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9C_523/2022 (f) du 30.03.2023 – Révision d’une rente d’invalidité / Obligation d’annonce de l’assuré – 31 LPGA – 77 RAI / Détermination du revenu sans invalidité selon la table ESS TA1 et non T1_b / Niv. de comp. 2 pour le revenu sans invalidité pour un carrossier indépendant

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_523/2022 (f) du 30.03.2023

 

Consultable ici

 

Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA

Obligation d’annonce de l’assuré / 31 LPGA – 77 RAI

Détermination du revenu sans invalidité selon la table ESS TA1 et non T1_b / 16 LPGA

Niveau de compétences 2 pour le revenu sans invalidité pour un carrossier indépendant

Frais d’expertise privée à charge de l’office AI / 45 LPGA

 

Assuré, né en 1973, a travaillé depuis 1998 comme carrossier à titre indépendant. Par décision du 19.03.2012, l’office AI lui a reconnu le droit à un quart de rente d’invalidité du 01.08.2006 au 31.08.2010, puis à une rente entière dès le 01.09.2010. Le droit à la rente a été confirmé par communication du 06.09.2013.

En 2015, après avoir eu connaissance de l’inscription au registre du commerce, en date du 18.06.2013, de la société B.__ SA, dont l’administrateur unique avec signature individuelle était l’assuré, l’office AI a initié une révision du droit à la rente. L’office AI a notamment soumis l’assuré à une expertise auprès d’un spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie. Il a ensuite supprimé la rente d’invalidité de l’assuré avec effet rétroactif au 01.06.2013 (décisions des 18.04.2017 et 12.05.2017).

Saisie d’un recours de l’assuré contre la décision du 18.04.2017, la juridiction cantonale l’a admis, après avoir notamment diligenté une expertise bidisciplinaire (médecine interne générale et en rhumatologie et psychiatrie et psychothérapie). Elle a annulé la décision litigieuse et renvoyé la cause à l’office AI pour qu’il procède au calcul du taux d’invalidité de l’assuré en 2013, puis rende une nouvelle décision sur le droit à des prestations de l’assurance-invalidité dès le 01.06.2013. Par décisions des 03.07.2020 et 28.07.2020, l’administration a reconnu le droit de l’assuré à trois quarts de rente à partir du 01.06.2013.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 224/20 & AI 272/20 – 300/2022 – consultable ici)

Par jugement du 03.10.2022, rejet par le tribunal cantonal du recours formé par l’assuré contre ces décisions.

 

TF

Consid. 4

Dans l’arrêt entrepris du 03.10.2022, les juges cantonaux ont examiné si le calcul du taux d’invalidité de l’assuré opéré par l’office AI était ou non critiquable. Ils ont d’abord confirmé le revenu d’invalide arrêté par l’office AI, dans sa décision du 03.07.2020, à 26’499 fr. 46 (en se référant aux salaires statistiques de l’Enquête suisse sur la structure des salaires [ESS] 2012, tableau TA1, niveau de compétence 1, après adaptation à la durée hebdomadaire moyenne usuelle dans les entreprises en 2013 [41,7 heures] et compte tenu d’une capacité de travail de 50% avec une baisse de rendement moyenne de 15% et d’un abattement de 5%). Ensuite, ils ont fixé le revenu de valide à 70’781 fr. 94 (et non à 73’508 fr., comme l’avait fait l’office AI en application de la méthode extraordinaire à la suite de sa décision du 19 mars 2012). Pour ce faire, la juridiction cantonale s’est fondée sur le tableau TA1 de l’ESS 2012, niveau de compétence 2 dans le secteur du commerce de gros et de la réparation d’automobiles (lignes 45-46 du TA1_skill_level, secteur privé), soit un salaire mensuel de 5’539 fr., qu’elle a adapté à la durée hebdomadaire moyenne usuelle de la branche considérée en 2013 [42,3 heures] et indexé à l’année 2013. Après comparaison des revenus avec et sans invalidité, il en résultait un taux d’invalidité de 63%, ouvrant le droit à trois quarts de rente depuis juin 2013.

 

Consid. 5.4
Le grief de l’assuré tiré de la « soi-disant » violation de son devoir d’informer l’office AI en lien avec l’inscription d’une société au registre du commerce en 2013 n’est pas davantage fondé. On rappellera qu’en vertu des art. 31 LPGA et 77 RAI, les assurés sont tenus de communiquer les activités exercées, en tout temps. Chaque assuré doit annoncer immédiatement toute modification de la situation susceptible d’entraîner la suppression, une diminution ou une augmentation de la prestation allouée, singulièrement une modification du revenu de l’activité lucrative, de la capacité de travail ou de l’état de santé lorsqu’il est au bénéfice d’une rente d’invalidité. Pareille obligation était d’ailleurs mentionnée dans la décision d’octroi de rente du 19.03.2012, ainsi que dans la communication du 06.09.2013 confirmant le droit de l’assuré à une rente entière d’invalidité.

En l’espèce, il n’appartenait pas à l’assuré de choisir les activités qu’il devait annoncer à l’office AI. Il ne pouvait en effet pas ignorer que l’exercice d’une activité, quelle qu’elle fût, était susceptible d’entraîner une nouvelle appréciation de ses capacités de travail et de gain, pouvant aboutir le cas échéant à une modification de la rente, ce qui s’est d’ailleurs produit à l’issue de l’instruction du cas. Le fait de créer une société anonyme, d’en être l’administrateur unique et de s’impliquer dans son fonctionnement, même à titre « occupationnel » et sans en retirer « un quelconque revenu » comme le soutient l’assuré, constituait des circonstances qui devaient être annoncées à l’office AI, dans la mesure où elles étaient susceptibles d’avoir une influence sur son droit aux prestations (cf. arrêts 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 7; 9C_107/2017 du 8 septembre 2017 consid. 5.1). Partant, en retenant que l’assuré avait contrevenu à son obligation de renseigner en n’informant pas l’office AI de la création de B.__ SA, avec pour conséquence qu’elle a confirmé, dans l’arrêt incident du 10.11.2016, qu’une éventuelle suppression ou diminution du droit à la rente pouvait prendre effet de manière rétroactive au 01.06.2013, en application de l’art. 88bis al. 2 let. b RAI, la juridiction cantonale n’a pas violé le droit.

Consid. 5.5
Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations de l’instance précédente, selon lesquelles l’assuré dispose d’une capacité de travail de 50% avec une diminution de rendement de 10 à 20% depuis 2013 et qu’une éventuelle suppression ou diminution du droit à la rente pourrait, selon le taux d’invalidité de l’assuré en 2013, prendre effet de manière rétroactive au 01.06.2013 (art. 88bis al. 2 let. b RAI), au vu de la violation de l’obligation de renseigner. Le recours est mal fondé sur ce point.

 

Consid. 6.2
Concernant d’abord le grief de l’assuré relatif au « Choix du tableau ESS« , on rappellera que selon la jurisprudence, les statistiques du tableau TA1, secteur privé, salaires bruts standardisés sont en principe déterminantes (ATF 126 V 75 consid. 7a; 124 V 321 consid. 3b/aa; arrêt 8C_128/2022 du 15 décembre 2022 consid. 6.2.1). En l’occurrence, les juges cantonaux ont considéré il n’y avait pas lieu d’appliquer la table T1_b, qui regroupe les données salariales des secteurs privés et publics confondus. En ce qu’il se limite à affirmer, en citant des extraits de jurisprudence, que « [t]out indique » qu’il faut appliquer le tableau T1_b, branche 45-47 « commerce, réparation d’automobiles », de l’ESS 2012, en tenant compte du niveau de compétence maximal, avec pour conséquence, selon lui, que le revenu de valide devait être fixé à 119’553 fr., l’assuré ne fait pas état de circonstances qui justifieraient de ne pas appliquer le TA1 de l’ESS 2012 en l’espèce. Il ne conteste en particulier pas les constatations cantonales selon lesquelles, avant ses problèmes de santé, il n’avait été actif que dans le secteur privé. Partant, le grief de l’assuré est mal fondé.

Consid. 6.3
L’assuré reproche également à la juridiction de première instance d’avoir pris comme référence le niveau de compétence 2 du TA1 de l’ESS 2012, dans le secteur du commerce de gros et de la réparation d’automobiles (lignes 45-46 du TA1_skill_level, secteur privé). Il soutient, en se référant à sa fonction de « chef d’entreprise avec deux employés », qu’un niveau de compétence plus élevé devait être retenu.

Consid. 6.3.1
Le choix du niveau de compétence est une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 143 V 295 consid. 2.4). A la suite des juges cantonaux, on rappellera que depuis la dixième édition de l’ESS 2012, les emplois sont classés par l’Office fédéral de la statistique (OFS) par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. Les critères de base utilisés pour définir le système des différents groupes de profession sont les niveaux et la spécialisation des compétences requis pour effectuer les tâches inhérentes à la profession (arrêt 8C_444/2021 du 29 avril 2022 consid. 4.2.3 et les arrêts cités). Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf grands groupes de professions (voir tableau T17 de l’ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l’expérience professionnelle (voir tableau TA1_skill_level de l’ESS 2012; ATF 142 V 178 consid. 2.5.3). Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (arrêt 8C_444/2021 précité consid. 4.2.3 et les arrêts cités).

Consid. 6.3.2
Selon les constatations de la juridiction cantonale, non contestées par l’assuré, il est titulaire d’un CFC de tôlier en carrosserie, effectuait tous types de travaux de carrosserie dans son entreprise, s’occupait des contacts, ainsi que des devis et factures, et avait deux employés. Cette activité coïncide avec la définition du niveau de compétence 2 (comp. arrêt 8C_444/2021 précité consid. 4.2.4). En ce qui concerne l’expérience professionnelle de plusieurs années dont peut se prévaloir l’assuré – sans formation commerciale ni autres qualifications particulières acquises pendant l’exercice de la profession -, elle ne justifie pas à elle seule un classement supérieur au niveau de compétence 2 (cf. arrêts 8C_581/2021 du 19 janvier 2022 consid. 4.4; 9C_148/2016 du 2 novembre 2016 consid. 2.2), comme l’ont dûment rappelé les juges cantonaux. Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter du revenu sans invalidité qu’ils ont arrêté à 70’781 fr. 94. Le recours est mal fondé sur ce point également.

