Archives de catégorie : Assurance-accidents LAA

8C_600/2017 (f) du 26.03.2018 – Réduction des prestations en espèces – 39 LAA – 49 al. 2 OLAA / Participation à une rixe niée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_600/2017 (f) du 26.03.2018

 

Consultable ici

 

Réduction des prestations en espèces / 39 LAA – 49 al. 2 OLAA

Participation à une rixe niée

 

Assuré, vendeur de voyages, a fait déclarer, par son employeur, un accident survenu le 04.01.2014 : il a été victime d’une agression physique à l’entrée du parking de son domicile. Il en était résulté des luxations à l’épaule gauche et des fractures des métacarpiens des 4ème et 5ème doigts de la main droite.

Dans un questionnaire rempli le 28.01.2014, l’assuré a informé l’assurance-accidents qu’il avait déposé une plainte pénale contre C.__ qu’il considérait comme l’auteur de l’agression subie le 04.01.2014. Le Tribunal correctionnel a condamné le prénommé à une peine pécuniaire de 150 jours-amende à 10 fr. le jour, avec sursis, et au paiement à l’assuré de la somme de 4’000 fr. avec intérêts à 5% l’an à titre de réparation du tort moral. Il a retenu que le condamné s’était rendu coupable de lésions corporelles simples (art. 123 ch. 1 CP), de dommages à la propriété pour le bris des lunettes de l’assuré (art. 144 al. 1 CP) et d’injures (art. 177 al. 1 CP).

Les circonstances de l’événement du 04.01.2014 peuvent être décrites de la manière suivante. Le jour dit, vers 20h20, l’assuré s’est engagé dans un giratoire au volant de sa voiture. Il a alors vu arriver sur sa droite la voiture conduite par C.__, lequel voulait également s’engager dans le giratoire. En raison de la vitesse inadaptée de son propre véhicule C.__ a dû freiner pour éviter la collision avant de s’engager dans le giratoire à la suite de l’assuré et de le suivre jusqu’à son domicile. Avant de pénétrer dans le parking de son immeuble, l’assuré s’est arrêté puis est sorti de son véhicule. Un échange verbal s’en est suivi. C.__ a alors agressé physiquement l’assuré. Celui-ci a subi des fractures des 4ème et 5ème métacarpiens droits ainsi que des luxations à l’épaule gauche. De son côté C.__ a subi des contusions notamment sur la face à droite et sur le cou, également à droite. Le Tribunal correctionnel a retenu que la responsabilité de l’altercation, du moins en ce qui concerne son début, incombait entièrement à C.__. Pour autant l’assuré, bien que réellement agressé par le prévenu, a eu une part active dans les événements dans la mesure où il a aussi porté des coups à son adversaire, même si la violence venait principalement de celui-ci. A cet égard le juge pénal a considéré que les fractures des 4ème et 5ème métacarpiens droits étaient dues à un coup violent porté par l’assuré à son adversaire et non pas à une chute violente sur le sol, étant donné l’absence d’égratignure aux autres doigts.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a réduit de 50% les indemnités journalières allouées à l’assuré au motif qu’il avait pris part à une rixe.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 81/16 – 80/2017 – consultable ici)

La cour cantonale s’est ralliée aux constatations et à l’appréciation du juge pénal sous réserve de son interprétation de l’origine des fractures des 4ème et 5ème métacarpiens droits. Selon la juridiction cantonale, on voit mal en effet comment un coup violent porté par l’assuré aurait eu pour conséquence de lui fracturer deux doigts tout en ne laissant que deux dermabrasions et un érythème sur le coup de son agresseur. Aussi la cour cantonale a-t-elle retenu, à l’aune de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, que les fractures susmentionnées sont dues à une violente chute, la main droite de l’assuré ayant probablement heurté le sol sur le côté, ce qui est compatible avec l’absence d’autres marques ou égratignures. Pour le reste elle a constaté que l’assuré n’était pour rien dans l’origine de l’événement du 04.01.2014. En particulier l’intéressé, qui est un homme affable et gentil et qui avait suivi un cours de gestion des conflits, n’a pas échangé d’invectives avec C.__ qui l’avait insulté. En outre on ne saurait reprocher à l’assuré de s’être mis dans la zone de danger pour s’être arrêté devant le parking souterrain de son domicile et être sorti de son véhicule car il était fondé à croire qu’en pénétrant dans le parking il aurait été suivi par C.__ et ainsi privé de toute possibilité d’appeler du secours. Par ailleurs, en sortant de sa voiture, l’intéressé avait pour seul but de désamorcer la situation en parlant au conducteur qui venait de l’insulter pour la raison futile qu’il avait oublié d’actionner son clignoteur alors qu’il circulait dans un giratoire. En ce qui concerne le comportement de l’assuré, la cour cantonale est d’avis que violemment agressé, celui-ci a porté des coups uniquement dans un réflexe défensif pour tenter de repousser C.__. C’est pourquoi, se référant à un précédent invoqué par l’assuré (arrêt 8C_341/2013 du 15 avril 2014), elle a considéré que replacé dans son contexte, le comportement actif de l’intéressé ne constituait pas la cause essentielle de l’atteinte à la santé qu’il avait subie, de sorte que la réduction des indemnités journalières opérée par l’assurance-accidents n’était pas fondée.

Par jugement du 25.07.2017, admission du recours par le tribunal cantonal et annulation de la décision.

 

TF

L’art. 49 al. 2 OLAA dispose que les prestations en espèces sont réduites au moins de moitié en cas d’accident non professionnel survenu notamment en cas de participation à une rixe ou à une bagarre, à moins que l’assuré ait été blessé par les protagonistes alors qu’il ne prenait aucune part à la rixe ou à la bagarre ou qu’il venait en aide à une personne sans défense (let. a).

La notion de participation à une rixe ou à une bagarre est plus large que celle de l’art. 133 CP. Pour admettre l’existence d’une telle participation, il suffit que l’assuré entre dans la zone de danger, notamment en participant à une dispute. Peu importe qu’il ait effectivement pris part activement aux faits ou qu’il ait ou non commis une faute: il faut au moins qu’il se soit rendu compte ou ait pu se rendre compte du danger. En revanche, il n’y a pas matière à réduction en cas de légitime défense ou plus généralement lorsque l’assuré se fait agresser physiquement, sans qu’il y ait eu au préalable une dispute, et qu’il frappe à son tour l’agresseur dans un mouvement réflexe de défense (arrêt 8C_788/2016 du 20 novembre 2017 consid. 3).

Par ailleurs, il doit exister un lien de causalité entre le comportement de la personne assurée et le dommage survenu. Si l’attitude de l’assuré – qui doit être qualifiée de participation à une rixe ou à une bagarre – n’apparaît pas comme une cause essentielle de l’accident ou si la provocation n’est pas de nature, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, à entraîner la réaction de violence, l’assureur-accidents n’est pas autorisé à réduire ses prestations d’assurance. Il convient de déterminer rétrospectivement, en partant du résultat qui s’est produit, si et dans quelle mesure l’attitude de l’assuré apparaît comme une cause essentielle de l’accident (ATF 134 V 315 consid. 4.5.1.2 p. 320; arrêts 8C_788/2016 du 20 novembre 2017 consid. 3; 8C_153/2016 du 13 décembre 2016 consid. 2). A cet égard, les diverses phases d’une rixe forment un tout et ne peuvent être considérées indépendamment l’une de l’autre (ATFA 1964 p. 75; arrêts 8C_788/2016, déjà cité, consid. 3; 8C_529/2011 du 4 juillet 2012 consid. 2.2).

Selon une jurisprudence constante, le juge des assurances sociales n’est pas lié par les constatations de fait et l’appréciation du juge pénal. Il ne s’en écarte cependant que si les faits établis au cours de l’instruction pénale et leur qualification juridique ne sont pas convaincants, ou s’ils se fondent sur des considérations spécifiques du droit pénal qui ne sont pas déterminantes en droit des assurances sociales (ATF 125 V 237 consid. 6a p. 242; voir aussi les arrêts 8C_832/2017 du 13 février 2018 consid. 3.3; 8C_392/2017 du 26 octobre 2017 consid. 7.2; 8C_788/2016 du 20 novembre 2017 consid. 5.1).

 

En l’espèce, ce n’est pas l’assuré qui a suivi l’autre conducteur, mais le contraire. Par ailleurs, il n’y a pas de raison de mettre en doute les déclarations de l’assuré selon lesquelles il craignait de s’engouffrer dans le parking souterrain de son domicile et d’être de ce fait privé de toute possibilité d’appeler du secours. Ce fait ne saurait toutefois être interprété comme l’aveu implicite qu’il devait en toutes hypothèses s’attendre à une réaction violente de la part de l’autre conducteur. Il pouvait se sentir plus en sécurité devant le parking de son immeuble, en pensant que C.__ ne provoquerait pas un esclandre pour un motif des plus futiles sur un lieu de passage potentiellement plus fréquenté (l’agression a eu lieu en début de soirée) qu’un endroit souterrain. Il n’y a visiblement pas eu de provocation de la part de l’assuré (C.__ a été en revanche condamné pour injures). Enfin il n’y a pas eu de poursuite sur une longue distance qui aurait pu être le signe d’un acharnement en vue d’en découdre de la part de C.__. Le giratoire se trouvait en effet à proximité du domicile de l’assuré. Dans de telles circonstances, le fait de sortir de son véhicule ne plaçait pas nécessairement ce dernier dans une zone de danger exclue de l’assurance. Il pouvait vouloir régler le problème par la parole, comme le constate d’ailleurs le jugement pénal.

Suivre le point de vue de l’assurance-accidents reviendrait à considérer comme un danger potentiel d’agression toute manifestation d’énervement ou d’agacement d’un conducteur à l’endroit d’un autre, sous les prétextes les plus futiles, ce qui procéderait d’une interprétation par trop extensive la jurisprudence susmentionnée.

