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8C_543/2020 (d) du 11.12.2020 – Causalité naturelle – Syndrome douloureux régional complexe (SDRC ; CRPS) – Algodystrophie – 6 LAA / Temps de latence entre l’événement accidentel et l’apparition du SDRC

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_543/2020 (d) du 11.12.2020

 

Consultable ici

NB: traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

Causalité naturelle – Syndrome douloureux régional complexe (SDRC ; CRPS) – Algodystrophie / 6 LAA

Temps de latence entre l’événement accidentel et l’apparition du SDRC

 

TF (consid. 3.3)

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, pour que le syndrome douloureux régional complexe (SDRC ou complex regional pain syndrome [CRPS] anciennement appelé algodystrophie ou maladie de Südeck) soit présumé, il n’est pas nécessaire que le diagnostic ait été posé dans les six à huit mois suivant l’accident pour qu’il soit considéré comme lié à l’accident. L’élément décisif est que, sur la base des constatations médicales obtenues en son temps, on peut conclure que la personne concernée a souffert au moins partiellement des symptômes typiques du CRPS dans la période de latence de six à huit semaines après l’accident (arrêts 8C_308/2020 du 2 septembre 2020 consid. 3.2 et 8C_27/2019 du 20 août 2019 consid. 6.4.2 et les références ; cf. en général sur le CRPS : 8C_416/2019 du 15 juillet 2020 consid. 5).

 

 

Arrêt 8C_543/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_543/2020 (d) du 11.12.2020 – Temps de latence entre l’événement accidentel et l’apparition du SDRC, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/02/8c_543-2020)

 

8C_555/2020 (d) du 16.12.2020 – Accident de la circulation – Tentative de suicide niée / 37 al. 1 LPGA – 4 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_555/2020 (d) du 16.12.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt du TF fait foi

 

Accident de la circulation – Tentative de suicide niée / 37 al. 1 LPGA – 4 LPGA

 

Le 21.11.2016, la voiture conduite par l’assuré, directeur commercial né en 1969, a heurté de plein fouet le côté d’un véhicule venant en sens inverse. La voiture de l’assuré a quitté la route, traversé un champ pour finir en heurtant un talus. L’assuré a subi un polytraumatisme (TCC léger, traumatisme au niveau de l’abdomen, de la colonne vertébrale ainsi que des extrémités). Après investigations, l’assurance-accidents a, par décision, confirmée sur opposition, refusé d’intervenir, motif pris que l’assuré avait causé l’événement du 21.11.2016 avec l’intention de s’enlever la vie.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a constaté que le policier, premier à arriver sur les lieux de l’accident, avait déclaré par la suite que l’assuré, lorsqu’on lui avait demandé s’il avait voulu mettre fin à sa vie, avait répondu en substance : « Oui, je ne vois pas d’autre solution » [« Ja, ich sehe keinen anderen Weg mehr »]. Il convient de souligner d’emblée que toutes les indications mentionnées par l’assurance-accidents, laissant supposer une tentative de suicide, se fondent uniquement sur cette déclaration. Rien n’indique dans le dossier médical ou dans le jugement pénal, ni avant, pendant ou après l’accident, que l’assuré ait été suicidaire. En ce qui concerne le déroulement de l’accident, les témoins ont déclaré que l’assuré n’avait pas pu voir si un véhicule venait dans le sens opposé en raison du virage. La seule conclusion qui pouvait être tirée du rapport d’analyse de l’accident obtenu par l’assurance-accidents était que l’assuré ne pouvait pas avoir été inconscient en traversant le champ après avoir quitté la route.

Le médecin-conseil de l’assurance-accidents avait initialement considéré la possibilité que l’assuré ait subi une crise d’épilepsie lors de l’accident comme extrêmement improbable. Même si c’était le cas, cela ne signifiait pas qu’aucune autre raison plausible que l’intention suicidaire ne puisse être considérée comme la cause de l’accident. Dans ce contexte, il convient de souligner en particulier que l’assuré, après avoir consommé de la marijuana, avait des taux sanguins de THC supérieurs à la valeur limite et avait donc conduit la voiture en état d’inaptitude. Cette circonstance constitue une explication plausible de son comportement au volant et de la collision qui en a résulté. En outre, une crise d’épilepsie n’a pas pu être exclue. Par la suite, le médecin-conseil avait indiqué qu’il considérait toujours comme improbable la survenance d’une crise d’épilepsie lors de l’accident du 21.11.2016, mais qu’il ne pouvait pas l’exclure. Sur la base des documents médicaux, l’hypothèse d’une crise d’épilepsie, qui pourrait expliquer le comportement au volant, était en tout cas au moins possible.

Par jugement du 08.07.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, niant la thèse de la tentative de suicide.

 

TF

Selon l’art. 37 al. 1 LAA, si l’assuré a provoqué intentionnellement l’atteinte à la santé ou le décès, aucune prestation d’assurance n’est allouée, sauf l’indemnité pour frais funéraires. Il convient également de rappeler qu’est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA).

Le caractère involontaire de l’atteinte dommageable est un critère essentiel pour évaluer si un événement provoquant des atteintes corporelles doit être considéré comme un accident. Celui qui requière des prestations devant prouver l’existence d’un accident, il doit en principe également prouver le caractère involontaire de l’atteinte. […] Le défaut de preuve va au détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (ATF 117 V 261 consid. 3b p. 264).

Lorsqu’il y a doute sur le point de savoir si la mort est due à un accident ou à un suicide, il faut se fonder sur la force de l’instinct de conservation de l’être humain et poser comme règle générale la présomption naturelle du caractère involontaire de la mort, ce qui conduit à admettre la thèse de l’accident. Le fait que l’assuré s’est volontairement enlevé la vie ne sera considéré comme prouvé que s’il existe des indices sérieux excluant toute autre explication qui soit conforme aux circonstances. Il convient donc d’examiner dans de tels cas si les circonstances sont suffisamment convaincantes pour que soit renversée la présomption du caractère involontaire de la mort (arrêt 8C_550/2010 du 6 septembre 2010 consid. 2.2 et la référence à RAMA 1996 no. U 247 p. 168 consid. 2b, U 21/95).

Selon le Tribunal fédéral : Le tribunal cantonal n’a pas écarté les déclarations de l’agent de police. Sur la base du dossier, la cour cantonale a estimé à juste titre que l’assuré n’avait pas pu voir loin devant lui en raison du virage. Ainsi, il n’avait pas pu prévoir si un autre véhicule viendrait vers lui sur la voie opposée lorsqu’il a coupé le virage. S’il avait voulu provoquer une collision frontale (face à face) avec l’intention de se suicider, il l’aurait fait sur une route droite avec une vue dégagée. Les déclarations des témoins, selon lesquelles l’assuré avait conduit sa voiture comme s’il était perturbé physiquement ou psychiquement, allaient à l’encontre du dessein de se suicider. L’expérience générale de la vie s’oppose également à la thèse de la tentative de suicide. Une personne suicidaire peut se jeter devant un train qui approche ou se jeter d’un pont, mais ne veut pas tuer un étranger dans son suicide.

Il faut ajouter que rien dans le dossier n’indique que l’assuré ait été suicidaire, raison pour laquelle on ne peut supposer qu’il ait provoqué la collision dans le but de s’ôter la vie.

Il est vrai que l’assuré avait pris des substances psychoactives avant l’accident. Cependant, il ne ressort pas du dossier qu’il ait pu être intoxiqué au point de provoquer une collision dans un élan incontrôlable pour se suicider. Il faut plutôt supposer que, compte tenu de sa profession de directeur des ventes, effectuant de nombreuses présentations à des clients potentiels et attendant de pouvoir conclure des contrats, il était soumis à une grande pression et avait donc pris des substances psychoactives pour se soulager.