 

Consid. 7.1
L’assuré se plaint finalement d’une violation de l’art. 45 LPGA, en ce que la juridiction cantonale n’a pas mis les frais d’établissement de l’expertise du docteur G.__ du 18.07.2016 (1’500 fr.) à la charge de l’office AI. Il fait valoir à cet égard que l’expertise privée « a joué un rôle déterminant dans la résolution du litige », puisque le docteur G.__ aurait démontré que les conclusions du docteur C.__ étaient en contradiction avec la doctrine médicale, et affirme que sans celle-ci, le Tribunal cantonal n’aurait pas mis en œuvre l’expertise judiciaire bidisciplinaire.

Consid. 7.2
Aux termes de l’art. 45 al. 1 LPGA, les frais de l’instruction sont pris en charge par l’assureur qui a ordonné les mesures; à défaut, l’assureur rembourse les frais occasionnés par les mesures indispensables à l’appréciation du cas ou comprises dans les prestations accordées ultérieurement. Selon la jurisprudence, les frais d’expertise font partie des frais de procédure. Les frais d’expertise privée peuvent être inclus dans les dépens mis à la charge de l’assureur social lorsque cette expertise était nécessaire à la résolution du litige (ATF 115 V 62 consid. 5c; arrêt 9C_519/2020 du 6 mai 2021 consid. 2.2 et les arrêts cités).

Consid. 7.3
En l’espèce, dans l’arrêt du 02.12.2019, la juridiction cantonale a rejeté la demande de l’assuré au motif que le rapport du docteur G.__ du 18.07.2016 n’avait pas permis d’établir de manière concluante l’état de fait médical en palliant un défaut d’instruction de la part de l’office AI. Or dans la mesure où elle a considéré qu’une expertise judiciaire « s’avérait nécessaire afin de départager l’avis du [docteur] G.__ de celui du [docteur] C.__ », il convient d’admettre que le rapport du docteur G.__ a joué un rôle déterminant dans la résolution du litige. Par conséquent, les frais relatifs à cette expertise doivent être imputés à l’office AI. Le recours est bien fondé sur ce point.

Etant donné l’issue de la procédure, qui repose sur une situation juridique claire et dans laquelle l’assuré obtient gain de cause sur un point très accessoire, il convient de renoncer à un échange d’écritures (art. 102 al. 1 LTF; cf. arrêt 9C_474/2021 du 20 avril 2022 consid. 6.4 et la référence).

 

Le TF admet très partiellement le recours de l’assuré, réformant le jugement cantonal réformé en ce sens que les frais de l’expertise du docteur G.__ du 18 juillet 2016 (1’500 fr.) sont mis à la charge de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_523/2022 consultable ici

 

9C_465/2022 (f) du 01.03.2023 – Trouble de l’adaptation en réaction à une pathologie organique – Pas considéré comme une maladie de longue durée / Pas d’influence d’une reconnaissance par les autorités espagnoles d’une « incapacité permanente absolue » – Degré d’invalidité déterminé exclusivement d’après le droit suisse

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_465/2022 (f) du 01.03.2023

 

Consultable ici

 

Nouvelle demande de prestations AI après précédents refus / 17 LPGA – 87 RAI

Trouble de l’adaptation en réaction à une pathologie organique (CIM-10 F43.2) – Pas considéré comme une maladie de longue durée et potentiellement invalidante

Pas d’influence d’une reconnaissance par les autorités espagnoles d’une « incapacité permanente absolue » – Degré d’invalidité déterminé exclusivement d’après le droit suisse

 

Assurée, ressortissante espagnole née en 1957, a travaillé (à temps partiel) comme couturière à Bâle jusqu’à la fin du mois de mai 1995. A la suite d’un premier refus de prestations de l’assurance-invalidité en 2002, l’assurée, entre-temps retournée dans son pays d’origine, a déposé une nouvelle demande en mars 2004. Celle-ci a été rejetée par l’office AI (décision du 01.07.2005, confirmée sur opposition le 03.03.2006 et par arrêt du TAF en 2008 et du TF en 2009 [arrêt 9C_486/2008]). En bref, il a considéré que l’assurée avait un statut mixte de personne active (à 91%) et de ménagère (à 9%), qu’il n’y avait pas d’incapacité de travail pour la part relative à l’exercice d’une activité professionnelle et que l’intéressée présentait un empêchement de 22% dans l’accomplissement des travaux ménagers; il en résultait un taux d’invalidité de 2%, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente.

En novembre 2017, l’assurée a présenté une troisième demande de prestations. Après avoir notamment soumis les rapports des médecins traitants de l’assurée à son Service médical, l’office AI a rejeté la demande, par décision du 14.01.2019. Il a considéré que l’exercice d’une activité lucrative à temps partiel et l’accomplissement des travaux habituels étaient toujours exigibles dans une mesure suffisante pour exclure le droit à une rente.

 

Procédure cantonale (arrêt C-950/2019 – consultable ici)

Par jugement du 12.08.2022, rejet du recours par le Tribunal administratif fédéral.

 

TF

Consid. 5.2
Contrairement à ce qu’allègue en premier lieu l’assurée, il n’est pas contesté qu’elle est atteinte de fibromyalgie et d’importantes autres pathologies. La juridiction de première instance a en effet rappelé qu’elle avait déjà constaté que l’intéressée souffrait notamment de polyarthrose modérée, d’une scoliose dorso-lombaire et d’une fibromyalgie dans l’arrêt qu’elle avait rendu le 22 avril 2008 et que ses constatations avaient été confirmées par le Tribunal fédéral (arrêt 9C_486/2008 du 8 janvier 2009 consid. 3). Par ailleurs, en ce qu’elle croit pouvoir déduire du seul fait qu’elle serait atteinte d’une maladie psychique le droit à des prestations de l’assurance-invalidité, l’assurée méconnaît la notion d’invalidité. L’élément déterminant réside bien plutôt dans le point de savoir si sa capacité de travail est, d’une façon ou d’une autre, entravée par des troubles psychiques ou par d’autres troubles somatiques. Or toute son argumentation s’épuise dans la démonstration – vaine, en l’absence d’incapacité de travail attestée – qu’elle est atteinte d’une maladie psychique.

Consid. 5.3
C’est également à tort que l’assurée se prévaut d’une nouvelle atteinte à la santé sous la forme d’un trouble de l’adaptation en réaction à une pathologie organique (CIM-10 F43.2). Cette atteinte à la santé ne peut en effet pas être considérée comme une maladie de longue durée et donc potentiellement invalidante (cf. arrêts 9C_210/2017 du 2 mai 2017 consid. 3.2; 9C_87/2017 du 16 mars 2017 et la référence), comme l’ont dûment exposé les premiers juges.

Consid. 5.5
C’est finalement en vain que l’assurée se prévaut d’une « problématique d’engrenage des conceptions de la typologie de la fibromyalgie et [du] syndrome de fatigue chronique entre l’Espagne et la Suisse » et qu’elle se réfère à une décision rendue le 22.12.2006 par un magistrat « del Jutjat Social nùméro 25 de Barcelona » (par laquelle elle a été reconnue « en situation d’incapacité permanente absolue » et mise au bénéfice de la prestation correspondante), ainsi qu’à une décision du 07.07.2008 du « Tribunal superior de justìcia Catalunya sala social » (par laquelle il a admis le recours formé contre la décision du 22.12.2006 par l’Institut national de la Sécurité sociale espagnole). Indépendamment de la question de leur recevabilité selon l’art. 99 al. 1 LTF, ces pièces ne sont en effet pas pertinentes pour l’issue du présent litige, parce que la reconnaissance par les autorités espagnoles compétentes d’une « incapacité permanente absolue » n’aurait pas d’influence sur l’examen du droit à une rente de l’assurance-invalidité suisse. Au consid. 1.2 de l’arrêt 9C_486/2008, le Tribunal fédéral a en effet déjà rappelé à l’assurée que le degré d’invalidité d’un assuré qui prétend une telle prestation est déterminé exclusivement d’après le droit suisse, même lorsque, comme en l’espèce, les dispositions de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681) sont applicables à la contestation devant les autorités suisses (ATF 130 V 253 consid. 2.4).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_465/2022 consultable ici

 

Clarifications concernant les bases légales à la prise en charge par l’AI de mesures médicales pour les enfants atteints d’une infirmité congénitale

Clarifications concernant les bases légales à la prise en charge par l’AI de mesures médicales pour les enfants atteints d’une infirmité congénitale

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 27.04.2023 consultable ici

 

Depuis 2022, le règlement sur l’assurance-invalidité (RAI) exige que l’AI se réfère, pour la prise en charge des moyens et appareils utilisés pour le diagnostic et le traitement d’infirmités congénitales chez les enfants, à la liste des moyens et appareils (LiMA) de l’assurance-maladie obligatoire. L’objectif de cette nouvelle disposition est de garantir un traitement efficace, adéquat et économique des infirmités congénitales. Selon l’évaluation de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS), il s’avère que les bases légales à cette disposition sont insuffisantes. C’est pourquoi le RAI doit être révisé au plus vite afin de prévoir expressément la prise en charge au cas par cas de prix et prestations divergeant de la LiMA.

