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Une étude fournit pour la première fois des données scientifiques sur le COVID long dans l’AI

Une étude fournit pour la première fois des données scientifiques sur le COVID long dans l’AI

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 30.01.2025 consultable ici

 

Les cas de personnes souffrant d’une affection post-COVID-19 – communément appelée COVID long – représentent un peu moins de 2% des nouvelles demandes adressées à l’AI. C’est ce que montre une étude réalisée sur mandat de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) à partir de données disponibles pour la période de 2021 à 2023. Elle fournit pour la première fois des informations scientifiques permettant de mesurer les effets du COVID long sur une période prolongée. Les personnes qui déposent une demande à l’AI à la suite d’un COVID long présentent généralement des symptômes particulièrement graves et une rente leur est plus souvent accordée qu’aux assurés qui ne sont pas atteints par cette maladie.

Fin 2023, environ 2900 personnes s’étaient annoncées à l’AI à la suite d’une atteinte liée au COVID long. Le nombre de ces cas, en augmentation début 2021, a légèrement diminué en 2023. Ils ne représentent cependant que 1,8% des nouvelles demandes, soit une proportion assez faible. Cependant, les personnes atteintes de la maladie présentent souvent des symptômes graves et environ neuf sur dix d’entre elles se retrouvent en incapacité de travail totale. 85% montrent des symptômes de fatigue ou d’intolérance à l’effort. Elles souffrent de fatigue chronique et atteignent rapidement un seuil d’épuisement. 60% d’entre elles souffrent également de troubles cognitifs comme des difficultés à se concentrer ou des troubles neurologiques multiples. Deux tiers des personnes atteintes du COVID long sont des femmes.

Suivant le principe de la primauté de la réadaptation sur la rente, l’AI explore en premier lieu les possibilités de réadaptation pour chaque personne. Dans près de 60% des cas, la capacité de travail s’améliore dans les deux premières années qui suivent l’annonce à l’AI. Pour une part considérable des personnes atteintes de COVID long, en particulier les personnes âgées et celles souffrant de plusieurs atteintes à la santé, l’incapacité de travail reste de 100% même deux ans plus tard. Les améliorations sont soit rapides soit inexistantes.

 

Une rente plus souvent octroyée que pour les autres demandes

Les personnes atteintes du COVID long ont bénéficié de plus de mesures d’instruction et de réadaptation de l’AI que celles appartenant au groupe de référence (personnes ne souffrant pas de COVID long) ; elles sont également plus nombreuses à se voir accorder une rente. À la fin de l’année 2023, 12% des personnes atteintes du COVID long qui avaient déposé leur demande en 2021 ou 2022 percevaient une rente de l’AI. À titre de comparaison, cette même proportion était de 9% dans le groupe de référence. La proportion de rentes octroyées dans des cas de COVID long continuera très probablement d’augmenter. En effet, à la fin 2023, 20% des personnes ayant présenté une demande à l’AI pour COVID long en 2021 percevaient une rente (alors que dans le groupe de référence, cette proportion ne dépassait pas 13%).

L’étude en conclut que pour l’AI également, le COVID long représente une nouvelle maladie à prendre au sérieux, aux conséquences souvent graves. Elle signifie pour l’AI des instructions longues, complexes, et émaillées d’incertitudes. Il est difficile de prévoir à long terme l’évolution du nombre de nouvelles rentes qu’occasionnera le COVID long, du fait que le virus continue à circuler. Leur nombre peut néanmoins être considéré comme peu élevé en regard du total des autres rentes AI en cours (251 000 en 2023) et des nouvelles rentes octroyées chaque année (22 300 en 2023).

 

Lacune comblée par l’étude

L’étude analysant les conséquences du COVID long sur l’AI a permis de dresser un bilan préliminaire sur le nombre de personnes atteintes qui ont déposé une demande à l’AI ainsi que sur les prestations qui leur ont été octroyées. Elle s’appuie sur l’analyse de 500 demandes déposées auprès d’offices AI entre 2021 et 2023 par des personnes atteintes d’une affection post-COVID-19 identifiée comme un COVID long. Les résultats de l’analyse ont été extrapolés à l’ensemble des demandes présentées à l’AI pour la période étudiée. Afin de mieux répertorier les différents cas, l’étude a établi une comparaison avec un groupe de référence constitué de personnes ayant présenté une demande à l’AI sans être atteintes de cette maladie.

Cette étude comble une lacune en observant l’évolution de cas avérés de COVID long sur une durée significative de près de trois ans. Par contre, les renseignements ponctuels relatifs au diagnostic de cette affection et aux prestations octroyées à ce titre ne sont ni complets ni précis, pour les raisons suivantes :

  • toutes les demandes présentées à l’AI ne sont pas accompagnées d’un diagnostic médical attestant d’un «COVID long» ;
  • le tableau clinique de certains assurés évolue entre le moment de la demande et celui de la décision de l’AI. Dans certains cas, il se peut que l’AI ait accordé des mesures de réadaptation et que l’assuré ait donc bénéficié de prestations au moment de l’enquête, mais ne perçoive pas de rente à ce moment-là. Cela n’exclut pas l’octroi ultérieur d’une rente ;
  • une rente n’est octroyée que lorsque l’assuré présente une incapacité de travail de 40% au moins en moyenne sur une durée d’un an et qu’il continuera, selon toute probabilité, de présenter une incapacité de 40% au moins. Même dans les cas ne présentant aucun potentiel de réadaptation, il se peut que la rente n’ait pas encore été octroyée au moment de l’enquête, pour des raisons liées au fonctionnement de l’assurance.

 

Quel est l’objectif des instructions de l’AI ?

L’objectif de l’AI est de permettre aux personnes atteintes dans leur santé de conserver malgré tout une activité lucrative et ainsi de rester autonomes. Une rente n’est envisagée que lorsque la réadaptation n’est pas possible. L’octroi d’une rente peut donc prendre plusieurs années.

L’AI a l’obligation de traiter toutes les personnes de manière égale, quelle que soit leur maladie ou l’atteinte à leur santé. L’AI n’a pas de procédures propres aux diagnostics, et, par définition, aucun diagnostic ne donne en soi droit à des prestations. L’instruction des demandes est un processus individuel qui se déroule en fonction de l’état de santé et de la situation professionnelle de l’assuré. Les offices AI peuvent s’appuyer sur la large variété des disciplines médicales couvertes par les centres d’expertise pour l’examen des cas, dont la complexité est souvent liée à la diversité des symptômes. Les recommandations formulées par la Swiss Insurance Medicine (SIM), en collaboration avec l’université de Bâle, sur l’examen des cas de COVID long du point de vue de la médecine des assurances servent de guide aux centres d’expertise et sont régulièrement mises à jour.

 

Résumé du rapport de recherche 2/25 « Auswirkungen von Long-Covid auf die Invalidenversicherung »

Le domaine Assurance-invalidité (AI) de l’OFAS a été chargé d’établir un rapport en réponse au postulat de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) (21.3454) «Conséquences du « Covid long »», adopté par le Conseil national. L’étude analyse les conséquences du COVID long sur l’AI en se fondant sur l’état actuel des connaissances et sur les expériences acquises dans le domaine. Le résultat de cette étude sera synthétisé dans le rapport demandé à l’administration en réponse au postulat.

Problématique et procédure

L’étude a plusieurs objectifs.

Le premier est de dresser un état des lieux des connaissances disponibles actuellement sur le COVID long, sur la base d’une analyse de la littérature, afin de mieux classifier les résultats et observations empiriques sur les cas de COVID long dans l’AI.

Le deuxième consiste à déterminer le nombre de cas de COVID long ayant déposé une demande de prestations à l’AI, les prestations et mesures accordées tant au niveau de l’instruction que de l’intervention précoce et de la réadaptation, et le nombre des rentes octroyées (état fin 2023). Pour cela, l’étude s’est appuyée sur l’analyse quantitative d’un échantillonnage d’environ 500 dossiers tirés du monitoring du COVID que réalisent les offices AI depuis début 2021. Les informations issues de cette analyse ont permis de dresser un tableau de la situation du point de vue de l’état de santé, de l’incapacité de travail, et de l’examen du droit à la rente des personnes atteintes du COVID long ayant déposé une demande à l’AI. Les enseignements de l’analyse de dossiers ont été complétés par les informations tirées des données des registres AI, entre autres, des octrois de prestations. À des fins d’évaluation, les chiffres résultant de l’analyse des cas de COVID long ont été comparés à ceux d’un groupe témoin de personnes sans COVID long ayant déposé une demande auprès de l’AI pendant la même période.

Le troisième objectif est d’obtenir, au moyen d’une enquête en ligne menée auprès de tous les offices AI, une vue d’ensemble des expériences faites avec des cas de COVID long. Cette enquête ne portait pas sur l’analyse et l’appréciation des processus, des décisions et des octrois de prestations, ni sur la perception du soutien de l’AI par les personnes concernées.

 

Analyse des connaissances actuelles sur le COVID long dans la littérature

Les connaissances sur le COVID long ne sont pas définitives, car elles ne cessent de progresser. L’OMS définit le COVID long comme l’ensemble des symptômes apparus dans les trois mois suivant une infection au virus SARS-CoV-2 et dont la manifestation dure au moins deux mois. La prévalence de COVID long auprès des cas infectés par le virus SARS-CoV-2 est estimée à 5%, avec une proportion moindre de cas graves et persistants. Ces derniers sont spécialement pertinents pour la problématique de cette étude, puisqu’il s’agit de patients gravement atteints qui, après douze mois ou plus, éprouvent toujours de grandes difficultés à accomplir les tâches du quotidien et dont la capacité de travail est fortement réduite. La plupart des personnes atteintes de COVID long se trouvaient dans un état moyennement grave pendant la partie aiguë de la maladie ; les femmes, les personnes plus âgées et celles atteintes de maladies chroniques sont particulièrement touchées. La probabilité de contracter le COVID long semble avoir diminué au cours de la pandémie, notamment en raison de l’apparition de nouveaux variants du virus et de l’immunité accrue de la population.

Les symptômes du COVID long sont multiples ; environ 200 d’entre eux sont documentés. Les groupes de symptômes les plus courants sont des troubles des voies respiratoires, des problèmes cardio-vasculaires, une fatigue excessive et des troubles cognitifs. Dans de nombreux cas chroniques de COVID long, les symptômes s’apparentent à une encéphalomyélite myalgique, ou syndrome de fatigue chronique (EM/FSC), qui réduit considérablement la capacité de travail. Il existe des tests spécifiques à certains symptômes, mais pas de marqueurs généraux permettant de diagnostiquer les cas de COVID long. Les thérapies possibles se limitent au soulagement des symptômes et aux stratégies d’adaptation. Le pacing et les techniques pour éviter le surmenage sont très importants pour les patients atteints de fatigue avec intolérance à l’effort, car ils permettent d’éviter une aggravation. Le pronostic pour les patients chroniques gravement atteints n’est pas bon : un grand nombre d’entre eux souffriront probablement à vie d’importantes limitations dans leur quotidien et leur capacité de travail.

 

Cas de COVID long à l’AI

Fin 2023, le nombre des personnes atteintes de symptômes du COVID long ayant fait une demande à l’AI atteignait 2900 au moins. Dans environ un cas sur sept, soit assez rarement, la demande liée au COVID long vient s’ajouter à une procédure AI déjà en cours. Ces personnes sont représentées dans l’échantillon LC1 qui couvre ces cas précis. Pour la grande majorité des cas de COVID long annoncés à l’AI, il s’agit d’une première demande ; ces cas sont représentés dans l’échantillon LC2 (nouvelles demandes pour cause de COVID long).

La majorité de ces demandes est parvenue à l’AI entre 4 et 12 mois après l’infection au COVID, une plus faible partie, plus d’un an après. Les femmes risquent moins que les hommes de souffrir de symptômes graves pendant la phase aiguë de l’infection au COVID, mais elles sont plus nombreuses à être touchées par le COVID long, selon les connaissances actuelles. Ce schéma se retrouve dans les demandes AI liées au COVID long : les femmes constituent près des deux tiers (64%) de ces demandes et sont donc nettement surreprésentées.

Le nombre de demandes déposées auprès de l’AI à la suite d’un COVID long a augmenté depuis début 2021, puis régressé depuis fin 2022. Ces demandes représentent 1,8% de toutes les nouvelles demandes AI déposées pour la même période, dont 1,6% sont liées exclusivement au COVID long. Il est possible que le nombre de cas de COVID long enregistré par l’AI soit sous-estimé dans cette étude, étant donné qu’elle ne prend en considération que les cas dont le dossier comportait, en août 2023, un avis médical attestant ou supposant explicitement la présence d’un COVID long. Il existait ainsi au moment de l’analyse de dossiers un millier de cas ne présentant (encore) aucune indication claire d’atteinte du COVID long, selon le monitoring réalisé en 2021/2022. Ce nombre représente environ un tiers des personnes considérées par le monitoring. Il est possible qu’entre-temps, les symptômes d’un COVID long aient été médicalement attestés pour une partie d’entre elles. On peut également supposer que nombre de personnes concernées ne s’annoncent à l’AI que très tard, voire pas du tout et n’apparaissent donc pas (encore) dans les données disponibles. Il n’est pas possible d’estimer ce nombre. Il reste à établir combien de personnes se retrouveront à l’avenir à l’AI parce qu’elles présentent des symptômes caractéristiques du COVID long (par ex. EM/FSC) sans lien avec une infection du COVID.

Comme évoqué plus haut, les symptômes du COVID long sont multiples. Parmi les personnes ayant fait une demande à l’AI, un nombre remarquable de patients souffre de fatigue/intolérance à l’effort (présente dans 85% des cas) et de troubles neurocognitifs (60% des cas). Ces chiffres indiquent que les personnes qui déposent une demande à l’AI en raison d’un COVID long présentent des symptômes particulièrement graves, affectant fortement leurs fonctions. Cela se retrouve dans leur incapacité de travail au moment de l’annonce : dans neuf cas sur dix, elle est de 100%.

Comme l’indique la recherche, le COVID long touche les jeunes comme les vieux, les personnes en bonne santé comme les malades chroniques. Un tiers des personnes à l’AI à la suite d’un COVID long ne souffre d’aucune autre affection et était en bonne santé avant l’affection au COVID-19. La littérature ne livre actuellement aucune information claire sur d’éventuelles maladies chroniques comportant un risque accru de COVID long. Parmi les cas de COVID long, la part des personnes souffrant également d’une maladie chronique (cas de comorbidité) est de 66%, soit un taux supérieur à celui de l’ensemble de la population ; c’est ce que montre une comparaison avec les données sur la santé de la population suisse. De plus, la distinction entre les symptômes du COVID long et ceux de certaines autres maladies chroniques, telles que les maladies cardio-vasculaires et rénales, n’est pas toujours très claire. De même, il n’est toujours possible de faire une distinction entre les troubles cognitifs et psychiques liés au COVID long comme les troubles du sommeil ou de l’anxiété, le syndrome de stress post-traumatique ou la dépression, et les troubles psychiques préexistants. Il se peut donc que la proportion des cas de comorbidité prise en compte dans cette étude soit surévaluée. Par ailleurs, on observe que plus la demande à l’AI est ancienne, plus les comorbidités sont fréquentes, ce qui semble indiquer que, dans une partie des cas, il ne s’agit pas réellement de maladies préexistantes, mais plutôt de symptômes ou de conséquences du COVID long lui-même.