Dans le rapport médical du 06.02.2019, il était mentionné que l’anamnèse correspondait bien rétrospectivement à une crise d’épilepsie subie lors de l’accident du 21.11.2016. Le médecin-conseil de l’assurance-accidents a souscrit à cette appréciation, dans la mesure où une crise d’épilepsie ne peut être exclue.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_555/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_555/2020 (d) du 16.12.2020 – Accident de la circulation – Tentative de suicide niée, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/02/8c_555-2020)

 

8C_450/2020 (d) du 15.09.2020 – Incapacité de gain pour un assuré seul membre du conseil d’administration et actionnaire unique d’une SA – 16 LPGA / Analyse comptable – Revenu sans invalidité – Revenu d’invalide

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_450/2020 (d) du 15.09.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Incapacité de gain pour un assuré seul membre du conseil d’administration et actionnaire unique d’une SA / 16 LPGA

Analyse comptable – Revenu sans invalidité – Revenu d’invalide

 

Assuré, né en 1949, est le seul membre du conseil d’administration et l’unique actionnaire du bureau d’ingénieurs B.__ SA. Il travaille également pour l’entreprise en tant qu’employé. Le 03.11.2012, son index et son majeur droits se sont coincés dans la tondeuse à gazon, sectionnant une partie desdits doigts.

Par courrier du 19.09.2016, l’assurance-accidents a informé l’assuré que, selon un examen médical, aucun autre traitement n’était nécessaire, raison pour laquelle elle a mis fin aux prestations précédentes à compter du 31.10.2016. Par décision du 27.01.2017, confirmée sur opposition le 27.09.2018, l’assurance-accidents a refusé l’octroi d’une rente d’invalidité, motif pris qu’il n’y avait pas d’atteinte significative à la capacité de gain à la suite de l’accident. Toutefois, elle a accordé à l’assuré une IPAI de 7,5%.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a déterminé le revenu sans invalidité sur la base des inscriptions au compte individuel (CI), en prenant la moyenne des cinq dernières années avant l’accident (2007-2011). L’année d’accident 2012 n’a pas été prise en compte, car l’assuré n’avait pas travaillé à 100% cette année-là en raison d’une incapacité totale de travail à partir de la date de l’accident. En outre, lui seul avait pu déterminer quel salaire il réglerait avec la caisse de compensation, de sorte que des considérations ou réflexions de techniques d’assurance ne pouvaient être exclues. En tout état de cause, la raison pour laquelle les documents comptables font apparaître un salaire brut de CHF 106’300 pour 2012, alors qu’un salaire brut de CHF 135’300 avait été enregistré dans le CI, n’est pas claire. Sur la base des inscriptions pour les années 2007 à 2011, la cour cantonale a calculé – en tenant compte de l’évolution nominale des salaires – un revenu de CHF 99’984,32 (valeur 2016). Les juges cantonaux ont également souligné que même si l’on prenait en compte les trois dernières années (CHF 103’984,51) ou même seulement la dernière année avant l’accident (CHF 130’485,75), cela n’entraînerait pas un degré d’invalidité justifiant une rente.

Pour déterminer le revenu d’invalide, le tribunal cantonal a pris en compte les revenus enregistrés au CI pour les années 2013 à 2016, en ajoutant aux revenus individuels les paiements de dividendes dépassant 10% de la valeur fiscale de l’entreprise – par analogie à la « Nidwaldner Praxis » développée dans la jurisprudence sur les cotisations AVS (cf. ATF 134 V 297) – et en indexant les résultats respectifs à l’évolution nominale des salaires jusqu’en 2016. Le revenu d’invalide moyen (2013-2016) est de CHF 156’856,94.

Par jugement du 02.06.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le tribunal cantonal a considéré que l’assuré était le seul directeur général, le seul membre du conseil d’administration et le seul employé du bureau d’ingénieurs B.__ SA. Il était habilité à disposer du capital de la société et à prendre seul toutes les décisions concernant la société. Par conséquent, bien qu’il soit officiellement un employé de la société anonyme, il est assimilé à un travailleur indépendant au regard de la législation sur la sécurité sociale. Ceci n’est à juste titre remis en cause par aucune partie (voir SVR 2019 UV n° 3 p. 9, 8C_121/2017 consid. 7.1 et les références ; arrêts 8C_202/2019 du 9 mars 2020 consid. 3.3 ; 9C_453/2014 du 17 février 2015 consid. 4.2).

 

Revenu d’invalide

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. Si l’activité exercée après la survenance de l’atteinte à la santé repose sur des rapports de travail particulièrement stables, qu’elle met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et encore que le gain obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas d’éléments de salaire social, c’est le revenu effectivement réalisé qui doit être pris en compte pour fixer le revenu d’invalide (ATF 143 V 295 consid. 2.2 p. 296 ; 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475 ; 126 V 75 consid. 3b/aa p. 76).

Dans le cas présent, il n’est pas contesté que le revenu d’invalide doit être déterminé sur la base de la situation professionnelle concrète.

Dans la mesure où l’assuré veut considérer, comme étant décisif pour la détermination du revenu d’invalide, uniquement le revenu gagné en 2016 selon l’inscription au compte individuel (CHF 51’036) en ajoutant les indemnités journalières LAA perçues cette année-là (CHF 16’851,25), il faut lui opposer qu’en tant qu’unique actionnaire et unique membre du conseil d’administration de la société, il a une influence déterminante sur la répartition du salaire/part des bénéfices. Par conséquent, la détermination du degré d’invalidité ne peut pas être basée uniquement sur l’extrait du compte individuel (cf. arrêt 8C_346/2012 du 24 août 2012 consid. 4.6). Outre le risque évident que le degré de l’incapacité de gain lui-même puisse être influencé, une telle approche créerait une nette inégalité de traitement par rapport aux travailleurs indépendants (propriétaires d’une entreprise individuelle) qui n’ont pas la possibilité de thésauriser/capitaliser les bénéfices (« Gewinne zu horten ») via des entités juridiques intermédiaires ou de les distribuer sous forme de dividendes. Il n’est donc pas contestable que le tribunal cantonal ait également pris en compte les bénéfices réalisés par le bureau d’ingénieurs B.__ SA pour déterminer le revenu d’invalide, d’autant plus que ceux-ci sont principalement imputables au travail de l’assuré et – compte tenu des circonstances économiques – doivent lui être attribués en tant qu’indépendant de fait. À cet égard, il n’est pas différent du cas d’un assuré non salarié qui est propriétaire d’une entreprise individuelle (cf. SVR 2019 UV n° 3 p. 9, 8C_121/2017 consid. 7.1 et 7.8 et les références ; arrêts 8C_928/2015 du 19 avril 2016 consid. 2.3.4 ; 9C_453/2014 du 17 février 2015 consid. 4.2 ; I 185/02 du 29 janvier 2003 consid. 3.3). Dans la mesure où le grief est dirigé contre la « Nidwaldner Praxis » appliquée par l’instance cantonale, l’assuré passe donc à côté de l’essentiel.

Les documents comptables de l’entreprise B.__ SA montrent qu’après l’accident de l’assuré en 2012, la société a réalisé des bénéfices au cours des années suivantes, de 2013 à 2016, à hauteur de CHF 148’301,85 (2013), CHF 228’086,64 (2014), CHF 168’215,21 (2015) et CHF 154 508,12 (2016). En 2013 et 2014, des montants de CHF 11’500 (2013) et CHF 5’000 (2014) ont été affectés à la réserve légale (voir dans ce contexte l’arrêt I 5/99 du 18 janvier 2000 consid. 3b/bb). En outre, des salaires bruts d’un montant de CHF 111’200 (2013), CHF 98’400 (2014), CHF 98’400 (2015) et CHF 96’868,80 (2016) ont été enregistrés dans les comptes, étant établi que l’entreprise B.__ SA n’emploie aucun autre employé que l’assuré. Même si la totalité du bénéfice de l’entreprise ne pouvait être prise en compte dans le revenu d’invalide, une perte de revenus pertinente due à l’accident en 2012 n’est pas discernable au vu des chiffres susmentionnés.