 

Le parallèle avec l’arrêt 8C_685/2016 du 1er juin 2017 n’est pas pertinent. Dans cette affaire, l’assuré qui était au volant d’une voiture était poursuivi par un motard au comportement agressif. Malgré cela, il avait décidé de ne pas s’arrêter dans le village où il se rendait et où il était attendu à un mariage, mais avait suivi sa route avant de s’engager – toujours poursuivi par le motard – sur un petit chemin agricole en impasse. Arrivé au bout de celui-ci il était sorti de son véhicule et une altercation s’était produite entre les deux protagonistes, au cours de laquelle ils s’étaient assénés plusieurs coups de poing. Ces faits tendaient à démontrer qu’avant même l’altercation proprement dite, l’assuré avait déjà eu conscience du risque que la situation présentait un danger pour lui. Aussi, en sortant de son véhicule sur un chemin menant à une impasse, pouvait-il s’attendre, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, à une réaction violente du motard. C’est précisément par ce comportement, alors qu’il aurait pu faire demi-tour, que l’assuré s’est mis dans la zone de danger exclue par l’assurance. Par ailleurs, même s’il ne voulait pas s’arrêter à l’endroit où devait se dérouler la cérémonie pour éviter une altercation en présence des personnes invitées à la fête, l’assuré aurait certainement pu s’arrêter dans un autre endroit fréquenté, de manière à dissuader son poursuivant de le frapper. Dans de telles circonstances, le Tribunal fédéral, à l’instar des premiers juges, a retenu que l’agression dont avait été victime l’assuré s’était produite alors que ce dernier a eu un comportement tombant sous le coup de l’art. 49 al. 2 let. a OLAA. Les faits de la présente cause ne sont pas non plus comparables à la situation jugée dans l’arrêt 8C_932/2012 du 22 mars 2013 (SVR 2013 UV n° 21 p. 78) où un assuré qui se trouvait dans sa voiture avec sa femme dans un parking a été passé à tabac par deux jeunes gens auxquels ils avaient montré un doigt d’honneur. Par conséquent, l’assureur-accidents pouvait dans ce cas réduire ses prestations en espèces de moitié. En l’espèce il n’y a pas eu de provocation de la part de l’intimé.

 

L’assurance-accidents reproche au juge cantonal de s’être écarté de l’appréciation du juge pénal en ce qui concerne l’interprétation de l’origine des fractures des 4ème et 5ème métacarpiens, selon laquelle ces fractures seraient compatibles avec un coup violent porté par l’assuré. Les explications fournies sur ce point par les juges cantonaux apparaissent toutefois crédibles. Au demeurant, l’assuré a été littéralement passé à tabac par C.__ et l’on ne peut exclure qu’à un moment donné il ait voulu se défendre en portant un coup à son agresseur dans ce but et pas dans le but d’alimenter la bagarre. Un tel acte ne constituerait pas la cause essentielle de l’atteinte à la santé qu’il a subie et il n’y aurait, quoi qu’il en soit, pas matière à réduction des prestations (voir ALEXANDRA RUMO-JUNGO, Die Leistungskürzung oder -verweigerung gemäss Art. 37-39 UVG, Fribourg 1993, p. 265).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_600/2017 consultable ici

 

 

Loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI) (Développement continu de l’AI) – Modification du 19.06.2020 / Quotité de la rente (rente linéaire) – révision de la rente – Expertise médicale – Couverture d’assurance LAA

Loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI) (Développement continu de l’AI) – Modification du 19.06.2020 / Quotité de la rente (rente linéaire) – révision de la rente – Expertise médicale – Couverture d’assurance LAA

 

Loi publiée dans la FF 2020 5373

 

Les modifications de la LAI ont été publiée dans la FF 2020 5373. Le Conseil fédéral fixera la date de l’entrée en vigueur. Le délai référendaire est au 08.10.2020.

De nombreux changements auront une importance dans la pratique quotidienne. Parmi ceux-ci, les modifications concernant le montant de la rente (rente linéaire ; 28b LAI), la révision de la rente (17 LPGA), les expertises médicales (44 LPGA) et la couverture LAA des personnes qui participent à des mesures de l’assurance-invalidité dans un établissement ou un atelier (modifications de la LAA).

 

Rente d’invalidité linéaire

Art. 28a al. 1 LAI – Evaluation du taux d’invalidité

L’évaluation du taux d’invalidité des assurés exerçant une activité lucrative est régie par l’art. 16 LPGA. Le Conseil fédéral fixe les revenus déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables

 

Art. 28b LAI – Détermination de la quotité de la rente

1 La quotité de la rente est fixée en pourcentage d’une rente entière.

2 Pour un taux d’invalidité compris entre 50 et 69%, la quotité de la rente correspond au taux d’invalidité.

3 Pour un taux d’invalidité supérieur ou égal à 70%, l’assuré a droit à une rente entière.

4 Pour un taux d’invalidité inférieur à 50%, la quotité de la rente est la suivante:

 

Dispositions transitoires de la modification du 19 juin 2020 (Développement continu de l’AI)

[…]

  1. Adaptation des rentes en cours pour les bénéficiaires âgés de moins de 55 ans

1 Pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente est né avant l’entrée en vigueur de la présente modification et qui n’avaient pas encore 55 ans à l’entrée en vigueur de cette modification, la quotité de la rente ne change pas tant que leur taux d’invalidité ne subit pas de modification au sens de l’art. 17, al. 1, LPGA.

2 La quotité de la rente reste également inchangée après une modification du taux d’invalidité au sens de l’art. 17, al. 1, LPGA si l’application de l’art. 28b de la présente loi se traduit par une baisse de la rente en cas d’augmentation du taux d’invalidité ou par une augmentation de la rente en cas de réduction.

3 Pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente est né avant l’entrée en vigueur de la présente modification et qui n’avaient pas encore 30 ans à l’entrée en vigueur de cette modification, la réglementation relative au droit à la rente conformément à l’art. 28b de la présente loi s’applique au plus tard dix ans après ladite entrée en vigueur. En cas de baisse du montant de la rente par rapport au montant versé jusque-là, l’ancien montant continue d’être versé tant que le taux d’invalidité ne subit pas de modification au sens de l’art. 17, al. 1, LPGA.

  1. Exemption de l’adaptation des rentes en cours pour les bénéficiaires âgés d’au moins 55 ans

Pour les bénéficiaires de rente dont le droit à la rente est né avant l’entrée en vigueur de la présente modification et qui avaient au moins 55 ans à l’entrée en vigueur de cette modification, l’ancien droit reste applicable.

 

La LPP comportera des modifications similaires (art. 24a LPP – Echelonnement de la rente d’invalidité en fonction du taux d’invalidité ; Dispositions transitoires de la modification du 19 juin 2020).

 

 

17 LPGA – Révision de la rente d’invalidité

1 La rente d’invalidité est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée, réduite ou supprimée, lorsque le taux d’invalidité de l’assuré:

  1. subit une modification d’au moins 5 points de pourcentage, ou
  2. atteint 100%.

 

La LPP comportera un renvoi à l’art. 17 LPGA (art. 24b LPP – Révision de la rente d’invalidité)

 

 

Art. 44 LPGA – Expertise

1 Si l’assureur juge une expertise nécessaire dans le cadre de mesures d’instruction médicale, il en fixe le type selon les exigences requises; trois types sont possibles:

  1. expertise monodisciplinaire;
  2. expertise bidisciplinaire;
  3. expertise pluridisciplinaire.

2 Si l’assureur doit recourir aux services d’un ou de plusieurs experts indépendants pour élucider les faits dans le cadre d’une expertise, il communique leur nom aux parties. Les parties peuvent récuser les experts pour les motifs indiqués à l’art. 36, al. 1, et présenter des contre-propositions dans un délai de dix jours.

3 Lorsqu’il communique le nom des experts, l’assureur soumet aussi aux parties les questions qu’il entend poser aux experts et leur signale qu’elles ont la possibilité de remettre par écrit des questions supplémentaires dans le même délai. L’assureur décide en dernier ressort des questions qui sont posées aux experts.

4 Si, malgré la demande de récusation, l’assureur maintient son choix du ou des experts pressentis, il en avise les parties par une décision incidente.

5 Les disciplines médicales sont déterminées à titre définitif par l’assureur pour les expertises visées à l’al. 1, let. a et b, et par le centre d’expertises pour les expertises visées à l’al. 1, let. c.

6 Sauf avis contraire de l’assuré, les entretiens entre l’assuré et l’expert font l’objet d’enregistrements sonores, lesquels sont conservés dans le dossier de l’assureur.

7 Le Conseil fédéral:

  1. peut régler la nature de l’attribution du mandat à un centre d’expertises, pour les expertises visées à l’al. 1;
  2. édicte des critères pour l’admission des experts médicaux et des experts en neuropsychologie, pour les expertises visées à l’al. 1;
  3. crée une commission réunissant des représentants des différentes assurances sociales, des centres d’expertises, des médecins, des neuropsychologues, des milieux scientifiques, ainsi que des organisations d’aide aux patients et aux personnes en situation de handicap qui veille au contrôle de l’accréditation, du processus, et du résultat des expertises médicales. Elle émet des recommandations publiques.

 

Couverture LAA des personnes qui participent à des mesures de l’assurance-invalidité dans un établissement ou un atelier

Les modifications de la LAI apportent d’utiles précisions quant à la couverture LAA des personnes qui participent à des mesures de l’assurance-invalidité dans un établissement ou un atelier :

Art. 1a al. 1 let. c LAA – Assurés

1 Sont assurés à titre obligatoire conformément à la présente loi:

  1. les personnes qui participent à des mesures de l’assurance-invalidité dans un établissement ou un atelier au sens de l’art. 27, al. 1, de la loi fédérale du 19 juin 1959 sur l’assurance-invalidité (LAI) ou dans une entreprise, dès lors que leur situation est analogue à celle qui résulterait d’un contrat de travail.

 

Art. 16 al. 5 LAA – Indemnité journalière – Droit

5 Les personnes visées à l’art. 1a, al. 1, let. c, qui reçoivent une rente conformément à l’art. 22bis, al. 5, LAI en relation avec l’art. 28 LAI n’ont pas droit à une indemnité journalière.

 

Art. 17 al. 4 LAA – Indemnité journalière – Montant

4 Le montant de l’indemnité journalière versée aux personnes visées à l’art. 1a, al. 1, let. c, correspond au montant net de l’indemnité journalière versée par l’assurance-invalidité.