Dans 60% des cas, une amélioration de la capacité de travail est constatée dans les deux ans qui suivent l’annonce à l’AI. Pour une part considérable des personnes atteintes de COVID long, dont les personnes plus âgées et celles souffrant de plusieurs atteintes à la santé, l’incapacité de travail reste de 100%, même après deux ans. Dans la plupart des cas, une amélioration se présente soit rapidement, soit pas du tout. Une personne sur quatre perd son emploi dans les un à deux ans qui suivent le dépôt de la demande de prestation à l’AI pour cause de COVID long. On ne dispose pas de données permettant de comparer ces chiffres avec ceux des demandes à l’AI liées à d’autres atteintes à la santé pour une période similaire. La comparaison avec les résultats d’une autre étude sur le sujet (Guggisberg et al. 2023) laisse néanmoins présumer que le risque de perdre son emploi est plus élevé pour les personnes atteintes du COVID long que pour les autres. Cette étude montre qu’en 2017, une personne sur quatre perdait son emploi dans les quatre années suivant une nouvelle demande à l’AI. Dans les participants à notre enquête faisant partie de l’échantillon LC2, une personne sur quatre avait déjà perdu son emploi deux ans seulement après sa demande.

 

Mesures d’instruction et de réadaptation

L’analyse de la présente étude porte sur la quantité, la rapidité et le coût des mesures d’instruction et de réadaptation accordées à des assurés atteints de COVID long, en comparaison avec ceux du groupe témoin. Ses résultats montrent que, dans les cas de COVID long, le nombre de mesures octroyées dans les 12 à 24 mois suivant la demande tend à être supérieur au nombre de mesures octroyées pour le groupe témoin. Cette tendance peut être une indication que les personnes souffrant du COVID long doivent faire face à des limitations plus graves. L’analyse distingue les mesures déjà décidées et facturées de celles pour lesquelles une décision a été rendue mais qui n’ont pas encore été facturées. Lorsqu’une mesure a fait l’objet d’une décision et d’une facture, il est certain qu’elle a effectivement été exécutée et n’a pas, par exemple, été reportée en raison d’une modification de l’état de santé de la personne.

 

Vue d’ensemble des principaux chiffres

Mesures d’instruction médicales et professionnelles : pour 10,2% des personnes concernées par le COVID long, au moins une mesure d’instruction a été décidée dans les 12 mois suivant le dépôt de la demande, et dans 4,3% des cas, une mesure a déjà été facturée, soit le double des chiffres du groupe témoin. Dans ce groupe, seules 4,2% des personnes ont reçu une décision de mesure d’instruction médicale ou professionnelle, et la prestation n’a déjà été facturée que dans 2,9% des cas. Le coût moyen des mesures d’instruction des cas de COVID long est légèrement supérieur et la dispersion du coût, légèrement plus élevée que celles du groupe témoin. Le délai moyen avant la décision de mesure d’instruction est d’environ huit mois pour le groupe témoin et d’un peu plus de huit mois pour les cas de COVID long.

Mesures de réadaptation (y c. mesures d’intervention précoce) : 47,1% des personnes atteintes du COVID long se sont vu octroyer au moins une mesure de réadaptation dans les 12 mois suivant le dépôt de la demande, soit légèrement plus que le groupe témoin (41,6%). Il s’agit le plus souvent de mesures d’intervention précoce (COVID long : 39,6%, groupe témoin : 31,5%). Les mesures de réinsertion (COVID long : 9,4%, groupe témoin : 5,7%) et les mesures d’ordre professionnel (COVID long : 12,4%, groupe témoin : 9,7%) sont accordées aux deux groupes avec une fréquence similaire. Le coût moyen par bénéficiaire de mesures de réadaptation (y c. mesures d’intervention précoce) est d’environ 5000 francs. Ce montant est sensiblement le même pour les cas de COVID long que pour le groupe témoin. Le coût par bénéficiaire de prestations chez les personnes atteintes de COVID long est légèrement inférieur mais comparable à celui du groupe témoin, toutes mesures de réadaptation confondues (intervention précoce comprise). Pour les deux groupes, le délai moyen de décision est d’environ deux mois pour les mesures d’intervention précoce et d’environ huit mois pour les mesures d’ordre professionnel et les mesures de réinsertion.

 

Rentes

Pour un peu moins de la moitié (45%) de toutes les demandes déposées à la suite d’un COVID long (échantillon LC2), une décision relative à l’octroi d’une rente a été rendue dans les 24 mois suivant la demande. Dans un peu plus d’un tiers de ces cas, une rente était octroyée, dans les deux tiers restants, elle était refusée. Ces informations proviennent de l’analyse des dossiers. Une décision d’octroi de rente dans les cas de COVID long prend en règle générale plus longtemps (médiane : 19 mois) qu’une décision de refus (médiane : 11 mois). Aucunes données de comparaison ne sont disponibles pour le groupe témoin, étant donné que la date de la décision figure uniquement dans le dossier et non dans le registre dont sont tirées les données du groupe témoin.

En revanche, les informations de ce registre permettent de savoir qui percevait une rente AI en décembre 2023, tant chez les personnes atteintes du COVID long que chez le groupe témoin. En tout, 12% des personnes de l’échantillon LC2 (nouvelles demandes 2021/2022 liées au COVID long) et 9% du groupe témoin (nouvelles demandes 2021/2022 sans COVID long) percevaient une rente en décembre 2023. Ce pourcentage augmentera à mesure que les décisions encore en suspens seront prises. L’on peut donc présumer qu’une part des personnes pour lesquelles l’examen du droit à la rente n’est pas encore achevé recevra une rente. C’est ce que l’on peut déduire si l’on compare les taux de bénéficiaires de rente en fonction de l’année de la demande. 20% des personnes atteintes du COVID long ayant déposé leur demande en 2021 percevaient une rente fin 2023, contre seulement 6% de celles l’ayant déposée en 2022. Le taux de bénéficiaires de rente du groupe témoin ayant déposé leur demande en 2021 n’était que de 13% et celui des bénéficiaires l’ayant déposée en 2022, de 6%. Étant donné que tous les bénéficiaires n’ont pas droit à une rente entière, les taux de rentes pondérées méritent attention. La proportion des personnes de l’échantillon LC2 (demande en 2021/2022) bénéficiaires d’une rente pondérée était de 9%, un chiffre légèrement supérieur au taux du groupe témoin (8%). La proportion des demandes liées au COVID long de 2021 bénéficiaires d’une rente pondérée était de 14%, un chiffre légèrement supérieur au taux du groupe témoin (11%).

Les différences en matière d’octroi de rente observées entre certaines catégories de personnes dans le groupe témoin se retrouvent également chez les assurés atteints de COVID long. Une rente est octroyée aux hommes plus souvent qu’aux femmes, aux jeunes moins fréquemment qu’aux plus âgés ; le taux de bénéficiaires de rente est plus élevé dans les cantons latins que dans les cantons alémaniques.

 

Évaluation et expériences des offices AI

Près de quatre après le début de la pandémie, la plupart des offices AI de Suisse n’observent pas d’augmentation remarquable du nombre de cas ni de conséquences directes sur la charge de travail de leurs collaborateurs. Cette évaluation se reflète dans les indications des analyses statistiques selon lesquelles la part des cas de COVID long ne représente qu’une faible proportion des nouvelles demandes à l’AI et que sa tendance est à la baisse. De manière générale, les offices AI pensent être en mesure d’examiner le droit aux prestations dans les cas de COVID long et de soutenir les personnes concernées à l’aide des moyens et instruments actuels, sans modification spécifique du processus. Jusqu’à présent, l’impact du COVID long s’est surtout ressenti dans le fait que l’instruction des demandes correspondantes est souvent gourmande en ressources et empreinte de grandes incertitudes (diagnostic, évaluation des limitations fonctionnelles, potentiel de réadaptation). C’est en particulier le symptôme de fatigue/intolérance à l’effort présent dans la majorité des cas qui constitue un défi spécifique, car il s’agit là d’un symptôme peu objectivable et difficile à instruire. Les mesures de réinsertion dans les cas de COVID long revêtent une importance toute particulière, car ces mesures sont faciles d’accès et adaptées aux cas des personnes atteintes de fatigue/intolérance à l’effort. Bien que de nombreux offices AI considèrent le COVID long comme un phénomène plutôt marginal (du point de vue quantitatif), l’enquête menée auprès des offices AI et des SMR a montré que les sondés peinaient à évaluer aujourd’hui ses conséquences à long terme pour l’AI.

 

Considérations finales

Ce mandat a été l’occasion d’évaluer brièvement et de synthétiser l’état actuel des connaissances sur le COVID long et, lorsque c’était possible, de le corréler avec les observations empiriques de l’AI sur les cas de COVID long. Les données à disposition permettent de tirer un premier bilan sur le nombre de personnes atteintes du COVID long ayant déposé une demande à l’AI et sur les prestations et mesures qui leur ont été octroyées en matière d’instruction, de réadaptation et de rentes, à la fin 2023. Le recours à un groupe témoin composé de personnes s’étant annoncées à l’AI durant la même période pour une autre raison que le COVID long a permis une appréciation des résultats concernant le nombre, la rapidité de l’octroi et le coût des prestations accordées dans les cas de COVID long. Les expériences et les avis recueillis dans l’enquête menée en ligne auprès des offices AI sur les conséquences du COVID long pour l’assurance-invalidité ont permis de compléter le tableau.

D’un point de vue médical, les patients atteints du COVID long souffrent de symptômes graves limitant fortement leurs fonctions. 9 personnes concernées sur 10 sont en incapacité de travail à 100% au moment de la demande. La majorité d’entre elles (85%) souffrent de fatigue/intolérance à l’effort, souvent combinée à d’autres symptômes tels que des troubles neurocognitifs ou, dans une moindre mesure, des troubles respiratoires ou cardio-vasculaires. Il est donc vraisemblable qu’une part considérable des cas de COVID long annoncés à l’AI souffre d’encéphalomyélite myalgique ou syndrome de fatigue chronique (EM/FSC). L’EM/FSC est une maladie chronique lourde et complexe qui se manifeste par une fatigue persistante, des douleurs et des troubles cognitifs, avec une aggravation des symptômes post-exercice. Les techniques pour éviter le surmenage, en particulier le pacing, sont indiquées dans ces cas, étant donné que le forçage peut mener à une aggravation durable de l’état du patient. Ce constat est à prendre en compte, en particulier dans les mesures de réadaptation.

Du fait qu’il n’existe à ce jour aucune thérapie efficace reconnue pour soigner le COVID long ou l’EM/FSC, et que les pronostics de ces maladies ne sont pas favorables (Renz-Polster & Scheibenbogen, 2022), on peut s’attendre à ce que l’état de santé d’une partie de la population atteinte de COVID long ne s’améliore ni sur le moyen ni sur le long terme et que les personnes concernées doivent apprendre à vivre avec ces troubles chroniques. De plus, ces personnes ne sont souvent pas prises en charge de manière adéquate. Partout dans le monde, les systèmes de santé et de sécurité sociale recherchent des solutions tant pour gérer cette nouvelle maladie que pour soulager les personnes qui en souffrent (The Economist, 2024). Cela signifie que, pour l’AI, cette nouvelle maladie est à prendre au sérieux, avec toute la charge de sa pathologie. Il est difficile de prévoir à long terme l’évolution du nombre de nouvelles rentes qu’occasionnera le COVID long. Ce nombre peut néanmoins être considéré comme marginal en regard du total des autres rentes AI en cours (251 000 en 2023) et des nouvelles rentes octroyées chaque année (22 300 en 2023). Étant donné que d’autres variants du virus SARS-CoV-2 sont amenés à circuler, il est très probable que le nombre de nouveaux cas ne diminuera pas.

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 30.01.2025 consultable ici

Rapport de recherche 2/25 « Auswirkungen von Long-Covid auf die Invalidenversicherung » disponible ici (en allemand, avec avant-propos et résumé en français)

 

Uno studio fornisce per la prima volta dati scientifici sulla sindrome post COVID-19 nell’AI, comunicato stampa dell’UFSP del 30.01.2025 disponibile qui

Studie liefert erstmals wissenschaftliche Angaben zu Long-Covid in der IV, Medienmitteilung des BAG vom 30.01.2025 hier abrufbar

 

Amélioration de la procédure de conciliation encadrant les expertises médicales monodisciplinaires dans l’AI : ouverture de la procédure de consultation

Amélioration de la procédure de conciliation encadrant les expertises médicales monodisciplinaires dans l’AI : ouverture de la procédure de consultation

 

Communiqué de presse du Parlement du 30.01.2025 consultable ici

 

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) entend pleinement mettre en œuvre le rapport d’évaluation relatif aux expertises médicales dans l’Al. Pour ce faire, elle propose d’optimiser la procédure de conciliation encadrant les expertises monodisciplinaires. Elle ouvre une procédure de consultation sur son avant-projet.

En réponse à l’initiative parlementaire Roduit «Mettre en œuvre le rapport d’évaluation relatif aux expertises médicales dans l’Al» (21.498), la CSSS-N a adopté le 17 janvier 2025 un avant-projet de modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI).

La CSSS-N considère qu’il est nécessaire de mettre en œuvre l’ensemble des recommandations formulées dans le rapport d’évaluation des expertises médicales dans l’assurance-invalidité réalisé en août 2020 sur mandat du Département fédéral de l’intérieur (DFI). Les mesures proposées dans ce cadre visent à renforcer la confiance à l’égard du processus, améliorer l’acceptation des résultats des expertises mono-disciplinaires et ainsi réduire la probabilité de longues procédures judiciaires. Or, selon la commission, la 5e recommandation portant sur l’optimisation de la procédure de consultation pour les expertises mono-/bidisciplinaires n’a jusqu’à présent pas été suffisamment prise en compte.

L’avant-projet a pour but d’impliquer l’assuré dès le début dans la désignation de l’expert chargé d’effectuer une expertise médicale monodisciplinaire de l’AI. Il vise également à mettre en œuvre une véritable procédure de recherche de consensus, sur la base d’une pratique déjà appliquée par certains offices AI. L’avant-projet prévoit en outre que les parties (c.-à-d. l’assuré d’une part et l’office AI d’autre part) peuvent chacune désigner un expert pour une expertise commune, dans la mesure où aucune solution consensuelle concernant le choix de l’expert n’a été trouvée auparavant dans le cadre de la tentative de conciliation. Après avoir examiné l’assuré, les experts doivent rédiger un rapport d’expertise qui détaille le résultat de leur évaluation consensuelle. Dans les cas où les deux experts arrivent à des résultats différents ou lorsque les opinions des experts divergent, l’avant-projet prévoit que ceux-ci exposent leurs positions respectives de manière transparente. Il incombera ensuite au service médical régional de prendre position sur les questions qui ne font pas l’unanimité et de rendre ses conclusions sur l’évaluation médicale.

Par 18 voix contre 7, la commission a approuvé l’avant-projet, qu’elle met en consultation accompagné d’un rapport explicatif, jusqu’au 8 mai 2025.

 

Commentaire

L’initiative de la CSSS-N visant à optimiser la procédure de conciliation pour les expertises médicales monodisciplinaires dans l’AI représente indéniablement une avancée positive. Cette approche, qui cherche à impliquer davantage l’assuré dans le processus de désignation de l’expert et à instaurer une véritable recherche de consensus, est louable et pourrait effectivement renforcer la confiance dans le système d’expertise médicale.

L’introduction d’un modèle d’expertise commune en cas d’échec de la conciliation est particulièrement intéressante. Cette méthode, inspirée du modèle français, pourrait potentiellement accélérer les procédures et réduire le nombre de longues batailles juridiques, ce qui serait bénéfique tant pour les assurés que pour l’administration.