Il est vrai que les circonstances au moment de la naissance du droit à la rente sont déterminantes et que les revenus à comparer doivent être déterminés sur une base identique (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1 p. 224). Toutefois, cela n’exclut pas, dans un cas particulier, de fonder la détermination du revenu d’invalide – de la même manière que pour le revenu sans invalidité (cf. arrêt 9C_651/2019 du 18 février 2020 consid. 6.2) – sur les revenus moyens réalisés pendant une période plus longue (arrêts 8C_228/2020 du 28 mai 2020 consid. 4.1.3 ; 8C_121/2017 du 5 juillet 2018 consid. 7.8 ; 9C_812/2015 du 7 juillet 2016 consid. 5.2 ; 9C_479/2015 du 22 décembre 2015 consid. 4.1).

 

Revenu sans invalidité

Dans son rapport daté du 17 août 2016, l’expert-comptable mandaté par l’assurance-accidents a déclaré que la société d’ingénierie dépendait des prestations de l’assuré. Par conséquent, la baisse de rendement se répercuterait principalement sur les postes du résultat d’exploitation (revenus), du travail fourni par des tiers et des dépenses de personnel. L’analyse a montré une forte augmentation du résultat d’exploitation au cours de l’exercice 2007. Les années suivantes, les résultats d’exploitation avaient encore diminué jusqu’à l’exercice 2010. Une augmentation marquée et ponctuelle a été à nouveau perceptible au cours de l’exercice 2011. Au cours des deux années suivantes, les résultats d’exploitation ont de nouveau diminué de manière constante avant d’augmenter à nouveau au cours de l’exercice 2014. L’expert-comptable a souligné que le résultat d’exploitation de l’exercice 2014 était le deuxième meilleur résultat de la période considérée. Il a également souligné que la société travaillait avec des indépendants pour gérer les pics de travail. Au cours de l’exercice 2014, les dépenses consacrées aux travaux fournis par des tiers ont augmenté à la fois en termes absolus et en proportion des résultats d’exploitation. Cependant, une comparaison sur plusieurs années a montré que les dépenses se situaient dans la fourchette atteinte avant l’accident. L’expert-comptable a conclu qu’aucune perte liée à un accident ne pouvait être déduite des chiffres de l’entreprise.

Selon le Tribunal fédéral, les documents comptables pour les années 2015 et 2016 montrent que des bénéfices élevés ont également été réalisés au cours de ces années – même en tenant compte de l’augmentation de la part des travaux de tiers. Dans le passé, de meilleurs résultats d’exploitation n’ont été obtenus qu’en 2011 et en 2012, année de l’accident. Contrairement aux allégations de l’assuré, une baisse marquée des commandes n’est pas évidente dans les années 2015 et 2016. Ainsi, au cours de ces années, le montant des honoraires se sont élevés à CHF 604’625,50 (2015) et CHF 506’510,50 (2016), ce qui représente une diminution par rapport à l’année la plus fructueuse à ce jour, à savoir 2011. Toutefois, le montant des honoraires est sensiblement plus élevé que celui de 2004 à 2010 et est comparable à celui de 2012 à 2014, de sorte que l’analyse économique/comptable reste tout à fait pertinente pour les questions dont il est question ici.

Ensuite, contrairement à ce qui est indiqué dans le recours, ce n’est pas le résultat opérationnel 1 [« Betriebsergebnis 1 »] (bénéfice brut 1 moins les charges de personnel et d’exploitation) des années 2004 à 2012 qui s’est élevé en moyenne à CHF 393’729,68, mais le bénéfice brut 1 (résultat d’exploitation [« Betriebsertrag »] moins le travail de tiers).

En comparaison, le bénéfice brut 1 moyen pour les années 2013 à 2017 s’élève à CHF 415’381,00. L’assuré n’est pas non plus en mesure de tirer quelque chose en sa faveur de cette comparaison. En outre, il n’y a pas d’éléments concrets indiquant que les travaux effectués avant l’accident n’auraient pas été comptabilisés dans l’exercice concerné. Enfin, l’assuré ne prouve pas que le développement de l’entreprise aurait été économiquement bien meilleur sans les atteintes à la santé.

A l’aune de ce qui précède, c’est à bon droit que la cour cantonale a (également) nié une incapacité de gain liée à l’accident, sur la base de l’analyse des résultats d’exploitation de l’entreprise B.__ SA et au vu des documents comptables des années 2015 et 2016.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_450/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_450/2020 (d) du 15.09.2020 – Incapacité de gain pour un assuré seul membre du conseil d’administration et actionnaire unique d’une SA, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/01/8c_450-2020)

 

Expertises arbitraires: bien plus que des cas isolés

Expertises arbitraires: bien plus que des cas isolés

 

Communiqué de presse d’Inclusion Handicap du 03.10.2020 consultable ici

Rapport intermédiaire « Centre de déclaration au sujet des expertises de l’AI » d’Inclusion Handicap du 30.09.2020 disponible ici

 

Accusations de simulation, entretiens de 20 minutes voire propos injurieux – le centre de déclaration d’Inclusion Handicap sur l’expertise AI a mis au jour de nombreux abus. Plus de 250 témoignages d’assurés ont été enregistrés. Dans de nombreux cas, on ne peut pas parler de clarification loyale. La faîtière politique des organisations de personnes handicapées publie les premiers résultats du centre de déclaration, qui reste toujours actif.

Le 28 février de cette année, Inclusion Handicap a mis en place un centre de déclaration: les victimes de l’arbitraire des expertises AI peuvent signaler les abus exercés par les expert-e-s. Au terme de sept mois (jour de référence 28 septembre), 256 assurés ont déposé un signalement, auquel s’ajoutent 15 déclarations émanant de représentants légaux ainsi que 33 de médecins traitants. Le centre de déclaration est conçu comme une enquête en ligne, invitant à témoigner de diverses estimations et incidents. Différentes informations diffusées dans les médias et l’expérience acquise par Inclusion Handicap en matière de conseil juridique ont montré que quelques experts surévaluaient systématiquement la capacité de travail et en étaient ainsi toujours récompensés par de lucratifs contrats par les offices AI.

53 déclarations ont été enregistrées, indiquant que les experts ont évalué les assurés comme étant intégralement aptes au travail, alors que les médecins traitants attestaient d’une incapacité de travail totale. Ces cas montrent clairement la tendance au durcissement des expertises.

 

Des entretiens de 20 minutes décident du droit à une rente

Éléments tout aussi préoccupants: 10 assurés ont rapporté que les entretiens de clarification ne duraient pas plus de 20 minutes. Il apparaît donc qu’un entretien de 15 minutes est décisif pour l’attribution ou non d’une rente AI, peu importent les conclusions du médecin traitant. De tels états sont difficiles à supporter pour les assurés. Car en pratique, les offices AI et les tribunaux suivent exclusivement les expertises. À 20 reprises, des médecins traitants ont déclaré que les expertises ne respectaient pas les standards médicaux. La grande majorité des assurés relate que les diagnostics ne concordent pas ou seulement partiellement.

