dans la deuxième éventualité (accompagnement pour les activités hors du domicile), l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie doit permettre à la personne assurée de quitter son domicile pour certaines activités ou rendez-vous nécessaires, tels les achats, les loisirs ou les contacts avec les services officiels, le personnel médical ou le coiffeur. Dans la troisième éventualité, l’accompagnement en cause doit prévenir le risque d’isolement durable ainsi que de la perte de contacts sociaux et, par là, la péjoration subséquente de l’état de santé de la personne assurée (arrêt 9C_308/2022 du 28 mars 2023 consid. 3.3 et la référence).

Consid. 2.3
La nécessité de l’aide apportée par une tierce personne doit être examinée de manière objective, selon l’état de santé de la personne assurée, indépendamment de l’environnement dans lequel celle-ci se trouve; seul importe le point de savoir si, dans la situation où elle ne dépendrait que d’elle-même, la personne assurée aurait besoin de l’aide d’un tiers (arrêt 9C_354/2023 du 15 novembre 2023 consid. 2.3 et les références).

Consid. 4.1 [résumé]
S’agissant de l’acte «se vêtir/se dévêtir», l’assuré soutient que l’enquêtrice avait omis de cocher «se dévêtir». Les juges cantonaux ont constaté que la mention «idem» figurait pour cet acte, de sorte qu’ils pouvaient retenir sans arbitraire que les limitations étaient identiques pour «se vêtir» et «se dévêtir». Le recours ne contient aucun élément propre à démontrer l’arbitraire. Le simple rappel d’atteintes psychiatriques, notamment une majoration des symptômes physiques pour des raisons psychologiques, ne montre pas que ces aspects n’auraient pas été pris en compte. Au contraire, les limitations fonctionnelles avaient été clairement définies par le médecin du SMR avant l’enquête à domicile, ce que l’assuré ne conteste pas. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de s’écarter de l’appréciation des juges cantonaux.

Consid. 4.2 [résumé]
Pour l’acte «faire sa toilette», l’assuré se limite aux déclarations de sa fille selon lesquelles il devait être «stimulé». Il ne prétend ni ne démontre que cette stimulation dépasserait de simples rappels ponctuels. Les juges cantonaux pouvaient dès lors retenir sans arbitraire que l’aide de l’épouse ne traduisait pas un besoin d’assistance important justifié par l’état de santé. Aucun élément médical objectif ne faisait obstacle à l’accomplissement de cet acte, ce que l’assuré ne conteste pas.

Consid. 4.3 [résumé]
Pour l’acte «se déplacer à l’intérieur ou à l’extérieur, établir des contacts», contrairement à ce que soutient l’assuré, les juges cantonaux ne se sont pas fondés uniquement sur une capacité de travail résiduelle. Ils ont retenu qu’il vivait avec son épouse et leurs enfants, conservait son autonomie de déplacement dans l’appartement, utilisait une canne anglaise à la main gauche, conduisait encore une voiture automatique «à titre exceptionnel» et se rendait parfois seul aux séances de physiothérapie. Ils ont dès lors retenu sans arbitraire qu’il pouvait se déplacer et établir des contacts.

Consid. 4.4
Enfin, en ce qui concerne le besoin d’un accompagnement durable pour faire face aux nécessités de la vie, l’assuré se borne à nouveau à opposer sa propre appréciation à celle de la juridiction cantonale, sans toutefois démontrer en quoi celle-ci serait manifestement insoutenable. Il en va en particulier ainsi lorsqu’il fait valoir que les diagnostics psychiatriques et la structure de sa personnalité justifieraient, déjà à eux seuls, le besoin revendiqué. Ce faisant, il n’établit pas qu’il était insoutenable de la part des juges précédents, et il n’apparaît pas que tel soit le cas, de suivre les constatations concrètes de l’enquêtrice de l’office AI, et d’en tirer qu’il était capable de structurer son quotidien sans difficultés substantielles, conservait la faculté de gérer des activités ordinaires simples et n’était pas entravé par ses limitations fonctionnelles physiques ou psychiques dans la réalisation de tâches légères (éventuellement en les fractionnant et en se servant de moyens auxiliaires).

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_221/2025 consultable ici

 

 

 

9C_660/2024 (f) du 27.06.2025 – Capacité de travail exigible – Rapport du médecin traitant probant – Mauvaise lecture par le médecin du SMR / Appréciation arbitraire des faits et des preuves par le tribunal cantonal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_660/2024 (f) du 27.06.2025

 

Consultable ici

 

Capacité de travail exigible – Rapport du médecin traitant probant – Mauvaise lecture par le médecin du SMR / 16 LPGA – 43 LPGA

Appréciation arbitraire des faits et des preuves par le tribunal cantonal

 

Résumé
Assurée, née en 1982, souffrant d’un syndrome de type angiome Klippel-Trenaunay de la jambe droite. L’office AI a nié le droit à des mesures professionnelles et à la rente, confirmé par la juridiction cantonale. Sur la base des pièces, le Tribunal fédéral a été retenu que le SMR avait mal interprété l’avis de l’angiologue traitant, qui a précisé qu’il ne serait pas possible de travailler assise une journée complète et a limité la capacité à environ quatre heures par jour. L’appréciation cantonale des preuves a été jugée arbitraire; une expertise médicale indépendante doit être mise en œuvre et la cause a été renvoyée à l’office AI.