 

Art. 45 al. 3bis LAA – Déclaration de l’accident

3bis La personne visée à l’art. 1a, al. 1, let. c, doit aviser sans retard l’office AI ou la CNA lorsqu’elle est victime d’un accident. Si l’assuré décède des suites de l’accident, cette obligation incombe aux survivants ayant droit à des prestations.

 

Art. 66 al. 3ter LAA – Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents – Domaine d’activité

3ter Les personnes visées à l’art. 1a, al. 1, let. c, sont assurées auprès de la CNA.

 

Art. 89 al. 2bis LAA – Normes comptables et classification des comptes

2bis La CNA tient en outre un compte distinct pour:

  1. l’assurance des personnes au chômage;
  2. l’assurance des personnes visées à l’art. 1a, al. 1, let. c.

 

Art. 90cbis LAA – Financement des allocations de renchérissement pour les assurés visés à l’art. 1a, al. 1, let. c

1 Pour garantir le financement des allocations de renchérissement pour les personnes visées à l’art 1a, al. 1, let. c, la CNA constitue des provisions distinctes.

2 Ces provisions distinctes sont financées par:

  1. les excédents d’intérêts sur les capitaux de couverture de l’assurance-accidents des assurés visés à l’art. 1a, al. 1, let. c;
  2. le rendement des capitaux constituant les provisions, et
  3. les éventuelles contributions du Fonds de compensation de l’assurance-invalidité.

3 Si le Conseil fédéral fixe une allocation de renchérissement, la CNA prélève le capital de couverture supplémentaire requis sur les provisions. Si les provisions ne suffisent pas à constituer le capital nécessaire pour financer les allocations de renchérissement, les moyens supplémentaires requis sont financés par les contributions du Fonds de compensation de l’assurance-invalidité.

4 La CNA fixe les contributions à verser par le Fonds de compensation de l’assurance-invalidité. Elle consulte préalablement le conseil d’administration de compenswiss.

 

Art. 91 al. 5 LAA – Obligation de payer les primes

5 L’assurance-invalidité prend en charge la prime de l’assurance obligatoire contre les accidents et les maladies professionnels ainsi que la prime de l’assurance obligatoire contre les accidents non professionnels pour les assurés visés à l’art. 1a, al. 1, let. c

 

Art. 11 LAI – Couverture d’assurance-accidents

1 L’assurance-invalidité peut déduire du montant de l’indemnité journalière deux tiers au maximum de la prime de l’assurance obligatoire contre les accidents non professionnels.

2 L’office AI fixe pour les assurés visés à l’art. 1a, al. 1, let. c, LAA un gain assuré au sens de l’art. 15, al. 2, LAA.

3 Le Conseil fédéral détermine le mode de calcul du gain assuré au sens de l’art. 15, al. 2, LAA en fonction de l’indemnité journalière perçue et règle la procédure.

 

 

Loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI) (Développement continu de l’AI) – Modification du 19.06.2020, publiée dans la FF 2020 5373

Version allemande : BBl 2020 5535

Version italienne : FF 2020 4951

 

 

8C_200/2017 (f) du 02.03.2018 – Contrat d’assurance facultative LAA – 4 LAA / Description de l’activité mentionnée dans la police d’assurance – Base des éléments décisionnels pour déterminer en cas d’accident le droit aux prestations d’assurance de l’assurée / Capacités de travail et de gain exigibles – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_200/2017 (f) du 02.03.2018

 

Consultable ici

 

Contrat d’assurance facultative LAA / 4 LAA

Description de l’activité mentionnée dans la police d’assurance – Base des éléments décisionnels pour déterminer en cas d’accident le droit aux prestations d’assurance de l’assurée

Capacités de travail et de gain exigibles – 16 LPGA

 

Assurée a fondé en 1985 une entreprise de nettoyage de bâtiments, inscrite au registre du commerce le 21.02.1991, dont elle est la directrice et titulaire.

Le 21.04.2009, elle a conclu avec l’assurance-accidents un contrat d’assurance facultative pour chefs d’entreprise selon la LAA contre les accidents professionnels et non professionnels et les maladies professionnelles. Le contrat était valable du 17.04.2009 au 31.12.2013. Selon la police d’assurance, l’activité assurée consistait en des travaux d’exploitation pour 10% et en des travaux de bureau internes pour 90%.

Le 20.01.2011, l’assurée a fait une chute dans les escaliers chez un client, ce qui lui a causé une contusion et un hématome à la hanche gauche. Le 14.09.2011, durant ses vacances, elle a subi une entorse à la cheville gauche avec réception sur son genou gauche en manquant une marche d’escaliers.

Malgré les traitements entrepris, l’assurée n’a pas pu reprendre son travail au-delà de 50%, son activité lui occasionnant des douleurs et un gonflement du pied.

A l’issue d’un examen médical final, le médecin-conseil a conclu que l’état était stabilisé, et défini la nature des activités encore exigibles de l’assurée à plein temps, soit les travaux administratifs et de surveillance ainsi que les activités physiques légères sans déplacements réguliers sur des échelles, des échafaudages ou sur terrain inégal. Selon ce médecin, il n’y avait pas d’atteinte à l’intégrité indemnisable.

Le 21.10.2015, l’assurée a été convoquée à l’agence de l’assurance-accidents. L’entretien a porté sur la nature de ses activités professionnelles. A cette occasion, l’assurée a confirmé ce qu’elle avait déjà précédemment communiqué à l’assurance-accidents dans un courrier du 12.02.2012, à savoir que ses fonctions au sein de l’entreprise avaient changé en ce sens qu’elle consacrait une part plus importante aux activités d’exploitation en position debout (soit 75%), tandis que celle dévolue aux tâches administratives en position assise s’était réduite à 25%, précisant que cette situation était déjà valable avant les accidents annoncés et qu’elle avait négligé d’en informer l’assureur.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assurée à une rente d’invalidité LAA ainsi qu’à une indemnité pour atteinte à l’intégrité. Le refus de la rente était motivé par le fait que l’incapacité de travail de 50% attestée par le médecin-traitant concernait uniquement des activités physiques lesquelles n’étaient assurées que pour une part de 10% par la police d’assurance du 21.04.2009. L’assureur a cependant renoncé à demander le remboursement des indemnités versées en trop depuis le début du cas d’assurance.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2016 21 – consultable ici)

Par jugement du 01.02.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 4 al. 1 LAA, les personnes exerçant une activité lucrative indépendante et domiciliées en Suisse, ainsi que les membres de leur famille qui collaborent à l’entreprise, peuvent s’assurer à titre facultatif, s’ils ne sont pas assurés à titre obligatoire. Les dispositions sur l’assurance obligatoire s’appliquent par analogie à l’assurance facultative (art. 5 al. 1 LAA). Cela vaut notamment pour les prestations, le droit médical ou encore la protection tarifaire (voir FRÉSARD/MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3ème éd., 2016, n. 55 p. 911).

Dans l’assurance facultative, le rapport d’assurance se fonde sur un contrat écrit qui fixe notamment le début, la durée minimale et la fin du rapport d’assurance (art. 136 OLAA). Il s’agit d’un contrat d’assurance de droit public qui doit être interprété, dans le cadre des limites fixées par la loi, de la même manière qu’un contrat de droit privé, à savoir selon la réelle et commune intention des parties, respectivement selon le principe de la confiance (arrêt U 105/04 du 18 avril 2006 consid. 6.1; cf. ATF 122 V 146).

Dans la police d’assurance, il est mentionné que les indications figurant dans la description de l’activité constituent la base des éléments décisionnels pour déterminer en cas d’accident quand et dans quelle mesure l’activité professionnelle peut être reprise. Il y est également indiqué que les changements affectant les bases de cette police, en particulier ceux de l’activité d’exploitation, doivent être communiqués de suite à l’agence compétente. Les « Conditions d’assurance des chefs d’entreprise » font partie intégrante de cette police d’assurance. Leur chiffre 4.1 précise notamment que le rapport d’assurance entre la personne assurée et l’assurance-accidents est fondé sur une police écrite et que la convention est valable sous réserve de l’acceptation par l’assureur-accidents.

 

En l’occurrence, il est admis par l’assurée qu’elle a négligé d’informer l’assurance-accidents des changements intervenus dans son activité professionnelle avant la survenance du cas d’assurance. Certes, dans ses conclusions, elle fait état de déclarations qu’elle avait faites à l’assurance-accidents le 13.04.2011, soit à une date postérieure au premier accident mais antérieure au second. Il apparaît que ces déclarations, consignées dans un compte-rendu d’entretien avec un inspecteur de l’assurance-accidents portant sur son incapacité de travail, font référence à une activité d' »acquisition », de « contacts avec la clientèle sur place », de « contrôle/instructions sur place » avec « beaucoup de déplacements ». Ces propos sont toutefois trop vagues et imprécis pour conclure qu’elle aurait communiqué à l’assurance-accidents, à ce moment-là, la nouvelle répartition de ses activités au sein de son entreprise, c’est-à-dire 75% d’activités d’exploitation en position debout et 25% d’activités de bureau en position assise, comme elle l’a écrit expressément dans son courrier du 12.02.2012 qui, lui, est postérieur de cinq mois au second accident. On ne saurait non plus en inférer qu’elle aurait par ce biais présenté une demande de modification du contrat d’assurance conclu avec l’assurance-accidents le 21.04.2009. En l’absence d’une telle demande à laquelle l’assureur-accidents aurait donné son aval, l’activité assurée lors de la réalisation du risque couvert – en l’espèce les accidents survenus les 20.01.2011 et 14.09.2011 – était donc définie par la description qui en a été faite dans la police d’assurance établie le 21.04.2009, à savoir 10% de travaux d’exploitation et 90% de travaux de bureau internes. Conformément aux conditions d’assurance, c’est cette description qui est déterminante pour fixer le droit aux prestations d’assurance de l’assurée, respectivement l’étendue des obligations de l’assurance-accidents, à raison de ces événements accidentels. Il s’ensuit que les indications précises fournies après coup par l’assurée sur la répartition effective de ses activités professionnelles ne peuvent avoir d’incidence sur les obligations de l’assurance-accidents dès lors que la police d’assurance n’a pas été modifiée en conséquence et de manière concordante par les parties au contrat avant que le cas d’assurance ne soit survenu.