Cependant, il est regrettable que cette réforme se limite uniquement au domaine de l’assurance-invalidité. Une telle approche aurait pu être étendue à l’ensemble des assurances sociales régies par la LPGA. Cette limitation soulève des questions quant à l’uniformité des procédures dans le système suisse des assurances sociales.

Bien que la commission ait brièvement envisagé une réglementation au niveau de la LPGA, elle a finalement opté pour une modification uniquement de la LAI. Cette décision, bien que fondée sur le fait que le rapport d’évaluation ne concernait que l’AI, manque peut-être d’ambition et de vision à long terme.

Il est légitime de se demander pourquoi les autres branches des assurances sociales ne pourraient pas bénéficier de ces améliorations procédurales. Les problématiques liées aux expertises médicales ne sont certainement pas l’apanage de l’AI et pourraient concerner d’autres domaines comme l’assurance-accidents ou l’assurance-maladie (perte de gain maladie soumise LAMal ou AOS).

Si cette réforme constitue un pas dans la bonne direction pour l’AI, elle met en lumière un manque de cohérence dans l’approche globale des assurances sociales. Une réflexion plus large sur l’harmonisation des procédures d’expertise médicale dans l’ensemble du système des assurances sociales aurait été souhaitable, afin de garantir une égalité de traitement pour tous les assurés, quel que soit le type d’assurance concerné. Cela pourrait mener à une fragmentation du système, où chaque branche d’assurance sociale développerait ses propres procédures d’expertise, en contradiction avec l’esprit d’uniformisation visé par la LPGA.

Une telle situation non seulement compliquerait la tâche des praticiens et des médecins-experts, qui devraient jongler entre différentes procédures selon l’assurance concernée, mais pourrait aussi créer une confusion chez les assurés. De plus, cela pourrait potentiellement conduire à des résultats différents pour des situations médicales similaires, selon l’assurance impliquée, ce qui serait contraire au principe d’égalité de traitement.

Enfin, il est important d’éviter une situation similaire à celle observée dans l’évaluation de l’invalidité, où la LAI et la LAA appliquent des règles distinctes, les modifications législatives du DCAI étant inscrites dans le RAI. Cette divergence entre les deux lois crée une complexité inutile et potentiellement des inégalités de traitement entre les assurés.

En conclusion, il serait judicieux que le législateur envisage une approche plus globale et cohérente, non seulement pour les procédures d’expertise médicale, mais aussi pour l’évaluation du taux d’invalidité dans l’ensemble du système des assurances sociales suisse. Une telle harmonisation permettrait de réduire les disparités entre les différentes branches d’assurance, comme l’AI et la LAA, et d’assurer une plus grande équité dans le traitement des assurés. Cette approche globale serait plus en accord avec l’esprit de la LPGA et éviterait la création de règles spécifiques à chaque branche d’assurance, contribuant ainsi à un système plus transparent et équitable.

 

Communiqué de presse du Parlement du 30.01.2025 consultable ici

Projet de modification de l’art. 57 al. 4 et 5 LAI consultable ici

Rapport explicatif de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 17.01.2025 disponible ici

 

Ottimizzazione della procedura di conciliazione per le perizie mediche monodisciplinari nell’AI: apertura della procedura di consultazione, comunicato stampa del Parlamento del 30.01.2025 disponibile qui

Verbesserung des Einigungsverfahrens bei den monodisziplinären medizinischen IV-Gutachten: Eröffnung des Vernehmlassungsverfahrens, Medienmitteilung des Parlaments vom 30.01.2025 hier abrufbar

 

8C_36/2024 (i) du 25.11.2024, destiné à la publication – Pension d’invalidité décidée par l’État italien contraignante pour les organes suisses compétents / Indemnité journalière AI – L’exigence d’une obligation de cotiser à l’AVS constitue une discrimination indirecte / Calcul de l’indemnité journalière AI en présence d’une pension d’invalidité italienne

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_36/2024 (i) du 25.11.2024, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Principe d’assimilation et équivalence – Pension d’invalidité décidée par l’État italien contraignante pour les organes suisses compétents / 5 let. a Règl. n° 883/2004 – 46 al. 3 Règl. n° 883/2004

Indemnité journalière AI – L’exigence d’une obligation de cotiser à l’AVS constitue une discrimination indirecte / 23 LAI – 4 Règl. n° 883/2004

Calcul de l’indemnité journalière AI en présence d’une pension d’invalidité italienne / 68 LPGA – 24 al. 5 LAI – 21septies al. 5 RAI –10 Règl. n° 987/2009

 

Assuré, né en 1986, est un citoyen italien ayant résidé en Italie jusqu’en 2019. Après avoir obtenu un diplôme de comptable en 2000, il a exercé la profession de cuisinier dans diverses villes italiennes jusqu’en juin 2016, date à laquelle il a été licencié. Le 19 août 2015, l’assuré a été victime d’un grave accident de la circulation alors qu’il conduisait son cyclomoteur, subissant des blessures importantes (notamment hémothorax et/ou pneumothorax traumatique, contusion pulmonaire, hémorragie sous-arachnoïdienne, sous-durale, traumatique) nécessitant une hospitalisation et des soins intensifs. À la suite de cet accident, il a bénéficié d’une rente d’invalidité italienne à partir de novembre 2015.

En mars 2019, l’assuré est entré en Suisse pour vivre avec sa compagne qui assurait son soutien, obtenant un permis de séjour UE/AELE B (« but du séjour sans activité lucrative »). Le 02.07.2019, il a déposé une première demande auprès de l’assurance-invalidité suisse, dans laquelle il était indiqué que la réadaptation due à l’accident était toujours en cours. La demande a été rejetée le 25.11.2019 au motif qu’aucune période de cotisation n’avait été enregistrée depuis son arrivée en Suisse et que l’atteinte à la santé était présente depuis avant son arrivée sur le sol helvétique.

Le 30.01.2021, l’assuré a déposé une nouvelle demande. Après une expertise médicale, il a été établi que son métier de cuisinier n’était plus exigible du point de vue orthopédique, mais qu’il disposait d’une pleine capacité de travail avec une baisse de rendement dans une activité adaptée depuis le 31.07.2019. L’office AI a reconnu des mesures professionnelles à partir du 29.07.2022, mais a refusé l’octroi d’une rente par décision du 13.09.2022.

A la suite des observations de l’assuré quant au projet de décision du 05.05.2023, l’office AI a, par décision du 22.06.2023, rejeté la demande d’indemnités journalières formulée par l’assuré le 13.10.2022, dans la mesure où il était domicilié en Italie au début de l’atteinte à la santé et qu’il percevait un revenu étranger non soumis à l’AVS suisse.

 

Procédure cantonale (arrêt 32.2023.82 – consultable ici)

Par jugement du 04.12.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
L’assuré est ressortissant d’un Etat partie à l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne (aujourd’hui : Union européenne) et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ci-après : ALCP). Résidant en Suisse depuis 2019 et au bénéfice d’un permis B sans activité lucrative, il a sollicité des prestations d’invalidité, notamment des indemnités journalières pour des mesures de réadaptation. Le litige porte donc sur la coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale (annexe II de l’ALCP), ce qui n’est pas contesté par les parties.

Consid. 4.2
Jusqu’au 31 mars 2012, les parties à l’ALCP appliquaient mutuellement le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (RO 2004 121 ; ci-après : règlement n° 1408/71). La décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012 (RO 2012 2345) a mis à jour le contenu de l’annexe II de l’ALCP avec effet au 1er avril 2012. En particulier, il a été stipulé que les parties à l’ALCP appliquent dorénavant le règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, tel que modifié par le règlement (CE) no 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (RS 0.831.109.268.1 ; ci-après : règlement no 883/2004).

Compte tenu des faits de la cause, la nouvelle version du Règlement n° 883/2004 est donc applicable ratione temporis, ratione personae (art. 2 ch. 1 Règlement n° 883/2004) et ratione materiae (art. 3 ch. 1 lett. c Règlement n° 883/2004), comme l’a également relevé la cour cantonale. Aucune critique n’ayant été formulée à cet égard, il n’y a pas lieu de s’attarder sur ces aspects.

Consid. 6.1
Le tribunal cantonal a nié le droit de l’assuré aux indemnités journalières tant en vertu du droit suisse que de l’ALCP.

Consid. 6.2
Se référant aux art. 23 al. 1 et 3 LAI et 20sexies al. 1 RAI, ainsi qu’au n° 0312 CIJ [Circulaire concernant les indemnités journalières de l’assurance-invalidité], les juges cantonaux ont considéré comme déterminant le fait que l’assuré, au moment du début de son incapacité de travail à la suite de l’accident d’août 2015, n’exerçait pas une activité avec revenu soumise à l’obligation de cotiser à l’AVS puisqu’il travaillait à X.__ et qu’il était domicilié en Italie jusqu’en mars 2019. Rien n’a changé dans l’arrêt I 365/00 du 28 novembre 2001 du Tribunal fédéral des assurances cité par l’assuré, défendant la thèse selon laquelle l’élément déterminant serait le revenu effectivement réalisé avant l’atteinte à la santé sans qu’il soit nécessaire que des cotisations soient prélevées sur celui-ci. Selon la cour cantonale, cette appréciation concernait en premier lieu les indépendants, pour lesquels il est indifférent que les cotisations pour l’année en question aient été fixées ou non par une décision définitive. Le libellé de l’art. 21 al. 3 RAI ne permettait pas non plus de tirer une conclusion différente, la question de l’évolution des salaires n’étant pas pertinente puisque le droit aux indemnités journalières devait être exclu a priori.

Consid. 6.3
A ce stade, après avoir rappelé le principe de non-discrimination et d’égalité de traitement ancré respectivement à l’art. 2 ALCP et à l’art. 4 Règlement n° 883/2004, le tribunal cantonal a nié une discrimination directe fondée sur la nationalité, puisque le droit aux indemnités journalières de la LAI est garanti à toute personne ayant exercé en dernier lieu une activité soumise aux cotisations de l’AVS. La cour cantonale n’a pas non plus constaté de discrimination indirecte, dans la mesure où le recourant « n’est pas placé dans une situation plus défavorable, à situation égale, que les ressortissants suisses qui vivent depuis un certain temps à l’étranger – dans un pays de l’UE ou de l’AELE – et qui, après y avoir été victimes d’un accident, décident de retourner dans leur patrie ».

Selon les juges cantonaux, de tels citoyens suisses ne peuvent en effet pas prétendre à des indemnités journalières de l’AI en l’absence d’un revenu soumis aux cotisations de l’AVS immédiatement avant l’incapacité de travail. Même si l’on devait considérer qu’il s’agit d’une discrimination indirecte, l’exigence en question ne s’avère pas disproportionnée par rapport à l’objectif poursuivi, à savoir que l’indemnité journalière soit en principe versée aux personnes qui exerçaient une activité lucrative immédiatement avant la survenance de l’incapacité de travail, et donc aux personnes qui ont été assujetties à l’AVS pendant une durée minimale. Les assurés considérés comme n’exerçant pas d’activité lucrative peuvent tout au plus, sous certaines conditions, avoir droit à une allocation pour frais de garde et d’assistance (n° 0311, 0312, 0315 CIJ).

Consid. 7.1.1
S’appuyant sur l’arrêt I 365/00 précité, l’assuré soutient que le revenu déterminant serait celui effectivement réalisé avant la survenance de l’incapacité de travail, sans toutefois que des cotisations aient nécessairement été prélevées. L’objectif de l’art. 23 LAI, en relation avec l’art. 20sexies RAI, serait d’octroyer des indemnités journalières qu’aux personnes exerçant une activité lucrative qui, en raison d’une atteinte à la santé, subissent une perte de gain, excluant ainsi les personnes se trouvant dans la situation opposée.

En l’espèce, l’art. 23 al. 3 LAI ne permettrait pas de déterminer le revenu provenant d’une activité lucrative car celui-ci a été réalisé en Italie et y a été soumis à cotisation, malgré la perte économique concrète subie par la personne professionnellement active. Étant donné qu’il a été dûment rémunéré pour l’activité lucrative exercée au moment de la survenance de l’incapacité de travail, le requérant aurait donc droit à des indemnités journalières.

De l’avis de l’assuré, si le droit aux indemnités journalières était soumis à une condition de rattachement au territoire suisse comme l’a indiqué l’autorité inférieure (en plus de l’assujettissement à l’assurance selon l’art. 9 al. 1bis LAI pour le droit aux mesures de réadaptation), le législateur l’aurait précisé à l’art. 22 LAI, comme il l’a fait par exemple pour le droit à la rente d’invalidité à l’art. 36 al. 1 LAI.

Consid. 7.1.2
Subsidiairement, l’assuré invoque une discrimination indirecte contraire à l’art. 2 ALCP. Si par personnes professionnellement actives on entendait uniquement celles ayant un revenu soumis à l’AVS, la condition de l’art. 23 LAI en lien avec l’art. 20sexies RAI serait plus facilement réalisée par un ressortissant suisse que par un ressortissant étranger, ce dernier se trouvant ainsi désavantagé. Le caractère discriminatoire indirect serait injustifié par rapport à l’objectif poursuivi, à savoir la couverture de la perte du revenu réalisé par la personne assurée durant la dernière période d’activité lucrative, exercée sans limitations dues à des raisons de santé. Contrairement à ce que suggère le tribunal cantonal, pour apprécier si la condition de «revenu soumis à l’AVS suisse» est indirectement discriminatoire, il faudrait comparer le rapport entre les ressortissants étrangers et les ressortissants suisses au sein du groupe des personnes désavantagées ou non bénéficiaires, d’une part, avec celui rapport entre les ressortissants étrangers et les ressortissants suisses au sein du groupe des personnes non désavantagées ou bénéficiaires, d’autre part.

Consid. 7.2.1
L’OFAS convient avec l’assuré que la règle de l’art. 23 al. 3 LAI serait indirectement discriminatoire et donc illicite selon le Règlement n° 883/2004. Les revenus soumis aux cotisations sociales d’un État membre de l’UE devraient ainsi être considérés comme revenu déterminant au sens de l’art. 23 al. 3 LAI au même titre que ceux soumis aux cotisations prévues par la LAVS. De plus, l’art. 21 al. 3 RAI serait applicable même si la dernière activité lucrative en question avait été exercée dans un État membre de l’UE.

De l’avis de l’OFAS, pour se prononcer sur les prétentions de l’assuré, il faudrait encore examiner, d’une part, l’éventuelle équivalence, au sens de l’art. 5 let. a du Règlement n° 883/2004, entre la rente italienne et une rente AI selon le droit suisse, et, d’autre part, établir le degré d’invalidité selon le droit suisse en vue d’une éventuelle rente selon le droit suisse, ce que l’assuré a omis de faire. Dans ce cas, en vertu de ce que dispose l’art. 22bis al. 5 LAI, les indemnités journalières lui seraient en effet refusées.

Consid. 7.2.2
L’assuré soutient que l’instruction médicale déjà effectuée aurait conduit le SMR à retenir une incapacité de travail totale dans l’activité précédente de cuisinier, exercée en Italie jusqu’à la survenance de l’atteinte à la santé, et une incapacité de travail de 80% dans des activités adaptées depuis le 31.07.2019. Le taux d’invalidité qui en résulterait serait donc certainement supérieur à 40%, si l’on procède à une comparaison des revenus sur la base des données statistiques, avec une capacité de travail de seulement 20% dans des activités adaptées comparée à une activité de cuisinier exercée à plein temps, sans qu’il soit nécessaire de procéder à des investigations complémentaires à cet égard comme le suggère l’OFAS. Sur le fond, on arriverait donc au même résultat, à savoir un refus du droit aux indemnités journalières, mais en application de l’art. 22bis al. 5 LAI au lieu de l’art. 23 al. 3 LAI.