 

Faits
En octobre 2021, assurée, née en 1982, a présenté une demande de prestations de l’assurance-invalidité. Elle y indiquait souffrir depuis la naissance d’un syndrome de type angiome Klippel-Trenaunay sur toute la jambe droite. Après avoir en particulier sollicité des renseignements auprès des médecins traitants de l’assurée, qu’il a soumis à son SMR, l’office AI a nié le droit de l’intéressée à des mesures d’ordre professionnel et à une rente.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 15.10.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Les juges cantonaux ont d’abord constaté que le médecin traitant spécialiste en médecine interne générale et en angiologie avait indiqué que l’assurée disposait d’une capacité de travail de 50% dans son activité habituelle de responsable de fabrication auprès de D.__ Sàrl, respectivement de 100% dans une activité entièrement adaptée à ses limitations fonctionnelles. Ils ont ensuite considéré qu’aucune raison ne permettait de « s’écarter » de l’appréciation probante du médecin du SMR, selon laquelle l’assurée disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité légère et adaptée. En particulier, l’avis de l’angiologue traitant ne contredisait pas les conclusions du médecin du SMR quant à l’exigibilité de l’exercice à 100% d’une activité entièrement adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assurée, à savoir un emploi sédentaire où celle-ci pourrait rester assise toute la journée et le cas échéant effectuer des pauses régulières pour allonger sa jambe droite. Après avoir confirmé le taux d’invalidité arrêté par l’office intimé à 38%, la juridiction cantonale a finalement nié le droit de l’assurée à une rente, ainsi qu’à des mesures de réadaptation.

Consid. 5.1
En l’occurrence, en ce qu’elle a considéré que l’avis du médecin traitant spécialiste en médecine interne générale et en angiologie ne contredisait pas les conclusions du médecin du SMR, selon lesquelles une activité entièrement adaptée aux limitations fonctionnelles de l’assurée était exigible à 100%, la juridiction cantonale a apprécié arbitrairement les faits et les preuves. Elle s’est fondée sur l’avis du médecin du SMR, qui, appelé à se prononcer au sujet des conclusions de l’angiologue traitant, avait admis que son confrère avait apprécié la situation de sa patiente en ce sens qu’elle disposait d’une capacité de travail de 50% au maximum « dans l’activité habituelle (plutôt debout) » et de 100% « dans une activité plutôt assise ».

Or tels ne sont pas les propos de l’angiologue traitant. Dans son rapport, le médecin traitant n’a en effet pas indiqué que l’assurée disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée (même assise ou plutôt assise). Après avoir d’abord rappelé qu’en 2008, il s’était adressé à l’employeur de sa patiente afin de lui signifier qu’elle « devrait avoir au moins 50% de son activité en position assise », l’angiologue traitant a décrit l’« évolution sur 13 ans », en faisant état d’une « diminution de la capacité de travail lié[e] aux douleurs du [membre inférieur droit] de plus en plus importantes ». Dans ce contexte, le médecin traitant a indiqué que l’atteinte angiomateuse du réseau veineux profond ne pouvait bénéficier d’aucun traitement en dehors de la contention et de l’hygiène veineuse et qu’il « ne serait pas possible de travailler assise une journée complète »; il a précisé à ce propos qu’il pensait clairement que l’on ne pouvait pas attendre de l’assurée plus de quatre heures par jour de travail dans son activité et dans toute activité d’ailleurs. À cet égard, la considération de la juridiction cantonale, selon laquelle cette « précision » de l’angiologue traitant ne reposait sur aucune explication et semblait dès lors être principalement fondée par la relation de confiance particulière le liant à sa patiente, ne peut pas être suivie.

Consid. 5.2
On rappellera que le fait, tiré de l’expérience de la vie, qu’en raison du lien de confiance (inhérent au mandat thérapeutique) qui l’unit à son patient, le médecin traitant est généralement enclin à prendre parti pour celui-ci (ATF 135 V 465 consid. 4.5; 125 V 351 consid. 3a/cc) ne libère pas le juge de son devoir d’apprécier correctement les preuves, ce qui suppose de prendre également en considération les rapports versés par l’assuré à la procédure. Le juge doit alors examiner si ceux-ci mettent en doute, même de façon minime, la fiabilité et la pertinence des constatations des médecins internes à l’assurance. Lorsque, comme en l’occurrence, une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis motivé d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes quant à la fiabilité et à la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis. Il y a lieu de mettre en oeuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA (ou une expertise judiciaire; ATF 135 V 465 consid. 4.5 et 4.6; arrêt 9C_553/2023 du 14 novembre 2024 consid. 3.2 et les références). Aussi la cause doit-elle être renvoyée à l’office AI pour ce faire. Le recours est bien fondé.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_660/2024 consultable ici