Il est vrai que ces informations auraient dû conduire l’assurance-accidents à indemniser l’assurée seulement dans la mesure de son incapacité à accomplir les tâches décrites dans la police, et non pas en fonction de la totalité de l’incapacité de travail établie par les médecins traitants sur la base d’une activité physique en position debout à 75%, ce dont elle ne s’est rendue compte que bien plus tard. Il n’en demeure pas moins qu’au vu de la situation contractuelle existante, le seul fait que l’assurance-accidents a versé des indemnités journalières supérieures à celles auxquelles elle était tenue ne pouvait être interprété par l’assurée, selon le principe de la confiance, comme une acceptation tacite de la part de cet assureur d’une modification de la police d’assurance dans un sens qui lui est défavorable. L’argument doit ainsi être rejeté.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_200/2017 consultable ici

 

 

8C_155/2020 (i) du 01.04.2020 – Exposition aux vapeurs et aux gaz d’essence pour un employé d’une station-service – Maladie professionnelle niée – 9 LAA / Valeur probante d’un rapport d’expertise – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_155/2020 (i) du 01.04.2020

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Consultable ici

 

Exposition aux vapeurs et aux gaz d’essence pour un employé d’une station-service – Maladie professionnelle niée / 9 LAA

Valeur probante d’un rapport d’expertise / 44 LPGA

 

Le 11.06.2015, le cas de l’assuré, né en 1955, employé d’une station-service, a été annoncée à l’assurance-accidents en raison d’une perte de l’olfaction « après des années de contact avec des matières dangereuses ». L’assurance-accidents a refusé le cas, motif pris que les conditions pour admettre l’existence d’une maladie professionnelle en vertu de l’art. 9 LAA n’étaient pas réunies.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a mis en œuvre une expertise judiciaire, qui a eu lieu le 12.12.2018. L’expert a diagnostiqué une anosmie, une absence de fonction intranasale du trijumeau et une agueusie. L’expert a déclaré qu’il est peu probable que les dommages olfactifs soient infectieux, traumatiques ou dépendants de la rhinosinusite, laissant ouverte l’origine liée à l’exposition professionnelle à des substances nocives. L’expert a déclaré qu’il n’avait jamais pu observer une perte olfactive résultant des vapeurs d’essence.

Le tribunal cantonal a ordonné une expertise complémentaire, qui a eu lieu le 31.10.2019. A la lumière de tous les éléments de preuve, l’expert a considéré qu’il était peu probable qu’il y ait un lien de causalité entre les atteintes à la santé et l’exposition aux différents produits en question. Sur la base des connaissances scientifiques actuelles, l’expert a indiqué que l’exposition aux vapeurs et aux gaz d’essence, ainsi qu’aux gaz d’échappement, ne peut pas être la cause de l’anosmie, au sens de l’art. 9 al. 1 et 2 LAA.

La cour cantonale a rejeté les conclusions du premier expert et a adopté celles du second. Les juges cantonaux ont rappelé qu’un lien de causalité doit être démontré, ce qui fait défaut dans le cas d’espèce. Par ailleurs, la responsabilité de l’assureur-accidents n’est pas présumée, simplement parce qu’il y a eu exposition à des substances nocives au sens de l’art. 9 al. 1 LAA.

Par jugement du 27.01.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’interprétation de l’art. 9 al. 1 et 2 LAA a déjà été exposée en détail dans l’arrêt précédent 8C_28/2018 consid. 4.1 et 4.2, auxquels il peut être fait référence par souci de concision.

La reconnaissance d’une maladie professionnelle suppose un lien de causalité qualifié entre l’influence de l’agent nocif et l’affection. Il ne suffit donc pas que l’agent soit une cause parmi d’autres de celle-ci. C’est pourquoi la seule exposition à une substance nocive ne saurait présumer l’existence d’un lien de causalité entre celle-ci et l’affection, et encore moins établir l’exigence d’une relation prépondérante (arrêt 8C_306/2014 du 27 mars 2015 consid. 5.2 et la référence).

Contrairement aux (simples) rapports médicaux internes à l’assureur, où il suffit qu’il existe un doute, même léger, quant à la fiabilité et la pertinence de leurs constatations pour que l’assuré se soumette à un examen médical externe, les rapports d’expertise réalisés dans le cadre de la procédure administrative ou judiciaire (art. 44 LPGA) par des médecins spécialistes externes doivent être reconnus comme valeur probante dans l’appréciation des faits, dans la mesure où il n’y a pas d’indices concrets sur la fiabilité de l’expertise (ATF 135 V 465 consid. 4.4 p. 470 ; 125 V 351 consid. 3b/bb p. 353). Ces expertises ne peuvent être remises en question simplement parce que leurs conclusions ne rejoignent pas celles des médecins traitants. Demeurent réservés les cas dans lesquels un complément doit être imposé afin de clarifier certains aspects ou directement à une conclusion contraire, car les médecins traitants laissent émerger des aspects importants et pas seulement une interprétation médicale purement subjective. A cet égard, il convient de mentionner la nature différente du mandat thérapeutique et d’expertise (parmi les nombreux arrêts 8C_55/2018 du 30 mai 2018 consid. 6.2 et 8C_820/2016 du 27 septembre 2017 consid. 5.3).

Le caractère peu concluant du rapport du premier expert a été confirmé par le tribunal cantonal. Il n’est donc pas nécessaire de revenir sur cette évaluation. Dans ce cas, le rapport du second expert n’a pas révélé de preuves concrètes qui pourraient mettre en doute la fiabilité du rapport. Le spécialiste a pleinement évalué la situation médicale de l’assuré et l’a comparée avec les matériaux et les vapeurs auxquels l’assuré avait été exposé lors de son parcours professionnel. L’expert, contrairement aux critiques très vagues de l’assuré, a donné un avis convaincant sur la causalité des troubles dont l’assuré se plaint avec diverses substances. Toutefois, il convient de garder à l’esprit que la simple exposition à des substances nocives ne suffit pas à établir la responsabilité de l’assureur-accidents.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_155/2020 consultable ici

 

 

8C_567/2017 (f) du 12.03.2018 – Troubles psychiques – Causalité adéquate – 6 LAA / Collision moto-piéton / Classification de l’accident – Gravité moyenne stricto sensu

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_567/2017 (f) du 12.03.2018

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – Causalité adéquate / 6 LAA

Collision moto-piéton – Choc provoqué par une voiture pas comparable à celui d’une moto en ce qui concerne les forces générées et les conséquences qui en résultent

Classification de l’accident – Gravité moyenne stricto sensu

Evolution de la symptomatologie rapidement influencée par l’apparition de troubles d’origine psychogène – Critère des douleurs physiques persistantes nié

 

Le 17.11.2006, assurée, née en 1948, a été renversée par une moto alors qu’elle traversait un passage pour piétons. Il en est résulté un polytraumatisme sous la forme d’un TCC, de multiples fractures, une surdité mixte de l’oreille droite ainsi qu’une plaie de la cuisse droite. Ultérieurement l’intéressée a développé une anxiété qui a donné lieu à un traitement médicamenteux puis, par la suite, à un suivi psychiatrique régulier.

Selon les déclarations du motocycliste à la Gendarmerie nationale, celui-ci circulait à une vitesse située aux alentours de 50 km/h. De son côté un témoin interrogé par la police a déclaré que le motocycliste circulait « à une vitesse raisonnable ». Ces déclarations ne sont toutefois pas assez précises pour permettre d’évaluer les forces en jeu sans examiner les circonstances qui ont immédiatement suivi l’impact. En l’occurrence, déséquilibré à la suite de la collision avec l’assurée, le motocycliste a été déporté sur sa droite et a chuté avec sa moto quelques mètres plus loin. Il s’en est toutefois relevé indemne et son véhicule n’a pas subi de dégâts significatifs. Il a immédiatement ôté son casque et s’est porté au secours de l’intéressée.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a dénié à l’assurée le droit à une rente d’invalidité et lui a alloué une indemnité pour atteinte à l’intégrité d’un taux de 25%.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/559/2017 – consultable ici)

La juridiction cantonale a admis l’existence d’un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques (état de stress post-traumatique en rémission, trouble anxieux et dépressif mixte, et majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques) et l’événement du 17.11.2006 qu’elle a qualifié d’accident de gravité moyenne à la limite de la catégorie des accidents graves. Elle a considéré que deux des critères objectifs retenus par la jurisprudence (cf. ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140, 403 consid. 5c/aa p. 409) étaient réalisés en l’occurrence, à savoir le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques, ainsi que la gravité ou la nature particulière des lésions physiques.

Par jugement du 22.06.2017, admission du recours par le tribunal cantonal et octroi d’une rente d’invalidité de 20%.

 

TF

Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose, outre un lien de causalité naturelle, l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de façon générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 consid. 3.2 p. 181; 402 consid. 2.2 p. 405; 125 V 456 consid. 5a p. 461 s. et les références).

Pour procéder à la classification de l’accident dans l’une des trois catégories prévues par la jurisprudence, il faut uniquement se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même. Sont déterminantes les forces générées par l’accident et non pas les conséquences qui en résultent. La gravité des lésions subies – qui constitue l’un des critères objectifs pour juger du caractère adéquat du lien de causalité – ne doit être prise en considération à ce stade de l’examen que dans la mesure où elle donne une indication sur les forces en jeu lors de l’accident (SVR 2013 UV n° 3 p. 7, 8C_398/2012, consid. 5.2; SVR 2012 UV n° 23 p. 83, 8C_435/2011, consid. 4.2; arrêts 8C_929/2015 du 5 décembre 2016 consid. 4.3.1; 8C_818/2015 du 15 novembre 2016 consid. 5.1).

 

En l’espèce il n’est pas possible de se fonder sur l’arrêt U 214/04 du 15 mars 2005 pour qualifier l’événement survenu le 17.11.2006 dans la mesure où le choc provoqué par une voiture n’est en rien comparable à celui d’une moto en ce qui concerne les forces générées et les conséquences qui en résultent.