Consid. 7.2.3
Répliquant spontanément à l’administration, l’assuré rappelle que, selon l’évaluation du Dr D.__ du 8 mai 2017, il aurait récupéré une capacité partielle de 10% en tant que cuisinier déjà 60 jours après l’accident. Il en résulte qu’il est probable qu’à la fin du délai d’attente d’une année, en août 2016, il aurait pu disposer d’un potentiel de réinsertion dans une activité adaptée, et donc bien avant le 31.07.2019 tel que retenu par le SMR. L’assuré fait ensuite valoir que la rente italienne « cat. IO » dont il bénéficie est déterminée sur la base d’une capacité de travail réduite qui ne tient pas compte d’une réadaptation potentielle, par des mesures appropriées, dans une autre activité lucrative afin d’établir une perte de gain comme le prévoit le droit suisse à l’art. 16 LPGA. L’évaluation du degré d’invalidité selon le droit suisse, qui pourrait lui conférer le droit à une rente d’invalidité – qui ne serait de toute façon pas versée faute de remplir la condition de cotisation –, ne devrait donc être évaluée qu’une fois les mesures achevées.

Consid. 8.1
L’art. 22bis al. 5 LAI prévoit que lorsqu’un assuré reçoit une rente de l’AI, celle-ci continue de lui être versée en lieu et place d’indemnités journalières durant la mise en œuvre des mesures de réinsertion au sens de l’art. 14a LAI et des mesures de nouvelle réadaptation au sens de l’art. 8a LAI.

La question de l’assimilation des prestations selon l’art. 5 let. a du Règlement 883/2004, également soulevée par l’OFAS, a donc une influence sur la résolution du litige et nécessite d’être approfondie. En effet, si la « pensione cat. IO (INVALIDITA’ DEI LAVORATORI DIPENDENTI) » [rente cat. IO (invalidité des travailleurs dépendants)] versée par l’État italien, dont l’assuré est bénéficiaire, pouvait être assimilée à une rente d’invalidité selon le droit suisse, il ne pourrait– en vertu de l’art. 22bis al. 5 LAI précité – percevoir des indemnités journalières pour les mesures de nouvelle réadaptation.

Consid. 8.1.1
L’art. 5 du Règlement 883/2004, qui fait partie des dispositions générales et qui est intitulé «Assimilation de prestations, de revenus, de faits ou d’événements», est ainsi libellé : « A moins que le présent règlement n’en dispose autrement et compte tenu des dispositions particulières de mise en œuvre prévues, les dispositions suivantes s’appliquent:

  1. si, en vertu de la législation de l’Etat membre compétent, le bénéfice de prestations de sécurité sociale ou d’autres revenus produit certains effets juridiques, les dispositions en cause de cette législation sont également applicables en cas de bénéfice de prestations équivalentes acquises en vertu de la législation d’un autre Etat membre ou de revenus acquis dans un autre Etat membre;
  2. si, en vertu de la législation de l’Etat membre compétent, des effets juridiques sont attribués à la survenance de certains faits ou événements, cet Etat membre tient compte des faits ou événements semblables survenus dans tout autre Etat membre comme si ceux-ci étaient survenus sur son propre territoire. »

Consid. 8.1.2
Conformément à l’art. 16 al. 2 ALCP, dans la mesure où l’application de l’ALCP implique des notions de droit communautaire, il sera tenu compte de la jurisprudence pertinente de la Cour de justice des Communautés européennes (maintenant : Cour de justice de l’Union européenne, ci-après également « CJUE ») antérieure à la date de sa signature (21 juin 1999). La jurisprudence postérieure à la date de la signature de l’ALCP sera communiquée à la Suisse. En vue d’assurer le bon fonctionnement de l’ALCP, à la demande d’une partie contractante, le Comité mixte déterminera les implications de cette jurisprudence.

Afin d’assurer une situation juridique analogue entre les États de la Communauté européenne (maintenant : l’Union européenne), d’une part, et la Suisse, d’autre part, selon une jurisprudence constante, le Tribunal fédéral ne s’écarte de l’interprétation des dispositions de droit communautaire pertinentes à l’accord, telle qu’établie par la CJUE – même postérieurement à la date de sa signature -, qu’en présence de motifs sérieux («triftige Gründe»; ATF 149 V 136 consid. 7.2 et les références; 145 V 39 consid. 2.3.2 et les références).

Consid. 8.1.3
Selon une jurisprudence constante de la CJUE développée sous l’égide du Règlement n° 1408/71, les prestations de sécurité sociale doivent être considérées comme étant de même nature lorsque leur objet, leur finalité, ainsi que leur base de calcul et leurs conditions d’attribution sont identiques. En revanche, des caractéristiques purement formelles ne doivent pas être considérées comme des éléments décisifs pour la qualification des prestations (cf. arrêt du 15 mars 2018 C-431/16 Blanco Marqués [publié au Recueil numérique], point 50, et les références ; en particulier arrêt du 18 juillet 2006 C-406/04 De Cuyper [Rec. 2006 I-06947], point 25). La notion de prestations de « même nature » est désormais réglée à l’art. 53 par. 1 du Règlement n° 883/2004 (cf. Rolf Schuler, in Europäisches Sozialrecht, 8e éd. 2022, n° 9 ad art. 5 du Règlement n° 883/2004).

Cela étant, dans l’arrêt du 21 janvier 2016 C-453/14 Knauer (publié au Recueil numérique) concernant le prélèvement des cotisations d’assurance maladie en Autriche sur les pensions de vieillesse versées par une caisse de pension du Liechtenstein, la CJUE a également eu l’occasion de se pencher spécifiquement sur la notion de « prestations équivalentes » contenue dans l’art. 5 let. a du Règlement n° 883/2004. Elle a d’abord relevé que cette notion n’a pas nécessairement la même signification que la notion de « prestations de même nature » contenue dans l’art. 53 de ce règlement (Knauer, n° 28), mais dispose d’une définition propre. L’équivalence n’est pas donnée du seul fait que le règlement n° 883/2004 s’applique aux deux prestations ; celles-ci doivent également être comparables, ce qui doit être apprécié sur la base de l’objectif qu’elles poursuivent et des réglementations qui les ont instituées (Knauer, n° 31-34 ; cf. aussi Basile Cardinaux, Das EuGH-Urteil «Knauer u. Mathis», RSAS 2019 p. 134, qui fait référence à une «funktionelle Äquivalenz»).

Consid. 8.1.4
Or, comme nous venons de le voir, la présence de dispositions contraires du Règlement n° 883/2004 empêche l’assimilation de prestations, de revenus, de faits ou d’événements comme prévu par son art. 5.

À cet égard, dans l’ATF 141 V 396 (au consid. 7), le Tribunal fédéral s’est prononcé sur le droit aux prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité selon la LPC (RS 831.30) d’une ressortissante suisse, d’origine roumaine, bénéficiaire d’une rente d’invalidité roumaine. L’objet du litige était de savoir si la pension d’invalidité roumaine pouvait être assimilée à une pension d’invalidité de droit suisse, dont le bénéfice était l’une des conditions préalables aux prestations complémentaires demandées. Après avoir discuté la notion du principe d’assimilation des prestations prévu par l’art. 5 let. a du Règlement n° 883/2004, le Tribunal fédéral a relevé que l’art. 46 par. 3 du Règlement n° 883/2004 (applicable aux personnes soumises exclusivement à des législations de type B ou de type A et B, comme la Suisse et la Roumanie ; cf. art. 44 du Règlement n° 883/2004), pour que la décision concernant le degré d’invalidité de l’institution d’un État membre soit contraignante pour l’institution de l’autre État membre, imposait la reconnaissance dans l’annexe VII de la concordance des conditions respectives entre les législations des deux États membres en question. Tel n’était pas le cas pour la Suisse et la Roumanie, de sorte que la décision prise par l’organisme roumain compétent concernant le degré d’invalidité de la recourante et la prestation de pension qui en résulte n’était pas contraignante pour l’institution suisse concernée. Le principe d’assimilation des prestations de l’art. 5 let. a du Règlement n° 883/2004 n’était donc pas applicable en l’espèce et la recourante ne pouvait pas se prévaloir de sa propre rente d’invalidité roumaine pour prétendre à des prestations complémentaires suisses (ATF 141 V 396 consid. 7.2.2 et 7.2.3 ; cf. aussi arrêt 8C_611/2021 du 10 mars 2022 consid. 3.1).

Consid. 8.1.5
Le raisonnement adopté dans l’ATF 141 V 396 est pertinent pour trancher également le présent litige. L’application de l’art. 46 al. 3 du Règlement n° 883/2004 dans un cas comme celui en l’espèce est d’ailleurs conforme au considérant n° 26 du Règlement n° 883/2004, qui promeut, en matière de prestations d’invalidité, l’élaboration d’un « système de coordination qui respecte les spécificités des législations nationales, notamment en ce qui concerne la reconnaissance de l’invalidité et son aggravation ». En effet, seule une reconnaissance concrète de la concordance des législations respectives par les États membres concernés serait contraignante pour le degré d’invalidité et, donc, du moins selon le droit suisse, pour la présence ou non d’une invalidité (cf. en particulier art. 28 al. 1 let. c LAI).

Par conséquent, en l’absence d’une telle reconnaissance en l’espèce, la pension d’invalidité décidée par l’État italien n’est pas contraignante pour les organes suisses compétents, ce qui fait obstacle à l’application du principe d’assimilation selon l’art. 5 let. a du Règlement n° 883/2004 entre les rentes d’invalidité en question (ATF 141 V 396 consid. 7.2.3).

Il convient d’ajouter que l’interdiction du cumul de la rente et des indemnités journalières accordées en application de la LAI (art. 22bis al. 5 et art. 29 al. 2 LAI) est une forme de coordination intrasystémique qui prend en considération le mode de calcul de la rente, d’une part, et des indemnités journalières, d’autre part. Il n’est pas possible, dans le contexte d’une telle interdiction de cumul, de considérer une rente italienne comme équivalente à une rente suisse compte tenu de la différence marquée de leurs méthodes de calcul respectives.

Consid. 8.1.6
Il est incontesté que l’assuré n’a droit ni à une rente d’invalidité ordinaire, ni à une rente extraordinaire (art. 36 et 39 LAI ; sur ce sujet, cf. ATF 131 V 390 consid. 6 et 7 ; cf. aussi arrêt 9C_259/2016 du 19 juillet 2017 consid. 5).

La proposition de l’OFAS, à savoir évaluer le degré d’invalidité de l’assuré selon le droit suisse, afin d’établir l’existence hypothétique d’un droit à une rente d’invalidité, n’est pas convaincante. En particulier, on ne voit pas sur quelle base légale et sur quels motifs une telle démarche pourrait être justifiée. Par ailleurs, contrairement à ce qui peut être le cas dans le domaine des prestations complémentaires (cf. art. 4 al. 1 let. d LPC), la législation en matière d’assurance-invalidité ne prévoit pas l’accès à des prestations d’assurance sur la base d’un droit seulement hypothétique à une rente d’invalidité (dans ce sens, cf. Michel Valterio, in Commentaire de la Loi fédérale sur l’assurance-invalidité [LAI], 2018, n. 1 ad art. 36).

Déterminer le degré d’invalidité d’un assuré mis au bénéfice de mesures professionnelles pour lesquelles il a déjà demandé des indemnités journalières, sachant déjà qu’il ne pourra de toute façon pas bénéficier d’une rente, s’avère être un exercice difficile et peu opportun. Ce n’est en effet qu’à la fin de ces mesures, conformément à l’art. 16 LPGA, qu’il serait possible de déterminer le degré d’invalidité, comme l’a rappelé à juste titre l’assuré dans sa réplique spontanée.

D’autre part, l’art. 22bis al. 5 LAI ne devrait être examiné que dans le cas d’un assuré qui est déjà au bénéfice d’une rente d’invalidité et qui effectue des mesures de réadaptation visées à l’art. 8a LAI.

L’assuré recourant, comme on l’a vu, ne peut en revanche être considéré ni comme bénéficiaire d’une rente d’invalidité italienne équivalente à une rente d’invalidité suisse selon le Règlement n° 883/2004, ni comme ayant droit à une rente d’invalidité selon le droit suisse. Il bénéficie donc de mesures de réadaptation au sens de l’art. 8 LAI, de sorte que l’art. 22bis al. 5 LAI ne constitue pas un obstacle à son droit potentiel à des indemnités journalières.

Consid. 8.2
Il reste litigieux, à ce stade, l’application de l’art. 23 LAI. Afin de procéder à son évaluation, il convient de rappeler le cadre législatif pertinent.

Consid. 8.2.1
L’art. 23 LAI prévoit que l’indemnité de base s’élève à 80% du revenu que l’assuré percevait pour la dernière activité lucrative exercée sans restriction due à des raisons de santé; toutefois, elle s’élève à 80 % au plus du montant maximum de l’indemnité journalière fixée à l’art. 24 al. 1 LAI (al. 1). Le calcul du revenu de l’activité lucrative au sens des al. 1 et 1bis se fonde sur le revenu moyen sur lequel les cotisations prévues par la LAVS sont prélevées (revenu déterminant) (al. 3).

Selon l’art. 20sexies al. 1 RAI, sont considérés comme exerçant une activité lucrative les assurés qui exerçaient une activité lucrative immédiatement avant la survenance de l’incapacité de travail (art. 6 LPGA).

Enfin, l’art. 21 al. 3 RAI prescrit que lorsque la dernière activité lucrative exercée par l’assuré sans restriction due à des raisons de sa santé remonte à plus de deux ans, il y a lieu de se fonder sur le revenu que l’assuré aurait tiré de la même activité, immédiatement avant la réadaptation, s’il n’était pas devenu invalide

Consid. 8.2.2.1
Dans l’arrêt 9C_141/2023 du 5 juin 2024 (dont les consid. 2 et 4 sont prévus pour la publication [publié entre-temps aux ATF 150 V 316]), le Tribunal fédéral a examiné si, dans le contexte d’un indépendant, le revenu déterminant au sens de l’art. 23 al. 3 LAI était celui sur lequel les cotisations ont été effectivement perçues, ou celui soumis au prélèvement de cotisations et qui sert de base pour leur détermination. Dans la mesure où elle présente un intérêt en l’espèce, l’interprétation historique de la disposition a été confirmée par l’arrêt I 365/00 du 28 novembre 2001, dans lequel le TFA avait à son tour traité le sujet du revenu déterminant d’un indépendant au sens de l’art. 24 al. 2 aLAI. Après avoir constaté que les conditions légales étaient restées inchangées au fil des révisions de l’AI, le Tribunal fédéral a jugé qu’il n’y avait pas lieu de s’écarter du principe selon lequel le revenu déterminant pour le calcul des indemnités journalières est celui effectivement réalisé avant la survenance de l’atteinte à la santé, indépendamment du fait que des cotisations aient été prélevées sur ce montant (arrêt 9C_141/2023 précité consid. 4.3 [publié entre-temps aux ATF 150 V 316 consid. 4.3]).

Consid. 8.2.3
Il convient donc de se pencher sur le grief selon lequel l’art. 23 al. 3 LAI constituerait une discrimination indirecte.