 

 

 

9C_61/2025 (f) du 17.06.2025 – Allocation pour impotent (API) pour mineurs et supplément pour soins intenses (SSI) / Surcroît de temps pour l’acte « aller aux toilettes »

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_61/2025 (f) du 17.06.2025

 

Consultable ici

 

Allocation pour impotent (API) pour mineurs et supplément pour soins intenses (SSI) / 42ter LAI – 39 RAI

Surcroît de temps pour l’acte « aller aux toilettes »

 

Résumé
Assurée mineure née en 2015 et atteinte d’une trisomie 21 avec troubles visuels, a bénéficié d’une API de degré moyen dès le 01.11.2021. Saisi d’un recours contre le jugement cantonal qui avait retenu un degré grave et un supplément pour soins intenses fondé sur un besoin quotidien de 362 minutes dès le 1er mars 2023, l’examen s’est limité au montant du supplément. Le Tribunal fédéral a rappelé que la Circulaire sur l’impotence (CSI) fixe une limite maximale de 40 minutes pour l’acte « aller aux toilettes ». En rectifiant l’imputation du temps pour « aller aux toilettes » (70 minutes et non 100), le besoin d’aide quotidien a été arrêté à 332 minutes (5 h 32), ouvrant le droit au supplément pour soins intenses.

 

Faits
Assurée, née en 2015, est atteinte d’une trisomie 21, associée notamment à des troubles visuels importants. Elle a bénéficié de différentes prestations de l’AI lorsqu’elle a sollicité l’octroi d’une allocation pour impotent en novembre 2022, par l’intermédiaire de ses parents. Après avoir notamment mis en œuvre une enquête à domicile (07.02.2022), l’office AI a reconnu le droit de l’assurée à une allocation d’impotence pour mineurs de degré moyen à compter du 01.11.2021 (décision du 20 avril 2023).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1019/2024 – consultable ici)

Par jugement du 17.12.2024, admission du recours par le tribunal cantonal. La cour cantonale a (annulé la décision et) renvoyé la cause à l’office AI pour nouvelle décision au sens des considérants (octroi à l’assurée d’une allocation d’impotence pour mineurs de degré grave et d’un supplément pour soins intenses correspondant à un besoin de 6 heures [362 minutes] par jour depuis le 01.03.2023).

 

TF

Consid. 3.3
On rappellera qu’un supplément pour soins intenses peut être ajouté à l’allocation pour impotent lorsque celle-ci est servie à un mineur qui a en outre besoin d’un surcroît de soins dont l’accomplissement atteint le seuil minimum quotidien de 4 heures (cf. art. 42ter al. 3 LAI et 39 al. 1 RAI). Le montant mensuel de ce supplément s’élève à 100% du montant maximum de la rente de vieillesse au sens de l’art. 34 al. 3 et 5 LAVS, lorsque le besoin de soins découlant de l’invalidité est de 8 heures par jour au moins, à 70% de ce montant maximum lorsque le besoin est de 6 heures par jour au moins, et à 40% de ce montant maximum lorsque le besoin est de 4 heures par jour au moins (art. 42ter al. 3, 2e phrase, LAI).

Le point de savoir si l’impotent mineur a droit à un supplément pour soins intenses, tout comme le montant de cette prestation, reposent sur une appréciation temporelle de la situation (cf. arrêt 9C_666/2013 du 25 février 2014 consid 8.2 in: SVR 2014 IV n° 14 p. 55) dans laquelle il convient d’évaluer le surcroît de temps consacré au traitement et aux soins de base par rapport au temps ordinairement consacré auxdits traitements et soins pour un mineur du même âge en bonne santé (cf. art. 39 al. 2 RAI). Bien que ni la loi ni le règlement sur l’assurance-invalidité ne fassent expressément référence à l’ordonnance du 29 septembre 1995 sur les prestations dans l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie (OPAS; RS 832.112.31), les soins de base évoqués à l’art. 39 al. 2 RAI sont bien ceux figurant à l’art. 7 al. 2 let. c de cette ordonnance (cf. arrêt 9C_350/2014 du 11 septembre 2014 consid. 4.2.3). Ils consistent notamment en « bander les jambes du patient, lui mettre des bas de compression, refaire son lit, l’installer, lui faire faire des exercices, le mobiliser, prévenir les escarres, prévenir et soigner les lésions de la peau consécutives à un traitement; aider aux soins d’hygiène corporelle et de la bouche; aider le patient à s’habiller et à se dévêtir ainsi qu’à s’alimenter » (art. 7 al. 2 let. c ch. 1 OPAS).