Ces dernières semaines, environ 326 familles ont reçu une ou plusieurs factures pour des soins prodigués à leur enfant atteint d’une infirmité congénitale, soins jusque-là pris en charge par l’AI. En effet, un prestataire fournissant des appareils de diagnostic et de traitement refuse d’aligner ses prix sur les montants maximaux de remboursement prévus dans la LiMA. Ce prestataire a facturé aux familles concernées la différence entre ses prix et les montants maximaux en question. Cette pratique a suscité inquiétudes et désagréments chez ces familles, au grand regret de l’OFAS.

L’OFAS a immédiatement réagi en s’assurant que les familles soient déchargées de tout supplément de coût et a fait le nécessaire pour que l’AI continue de prendre en charge la totalité des frais des examens et des soins indispensables à leur enfant. Le 14.04.2023, il a chargé les offices AI de contacter et de rembourser (rétroactivement si nécessaire) les familles devant assumer le supplément de coût mentionné ici. Dans les cas médicalement justifiés, la prise en charge du coût de moyens, d’appareils, de prestations et de fournitures ne figurant pas dans la LiMA est également maintenue.

 

Bases légales à l’utilisation de la LiMA dans l’AI jugées insuffisantes

Un examen du cadre juridique par l’OFAS et l’Office fédéral de la justice (OFJ) a permis d’établir que le renvoi à la LiMA dans le règlement sur l’assurance-invalidité adopté par le Conseil fédéral le 3 novembre 2021 ne constitue pas une base légale suffisante. Si l’utilisation de la LiMA en tant que référence pour l’application des critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité (critères EAE) à la prise en charge du coût des moyens et appareils est justifiée, l’application de la liste est réglementée de manière trop restrictive. Il devrait être possible de procéder à tout moment à un examen au cas par cas dans la décision de prise en charge d’appareils ne figurant pas dans la liste. C’est dans ce sens que l’OFAS prépare une révision du RAI. Par ailleurs, il examine également si une convention tarifaire permettrait de clarifier la réglementation.

 

Liste des moyens et appareils (LiMA)

La LiMA énumère les moyens et appareils prescrits par un médecin, utilisés par l’assuré lui-même, par un intervenant non professionnel impliqué dans l’examen ou le traitement, par une structure de soins de jour, par une organisation d’aide et de soins à domicile ou par une infirmière ou un infirmier dans le cadre de soins au sens de l’art. 25a LAMal, et dont le coût est pris en charge par l’assurance obligatoire des soins (AOS). La LiMA comporte approximativement 750 positions et couvre environ 35 000 produits. Entre 2016 et 2021, elle a fait l’objet d’une révision dans laquelle la conformité aux critères EAE de chaque moyen et appareil a été examinée avec le concours d’un groupe d’experts. Conformément à la procédure fixée par la loi, la modification et l’ajout de positions à la LiMA s’effectuent, après audition de la Commission fédérale des analyses, moyens et appareils (CFAMA), par une décision du Département fédéral de l’intérieur (DFI).

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 27.04.2023 consultable ici

Chiarimento della base giuridica per il rimborso da parte dell’AI dei provvedimenti sanitari destinati ai bambini con infermità congenite, Comunicato stampa dell’UFAS del 27.04.2023 disponibile qui

Rechtsgrundlage der IV für die Vergütung von medizinischen Massnahmen bei Kindern mit Geburtsgebrechen geklärt, Medienmitteilung des BSV vom 27.04.2023 hier verfügbar

 

Hausse des salaires nominaux de 0,9% en 2022 et baisse des salaires réels de 1,9%

Hausse des salaires nominaux de 0,9% en 2022 et baisse des salaires réels de 1,9%

 

Communiqué de presse de l’OFS du 24.04.2023 consultable ici

 

L’indice suisse des salaires nominaux a augmenté en moyenne de 0,9% en 2022 par rapport à 2021. Il s’est ainsi établi à 100,7 points (base 2020 = 100). Compte tenu d’un taux d’inflation annuel moyen de +2,8%, les salaires réels ont baissé de 1,9% (97,3 points, base 2020 = 100).

 

Nous vous rappelons l’importance de l’indexation dans la détermination du revenu d’invalide mais également du revenu sans invalidité en cas d’utilisation de l’ESS.

Notre page « Evolution des salaires » a été mise à jour, dans laquelle vous trouverez tous les liens pour l’indexation de 1993 à 2022.

 

 

Communiqué de presse de l’OFS du 24.04.2023 consultable ici

 

L’assurance-invalidité garantit le remboursement et la qualité des soins aux enfants atteints d’infirmités congénitales

L’assurance-invalidité garantit le remboursement et la qualité des soins aux enfants atteints d’infirmités congénitales

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.04.2023 consultable ici

 

Le remboursement par l’assurance-invalidité des moyens et appareils permettant de diagnostiquer et de traiter les infirmités congénitales chez les enfants a récemment suscité un degré d’incertitude. Pour éviter des frais supplémentaires à la charge des familles concernées, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) a mis en place une solution transitoire. Les offices AI cantonaux en ont été informés et l’OFAS clarifie à présent les prochaines étapes.

De nombreuses familles ayant un enfant atteint d’une infirmité congénitale ont reçu ces dernières semaines une ou plusieurs factures pour les moyens et appareils utilisés dans le diagnostic et le traitement de la maladie de leur enfant, frais qui étaient jusque-là pris en charge par l’AI. L’explication en est les prix trop élevés d’un prestataire, qui facture des sommes supérieures aux montants maximaux de remboursement.

 

Les produits pris en charge doivent être efficaces, adéquats et économiques

L’assurance-invalidité et l’assurance obligatoire des soins (AOS) prennent en charge les prestations figurant dans la liste des moyens et appareils (LiMA). Cette liste a fait, depuis 2016, l’objet d’une révision complète dans laquelle la conformité aux critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité (critères EAE) de chaque moyen et appareil a été examinée avec le concours d’un groupe d’experts. Les prestations prises en charge par l’AOS et l’AI doivent en effet répondre à ces critères.

Certains moyens et appareils ont été rajoutés à la liste pour les cas de nécessité prouvée chez les enfants. Par ailleurs, certains tarifs étaient trop élevés et les montants maximaux de remboursement correspondants ont été revus à la baisse. Certaines de ces adaptations concernent des moyens et appareils utilisés dans le diagnostic et le traitement d’infirmités congénitales chez les enfants, comme des appareils d’inhalation et de respiration ou des moniteurs de surveillance de la saturation en oxygène et de l’activité cardiaque.

Les prestataires commercialisant de tels appareils doivent donc modifier leurs prix en fonction de ces adaptations. Cependant, un prestataire n’a pas fait le nécessaire et il lui est arrivé à plusieurs reprises de facturer à l’AI le montant maximal de remboursement et aux assurés, la différence entre le montant remboursé et le prix pratiqué. Selon l’OFAS, environ 400 familles sont affectées par cette pratique. L’AI prend actuellement en charge le remboursement de moyens et appareils pour environ 6000 enfants atteints d’une infirmité congénitale.

 

Les personnes concernées ne doivent subir aucune conséquence qualitative ni pécuniaire

Pour l’AI, il est primordial que les enfants concernés continuent de bénéficier des soins appropriés et que les familles ne subissent aucune conséquence qualitative ni pécuniaire. C’est pourquoi l’OFAS a adopté vendredi 14 avril 2023 des mesures réglementaires garantissant la prise en charge par l’AI et la qualité des soins aux enfants concernés par cette situation.

L’AI continuera jusqu’à nouvel avis de prendre en charge les coûts excédant le montant maximal de remboursement. Les décisions existantes de l’AI restent en vigueur. Dans les cas de nécessité médicalement prouvée, l’AI prendra également en charge les moyens et appareils, services et fournitures ne figurant pas sur la LiMA, ainsi que la mise à disposition rapide d’appareils de remplacement en cas de panne, lorsque leur nécessité est attestée par un médecin spécialiste.

 

Les familles concernées seront contactées par leur office AI

L’OFAS a demandé aux offices AI de contacter les familles concernées dans les jours qui viennent pour les informer de cette pratique. Les offices AI apporteront aux familles le soutien nécessaire pour passer à un prestataire offrant les produits ou services requis et pratiquant des tarifs en ligne avec les montants maximaux de remboursement de l’AI. Selon les investigations menées par l’OFAS, des moyens et appareils de qualité équivalente et conformes à la tarification de la LiMA sont disponibles sur le marché. Les familles concernées peuvent adresser leurs questions directement à leur office AI.

L’OFAS se chargera maintenant de clarifier différentes questions, telles que l’application de la LiMA dans les cas d’infirmités congénitales ainsi que les tarifs pratiqués par certains prestataires.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 20.04.2023 consultable ici

L’assicurazione invalidità garantisce il rimborso e la qualità dei mezzi e degli apparecchi forniti ai bambini con infermità congenite, Comunicato stampa dell’UFAS del 20.04.2023 disponibile qui

Die IV sichert die Vergütung und Qualität der Versorgung von Kindern mit Geburtsgebrechen, Medienmitteilung des BSV vom 20.04.2023 hier verfügbar

 

AI : Amélioration souhaitée de la méthode d’évaluation des revenus à comparer – Proposition d’un abattement forfaitaire de 10%

AI : Amélioration souhaitée de la méthode d’évaluation des revenus à comparer – Proposition d’un abattement forfaitaire de 10%

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 05.04.2023 consultable ici

 

Pour les assurés dont il est impossible de comparer les revenus effectifs avant et après la survenance de l’invalidité, la méthode d’évaluation du taux d’invalidité doit être améliorée. Lors de sa séance du 05.04.2023, le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation sur une modification du règlement sur l’assurance-invalidité en ce sens, procédure qui s’achèvera le 05.06.2023. Les revenus hypothétiques employés jusqu’ici, critiqués parce que trop élevés, seraient réduits en appliquant une déduction forfaitaire de 10% pour tenir compte des limitations rencontrées sur le marché du travail par les personnes handicapées. Cette adaptation conduirait à une augmentation des rentes AI. Requise de manière urgente par le Parlement, l’élaboration de nouveaux barèmes salariaux tenant compte de l’invalidité s’avère très longue et compliquée et n’est pour le moment pas réalisable. En revanche, l’adaptation proposée par le Conseil fédéral pourrait entrer en vigueur dès début 2024 avec l’effet escompté.

