4A_300/2017 (i) du 30.01.2018 – Résiliation des rapports de travail – Devoir d’informer de l’employeur de la possibilité de passer de l’assurance maladie perte de gain collective à l’assurance individuelle – Causalité adéquate / 324a CO – 15 CCT

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_300/2017 (i) du 30.01.2018

 

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NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Résiliation des rapports de travail – Devoir d’informer de l’employeur de la possibilité de passer de l’assurance maladie perte de gain collective à l’assurance individuelle – Causalité adéquate / 324a CO – 15 CCT (CCL per le falegnamerie e le fabbriche di mobili e serramenti del Cantone Ticino)

 

Du 01.04.1998 au 28.02.2003, C.__ a travaillé comme menuisier dans l’entreprise de A.__, qui a mis fin à son contrat de travail. Ce dernier avait souscrit une assurance collective d’indemnités journalières de maladie pour ses employés. Le 01.03.2003, B.__ Sàrl a engagé C.__. Cet employeur a tenté sans succès d’assurer le nouvel employé auprès de sa propre compagnie d’assurance et, le 12.05.2003, elle a demandé en vain à la compagnie d’assurance de A.__ de poursuivre l’assurance des indemnités journalières de maladie sur une base individuelle, car la demande a été faite après le délai de 30 jours prévu par les conditions générales. Après deux périodes d’incapacité de travail temporaire, l’incapacité de travail de C.__ est devenue permanente le 04.11.2003. Le 27.05.2004, C.__ a vainement assigné la compagnie d’assurance de A.__, demandant l’établissement de son droit au libre passage et le paiement des indemnités journalières.

 

Procédures cantonales

Par requête du 24.08.2011, C.__ a introduit action conjointement contre B.__ Sàrl et A.__. Par jugement du 11.08.2015, l’instance a partiellement admis la requête, condamnant B.__ Sàrl à verser à C.__ CHF 63’365,80 à titre d’indemnités journalières de maladie.

 

Tant C.__ que B.__ Sàrl ont formé un recours contre cet arrêt.

Le tribunal cantonal a tout d’abord indiqué que si l’employeur ne respecte pas ses obligations contractuelles en matière d’assurance perte de gain en cas de maladie, l’article 324a CO n’entre pas en considération, mais bien plutôt les règles générales de l’inexécution des contrats s’appliquent, de sorte qu’il doit payer, à titre de réparation du dommage, les montants qui auraient été versés par la compagnie d’assurance. Les juges cantonaux ont ensuite relevé que l’article 15 CCT imposait à l’employeur d’assurer le salarié par une police d’assurance permettant à ce dernier de passer, dans un délai de trois mois, d’une assurance collective à une assurance individuelle et de l’informer par écrit de ce droit. Or, il ne ressort pas du dossier que A.__ a rempli son devoir d’information (art. 331 al. 4 CO) en informant son ancien employé de la possibilité de passer d’une assurance collective à une assurance individuelle d’indemnités journalières et des modalités d’exercice de ce droit. La cour cantonale a également jugé que, puisqu’il avait souscrit une police d’assurance prévoyant une période de libre passage de 30 jours seulement, A.__ avait ici un devoir d’information accru, puisque l’employé pouvait de bonne foi croire qu’il pouvait plutôt bénéficier de la période de trois mois mentionnée dans la CCT.

Par arrêt du 02.05.2017, la cour cantonale a partiellement admis les deux recours et réformé le jugement de première instance en ce sens que, en acceptation partielle de la requête, les deux défendeurs sont condamnés solidairement à payer à C.__ CHF 63’365.80, plus les intérêts.

 

TF

Consid. 4.1

A.__ fait entre autres valoir que la cour cantonale n’a pas tenu compte des circonstances excluant un lien de causalité suffisant entre le dommage et le comportement qui lui est reproché. Il fait valoir que le comportement de l’employé, qui a commencé une nouvelle activité sans être correctement assuré, n’a pas été analysé et qu’il n’a pas été tenu compte du fait que B.__ Sàrl, bien que bénéficiant des services de travail de C.__, n’a pas fourni de couverture d’assurance.

Consid. 4.2

Constitue la cause adéquate d’un certain résultat tout fait qui, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, est en soi propre à provoquer un effet du genre de celui qui s’est produit, de sorte que la survenance de ce résultat paraît de façon générale favorisée par le fait en question (ATF 139 V 176 consid. 8.4.2 p. 190 ; 129 II 312 consid. 3.3 p. 318 ; 123 III 110 consid. 3a p. 112). La faute du lésé ou d’un tiers rompt le lien de causalité adéquate si elle est si lourde et si déraisonnable qu’elle relègue le manquement en cause à l’arrière-plan, au point qu’il n’apparaisse plus comme la cause adéquate du dommage (ATF 127 III 453 consid. 5d avec références).

Concrètement, il convient tout d’abord de rappeler que A.__ a licencié C.__ pour manque de travail, de sorte qu’on ne comprend pas comment le début d’une nouvelle activité professionnelle peut être considéré comme une faute qui aurait rompu le lien de causalité. Le fait que B.__ Sàrl n’ait pas assuré l’employé n’interrompt pas non plus le lien de causalité, étant donné notamment que si A.__ avait souscrit une assurance conforme aux dispositions de l’article 15 CCT, la demande de C.__ à l’assurance du 12.05.2003 visant à maintenir l’assurance indemnités journalières maladie dans sa forme individuelle n’aurait pas été tardive.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

 

Arrêt 4A_300/2017 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 4A_300/2017 (i) du 30.01.2018 – Devoir d’informer de l’employeur de la possibilité de passer de l’assurance maladie perte de gain collective à l’assurance individuelle, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/01/4A_300-2017)

8C_405/2021 (f) du 09.11.2021 – Revenu d’invalide après réadaptation comme aide-comptable

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_405/2021 (f) du 09.11.2021

 

Consultable ici

Cf. nos remarques et commentaires en fin d’article

 

Revenu d’invalide après réadaptation comme aide-comptable / 16 LPGA

Abattement sur le salaire statistique (examen de l’âge [53 ans] et des années de service)

 

Assurée, aide familiale à 80% depuis le 01.09.2002. Le 17.10.2007, elle a chuté dans les escaliers, se blessant principalement à l’épaule droite. Par décision, confirmée sur opposition le 03.02.2010, l’assurance-accidents a mis un terme à ses prestations d’assurance avec effet au 30.09.2009.

Le 11.11.2008, l’assurée a déposé une demande de prestations auprès de l’office de l’assurance-invalidité (ci-après: l’OAI).

Le 02.02.2010, en traversant la chaussée, l’assurée a heurté le bord d’un trottoir et a fait une chute, entraînant diverses contusions, dont à l’épaule droite. Elle a été licenciée avec effet au 31.08.2010. Par décision, confirmée sur opposition le 28.01.2011, l’assurance-accidents a mis fin au traitement médical dès le 18.02.2010 et à l’indemnité journalière à partir du 15.03.2010.