Consid. 4.1
La juridiction cantonale a constaté que le surcroît de temps à prendre en considération dans le cas de l’assurée s’élevait au total à 362 minutes par jours (6 heures et 2 minutes), à savoir: 235 minutes pour les actes ordinaires de la vie (soit 50 minutes pour l’acte « se lever/s’asseoir/se coucher », 30 minutes pour l’acte « se vêtir/se dévêtir », 30 minutes pour l’acte « manger », 25 minutes pour l’acte « faire sa toilette » et 100 minutes pour l’acte « aller aux toilettes »), 7 minutes pour les visites médicales et 120 minutes pour la surveillance personnelle permanente.

Consid. 5
On rappellera, à la suite des juges cantonaux, que pour évaluer l’impotence des assurés mineurs, on applique par analogie les règles valables pour l’impotence des adultes selon les art. 9 LPGA et 37 RAI. Toutefois, l’application par analogie de ces dispositions n’exclut pas la prise en considération de circonstances spéciales, telles qu’elles peuvent apparaître chez les enfants et les jeunes gens. En vertu de l’art. 37 al. 4 RAI, seul est pris en considération dans le cas des mineurs le surcroît d’aide et de surveillance que le mineur handicapé nécessite par rapport à un mineur du même âge et en bonne santé. Cette disposition spéciale s’explique par le fait que plus l’âge d’un enfant est bas, plus il a besoin d’une aide conséquente et d’une certaine surveillance, même s’il est en parfaite santé (ATF 137 V 424 consid. 3.3.3.2 et les références; cf. aussi arrêt 8C_535/2022 du 1er juin 2023 consid. 2.2).

Afin de faciliter l’évaluation de l’impotence déterminante des mineurs, l’OFAS a adopté des lignes directrices (Circulaire sur l’invalidité et l’impotence dans l’assurance-invalidité [CIIAI] valable à partir du 1er janvier 2015, à laquelle a succédé la Circulaire sur l’impotence [CSI] avec effet au 1er janvier 2022). Celles-ci détaillent l’âge à partir duquel, en moyenne, un enfant en bonne santé n’a plus besoin d’une aide régulière et importante pour chacun des actes ordinaires de la vie, ainsi que les valeurs maximales à prendre en compte en termes de temps nécessaire à l’aide apportée en fonction de l’âge de l’enfant (cf. Annexes III et IV de la CIIAI, respectivement Annexes 2 et 3 de la CSI).

Consid. 6.1 [résumé]
S’agissant du surcroît de temps à prendre en compte pour l’acte « aller aux toilettes », il ressort des constatations cantonales, non contestées, que l’assurée porte des couches, souffre de troubles intestinaux et n’est pas autonome, à la différence des enfants de son âge. L’enquêtrice avait retenu 6 passages quotidiens, avec accompagnement par un adulte et absence de selles à nettoyer à chaque fois, l’enfant sachant monter et descendre sa couche. La mère avait exposé 12 passages par jour en raison de diarrhées et de constipations, une aide pour tout, y compris une toilette complète en cas de débordements, sans comportement récalcitrant mais avec un surcroît de temps lié à l’aide importante. Au vu de l’âge (8 ans en mars 2023) et des changements fréquents, la juridiction cantonale a considéré un surcroît de 100 minutes (40 minutes de base + 60 minutes pour 12 changes [12 × 5 minutes]), les premiers juges ayant exposé qu’il paraissait inconvenable de ne retenir que 30 minutes, l’acte impliquant l’accompagnement répété d’une jeune enfant avec retard et troubles gastro-intestinaux et des lavages réguliers.

Consid. 6.2
Comme le fait valoir l’office recourant, le supplément temporaire à prendre en compte en l’espèce pour l’acte « aller aux toilettes » s’élève à 70 minutes au total, à savoir un surcroît de temps de 40 minutes auquel s’ajoutent 30 minutes pour le changement des couches. Il ressort en effet tant de l’annexe 3 de la CSI que de l’annexe IV de la CIIAI que jusqu’à 10 ans, une limite maximale de 40 minutes a été fixée pour l’acte « aller aux toilettes » (se rendre aux toilettes, se rhabiller, hygiène corporelle, vérification de la propreté) et qu’un surcroît de temps de 5 minutes lié au changement fréquent des couches ou à l’accompagnement répété aux toilettes (à partir de 6 fois par jour) doit être pris en considération par intervention. Partant, c’est en vain que l’assurée affirme que la motivation de l’instance cantonale n’est pas arbitraire et ne « s’écarte même pas de la circulaire ». Quoi qu’elle en dise, les lignes directrices de l’administration s’opposent à la prise en compte d’un surcroît de temps additionnel de 5 minutes à partir du premier passage aux toilettes de la journée.