 

Le taux d’invalidité est déterminant pour le montant d’une rente AI. Il est calculé en comparant le revenu qu’une personne réalisait avant la survenance de l’invalidité avec celui qu’elle réalise une fois invalide. Exprimée en pourcentage, cette différence donne le taux d’invalidité. Si une personne invalide ne réalise pas de revenu, il faut déterminer quel revenu elle serait théoriquement en mesure d’obtenir compte tenu de sa situation. Pour ce faire, on se base sur les données de l’Office fédéral de la statistique (OFS) couvrant de nombreuses professions à différents niveaux de compétence. Ces données reflètent les revenus des personnes sans invalidité, qui ont tendance à être plus élevés que ceux que peuvent obtenir les personnes handicapées.

Or, si la comparaison des revenus est basée sur un revenu hypothétique trop élevé, il en résulte une différence trop faible avec le revenu réalisé avant l’invalidité, et donc un taux d’invalidité trop bas. Ainsi, la rente octroyée est, elle aussi, trop basse ; dans certains cas limites, l’assuré peut même perdre complètement le droit à une rente. La réforme de l’AI entrée en vigueur en 2022 a déjà permis de remédier en partie à ce problème. Afin de le corriger encore mieux, la modification du règlement sur l’assurance-invalidité (RAI) proposée par le Conseil fédéral prévoit que, lors de la comparaison des revenus, une déduction forfaitaire de 10% soit appliquée au revenu hypothétique tiré des données de l’OFS. Ce pourcentage est basé sur une estimation faite dans le cadre d’une étude du bureau BASS en 2021. Ce modèle alternatif permet d’obtenir l’effet souhaité par le Parlement. Il se base sur des méthodes statistiques reconnues, tient compte de l’état actuel de la recherche, est facile à appliquer et pourrait être mis en œuvre dès début 2024 et ne nécessite pas d’adaptations régulières importantes.

 

Les rentes en cours également concernées

Cette méthode s’appliquera à toute nouvelle rente AI octroyée à une personne sans revenu d’invalide. Les rentes en cours, elles, devront être révisées par les offices AI dans un délai de deux ans. Ce changement concerne uniquement les quelque 30’000 bénéficiaires sans revenu qui ne touchent pas actuellement de rente entière (donc, dont le taux d’invalidité est inférieur à 70%).

 

Conséquences financières pour l’AI et les autres assurances sociales

Selon une estimation grossière, le coût supplémentaire attendu pour l’AI s’élève à 85 millions de francs par an. Par ailleurs, un plus grand nombre de personnes dont le taux d’invalidité ne suffit pas pour obtenir une rente auront désormais droit à des mesures de reclassement. Le coût supplémentaire engendré est difficile à estimer de manière fiable.

Pour ce qui est des prestations complémentaires (PC), l’augmentation des rentes AI permettra d’une part de faire des économies. Néanmoins, étant donné qu’un plus grand nombre de personnes auront droit à une rente et donc potentiellement aussi à des PC, ce changement entraînera également des dépenses supplémentaires. Estimé à 23 millions de francs par an, ce coût sera assumé aux 5/8 par la Confédération et aux 3/8 par les cantons. D’après une estimation approximative, le coût supplémentaire pour la prévoyance professionnelle pourrait s’élever à environ 20 millions de francs par an.

 

Modification de l’art. 26bis al. 3 RAI

Une déduction de 10% est opérée sur la valeur statistique visée à l’al. 2. Si, du fait de l’invalidité, l’assuré ne peut travailler qu’avec une capacité fonctionnelle au sens de l’art. 49, al. 1bis, de 50% ou moins, une déduction supplémentaire de 10% est opérée.

 

Rapport explicatif du 5 avril 2023 pour la procédure de consultation

Rapport explicatif du 5 avril 2023 pour la procédure de consultation

Proposition de nouvelle réglementation pour l’évaluation du taux d’invalidité

Afin de déterminer s’il existe un droit à une rente et, si oui, à quel montant elle s’élève, il faut calculer le taux d’invalidité. La notion d’invalidité a un sens économique : elle renvoie au pourcentage de perte de gain subie. Le revenu réalisé avant la survenance de l’invalidité (revenu sans invalidité) est comparé avec celui pouvant encore être perçu avec l’atteinte à la santé (revenu avec invalidité). Lors du calcul du taux d’invalidité, l’AI se base ainsi sur les revenus avec et sans invalidité pour pouvoir déterminer le pourcentage de perte de gain, c’est-à-dire, si possible, sur le revenu effectif réalisé par la personne avant la survenance de l’invalidité et sur celui qu’elle touche dans sa nouvelle activité avec atteinte à la santé. Faute de revenus effectifs, l’AI doit tout de même utiliser des revenus de référence avec et sans invalidité ; elle se fonde alors sur des valeurs statistiques. Elle utilise pour cela l’ESS. Elle en tire le revenu que la personne assurée pourrait toucher dans une activité raisonnablement exigible d’elle sur un marché du travail équilibré, et celui auquel elle aurait pu prétendre compte tenu de sa formation avant d’être atteinte dans sa santé.

Concrètement, cela signifie que les médecins du service médical régional (SMR) compétent pour l’assurance-invalidité doivent procéder à une évaluation complète de la capacité fonctionnelle restante de l’assuré en se basant sur les rapports des médecins traitants, le cas échéant sur leurs propres examens et, au besoin, sur les expertises de médecins spécialistes. Ils prennent pour cela en compte tous les facteurs médicaux limitant la capacité fonctionnelle, mais aussi, depuis le 1er janvier 2022, les limitations dues à l’atteinte à la santé. Autrement dit, toute limitation quantitative ou qualitative due à l’invalidité lors de l’exercice d’une activité lucrative (par ex. le besoin de davantage de pauses, des limites d’effort, un ralentissement en comparaison avec une personne en bonne santé, etc.) est évaluée et consignée. Ainsi, la capacité fonctionnelle est déterminée tant à partir des facteurs médicaux que des limitations qualitatives et quantitatives dues à l’atteinte à la santé ; elle est prise en compte dans le calcul du revenu avec invalidité.

[…]

Il est important de souligner que l’OFS a soumis les données relevées pour les barèmes ESS 2020 à un contrôle de plausibilité amélioré. Ce contrôle a permis d’une part de corriger les valeurs aberrantes telles que celles du secteur des assurances en 2018. D’autre part, il a entraîné la baisse des valeurs médianes du tableau TA1_tirage_skill_level pour le niveau de compétence 1 – qui est aussi le plus utilisé – en 2020 par rapport à 2018. Ainsi, le salaire médian des hommes de niveau de compétence 1 est passé de 5417 francs en 2018 à 5261 francs en 2020. Le salaire médian des femmes, lui, est passé de 4371 francs en 2018 à 4276 francs en 2020. Tous les calculs effectués avec valeurs médianes nouvellement plus basses entraîne d’ores et déjà des taux d’invalidité plus élevés qu’auparavant.

 

Mise en oeuvre

Une modification des dispositions légales se répercute en principe aussi sur les pres-tations en cours, sous réserve de dispositions transitoires contraires (ATF 121 V 157, consid. 4a). Afin de garantir l’égalité de traitement entre tous les assurés, l’adaptation des rentes en cours doit être réglée par une disposition transitoire.

[…]

En principe, il faut s’attendre à ce que la capacité fonctionnelle des assurés soit redéfinie par le SMR dans de nombreux cas et que de nombreux assurés soient soumis à une nouvelle expertise, ce qui augmentera de manière significative le nombre d’expertises et, par conséquent, les délais d’attente. Avec l’augmentation inattendue du nombre de révisions de rentes suite à la motion, un plus grand nombre d’assurés verront leur taux d’invalidité augmenter et passeront donc au système de rentes linéaire plus tôt que ne le prévoyaient les dispositions transitoires du Développement continu de l’AI.

[…]

Les personnes dont la demande de rente a déjà été refusée ne feront pas l’objet d’un examen automatique selon les nouvelles dispositions. Les assurés concernés devront eux-mêmes faire une nouvelle demande qui sera soumise aux dispositions du règlement dans son ensemble.

 

Commentaire de la modification de l’art. 26bis al. 3 RAI

Le revenu avec invalidité (anciennement «revenu d’invalide») est toujours déterminé sur la base des valeurs médianes des barèmes ESS utilisés jusqu’ici ; en revanche, une déduction forfaitaire est opérée sur la valeur statistique ainsi obtenue. Cette déduction vise à compenser le fait qu’il est plus difficile pour une personne atteinte dans sa santé de réaliser un tel revenu. Elle s’élève à 10% pour tous les types d’atteinte à la santé. Cela permet de garantir l’égalité de traitement de tous les assurés, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes et qu’ils soient atteints d’un handicap physique, psychique ou cognitif.

En plus de la déduction forfaitaire en raison de la difficulté de réalisation du revenu découlant les tabelles ESS en raison de l’invalidité, une déduction pour travail à temps partiel continue à être octroyée si l’assuré n’a plus qu’une capacité fonctionnelle de 50% ou moins. Cette déduction est maintenue à 10%, ce qui signifie que dans de tels cas, la déduction totale opérée sur la valeur statistique s’élève à 20%.