Il résulte de l’absence de blessure et de dégâts au véhicule que la chute du motocycliste n’a pu survenir qu’à une vitesse réduite, ce qui tend à démontrer que l’impact est comparable à celui subi par la victime dans le précédent invoqué par la recourante (arrêt 8C_816/2012 du 4 septembre 2013). A cet égard on ne saurait en effet partager le point de vue de l’assurée selon lequel son corps aurait amorti la chute du motocycliste puisque celle-ci a eu lieu à la suite du déséquilibre provoqué par le choc. Dans ces conditions l’événement survenu le 17.11.2006 doit être qualifié d’accident de gravité moyenne stricto sensu, ce qui implique qu’au moins trois critères objectifs définis par la jurisprudence doivent être réalisés pour que soit retenu le caractère adéquat du lien de causalité.

 

En l’occurrence il n’est pas nécessaire d’examiner si les deux critères retenus par la juridiction cantonale – à savoir le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques, ainsi que la gravité ou la nature particulière des lésions physiques – sont réalisés. En effet il n’apparaît pas qu’un troisième critère déterminant se soit manifesté d’une manière particulièrement marquante. A cet égard on ne saurait partager le point de vue de l’assurée selon lequel le critère des douleurs physiques persistantes est réalisé étant donné qu’elle « éprouve encore aujourd’hui des douleurs handicapantes qui lui donnent l’impression d’être dans un autre corps depuis l’accident ». On relève en effet que l’évolution de la symptomatologie a été assez vite influencée par l’apparition de troubles d’origine psychogène – qui ont nécessité un traitement médicamenteux puis, par la suite, un suivi psychiatrique régulier -, de sorte que l’on ne saurait admettre que le critère des douleurs physiques persistantes est réalisé. Le caractère adéquat du lien de causalité entre les troubles psychiques doit dès lors être nié.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_567/2017 consultable ici

 

 

Nouvelle convention de sécurité sociale entre la Suisse et la Bosnie et Herzégovine : message du Conseil fédéral

Nouvelle convention de sécurité sociale entre la Suisse et la Bosnie et Herzégovine : message du Conseil fédéral

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 05.06.2020 consultable ici

 

Grâce à une nouvelle convention de sécurité sociale, les relations juridiques en matière de sécurité sociale entre la Suisse et la Bosnie et Herzégovine seront actualisées. Lors de sa séance du 5 juin 2020, le Conseil fédéral a adopté un message relatif à cette convention à l’attention du Parlement. Celle-ci coordonne en particulier les systèmes de prévoyance vieillesse, survivants et invalidité ainsi que l’assurance-accidents des États partenaires et réglemente le versement des rentes à l’étranger.

Le Conseil fédéral a transmis au Parlement le message relatif à l’approbation de la convention de sécurité sociale entre la Suisse et la Bosnie et Herzégovine. Cette nouvelle convention met à jour la coordination des systèmes de sécurité sociale entre la Suisse et l’État issu de l’ex-Yougoslavie. Elle remplace la convention avec l’ex-Yougoslavie, encore en vigueur. Celle-ci cessera d’être appliquée, car la Bosnie et Herzégovine est, parmi les États successeurs de l’ex-Yougoslavie, le dernier État avec lequel la Suisse n’avait pas encore conclu de convention de sécurité sociale.

Sur le fond, la convention correspond aux conventions de sécurité sociale déjà conclues par la Suisse et elle est conforme aux standards internationaux en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale. Elle coordonne la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité ainsi que l’assurance-accidents des États partenaires – l’AVS, l’AI et la LAA en ce qui concerne la Suisse -, afin d’éviter des désavantages ou des discriminations à l’égard des ressortissants des deux États. La convention garantit une égalité de traitement des assurés et réglemente le versement des rentes à l’étranger. La convention règle en outre les bases de la collaboration en matière de lutte contre les abus.

La convention a été signée par les États partenaires le 1er octobre 2018. Son entrée en vigueur requiert l’approbation préalable des parlements des États contractants.

 

 

CONDENSÉ

La présente convention de sécurité sociale est la dernière d’une série de conventions qui remplacent, par des conventions séparées, la convention de sécurité sociale conclue avec la République Populaire Fédérative de Yougoslavie.

 

Contexte

La Bosnie et Herzégovine est un État successeur de l’ex-République Populaire Fédérative de Yougoslavie. Dans le domaine de la sécurité sociale, les relations entre la Suisse et cet État sont encore réglées par la convention entre la Suisse et la République Populaire Fédérative de Yougoslavie, conclue en 1962.

La conclusion d’une nouvelle convention est nécessaire, parce que le texte de la convention de 1962 est désuet et que ses dispositions ne sont plus adaptées à la législation en vigueur dans les États parties.

Des nouvelles conventions ont déjà été conclues avec les autres États successeurs de l’ex-République Populaire Fédérative de Yougoslavie. Les conventions avec la Serbie et avec le Monténégro sont entrées en vigueur le 01.01.2019, celle avec le Kosovo le 01.09.2019.

 

Contenu du projet

La convention suit le modèle des conventions de sécurité sociale conclues jusqu’à présent par la Suisse et les principes reconnus sur le plan international dans le domaine de la sécurité sociale. Parmi ceux-ci figurent notamment l’égalité de traitement des ressortissants des États contractants, le versement des rentes à l’étranger, la prise en compte des périodes d’assurance, l’assujettissement des personnes exerçant une activité lucrative et l’entraide administrative. La convention contient en outre une base en matière de lutte contre les abus et la fraude.

En ce qui concerne la Suisse, le champ d’application matériel de la convention comprend l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité, l’assurance-accidents et les allocations familiales dans l’agriculture. La convention contient en outre des dispositions spécifiques sur la coordination de l’assurance-maladie.

Le message décrit dans une première partie l’historique de la convention. Il présente ensuite le système de sécurité sociale de la Bosnie et Herzégovine, et contient enfin un commentaire des dispositions de la convention.

 

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 05.06.2020 consultable ici

Message concernant l’approbation de la convention de sécurité sociale entre la Suisse et la Bosnie et Herzégovine publié in FF 2020 5619

Arrêté fédéral portant approbation de la Convention de sécurité sociale entre la Suisse et la Bosnie et Herzégovine (projet) publié in FF 2020 5635

Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la Bosnie et Herzégovine publié in FF 2020 5637

 

 

8C_89/2018 (i) du 18.09.2018 – Revenu sans invalidité d’un assuré au chômage – ESS niveau de compétences 1 de la branche spécifique – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_89/2018 (i) du 18.09.2018

 

Consultable ici

 

Revenu sans invalidité d’un assuré au chômage – ESS niveau de compétences 1 de la branche spécifique / 16 LPGA

 

Assuré, né en 1959, se plaint de troubles auditifs. Le cas est annoncé à l’assurance-accidents le 11.12.2014 par l’intermédiaire de la caisse de chômage. Après les investigations habituelles, l’assurance-accidents a considéré le cas comme une maladie professionnelle. Par décision du 18.02.2016, l’assurance-accidents a octroyé une IPAI de 20%.

Le 13.07.2016, l’assuré, qui était employé depuis le 30.05.2016 en tant qu’ouvrier du bâtiment et machiniste avec un contrat de travail sur appel, a annoncé une rechute. L’assureur-accidents a versé des indemnités journalières jusqu’au 30.11.2016. Sur le plan de l’exigibilité, l’assuré est en mesure d’œuvrer dans un emploi à plein temps et à plein rendement compatible avec la perte auditive dont il souffre : en dehors des zones de danger et de bruit, il peut donc effectuer des travaux de manutentions simples et d’organisation ou la préparation de matériel. Par décision, confirmée sur opposition, l’assureur-accidents a reconnu le droit de l’assuré à une rente d’invalidité de 12% à compter du 01.12.2016.

 

Procédure cantonale

L’instance cantonale a fixé le revenu sans invalidité sur la base des statistiques résultants de l’ESS (TA1, branches 41-43 [construction], niveau de compétences 1, hommes), soit CHF 68’607. Comparé au revenu d’invalide de CHF 60’407 (selon ESS), il en résulte un taux de 11.85%, arrondi à 12%.

Par jugement du 06.12.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assuré estime que le revenu sans invalidité doit être de CHF 75’000, correspondant à la moyenne – indexée – de ce qu’il a gagné en 2011, 2012 et 2013 et en partie en 2014, avant le début de la maladie professionnelle.

Dans les considérants de l’arrêt attaqué, le tribunal cantonal a correctement indiqué que l’assuré était au chômage depuis longtemps, en fait depuis le 30.10.2014. Pour cette raison, son revenu sans invalidité doit être déterminé sur la base des données statistiques de l’ESS, conformément à la jurisprudence (cf. parmi de nombreux arrêts 8C_842/2014 du 4 mars 2015 consid. 2.4.2 et les références et 8C_728/2016 du 21 décembre 2016 consid. 3.1). La conclusion du tribunal cantonal est donc correcte, qui a considéré que la formation de l’assuré se limite à une expérience de plusieurs décennies sans formation complémentaire : dans ces conditions, l’assuré ne peut pas bénéficier d’un niveau de compétence supérieur (arrêt 8C_728/2016 du 21 décembre 2016 consid. 3.3).

L’assuré affirme, sans le démontrer, qu’il a perdu son emploi en octobre 2014 pour des raisons médicales. Ceci est en contradiction avec ses propres déclarations : il a précisé à l’assurance-accidents qu’il travaillait par blocs de six mois en six mois.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_89/2018 consultable ici

 

Remarque : aurait-on obtenu un résultat différent si le revenu sans invalidité avait été fixé sur la base de la convention collective ?

 

 

8C_88/2020 (d) du 14.04.2020 – Revenu sans invalidité supérieur au minimum CCT mais inférieur au revenu ESS – 16 LPGA / Pas de parallélisation

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_88/2020 (d) du 14.04.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Revenu sans invalidité supérieur au minimum CCT mais inférieur au revenu ESS / 16 LPGA

Pas de parallélisation

 

Assuré, né en 1962, monteur de matériel, est tombé en marchant le 27.07.2014 et s’est blessé à l’épaule gauche. L’assuré a été licencié le 16.03.2015.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit à une rente d’invalidité en l’absence de perte de gain indemnisable.