L’assurée a recouru contre la décision sur opposition du 28.01.2011 devant le tribunal cantonal. L’instance cantonale a mandaté le professeur C.__, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique. Par arrêt du 27.03.2013, la cour cantonale a partiellement admis le recours de l’assurée et a annulé la décision de l’assureur-accidents du 28.01.2011. Se fondant sur le rapport d’expertise du professeur C.__, elle a retenu que les troubles de l’épaule droite étaient en lien de causalité avec les deux événements accidentels des 17.10.2007 et 02.02.2010 et que l’assurée avait droit à des prestations de la part de l’assureur-accidents au-delà du 14.03.2010.

L’assurée a bénéficié d’un reclassement professionnel de l’assurance-invalidité. Dans ce cadre, elle a suivi une formation qui a pris fin le 30.04.2014 et a débouché sur l’obtention d’un certificat d’aide-comptable.

Après mise en œuvre une expertise pluridisciplinaire, l’OAI a, par décision du 16.04.2019, l’OAI, mis l’assurée au bénéfice d’une demi-rente d’invalidité dès le 01.08.2014, puis d’une rente entière à partir du 01.11.2015 en raison d’une pathologie psychiatrique.

Le 17.04.2019 et le 13.05.2019, l’assurée a communiqué cette décision à l’assurance-accidents et lui a demandé de statuer sur son droit aux prestations.

Par décision, confirmée sur opposition le 03.04.2020, l’assurance-accidents a refusé d’octroyer une rente d’invalidité à l’assurée, au motif que la comparaison des salaires sans (80’279 fr. 05) et avec invalidité (77’444 fr. 60) faisait apparaître un taux d’invalidité de 6,6%, inférieur au seuil de 10% ouvrant le droit à une rente. Elle lui a en revanche alloué une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 12’600 fr., correspondant à 10% du montant maximum du gain annuel assuré à l’époque de l’accident.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/380/2021 – consultable ici)

La juridiction cantonale n’a pas remis en cause la stabilisation de l’état de santé de l’assurée au mois de juin 2012, ni sa capacité de travail entière, sans baisse de rendement, dans une activité adaptée, telle qu’une activité de bureau ou d’aide-comptable, sous réserve d’effort répété à hauteur de l’épaule ou au-dessus ainsi que du port de charges supérieures à 5 kilos.

S’agissant du revenu sans invalidité, les juges cantonaux ont considéré qu’il y avait lieu de se fonder sur le salaire que l’assurée aurait perçu en 2010, avant la survenance de son deuxième accident, soit un montant de 64’223 fr. 25 à 80% (selon les informations fournies par l’ancien employeur) et de l’indexer – après l’avoir converti à 100% (80’279 fr. 05) – jusqu’en 2014, année de naissance d’un éventuel droit à la rente, dès lors que les mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité avaient pris fin le 30.04.2014 (cf. art. 19 al. 1, 1e phrase, LAA). Il en résultait un salaire sans invalidité de 81’407 fr. 80.

En ce qui concerne le revenu d’invalide, la cour cantonale a considéré que l’assureur-accidents s’était fondé à juste titre sur les salaires statistiques ressortant de l’ESS, mais qu’il aurait dû retenir non pas la table T17 (salaire mensuel brut selon les groupes de professions, l’âge et le sexe – secteur privé et secteur public ensemble) de l’ESS 2016, mais la table TA1_skill_level (salaire mensuel brut selon les branches économiques, le niveau de compétences et le sexe – secteur privé) de l’ESS 2014, au vu de la naissance d’un éventuel droit à la rente au mois de juin 2014. Selon la cour cantonale, la table T17 (auparavant TA7) n’entrait pas en considération lorsque la personne assurée n’avait pas accès au secteur public. Or il ressortait du rapport de réadaptation professionnelle de l’OAI que l’assurée avait bénéficié d’un reclassement professionnel et avait obtenu un certificat d’aide-comptable, lequel attestait les compétences acquises dans le domaine de la comptabilité en entreprise uniquement. La maîtrise de la comptabilité dans un service public nécessitait une formation spécifique dont ne disposait pas l’assurée, de sorte qu’il était peu probable qu’elle puisse être engagée au sein d’une entité publique.

La cour cantonale s’est référée, dans la table TA1_skill_level de l’ESS 2014, au salaire mensuel auquel peuvent prétendre les femmes dans la branche « activités juridiques et comptables » (ligne 69-71) avec niveau de compétences 2. Elle a considéré que la branche en question comprenait les services comptables et de tenue de livres, comme la vérification des comptes, la préparation des états financiers et la tenue des livres à teneur de la nomenclature générale des activités économiques (Nomenclature générale des activités économiques [NOGA 2008] publiée par l’OFS, notes explicatives, p. 191), soit les tâches dans lesquelles l’assurée avait été formée d’après le rapport final à l’atelier du 26.11.2012 au 01.02.2013, ainsi que selon la note interne de l’OAI du 07.05.2014 relative au bilan de la mesure au sein du service de comptabilité E.__. Le salaire mensuel était de 6067 fr., montant que la cour cantonale a ensuite adapté à l’horaire de travail moyen dans la branche concernée (41,4 heures par semaine), ce qui aboutissait à un revenu d’invalide de 6279 fr. par mois (ou 75’348 fr. par année). A l’instar de l’assurance-accidents, les juges cantonaux n’ont procédé à aucun abattement sur le salaire d’invalide.

Ainsi, pour la cour cantonale, le taux d’invalidité – résultant de la comparaison des revenus sans invalidité (81’407 fr. 80) et avec invalidité (75’348 fr.) – s’élevait à 7,44%, arrondi à 7%, comme retenu par l’assurance-accidents.

Par jugement du 27.04.2021, admission (très) partielle du recours par le tribunal cantonal (intérêts moratoires de 5% l’an sur l’indemnité pour atteinte à l’intégrité de 12’600 fr., dès le 01.05.2016).

 

TF

Revenu d’invalide

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l’assuré. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu d’invalide peut notamment être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS; ATF 129 V 472 consid. 4.2.1; 126 V 75 consid. 3b/bb).

Sans contester le recours à la table TA1_skill_level de l’ESS 2014 et le niveau de compétences 2 pour déterminer son revenu d’invalide, l’assurée invoque une mauvaise application du droit fédéral en tant que la cour cantonale s’est fondée sur le salaire de référence des branches 69-71 « Activités juridiques, comptables, de gestion, d’architecture, d’ingénierie » (6067 fr. par mois) plutôt qu’à la valeur statistique médiane figurant à la ligne « total » (4808 fr. par mois).

Lorsque les tables ESS sont appliquées, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table TA1, à la ligne « total secteur privé »; on se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la valeur médiane ou centrale (ATF 124 V 321 consid. 3b), étant précisé que, depuis l’ESS 2012, il y a lieu d’appliquer le tableau TA1_skill_level et non pas le tableau TA1_b (ATF 142 V 178; arrêts 8C_46/2018 du 11 janvier 2019 consid. 4.4 et 8C_228/2017 du 14 juin 2017 consid. 4.2.2). Lorsque cela apparaît indiqué dans un cas concret pour permettre à l’assuré de mettre pleinement à profit sa capacité résiduelle de travail, il y a lieu parfois de se référer aux salaires mensuels de secteurs particuliers (secteur 2 [production] ou 3 [services]), voire à des branches particulières; cette faculté reconnue par la jurisprudence concerne les cas particuliers dans lesquels, avant l’atteinte à la santé, l’assuré concerné a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et où une activité dans un autre domaine n’entre pratiquement plus en ligne de compte. Il y a en revanche lieu de se référer à la ligne « total secteur privé » lorsque l’assuré ne peut plus raisonnablement exercer son activité habituelle et qu’il est tributaire d’un nouveau domaine d’activité pour lequel l’ensemble du marché du travail est en principe disponible (arrêts 8C_471/2017 du 16 avril 2018 consid. 4.2; 9C_142/2009 du 20 novembre 2009 consid. 4.1 et 9C_237/2007 du 24 août 2007 consid. 5.1, non publié à l’ATF 133 V 545).