Consid. 8.2.3.1.1
En vertu de l’art. 4 du Règlement n° 883/2004, à moins que le présent règlement n’en dispose autrement, les personnes auxquelles le présent règlement s’applique bénéficient des mêmes prestations et sont soumises aux mêmes obligations, en vertu de la législation de tout Etat membre, que les ressortissants de celui-ci. Selon la jurisprudence, l’art. 4 du Règlement n° 883/2004 interdit non seulement les discriminations manifestes fondées sur la nationalité (discrimination directe), mais aussi toutes les formes dissimulées de discrimination qui, par l’application d’autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (discrimination indirecte).

Une disposition de droit national doit être considérée comme indirectement discriminatoire – à moins qu’elle ne soit objectivement justifiée et proportionnée à l’objectif poursuivi – si elle est susceptible, par sa nature même, d’affecter davantage les ressortissants d’autres États membres que ses propres ressortissants et si elle risque, par conséquent, de désavantager plus particulièrement les premiers. Tel est le cas d’une condition qui peut être plus facilement remplie par les travailleurs nationaux que par les travailleurs migrants (ATF 145 V 266 consid. 6.1.3; 143 V 1 consid. 5.2.4; 142 V 538 consid. 6.1; 136 V 182 consid. 7.1; 133 V 367 consid. 9.3; 131 V 390 consid. 5.1).

Consid. 8.2.3.1.2
Pour déterminer si l’utilisation d’un critère de distinction particulier au sens précité conduit indirectement à une inégalité de traitement fondée sur la nationalité, il convient de comparer la proportion de ressortissants et de non-ressortissants au sein de la catégorie des personnes désavantagées, respectivement non favorisées, d’une part, et la proportion de ressortissants et de non-ressortissants au sein de la catégorie des personnes non désavantagées, respectivement favorisées, d’autre part.

Il convient en outre de préciser que non seulement les travailleurs migrants étrangers peuvent invoquer l’interdiction de discrimination consacrée par le droit conventionnel, respectivement communautaire, à l’égard de l’État d’accueil, mais également les travailleurs nationaux à l’égard de leur propre pays dans la mesure où le lien euro-international nécessaire est établi. Cela vaut également si la règle en question, sans pénaliser davantage les étrangers de l’UE que les nationaux, affecte néanmoins davantage les travailleurs migrants, quelle que soit leur nationalité, que les travailleurs non migrants (ATF 133 V 367 consid. 9.3 et les références).

Consid. 8.2.3.1.3
En présence d’une discrimination, le recourant aurait donc droit à la prestation comme s’il remplissait les conditions pour son octroi. En effet, lorsque le droit national prévoit un traitement différencié entre divers groupes de personnes en violation de l’interdiction de discrimination, les membres du groupe désavantagé doivent être traités de la même manière et se voir appliquer le même régime que les autres intéressés. Tant que la réglementation nationale n’est pas structurée de manière non discriminatoire, ce régime reste le seul système de référence valable (ATF 145 V 231 consid. 6.4; 134 V 236 consid. 6.1; 131 V 390 consid. 5.2).

Il est utile de rappeler à cet égard qu’au sens de l’art. 190 Cst., le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d’appliquer les lois fédérales et le droit international. Ni l’art. 190 Cst. ni l’art. 5 al. 4 Cst. n’établissent une hiérarchie entre les normes de droit international et celles de droit interne. Néanmoins, selon la jurisprudence, en cas de conflit, les normes de droit international qui lient la Suisse primes celles de droit interne qui leur sont contraires (cf. ATF 146 V 87 consid. 8.2.2; 144 II 293 consid. 6.3; 142 II 35 consid. 3.2; 139 I 16 consid. 5.1; 138 II 524 consid. 5.1; 125 II 417 consid. 4d; cf. art. 27 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités [RS 0.111]). Il faut en effet présumer que le législateur fédéral a entendu respecter les dispositions des traités internationaux régulièrement conclus, à moins qu’il n’ait décidé – en toute connaissance de cause – d’édicter une norme interne contraire au droit international. En cas de doute, le droit interne doit être interprété conformément au droit international (ATF 149 I 41 consid. 4.2; 146 V 87 consid. 8.2.2, qui renvoie à l’ATF 99 Ib 39 consid. 3, également dénommée jurisprudence « Schubert » [cf. à ce sujet le consid. 11.1.1 de l’ATF 133 V 367 déjà citée]).

Consid. 8.2.3.2
Au vu de ce qui précède, il convient de partager l’avis du recourant (et de l’OFAS) selon lequel l’exigence d’une obligation de cotiser à l’AVS, telle que jugée par l’instance cantonale, constitue en l’espèce une discrimination indirecte.

Consid. 8.2.3.2.1
En effet, une telle exigence est sans doute plus facilement remplie par les personnes exerçant une activité lucrative en Suisse plutôt qu’en Italie. L’art. 23 al. 3 LAI entrave manifestement l’accès aux indemnités journalières des personnes travaillant à l’étranger, ces dernières n’étant, en principe, pas soumises à l’obligation de cotiser à l’AVS. En ce sens, le raisonnement de la cour cantonale pour comparer les personnes désavantagées par cette règle – concrètement, les citoyens italiens et suisses professionnellement actifs à l’étranger – est fondamentalement erroné et ne peut être partagé.

Comme expliqué précédemment, et il convient de le répéter, il faut au contraire comparer les ressortissants et non-ressortissants au sein de la catégorie des personnes désavantagées ou non favorisées (en l’occurrence, les personnes non actives en Suisse et donc non soumises à l’obligation de cotiser à l’AVS, comme le recourant), d’une part, et les ressortissants et non-ressortissants au sein de la catégorie des personnes non désavantagées ou favorisées (c’est-à-dire les personnes actives en Suisse et soumises à l’obligation de cotiser à l’AVS), d’autre part.

Consid. 8.2.3.2.2
Par ailleurs, le caractère indirectement discriminatoire de l’art. 23 al. 3 LAI ne semble pas objectivement justifié et proportionné par rapport à l’objectif poursuivi, comme l’ont au contraire proposé les juges cantonaux selon une logique qui ne peut convaincre. Dans l’arrêt I 365/00 précité, le TFA avait en effet établi que les indemnités journalières de la LAI ont pour but de garantir à l’assuré et à ses proches la base matérielle nécessaire à leur existence pendant la période de réadaptation. Les moyens nécessaires à cette fin ne pouvaient être définis de manière générale, mais dépendaient de divers facteurs, variables dans le temps (arrêt I 365/00 précité consid. 4a/cc; cf. aussi l’arrêt 9C_141/2023 précité consid. 4.3.1). Au vu de ces constatations, il est clair que l’exigence de l’obligation de cotiser à l’AVS même à des personnes qui en sont empêchées ne peut être tolérée.

 

Consid. 8.3
En résumé, l’art. 23 al. 3 LAI constitue une discrimination indirecte, contraire à l’art. 4 du Règlement n° 883/2004 et à la jurisprudence respective, à l’égard des personnes qui perçoivent une pension d’invalidité de l’État italien (non reconnue comme telle en Suisse) et qui, bénéficiant de mesures de réadaptation, demandent des indemnités journalières. Une telle discrimination n’est pas objectivement justifiée et proportionnée par rapport à l’objectif poursuivi, et on ne peut pas non plus conclure à la volonté expresse du législateur, en toute connaissance de cause, d’édicter une norme contraire au droit international contraignant pour la Suisse. L’art. 23 LAI doit donc être interprété conformément à ce dernier, dans le sens que, pour le calcul de l’indemnité de base d’une personne ayant obtenu un revenu à l’étranger et qui bénéficie de mesures de réadaptation selon l’art. 8 LAI, le revenu moyen doit être pris en compte même si aucune cotisation n’a été perçue selon la LAVS. Ce résultat est d’ailleurs compatible avec ce qui est prévu à l’art. 5 let. b du Règlement n° 883/2004, concernant l’assimilation de « faits ou événements » (cf. sur ce sujet ATF 140 V 98 consid. 9) à l’activité lucrative exercée à l’étranger et au revenu qui y est réalisé, lesquels peuvent servir de base au calcul du montant de l’indemnité journalière selon la LAI.

Ce faisant, il faudra naturellement respecter les autres prescriptions prévues par la législation en matière d’assurance-invalidité, notamment les art. 20sexies et 21 al. 3 RAI. En outre, bien que la rente versée en application de la législation italienne ne puisse être qualifiée d’équivalente à une rente fondée sur la LAI – dans le cadre des règles de coordination intrasystémique qui interdisent le cumul d’une rente de l’assurance invalidité et d’indemnités journalières de la même assurance (art. 22bis al. 5 et art. 29 al. 2 LAI) –, il n’en demeure pas moins que tant la rente en cause que les indemnités journalières allouées conformément à la LAI sont des prestations d’assurances sociales allouées à une même personne pour compenser une perte de revenu due à une atteinte à sa santé. Dans le cas de rentes et d’indemnités journalières provenant de différentes assurances sociales suisses (coordination intersystémique), le législateur fédéral a admis le cumul d’une rente octroyée par un assureur social et d’indemnités journalières octroyées par un autre assureur social, mais uniquement sous réserve de surindemnisation (art. 68 LPGA). Dans le même sens, l’art. 21septies al. 5 RAI, en relation avec l’art. 24 al. 5 LAI, prévoit une limitation du montant des indemnités journalières de l’assurance invalidité si leur cumul avec une rente de l’assurance accidents entraîne une surindemnisation. Les méthodes d’évaluation de l’invalidité et de calcul du droit à une rente d’invalidité selon les législations suisse et italienne sont trop différentes pour assimiler purement et simplement la rente italienne à une rente basée sur la LAI dans le cadre de l’interdiction du cumul des prestations. En revanche, la rente italienne doit être considérée comme équivalente à une prestation d’un autre assureur social suisse dans le cadre d’un calcul de surindemnisation tel que prévu par les règles de coordination intersystémique. En effet, le montant effectif de la pension et des indemnités journalières est pris en compte dans un tel calcul.

Il incombera donc à l’office AI d’effectuer un calcul de surindemnisation conformément à l’art. 21septies al. 5 RAI, la rente versée en application de la législation italienne pouvant être considérée comme équivalente, dans ce contexte, à une rente de l’assurance accidents. Il faudra toutefois tenir compte de l’art. 10 du Règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 qui établit les modalités d’application du Règlement n° 883/2004. Cette disposition a pour objet de coordonner les réductions de prestations pour cause de surindemnisation auxquelles pourraient procéder les différents États concernés en application de leurs législations respectives. Elle prévoit ainsi que lorsque des prestations dues au titre de la législation de deux Etats membres ou plus sont réduites, suspendues ou supprimées mutuellement, les montants qui ne seraient pas payés en cas d’application stricte des clauses de réduction, de suspension ou de suppression prévues par la législation des Etats membres concernés sont divisés par le nombre de prestations sujettes à réduction, suspension ou suppression.

Consid. 9
Il s’ensuit que le recours doit être admis. Il n’appartient pas au Tribunal fédéral de procéder au calcul des indemnités journalières demandées, ni de recueillir d’éventuelles preuves nécessaires à cet effet. Le jugement attaqué doit donc être annulé et l’affaire renvoyée à l’office AI pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

Arrêt 8C_36/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_36/2024 (d) du 25.11.2024, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/01/8c_36-2024)

 

 

Expertises AI : permettre le réexamen des dossiers en cas de graves insuffisances

Expertises AI : permettre le réexamen des dossiers en cas de graves insuffisances

 

Communiqué de presse du Parlement du 17.01.2025 consultable ici

 

Les décisions concernant l’octroi de prestations AI doivent se baser sur des expertises médicales de qualité irréprochable. Il en va de la confiance dans l’assurance-invalidité. La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) a analysé les récentes révélations au sujet des expertises douteuses réalisées par PMEDA SA. Elle exhorte les acteurs concernés à redoubler d’efforts pour garantir que de telles situations ne se reproduisent plus et a déposé une motion visant à permettre le réexamen des dossiers reposant sur des expertises dont la qualité aurait été remise en question par la COQEM.

En présence de représentants de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), de la Commission fédérale d’assurance qualité des expertises médicales (COQEM), ainsi que du Professeur Thomas Gächter de l’Université de Zurich, la commission s’est penchée sur la question des graves insuffisances décelées dans les expertises médicales effectuées pour déterminer le droit à des prestations de l’AI.

La commission estime que les mesures introduites dans le cadre de la révision «Développement continu de l’AI» permettent actuellement de garantir la qualité des expertises et des diagnostics. Des lacunes et des problèmes subsistent cependant encore en ce qui concerne les expertises réalisées avant l’entrée en vigueur de cette révision. Cette situation a été récemment mise en lumière de manière flagrante par les révélations liées aux expertises douteuses réalisées par l’entreprise PMEDA SA. La commission estime que ces révélations sont choquantes. La décision d’octroi ou non d’une prestation AI a en effet de grandes répercussions sur la vie des personnes concernées.

Par 14 voix contre 7 et 4 abstentions, la commission a déposé une motion (25.3006) visant à adapter les bases juridiques pour permettre aux personnes assurées de déposer une demande de révision lorsque leur dossier a été jugé sur la base d’une expertise médicale réalisée par un centre d’expertises ou des médecins avec lesquels la collaboration a été suspendue à la suite d’une recommandation de la COQEM. En cas de réexamen, les offices AI devraient contrôler la capacité de travail, déterminer le début d’une éventuelle incapacité de travail, accorder des mesures d’ordre professionnel et octroyer avec effet rétroactif une éventuelle rente.

 

 

Commentaire personnel

La motion déposée par la commission constitue un pas dans la bonne direction, mais elle pourrait être améliorée pour garantir une justice plus équitable et transparente dans le domaine des assurances sociales ; les parlementaires auraient pu faire preuve d’une ambition plus marquée.

Il serait judicieux d’étendre la portée de cette motion au-delà des offices AI pour englober tous les assureurs sociaux. Les problématiques liées aux expertises médicales ne se limitent pas à l’AI et une approche uniforme pour tous les assureurs sociaux renforcerait la cohérence et l’équité du système.

Par ailleurs, il serait pertinent de confier la responsabilité d’initier la révision à l’assureur social ayant mandaté un centre d’expertise ou un médecin dont la collaboration a été suspendue à la suite d’une recommandation de la COQEM. Cette approche pourrait être un prolongement du principe d’instruction d’office prévu à l’art. 43 LPGA, en imposant aux assureurs une obligation proactive de réexamen, et renforcerait la protection des droits des assurés, qui sont souvent la partie vulnérable dans ces procédures. En effet, les assurés ne sont pas toujours informés des décisions de la COQEM et peuvent se trouver démunis face à la complexité des démarches administratives nécessaires pour faire valoir leurs droits.

Cette proposition vise à établir un équilibre plus juste entre les responsabilités des assureurs sociaux et les droits des assurés, tout en garantissant une révision systématique et équitable des dossiers potentiellement problématiques. Elle permettrait également de restaurer la confiance dans le système des assurances sociales, élément central pour son bon fonctionnement et son acceptation par la société.

Cette motion constitue donc moins un aboutissement qu’une étape importante, invitant à poursuivre avec détermination le travail de modernisation et d’humanisation de notre système de sécurité sociale. Il est essentiel de maintenir cet élan réformateur pour assurer une protection sociale à la hauteur des défis contemporains.