Plus de la moitié des personnes expertisées ont indiqué que les entretiens d’expertise se sont déroulés dans une mauvaise ambiance. Ils ont parfois été émaillés de propos injurieux. À de multiples reprises, les assurés ont signalé que les experts insinuaient qu’ils simulaient. Ou les experts ne souhaitaient même pas savoir quelles étaient les exigences préalables de leur métier, ce qui est à vrai dire l’alpha et l’oméga lorsque l’on souhaite clarifier la capacité de travail.

 

Qualité sujette à caution – les cas doivent être réexaminés

Dans un premier temps, le centre de déclaration d’Inclusion Handicap reste actif. L’association faîtière des organisations de personnes handicapées émet les revendications suivantes:

  1. Les autorités doivent assurer dans tous les cas la qualité des expertises. Les experts défaillants devraient être retirés de la circulation.
  2. Les cas où les assurés n’ont pas obtenu ou insuffisamment de prestations AI, car la qualité des expertises s’est avérée mauvaise, doivent être réexaminés.
  3. Toutes les expertises doivent être attribuées de façon aléatoire.
  4. Un tiers doit être présent lors de l’entretien d’expertise. La grande majorité des assurés qui se sont manifestés auprès du centre de déclaration, accueille de façon positive la proposition.

De premières améliorations sont prévues avec le développement de l’AI, qui doit entrer en vigueur en 2022. Au nombre de celles-ci figure l’enregistrement des entretiens d’expertise. Inclusion Handicap est impatiente de connaître les conclusions de l’enquête externe, que le conseiller fédéral Alain Berset a mandatée.

 

Des millions pour des expertises de complaisance

L’importance des expertises est grande: les offices AI ou les tribunaux appuient leurs décisions pratiquement toujours sur les expertises; elles sont de facto décisives, quant à l’évaluation de la capacité de travail d’une personne assurée. On soupçonne de plus en plus que quelques experts sont récompensés par de lucratifs contrats s’ils sous-évaluent l’incapacité de travail. La qualité des experts est vitale, mais le centre de déclaration montre que celle-ci n’est pas évidente dans de trop nombreux cas. C’est pourquoi Inclusion Handicap continuera de lutter pour un code de bonnes pratiques loyal.

 

 

Communiqué de presse d’Inclusion Handicap du 03.10.2020 consultable ici

Rapport intermédiaire « Centre de déclaration au sujet des expertises de l’AI » d’Inclusion Handicap du 30.09.2020 disponible ici

Informations sur le Centre de déclaration d’Inclusion Handicap sur l’expertise AI sur le site d’Inclusion Handicap (ici)

 

 

Sans vouloir prendre position sur le sujet et/ou sur le communiqué d’Inclusion Handicap, mes quelques remarques :

Comme le relève Inclusion Handicap dans le rapport intermédiaire du 30.09.2020 (ch. 2.3), « le centre de déclaration n’est volontairement pas un sondage représentatif, son but étant de révéler les dysfonctionnements. Il est dans la nature des choses que ce soient en particulier des assurés qui se sentent traités injustement qui procèdent aux déclarations, respectivement leurs médecins ou représentants juridiques. »

Bien que le sondage ne soit pas représentatif de l’ensemble des expertises réalisées sur mandat des offices AI, il met tout de même en lumière des problèmes que l’OFAS ne peut pas sans autre scotomiser. Si des médecins-experts se comportent incorrectement (tant sur la forme que sur le fond de l’expertise), ils doivent être remis à l’ordre. Comme le mentionne Inclusion Handicap, « [l]es déclarations rendent une image décevante du système d’expertises de l’AI » (ch. 6 du rapport intermédiaire du 30.09.2020).

L’art. 44 LPGA a été modifié dans le cadre de l’objet du Conseil fédéral 17.022 « Développement continu de l’AI ». La modification pourrait entrer en vigueur le 01.01.2021 2021 (délai référendaire au 08.10.2020), même si cela demeure peu vraisemblable. Le nouvel alinéa 6 prévoit que « [s]auf avis contraire de l’assuré, les entretiens entre l’assuré et l’expert font l’objet d’enregistrements sonores, lesquels sont conservés dans le dossier de l’assureur » (cf. FF 2020 5373, p. 5393 s. ; cf. également le Bulletin officiel de la séance du 10.12.2019 du Conseil national au sujet des enregistrements [BO 2019 N 2192 ss]) Les enregistrements sonores permettront – nous l’espérons – d’apporter des preuves ou à tout les moins des indices sur la véracité des griefs des assurés à l’issue de l’examen ; en effet, c’est souvent l’objectivité des plaintes des assurés qui est mise en doute et non celle du médecin-expert.

 

Entrée en vigueur de la loi fédérale pour soutenir les proches aidants

Entrée en vigueur de la loi fédérale pour soutenir les proches aidants

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 07.10.2020 consultable ici

 

La nouvelle loi fédérale sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches entrera en vigueur en deux étapes. Le Conseil fédéral l’a décidé lors de sa séance du 07.10.2020. La première étape, dont l’entrée en vigueur est prévue au 01.01.2021, permettra de régler le maintien du salaire pour les absences de courte durée et d’étendre les bonifications pour tâches d’assistance dans l’AVS. Le droit au supplément pour soins intenses et à l’allocation pour impotent de l’AI en faveur des enfants sera également adapté. Le congé indemnisé de 14 semaines pour la prise en charge d’un enfant gravement malade ou victime d’un accident entrera en vigueur dans une seconde étape, au 01.07.2021.

Le travail des proches aidants est très important pour la société. Ils assument en effet une part considérable des soins aux personnes malades et dépendantes. Concilier la prise en charge de proches avec une activité professionnelle peut toutefois s’avérer difficile. Le 20.12.2019, le Parlement a adopté une nouvelle loi pour améliorer la situation des proches aidants. Le référendum n’ayant pas été saisi, la loi entrera en vigueur en deux temps. Le premier train de mesures entrera en vigueur au 01.01.2021.

 

Absences professionnelles de courte durée

Un congé payé est introduit dans le Code des obligations afin que les travailleurs puissent prendre en charge un membre de la famille ou leur partenaire en raison d’une maladie ou d’un accident. Ce congé peut durer au maximum trois jours par cas et ne doit pas dépasser dix jours dans l’année.

 

Bonifications pour tâches d’assistance dans l’AVS

Le droit aux bonifications pour tâches d’assistance dans l’AVS est étendu afin de permettre à davantage de personnes impotentes de mener une existence indépendante chez elles. Avec la nouvelle loi, les proches aidants pourront toucher cette bonification également si la personne qui nécessite des soins est au bénéfice d’une allocation pour impotence faible. Les concubins pourront aussi en bénéficier, si le couple fait ménage commun depuis au moins 5 ans.

 

Adaptation du droit à l’allocation pour impotent de l’AI et au supplément pour soins intenses

Le supplément pour soins intenses et l’allocation pour impotent de l’AI en faveur des enfants sont également adaptés de manière à ce que le droit ne soit plus supprimé les jours où l’enfant séjourne à l’hôpital. Si l’hospitalisation dure plus d’un mois, ces aides continuent d’être versées, à condition que la présence des parents à l’hôpital soit nécessaire.

 

Le congé de prise en charge entrera en vigueur dans une deuxième phase

La nouvelle loi fédérale accorde également un congé de 14 semaines pour la prise en charge d’un enfant gravement malade ou victime d’un accident aux parents qui travaillent. Indemnisé par le régime des allocations pour perte de gain (APG), ce congé peut être pris en l’espace de 18 mois, en bloc ou jours isolés. Il entrera en vigueur le 01.07.2021 afin de laisser suffisamment de temps aux caisses de compensation pour mettre en œuvre cette nouvelle prestation.