En l’occurrence, la juridiction cantonale a constaté qu’avant son atteinte à la santé, l’assurée avait exercé diverses activités professionnelles dans des domaines aussi variés que la photographie, la bijouterie, comme aide-vétérinaire, puis dans les services d’aide et de soins à domicile (en tant qu’aide familiale). Après son second accident survenu en 2010, l’assurée avait en outre effectué un stage de découverte par le biais de l’assurance-chômage, suivi d’une formation de secrétariat du 14.03.2012 au 25.05.2012 et avait acquis un certificat avec mention. Selon la cour cantonale, il y avait lieu d’admettre que l’assurée disposait d’une certaine capacité d’adaptation sur le plan professionnel susceptible, le cas échéant, de compenser les désavantages compétitifs liés à son âge.

Compte tenu de ce qui précède, force est de constater qu’avant son atteinte à la santé, l’assurée ne s’est pas cantonnée à un seul domaine pendant de nombreuses années. Avant la survenance de son premier accident en octobre 2007, l’assurée n’exerçait en qualité d’aide familiale que depuis cinq ans et avait exercé diverses autres activités. L’assurée ne se trouve dès lors pas dans la situation particulière dans laquelle elle aurait travaillé de nombreuses années dans le même domaine d’activités avant son atteinte à la santé et où une activité dans un autre domaine n’entrerait pratiquement plus en ligne de compte, conditions pourtant requises par la jurisprudence pour s’écarter de la valeur médiane (« total secteur privé ») des salaires statistiques et se référer aux salaires mensuels de secteurs particuliers (en l’occurrence le secteur 3 [services]), voire d’une branche particulière (en l’occurrence celle des « activités juridiques et comptables »). Pour cette raison déjà, la référence au salaire statistique d’une branche particulière apparaît contraire au droit.

En tout état de cause, il découle des notes explicatives de la nomenclature (NOGA 2008) que les activités juridiques et comptables visées par la ligne 69-71 de la table TA1 de l’ESS 2014 auxquelles s’est référée la cour cantonale requièrent un niveau de formation élevé et apportent aux utilisateurs des connaissances et compétences spécialisées. Or l’assurée ne dispose pas d’un diplôme de comptable, mais seulement d’un certificat d’aide-comptable obtenu après une formation effectuée par le biais d’un atelier chez D.__ du 26.11.2012 au 01.02.2013 puis d’un stage auprès de E.__ du 01.05.2013 au 31.10.2013. Par conséquent, le fait de se référer à cette branche d’activités ne reflète nullement sa réelle capacité de gain mais a bien plutôt pour effet de la pénaliser sur le plan salarial par rapport aux autres assurés dans une situation comparable. C’est dès lors en violation du droit fédéral que la cour cantonale ne s’est pas fondée, pour déterminer le revenu d’invalide de l’assurée, sur la valeur médiane (« total secteur privé ») du salaire statistique issu de la table TA1, niveau de compétences 2.

 

Abattement

Savoir s’il convient de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison des circonstances du cas particulier constitue une question de droit que le Tribunal fédéral peut revoir librement, tandis que l’étendue de l’abattement justifié dans un cas concret constitue une question typique relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit (ATF 146 V 16 consid. 4.2; 137 V 71 consid. 5.1).

Il convient de relever à titre préliminaire que l’appréciation de l’assurance-invalidité ne lie pas l’assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.3).

Selon la jurisprudence, l’âge d’un assuré ne constitue pas per se un facteur de réduction du salaire statistique. Autrement dit, il ne suffit pas de constater qu’un assuré a dépassé la cinquantaine au moment déterminant du droit à la rente pour que cette circonstance justifie de procéder à un abattement. Le Tribunal fédéral a insisté sur ce point et a affirmé que l’effet de l’âge combiné avec un handicap doit faire l’objet d’un examen dans le cas concret, les possibles effets pénalisants au niveau salarial induits par cette constellation aux yeux d’un potentiel employeur pouvant être compensés par d’autres éléments personnels ou professionnels tels que la formation et l’expérience professionnelles de l’assuré concerné (voir l’arrêt 8C_439/2017 du 6 octobre 2017, dans lequel il a été jugé, à propos d’un assuré ayant atteint 62 ans à la naissance du droit à la rente, qu’il n’y avait pas d’indices suffisants pour retenir qu’un tel âge représentait un facteur pénalisant par rapport aux autres travailleurs valides de la même catégorie d’âge, eu égard aux bonnes qualifications professionnelles de celui-ci). En l’occurrence, l’assurée était âgée de 53 ans au moment de la naissance d’un éventuel droit à la rente. Il appert par ailleurs qu’avant la survenance de son premier accident, l’assurée avait travaillé dans des domaines variés et accompli plusieurs stages, de sorte qu’on peut admettre qu’elle dispose d’une certaine capacité d’adaptation sur le plan professionnel susceptible, le cas échéant, de compenser les désavantages compétitifs liés à son âge.

Quant à un éventuel handicap, il se présente sous la forme de limitations fonctionnelles (prohibition du port régulier de charges supérieures à 5 kg et d’effort répété à hauteur de l’épaule ou au-dessus). Toutefois, les experts mis en œuvre par l’OAI ont jugé que ces restrictions étaient parfaitement compatibles avec l’activité d’aide-comptable dans laquelle l’assurée avait été réadaptée, dès lors qu’elle pouvait exercer cette activité à plein temps, sans diminution de rendement.

Enfin, les années de service auprès de l’ancien employeur de l’assurée ne constituent pas un élément susceptible d’avoir un effet sur le montant du salaire auquel celle-ci pourrait prétendre sur le marché du travail. Au moment de la survenance de son second accident le 02.02.2010, l’assurée travaillait pour la Fondation B.__ depuis sept ans et demi, ce qui n’est pas une durée assez longue, en règle générale, pour bénéficier de conditions particulières liées à l’ancienneté, même pour une employée qualifiée du niveau de compétences 2 se trouvant en situation de réintégration professionnelle (voir l’arrêt 8C_610/2017 du 3 avril 2018, dans lequel aucun abattement n’a été appliqué sur le salaire d’invalide pour un assuré ayant travaillé comme chauffeur de bus au service du même employeur pendant neuf ans au moment de son accident et qui a ensuite bénéficié d’un reclassement professionnel d’aide-comptable).

Compte tenu de ce qui précède, la juridiction cantonale n’a pas violé le droit en ne procédant à aucun abattement sur le salaire statistique.