 

Communiqué de presse du Parlement du 17.01.2025 consultable ici

 

Perizie AI : consentire il riesame dei dossier in caso di gravi lacune, comunicato stampa del Parlamento del 17.01.2025 disponibile qui

IV-Gutachten: Bei gravierenden Mängeln Neubeurteilung der Dossiers ermöglichen, Medienmitteilung des Parlaments vom 17.01.2025 hier abrufbar

 

8C_284/2024 (f) du 15.10.2024 – Rappel du principe inquisitoire en cas de nouvelle demande AI / Aggravation plausible de l’état de santé depuis la dernière décision entrée en force, sur le plan somatique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_284/2024 (f) du 15.10.2024

 

Consultable ici

 

Rappel du principe inquisitoire en cas de nouvelle demande AI / 43 LPGA – 87 al. 2 et 3 RAI

Aggravation plausible de l’état de santé depuis la dernière décision entrée en force, sur le plan somatique / 87 al. 2 et 3 RAI

Requête d’assistance judiciaire rejetée – Recours d’emblée dénué de chances de succès / 64 LTF

 

L’assuré, né en 1979, a déposé plusieurs demandes de prestations auprès de l’assurance-invalidité.

Première demande le 19.01.2016 en raison de douleurs, limitations dans les mouvements et diminution de la sensibilité de la main droite. Par décision du 06.10.2016, l’office AI a rejeté la demande de prestations, l’assuré ne présentant aucune incapacité de travail.

Nouvelle demande le 23.10.2016 basée sur le rapport médical du médecin traitant faisant état de douleurs persistantes aux doigts 2, 3 et 4 de la main droite et d’un syndrome lombo-radiculaire L3 droit depuis 2013. Une expertise pluridisciplinaire (médecine interne générale, rhumatologie, angiologie et psychiatrie) a été mise en œuvre. La nouvelle demande a été rejetée par décision du 25.07.2019.

En février 2020, l’assuré s’est annoncé pour une détection précoce, suivie du dépôt d’une nouvelle demande. Une expertise psychiatrique a été réalisée. Par décision du 30.09.2021, l’office AI a nié le droit de l’assuré à des prestations, faute d’aggravation de l’état de santé.

Le 04.10.2022, l’assuré a déposé une nouvelle demande, notamment pour des douleurs lombaires. L’office AI a refusé d’entrer en matière le 11.05.2023, considérant que la péjoration de l’état de santé n’était que temporaire, d’octobre 2022 à janvier 2023.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 10.04.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 6.1
Dans un premier grief, l’assuré reproche à la juridiction précédente d’avoir établi les faits de manière arbitraire en ce qui concerne son état de santé au moment du dépôt de la nouvelle demande. Il invoque à cet égard avoir produit tous les certificats médicaux en sa possession, sans avoir caché que son état de santé n’était pas stabilisé. Il avait sollicité au demeurant la mise en œuvre d’une expertise et « [était] resté dans l’attente de la décision à venir de l’office AI ». Aussi, les juges cantonaux ne pouvaient écarter les pièces médicales déposées à l’appui de son recours.

Consid. 6.2
Selon la jurisprudence relative à une nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité, le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’autorité (art. 43 al. 1 LPGA), ne s’applique pas à cette procédure dans la mesure où, comme en l’espèce, la personne assurée a eu l’occasion de présenter des pièces médicales pour rendre plausible une modification de la situation. Dans ce cas, la juridiction de première instance examine le bien-fondé de la décision de non-entrée en matière de l’office AI en fonction uniquement des documents produits jusqu’à la date de celle-ci et n’a pas à prendre en compte les rapports médicaux déposés ultérieurement ni à ordonner une expertise complémentaire (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5; arrêt 9C_555/2023 du 15 avril 2024 consid. 4.2). Il s’ensuit que la juridiction cantonale n’avait pas à tenir compte, dans le cadre de son examen, des pièces produites postérieurement à la décision du 11 mai 2023.

Consid. 7.1
L’assuré reproche ensuite aux juges cantonaux d’avoir procédé à une application trop restrictive de l’art. 87 al. 3 RAI en examinant sa demande du 4 octobre 2022 à l’aune de la décision du 30 septembre 2021. Selon lui, c’est au regard de sa première demande du 19 janvier 2016, soit en tenant compte d’un laps de temps de plus de six ans, qu’il y avait lieu d’apprécier la modification de son invalidité.

Consid. 7.2
Contrairement à ce que prétend l’assuré, les juges cantonaux ont correctement appliqué l’art. 87 al. 2 et 3 RAI en examinant si les pièces déposées suffisaient à rendre plausible une aggravation de l’état de santé depuis la dernière décision entrée en force. Ils ont toutefois constaté qu’aucun élément médical objectif nouveau n’était à prendre en considération lors de la décision du 30.09.2021, l’état de santé de l’assuré ne s’étant pas aggravé depuis la décision du 25.07.2019. Partant, ils ont pris pour point de départ la situation telle qu’elle se présentait au moment de l’expertise pluridisciplinaire, laquelle a été mise en œuvre dans les suites de la deuxième demande de prestations qui évoquait un syndrome lombo-radiculaire. En effet, les douleurs lombaires dont se prévalait l’assuré à l’appui de sa nouvelle demande avaient été prises en compte par les médecins experts en 2019 et n’avaient pas fait l’objet d’un examen spécifique par l’office AI en 2021. L’assuré ne conteste pas les faits constatés par les juges cantonaux mais se limite à rappeler les circonstances qui ont entouré le dépôt de sa troisième demande, ce qui ne saurait suffire en l’occurrence. Il ne pouvait se limiter à contester l’approche des juges cantonaux sans exposer en quoi le fait de procéder à l’examen de la situation à l’aune de l’expertise pluridisciplinaire constituerait, en l’état, une violation de l’art. 87 al. 2 et 3 RAI. Son grief est mal fondé.

 

Consid. 8.1 [résumé]
L’assuré soutient que les rapports médicaux qu’il a fournis, en particulier celui du 11.01.2023 d’un spécialiste en chirurgie orthopédique, suffisent à démontrer une péjoration de son état de santé justifiant l’entrée en matière sur sa nouvelle demande. Ce rapport mentionne une « arthrose avancée symptomatique des lombaires » nécessitant des infiltrations et envisage une intervention chirurgicale, ce qui, selon l’assuré, attesterait d’une modification à long terme de son état de santé.

Consid. 8.2 [résumé]
Les arguments de l’assuré ne sont pas suffisants pour remettre en question l’appréciation des juges cantonaux. Bien que les rapports médicaux attestent d’une aggravation de l’état de santé en octobre 2022, celle-ci n’a été que temporaire, durant au plus d’octobre 2022 à janvier 2023. Les infiltrations ont permis une amélioration significative des symptômes. Les médecins n’ont pas suffisamment motivé l’incapacité de travail attestée ni décrit précisément les limitations fonctionnelles induites par les diagnostics. Ainsi, les éléments invoqués par l’assuré ne démontrent pas que l’appréciation des juges cantonaux serait erronée.

Consid. 8.3
Pour le surplus, en tant que l’assuré invoque le fait qu’il ne serait plus en mesure d’utiliser sa main droite, de travailler dans son activité habituelle de polisseur ni de conduire, on relèvera, à l’instar des juges cantonaux, que le médecin du SMR a indiqué que la situation au niveau de la main droite n’a pas évolué depuis la dernière décision entrée en force, comme le précisait le médecin traitant.

Consid. 10
L’assuré, qui succombe, a demandé à bénéficier de l’assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l’assistance judiciaire que si elle ne dispose de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l’échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci apparaissait d’emblée dénué de chances de succès et la requête d’assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. L’assuré doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocat.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_284/2024 consultable ici

 

Le Conseil fédéral élabore un contre-projet indirect à l’initiative pour l’inclusion

Le Conseil fédéral élabore un contre-projet indirect à l’initiative pour l’inclusion

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 23.12.2024 consultable ici

 

Le Conseil fédéral recommande de rejeter l’initiative populaire fédérale « Pour l’égalité des personnes handicapées (initiative pour l’inclusion) ». Il a pris cette décision lors de sa séance du 20 décembre 2024. Il entend soumettre au Parlement un contre-projet indirect plus concret et plus rapide à mettre en œuvre, qui tiendra mieux compte des demandes de l’initiative. Il a chargé le Département fédéral de l’intérieur (DFI) d’élaborer pour fin mai 2025 un projet pour consultation. En outre, il a chargé le DFI de présenter, avant l’automne 2025, les points à traiter dans une éventuelle prochaine révision de l’assurance-invalidité (AI).

L’initiative populaire fédérale « Pour l’égalité des personnes handicapées (initiative pour l’inclusion) » a été déposée le 5 septembre 2024. Elle entend promouvoir l’égalité de droit et de fait entre les personnes handicapées et les personnes non handicapées dans tous les domaines de la vie. Les personnes handicapées ont droit, dans le cadre de la proportionnalité, aux mesures de soutien et d’adaptation nécessaires. En particulier, elles doivent pouvoir choisir librement leur forme de logement et l’endroit où elles habitent.

L’initiative ne constitue pas un progrès par rapport à la Constitution actuellement en vigueur

Sur le fond, le Conseil fédéral soutient l’objet de l’initiative. Cependant, elle n’apporte à ses yeux aucune amélioration directe pour les personnes concernées. Elle adresse certes à la Confédération et aux cantons des prescriptions plus concrètes que celles de la Constitution actuellement en vigueur. Ces mêmes prescriptions pourraient néanmoins s’inscrire dans le cadre juridique existant. L’actuelle Constitution confère en effet déjà au législateur le mandat de lever les obstacles que rencontrent les personnes handicapées. La Confédération ne dispose elle-même que d’une compétence très limitée pour prescrire à l’échelle nationale des directives relatives à l’égalité. Ce sont les cantons qui sont en premier lieu responsables de la mise en œuvre concrète des dispositions de la Constitution, telles que les mesures de promotion du logement autonome et de participation à la vie sociale. Afin de répondre plus rapidement et plus concrètement aux demandes de l’initiative, le Conseil fédéral soumet au Parlement un contre-projet indirect. Il comporte deux volets : une loi-cadre sur l’inclusion ciblée sur le domaine du logement et une révision partielle de l’AI prévoyant des modifications dans les domaines des moyens auxiliaires et de la contribution d’assistance.

Loi-cadre sur l’inclusion

Le premier volet du contre-projet indirect consiste en une nouvelle loi-cadre nationale sur l’inclusion des personnes handicapées. Il s’agit de préparer un projet imposant à la Confédération et aux cantons une orientation commune et des lignes directrices en la matière. Le projet posera les fondements juridiques dans le domaine du logement. Les personnes handicapées au sens de l’art. 112b de la Constitution fédérale doivent pouvoir choisir aussi librement que possible la forme de leur logement et bénéficier de mesures de soutien en adéquation avec leurs besoins personnels. Le projet fixe également les principes disposant que les cantons prévoient une offre diversifiée de mesures de soutien adéquates, favorisent l’accès à une offre de logements aménagés abordables et proposent aux personnes concernées un conseil concernant le choix de leur forme de logement et de vie. En cas de besoin, la loi pourra, sur le moyen terme, être étendue aux autres domaines de la vie.

Mesures entrant dans le cadre de l’AI

Le second volet du contre-projet indirect se compose de mesures dans l’assurance-invalidité visant à améliorer l’accès des personnes handicapées aux moyens auxiliaires modernes de l’AI (comme dans le cas des appareils auditifs et des prothèses). Le Conseil fédéral entend mettre en œuvre les mesures dans le contre-projet qu’il a proposé dans un rapport en réponse au postulat 19.4380 fin juin 2024. Ces mesures visent à élargir la palette des moyens auxiliaires de technologie moderne proposés et ainsi à soutenir les assurés dans l’acquisition d’une plus grande autonomie.

En outre, il est prévu d’étendre le champ d’application de la contribution d’assistance de l’AI. La contribution d’assistance permet au bénéficiaire d’une allocation pour impotent qui nécessite une aide régulière et souhaite vivre à domicile d’engager une personne qui lui fournira l’aide dont il a besoin. Étendre la contribution d’assistance aux personnes dont la capacité d’exercice des droits civils est restreinte favorise l’autodétermination et répond à une demande récurrente des organisations d’aide aux personnes handicapées. Le Conseil fédéral a chargé le DFI d’élaborer pour fin mai 2025 un projet qui inclut l’avant-projet de loi sur l’inclusion et la modification de l’AI, en vue d’une consultation.

Dans le cadre d’une future révision de l’AI, il est également prévu de simplifier les différentes prestations qui encouragent l’autonomie des personnes handicapées en matière de logement. Le système actuel est le résultat de l’évolution historique d’un ensemble de prestations favorisant le logement autonome, dont l’allocation pour impotent, la contribution d’assistance et le supplément pour soins intenses. L’objectif de la révision serait de combiner cette variété de prestations complexes en une seule, qui aurait vocation de permettre de mener une vie autonome et, du même fait, de répondre à l’objet de l’initiative pour l’inclusion.

Message relatif à la révision partielle de la loi sur l’égalité pour les handicapés

Le 20 décembre 2024, le Conseil fédéral a également adopté le message sur la révision partielle de la loi sur l’égalité pour les personnes handicapées (LHand). D’un point de vue formel, cette révision ne fait pas partie du contre-projet indirect. Elle anticipe néanmoins sur un certain nombre d’aspects de l’initiative et constitue de fait un ensemble avec le contre-projet indirect. Le projet renforce les droits des personnes handicapées à participer à la vie publique, économique et sociale. Un des objectifs de cette révision est d’apporter des améliorations dans les domaines du travail et des services. De plus, elle vise à ancrer dans la loi la reconnaissance et la promotion de la langue des signes.

 

Remarques concernant une prochaine révision de l’AI
Lors de sa séance du 20 décembre 2024, le Conseil fédéral a chargé le DFI de lancer avant l’automne 2025 les travaux préparatoires à une prochaine révision de l’AI. L’objectif de la révision est d’avoir une vue d’ensemble des projets en cours et de les traiter de manière coordonnée, mais également de prendre en compte la détérioration récente des perspectives financières de l’AI. Au vu des incertitudes qui entourent actuellement la situation de l’AI, la conception de cette révision nécessite davantage d’analyses avant d’en fixer les lignes directrices. Ces analyses porteront sur quatre axes : des mesures en vue d’endiguer la croissance des nouvelles rentes, des mesures d’optimisation des prestations, des mesures relatives aux recettes ainsi qu’au désendettement de l’AI.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 23.12.2024 consultable ici

Fiche d’information « La contribution d’assistance » du 23.12.2024 disponible ici

Fiche d’information « Remboursement des moyens auxiliaires par l’AI et l’AVS » du 23.12.2024 disponible ici

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025

 

Article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 26.11.2024, consultable ici

 

À l’instar des rentes AVS et AI, plusieurs prestations sociales vont augmenter au 1er janvier 2025. C’est également à partir de cette date que l’âge de référence des femmes passera progressivement de 64 à 65 ans.

Plusieurs nouvelles mesures entrent en vigueur début 2025. Afin que les assurés, les employeurs et les personnes actives dans le domaine des assurances sociales aient une vue d’ensemble, le présent article résume les principaux changements, sur la base des informations disponibles à la fin novembre 2024. Au moment de la rédaction de cet article, le recours contre le relèvement de l’âge de la retraite des femmes est toujours pendant au Tribunal fédéral.

 

1er pilier : hausse des rentes et des allocations pour impotent

Les rentes du 1er pilier augmentent de 2,9% dès le 1er janvier 2025. La rente minimale dans l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et dans l’assurance-invalidité (AI) passe ainsi de 1’225 à 1’260 francs par mois ; la rente maximale pour une durée de cotisation complète de 2’450 à 2’520 francs. La rente AVS pour couples mariés s’élève désormais à 3’780 francs. La dernière adaptation de ces rentes à l’évolution des prix et des salaires datait de 2023.