 

Correctif apporté à la réforme des PC

Le Conseil fédéral a par ailleurs décidé de mettre en vigueur en même temps que la première étape de la loi sur les proches aidants un correctif apporté par le Parlement à la réforme des prestations complémentaires (PC). Il concerne le loyer pris en compte dans le calcul des PC pour les bénéficiaires vivant en communauté d’habitation. Grâce à cette intervention, les bénéficiaires de PC se verront calculer le même montant qu’un ménage de deux personnes, et ce quel que soit le nombre de personnes vivant dans la communauté d’habitation. Ainsi, la cohabitation des bénéficiaires PC invalides ou âgés avec des proches sera favorisée.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 07.10.2020 consultable ici

Ordonnance sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches (projet) et commentaires disponibles ici

Loi fédérale sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches, paru au RO 2020 4525

Ordonnance sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches, paru au RO 2020 4545

 

8C_139/2020 (d) du 30.07.2020 – Revenu sans invalidité d’un chauffeur de taxi indépendant / Revenu d’invalide – Capacité de travail exigible de 60% – Besoin de pauses supplémentaires – Pas d’abattement sur le salaire statistique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_139/2020 (d) du 30.07.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt original fait foi.

 

Comparaison des revenus – Taux d’invalidité / 16 LPGA

Revenu sans invalidité d’un chauffeur de taxi indépendant

Revenu d’invalide – Capacité de travail exigible de 60% – Besoin de pauses supplémentaires – Pas d’abattement sur le salaire statistique

Marché équilibré du travail – ESS ligne « Total » niv. de compétences 1

 

Assuré, né en 1965, chauffeur de taxi depuis septembre 2003, victime d’un accident de la circulation le 16.05.2009. Depuis janvier 2010, il a repris, à temps partiel, son activité de chauffeur de taxi. En avril 2011, il a fondé une société et a travaillé comme chauffeur de taxi indépendant. Par la décision du 01.09.2011, l’office AI a nié le droit à la rente.

Le 30.12.2011, l’assuré a été impliqué d’un accident de la circulation ; il a déposé une nouvelle demande le 10.09.2013. Par décision du 26.06.2014, octroi d’une rente entière limitée dans le temps (mars 2014 à mai 2014).

L’assuré a déposé une nouvelle demande AI, en raison d’une dégradation de son état de santé. Après expertise bidisciplinaire, octroi d’une rente entière du 01.06.2016 au 30.04.2017 et quart de rente AI du 01.05.2017 au 30.09.2017.

 

Procédure cantonale

En tant qu’indépendant, l’assuré avait déclaré des revenus s’élevant à CHF 53’094 en 2011, dont CHF 44’000 pour son emploi dans son entreprise, qu’il a commencé en avril 2011. Le salaire mensuel moyen d’avril à décembre 2011 était donc de CHF 4’888.90. Cela correspond à un revenu annuel de CHF 58’666.80 avec – selon l’assuré – une charge de travail journalière de 10 heures. En tenant compte de l’évolution du salaire nominal des hommes, le revenu sans invalidité serait de CHF 60’688.45 pour 2016 et de CHF 60’932.20 pour 2017. Compte tenu des antécédents professionnels de l’assuré, ce revenu sans invalidité semble également généreux.

Le revenu d’invalide a été évalué sur la base du tableau TA1, ligne « Total », niveau de compétences 1. Avec une capacité de travail de 60% en 2017, la cour cantonale a estimé le revenu d’invalide à CHF 40’472.80. Un abattement sur le salaire statistique n’était pas justifiée.

Par jugement du 27.12.2019, réformation de la décision par le tribunal cantonal (reformatio in peius), dans le sens où l’assuré a droit à une rente entière du 01.06.2016 au 31.12.2016.

 

TF

Revenu sans invalidité

Pour déterminer le revenu qu’aurait obtenu l’assuré sans l’atteinte à la santé, il faut en principe se baser sur salaire réalisé en dernier lieu par l’assuré avant l’atteinte à la santé, éventuellement adapté à l’évolution des salaires, en posant la présomption qu’il aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité. Les exceptions doivent être établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 p. 30 ; arrêt 8C_5/2020 du 22 avril 2020 consid. 4.1).

Étant donné que l’invalidité doit correspondre à l’incapacité de gain totale ou partielle présumée permanente ou de longue durée (cf. art. 8 al. 1 LPGA), il faut également tenir compte de la formation professionnelle qu’un assuré aurait normalement suivie. Selon la jurisprudence, les possibilités théoriques de développement professionnel ou d’avancement ne doivent être prises en considération que lorsqu’il est très vraisemblable qu’elles seraient advenues. Il convient, à cet égard, d’exiger la preuve d’indices concrets que l’assuré aurait obtenu dans les faits un avancement ou une augmentation corrélative de ses revenus, s’il n’était pas devenu invalide. Des indices concrets en faveur de l’évolution de la carrière professionnelle doivent exister. De simples déclarations d’intention de l’assuré ne suffisent pas (ATF 139 V 28 consid. 3.3.3.2 p. 31 ; arrêt 9C_868/2018 du 22 août 2019 consid. 3.1).

Pour déterminer le revenu sans invalidité, le principe de base est de prendre en compte ce que l’assuré gagnerait effectivement en tant que personne en bonne santé au moment considéré et non ce qu’il pourrait au mieux gagner en tant que travailleur salarié à temps plein (ATF 135 V 58 consid. 3.1 p. 59 ; arrêt 8C_194/2020 du 12 mai 2020 consid. 4.5).

En faisant référence au revenu tiré de la ligne « Total », niveau de compétence 1, du tableau TA1 de l’ESS, l’assuré ne prouve pas que le revenu sans invalidité estimé par le tribunal cantonal comme chauffeur de taxi indépendant dans une entreprise unipersonnelle est sensiblement inférieur à la moyenne. Une parallélisation des revenus à comparer est donc inutile.

Il n’est pas démontré que la détermination du revenu sans invalidité de CHF 60’932.20 pour 2017 repose sur une détermination manifestement incorrecte des faits ou une appréciation arbitraire des preuves.

 

Revenu d’invalide

En règle générale, le Tribunal fédéral refuse un abattement sur le salaire statistique si l’assuré est en mesure de travailler à plein temps mais avec un rendement réduit en raison d’un besoin accru de pauses (SVR 2014 IV Nr. 37 p. 130, 8C_7/2014 consid. 9.2 ; arrêt 8C_729/2019 du 25 février 2020 consid. 4.4).

Même si la capacité de travail résiduelle de l’assuré ne pourrait pas être pleinement mise en œuvre, il ne peut rien en tirer en sa faveur. Car il ne découle pas de la jurisprudence qu’un abattement doit nécessairement être effectué si seul une activité à temps partiel est raisonnablement exigible (arrêt 8C_712/2019 du 12 février 2020 consid. 5.2.2).

La question de savoir si un abattement sur le salaire statistique doit être effectué lorsqu’une personne assurée ne peut pas travailler à plein temps doit toujours être déterminée en fonction du degré d’occupation concret et des valeurs statistiques actuelles.

En l’espèce, le tribunal cantonal a considéré que les hommes ayant un taux d’activité de 50-74% gagnaient statistiquement 4,1% de moins que ceux ayant un taux d’activité de 100%, ce qui ne justifie toutefois pas un abattement dans la pratique. Il convient de le confirmer, d’autant plus que l’assuré ne reproche pas aux conclusions de la cour cantonale d’être manifestement erronées en ce qui concerne la base statistique (voir les arrêts 8C_151/2020 du 15 juillet 2020 consid. 6.3.2 ; 9C_223/2020 du 25 mai 2020 consid. 4.3.2 et 8C_12/2017 du 28 février 2017 consid. 5.5.2).