 

Conséquence pour la prévoyance professionnelle

Les prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle sont calculées sur la base du taux d’invalidité établi par l’assurance-invalidité. Si les taux d’invalidité calculés par l’AI sont plus élevés, les rentes servies par la prévoyance professionnelle augmenteront en conséquence, ainsi que leur nombre. Il faut cependant rappeler ici que les prestations de la prévoyance professionnelle sont réduites en cas de surindemnisation. En outre, les institutions de prévoyance disposent d’une grande marge de manoeuvre dans la partie surobligatoire et peuvent décider dans quelle mesure elles veulent répercuter dans ce domaine une augmentation du taux d’invalidité qui n’est contraignante que pour le régime obligatoire. Les estimations qui suivent ne donnent donc qu’un ordre de grandeur approximatif du supplément de coût.

Le montant annuel total des rentes d’invalidité versées par la prévoyance professionnelle (régime surobligatoire compris) s’élevait environ à 1,9 million de francs en 2020. Partant de l’hypothèse selon laquelle le taux d’invalidité est basé sur un salaire statistique dans deux tiers des cas, la somme des rentes versées par la prévoyance professionnelle augmenterait d’une valeur estimée à 1.1 % avec une déduction forfaitaire du revenu avec invalidité de 10 %, ce qui correspond à un montant d’environ 20 millions de francs par an.

 

Conséquence pour l’assurance-accidents et l’assurance militaire

Faute d’une norme de délégation suffisante, la nouvelle déduction forfaitaire introduite dans l’assurance-invalidité ne peut pas être déclarée applicable, au niveau d’ordonnance, à l’assurance-accidents et l’assurance militaire. Il reviendra finalement à la jurisprudence de déterminer si, même en l’absence d’une disposition correspondante, la déduction forfaitaire peut également s’appliquer dans l’assurance-accidents et l’assurance militaire.

Lorsqu’il existe une rente de l’assurance-invalidité, l’assurance-accidents ne verse qu’une rente complémentaire. Il en résultera des économies pour l’assurance-accidents si l’assurance-invalidité verse de nouvelles rentes AI ou des rentes plus élevées. Il n’est actuellement pas possible d’estimer le montant des économies qui seront réalisées par l’assurance-accidents.

 

 

Remarques personnelles

Le conseiller fédéral Alain Berset avait déjà évoqué cette possibilité d’un abattement forfaitaire lors de la séance du 14.12.2022 au Conseil national (cf. notre article ici).

Comme le souligne le rapport explicatif du 5 avril 2023 pour la procédure de consultation, la modification est réalisée dans le cadre du RAI, excluant l’assurance-accidents et l’assurance militaire. A la lecture de ce rapport, on peut s’étonner de l’absence de volonté d’une harmonisation de la notion de l’incapacité de gain et de l’invalidité ainsi que de leur calcul. Il aurait été plus judicieux de procéder à une modification dans l’OPGA. Cette situation est inconfortable pour l’ensemble des parties (assurés, avocats, administrations, tribunaux).

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 05.04.2023 consultable ici  

Migliore confronto dei salari per le persone con invalidità, Comunicato stampa del Consiglio federale, 05.04.2023, disponibile qui

Modifica di ordinanza e rapporto esplicativo per l’indizione della procedura di consultazione

Verbesserter Lohnvergleich für Menschen mit Invalidität, Medienmitteilung des Bundesrats, 05.04.2023, hier verfügbar

Verordnungsänderung und erläuternder Bericht zur Eröffnung des Vernehmlassungsverfahrens

 

 

 

Modifié le 05.04.2023 – 18h20, le rapport explicatif étant désormais disponible

 

9C_526/2022 (f) du 01.02.2023 – Preuve du dépôt du recours dans le délai des 30 jours / 48 LTF – 100 LTF / Rappel par le TF des moyens de preuve du respect du délai en cas de doute

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_526/2022 (f) du 01.02.2023

 

Consultable ici

 

Preuve du dépôt du recours dans le délai des 30 jours / 48 LTF – 100 LTF

Rappel par le TF des moyens de preuve du respect du délai en cas de doute

Etiquette « Recommandé Prepaid » – Témoignage de l’apprentie de l’étude n’est pas une preuve stricte du dépôt du mémoire de recours à la Poste suisse dans le délai légal

 

TF

Consid. 2
Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification complète de l’expédition (art. 100 al. 1 LTF). Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l’attention de ce dernier, à La Poste suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).

Un recours est présumé avoir été déposé à la date ressortant du sceau postal (ATF 147 IV 526 consid. 3.1; 142 V 389 consid. 2.2). En cas de doute, la preuve du respect du délai doit être apportée par celui qui soutient avoir agi en temps utile au degré de la certitude et non simplement au degré de la vraisemblance prépondérante; elle résulte en général de preuves « préconstituées » (sceau postal, récépissé d’envoi recommandé ou encore accusé de réception en cas de dépôt pendant les heures de bureau); la date d’affranchissement postal ou le code à barres pour lettres, avec justificatif de distribution, imprimés au moyen d’une machine privée ne constituent en revanche pas la preuve de la remise de l’envoi à la poste. D’autres modes de preuves sont toutefois possibles, en particulier l’attestation de la date de l’envoi par un ou plusieurs témoins mentionnés sur l’enveloppe; la présence de signatures sur l’enveloppe n’est pas, en soi, un moyen de preuve du dépôt en temps utile, la preuve résidant dans le témoignage du ou des signataires; il incombe dès lors à l’intéressé d’offrir cette preuve dans un délai adapté aux circonstances, en indiquant l’identité et l’adresse du ou des témoins (arrêt 6F_20/2022 du 24 août 2022 consid. 1.1 et les arrêts cités).

Consid. 3
Le jugement attaqué a été notifié à son destinataire le 12.10.2022. Le délai de recours de trente jours (art. 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF) est ainsi arrivé à échéance vendredi 11.11.2022.

Le mémoire de recours, daté de ce jour-là, est parvenu par voie postale au Tribunal fédéral le lundi suivant. L’enveloppe ayant contenu le mémoire ne porte pas de cachet postal, mais uniquement une étiquette « Recommandé Prepaid » (n° yyy), apposée par la partie recourante. Aucune déclaration d’un témoin qui aurait pu attester du moment et du lieu du dépôt n’y est apposée (cf. ATF 147 IV 526 consid. 3.1). D’après le suivi des envois de la Poste, le pli a été trié la première fois par la Poste le dimanche 13.11.2022 à 20h09.

Invité à s’exprimer sur le respect du délai de recours, l’avocat a allégué que le recours avait été posté le vendredi 11.11.2022 aux alentours de 17h05, dans la boîte aux lettres de la Poste sise à la Place de la Riponne, à Lausanne, dont l’horaire de levée est 18h30, étant précisé qu’il n’y a pas de levée le samedi ou le dimanche (selon un extrait du site internet de la Poste qu’il a produit). Il a également déposé un courriel adressé à ses clients le 11.11.2022 à 16h23, contenant le recours en pièce jointe. L’avocat a encore remis une déclaration de son apprentie qui certifie avoir déposé le recours comme indiqué ci-avant. Il a ajouté un courriel de la Poste qui indiquait que la boîte aux lettres jaune avait été relevée le 13.11.2022; dans cette communication, la Poste le priait de déposer ses recommandés au guichet où la réception serait directement enregistrée.

Consid. 4
Le témoignage de l’apprentie de l’Etude ne saurait valoir preuve stricte du dépôt du mémoire de recours à la Poste suisse dans le délai légal. D’une part, ce témoignage a été fourni seulement en cours de procédure. D’autre part, pareille déclaration est sujette à caution, en raison notamment du rapport de subordination qui existe avec l’employeur.

Compte tenu de l’importance de l’envoi et du risque encouru par l’avocat (cf. ATF 147 IV 526 consid. 3.1), on peut s’interroger sur le fait d’avoir déposé un pli recommandé prépayé dans une boîte aux lettres de la Poste à la Place de la Riponne à 17h05, alors que les guichets y étaient ouverts jusqu’à 18h00. En outre, aucun dysfonctionnement des services postaux n’est établi, car l’allégué de la Poste relatif aux circonstances du dépôt du recours (temps et lieu) n’indique pas qu’il n’y a pas eu de levée le 11.11.2022 à 18h30, contrairement à ce que le mandataire des recourants semble affirmer. Dès lors que le mémoire de recours a pu être remis à la Poste aussi bien le 11, 12 ou 13 novembre 2022, dans une boîte aux lettres sise à la Place de la Riponne ou ailleurs, la date de son dépôt est incertaine.

Comme la preuve stricte du respect du délai du recours n’est pas rapportée, le recours doit être déclaré irrecevable pour cause de tardiveté (art. 48 al. 1 et 100 al. 1 LTF), en procédure simplifiée (art. 108 al. 1 let. a LTF).

 

Arrêt 9C_526/2022 consultable ici

 

9C_611/2021 (f) du 21.11.2022 – Revenu sans invalidité selon ESS TA1 – Deux professions définies séparément dans la classification internationale type des professions (CITP-08) – 16 LPGA / Augmentation du taux d’activité non retenue au degré de la vraisemblance prépondérante

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_611/2021 (f) du 21.11.2022

 

Consultable ici

 

Revenu sans invalidité selon ESS TA1 – Deux professions définies séparément dans la classification internationale type des professions (CITP-08) / 16 LPGA

Revenu sans invalidité fixé sur la moyenne des revenus perçus lors des cinq années qui ont précédé l’atteinte à la santé puis indexée

Augmentation du taux d’activité non retenue au degré de la vraisemblance prépondérante

 

Assurée, titulaire d’un diplôme de comédienne, a travaillé, parallèlement à son activité de comédienne, en dernier lieu pour une association comme enseignante de théâtre, de danse et de yoga environ douze heures par semaine (du 20.09.2011 au 30.06.2012). En arrêt de travail depuis le 24.05.2012, elle a déposé une demande AI le 14.02.2013.

En se fondant sur l’avis du spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et médecin traitant, l’office AI a mis en œuvre différentes mesures de réadaptation d’ordre professionnel, dont le reclassement professionnel de l’assurée comme assistante de direction à 50% à compter du 06.04.2016. Au terme de sa formation, l’assurée a été engagée comme assistante marketing et communication à un taux d’activité de 45% dès le 01.09.2018.