En parallèle, le montant de la cotisation minimale AVS/AI/APG pour les indépendants et les personnes sans activité lucrative passe à 530 francs par an ; celui de la cotisation minimale dans l’AVS/AI facultative à 1’010 francs.

Destinées aux bénéficiaires de rentes tributaires de l’aide d’autrui, les allocations pour impotent dans l’AVS et l’AI sont également relevées. Leurs montants dépendent du degré de l’impotence. Enfin, dans l’AI, la contribution d’assistance se monte désormais à 35.30 francs par heure (+ 1 franc) et à 169.10 francs par nuit (+ 4.65 francs).

 

Besoins vitaux : hausse des PC et des Ptra

Les prestations complémentaires (PC) et les prestations transitoires (Ptra) augmentent également. Le forfait annuel pour couvrir les besoins vitaux passe à 20’670 francs pour les personnes seules (+ 570 francs) ; à 31’005 francs pour les couples (+ 855 francs) ; à 10’815 francs pour les enfants âgés de plus de 11 ans (+ 300 francs) et à 7’590 francs pour les enfants de moins de 11 ans (+ 210 francs).

Les montants maximaux des loyers pris en compte dans le cadre des PC et des Ptra sont aussi adaptés au renchérissement. Ils s’élèvent désormais à 18’900 francs dans les grands centres urbains (région 1), à 18’300 francs dans les villes (région 2) et à 16’680 francs à la campagne (région 3). Enfin, les franchises sur le revenu de l’activité lucrative sont relevées de 1’000 à 1’300 francs par an pour les personnes seules ; de 1’500 à 1’950 francs par an pour les couples ou les personnes avec enfant.

 

Allocations familiales : hausse des montants minimaux

Dans le domaine des allocations familiales, les montants minimaux fixés par la Confédération sont revus à la hausse en 2025. L’allocation pour enfant s’élève désormais à 215 francs par mois au lieu de 200 francs ; l’allocation de formation à 268 francs par mois au lieu de 250 francs.

Cette augmentation concerne en premier lieu les parents travaillant dans les cantons qui versent les montants minimaux, à savoir Argovie, Bâle-Campagne, Glaris, Soleure, Tessin, Thurgovie et Zurich. Les autres cantons, qui prévoient déjà des allocations plus élevées, ne sont pas obligés de procéder à une hausse.

 

2e et 3e piliers : nouveaux montants

Liés aux rentes du 1er pilier, plusieurs montant de la prévoyance professionnelle subissent aussi des changements début 2025. La déduction de coordination dans le régime obligatoire (LPP) passe à 26’460 francs ; le seuil d’entrée à 22’680 francs. Pour le 3e pilier (3a), la déduction fiscale autorisée par année s’élève désormais à 7’258 francs pour les personnes avec un 2e pilier et à 36’288 francs pour celles qui n’en ont pas.

Les rentes de survivants et d’invalidité de la LPP sont également adaptées. Elles augmentent de 0,8% si elles ont été adaptées pour la première fois en 2024 ; de 2,5% si leur dernière adaptation a eu lieu en 2023. Dans le régime surobligatoire, c’est l’organe suprême de l’institution de prévoyance qui décide chaque année si et dans quelle mesure les rentes doivent être adaptées.

Le taux d’intérêt minimal dans la LPP reste inchangé à 1,25% en 2025. Le Conseil fédéral a suivi les recommandations de la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle pour fixer l’intérêt minimal auquel doivent être rémunérés les avoirs de vieillesse de la LPP.

Enfin, dans la prévoyance individuelle liée (pilier 3a), il sera désormais possible d’effectuer des rachats à certaines conditions. Concrètement, une personne exerçant une activité lucrative en Suisse et qui n’aura pas versé chaque année la cotisation maximale autorisée dans son 3e pilier pourra la verser rétroactivement dans les dix années qui suivent. Seules les lacunes de cotisation survenant après l’entrée en vigueur du projet pourront être rachetées. Les lacunes étant apparues avant 2025 ne peuvent donc pas être comblées. Ce rachat sera autorisé en plus de la cotisation ordinaire et pourra également être déduit du revenu imposable.

 

AVS 21 : 2e étape

La deuxième étape de la réforme Stabilisation de l’AVS (AVS 21) entre en vigueur début 2025. Seules les femmes nées après 1960 sont concernées. Leur âge de référence (auparavant «âge de la retraite») va augmenter progressivement jusqu’en 2028 pour s’établir finalement à 65 ans comme pour les hommes.

 

L’âge de référence indique l’âge auquel une personne peut percevoir sa rente de vieillesse sans réduction ni supplément. Il n’est pas contraignant. Depuis 2024, il est en effet possible de prendre sa retraite entre 63 et 70 ans ; et cela également de manière partielle. En cas de départ à la retraite avant 65 ans, la rente est réduite ; si la retraite est repoussée après 65 ans, la rente est augmentée (Sauvain, 2023). Les taux de réduction et d’ajournement seront prochainement revus à la baisse, probablement en 2027, afin de mieux tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie.

L’augmentation de l’âge de référence s’accompagne de mesures de compensation (OFAS, 2022). Ainsi, les femmes nées entre 1961 et 1969 ont droit dès 2025 à un supplément de rente pour autant qu’elles perçoivent leur rente de vieillesse à l’âge de référence ou ultérieurement. Les femmes qui choisissent d’anticiper leur rente n’ont pas droit à ce supplément, mais elles bénéficient de taux de réduction plus favorables.

Le supplément de rente est échelonné en fonction du revenu et de l’année de naissance. Il s’élève entre 13 et 160 francs par mois. Il n’est pas soumis au plafonnement des rentes pour les couples mariés et est versé même si le montant de la rente maximale est dépassé. Versé à vie, il n’entraîne pas de réduction du montant des prestations complémentaires.

AMal : hausse des primes et règles pour les courtiers

Les primes de l’assurance-maladie obligatoire (AMal) augmentent pour toutes les catégories d’âge en 2025. La prime mensuelle moyenne s’élèvera à 378.70 francs, ce qui correspond à une augmentation de 6% par rapport à 2024. La prime moyenne est calculée en additionnant toutes les primes payées en Suisse et en les divisant par le nombre total d’assurés. La hausse moyenne pour les jeunes adultes et pour les enfants sera un peu moins élevée, respectivement de 5.4% et 5.8%.

L’annonce de cette augmentation de primes a pour la première fois été accompagnée de règles contraignantes pour les intermédiaires d’assurances. Ainsi, le démarchage téléphonique à froid, c’est-à-dire la prise de contact avec une personne qui n’a jamais été assurée auprès de l’assureur en question ou qui ne l’est plus depuis trois ans, est interdit. De plus, l’intermédiaire a l’obligation d’établir un procès-verbal lors de ses entretiens-conseils et de le faire signer par le client. Quant à sa rémunération, elle est dorénavant limitée. Les assureurs qui contreviennent à ces règles, entrées en vigueur en septembre 2024, encourent une amende pouvant aller jusqu’à 100’000 francs.

 

Social et santé : numérisation en marche

La numérisation des assurances sociales franchit une nouvelle étape avec la possibilité pour les personnes effectuant un service (militaire, civil, Protection civile) de demander en ligne leurs allocations pour perte de gain (APG). Les modifications légales en ce sens entrent en vigueur début 2025. Les formulaires papier seront dès 2026 progressivement remplacés par une procédure numérisée, plus simple et plus efficace. Le changement de loi vise à alléger les démarches administratives, tant pour les assurés que pour leurs employeurs.

Dans le domaine de la santé, un jalon important pour le dossier électronique du patient (DEP) est posé. La Confédération soutient désormais financièrement les fournisseurs de DEP. Cette mesure visant à diffuser et promouvoir le dossier électronique est transitoire jusqu’à ce que la révision de la loi correspondante soit adoptée et mise en œuvre. Le message sur cette révision complète doit être transmis au Parlement au printemps 2025.

 

Protection de la jeunesse renforcée

La première étape de la nouvelle loi sur la protection des mineurs dans les secteurs du film et du jeu vidéo entre en vigueur en 2025. Les enfants et les adolescents seront ainsi mieux protégés face aux contenus de films et de jeux vidéo susceptibles de les heurter, notamment les contenus violents ou sexuellement explicites. La loi harmonise à l’échelle du pays, le système de classification et de contrôle de l’âge en matière d’accès aux films et jeux vidéo.

 

Champ d’action élargi pour les fonds patronaux

Les fonds patronaux de bienfaisance pourront élargir leur champ d’action dès 2025. Jusqu’ici limités aux situations de détresse, ils peuvent désormais accorder des prestations visant à prévenir les risques financiers liés à la maladie, aux accidents et au chômage. De nouvelles mesures pour soutenir la formation continue, la conciliation entre vie familiale et professionnelle, ainsi que la promotion de la santé, seront également possibles. La modification du Code civil en ce sens vise à encourager ces fondations d’entreprise à caractère social.

 

 

Bibliographie :

OFAS (2024). Montants valables dès le 1er janvier 2025.

Sauvain, Mélanie (2023). Entre le travail et la retraite : plus grande flexibilité dès 2024, Sécurité sociale CHSS. 21 novembre.

OFAS (2022). Fiche d’information AVS 21 : Conséquences pour les femmes

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025, article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 26.11.2024, consultable ici

Sozialversicherungen: Was ändert sich 2025?, Artikel von Mélanie Sauvain, in Soziale Sicherheit CHSS vom 26.11.2024 erschienen, hier abrufbar

 

8C_104/2024 (d) du 22.10.2024, destiné à la publication – Prestations de l’assurance-invalidité en cas d’obésité : adaptation de la jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_104/2024 (d) du 22.10.2024, destiné à la publication

 

Arrêt 8C_104/2024 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 21.11.2024 consultable ici

 

Prestations de l’assurance-invalidité en cas d’obésité : adaptation de la jurisprudence

 

Le Tribunal fédéral adapte sa jurisprudence concernant le droit aux prestations de l’assurance-invalidité en cas d’obésité. Le fait que l’obésité soit en principe accessible à un traitement ne s’oppose ainsi plus d’emblée au droit à une rente. Il peut toutefois être attendu des personnes concernées qu’elles suivent des traitements qui peuvent raisonnablement être exigés d’elles pour remédier à l’atteinte, tels qu’une thérapie diététique ou un programme d’activité physique.

Conformément à la jurisprudence antérieure, l’obésité (surpoids important) n’entraînait en principe pas d’invalidité donnant droit à une rente. Une obésité ne relevait de l’assurance-invalidité que s’il en résultait une atteinte à la santé physique ou psychique ou si de telles atteintes en étaient la cause. Cette jurisprudence considérait en fin de compte que le surpoids important pouvait être surmonté par un effort de volonté. Cette pratique s’était développée sur la base de celle concernant les addictions. Le Tribunal fédéral a par la suite cependant adapté (suite également à la modification de sa pratique concernant les troubles dépressifs légers ou moyens) sa jurisprudence en la matière (ATF 145 V 215, communiqué de presse du 5 août 2019). Selon dite jurisprudence, il faudrait à l’avenir déterminer dans chaque cas, dans le cadre d’une procédure probatoire structurée, dans quelle mesure l’atteinte influe sur la capacité de travail de la personne assurée.

On ne voit pas de raison de maintenir la jurisprudence spécifique rendue jusqu’ici en matière d’obésité. A cet égard, il convient de tenir compte du fait que l’obésité est une maladie somatique (physique) chronique et complexe. La jurisprudence doit par conséquent être modifiée en ce sens que le fait qu’un traitement de l’obésité soit en principe possible ne s’oppose pas per se à un droit à la rente. Il convient ainsi de se demander pour chaque cas particulier dans quelle mesure la maladie restreint la capacité de travail. Bien évidemment, l’obligation de diminuer le dommage s’applique aussi en cas d’obésité. Un droit à une rente d’invalidité suppose en ce sens que la personne concernée entreprenne les traitements qui peuvent raisonnablement être exigés d’elle, tels que des thérapies diététiques, médicamenteuses ou comportementales ou encore un programme d’activité physique.

Dans le cas concret, le Tribunal fédéral admet partiellement le recours d’une femme présentant une obésité de classe III et un indice de masse corporelle de 58, qui avait demandé sans succès une rente d’invalidité. Il va de soi que la recourante n’a en tous les cas pas la possibilité de retrouver immédiatement une capacité de travail à 100%. L’Office AI devra rendre une nouvelle décision ; à cet effet, des examens médicaux devront également être effectués au regard de l’obligation de réduire le dommage.

 

Arrêt 8C_104/2024 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 21.11.2024 consultable ici

 

NB : le même jour que le communiqué de presse du TF, l’office fédéral de la statistique a publié les résultats de l’enquête suisse sur la santé (communiqué de presse de l’OFS du 21.11.2024).

En 2022, 31% des personnes de 15 ans ou plus vivant en Suisse étaient en surpoids et 12% étaient obèses. La proportion de personnes présentant ces affections variait toutefois selon le groupe de population. Les hommes étaient par exemple davantage touchés que les femmes. Les personnes obèses ou en surpoids souffraient plus fréquemment de maladies cardiovasculaires, de diabète ou d’autres maladies chroniques que les personnes de poids normal. L’obésité allait en outre plus souvent de pair avec des symptômes sévères de dépression. Ce sont là quelques-uns des résultats de la nouvelle publication de l’OFS consacrée au surpoids et à l’obésité.

Selon l’OFS, le surpoids et l’obésité peuvent favoriser l’apparition de maladies chroniques, provoquer des troubles physiques et détériorer la qualité de vie des personnes atteintes. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) reconnaît l’obésité comme une maladie chronique complexe. Critère essentiel en la matière, le poids corporel est notamment influencé par le sexe, l’âge et le niveau de formation.

Les personnes sans formation post-obligatoire souffraient davantage de surpoids et d’obésité en 2022. Le gradient social s’est fait sentir davantage chez les femmes que chez les hommes : en tenant compte de l’âge, les hommes sans formation post-obligatoire avaient respectivement 2,4 et 1,4 fois plus de risques d’être obèses ou en surpoids que les hommes ayant achevé une formation du degré tertiaire. Les femmes sans formation post-obligatoire présentaient un risque 2,9 fois plus élevé d’être obèses et un risque 2,0 fois plus grand d’être en surpoids que les femmes titulaires d’un diplôme du degré tertiaire

Publication de l’OFS « Enquête suisse sur la santé 2022 – Surpoids et obésité » disponible ici

 

9C_236/2024 (f) du 23.10.2024 – Allocation pour impotent pour mineurs / 9 LPGA – 42 LAI – 37 RAI / Actes « se vêtir/se dévêtir » et « faire sa toilette » admis – Besoin de surveillance personnelle permanente nié

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_236/2024 (f) du 23.10.2024

 

Consultable ici

 

Allocation pour impotent pour mineurs / 9 LPGA – 42 LAI – 37 RAI

Actes « se vêtir/se dévêtir » et « faire sa toilette » admis – Besoin de surveillance personnelle permanente nié

 

Invoquant un besoin d’aide pour accomplir certains actes ordinaires de la vie en raison des différents troubles (trouble déficitaire de l’attention, dyspraxie, dysgraphie) dont il souffrait, l’assuré, né en 2013, a présenté le 11.05.2022 une demande d’allocation pour impotent à l’office AI. Ce dernier a recueilli l’avis de la médecin traitant, spécialiste en pédiatrie. Il a en outre mis en œuvre une enquête à domicile. Il a averti l’assuré que, compte tenu des informations récoltées, il entendait rejeter sa demande. En dépit des critiques de l’intéressé contre ce projet, soutenues par son spécialiste en psychiatrie et psychothérapie d’enfants et d’adolescents, l’office AI a entériné le refus d’octroyer des prestations (décision du 24.05.2023).