 

Procédure cantonale

Concernant le revenu sans invalidité, la cour cantonale a retenu que le licenciement prononcé n’avait probablement pas été motivé par des raisons économiques, mais parce que l’assuré n’avait pas pu reprendre son travail en raison de l’accident et qu’un poste adapté au sein de l’entreprise n’avait pas été proposé. Le revenu à prendre en considération était donc celui qu’il aurait gagné dans l’entreprise dans laquelle il avait travaillé pendant plus de 20 ans, soit 61 750 CHF (13 x 4750 CHF). S’agissant du revenu d’invalide, l’instance cantonale s’est référée aux salaires statistiques (ESS). Contrairement à l’assurance-accidents, qui avait procédé à un abattement de 15% sur le revenu statistique, le tribunal cantonal n’a pas considéré qu’une déduction était justifiée. Selon la cour cantonale, il n’y a aucune raison de procéder à une parallélisation des revenus à comparer. Elle a ainsi conclu que la comparaison des deux revenus n’entraînait pas de perte de gain.

Par jugement du 19.12.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Dans le jugement contesté, le tribunal cantonal a déclaré que les circonstances étaient telles qu’il fallait partir du principe que l’assuré avait accepté volontairement le salaire perçu et que les conditions d’une augmentation de salaire n’étaient pas remplies. Ses revenus correspondaient alors aux conditions de la CCT dans l’industrie mécanique, électrique et métallurgique (MEM-Industrie) 2013-2018, selon lesquelles le salaire mensuel dans le canton de Berne était de 3600 CHF.

Compte tenu de cette situation de départ, le tribunal cantonal a estimé à juste titre qu’un revenu sans invalidité correspondant au salaire minimum prévu par la CCT ne pouvait pas être qualifié d’inférieur à la moyenne selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, même s’il était nettement inférieur au niveau de salaire ESS (cf. SVR 2018 UV Nr. 33 S. 115, 8C_759/2017 consid. 3.2.2 et les références). À cet égard, il n’est pas contraire au droit fédéral de se référer à une CCT régionale (cf. arrêt 8C_662/2019 du 26 février 2020 consid. 3.3).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_88/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_88/2020 (d) du 14.04.2020 – Revenu sans invalidité supérieur au minimum CCT mais inférieur au revenu ESS, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/06/8c_88-2020)

 

8C_45/2020 (f) du 08.04.2020 – Domaine d’activité de la CNA – 66 al. 1 let. m LAA / Distinction entre bureaux techniques et bureaux d’études

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_45/2020 (f) du 08.04.2020

 

Consultable ici

 

Domaine d’activité de la CNA / 66 al. 1 let. m LAA

Distinction entre bureaux techniques et bureaux d’études

 

A.__ SA (ci-après : l’entreprise) a pour but statutaire de « réaliser des prestations de services, de conseils, d’assistance technique, de veille et d’expertise dans les domaines des analyses chimiques, des contrôles métallographiques, horlogers, microtechniques ainsi que des essais de vieillissement ». Les travailleurs qu’elle emploie sont assurés contre les accidents auprès d’Axa Winterthur.

En octobre 2015, la Caisse nationale suisse d’assurance en cas d’accidents (CNA) a ouvert une procédure visant à déterminer si les travailleurs de l’entreprise étaient assurés obligatoirement auprès d’elle. Il ressort du site internet de l’entreprise que celle-ci n’a cessé, depuis sa création en 1977, de diversifier les produits et matériaux sur lesquels elle réalise des contrôles, essais et analyses; elle est actuellement active dans le secteur médical ainsi que dans ceux de l’horlogerie, de la bijouterie, de la maroquinerie, de la microtechnique et de l’environnement et bénéficie d’une accréditation ISO 17025 notamment pour des activités de contrôles métallographiques ou d’essais de matériaux. Lors d’un entretien avec la CNA, l’entreprise a expliqué ne pas effectuer de surveillance technique pour le compte de ses clients, mais leur offrir un service d’analyses et de tests des matériaux que ceux-ci lui soumettent ; ainsi, elle détient un département « matériaux », dans lequel sont testées des pièces métalliques au moyen de machines provoquant des chocs, simulant des frottements et reproduisant certaines conditions climatiques ; par ailleurs, un laboratoire chimique fournit des analyses d’eaux ou de composants chimiques de métaux et utilise à ces fins des produits chimiques, toutefois à faible dose.

Après instruction et par décision, confirmée sur opposition, la CNA a déclaré soumettre à l’assurance obligatoire auprès d’elle l’ensemble de l’entreprise à compter du 01.01.2018 et l’a attribuée à la classe 62B (Bureau d’architecture et d’ingénieurs).

 

Procédure cantonale (arrêt C-6838/2017 – consultable ici)

Selon le Tribunal administratif fédéral, faute d’influencer directement et de manière contraignante l’activité de ses clients, l’entreprise ne constituait pas une entreprise de préparation, de direction ou de surveillance techniques des travaux mentionnés aux lettres b à l de l’art. 66 al. 1 LAA, de sorte qu’elle n’était pas soumise à l’obligation de s’assurer auprès de la CNA sur la base de l’art. 66 al. 1 let. m LAA.

Par jugement du 29.11.2019, le Tribunal administratif fédéral a admis le recours. Il a considéré en bref que l’entreprise ne pouvait pas être affiliée obligatoirement auprès de la CNA sur la base de l’art. 66 al. 1 let. m LAA et que la CNA devrait examiner, après instruction complémentaire, si elle pouvait l’être sur la base de l’art. 66 al. 1 let. e LAA, voire de l’art. 66 al. 1 let. f LAA.

 

TF

En l’espèce, le jugement attaqué s’analyse comme une décision de renvoi qui, en tant qu’elle interdit à la CNA de retenir l’art. 66 al. 1 let. m LAA comme base d’affiliation obligatoire de l’entreprise, est susceptible de lui causer un préjudice irréparable en la contraignant – si les autres bases possibles d’affiliation obligatoire devaient être écartées – à rendre une décision qu’elle considère comme contraire au droit. En effet, elle ne pourrait alors pas attaquer sa propre décision devant le Tribunal administratif fédéral, faute de lésion formelle (formelle Beschwer), et l’entreprise n’aurait quant à elle pas de raison de porter devant cette instance une décision qui lui serait favorable, de sorte que la fausse application du droit ne pourrait en définitive pas être corrigée (ATF 142 V 26 consid. 1.2 précité; 133 V 477 précité consid. 5.2.4 p. 484 s.).

 

L’art. 66 al. 1 LAA énumère les entreprises et administrations dont les travailleurs sont assurés obligatoirement auprès de la CNA. Chargé de désigner de manière détaillée les entreprises soumises à l’obligation de s’assurer auprès de la CNA (cf. art. 66 al. 2 LAA), le Conseil fédéral a fait usage de cette compétence en édictant les art. 73 ss OLAA. Comme l’a relevé à bon droit le Tribunal administratif fédéral, pour déterminer si une entreprise doit ou non être assurée de manière obligatoire auprès de la CNA, la loi impose de procéder préalablement à certaines distinctions, dont la première consiste à se demander si l’on est en présence d’une entreprise unitaire, par opposition à une entreprise composite. Est une entreprise unitaire celle qui se consacre essentiellement à des activités appartenant à un seul domaine ; elle présente donc un caractère homogène ou prédominant, par exemple en tant qu’entreprise de construction, entreprise commerciale, société fiduciaire, etc., et n’exécute essentiellement que des travaux qui relèvent du domaine d’activité habituel d’une entreprise de ce genre. En présence d’une entreprise unitaire, celle-ci est soumise, avec tout son personnel, à l’assurance obligatoire auprès de la CNA, pour autant qu’elle entre dans le champ d’application des entreprises énumérées à l’art. 66 al. 1 LAA (ATF 137 V 114 consid. 3.1 p. 115 s. et les arrêts cités).

En l’espèce, il n’est pas contesté que l’entreprise est une entreprise unitaire, dès lors qu’elle n’effectue que des tâches relevant de son domaine d’activité, à savoir mener des analyses et essais dans les domaines horloger, métallographique et chimique.

 

Aux termes de l’art. 66 al. 1 let. m LAA, sont assurés à titre obligatoire auprès de la CNA les travailleurs des entreprises de préparation, de direction ou de surveillance techniques des travaux mentionnés aux lettres b à l. La lettre e, à laquelle il est notamment fait renvoi, concerne les entreprises qui travaillent avec des machines le métal, le bois, le liège, les matières synthétiques, la pierre ou le verre, ainsi que les fonderies. La lettre f concerne quant à elle les entreprises qui produisent, emploient en grande quantité ou ont en dépôt en grande quantité des matières inflammables, explosibles ou pouvant entraîner des maladies professionnelles.

Selon la jurisprudence, l’art. 66 al. 1 let. m LAA vise notamment les bureaux techniques divers, par exemple un bureau d’ingénieur ou un bureau d’architecte, dès lors qu’ils s’occupent de la réalisation d’un projet déterminé, en établissant des plans concrets ; la notion de bureaux techniques s’oppose à celle de bureaux d’études qui ne s’occupent que d’études et de calculs, sans obligation par rapport à un projet concret, dans les domaines de la recherche, du développement, de l’aménagement du territoire, etc. (arrêts du Tribunal fédéral des assurances [actuellement Cours de droit social du Tribunal fédéral] U 416/05 du 25 janvier 2006 consid. 3.4 et la référence; U 484/05 du 9 juin 2006 consid. 3.2.1). Il s’agit dans le cas des bureaux d’études principalement de modèles de pensées, de déclarations de mission ou de variantes qui servent d’orientation préliminaire ou de base de décision pour la direction de l’entreprise, les autorités ou les commissions ; le produit d’un bureau d’études ne peut ainsi généralement être utilisé qu’indirectement, car il doit être concrétisé et adapté aux besoins d’un client spécifique pour pouvoir être mis en œuvre dans la pratique ; l’assurance des travailleurs de tels bureaux d’études ne tombe pas dans le domaine d’activité de la CNA (RAMA 1988 n° U 51 p. 289 consid. 4d; arrêt U 484/05 consid. 3.2.1 précité).