 

Pour déterminer le revenu sans invalidité (sic [il s’agit du revenu d’invalide]) de l’assurée, il convient dès lors de se fonder sur le revenu médian de 4808 fr. de la table TA1 (ESS 2014, total secteur privé) pour une femme avec un niveau de compétences 2. Adapté à la durée hebdomadaire normale de travail en 2014 (41,7 heures), ce montant doit être porté à 5012 fr. 34 (4808 x 41,7 / 40) par mois, soit à 60’148 fr. par année, ce qui représente le revenu d’invalide déterminant en 2014.

Par conséquent, le revenu d’invalide de 60’148 fr., comparé au revenu sans invalidité de 81’407 fr. 80 retenu par la juridiction cantonale et non contesté par l’assurée, aboutit à un taux d’invalidité de 26,11% ([81’407.80 – 60’148] / 81’407.80), arrondi à 26% (ATF 130 V 121 consid. 3.2), lequel ouvre le droit à une rente d’invalidité du même taux (art. 18 al. 1 LAA) à compter du 1er mai 2014.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurée, réformant le jugement cantonal en ce sens que l’assurée a droit à une rente d’invalidité fondée sur un taux de 26% à compter du 01.05.2014.

 

 

Arrêt 8C_405/2021 consultable ici

 

 

Remarques et commentaires :

Cet arrêt appelle à quelques commentaires et réflexions. Nous sommes surpris par le raisonnement quant au revenu d’invalide.

L’assurée a bénéficié de mesures AI, lui permettant d’acquérir un certificat d’aide-comptable. La formation délivrée comprenait la journalisation des écritures, l’établissement du bilan, l’établissement du compte d’exploitation de plusieurs entreprises issues de diverses branches, la passation des écritures de bouclement et de clôture, la gestion des salaires et des assurances sociales, la comptabilisation des opérations et factures assujetties à la TVA, y compris son décompte trimestriel, la familiarisation et l’utilisation du logiciels Crésus, ainsi que la tenue d’une comptabilité sur la base de pièces justificatives réelles (jugement cantonal ATAS/380/2021 du 27.04.2021, p. 12). Du stage réalisé, l’assurée avait pu participer aux écritures de bouclement, à la résolution des comptes, aux actifs/passifs transitoires, à la clôture annuelle et à l’ouverture d’une année de compte (dito).

Des constatations cantonales, il ressort que l’assurée a été mise au bénéfice d’un reclassement par l’OAI par le biais d’une formation d’aide-comptable du 26.11.2012 au 01.02.2013, avec obtention d’un certificat d’aide-comptable, d’une formation pratique d’aide-comptable/assistante administrative du 01.05.2013 au 31.10.2013, d’une adaptation du poste sur le lieu de stage, d’une prolongation de la formation pratique du 01.11.2013 au 30.04.2014 ainsi que d’une formation sur WinBiz. Lors du bilan le 06.05.2014, l’entreprise avait considéré que l’assurée était pleinement employable dans l’activité d’aide-comptable. (jugement cantonal ATAS/380/2021 du 27.04.2021, p. 13).

Ainsi, après 17 mois de mesures AI, l’intéressée est capable, sous la supervision d’un comptable, de tenir la comptabilité courante d’une entreprise de l’ouverture des comptes jusqu’à la préparation des documents de clôture.

Par ailleurs, comme le relève lui-même le Tribunal fédéral, les experts mis en œuvre par l’OAI ont jugé que ces restrictions étaient parfaitement compatibles avec l’activité d’aide-comptable dans laquelle l’assurée avait été réadaptée, dès lors qu’elle pouvait exercer cette activité à plein temps, sans diminution de rendement.

Dans l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_610/2017 du 03.04.2018, l’assuré avait, lui aussi, été mis au bénéfice d’une formation d’aide-comptable, réalisée également à Genève. L’intéressé a obtenu un diplôme d’aide-comptable au mois de février 2015 puis il a bénéficié d’un stage pratique d’aide-comptable auprès du service de comptabilité des B.__ du 02.03.2015 au 31.08.2015. Pour déterminer le revenu d’invalide, l’assurance-accidents puis la cour cantonale se sont référés à la ligne 69-71 du tableau TA1, niveau de compétences 2, hommes, de l’ESS 2014 (arrêt 8C_610/2017 consid. 4.1). Le Tribunal fédéral a rejeté l’argument de l’assuré recourant pour l’utilisation de la branche « activités de service administratif sans activités liées à l’emploi » avec niveau de compétences 1 (ligne 77, 79-82 du tableau TA1 ESS) au lieu de la branche « activités juridiques, comptables de gestion » avec niveau de compétences 2 (ligne 69-71 du tableau TA1 ESS). Le TF a confirmé l’utilisation de la ligne 69-71 et conclu qu’on on ne voit pas pourquoi l’intéressé, au bénéfice d’un diplôme d’aide-comptable et après un stage pratique accompli auprès du service de comptabilité des B.________ du 02.03.2015 au 31.08.2015, serait cantonné à des tâches physiques ou manuelles simples relevant du niveau de compétence 1 (arrêt 8C_610/2017 consid. 4.3).

Dans l’arrêt 8C_405/2021 qui nous occupe aujourd’hui, la situation est similaire à celle ayant fait l’objet de l’arrêt 8C_610/2017. Au bénéfice d’une formation et d’un certificat d’aide-comptable, il semble correct de se référer à la ligne 69-71 englobant les activités comptables (branche économique 692000 selon NOGA08). Les juges cantonaux ont par ailleurs motivé les motifs les ayant conduits à prendre la ligne 69-71 et non la ligne 77,79-82 « Activités de services admin. (sans 78) » (jugement cantonal ATAS/380/2021 du 27.04.2021, consid. 14c).

La référence au parcours professionnel hétéroclite de l’assurée n’a pas sa place dans le cadre de la détermination après une formation réussie mise en œuvre par l’AI. Ce raisonnement peut se tenir pour le revenu sans invalidité (si ce dernier doit être déterminé sur la base de l’ESS). Le consid. 6.5 du présent arrêt (mention de « revenu sans invalidité » au lieu de « revenu d’invalide ») trahit peut-être la confusion entre les deux raisonnements.

Quant au niveau de compétences 2, il se justifie dans le revenu ESS comme aide-comptable (2 = tâches pratiques telles que le traitement de données et les tâches administratives).

En revanche, ce niveau de compétences ne se justifie pas si le revenu ESS est calculé sur la base de la ligne « Total », puisqu’il est fait abstraction des mesures AI octroyées dans la comptabilité. A la lecture de l’arrêt, il n’apparaît pas de son parcours professionnel antérieur que l’assurée pourrait mettre en valeur des connaissances particulières. Il aurait été alors plus logique de retenir, avec la ligne « Total », le niveau de compétences 1.

En résumé, les conclusions de la cour cantonale relatives au revenu d’invalide (tant l’utilisation du tableau TA1_skill_level de l’ESS 2014 que celle de la ligne 69-71) ne semblent pas critiquables.