 

Procédure cantonale (arrêt AI 191/23 – 99/2024 – consultable ici)

Par jugement du 26.03.2024, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision entreprise en ce sens que l’assuré avait droit dès le 01.05.2021 à une allocation pour impotent de degré moyen.

 

TF

Consid. 4.2.1
À propos de l’acte « se vêtir/se dévêtir », la juridiction cantonale a relevé que, selon le rapport d’enquête et sous réserve d’injonctions, l’assuré était capable de s’habiller et se déshabiller tout seul, de lacer ses chaussures et de choisir ses habits en fonction de la météorologie, bien qu’il rencontrât des difficultés avec la fermeture de certains types de boutons. Elle a en revanche tiré de la demande du 11.05.2022 et des témoignages produits durant la procédure cantonale de recours que la présence d’un tiers était nécessaire pour éviter que l’habillage ne se prolongeât ou que des habits ne fussent enfilés dans un mauvais sens ou ne fussent choisis de façon inadéquate selon l’activité à entreprendre ou la météorologie. Elle a inféré de ces éléments que l’aide indirecte et régulière d’un tiers était requise, faute de quoi l’acte en question serait accompli imparfaitement et à contre-temps.

Consid. 4.2.2
Pour ce qui concerne l’acte « faire sa toilette », la cour cantonale a inféré du rapport d’enquête que l’assuré se montrait autonome pour se brosser les dents et se laver, sauf pour le réglage de la température de l’eau, même s’il fallait lui rappeler de se savonner. Par contre, elle a déduit des témoignages, rapports médicaux et photographies produits en première instance qu’une incitation permanente était impérative afin que les gestes utiles fussent concrètement réalisés. Elle a aussi retenu que l’intervention de tiers était indispensable pour que certaines zones du corps fussent lavées correctement. Elle a déduit de ces éléments que l’aide indirecte et régulière d’un tiers était requise pour la réalisation de l’acte en question.

Consid. 4.2.3
S’agissant de la surveillance personnelle permanente, le tribunal cantonal a constaté que, selon le rapport d’enquête, la mise en place de mesures de sécurité n’avait pas été jugée utile dès lors que l’assuré respectait les règles de la maison, qu’il pouvait jouer dans une pièce sans surveillance et être laissé un moment seul à domicile avec son petit frère, qu’il ne présentait pas de comportement auto ni hétéro-agressif et qu’il ne jetait ni ne cassait d’objets. Il a en revanche inféré des témoignages et rapports médicaux produits pendant la procédure cantonale de recours que l’assuré ne pouvait pas être laissé sans surveillance dans la mesure où, en raison de sa dyspraxie et de son trouble déficitaire de l’attention, il avait souvent été victime de blessures et en avait causé à son frère. Il a déduit de ces éléments que l’assuré nécessitait une surveillance personnelle permanente qui excédait celle devant être portée à un enfant du même âge.

Consid. 4.3
Compte tenu de ce qui précède, les juges cantonaux ont considéré que l’assuré avait besoin d’aide pour réaliser trois actes ordinaires de la vie et d’une surveillance personnelle permanente, de sorte que son droit à une allocation pour impotent de degré moyen devait être reconnu dès le 01.05.2021.

 

 

Consid. 6.1.1
S’agissant d’abord de l’acte « se vêtir/se dévêtir », on relèvera que la description faite par l’enquêtrice de l’administration de l’aide requise pour réaliser cet acte est foncièrement identique à celle décrite par les membres de la famille de l’assuré. Ce dernier était apte du point de vue fonctionnel à se vêtir et à se dévêtir tout seul. Il avait toutefois besoin de rappels ou d’injonctions pour que l’acte fût accompli correctement, de façon adéquate selon l’activité à entreprendre ou la météorologie et dans un laps de temps raisonnable. Les juges cantonaux ont considéré que ces rappels ou injonctions constituaient une aide indirecte et régulière de la part d’un tiers. Leur appréciation est conforme au droit dès lors que, selon la jurisprudence, un assuré qui doit être cadré quotidiennement dans le choix de ses vêtements en fonction du temps qu’il fait remplit les conditions de l’art. 37 RAI concernant l’aide requise (cf. arrêt 9C_138/2022 du 3 août 2022 consid. 4.2.1).

 

Consid. 6.1.2
En ce qui concerne l’acte « faire sa toilette », on relèvera que la juridiction cantonale s’est non seulement fondée sur les déclarations et les témoignages écrits des parents, mais également sur les déclarations du spécialiste en psychiatrie et psychothérapie d’enfants et d’adolescents traitant, qui confirment et complètent celles des parents. Dans la mesure où toutes ces observations concordent quant au besoin d’aide notamment pour régler la température de l’eau et accomplir certains gestes utiles ou quant au besoin d’incitations permanentes pour éviter que l’assuré ne se laisse distraire, on ne saurait valablement reprocher au tribunal cantonal d’avoir fait preuve d’arbitraire en admettant le besoin d’aide indirecte et régulière pour accomplir l’acte en question.

Consid. 6.1.3
S’agissant finalement du besoin de surveillance personnelle permanente, les juges cantonaux se sont contentés de se référer d’une manière générale aux témoignages ou aux rapports du Service des urgences de l’Hôpital de l’enfance (cinq rapports entre 2018 et 2023) pour en déduire un comportement dangereux de l’assuré envers lui-même ou autrui, sans expliquer pourquoi les éléments contraires retenus dans le rapport d’enquête à domicile – correspondant aux premières déclarations des parents de l’assuré – seraient manifestement erronés. On relèvera à cet égard que les blessures ayant amené l’assuré à consulter des services d’urgence (contusion nasale après s’être cogné le nez contre un bob; brûlure au deuxième degré après s’être versé du bouillon sur la jambe; plaie superficielle après s’être encoublé dans un fil de fer barbelé; traumatisme crânien mineur après une chute de trente centimètres) ne présentent pas un degré particulier de gravité, ne se sont heureusement pas produites à une fréquence singulièrement élevée et ne sont pas inhabituelles chez un enfant de moins de dix ans au point de justifier une surveillance constante par un tiers.

Consid. 6.2
Compte tenu de ce qui précède, les conditions d’une impotence de degré moyen au sens de l’art. 37 al. 2 let. b RAI ne sont pas réalisées, mais celles d’une impotence de degré faible au sens de l’art. 37 al. 3 let. a RAI le sont (trois actes ordinaires de la vie, à savoir « manger », « se vêtir/se dévêtir » et « faire sa toilette »). Il convient dès lors de réformer l’arrêt attaqué et la décision administrative litigieuse en ce sens que l’assuré a droit à une allocation pour impotent de degré léger dès le 01.05.2021.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_236/2024 consultable ici

 

9F_11/2024 (f) du 16.09.2024 – Demande de révision d’un arrêt du Tribunal fédéral / Nouvelle expertise – Appréciation différente insuffisante comme motif de révision

Arrêt du Tribunal fédéral 9F_11/2024 (f) du 16.09.2024

 

Consultable ici

 

Demande de révision d’un arrêt du Tribunal fédéral / 123 LTF – 124 LTF

Nouvelle expertise – Appréciation différente insuffisante comme motif de révision

 

Par décision du 12.04.2018, l’office AI a reconnu le droit de l’assuré à une rente entière d’invalidité du 01.12.2016 au 30.06.2017. Saisi d’un recours du prénommé contre cette décision, le tribunal cantonal l’a rejeté. Statuant le 14.05.2019 sur le recours formé par l’assuré contre cet arrêt, le Tribunal fédéral l’a rejeté (arrêt 9C_146/2019).

Le 29.05.2024, l’assuré a présenté une demande de révision de l’arrêt du Tribunal fédéral 9C_146/2019 du 14.05.2019 fondée sur l’art. 123 al. 2 let. a LTF. Sur le rescindant, il requiert l’annulation de cet arrêt (ainsi que celles de l’arrêt cantonal et de la décision administrative). Sur le rescisoire, il conclut principalement à l’octroi de trois quarts de rente d’invalidité à compter du 01.12.2016 et subsidiairement au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour complément d’instruction et nouvelle décision « tenant compte des faits pertinents découverts après coup invoqués à l’appui de la présente demande de révision ».

 

TF

Consid. 1
Le Tribunal fédéral n’ayant pas le droit de procéder à une reformatio in pejus (cf. art. 107 al. 1 LTF), il n’y a pas lieu de revenir sur le droit du requérant à une rente entière d’invalidité du 01.12.2016 au 30.06.2017. Sa conclusion principale tendant à l’octroi de trois quarts de rente d’invalidité à compter du 01.12.2016 doit dès lors être interprétée en ce sens qu’il requiert la reconnaissance du droit à trois quarts de rente à partir du 01.07.2017.

Consid. 2
En vertu de l’art. 123 al. 2 let. a LTF, la révision peut être demandée dans les affaires civiles et les affaires de droit public, si le requérant découvre après coup des faits pertinents ou des moyens de preuve concluants qu’il n’avait pas pu invoquer dans la procédure précédente, à l’exclusion des faits ou moyens de preuve postérieurs à l’arrêt.

Selon la jurisprudence, ne peuvent justifier une révision que les faits qui se sont produits jusqu’au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables, mais qui n’étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence; en outre, ces faits doivent être pertinents, c’est-à-dire qu’ils doivent être de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de l’arrêt entrepris et à conduire à un jugement différent en fonction d’une appréciation juridique correcte (ATF 134 III 669 consid. 2.2 et les références). Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit les faits nouveaux importants qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n’avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Si les nouveaux moyens sont destinés à prouver des faits allégués antérieurement, le requérant doit aussi démontrer qu’il ne pouvait pas les invoquer dans la précédente procédure. Une preuve est considérée comme concluante lorsqu’il faut admettre qu’elle aurait conduit le juge à statuer autrement s’il en avait eu connaissance dans la procédure principale. Ce qui est décisif, c’est que le moyen de preuve ne serve pas à l’appréciation des faits seulement, mais à l’établissement de ces derniers. Ainsi, il ne suffit pas qu’une nouvelle expertise donne une appréciation différente des faits; il faut bien plutôt des éléments de fait nouveaux, dont il résulte que les bases de la décision entreprise comportaient des défauts objectifs. Pour justifier la révision d’une décision, il ne suffit pas que l’expert tire ultérieurement, des faits connus au moment du jugement principal, d’autres conclusions que le tribunal. Il n’y a pas non plus motif à révision du seul fait que le tribunal paraît avoir mal interprété des faits connus déjà lors de la procédure principale. L’appréciation inexacte doit être, bien plutôt, la conséquence de l’ignorance ou de l’absence de preuve de faits essentiels pour le jugement (cf. ATF 127 V 353 consid. 5b et les références; cf. également arrêt 8F_2/2016 du 27 juin 2016 consid. 1).

Consid. 3
Aux termes de l’art. 124 al. 1 let. d LTF, une demande de révision fondée sur l’art. 123 al. 2 let. a LTF doit être déposée devant le Tribunal fédéral dans les 90 jours qui suivent la découverte du motif de révision, mais au plus tôt dès la notification de l’expédition complète de l’arrêt. En l’espèce, le requérant n’a eu connaissance du motif de révision invoqué qu’à réception du projet de décision daté du 29.02.2024. L’office AI lui indiquait qu’il entendait rejeter la nouvelle demande de prestations qu’il avait présentée en avril 2020, en l’informant qu’il ressortait de l’expertise rhumatologique diligentée auprès de la Dre B.__, spécialiste en médecine physique et réadaptation et en rhumatologie (rapport du 15.12.2023 et complément du 07.02.2024), qu’il existait potentiellement des faits nouveaux en relation avec la demande de prestations qu’il avait déposée en mai 2016. Agissant par acte du 29.05.2024, l’assuré a donc respecté le délai légal de 90 jours.

Consid. 4.1
À l’appui de sa demande de révision, le requérant invoque l’existence d’un moyen de preuve nouveau, à savoir le rapport d’expertise de la Dre B.__. Il expose que le médecin y a indiqué qu’un examen supplémentaire de scintigraphie osseuse SPECT-CT avait été effectué le 24.10.2023 et qu’il avait mis en évidence qu’il présentait une instabilité L5-S1 et une pseudarthrose de la cage depuis l’intervention de spondylodèse dorsale L5-S5 et fusion intercorporelle avec cage (TLIF) qu’il avait subie le 09.06.2016, dont le Dr C.__, spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie et médecin au SMR, n’avait pas eu connaissance lors de l’examen clinique rhumatologique qu’il avait réalisé le 06.09.2017. En se référant à l’avis de la Dre B.__, qui a été confirmé par le Dr D.__, médecin au SMR (rapport du 12.02.2024), le requérant affirme que ce nouveau diagnostic justifie de retenir une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée, avec une diminution de rendement de 10% depuis juin 2016, en lieu et place de la capacité de travail de 75% retenue à l’époque par le Dr C.__ depuis le 10.03.2017, tant dans l’activité habituelle de polisseur que dans une activité adaptée. Le requérant soutient que les faits mis en évidence par la Dre B.__ sont des faits nouveaux pertinents, de nature à modifier l’état de fait sur lequel il y a lieu de se fonder afin d’évaluer son taux d’invalidité. Il en déduit que si le Tribunal fédéral avait disposé d’un « état de fait complet » au moment de rendre l’arrêt 9C_146/2019 du 14.05.2019, le droit à « trois quarts de rente » lui eût été reconnu, avec pour conséquence qu’il eût admis le recours qu’il avait déposé contre l’arrêt du 21.01.2019.

Consid. 4.2 [résumé]
L’argumentation du requérant est mal fondée. Quoi qu’il en dise, le rapport d’expertise de la Dre B.__ et son complément ne sont pas un motif de révision de l’arrêt 9C_146/2019 du 14.05.2019, conformément à la jurisprudence précédemment rappelée (consid. 2 supra). En effet, selon celle-ci, il ne suffit pas, pour justifier la révision d’une décision, que l’expert tire ultérieurement, des faits connus au moment du jugement principal, d’autres conclusions que le tribunal. Autrement dit, la seule éventualité que les troubles de la personne assurée – connus et dont les conséquences ont été soigneusement examinées – soient qualifiés différemment ne constitue pas un fait pertinent au sens de la jurisprudence (cf. arrêt 9F_5/2014 du 8 mai 2014).

En l’espèce, l’état de santé de l’assuré était connu au moment où le Tribunal fédéral avait rendu l’arrêt 9C_146/2019 du 14.05.2019 et les conséquences de ses atteintes à la santé avaient été examinées. Un examen rhumatologique réalisé par le Dr C.__ avait diagnostiqué des lombosciatalgies chroniques et des discopathies, concluant à une capacité de travail totale avec une diminution de rendement de 25%. L’assuré avait également produit des rapports de ses médecins traitants mentionnant un « failed back surgery syndrome » et une incapacité totale de travail. Dans l’arrêt initial, le Tribunal avait noté que le Dr C.__ avait relativisé ce diagnostic, ses conclusions étant corroborées par celles du Dr E.__, neurologue.

Le rapport d’expertise de la Dre B.__, présenté comme motif de révision, ne concernait que l’appréciation des faits déjà établis et non l’établissement de nouveaux faits déterminants. Par conséquent, ce rapport ne constitue pas un motif de révision au sens de l’art. 123 al. 2 let. a LTF. La demande de révision est par conséquent mal fondée.

 

Le TF rejette la demande de révision de l’assuré.

 

Arrêt 9F_11/2024 consultable ici