La distinction entre bureaux techniques et bureaux d’études ne vaut pas seulement pour les bureaux d’ingénieur ou d’architecte. Ainsi, le Tribunal fédéral des assurances a considéré que les prestations d’une entreprise qui effectue des travaux de coordination, de planification et de surveillance pour des exploitants de réseaux électriques ne consistent pas à apporter des connaissances de base, mais à fournir des solutions spécifiques dans le contrôle du réseau électrique, de sorte qu’il s’agit d’une entreprise visée par l’art. 66 al. 1 let m LAA en relation avec l’art. 66 al. 1 let. l LAA. Il a précisé qu’il importe peu que l’activité en question conduise à des propositions non contraignantes, dès lors que le pouvoir de donner des instructions n’est pas requis pour les opérations visées par l’art. 66 al. 1 let. m LAA (arrêt U 92/02 du 13 septembre 2002 consid. 3).

Dans le même arrêt, le Tribunal fédéral des assurances a rappelé que le fait que les employés des bureaux techniques ne sont pas exposés aux mêmes risques accrus que ceux des entreprises mentionnées aux lettres b à l de l’art. 66 al. 1 LAA est sans pertinence ; en effet, le critère des risques inhérents aux entreprises, qui prévalait sous le régime de la LAMA, n’est pas pertinent sous l’empire de la LAA, dont la réglementation sur la soumission n’a plus une fonction sociale, mais purement économique (arrêt U 92/02 consid. 3 précité et les références à la RAMA 1988 n° U 51 p. 289 consid. 4c et à l’ATF 113 V 327 consid. 2a-c p. 330 s.; cf. aussi décision du 18 juillet 2003 de la Commission fédérale de recours en matière d’assurance-accidents [REKU 525/02] consid. 6b/cc, in JAAC 2004 n° 39 p. 493).

 

Il est constant que l’activité de l’entreprise consiste à effectuer des tests et analyses sur les produits et matériaux que lui confient ses clients et à remettre à ceux-ci des rapports destinés à leur permettre d’évaluer l’opportunité de modifier leur production, respectivement d’améliorer leur processus de production. En cela, elle fournit à ses clients des informations concrètes, directement utilisables, tout comme une entreprise qui fournit à ses clients exploitant des réseaux électriques des solutions spécifiques pour optimiser le contrôle du réseau électrique dans l’arrêt U 92/02 cité plus haut. Comme précisé dans cet arrêt, il importe peu que l’activité en question conduise à des propositions non contraignantes, dès lors que le pouvoir de donner des instructions n’est pas requis pour les opérations visées par l’art. 66 al. 1 let. m LAA. Il va en effet de soi qu’une entreprise qui choisit de s’adresser à une autre entreprise indépendante pour des tâches de préparation ou de surveillance de ses travaux de production reste libre de la suite qu’elle entend donner aux rapports qui lui sont livrés et de planifier elle-même la mise en œuvre des pistes concrètes qui lui sont proposées. Il n’est donc pas déterminant que l’entreprise n’ait pas de pouvoir de décision, respectivement n’intervienne pas de manière contraignante dans l’activité de ses clients, et que ceux-ci décident librement de modifier ou non leur production sur la base des propositions d’amélioration soumises par l’entreprise. Dans la mesure où son activité consiste à effectuer des travaux techniques – que ceux-ci soient qualifiés de travaux de planification ou de surveillance – relatifs à des travaux mentionnés aux lettres e et f de l’art. 66 al. 1 LAA, l’entreprise est soumise à l’obligation de s’assurer auprès de la CNA sur la base de l’art. 66 al. 1 let. m LAA, selon une distinction purement économique et sans égard au fait que ses travailleurs ne sont pas exposés aux mêmes risques que les travailleurs des entreprises qui font appel à elle.

 

Le TF admet le recours de la CNA, annule le jugement du TAF et confirme la décision sur opposition de la CNA.

 

 

Arrêt 8C_45/2020 consultable ici

 

 

4A_328/2018 (f) du 27.08.2019 – IJ maladie LCA et notion de « maladie » / Rappel des notions de causalité naturelle, symptômes de pont et rechute, propres à l’assurance sociale / Caractère post-traumatique d’une arthrose de la cheville 45 ans après un accident et références de la littérature scientifique idoine

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_328/2018 (f) du 27.08.2019

 

Consultable ici

 

IJ maladie LCA et notion de « maladie »

Rappel des notions de causalité naturelle, symptômes de pont et rechute, propres à l’assurance sociale

Caractère post-traumatique d’une arthrose de la cheville 45 ans après un accident et références de la littérature scientifique idoine

 

En 2006, l’assuré a conclu auprès d’une société d’assurances une assurance contre le risque de perte de gain en cas de maladie, prévoyant le versement d’indemnités journalières correspondant à la totalité du salaire assuré, fixé à 60’000 fr. par an, durant 730 jours, après un délai d’attente de 30 jours. L’article 3 CGA définissait la maladie comme « toute atteinte involontaire à la santé qui requiert un traitement médical et qui n’est pas la conséquence d’un accident ou des suites d’un accident ».

En février 2010, la société d’assurances a sommé l’assuré de payer sa prime 2010. Celui-ci s’est finalement exécuté le 01.09.2010.

Le 06.11.2010, l’assuré a annoncé à la société d’assurances qu’il avait subi, le 29.10.2010, une arthrodèse tibio-astragalienne suite à une arthrose de la cheville droite. Il a joint à son envoi une déclaration de maladie faisant état d’une cessation d’activité au 13.09.2010 et deux certificats médicaux établis par le Dr M1.__, spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie, attestant d’une incapacité de travail totale à compter du 13.09.2010.

Le 30.08.2010, le Dr M2.__, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et en traumatologie de l’appareil locomoteur, rapporte que le 26.08.2010, il a examiné pour la première fois l’assuré qui lui était adressé par son médecin traitant, soit le Dr M1.__. Le patient présentait depuis plusieurs années des douleurs de la cheville droite de type mécanique ; il avait été victime d’une fracture de cette cheville à la suite d’un accident de sport (football), fracture qui avait été traitée conservativement. Le patient marchait avec une canne depuis 2 ans. Depuis quelques mois, les douleurs étaient devenues invalidantes, en particulier en station debout et lors de marches en terrain irrégulier ou à la montée. Le médecin a posé le diagnostic de troubles dégénératifs de la cheville droite d’origine post-traumatique après légère antéposition et varisation du talus et fracture de la cheville à l’âge de 19 ans.

Le 14.12.2010, le Dr M1.__ a adressé un nouveau rapport à la société d’assurances indiquant que la cause des troubles était « maladive et accidentelle», les douleurs à caractère mécanique étant localisées à la cheville droite, depuis plusieurs années, à la suite d’un accident de sport.

Le Dr M2.__ a établi deux certificats de travail attestant d’une incapacité de travail jusqu’au 01.03.2011 ; le premier faisait remonter le départ de l’incapacité au 26.08.2010, le second au 09.09.2010.

Dans le cadre du suivi post-opératoire, le Dr M2.__ a réexaminé le patient le 26.10.2011. Dans son rapport, le chirurgien orthopédiste a indiqué comme diagnostic «S/p arthrodèse redressante tibio-astragalienne D dans le cadre d’une arthrose post-traumatique».

Par courrier du 10.02.2011, la société d’assurances a refusé ses prestations en raison d’une problématique de prime impayée. Des échanges de correspondances s’en sont suivis. Le 13.07.2012, la société d’assurances a annoncé à l’assuré que son dossier allait être transmis au service de sinistres afin que son « cas de maladie» puisse être traité normalement. La société d’assurances a versé à l’assuré la somme de 27’452 fr. représentant 167 indemnités journalières à 164 fr. 38 le jour, pour la période du 13.10.2010 au 28.03.2011.

Par courrier du 10.06.2013, l’assuré a vainement réclamé le paiement du solde des indemnités journalières par 92’548 fr. (soit 120’000 fr. – 27’452 fr.).

 

Procédure cantonale

A la suite d’un arrêt du Tribunal fédéral (ATF 141 III 479 consid. 2), le dossier a été transmis au Tribunal cantonal valaisan, en sa qualité d’instance cantonale unique en matière d’assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale.

Par jugement du 26.04.2018, le Tribunal cantonal a rejeté la demande. En substance, il a retenu que la couverture d’assurance, suspendue en février 2010 par la sommation de payer la prime 2010, était à nouveau en vigueur depuis quelques jours lorsque l’incapacité de travail de l’assuré avait débuté le 13.09.2010. Cela étant, la police d’assurance ne couvrait que les cas de maladie. Or, le Tribunal cantonal s’était convaincu que les troubles ayant occasionné l’incapacité de travail dès septembre 2010 étaient d’origine post-traumatique. Le Dr M2.__ avait «toujours affirmé de manière constante et cohérente que les troubles de la cheville droite étaient dus à une arthrose post-traumatique, au contraire du Dr M1.__ dont les appréciations sur ce point [avaie]nt constamment varié». L’avis selon lequel les douleurs de l’assuré étaient la conséquence de l’accident subi au football à l’âge de 19 ans était corroboré par le fait que l’intéressé souffrait de la cheville droite depuis plusieurs années, comme l’attestaient les deux médecins dans leurs rapports. En bref, l’atteinte à la santé était accidentelle et n’était pas couverte par la police en question. Les renseignements fournis par les Drs M1.__ et M2.__ étaient suffisants pour se forger une opinion, qu’un nouvel avis médical ne pourrait pas modifier; aussi convenait-il de rejeter la requête d’expertise médicale.