 

Proposition de citation : 8C_405/2021 (f) du 09.11.2021 – Revenu d’invalide après réadaptation comme aide-comptable, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/01/8C_405-2021)

 

 

Réduction de l’horaire de travail : après la décision du Tribunal fédéral, la procédure de décompte a été adaptée

Réduction de l’horaire de travail : après la décision du Tribunal fédéral, la procédure de décompte a été adaptée

 

Communiqué de presse du Seco du 27.01.2022 consultable ici

 

Dans son arrêt du 17 novembre 2021 [8C_272/2021], le Tribunal fédéral (TF) indique qu’en procédure de décompte sommaire, une part du salaire afférente aux vacances et aux jours fériés doit être prise en compte dans le calcul de l’indemnité en cas de réduction de l’horaire de travail (RHT) des employés percevant un salaire mensuel. Le Secrétariat d’État à l’économie (SECO) a créé les bases nécessaires afin que les caisses de chômage puissent verser les indemnités en cas de RHT conformément à l’arrêt du TF dès janvier 2022. Le Conseil fédéral décidera ultérieurement de la procédure conforme au TF à suivre s’agissant des périodes de décompte des années 2020 et 2021.

À la suite de la décision du Tribunal fédéral (TF), le SECO a adapté le formulaire de décompte pour l’indemnité en cas de RHT de telle sorte que les entreprises peuvent répartir leurs collaborateurs en employés payés au mois et en employés payés à l’heure. Ainsi, l’indemnité en cas de RHT pourra-t-elle être versée de manière conforme à l’arrêt du TF dès janvier 2022. Le formulaire de décompte corrigé et l’eService correspondant seront disponibles sur www.travail.swiss à partir de fin janvier 2022.

La décision du TF n’a aucune incidence sur les paiements des salaires aux employés. Par ailleurs, ces derniers n’ont subi aucune perte due à la méthode de calcul appliquée jusqu’à présent. Selon la loi, pendant la réduction de l’horaire de travail, les employés ont droit à au moins 80% de leur salaire; de décembre 2020 à décembre 2022, chez les personnes à bas revenu, l’indemnité en cas de RHT peut atteindre 100% du salaire.

L’indemnité supplémentaire en question correspond à une part du salaire en pour cent afférente aux vacances et aux jours fériés des employés payés au mois. Elle revient à l’employeur, qui est tenu de verser le salaire intégral de ses collaborateurs payés au mois lorsque ceux-ci prennent effectivement des vacances. Seuls les décomptes de la procédure de décompte sommaire sont concernés. De plus, il n’y a évidemment toujours aucun droit à l’indemnité en cas de RHT durant la prise de vacances et les jours fériés.

Concernant les périodes de décompte des années 2020 et 2021, le Conseil fédéral décidera ultérieurement de la procédure à suivre. Des clarifications juridiques et techniques approfondies sont actuellement en cours afin de trouver une solution qui soit conforme à la décision du TF. Les entreprises concernées seront informées en temps voulu. Avant une communication officielle du SECO, il est inutile d’adresser des demandes à ce sujet aux caisses de chômage.

La procédure de décompte sommaire a été introduite au début de la pandémie en vertu du droit de nécessité, dans le but d’alléger la charge administrative tant des entreprises concernées que des caisses de chômage. Cette procédure a permis, malgré le pic du nombre de demandes de RHT, de garantir des paiements rapides de l’indemnité. Aussi a-t-on pu assurer la liquidité des entreprises touchées et sauver de nombreux postes. La bonne santé actuellement affichée par le marché du travail – le taux de chômage s’élevait à 2,6% en décembre 2021 – montre de manière frappante que l’instrument de l’indemnité en cas de RHT atteint son objectif.

 

 

Communiqué de presse du Seco du 27.01.2022 consultable ici

Arrêt 8C_397/2014 (d) du 17.11.2021 – proposé à la publication – consultable ici

 

 

9C_701/2020 (f) du 06.09.2021 – Evaluation de l’invalidité – Caractère invalidant de troubles psychiques et autres syndromes sans substrat organique (troubles somatoformes douloureux/fibromyalgie) – 16 LPGA – 28a LAI / Valeur probante d’une expertise judiciaire bidisciplinaire (rhumato-psy)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_701/2020 (f) du 06.09.2021

 

Consultable ici

 

Evaluation de l’invalidité – Caractère invalidant de troubles psychiques et autres syndromes sans substrat organique (troubles somatoformes douloureux) / 16 LPGA – 28a LAI

Evaluation de la fibromyalgie sur le plan de la capacité de travail soumise à la grille d’évaluation grille d’évaluation normative et structurée du caractère invalidant des troubles psychiques au moyen d’indicateurs standards

Valeur probante d’une expertise judiciaire bidisciplinaire (rhumato-psy)

 

Assurée, née en 1963, engagée depuis septembre 1992 comme conseillère de vente, à temps partiel.

En incapacité de travail depuis juin 2015, l’assurée a déposé le 08.01.2016 une demande de prestations AI, en invoquant souffrir depuis 2012 notamment de douleurs chroniques des épaules ainsi que de douleurs cervico-brachiales et lombaires.

L’office AI a versé à son dossier celui de l’assurance-maladie de l’assurée, qui contenait notamment un rapport d’expertise pluridisciplinaire du 26.02.2016. Par décision du 03.03.2017, l’office AI a rejeté la demande de l’assurée, au motif qu’elle ne présentait pas d’atteinte à la santé au sens de l’assurance-invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/821/2020 et ATAS/844/2020)

Entre autres mesures d’instruction et après avoir considéré que le rapport d’expertise pluridisciplinaire du 26.02.2016 n’était pas probant, la cour cantonale a ordonné une expertise psychiatrique et rhumatologique. Les experts ont rendu un avis consensuel le 23.04.2020, selon lequel l’assurée était totalement incapable de travailler dans toute activité depuis le mois de décembre 2015.

La cour cantonale a retenu que l’assurée était totalement incapable de travailler dans toute activité dès le mois de décembre 2015, en se fondant sur les conclusions des rapports d’expertise judiciaire, auxquelles elle a reconnu une pleine valeur probante. L’expert psychiatrique avait en particulier procédé à l’examen des indicateurs développés par le Tribunal fédéral, ce qui relevait de sa compétence. Il n’avait pas retenu une incapacité de travail sous l’angle purement psychiatrique, en réservant toutefois l’appréciation globale du cas, selon les conclusions de l’expert rhumatologue. Après avoir eu connaissance de ces dernières, il avait conclu de manière consensuelle avec l’expert rhumatologue que l’assurée était totalement incapable de travailler en raison de l’ensemble de ses atteintes physiques et psychiques, retenant que l’ensemble de ses atteintes réduisait ses ressources.

Par jugement du 30.09.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision de l’office AI en ce sens que l’assurée avait droit à une rente entière d’invalidité dès le 01.12.2016.

 

TF

S’agissant de la valeur probante de rapports médicaux, que le juge ne s’écarte en principe pas sans motifs impérieux des conclusions d’une expertise judiciaire, la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut notamment constituer une raison de s’écarter d’une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu’une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert, on ne peut pas exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise médicale (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2; 135 V 465 consid. 4.4; arrêt 8C_711/2020 du 2 juillet 2021 consid. 3.2 et la référence citée).