Dans ce contexte, on peine par ailleurs à suivre l’assurée lorsqu’elle affirme de manière péremptoire que la prise en considération de la charge supplémentaire des parents uniquement à partir du septième passage aux toilettes de la journée ne serait pas justifiable et serait contraire à la loi. Outre que l’assurée n’étaie aucunement son point de vue, on rappellera que bien que les directives administratives ne lient en principe pas le juge, celui-ci est néanmoins tenu de les considérer dans son jugement, pour autant qu’elles permettent une interprétation des normes juridiques qui soit adaptée au cas d’espèce et équitable. Ainsi, si les directives administratives constituent une concrétisation convaincante des dispositions légales, le tribunal ne s’en départit pas sans motif pertinent. Dans cette mesure, il tient compte du but de l’administration tendant à garantir une application égale du droit (ATF 148 V 102 consid. 4.2; 146 V 224 consid. 4.4. et l’arrêt cité). Or en l’occurrence, l’office recourant a expliqué de manière convaincante que les 6 premiers passages aux toilettes de la journée sont compris dans la limite maximale journalière de 40 minutes à prendre en compte (cf. annexe 3 de la CSI et l’annexe IV de la CIIAI).

Consid. 6.3 [résumé]
Il faut ainsi soustraire du total de 362 minutes (6 h 02) retenu par le Tribunal cantonal les 30 minutes indûment comptées pour « aller aux toilettes » (6 × 5 minutes pour les 6 premiers passages), ce qui aboutit à 332 minutes (5 h 32). Ce besoin ouvre le droit à un supplément pour soins intenses au sens de l’art. 39 RAI correspondant à un besoin de soins découlant de l’invalidité d’au moins 4 heures par jour selon l’art. 42ter al. 3 LAI (consid. 3.3). Il convient dès lors de réformer l’arrêt attaqué en ce sens; il n’y a pas lieu d’examiner plus avant le grief relatif à l’acte « manger ».

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_61/2025 consultable ici

 

 

8C_515/2024 (d) du 23.05.2025, destiné à la publication – Maxime inquisitoire – Principe de la libre appréciation des preuves / Rapport établi par une psychologue

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_515/2024 (d) du 23.05.2025, destiné à la publication

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Maxime inquisitoire – Principe de la libre appréciation des preuves / 61 let. c LPGA – 43 al. 1 LPGA

Rapport établi par une psychologue

 

Résumé
Le Tribunal fédéral rappelle que l’évaluation du droit aux prestations nécessite des bases médicales de décision fiables. En l’espèce, la cour cantonale s’est exclusivement fondée sur l’évaluation – sur dossier – du médecin orthopédiste du SMR, sans tenir compte du rapport circonstancié de la psychothérapeute traitante, ni des diagnostics antérieurs attestant d’un trouble psychique. Le Tribunal fédéral a jugé que ni l’office AI ni le tribunal cantonal n’ont satisfait à leur obligation d’instruire, en omettant d’évaluer de manière approfondie l’état psychique de l’assurée malgré des indices sérieux d’une atteinte à la santé psychique. Il a dès lors annulé l’arrêt cantonal et renvoyé la cause à l’office AI pour des mesures d’instruction complémentaire et nouvelle décision.

 

Faits
Assurée, née en 1965, a déposé en septembre 2014 une première demande de prestations de l’assurance-invalidité. Par décision du 09.11.2016, l’office AI lui a octroyé une demi-rente limitée au mois de mars 2015. Cette décision n’avait pas été contestée.

En mai 2021, l’assurée a déposé une nouvelle demande, invoquant des douleurs au genou ainsi qu’une dépression. L’office AI a procédé à une évaluation de la situation médicale et professionnelle. Après consultation du SMR, l’office AI a informé l’assurée de son intention de rejeter la demande. À l’issue de compléments d’instruction et notamment d’un nouvel avis du SMR, l’office AI a rejeté la demande (décision du 21.12.2023).

 

Procédure cantonale (arrêt VBE.2024.82 – consultable ici)

Par jugement du 25.06.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon la cour cantonale, il convient de se fonder, comme base probante pour apprécier l’état de santé, le profil de capacité de travail exigible et les limitations fonctionnelles, sur la seule appréciation sur dossier du 18.07.2023 établi par le Dr B.__, orthopédiste et médecin du SMR. Selon celle-ci, il n’existerait, ni sur le plan somatique, ni sur le plan psychique, d’atteintes à la santé ayant une incidence sur la capacité de travail. Il convient dès lors d’admettre une pleine capacité de travail de la recourante pour toute activité au plus tard dès septembre 2021.

Consid. 3.2
Comme déjà lors de la procédure cantonale, l’assurée ne conteste pas l’appréciation du SMR sur le plan somatique. Il n’y a dès lors pas lieu d’aller plus loin sur ce point.

Consid. 3.3
Sur le plan psychique, l’assurée invoque une violation du principe inquisitoire (art. 61 let. c LPGA). Elle fait valoir que la conclusion de l’instance cantonale, selon laquelle il n’existerait pas même de doutes minimes quant à la prise de position interne à l’assurance du Dr B.__, est insoutenable. Elle invoque également une appréciation arbitraire des preuves par les juges cantonaux.

Consid. 4.1
La cour cantonale a constaté qu’aucune pathologie psychique n’est établie par un médecin spécialiste, ce que ne changeait pas non plus le rapport de la psychothérapeute traitante, lic. phil. C.__, du 18.04.2023. Il ne s’agissait en effet pas d’une évaluation médicale spécialisée. En outre, ce rapport ne contenait ni indications anamnestiques suffisantes ni une explicitation compréhensible du raisonnement diagnostique.