Des conclusions de l’expertise médicale, l’assuré ne peut pas, entre autres, soulever et porter de manière répétitive des charges jusqu’à 5 kg loin du corps et jusqu’à 8 kg près du corps sans aide technique. Le fait que tous les emplois légers à moyens du niveau de compétence 1 ne lui sont pas ouverts ne permet pas de conclure que ses chances d’emploi ne sont intactes par rapport à un concurrent en bonne santé que s’il accepte une baisse de salaire (voir arrêt 9C_223/2020 du 25 mai 2020 consid 4.3.3). Le marché du travail équilibré (déterminant ; cf. art. 16 LPGA ; ATF 138 V 457 consid. 3.1 p. 459 s., 110 V 273 consid. 4b p. 276) offre un grand nombre d’emplois différents. Il n’est pas établi que ces emplois ne comprennent aucune activité correspondant à l’exigibilité de l’assuré.

Étant donné que le niveau de compétences 1 est exigible, le manque de formation et d’expérience professionnelle dans le secteur des services invoqué par l’assuré ne justifie pas un abattement sur le salaire statistique (cf. arrêt 8C_314/2019 du 10 septembre 2019 consid. 6.2).

Sans abattement, le revenu d’invalide de CHF 40’472.80 a été correctement évalué par la cour cantonale. Comparé au revenu sans invalidité de CHF 60’932.20, le degré d’invalidité est de 34% (pour l’arrondi, voir ATF 130 V 121).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_139/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_139/2020 (d) du 30.07.2020 – Revenu sans invalidité d’un chauffeur de taxi indépendant – Revenu d’invalide – Besoin de pauses supplémentaires, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/10/8c_139-2020)

 

8C_101/2020 (d) du 09.06.2020 – Lien de causalité adéquate – Troubles psychiques – 6 LAA / Collision voiture-arbre à 60-70 km/h – Moyennement grave stricto sensu / Circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou caractère particulièrement impressionnant de l’accident / Douleurs physiques persistantes

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_101/2020 (d) du 09.06.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt original fait foi.

 

Lien de causalité adéquate – Troubles psychiques / 6 LAA

Collision voiture-arbre à 60-70 km/h – Moyennement grave stricto sensu

Circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou caractère particulièrement impressionnant de l’accident / Douleurs physiques persistantes

 

Assuré, né en 1974, ouvrier du bâtiment, a subi un accident pendant ses vacances à l’étranger le 17.10.2015. Conduisant une voiture à une vitesse de 60-70 km/h, il a évité un animal et a heurté frontalement un arbre. La femme qui l’accompagnait a été soignée pour des blessures mineures dans un hôpital voisin. L’assuré n’a bénéficié d’un traitement médical pour des douleurs dorsales qu’après son retour en Suisse ; il a été opéré le 20.10.2015 pour une fracture d’une vertèbre lombaire (fusion D12-L2).

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a octroyé à l’assuré une rente d’invalidité basée sur un degré d’invalidité de 13% à compter du 01.03.2017 et une IPAI de 15%. Elle a nié l’existence d’un lien de causalité adéquat entre les troubles psychologiques et l’accident.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a constaté que l’assuré roulait le 17.10.2015 à une vitesse de 60-70 km/h lorsqu’il a dû éviter un animal, a perdu la maîtrise du véhicule et a heurté un arbre. En se référant à la casuistique du Tribunal fédéral, elle a qualifié cet événement d’accident moyennement grave stricto sensu (cf. arrêts 8C_212/2019 du 21 août 2019 consid. 4.3.3 et 8C_434/2012 du 21 novembre 2012 consid. 7.2.2, et les arrêts 8C_720/2017 du 18 mars 2018 consid. 4.3 et 8C_885/2011 du 18 janvier 2012 consid. 5). Pour retenir un lien de causalité adéquate entre les troubles psychiques et l’accident, il faut un cumul de trois critères sur les sept ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour l’accident (ATF 129 V 177 consid. 4.1 p. 183, 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140 ; arrêt 8C_632/2018 du 10 mai 2019 consid. 8.3). Par la suite, la cour cantonale, après une évaluation minutieuse et détaillée des dossiers médicaux et des autres circonstances, est arrivée à la conclusion qu’aucun critère n’était rempli. L’assurance-accidents a ainsi nié à juste titre l’existence d’un lien de causalité adéquate. Par conséquent, la question de la causalité naturelle peut demeurer ouverte, faute de pertinence pour la décision (ATF 135 V 465 consid. 5.1 p. 472 ; arrêt 8C_632/2018 du 10 mai 2019 consid. 7.3) et aucune autre clarification n’était nécessaire.

Par jugement du 17.12.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Qualification de l’accident

L’assuré évoque qu’un accident comparable, dans lequel le conducteur a heurté une clôture en grillage métallique hors de la route à une vitesse de 80 km/h, a été qualifié de grave par le Tribunal fédéral. Or, cet incident a plutôt été évalué comme moyennement grave stricto sensu dans le jugement 8C_609/2007 du 22 août 2008 (consid. 4.1.2 et 4.1.3 de l’arrêt ; cf. également arrêt 8C_212/2019 du 21 août 2019 consid. 4.2.2).

 

Circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou caractère particulièrement impressionnant de l’accident

Le critère relatif aux circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou au caractère particulièrement impressionnant de l’accident doit être examiné d’une manière objective et non pas en fonction du ressenti subjectif de l’assuré, en particulier de son sentiment d’angoisse ou de peur qui en résulte (ATF 140 V 356 consid. 5.6.1 p. 366). Des exigences nettement plus élevées sont imposées à sa réalisation, puisque tous les accidents qualifiés de moyennement graves présentent déjà un certain degré d’impression (arrêt 8C_627/2019 du 10 mars 2020 5.4.1 avec références).

Il n’y a pas de circonstances qui pourraient justifier ce critère. La cour cantonale doit au contraire s’assurer que le déroulement de l’accident impliquant la collision avec l’arbre à une vitesse de 60-70 km/h lorsque l’airbag est déployé ne dépasse pas l’impression inhérente à tout accident de catégorie moyenne stricto sensu.

 

Douleurs physiques persistantes

L’assuré se réfère à la douleur intense existant depuis l’accident. Les juges cantonaux ont précisé que seuls les troubles physiques ou somatiques doivent être pris en compte lors de l’examen des critères d’adéquation, tandis que les troubles psychologiques ne doivent pas être inclus (ATF 134 V 109 consid. 2.1 p. 112).

Cela peut être évalué de manière fiable à partir du moment où l’on ne peut attendre aucune amélioration significative de la poursuite du traitement médical des troubles somatiques (ATF 134 V 109 consid. 6.1 p. 116).

L’instance cantonale a constaté que l’état de santé était stabilisé le 18.01.2017. En ce qui concerne le critère de la douleur physique persistantes, en particulier, les plaintes de l’assuré, importantes sur le plan physique mais qui ne sont pas suffisamment démontrables sur le plan objectif, doivent être écartées (arrêts 8C_632/2018 du 10 mai 2019 consid. 10.2, in: SVR 2019 UV Nr. 41 S. 155; 8C_123/2018 du 18 septembre 2018 consid. 5.2.2.1, 8C_236/2016 du 11 août 2016 consid. 6.2.4 et 8C_825/2008 du 9 avril 2009 consid. 4.6).