L’office AI a octroyé à l’assurée une rente entière de l’assurance-invalidité du 01.08.2013 au 30.11.2018, puis une demi-rente d’invalidité dès le 01.12.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 285/21 ap. TF – 309/2021 – consultable ici)

Par jugement du 14.10.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
La juridiction cantonale a constaté que l’assurée avait durablement retrouvé une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée à ses restrictions fonctionnelles dès le mois de décembre 2015. Elle a fixé le revenu avec invalidité à l’issue du reclassement professionnel en 2018 de l’assurée à 28’445 fr. (ESS 2018, tableau TA1_skill_level, lignes 77, 79-82 « services administratifs », niveau de compétence 2 [« Tâches pratiques »], durée hebdomadaire de travail de 41,7 heures, abattement de 5%). En ce qui concerne le revenu sans invalidité de l’année 2018, la cour cantonale l’a fixé à 64’551 fr. (ESS 2018, tableau TA1_skill_level, ligne 90-93 « arts, spectacles et activités récréatives », niveau de compétence 2, durée hebdomadaire de travail de 41,7 heures). Le degré d’invalidité s’élevait dès lors à 56% (55,93%), donnant droit à une demi-rente d’invalidité dès le 01.12.2018, soit trois mois après la fin du reclassement professionnel.

 

Consid. 4.1
Pour déterminer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que la personne assurée aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant si elle n’était pas devenue invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. C’est pourquoi il se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l’assuré avant l’atteinte à la santé, en posant la présomption qu’il aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité (ATF 144 I 103 consid. 5.3; 139 V 28 consid. 3.3.2; arrêt 8C_934/2015 du 9 mai 2016 consid. 2.2 et les références). Le salaire réalisé en dernier lieu par l’assuré comprend tous les revenus d’une activité lucrative (y compris les gains accessoires, la rémunération des heures supplémentaires effectuées de manière régulière) soumis aux cotisations à l’assurance-vieillesse et survivants (AVS; arrêt 8C_289/2021 du 3 février 2022 consid. 3.1.2 et la référence).

Consid. 4.2
En l’espèce, la juridiction cantonale a constaté, de manière à lier le Tribunal fédéral, que l’assurée était comédienne et dispensait parallèlement à cette activité des cours dans le domaine artistique (théâtre, danse et yoga) au moment de la survenance de son atteinte à la santé. A l’inverse de ce que la juridiction cantonale a retenu, il ne s’agit pas là d’un ensemble d’emplois dont les principales tâches se caractérisent par un degré élevé de similarité, mais de deux professions définies séparément dans la classification internationale type des professions (CITP-08).

La ligne 85 de l’ESS 2018 (enseignement) comprend ainsi l’enseignement culturel, soit les activités de formation dans le domaine des arts, du théâtre et de la musique (branche 855200). Les structures dispensant ce type de formation (écoles, ateliers, classes, etc.) offrent des cours formellement organisés, principalement à des fins récréatives, de loisirs ou de développement personnel, et ces cours ne débouchent pas sur un diplôme professionnel.

L’activité de comédienne est intégrée, pour sa part, dans les activités « Arts, spectacles et activités récréatives » de la ligne 90 de l’ESS 2018, laquelle comprend les prestations de services en vue de répondre aux intérêts des clients en matière de culture et de divertissement, singulièrement la fourniture de compétences artistiques, créatives et techniques nécessaires à la production de spectacle et de produits artistiques (branche 900101 [troupes de théâtre et de ballet]).

Consid. 4.3
La juridiction cantonale ne pouvait par conséquent pas se fonder sur la ligne 90 de l’ESS 2018 pour déterminer le revenu sans invalidité de l’assurée pour l’année 2018. Selon les faits constatés par les juges cantonaux, l’assurée a en revanche perçu de ses différentes activités un revenu annuel (brut) total de 54’751 fr. en 2006, de 65’479 fr. en 2007, de 65’069 fr. en 2008, de 60’494 fr. en 2009, de 61’614 fr. en 2010 et de 53’796 fr. en 2011. On cherche en vain dans le recours quel élément concret aurait permis à l’assurée d’augmenter significativement ses revenus entre la période courant de 2007 à 2011 (cinq années qui ont précédé la survenance de son atteinte à la santé) et l’année 2018. Elle ne prétend en particulier pas qu’elle s’attendait à une évolution significative de sa carrière de comédienne et que cette évolution aurait été entravée par la survenance de son atteinte à la santé en 2012. Le fait qu’elle élevait seule ses deux enfants, nés en 1998 et 2003, ou qu’elle était une comédienne « particulièrement brillante », ne suffit en particulier pas à établir que le revenu de son activité de comédienne aurait augmenté de manière significative en 2018.

En se fondant sur l’attestation de l’association du 07.04.2021, l’assurée affirme en revanche qu’elle aurait augmenté son taux d’activité comme enseignante de 40% à 50% dès le 01.09.2013, ce qui aurait permis d’augmenter ses revenus. Selon les faits constatés par la juridiction cantonale, cette attestation contredit cependant pour partie les renseignements communiqués par l’association le 01.03.2013 et est signée notamment par le frère de l’assurée. Le 01.03.2013, à l’invitation de l’office AI, l’association avait ainsi indiqué que l’assurée avait travaillé à environ 40% et que son contrat de travail avait pris fin le 30.06.2012; elle n’avait nullement mentionné à l’époque une augmentation du taux d’activité de l’assurée (ni d’ailleurs une prolongation du contrat de travail au-delà du 30.06.2012). Dans ces conditions, les juges cantonaux ont considéré sans arbitraire que les attestations produites en 2021, soit plusieurs années après la fin du contrat de travail de l’assurée, ne permettaient pas d’établir, au degré de la vraisemblance prépondérante applicable dans le domaine des assurances sociales, que l’assurée aurait augmenté son taux d’activité à 50% comme enseignante en 2013 et au-delà. Au demeurant, dans la mesure où l’assurée avait débuté les répétitions en vue de l’interprétation d’une nouvelle pièce de théâtre en 2011, il apparaît peu vraisemblable qu’elle eût simultanément convenu avec son employeur d’augmenter son taux d’activité comme enseignante.

Consid. 4.4
Par conséquent, le Tribunal fédéral retient que la moyenne des revenus perçus lors des cinq années qui ont précédé l’atteinte à la santé (2012) exprime de manière suffisamment vraisemblable le revenu qui aurait été celui de l’assurée en 2018, après la prise en compte de l’évolution des salaires nominaux. L’assurée aurait ainsi perçu un revenu annuel (brut) de 63’974 fr. 29 en 2018 ([65’479 fr. + 65’069 fr. + 60’494 fr. + 61’614 fr. + 53’796 fr.] / 5 x 131.1 / 125.6 [évolution de l’indice des salaires nominaux, 2011-2018]). Comparé avec un revenu d’invalide (non contesté) de 28’445 fr. en 2018, le taux d’invalidité de l’assurée s’élève à 56% (55,54%). Il est insuffisant pour donner droit à trois quarts de rente (anc. art. 28 al. 2 LAI).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_611/2021 consultable ici

 

9C_641/2021 (f) du 10.11.2022 – Revenu sans invalidité selon T17 au lieu du TA1_skill_level – 16 LPGA / Revenu d’invalide selon le niveau de compétences 2 du TA1_skill_level

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_641/2021 (f) du 10.11.2022

 

Consultable ici

 

Revenu sans invalidité selon T17 au lieu du TA1_skill_level / 16 LPGA

Revenu d’invalide selon le niveau de compétences 2 du TA1_skill_level

 

Assurée, née en 1991, travaillait pour un hôpital à 70% depuis son engagement le 01.03.2015 puis à 50% depuis le 01.01.2017. Elle accomplissait diverses tâches (service à la clientèle, achalandage, nettoyage, réapprovisionnement des stocks, commande, rangement) au sein du restaurant et du kiosque. Invoquant un angiome au bras droit apparu en 2000 et totalement incapacitant dès le 04.01.2017, elle a déposé une demande AI le 05.01.2017.

Expertise pluridisciplinaire (spécialistes en chirurgie orthopédique, neurologie et médecine interne générale) mise en œuvre par l’office AI. Les experts ont diagnostiqué un hémangiome caverneux avec foyer d’hémangio-endothéliome intra-vasculaire végétant de Masson et avec douleurs chroniques localisées à la région trois fois opérée en 2001, 2007 et 2017 de la partie proximale de l’avant-bras droit. D’après eux, l’intéressée pouvait exercer son métier de gestionnaire en intendance à 54% (taux horaire de 60% avec diminution de rendement de 10%) et toute autre activité mieux adaptée à sa situation médicale à 72% (taux horaire de 80% avec diminution de rendement de 10%) sans interruption depuis 2007 hormis durant les périodes d’incapacité totale de travail de trois mois liées aux opérations (rapport d’expertise du 09.12.2019). Le médecin du SMR a déduit des rapports médicaux récoltés qu’à l’exception de la période du 04.01.2017 au 24.11.2017, au cours de laquelle elle avait occasionné une incapacité totale de travail, l’affection en cause avait permis depuis 2007 et permettait encore l’exercice de l’activité habituelle ou d’une activité adaptée aux taux fixés par les experts.

Se fondant sur le rapport de son médecin-conseil, l’office AI a alloué à l’assurée une rente entière d’invalidité du 01.07.2017 au 28.02.2018.

 

Procédure cantonale

Saisie du recours de l’assurée, confirmé après l’annonce d’une possible modification de la décision administrative, la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel l’a rejeté. Il a réformé la décision entreprise en ce sens que la demande de prestations présentée par l’intéressée le 5 janvier 2017 était rejetée (arrêt du 29 octobre 2021).