Consid. 4.3
Comme l’a reconnu à juste titre le tribunal cantonal, l’évaluation de la psychothérapeute ne constitue pas une appréciation médicale spécialisée. Il est également exact qu’une évaluation spécialisée de l’état de santé et de la capacité de travail ne peut en principe être remise en cause que sur la base d’une autre évaluation divergente émanant elle aussi d’un médecin spécialiste (arrêts 8C_584/2018 du 13 novembre 2018 consid. 4.1.1.2 ; 8C_450/2018 du 16 octobre 2018 consid. 5.1 ; 9C_139/2014 du 6 octobre 2014 consid. 5.2 et les références citées). On ne saurait toutefois en déduire qu’un rapport émanant d’une psychothérapeute serait d’emblée dépourvu de pertinence (cf. par ex. arrêt 8C_398/2018 du 5 décembre 2018 consid. 5.1 et 5.4). Le principe de la libre appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA) impose plutôt aux tribunaux cantonaux des assurances sociales d’examiner objectivement tous les moyens de preuve, indépendamment de leur origine, et de décider ensuite si les pièces disponibles permettent une évaluation fiable du droit litigieux.

Consid. 4.4
L’évaluation du droit aux prestations relevant du droit des assurances sociales nécessite des bases médicales de décision fiables (ATF 134 V 231 consid. 5.1; SVR 2018 UV Nr. 27 p. 94, 8C_830/2015 consid. 5.2). Tant la procédure administrative que le procès cantonal en matière d’assurances sociales sont régis par la maxime inquisitoire (art. 43 al. 1 et art. 61 let. c LPGA). Selon ce principe, l’administration et le tribunal cantonal doivent établir d’office les faits juridiquement pertinents. Cette obligation d’instruction s’étend jusqu’à ce que les faits nécessaires à l’examen des prétentions en cause soient suffisamment élucidés (SVR 2013 UV Nr. 9 p. 29, 8C_592/2012 consid. 5.1 et les références ; cf. également ATF 144 V 427 consid. 3.2 et les références). La maxime inquisitoire présente des liens étroits avec le principe de la libre appréciation des preuves, applicable tant au niveau administratif que judiciaire (cf. consid. 4.3 supra).

Si les investigations menées d’office conduisent, dans le cadre d’une appréciation des preuves complète, correcte, objective et matérielle (ATF 132 V 393 consid. 4.1), l’assureur ou le tribunal est convaincu que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante (ATF 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2) et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu de rechercher d’autres preuves. Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu (appréciation anticipée des preuves ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 124 V 90 consid. 4b). En revanche, si des doutes sérieux subsistent quant à l’exhaustivité et/ou l’exactitude des constatations de fait établies jusqu’ici, il convient de compléter l’instruction de la cause, pour autant que l’on puisse attendre un résultat probant des mesures d’instruction entrant en considération (arrêt 8C_676/2023 du 22 mai 2024 consid. 3.2 et la référence).

Consid. 4.5
Selon les constatations non arbitraires de l’instance cantonale, l’expertise bidisciplinaire rhumatologique et psychiatrique du 27.11.2015 n’a pas attesté d’incapacité de travail en raison d’une atteinte psychique. Toutefois, l’experte psychiatre y a posé le diagnostic d’un épisode dépressif léger (CIM-10 F32.0). Comme l’a également relevé la cour cantonale, le rapport des services psychiatriques du 21.10.2015 mentionnait le diagnostic d’un épisode dépressif modéré à sévère. Ces indications médicales ne concernent certes pas la période déterminante de la nouvelle demande. Elles montrent néanmoins qu’une atteinte à la santé psychique avait été diagnostiquée par un médecin spécialiste dans le passé. Il ressort en outre du rapport de lic. phil. C.__ du 18.04.2023 que l’assurée se trouve depuis plusieurs années en traitement psychothérapeutique prescrit par un médecin.

Consid. 4.6
Comme le fait valoir à juste titre l’assurée, le médecin orthopédiste du SMR ne s’est absolument pas penché sur le contenu des indications fournies par lic. phil. C.__. Il s’est contenté d’écarter de manière générale aux psychologues la qualification professionnelle nécessaire à l’évaluation de l’état de santé psychique. Lui-même ne dispose toutefois ni d’un titre de spécialiste en psychiatrie, ni n’a jamais examiné personnellement l’assurée. Il convient également de relever que, selon l’art. 50c OAMal en vigueur depuis le 1er juillet 2022, les psychologues-psychothérapeutes sont, sous certaines conditions, reconnus comme fournisseurs de prestations dans l’assurance obligatoire des soins (voir à ce sujet les conditions d’autorisation à l’exercice de la psychothérapie à l’art. 11b de l’Ordonnance du DFI du 29 septembre 1995 sur les prestations de l’assurance des soins [OPAS ; RS 832.112.31] ; voir également l’art. 24 de la loi fédérale du 18 mars 2011 sur les professions de la psychologie [LPsy ; RS 935.81]). Ce seul fait ne rend certes pas superflue une évaluation par un médecin spécialiste. Toutefois, en raison des constatations psychopathologiques établies par la psychothérapeute (cf. consid. 4.2 supra), il existe en tout cas des indices sérieux d’une atteinte psychique significative. En ce sens, la conclusion du tribunal cantonal selon laquelle il n’existerait aucun indice d’un tableau clinique de maladie psychique apparaît insoutenable.