À cet égard, la cour cantonale a démontré – sans contradiction – que la douleur avait été de plus en plus « psychologique » à partir du moment où l’assuré a quitté la clinique de réadaptation à la fin du mois de mai 2016, de sorte qu’elle ne pouvait pas être prise en compte.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_101/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_101/2020 (d) du 09.06.2020 – Lien de causalité adéquate – Troubles psychiques – Collision voiture-arbre à 60-70 km/h, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/08/8c_101-2020)

 

8C_765/2019 (i) du 10.06.2020 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Horaire hebdomadaire de la branche – Année à prendre en compte (année de l’ESS vs année de la comparaison des revenus)

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_765/2019 (i) du 10.06.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Revenu d’invalide / 16 LPGA

Horaire hebdomadaire de la branche – Année à prendre en compte (année de l’ESS vs année de la comparaison des revenus)

Abattement de 5%

 

Le 17.12.2015, l’assuré, né en 1968, maçon, a trébuché et est tombé sur l’asphalte, se protégeant en « mettant ses mains en avant ». À la suite de cet événement, l’assuré a signalé une déchirure de la coiffe des rotateurs à droite et une minime déchirure du supra-spinatus à gauche. Une intervention et plusieurs enquêtes ont suivi.

Par décision, confirmée par opposition, l’assurance-accidents a nié le droit à une rente d’invalidité et a octroyé une IPAI de 20%. Pour le revenu d’invalide, il a été tenu compte d’un abattement de 5%, l’assuré ayant des limitations aux deux épaules, en particulier le port de poids ; les autres activités ne sont par contre pas limitées.

 

Procédure cantonale (35.2019.57)

Le tribunal cantonal a rappelé que les données statistiques les plus récentes doivent être utilisées pour statuer sur les oppositions. La juridiction cantonale a pris en compte l’expérience professionnelle acquise par l’assuré au fil des ans tant en Italie qu’en Suisse en tant que maçon, sans être titulaire d’un CFC. Il a utilisé dans ce cas le tableau ESS TA1 2016, branche 41-43 « Construction », niveau 1, hommes, rapporté sur 41,3 heures et indexé jusqu’en 2018. Dans les calculs, elle a reporté, sans raison particulière, le salaire mensuel brut moyen sur 41,4 heures. L’indexation du revenu d’invalide de 2016 à 2018 a été fait au moyen du tableau « T1.1.10 Indice des salaires nominaux, hommes, 2011-2018 ». Contrairement à l’assurance-accidents, la cour cantonale a tenu compte d’un abattement de 10%, afin de tenir compte des limitations fonctionnelles liées à l’atteinte à la santé, l’assuré ne pouvant effectuer pour l’essentiel que des travaux très légers.

Par jugement du 14.10.2019, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et octroyant à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur un taux de 12% dès le 01.07.2018.

 

TF

Horaire hebdomadaire à prendre en compte

Le premier grief se rapporte à l’horaire hebdomadaire à prendre en compte.

La durée hebdomadaire de 41,4 heures est liée aux données de 2016, alors que celle de 41,3 heures l’est aux données de 2018.

Le Tribunal fédéral confirme que les statistiques « Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique » (tableau T 03.02.03.01.04.01), dans la branche 41-43 « Construction » sont de 41.4h en 2016 et de 41.3h en 2018.

Le Tribunal fédéral conclut que le tribunal cantonal est tombé dans une erreur manifeste. Si le salaire mensuel brut selon ESS de CHF 5’508, rapporté sur 41.3h/semaine, s’élève à CHF 5’687,01 en 2018, soit CHF [68’244.12] par an (CHF 5’687,01 x 12), 13e salaire inclus (voir arrêt U 274/98 du 18 février 1999, consid. 3a).  [NB : erreur de calcul par le TF, le résultat correct est bien 68’244.12 et non 68’409.36.]

 

Abattement

S’agissant de l’abattement, le tribunal cantonal s’est contenté de se référer à un jugement cantonal antérieur, qui n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral. Or, l’application d’un abattement sur le revenu d’invalide est le résultat d’une évaluation globale de la situation (cf. également les arrêts 8C_730/2019 du 10.06.2020 et 8C_9/2020 du 10.06.2020 pour un grief identique, au résultat identique).

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_765/2019 consultable ici

Proposition de citation : 8C_765/2019 (i) du 10.06.2020 – Revenu d’invalide – Horaire hebdomadaire de la branche – Abattement, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/08/8c_765-2019)

 

Remarque : cet arrêt est intéressant et tranche clairement la question de savoir quelle durée hebdomadaire il contient d’appliquer. Bien que, dans le cas d’espèce, l’ESS 2016 a servi de base, le revenu d’invalide a été déterminé pour l’année 2018. Ce sont donc bien les données de la durée hebdomadaire de 2018 qui doivent servir de référence pour l’adaptation.

8C_730/2019 (i) du 10.06.2020 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Indexation du revenu ESS / Abattement sur le salaire statistique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_730/2019 (i) du 10.06.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Revenu d’invalide / 16 LPGA

Indexation du revenu ESS

Abattement sur le salaire statistique

 

Assuré, né en 1963, charpentier, est victime le 06.08.2017 d’un accident au genou droit. Les examens médicaux ont montré la présence d’une gonarthrose médiale et fémoro-patellaire, rendue symptomatique par le traumatisme subi.

L’assurance-accidents a, par décision confirmée sur opposition, le droit à une rente d’invalidité et a octroyé une IPAI de 10%. Le revenu d’invalide a été fixé sur la base de l’ESS 2016, tableau TA1 (niveau de compétences 1, hommes, toutes branches confondues), indexé à 2018 ; l’assureur n’a tenu compte d’aucun abattement.

 

Procédure cantonale (35.2019.59)

En ce qui concerne l’indexation jusqu’en 2018, le tribunal cantonal a indiqué que selon l’indice T1.1.10 des salaires nominaux, hommes 2011-2018, l’indice par rapport à 2010 était de 104,1 en 2016 et de 105,1 en 2018. Le revenu 2018 est ainsi de CHF 67’445.12. L’abattement a été porté à 10%.

Par jugement du 30.09.2019, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et reconnaissant le droit de l’assuré à une rente d’invalidité, dès le 01.11.2018, fondée sur un taux de 13%.

 

TF

Indexation

L’assurance-accidents (recourante) relève que la juridiction cantonale s’est basée sur le tableau T1.1.10. Indépendamment du fait que, selon l’assureur, le tribunal cantonal aurait dû utiliser le tableau existant le plus récent, c’est-à-dire T1.1.15, il est incompréhensible que ce choix modifie la pratique du même tribunal puisque, dans d’autres cas similaires, le tribunal cantonal aurait toujours utilisé T1.1.15 pour les données à partir de 2015 s’il n’y avait pas besoin d’utiliser les données pour une branche d’activité particulière. Toutefois, le résultat obtenu [avec les données du T1.1.15] ne serait pas fondamentalement différent du calcul appliqué par le tribunal cantonal.

L’utilisation d’un tableau statistique présuppose qu’il a été publié au moment où la décision sur l’opposition a été rendue (ATF 143 V 295 consid. 4.1.2 p. 299). Un examen plus approfondi des deux tableaux T1.1.10 et T1.1.15 montre que les valeurs sont les mêmes. Le résultat non identique de l’utilisation des deux tableaux (avec une différence minimale de 0,06 %) réside simplement dans le fait que les tableaux sont limités à une seule décimale et qu’en fonction de la valeur de base à partir de laquelle on part (2010 ou 2015), un certain écart est créé.

Toutefois, le grief ne tient pas compte de la maxime « minima non curat praetor », que les assureurs sont tenus de respecter (arrêts 8C_144/2019 du 6 août 2019 consid. 5 et 8C_363/2017 du 22 novembre 2017 consid. 4).

 

Abattement sur le salaire statistique

S’agissant de l’abattement, le tribunal cantonal s’est contenté de se référer à un jugement cantonal antérieur, qui n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral. Or, l’application d’un abattement sur le revenu d’invalide est le résultat d’une évaluation globale de la situation (cf. également les arrêts 8C_765/2019 du 10.06.2020 et 8C_9/2020 du 10.06.2020 pour un grief identique, au résultat identique).