 

Par jugement du 29.10.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal et reformatio in peius (décision réformée en ce sens que la demande de prestations présentée par l’intéressée le 05.01.2017 était rejetée)

 

TF

Consid. 4
Se fondant sur le rapport d’expertise, jugé probant, la juridiction cantonale a constaté que l’assurée avait une capacité de travail de 54% dans l’activité habituelle et de 72% dans une activité adaptée sans interruption depuis 2007 sauf durant les trois mois ayant suivi l’opération du 24.08.2017. Elle a par conséquent considéré que l’office AI avait indûment alloué à l’assurée une rente entière du 01.07.2017 au 28.02.2018. En effet, les conclusions des experts ne permettaient ni de retenir une incapacité totale de travail au moment du dépôt de la demande de prestations le 05.01.2017 ou à l’échéance du délai de carence le 01.07.2017, ni de conclure à une amélioration de la situation à compter du 25.11.2017. Procédant à l’évaluation du taux d’invalidité, elle a comparé un revenu sans invalidité de 54’330 fr. par an (reposant sur l’ESS 2016, Tableau T17, groupe 51, total femmes, tous âges confondus, adapté à l’horaire moyen de la branche et à l’évolution des salaires nominaux pour 2017) à un revenu avec invalidité de 43’697 fr. par an (fondé également sur l’ESS 2016, Tableau TA1_tirage_skill_level, total femmes, niveau de compétence 2, adapté à l’horaire moyen de la branche et à l’évolution des salaires nominaux pour 2017), auquel elle a appliqué un abattement de 15%. Elle a abouti à un degré d’invalidité de 32% insuffisant pour donner droit à une rente. Elle est parvenue à la même conclusion en se référant au niveau de compétence 1 du Tableau TA1_tirage_skill_ level pour déterminer le revenu d’invalide (de 33’537 fr. 25; taux d’invalidité de 38%). Elle a dès lors réformé la décision litigieuse, en ce sens que la demande de l’assurée était rejetée.

 

Consid. 6.2.1
S’agissant d’abord du revenu sans invalidité, l’assurée soutient que le choix du Tableau T17, groupe 51, de l’ESS (« personnel des services directs aux particuliers » en lien avec le chiffre 515 de la Classification internationale des types de professions [CITP-08], qui comprenait les gouvernantes et les concierges en plus des intendants) était arbitraire et réducteur dans la mesure où, avec un CFC, elle aurait pu prétendre un salaire supérieur. Elle considère que la juridiction cantonale n’aurait pas dû s’écarter du choix pertinent de l’office AI qui s’était porté sur la ligne 45-96 (« secteur des services ») ou la ligne 86-88 (« santé humaine et action sociale ») du Tableau TA1_tirage_skill_level.

Consid. 6.2.2
Vu l’apprentissage de gestionnaire en intendance que l’assurée avait entrepris mais n’avait pas pu achever en raison de son handicap, la juridiction cantonale a déterminé le revenu sans invalidité en se référant au Tableau T17 de l’ESS 2016 pour mieux prendre en considération les circonstances du cas particulier conformément à la jurisprudence (cf. arrêt 8C_66/2020 du 14 avril 2020 consid. 4.2.2 et les références). En se limitant à soutenir que le choix du groupe 51 du Tableau T17 par le tribunal cantonal était réducteur, l’assurée ne démontre pas que ce choix était contraire au droit dans la mesure où, selon la CITP-08, le groupe en question contient précisément les professionnels qui exercent le métier qu’elle aurait pu pratiquer sans son invalidité selon la description non contestée qu’en a fait la juridiction cantonale. Le choix de ce groupe était donc plus pertinent que les lignes 45-96 ou 86-88 du Tableau TA1_tirage_skill_level retenu par l’office AI dès lors qu’il permet de déterminer plus exactement le revenu sans invalidité.

 

Consid. 6.3.1
S’agissant ensuite du revenu d’invalide, l’assurée fait valoir qu’il convient de retenir le niveau de compétence 1 du Tableau TA1_tirage_skill_level appliqué par le tribunal cantonal dès lors que le niveau de compétence 2 conduit au constat arbitraire qu’elle serait en mesure de gagner plus en mauvaise santé qu’en bonne santé.

Consid. 6.3.2
Le choix du niveau de compétence applicable est une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 143 V 295 consid. 2.4; 132 V 393 consid. 3.3). Depuis la dixième édition de l’ESS (2012), les emplois sont classés par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. Les critères de base utilisés pour définir le système des différents groupes de profession sont les niveaux et la spécialisation des compétences requis pour effectuer les tâches inhérentes à la profession. Quatre niveaux de compétence ont été définis. Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé. Entre ces deux extrêmes figurent les professions intermédiaires. Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé. Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (cf. arrêt 8C_66/2020 du 14 avril 2020 consid. 4.2.1 et les références). Si l’on peut douter avec l’assurée du choix du niveau de compétence 2 pour déterminer le revenu d’invalide au regard de la jurisprudence à cet égard (cf. arrêts 8C_156/2022 du 29 juin 2022 consid. 7.2; 8C_131/2021 du 2 août 2021 consid. 7.4.1 et les références), la question peut toutefois rester ouverte. En effet, les premiers juges ont également procédé à la comparaison des revenus en se fondant sur le niveau de compétence 1 du Tableau TA1_tirage_skill_level et ont abouti à un taux d’invalidité de 38% n’ouvrant pas le droit à une rente.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_641/2021 consultable ici

 

9C_259/2022 (f) du 20.09.2022 – Rappel du principe inquisitoire et du devoir de collaborer de l’assuré à l’instruction de l’affaire / Expertise dans la langue maternelle de l’assurée – Expertise par un psychiatre vaudois germanophone

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2022 (f) du 20.09.2022

 

Consultable ici

 

Rappel du principe inquisitoire et du devoir de collaborer de l’assuré à l’instruction de l’affaire / 43 LPGA – 53 LAI

Nécessité et exigibilité d’une expertise médicale psychiatrique – Pas de motif excusable de l’assurée de ne pas se soumettre à l’expertise / 43 LPGA

Expertise dans la langue maternelle de l’assurée – Expertise par un psychiatre vaudois germanophone

Pas de droit pour l’assuré d’obtenir la traduction dans sa propre langue des pièces de la correspondance avec l’administration

Diagnostic étayé sous l’angle médical point de départ de l’examen du droit aux prestations / 4 al. 1 LAI – 6 ss LPGA

 

Assurée, née en 1966, a déposé une demande AI en août 2018. Entre autres mesures d’instruction, l’office AI a confié un mandat d’expertise à un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et en a informé l’assurée par courrier du 27.04.2020. Celle-ci a demandé à l’office AI à être examinée par un expert parlant allemand, en lui indiquant qu’elle ne participerait à cette expertise qu’à la condition d’être assistée lors de l’examen et de pouvoir enregistrer l’entretien (courrier du 28.05.2020). L’office AI lui a répondu que l’expert était de langue maternelle allemande, de sorte que les entretiens pourraient être effectués dans cette langue (courrier du 04.06.2020). A cette occasion, il l’a également informée que le rapport d’expertise serait rédigé en français, qu’elle ne pouvait ni être assistée, ni enregistrer les entretiens; il l’a rendue attentive à son devoir de collaborer ainsi qu’au fait qu’un défaut de collaboration pouvait conduire à une décision en l’état du dossier ou à un refus d’entrer en matière sur la demande.

Par courrier du 15.07.2020, l’assurée a demandé à l’office AI de renoncer à une évaluation psychiatrique. Par décision incidente du 18.08.2020, l’office AI a informé l’assurée du maintien de l’expertise psychiatrique et lui a derechef rappelé son devoir de collaborer. L’assurée a de nouveau contesté la nécessité et l’utilité de l’expertise.

Par projet de décision du 18.12.2020, l’administration a informé l’assurée qu’elle envisageait de lui nier le droit à une rente et à des mesures professionnelles, considérant qu’une incapacité de travail n’était pas établie. L’assurée a contesté le projet de décision en indiquant notamment qu’elle avait accepté de se soumettre à une expertise psychiatrique moyennant certaines conditions qu’elle estimait raisonnables. Par décision du 25.02.2021 l’office AI a refusé toute prestation à l’assurée.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 141/21 – 93/2022 – consultable ici)

La juridiction cantonale a considéré qu’il ressortait du dossier médical qu’une expertise psychiatrique était nécessaire, dès lors qu’aucun des nombreux spécialistes consultés par l’assurée n’avait pu poser de diagnostics expliquant ses symptômes, sauf à évoquer des atteintes de type psychosomatique. Elle a en outre admis que l’office AI était en droit de considérer que l’assurée avait refusé de se soumettre, sans motif excusable, à l’expertise psychiatrique ordonnée. Aussi, celui-ci avait-il été en droit de statuer sur les prétentions de l’assurée en l’état du dossier. Or, en l’absence de documents médicaux pouvant expliquer les symptômes de l’assurée et leur gravité, une atteinte entraînant une incapacité de travail durable de 40% n’avait pas été établie. Dès lors, aucune prestation de l’assurance-invalidité ne pouvait être octroyée à l’assurée.

Par jugement du 22.03.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.1.1
A titre liminaire, on doit rappeler que la procédure en matière d’assurance-invalidité est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’assureur, qui prend les mesures d’instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin (cf. art. 43 al. 1 LPGA et art. 53 al. 1 LAI; arrêt 8C_445/2021 du 14 janvier 2022 consid. 4.4 et les références). Le devoir d’instruction s’étend jusqu’à ce que les faits nécessaires à l’examen des prétentions en cause soient suffisamment élucidés (arrêt 9C_1012/2008 du 30 juin 2009 consid. 3.2.1 et les références). Selon la jurisprudence, la grande diversité des situations d’expertise exige de la souplesse et l’assureur dispose d’une grande marge d’appréciation en ce qui concerne la nécessité, l’étendue et l’adéquation des investigations médicales (ATF 147 V 79 consid. 7.4.2 et les références).