Le Tribunal fédéral a considéré qu’il se justifiait sous l’angle juridique, en l’état des connaissances médicales, d’appliquer par analogie les principes développés par la jurisprudence en matière de troubles somatoformes douloureux à l’appréciation du caractère invalidant d’une fibromyalgie, vu les nombreux points communs entre ces troubles (ATF 132 V 65 consid. 4). Quand bien même le diagnostic de fibromyalgie était d’abord le fait d’un médecin rhumatologue, il convenait ici aussi d’exiger le concours d’un médecin spécialiste en psychiatrie. Une expertise interdisciplinaire tenant à la fois compte des aspects rhumatologiques et psychiques apparaissait donc la mesure pour établir de manière objective si l’assuré présentait un état douloureux d’une gravité telle que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail ne pouvait plus du tout ou seulement partiellement être exigible de sa part (ATF 132 V 65 consid. 4.3; arrêt 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2). La modification de la jurisprudence ayant conduit à l’introduction d’une grille d’évaluation normative et structurée du caractère invalidant des troubles psychiques au moyen d’indicateurs standards (ATF 143 V 409; 143 V 418; 141 V 281) n’a rien changé à cette pratique : la fibromyalgie est toujours considérée comme faisant partie des pathologies psychosomatiques et son évaluation sur le plan de la capacité de travail est par conséquent soumise à la grille d’évaluation mentionnée (cf. arrêt 9C_808/2019 du 18 août 2020 consid. 5.2 et la référence citée).

Dans leur appréciation consensuelle du 23.04.2020, les experts n’ont pas retenu, sur le plan psychique, l’existence d’une atteinte durablement incapacitante, mais ont indiqué qu’il existait une certaine fragilité au niveau de la personnalité et de l’humeur, ce qui entraînait une légère diminution des ressources adaptatives renforçant l’effet délétère des atteintes physiques. Sur le plan somatique, ils ont relevé « des atteintes cliniques et surtout une diminution sévère des ressources (cf. texte de l’expertise pour les détails) dans le cadre du syndrome douloureux chronique, la polyarthrose (périphérique et au rachis), la polytendinopathie avec des bursites ». Les experts ont conclu que l’état de santé de l’expertisée et les répercussions fonctionnelles entraînaient une incapacité de travail totale dans toute activité depuis décembre 2015.

A l’instar de l’office AI recourant, on ne saurait suivre le raisonnement des juges cantonaux, selon lequel l’avis consensuel du 23.04.2020 constitue un examen global de l’état de santé et de la capacité de travail de l’assurée. En effet, en l’absence de diagnostic psychiatrique invalidant et compte tenu du fait que l’assurée dispose, selon le volet psychiatrique de l’expertise, de ressources mobilisables suffisantes pour contrebalancer les effets limitatifs de la dysthymie de gravité légère à moyenne, l’appréciation du rhumatologue, qui semble attester une incapacité de travail totale principalement sur la base des troubles psychosomatiques (syndrome douloureux chronique; « syndrome anxio-dépressif sévère ») apparaît contradictoire. L’expert rhumatologue a indiqué que l’incapacité totale de travail s’explique « surtout par une réduction des ressources dans la globalité de la patiente » présentant un syndrome anxio-dépressif sévère, tandis que l’expert psychiatre n’a pas retenu un tel diagnostic, ni une autre atteinte de degré sévère.

S’agissant ensuite de la question des limitations fonctionnelles, même si l’on se réfère aux rapports d’expertise respectifs, on ne parvient pas à comprendre en quoi celles-ci consistent concrètement ou de quel diagnostic elles résultent précisément, ni pourquoi elles limitent entièrement la capacité de travail de l’assurée. Ainsi, dans son rapport, l’expert rhumatologue énumère une liste de syndromes et d’atteintes somatiques dont souffre l’assurée, en indiquant de manière très générale que « tous les mouvements de la performance physique globale sont très limités », il en déduit directement une incapacité totale de travail sans expliquer en quoi les diagnostics posés ont des répercussions sur la capacité de travail, ni en quoi consistent celles-ci. Cela étant, l’avis consensuel fait plutôt apparaître un manque de cohérence entre les deux rapports d’expertises, dans lesquels les spécialistes renvoient – à tour de rôle – à l’appréciation de l’autre expert, particulièrement s’agissant de la fibromyalgie respectivement du trouble somatoforme douloureux, sans qu’il soit possible pour l’organe d’application du droit de comprendre si les critères de classification sont effectivement remplis (ATF 141 V 281 consid. 2.1.1). Aussi, force est de constater qu’en l’état de l’instruction, la cour cantonale ne pouvait pas se fonder sur l’appréciation consensuelle du 23.04.2020 pour l’évaluation de la capacité de travail de l’assurée.

L’argumentation de l’office recourant est également fondée en tant qu’elle porte sur le grief selon lequel les juges cantonaux n’ont pas effectué d’évaluation du caractère invalidant des atteintes psychiatriques au regard des indicateurs développés par la jurisprudence (ATF 141 V 281). Dans la mesure où ils ont retenu une incapacité de travail totale sur la base de l’appréciation consensuelle, ils ne pouvaient pas renoncer à examiner les conclusions médicales en fonction de la grille d’évaluation déterminante. S’il est vrai qu’il appartient au médecin de poser un diagnostic selon les règles de la science médicale, il n’en demeure pas moins que l’évaluation du caractère invalidant au regard des indicateurs développés par la jurisprudence est du ressort de l’administration ou, en cas de litige, de celui du juge (cf. ATF 141 V 281 consid. 2.1.1. in initio, arrêt 9C_176/2018 du 16 août 2018 consid. 3.2.2 in fine).

 

En l’absence d’une appréciation globale interdisciplinaire suffisamment motivée et tenant à la fois compte des aspects rhumatologiques et psychiques pour établir de manière objective si l’assurée présente un état douloureux d’une gravité telle que la mise en valeur de sa capacité de travail sur le marché du travail ne pouvait plus du tout ou seulement partiellement être exigible de sa part, il s’avère nécessaire de faire compléter l’instruction médicale. Contrairement à ce que fait valoir l’office recourant, on ne saurait se fonder sur l’avis de son service médical du 19.05.2020, dès lors déjà que celui-ci constitue non pas une appréciation du cas à proprement parler, mais plutôt une critique à l’égard de l’expertise judiciaire. Par conséquent, il convient de renvoyer l’affaire à l’instance précédente afin qu’elle procède à un complément d’expertise, en demandant par exemple aux médecins-experts une nouvelle prise de position consensuelle dûment motivée mettant en lien de manière coordonnée les diagnostics retenus et leurs effets éventuels sur la capacité de travail de l’assurée. Au besoin, il lui est loisible d’ordonner une nouvelle expertise.

 

Le TF admet le recours de l’office AI et annule le jugement cantonal, renvoyant la cause à l’autorité cantonale pour qu’elle complète l’instruction au sens des considérants et rende un nouvel arrêt.

 

 

 

Arrêt 9C_701/2020 consultable ici

 

 

Lettre d’information de l’OFSP du 17.12.2021 : Nouveautés LAMal au 01.01.2022

Lettre d’information de l’OFSP du 17.12.2021 : Nouveautés LAMal au 01.01.2022

 

Lettre d’information du 17.12.2021 consultable ici
(version allemande)

 

  1. Modifications d’ordonnances

1.1 Contribution aux frais de séjour hospitalier (art. 104 de l’ordonnance sur l’assurance-maladie [OAMal)

Le 26 mai 2021, le Conseil fédéral a adopté une modification de l’OAMal concernant notamment la contribution de l’assuré aux frais de séjour hospitalier (RO 2021 323). Selon la nouvelle disposition, le jour de sortie et les jours de congé sont exclus du décompte des jours pour lesquels la contribution aux frais de séjour hospitalier est perçue. Les jours de congé sont calculés selon les règles de la structure tarifaire DRG. Ce complément permet de garantir une application uniforme pour tous les traitements hospitaliers. La disposition entre en vigueur le 1er janvier 2022.