Consid. 4.7
Au vu de ce qui précède, il demeure incertain si la capacité de travail de l’assurée est ou non limitée pour des raisons psychiques. Il manque donc, sur le plan psychique, une base médicale fiable pour la décision. En renonçant à procéder à des investigations complémentaires concernant l’état de santé psychique de l’assurée, le tribunal cantonal a constaté les faits juridiquement pertinents de manière incomplète et en violation de la maxime inquisitoire (art. 61 let. c LPGA ; cf. consid. 4.4 ci-dessus). De son côté, l’office AI n’a pas non plus satisfait à son obligation d’instruire (art. 43 al. 1 LPGA), de sorte que la cause doit lui être renvoyée afin qu’il examine de manière suffisante l’état de santé psychique de l’assurée et vérifie si une modification notable de son état de santé est intervenue depuis la dernière évaluation matérielle. Il devra ensuite rendre une nouvelle décision sur le droit aux prestations.

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

Arrêt 8C_515/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_515/2024 (d) du 23.05.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/08/8c_515-2024)

 

 

9C_559/2021 (f) du 14.07.2022 – Début du droit à la rente d’invalidité – 28 al. 1 aLAI / Principe de la priorité de la réadaptation sur la rente – Possibilité de réadaptation professionnelle en raison de l’état de santé de l’assuré

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_559/2021 (f) du 14.07.2022

 

Consultable ici

 

Début du droit à la rente d’invalidité / 28 al. 1 aLAI

Principe de la priorité de la réadaptation sur la rente – Possibilité de réadaptation professionnelle en raison de l’état de santé de l’assuré

 

Résumé
L’assurée, active à temps partiel comme concierge et dans des activités indépendantes, avait déposé une demande de prestations AI en juillet 2014 en raison de lombalgies et d’une hernie discale. En l’absence de stabilisation de son état de santé, aucune mesure de réadaptation n’était exigible jusqu’à fin 2017, malgré une capacité de travail de 70% reconnue rétrospectivement dès août 2014. Le Tribunal fédéral a admis l’ouverture du droit à une demi-rente d’invalidité dès le 01.08.2015, soulignant que la reconnaissance rétrospective par les médecins-experts et le SMR d’une capacité de travail de 70% dans une activité adaptée ne remettait pas en cause l’impossibilité de mettre en œuvre une réadaptation avant fin 2017.

 

Faits
Assurée, née en 1969, a exercé une activité de concierge à temps partiel (30%) pour une commune dès octobre 2009, ainsi qu’une activité indépendante dans le nettoyage et au sein de l’exploitation agricole familiale. Le 02.07.2014, elle a déposé une demande AI en raison de lombalgies et d’une hernie discale médio-latérale gauche L5-S1.

L’office AI a mis en œuvre une expertise pluridisciplinaire. Dans leur rapport du 30.11. 2016, les spécialistes en médecine interne générale, psychiatrie et psychothérapie, rhumatologie et neurologie ont diagnostiqué des lombalgies chroniques (M54.5) avec discopathie et protrusion discale L5-S1 (M51.2), un status après cure de hernie discale en 2014, ainsi qu’une diminution de l’audition modérée à gauche et sévère à droite sur otosclérose. Hormis l’atteinte auditive, qui réduisait la capacité de travail dans toute activité impliquant la communication ou l’audition depuis 1995, les experts ont conclu à une capacité de travail entière dans une activité adaptée, avec une baisse de rendement d’environ 30% dès le 05.08.2014, soit trois mois après la cure de hernie discale.

Le 12.02.2018, l’office AI a octroyé une mesure de reclassement professionnel, prévue du 12.02.2018 au 31.07.2018, interrompue trois jours plus tard en raison de l’état de santé. Des indemnités journalières d’attente ont été versées du 27.04.2017 au 11.02.2018.

Le 20.11.2018, l’office AI a requis une expertise complémentaire, dont le rapport du 01.04.2019 a confirmé les conclusions précédentes. Par décision du 03.04.2020, l’office AI a reconnu le droit à une demi-rente d’invalidité dès le 01.02.2018, fondée sur un taux d’invalidité de 51%.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 21.09.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.1
En instance fédérale, le litige porte uniquement sur la date à partir de laquelle est né le droit de l’assurée à une demi-rente d’invalidité. L’assurée est d’avis que cette prestation lui est due à compter du 01.08.2015, tandis que la juridiction cantonale a confirmé la décision administrative selon laquelle la demi-rente doit être allouée depuis le 01.02.2018.