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_730/2019 consultable ici

Proposition de citation : 8C_730/2019 (i) du 10.06.2020 – Revenu d’invalide – Indexation du revenu ESS – Abattement sur le salaire statistique, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/08/8c_730-2019)

 

8C_9/2020 (i) du 10.06.2020 – Rente d’invalidité – Comparaison des revenus – 16 LPGA / Arrondissement du revenu sans invalidité à la dizaine inférieure erroné / Justification et raisonnement pour tenir compte d’un abattement sur le salaire statistique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_9/2020 (i) du 10.06.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Rente d’invalidité – Comparaison des revenus / 16 LPGA

Arrondissement du revenu sans invalidité à la dizaine inférieure erroné

Justification et raisonnement pour tenir compte d’un abattement sur le salaire statistique

Le fait pour un tribunal cantonal de se référer à un jugement cantonal antérieur, qui n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral, n’a pas été admis

 

Assuré, né en 1955, menuisier, est tombé d’un toit et a subi un traumatisme à l’épaule droite.

 

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé le droit à une rente d’invalidité et a octroyé une IPAI de 15%. Le revenu sans invalidité a été fixé à CHF 69’156.

S’agissant des limitations fonctionnelles, l’assuré n’a aucune restriction quant à la position assise et debout, sur les mouvements autres que la montée et la descente des escaliers.

 

Procédure cantonale (arrêt 35.2019.64)

Le tribunal cantonal a confirmé le revenu sans invalidité mentionné dans la décision sur opposition mais a conclu à un revenu sans invalidité de CHF 69’150.

Quant au revenu d’invalide, après avoir rappelé la pratique fédérale et cantonale, l’instance cantonale s’est référée à un jugement (cantonal) définitif (entré en force) du 5 septembre 2019, qui « critiquait » [« censurato »] le changement de pratique de l’assurance-accidents, consistant à ne plus appliquer d’abattement sur les revenus d’invalide à compter du 1er janvier 2019. Après avoir rappelé quelques cas similaires, les juges cantonaux ont appliqué une déduction de 10%.

Par jugement du 20.11.2019, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et octroyant à l’assuré une rente d’invalidité sur un taux de 12%.

 

TF

Revenu sans invalidité

L’assurance-accidents (recourante) déclare ne pas comprendre pourquoi le tribunal cantonal est arrivé à un chiffre légèrement inférieur, bien qu’il confirme la décision sur l’opposition sur ce point. Ni l’assuré, ni le tribunal cantonal n’ont donné d’avis explicite sur ce point.

Il faut conclure qu’il s’agit bien d’une erreur manifeste de la part du tribunal cantonal. Les juges cantonaux n’ont pas indiqué pourquoi le revenu sans invalidité devait être arrondi à la dizaine inférieure. Le revenu sans invalidité est donc de CHF 69’150.

 

Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique

L’assurance-accidents (recourante) considère que le fait d’avoir évalué par le passé l’abattement de manière trop large ne la lie pas à d’autres cas. L’assureur fait également observer que l’abattement de 10% est excessif, car ce taux a été appliqué dans des cas beaucoup plus graves que dans le cas d’espèce.

L’assuré, quant à lui, critique l’attitude contradictoire de l’assurance-accidents, car après avoir reconnu l’abattement dans de nombreux cas, il prétend maintenant ne plus l’appliquer. Il souligne que l’activité exigible (simple et répétitive) ne tient pas compte des limitations concrètes. Il considère que la décision sur opposition est inhabituelle, refusant d’accorder toute déduction ainsi que d’appliquer les DPT, désormais abandonnées par l’assurance-accidents.

Si le revenu d’une personne invalide est établi sur la base de données statistiques, il faut se demander si ce montant ne doit pas être réduit. L’influence de tous les facteurs sur le revenu (limitations de l’état de santé, âge, années de service, nationalité/type de permis de séjour et degré d’emploi) doit être évaluée dans son ensemble en tenant compte de toutes les circonstances du cas spécifique, en faisant un usage approprié du pouvoir d’estimation, sans pour autant quantifier séparément chaque facteur de réduction. En tout état de cause, la réduction ne doit pas dépasser 25% (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301 ; 134 V 322 consid. 5.2 p. 327 s. ; 126 V 75 consid. 5b/bb p. 80).

Le point de savoir s’il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 ; arrêt 8C_652/2008 du 8 mai 2009 consid. 4, non publié dans ATF 135 V 297). En revanche, l’étendue de l’abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation. L’exercice du pouvoir d’appréciation n’est pas un motif de recours devant le Tribunal fédéral (ATF 143 V 369 consid. 5.4.1 p. 379), à moins que cela ne constitue une violation du droit fédéral. Tel est le cas si la juridiction de première instance a exercé son pouvoir d’appréciation, soit en commettant un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation, soit en abusant de ce pouvoir (« Ermessensmissbrauch »), en se laissant guider par des critères étrangers à l’esprit de la loi ou en ignorant des principes généraux reconnus tels que l’interdiction de l’arbitraire, le principe de la bonne foi ou la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 et suiv. ; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399).

Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance (art. 57 LPGA) n’est en revanche pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le juge des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration ; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 p. 73 et la référence).

Une réduction sur le revenu d’invalide ne peut être appliquée que s’il est prouvé dans le cas concret que l’assuré ne peut exploiter sa capacité de travail exigible sur un marché du travail équilibré que de manière inférieure à la moyenne, en raison de l’un ou l’autre des critères (ou de plusieurs critères) (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301 ; arrêt 8C_82/2019 du 19 septembre 2019, consid. 6.2.2 et la référence).

Il convient de rappeler que les limitations fonctionnelles déjà incluses dans l’examen de la capacité de travail résiduelle ne doivent pas avoir d’influence supplémentaire sur l’examen de l’abattement, afin d’éviter une double prise en compte du même aspect : le simple fait que sont exigibles pour l’assuré que des activités légères à moyennement complexes ne justifie pas une réduction supplémentaire, même dans le cas d’une capacité de travail partielle (arrêts 8C_805/2016 du 22 mars 2017 consid. 3.1 et 3.4.2 et 9C_846/2014 du 22 janvier 2015 consid. 4.1.1 et les références). Le niveau de compétences 1 de l’ESS comprend déjà toute une série d’activités légères, qui tiennent compte de nombreuses limitations. En d’autres termes, seules des circonstances qui, dans un marché équilibré du travail, doivent être considérées comme exceptionnelles peuvent être prises en compte au titre de limitations fonctionnelles (arrêts 8C_495/2019 du 11 décembre 2019 consid. 4.2.2 avec référence et 8C_82/2019 du 19 septembre 2019, considérant 6.3.2).

Dans le cas d’espèce, le tribunal cantonal se contente de se référer à un jugement cantonal antérieur, qui n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral. Or, l’application d’un abattement sur le revenu d’invalide est le résultat d’une évaluation globale de la situation. Les juges cantonaux ne constatent ni n’affirment en aucune manière qu’il existe des circonstances exceptionnelles dans un marché du travail équilibré, qui permettraient dans ce cas d’affirmer que l’assuré subit un désavantage tel qu’il se trouve dans une situation inférieure à la moyenne. Pour le reste, le tribunal cantonal a improprement substitué sa propre appréciation à celle de l’assureur, sans raison particulière (cf. également les arrêts 8C_730/2019 du 10.06.2020 et 8C_765/2019 du 10.06.2020 pour un grief identique, au résultat identique).

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_9/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_9/2020 (i) du 10.06.2020 – Arrondissement du revenu sans invalidité à la dizaine inférieure erroné – Justification et raisonnement pour tenir compte d’un abattement sur le salaire statistique, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/08/8c_9-2020)