[…]

 

  1. Nouvelle convention de sécurité sociale avec la Bosnie-Herzégovine

La Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la Bosnie et Herzégovine (RS 0.831.109.191.1) est entrée en vigueur le 1er septembre 2021. Elle concerne les domaines de l’AVS et de l’AI ainsi que de l’AA et n’a qu’un effet indirect sur l’assurance-maladie. La convention de sécurité sociale avec l’ex-Yougoslavie (RS 0.831.109.818.1) a été abrogée dès l’entrée en vigueur de cette convention. Conformément à l’art. 4, al. 4, OAMal, les travailleurs détachés de Suisse en Bosnie-Herzégovine, ainsi que les membres de leur famille sans activité lucrative qui les accompagnent, restent soumis à l’obligation de s’assurer en Suisse, et cela pour toute la durée du détachement (deux ans, avec prolongation possible). Si ces personnes sont obligatoirement assurées en cas de maladie en Bosnie-Herzégovine, elles peuvent, sur demande, être exemptées de l’obligation de s’assurer en Suisse (art. 2, al. 2, OAMal). Les travailleurs détachés de Bosnie-Herzégovine en Suisse, ainsi que les membres de leur famille sans activité lucrative qui les accompagnent, sont soumis à l’obligation de s’assurer en Suisse. Ils peuvent en être exemptés conformément à l’art. 2, al. 5, OAMal.

La page Internet autres conventions de sécurité sociale ainsi que le tableau « Aperçu des conventions internationales de sécurité sociale conclues par la Suisse » ont déjà été adaptés en conséquence au 1er décembre 2021.

 

  1. Ressortissants d’États tiers détenteurs d’une carte européenne d’assurance maladie venus de l’espace UE/AELE pour étudier en Suisse

Les ressortissants d’États de l’espace UE/AELE qui viennent en Suisse à des fins de formation et n’y exercent aucune activité lucrative ne sont en principe pas réputés domiciliés en Suisse. S’ils sont affiliés dans leur pays à l’assurance-maladie légale, ils ne sont pas soumis en Suisse à l’obligation de s’assurer. Ils sont suffisamment couverts pour des traitements en Suisse s’ils détiennent une carte européenne d’assurance maladie (CEAM) valable.

C’est ce que prévoient l’Accord sur la libre circulation des personnes et la Convention AELE, qui ne sont toutefois applicables qu’aux citoyens suisses et aux ressortissants d’États membres de l’UE ou de l’AELE. Jusqu’ici, on ne vérifiait pas le pays d’origine des personnes au bénéfice d’une CEAM se faisant traiter en Suisse. Un changement de pratique s’est imposé du fait que, de plus en plus souvent, des créances suisses de l’Institution commune LAMal (IC LAMal) n’ont pas été remboursées au motif qu’elles concernaient des ressortissants d’États tiers (hors espace UE/AELE).

Le 26 mars 2021, nous avons informé les fédérations des fournisseurs de prestations que, dès le 1er juin 2021, l’IC LAMal ne prendrait plus en charge les coûts des traitements médicaux administrés en Suisse à des ressortissants d’États tiers n’ayant pas droit à l’entraide en matière de prestations. En vertu du Règlement (UE) no 1231/2010, la majorité des États membres de l’UE ou de l’AELE appliquent également le droit européen de coordination des systèmes nationaux de sécurité sociale aux ressortissants d’États tiers qui séjournent légalement sur le territoire de l’UE ou de l’AELE. Ces personnes disposent donc d’une CEAM qui leur donne droit à l’entraide en matière de prestations dans la plupart des États de cet espace. La Suisse n’a toutefois pas repris ce règlement de l’UE. Par conséquent, ces personnes ne peuvent bénéficier en Suisse de prestations sur présentation de la CEAM que si elles sont membres de la famille d’un ressortissant d’un État de l’UE ou de l’AELE, ou de Suisse. Les apatrides et les réfugiés ainsi que les membres de leur famille ont également doit aux prestations s’ils résident dans un État membre de l’UE ou de l’AELE. Cette réglementation ne concerne pas les personnes dont la CEAM a été délivrée en Allemagne, les coûts des ressortissants d’États tiers en provenance d’Allemagne étant pris en charge dans le cadre de la convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et l’Allemagne.

Du fait qu’ils ne peuvent plus imputer les coûts des traitements reçus en Suisse à l’entraide internationale en matière de prestations, les ressortissants d’États tiers ne sont plus couverts pour ces traitements. C’est pourquoi, lorsqu’ils séjournent en Suisse à des fins de formation, ils sont soumis (hormis ceux venus d’Allemagne) à l’obligation de s’assurer en Suisse même s’ils disposent d’une CEAM valable. Ils doivent donc s’affilier en Suisse à l’assurance obligatoire des soins, mais peuvent être exceptés de cette obligation en vertu de l’art. 2, al. 4, OAMal s’ils bénéficient d’une couverture équivalente par une assurance privée. Cette règle ne s’applique pas aux membres de la famille de ressortissants d’un État membre de l’UE ou de l’AELE, ou de Suisse, non plus qu’aux apatrides et aux réfugiés ainsi qu’aux membres de leur famille, s’ils résident dans un État de l’espace UE/AELE. Ces personnes continuent d’avoir droit à l’entraide en matière de prestations grâce à la CEAM.

 

  1. Respect de la réglementation des positions  » maladies orphelines  » de la liste des analyses (LA)

Il a été porté à la connaissance de l’autorité de surveillance que certaines assurances-maladie ne respectent pas la réglementation prévue dans les positions de maladies génétiques rares du chapitre B2 de la LA, qui détermine que « Si le médecin-conseil formule un avis négatif au sujet de la demande de prise en charge, il consulte un expert de la Société suisse de génétique médicale (SSGM) (www.sgmg.ch). Ces derniers émettent des recommandations sur la base des  » Directives de la Société Suisse de Génétique Médicale (SSGM) concernant l’évaluation de demande pour le remboursement d’une position maladie orpheline (Orphan disease) de la liste des analyses  » du 20 avril 2015 (www.ofsp.admin.ch/ref) ».

Dans ce cadre, il est rappelé aux assureurs-maladie que la réglementation des positions de maladies génétiques rares du chapitre B2 de la LA doit être appliquée telle que formulée. En conséquence, en cas d’avis négatif du médecin-conseil concernant la prise en charge d’une analyse  » maladie orpheline  » de la LA, les règles en vigueur imposent la consultation d’un expert de la SSGM. Le rapport de consultation de l’expert de la SSGM doit pouvoir être mis à la disposition de l’assuré, en cas de litige.

 

  1. Admission des fournisseurs de prestations

[…]

 

  1. Planification

[…]

 

  1. Paquet 1a de mesures de maîtrise des coûts

Les Chambres fédérales ont adopté la modification de la LAMal concernant les mesures visant à freiner la hausse des coûts (volet 1a) le 18 juin 2021, avec pour objectif de freiner l’évolution des coûts des prestations à la charge de l’AOS et de limiter ainsi la hausse des primes payées par les assurés.