Consid. 2.2
Dans le cadre du « développement continu de l’AI », la LAI, le RAI et la LPGA – notamment – ont été modifiés avec effet au 01.02.2022 (RO 2021 705; FF 2017 2535). Compte tenu cependant du principe de droit intertemporel prescrivant l’application des dispositions légales qui étaient en vigueur lorsque les faits juridiquement déterminants se sont produits (cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1), le droit applicable reste, en l’occurrence, celui qui était en vigueur jusqu’au 31.12.2021 dès lors que la décision litigieuse a été rendue avant cette date.

A teneur de l’art. 28 al. 1 LAI, l’assuré a droit à une rente aux conditions suivantes: a. sa capacité de gain ou sa capacité d’accomplir ses travaux habituels ne peut pas être rétablie, maintenue ou améliorée par des mesures de réadaptation raisonnablement exigibles; b. il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40 % en moyenne durant une année sans interruption notable; c. au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40 % au moins. Selon l’art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente prend naissance au plus tôt à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle l’assuré a fait valoir son droit aux prestations conformément à l’art. 29, al. 1, LPGA, mais pas avant le mois qui suit le 18e anniversaire de l’assuré. D’après l’art. 29 al. 2 LAI, le droit à la rente ne prend pas naissance tant que l’assuré peut faire valoir son droit à une indemnité journalière au sens de l’art. 22.

Selon la jurisprudence, si l’assuré peut prétendre à des prestations de l’assurance-invalidité, l’allocation d’une rente d’invalidité à l’issue du délai d’attente (cf. art. 28 al. 1 LAI), n’entre en considération que si l’intéressé n’est pas, ou pas encore, susceptible d’être réadapté professionnellement en raison de son état de santé (principe dit de la priorité de la réadaptation sur la rente; ATF 121 V 190 consid. 4c). La preuve de l’absence de capacité de réadaptation comme condition à l’octroi d’une rente d’invalidité doit présenter un degré de vraisemblance prépondérante. Dans les autres cas, une rente de l’assurance-invalidité ne peut être allouée avec effet rétroactif que si les mesures d’instruction destinées à démontrer que l’assuré est susceptible d’être réadapté ont révélé que celui-ci ne l’était pas (ATF 121 V 190 consid. 4d; arrêts 9C_380/2021 du 31 janvier 2022 consid. 5.1 et les références; 9C_794/2007 du 27 octobre 2008 consid. 2.2).

Consid. 4.1 [résumé]
Le 22.09.2014, des mesures d’intervention précoce avaient été envisagées (rapport IP du même jour), mais immédiatement abandonnées en raison de l’état de santé de l’assurée (rapport du 24.01.2015). Le médecin du SMR a relevé le 03.03.2015 une absence de stabilisation de la situation et la nécessité d’une mise à jour du dossier médical après une intervention neurochirurgicale envisagée. Celle-ci a été réalisée le 13.10.2015. Par la suite, la médecin traitante a estimé dans son rapport du 30.11.2015 que toute mesure de réadaptation professionnelle paraissait alors illusoire. Le médecin du SMR a confirmé cette évaluation dans un avis du 27.04.2017, tout en précisant que la capacité de travail était entière dans une activité adaptée avec une diminution de rendement de 30% dès le 05.08.2014. Résumant la situation dans un rapport intermédiaire du 14.12.2017, l’office AI a indiqué qu’aucune mesure n’avait pu être mise en place auparavant en raison des suivis médicaux, mais que le droit à des mesures d’ordre professionnel était désormais ouvert. Ces mesures ont effectivement débuté le 12.02.2018, conformément aux communications du même jour et à la décision du 13.02.2018.

Consid. 4.2 [résumé]

Contrairement ce que soutient l’office intimé, aucune mesure professionnelle n’était envisageable entre août 2014 et décembre 2017, l’état de santé de l’assurée n’étant pas stabilisé durant cette période. La reconnaissance rétrospective par les médecins-experts (rapport du 30.11.2016) et du SMR (avis du 27.04.2017) d’une capacité de travail de 70% dans une activité adaptée à partir du 05.08.2014 ne remet pas en cause l’impossibilité de mettre en œuvre une réadaptation avant fin 2017.

En conséquence, comme l’assurée n’était pas susceptible de réadaptation jusqu’à ce moment-là, l’allocation d’une rente à titre rétroactif est justifiée (consid. 2.2 supra). Le taux d’invalidité correspond à la perte de gain établie par l’office AI compte tenu de la capacité de travail de 70% dans une activité adaptée. Partant, il y a lieu d’admettre la conclusion de l’assurée tendant à l’allocation du droit à une demi-rente d’invalidité depuis le 01.08.2015 (cf. art. 28 et 29 LAI; cf. art. 107 al. 1 LTF), sous déduction des indemnités journalières perçues entre le 27.04.2017 et le 11.02.2018.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_559/2021 consultable ici