 

TF

En matière d’assurances sociales, la jurisprudence a développé les principes suivants :

  • La définition légale de la maladie englobe toutes les atteintes à la santé qui ne sont pas dues à un accident (cf. art. 3 al. 1 LPGA). Il s’ensuit qu’une atteinte à la santé est en principe imputable soit à une maladie, soit à un accident (arrêts 9C_537/2007 du 29 août 2008 consid. 3.3; 4C.230/2000 du 10 novembre 2000 consid. 3). Pour répondre à la notion juridique d’ «accident » (art. 4 LPGA), l’atteinte à la santé doit notamment trouver son origine dans un facteur extérieur, c’est-à-dire résulter d’une cause exogène au corps humain (arrêt 8C_235/2018 du 16 avril 2019 consid. 6.2). L’assurance-maladie sociale est tenue de provisoirement prendre en charge certaines prestations qui pourraient relever de l’assurance-accident, notamment lorsqu’est litigieuse la causalité de l’atteinte à la santé (art. 70 al. 2 let. a LPGA; cf. aussi art. 112 al. 1 OAMal; ATF 131 V 78 consid. 3; arrêt 8C_236/2008 du 14 octobre 2008 consid. 3.1). Dans ce contexte, l’assureur-maladie qui ne veut pas fournir de prestations doit ainsi prouver que la cause de l’atteinte est accidentelle (arrêt précité 4C.230/2000 consid. 3, cité par UELI KIESER, ATSG-Kommentar, 3e éd. 2015, n° 38 ad art. 3 LPGA).
  • La responsabilité de l’assureur-accident s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables – y compris les rechutes et séquelles tardives – qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec l’événement assuré. Les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en commun qu’elles sont attribuables à une atteinte à la santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée comme guérie. Il y a rechute lorsque c’est la même affection qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu’une atteinte apparemment guérie produit, au cours d’un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 118 V 293 consid. 2c p. 296; arrêt 8C_249/2018 du 12 mars 2019 consid. 4.1). Comme le souligne un auteur, sur le plan dogmatique les rechutes et séquelles tardives ne sont rien d’autre que les suites directes d’un accident. Elles se distinguent toutefois par le facteur temporel qui complique la preuve (THOMAS ACKERMANN, Kausalität, in Unfall und Unfallversicherung, 2009, p. 41). A cet égard, la jurisprudence en matière d’assurances sociales considère que plus le temps écoulé entre l’accident et la manifestation de l’affection est long, plus les exigences quant à la preuve du rapport de causalité naturelle, selon le degré de vraisemblance prépondérante, doivent être sévères (arrêts 8C_589/2017 du 21 février 2018 consid. 3.2.2; 8C_61/2016 du 19 décembre 2016 consid. 3.2).
  • La preuve de la causalité peut nécessiter d’établir des « symptômes de pont » (Brückensymptome), soit des signes (symptômes ou plaintes) du patient permettant d’opérer un lien (« pont ») entre l’événement dommageable et l’atteinte à la santé qui survient longtemps après (cf. arrêt 4A_432/2011 du 18 octobre 2011 consid. 3.1; GEORG GAHN, Neurologische Begutachtung: Schwierige Rechtsbegriffe, in Der medizinische Sachverständige 2017 p. 212 [accessible sur le site Internet www.medsach.de]). Pour illustrer le rôle des symptômes de pont, un neurologue cite l’exemple suivant : une épilepsie structurelle peut se manifester des années après une lésion neurologique substantielle causée par un accident, mais elle peut aussi apparaître chez des patients âgés comme cause primaire, non liée à un épisode traumatique. Il incombe à un expert de se prononcer sur le lien de causalité (GAHN, ibidem).
  • Dans ses considérants relatifs aux rechutes et séquelles tardives, la Ire Cour de droit social relève que lorsqu’un assuré émet des plaintes en les motivant par un accident, l’assureur-accident prend en charge les dommages causés par l’événement accidentel, mais couvre les atteintes à la santé ultérieures uniquement en présence de clairs symptômes de pont (eindeutige Brückensymptome, cf. par ex. arrêt précité 8C_589/2017 consid. 3.2.2; arrêts 8C_331/2015 du 21 août 2015 consid. 2.2.2; 8C_113/2010 du 7 juillet 2010 consid. 2.3).
  • Ladite Cour s’appuie également sur des règles d’expérience et des formes de présomption. On admet par exemple que la hernie discale est normalement due à un processus dégénératif des disques et ne découle qu’exceptionnellement d’un accident (arrêt 8C_614/2007 du 10 juillet 2008 consid. 4.1.1). Si l’assureur-accident doit prendre en charge la complication temporaire due à un accident, il ne couvre en principe pas les rechutes tardives, sauf s’il existe de clairs symptômes de pont entre l’accident et la rechute (arrêt 8C_755/2018 du 11 février 2019 consid. 4.4).
  • Cela étant, il faut garder à l’esprit que la preuve de la causalité naturelle dépend avant tout des renseignements donnés par les médecins (arrêt précité 8C_589/2017 consid. 3.2.4; arrêt 8C_571/2016 du 24 mars 2017 consid. 3 in fine; arrêt précité 8C_331/2015 consid. 2.2.3.1). Selon les circonstances d’espèce, l’absence de symptômes de pont n’exclut pas nécessairement la causalité naturelle (arrêt 8C_175/2009 du 26 juin 2009 consid. 3.2).

Il paraît pertinent de s’inspirer des principes précités développés en matière d’assurances sociales, tout en gardant à l’esprit qu’il est ici question d’une assurance privée. Il appartient à l’assuré d’établir son droit à la prestation, ce qui suppose notamment d’établir un cas de maladie. Cela étant, il est « aidé » par la définition y relative, en ce sens qu’une atteinte établie à la santé est une maladie du moment qu’elle ne résulte pas d’un accident.

En l’occurrence, dans tous ses rapports, au contraire des deux laconiques attestations d’incapacité, le spécialiste en orthopédie a attribué l’arthrose de la cheville droite à l’évolution post-traumatique, en évoquant la fracture subie à ce membre inférieur à l’âge de 19 ans.

L’assuré insiste sur l’écoulement du temps, en soulignant que près de 45 ans se sont écoulés entre la fracture et la survenance de l’incapacité de travail. Il précise avoir pu travailler et pratiquer de nombreux sports pendant ce laps de temps.

Le facteur temps n’a pas échappé aux deux médecins. Cela étant, sous réserve du cas marginal des deux attestations de février 2011, le spécialiste en orthopédie a toujours imputé l’arthrose à la fracture de la cheville droite.

Cette analyse va clairement dans le sens de la littérature scientifique, qui peut aisément être trouvée sur Internet (PubMed, US National Library of Medicine, à l’adresse https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed. Cf. notamment DELCO, KENNEDY ET ALII, Post-Traumatic Osteoarthritis of the Ankle: A Distinct Clinical Entity Requiring New Research Approaches,  in Journal of Orthopaedic Research 2017 440 ss; THOMAS, HUBBARD-TURNER ET ALII, Epidemiology of Posttraumatic Osteoarthritis,  in Journal of Athletic Training 2017 491 ss; BARG, PAGENSTERT ET ALII, Ankle Osteoarthritis, Etiology, Diagnostics, and Classification,  in Foot and Ankle Clinics 2013 411 ss; LÜBBEKE, SALVO ET ALII, Risk factors for post-traumatic osteoarthritis of the ankle: an eighteen year follow-up study,  in International Orthopaedics 2012 1403 ss; VALDERRABANO, HORISBERGER ET ALII, Etiology of Ankle Osteoarthritis,  in Clinical Orthopaedics and Related Research 2009 1800 ss; HORISBERGER ET ALII, Posttraumatic Ankle Osteoarthritis After Ankle-Related Fractures – Abstract,  in Journal of Orthopaedic Trauma 2009 60 ss; PATRICK VIENNE, Arthrose de la cheville: Possibilités de traitement chirurgical visant à conserver l’articulation,  in Schweizerische Zeitschrift für Sportmedizin und Sporttraumatologie 2008 13 ss; SALTZMAN, SALAMON ET ALII, Epidemiology of Ankle Arthritis: Report of A Consecutive Series of 639 Patients From a Tertiary Orthopaedic Center,  in The Iowa Orthopaedic Journal 2005 44 ss).

Il en ressort de façon consensuelle que l’arthrose de la cheville, au contraire de celle de la hanche ou du genou, est le plus fréquemment d’origine post-traumatique ; des taux de l’ordre de 70% à 80%, voire 90% sont avancés (cf. notamment DELCO, KENNEDY ET ALII, op. cit., p. 2 et 3; VIENNE, op. cit., p. 13; SALTZMAN, SALAMON ET ALII, op. cit., p. 44 et 46). Les fractures sont mentionnées au premier chef, ainsi que les entorses et déchirures ligamentaires. Le temps de latence entre la blessure et l’ultime degré de l’arthrose est généralement long; il est de plusieurs années, et même de décennies. Une étude retient un temps de latence moyen de 20,9 ans, dans une fourchette comprise entre 1 et 52 ans (HORISBERGER ET ALII, op. cit. [Abstract], cités par BARG, PAGENSTERT ET ALII, op. cit., p. 412). Cet élément dépend de facteurs tels que le type de fracture, les complications pendant la phase de guérison, l’âge au moment de la blessure, un mauvais alignement du varus ainsi qu’un indice de masse corporelle élevé (BARG, PAGENSTERT ET ALII, op. cit., p. 412 s. et les réf. citées); l’impact sur le cartilage lors du traumatisme initial semble être un facteur important (DELCO, KENNEDY ET ALII, op. cit., p. 3; cf. aussi BARG, PAGENSTERT ET ALII, op. cit., p. 413 et 415). Pour expliquer les singularités de l’arthrose de la cheville par rapport à celle de la hanche ou du genou (laquelle est généralement idiopathique), les chercheurs mettent en avant les caractéristiques anatomiques, biomécaniques et cartilagineuses de la cheville.

Dans le cas concret, les deux médecins soulignent que le patient souffrait depuis des années de douleurs localisées à la cheville droite, lesquelles se sont exacerbées et sont devenues invalidantes en 2010. L’assuré marchait déjà avec une canne depuis deux ans.

De l’arrêt attaqué, des rapports médicaux, certificats et autres renseignements écrits auxquels il se réfère, respectivement des explications de l’assuré, il ne ressort pas que celui-ci aurait eu les mêmes douleurs, symptômes et anomalies à la cheville gauche. Il n’apparaît pas non plus qu’une arthrose aiguë aurait également frappé d’autres régions de son corps, ni qu’il aurait souffert de polyarthrite rhumatoïde ou d’autres affections associées à une arthrose secondaire de la cheville (cf. BARG, PAGENSTERT ET ALII, op. cit., p. 412; VALDERRABANO, HORISBERGER ET ALII, op. cit., p. 1802).

Eu égard aux circonstances d’espèce et aux particularités de l’arthrose de la cheville, il n’était pas nécessaire d’exiger des symptômes de pont plus étayés et reculés. On ne discerne par ailleurs aucun arbitraire dans l’appréciation ayant conduit la cour cantonale à être convaincue par les conclusions du Dr M2.__, fondées sur les mêmes observations cliniques que le Dr M1.__ et qui s’inscrivent dans la droite ligne de la littérature scientifique.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 4A_328/2018 consultable ici