De son côté, conformément à son devoir de collaborer à l’instruction de l’affaire, l’assuré est tenu de se soumettre aux examens médicaux et techniques qui sont nécessaires à l’appréciation du cas et peuvent être raisonnablement exigés (art. 43 al. 2 LPGA; arrêt 9C_1012/2008 précité). Sont considérés comme nécessaires tous les moyens de preuve qui permettent d’établir les faits pertinents pour l’application du droit. Dans le cadre de l’analyse du caractère raisonnablement exigible de la mesure, ce n’est pas l’appréciation subjective de la personne assurée qui est déterminante, mais bien plus si les circonstances subjectives (telles que l’âge, son état de santé ou ses expériences antérieures) autorisent, sur un plan objectif, la mesure requise (JACQUES OLIVIER PIGUET, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 10 et 11 ad art. 43 LPGA). Selon l’article 43 al. 3 LPGA, si l’assuré ou d’autres requérants refusent de manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner ou de collaborer à l’instruction, l’assureur peut se prononcer en l’état du dossier ou clore l’instruction et décider de ne pas entrer en matière. Cependant, il n’y a violation de l’obligation de collaborer par l’assuré au sens de cette disposition que si elle a été commise de manière inexcusable. En ce sens, elle doit être fautive, ce qui est le cas lorsqu’aucun motif justificatif n’est reconnaissable ou que le comportement de la personne assurée s’avère totalement incompréhensible (arrêt I 166/06 du 30 janvier 2007 consid. 5.1 et les références; sur les motifs rendant le défaut de collaboration excusable, cf. arrêt 8C_733/2010 du 10 décembre 2010 consid. 5.3 et les références).

Consid. 5.1.2
En l’espèce, en application de la maxime inquisitoire, la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique était nécessaire et se fondait sur plusieurs avis médicaux – et non pas sur une simple « supposition » de l’office AI -, ainsi que l’a retenu la cour cantonale sans arbitraire. En effet, plusieurs médecins consultés ont relevé une composante de type psychosomatique et préconisé un examen psychiatrique. […] En outre, l’assurée omet de mentionner, lorsqu’elle prétend ne jamais avoir souffert de problèmes psychologiques ou pris de médicaments pour des affections psychiatriques, que son médecin traitant, spécialiste en médecine interne générale, avait au contraire mentionné un tel suivi médical; il avait en effet indiqué que l’assurée était « connue pour une structure psychologique particulière et que plusieurs traitements [avaient] été essayés », soit différents antidépresseurs et que cela avait « fonctionné ». Il s’en suit que la réalisation d’une expertise psychiatrique était nécessaire du point de vue de l’instruction, quand bien même l’assurée fait valoir qu’elle n’avait pas déposé sa demande de prestations pour des motifs psychiatriques.

De plus, une expertise psychiatrique était également exigible de l’assurée. […] L’assurée n’invoque, pour contester l’exigibilité de l’expertise en cause, que des critiques d’ordre général sur l’objectivité d’une expertise psychiatrique et son utilité, tout en remettant en cause le fait que les résultats de celle-ci soient vérifiables et en alléguant qu’elle peut contenir des erreurs, ainsi que de fausses assertions. Or ces éléments, examinés sous l’angle objectif ne sont pas suffisants pour conclure qu’une expertise n’était pas exigible du point de vue subjectif. Partant, la cour cantonale n’a pas violé l’art. 43 al. 2 LPGA.

Consid. 5.1.3
Il reste à examiner si le refus de l’assurée de se soumettre à l’expertise psychiatrique ordonnée repose sur des motifs excusables au sens de l’art. 43 al. 3 LPGA. Tel n’est pas le cas au regard des conditions qu’avait posées l’assurée pour accepter l’expertise (expert de langue allemande, accompagnement par une personne de confiance et/ou enregistrement des entretiens). En premier lieu, il ressort des constatations non contestées de la juridiction cantonale que l’office AI avait fait droit à la requête de l’assurée tendant à ce que l’expert parlât l’allemand. Ensuite, ainsi que l’ont dûment rappelé les premiers juges, le droit applicable en vigueur au moment du prononcé de la décision litigieuse ne prévoyait ni la possibilité d’enregistrer les entretiens d’expertises (sur le nouvel art. 44 al. 6 LPGA entré en vigueur au 1er janvier 2022 [RO 2021 705], cf. arrêt 8C_296/2021 du 22 juin 2021 consid. 3.1 et les références), ni celle de s’y faire accompagner par une personne de confiance (ATF 137 V 210 consid. 3.1.3.3 et les références). Dès lors, les conditions que l’assurée avait posées étaient dénuées de pertinence au regard du droit en vigueur en application duquel l’office AI a rendu sa décision.

On doit également constater que la cour cantonale n’a pas fait preuve d’arbitraire en retenant que l’assurée avait exclu catégoriquement de se soumettre à une expertise avant que l’office AI ne l’informe vouloir refuser toute prestation. Son conseil avait en effet écrit, dans un courrier du 16.09.2020, que l’intéressée « rejette l’expertise psychiatrique (et toute autre) ». A cet égard, étant précisé que le refus de collaborer de l’assurée se limitait à la question de l’expertise psychiatrique, son allégation, selon laquelle elle avait toujours pleinement collaboré tout au long de la procédure, ne lui est d’aucun secours. Il en va de même de son argumentation purement appellatoire quant à la prétendue intention de l’office AI d’éviter toute instruction sérieuse de son cas. Dans ces circonstances, le refus de l’assurée de se soumettre à une expertise psychiatrique correspond à une violation de son obligation de collaborer au sens de l’article 43 al. 3 LPGA.

 

Consid. 5.2
L’assurée reproche encore aux premiers juges d’avoir violé l’art. 8 al. 2 Cst. et l’art. 59 al. 6 LAI, voire l’art. 70 al. 1 Cst., en ce qu’elle aurait été discriminée dans le cadre de la procédure, motif pris qu’elle n’aurait pas pu s’exprimer dans sa langue maternelle allemande auprès de l’office AI – entraînant des coûts de traduction importants et des incertitudes juridiques – et n’aurait pas pu, sans une aide extérieure, communiquer avec l’expert.

Pour autant que l’assurée ait satisfait à son obligation de motiver de manière circonstanciée la violation des droits constitutionnels précités (sur ce devoir, cf. ATF 134 V 138 consid. 2.1 et les références), son grief est mal fondé. Lorsqu’il a fait droit à la requête de l’assurée de confier l’expertise à un expert de langue maternelle allemande en lui confirmant que l’entretien serait conduit dans cette langue, l’office AI a respecté les principes posés par la jurisprudence en relation avec les violations invoquées. Selon ces principes, sauf exception justifiée pour des raisons objectives, il y a lieu de donner suite à la demande d’un assuré de désigner un centre d’expertise où l’on s’exprime dans l’une des langues officielles de la Confédération qu’il maîtrise. A défaut, l’intéressé a le droit non seulement d’être assisté par un interprète lors des examens médicaux mais encore d’obtenir gratuitement une traduction du rapport d’expertise (ATF 127 V 219 consid. 2b/aa; arrêts 8C_430/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2.2; 8C_90/2014 du 19 décembre 2014 consid. 2.1). On ne saurait ainsi déceler dans le cas d’espèce de discrimination du fait notamment de la langue (art. 8 al. 2 Cst.), voire de l’art. 70 al. 1 Cst. En dehors de ce cadre, on rappellera également qu’il n’existe pas pour l’assuré de droit à obtenir la traduction dans sa propre langue des pièces de la correspondance avec l’administration et qu’il lui appartient dès lors de se faire traduire les actes officiels du dossier (ATF 131 V 35 consid. 3.3 et les références). L’assurée ne saurait en outre déduire de droits plus étendus en se fondant de l’art. 59 al. 6 LAI, selon lequel les offices AI tiennent compte, dans le cadre de leurs prestations, des spécificités linguistiques, sociales et culturelles de l’assuré, sans que ce dernier puisse en déduire un droit à une prestation particulière. La lettre de cette disposition (introduite par la modification de la LEtr du 16 décembre 2016 [Intégration]; RO 2017 6521) est en effet univoque (cf., Message du 8 mars 2013 relatif à la modification de la loi sur les étrangers [Intégration], FF 2013 2131 s. ch. 2).

 

Consid. 5.3
Enfin, l’assurée ne saurait être suivie lorsqu’elle invoque un droit à une rente entière dès le 01.02.2019, en se fondant sur les attestations médicales. On rappellera en effet qu’un diagnostic étayé sous l’angle médical constitue le point de départ de l’examen du droit aux prestations selon l’art. 4 al. 1 LAI, ainsi que les art. 6 ss LPGA (ATF 141 V 281 consid. 2.1 et la référence). Or, le médecin traitant de l’assurée a lui-même indiqué que le diagnostic qui pourrait expliquer les accès de tachycardie et autres symptômes n’est pas clair. Quant à l’expertise réalisée par l’assurance perte de gain maladie auprès d’un spécialiste en médecine interne générale, elle n’atteste que d’une incapacité de travail limitée dans le temps, allant jusqu’à six à huit semaines après la date de l’expertise. Dès lors, par ces seules références, l’assurée ne démontre pas que et en quoi la juridiction cantonale aurait constaté de manière arbitraire qu’une incapacité de travail durable de 40% au moins n’avait pas été établie, faute d’explication médicale relative aux symptômes qu’elle présentait et à la gravité de ceux-ci (sur le lien entre les constatations cantonales sur l’atteinte à la santé, la capacité de travail de la personne assurée ainsi que l’exigibilité et le grief de l’arbitraire, cf. arrêt 9C_160/2021 du 23 juin 2021 consid. 3 et les références).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_259/2022 consultable ici