Poursuivant le même objectif de maîtrise des coûts, le Conseil fédéral a décidé, le 3 décembre 2021, que les mesures ne nécessitant aucune adaptation, sinon d’ordre technique, au niveau de l’ordonnance (art. 42, al. 3, 3e à 7e phrases, 47a et 59, titre, al. 1, partie introductive et let. c, 3, let. g et h, et 4, et disposition transitoire) entreraient en vigueur le 1er janvier 2022. Ces dispositions concernent la copie de la facture, l’organisation tarifaire pour les prestations ambulatoires et le montant maximal de l’amende. L’entrée en vigueur est possible, en ce qui concerne l’organisation tarifaire pour les prestations ambulatoires, le législateur ayant prévu un délai transitoire de deux ans pour la mise sur pied de celle-ci.

 

  1. Rémunération du matériel de soins

La modification de la LAMal relative à la rémunération du matériel de soins a été adoptée par le Parlement le 18 décembre 2020 (FF 2020 9637). Le but était d’introduire un remboursement uniforme au niveau national pour le matériel de soins et de supprimer la distinction en matière de rémunération entre le matériel de soins utilisé par l’assuré lui-même ou avec l’aide d’un intervenant non professionnel et celui utilisé par le personnel infirmier. La modification prévoit à cet effet que le matériel utilisé pour les soins visés à l’art. 25a, al. 1 et 2, LAMal fasse partie également des moyens et appareils diagnostiques ou thérapeutiques qui sont rémunérés séparément par l’AOS. Le Parlement a ajouté une disposition transitoire de manière à permettre pendant une année la rémunération selon l’ancien droit des moyens et appareils diagnostiques ou thérapeutiques utilisés par le personnel infirmier ne figurant pas encore sur la liste des moyens et appareils (LiMA) au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle réglementation.

Lors de la séance du 4 juin 2021, le Conseil fédéral a fixé l’entrée en vigueur de la modification de la LAMal relative à la rémunération du matériel de soins au 1er octobre 2021 et adopté la modification de l’OAMal y relative. Cette nouvelle règlementation a aussi nécessité une modification de l’OPAS, par le Département fédéral de l’intérieur (DFI), qui est entrée en vigueur à la même date.

Dès le 1er octobre 2021, la LiMA s’applique ainsi non seulement en cas d’utilisation des moyens et appareils par les assurés eux-mêmes ou avec l’aide d’un intervenant non professionnel comme auparavant, mais aussi en cas d’utilisation par des infirmiers indépendants ou employés dans des établissements médico-sociaux ou par des organisations d’aide et de soins à domicile. Pendant la période transitoire allant jusqu’au 30 septembre 2022, les moyens et appareils utilisés uniquement par le personnel infirmier peuvent être rémunérés selon la clé de répartition du financement des soins entre les trois agents payeurs (AOS, cantons et assurés) jusqu’à leur intégration dans la LiMA.

 

  1. Modifications de l’OAMal en lien avec l’introduction de ST Reha

[…]

 

 

 

Lettre d’information du 17.12.2021 consultable ici

Informationsschreiben vom 17.12.2021

Malheureusement, pas de version italienne de la lettre d’information de l’OFSP.

 

 

Lettre circulaire AI no 412 – Questions de procédure dans le cadre d’expertises médicales

Lettre circulaire AI no 412 – Questions de procédure dans le cadre d’expertises médicales

 

LCAI 412 du 20.01.2022 consultable ici
(version italienne / allemande)

 

  1. Examens neuropsychologiques et ECF

Dans le cadre d’une expertise médicale, des examens neuropsychologiques ou une évaluation des capacités fonctionnelles (ECF) peuvent être exigés directement par l’office AI ou inclus par l’expert ou le centre d’expertises mandaté. Dans les deux cas, le nom de l’expert en neuropsychologie ou de l’expert médical doit être communiqué à l’assuré, afin que ce dernier puisse faire valoir ses droits de participation (art. 44 al. 2 LPGA).

Les entretiens entre l’expert et l’assuré doivent faire l’objet d’enregistrements sonores, lesquels doivent être conservés dans le dossier de l’assureur (art. 44 al. 6 LPGA). L’entretien comprend l’anamnèse et la description par l’assuré de l’atteinte à sa santé (art. 7k al. 1 OPGA). Dans le cadre des examens neuropsychologiques et des ECF, il faut partir du principe qu’une anamnèse et une description par l’assuré de l’atteinte à sa santé ont lieu. Par conséquent, ces examens sont également soumis à l’obligation d’enregistrement sonore.

La partie consacrée aux tests psychologiques dans les examens psychiatriques, neurologiques et neuropsychologiques ou aux tests réalisés dans le cadre des ECF ne peut toutefois pas être enregistrée.

 

  1. Interruption de l’expertise lorsque la déclaration de renonciation fait défaut

Si l’assuré demande au moment de l’entretien à ce que celui-ci ne soit pas enregistré ou demande l’interruption de l’enregistrement en cours d’entretien, alors qu’aucune déclaration de renonciation n’a été déposée auprès de l’office AI, et si l’assuré ne souhaite pas faire valoir son droit à la destruction de l’enregistrement après l’entretien, l’expert interrompt l’entretien avec l’assuré et en informe l’office AI. L’office AI demande à l’assuré de lui remettre une déclaration de renonciation formellement correcte. Une fois que cela est fait, il faut convenir d’un nouveau rendez-vous avec le même expert.

 

  1. Enregistrement sonore réalisé par l’assuré sur support privé

Sur la base des dispositions légales relatives à l’enregistrement sonore de l’entretien entre l’assuré et l’expert et en particulier sur la base de l’art. 7k al. 5 OPGA, qui prévoit que l’enregistrement sonore doit être réalisé par l’expert conformément à des prescriptions techniques simples, il n’existe aucun intérêt digne de protection ni aucun droit de l’assuré à réaliser un enregistrement sonore sur un support privé.

 

 

Lettre circulaire AI no 412 du 20.01.2022 consultable ici

IV-Rundschreiben Nr. 412 : Verfahrensfragen im Rahmen von medizinischen Gutachten

Lettera circolare AI n. 412 : Questioni procedurali nel contesto di perizie mediche

 

9C_682/2020 (f) du 03.11.2021 – Incapacité de travail pour troubles psychiques – Lien de connexité temporelle et matérielle – 23 let. a LPP / Absence de preuve d’une limitation de la capacité fonctionnelle de travail déterminante sous l’angle du droit de la prévoyance professionnelle

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_682/2020 (f) du 03.11.2021

 

Consultable ici

 

Incapacité de travail pour troubles psychiques – Lien de connexité temporelle et matérielle / 23 let. a LPP

Absence de preuve d’une limitation de la capacité fonctionnelle de travail déterminante sous l’angle du droit de la prévoyance professionnelle

 

Assurée a travaillé en qualité d’enseignante à 60% dès le 15.08.2015, puis à 58% à partir du 01.08.2016 au service de l’école B.__. A ce titre, elle était assurée auprès de la caisse de pensions depuis le 01.08.2015 pour la prévoyance professionnelle.

L’assurée a été en arrêt de travail à 100% pour cause de maladie depuis le 06.02.2017. La caisse de pensions l’a mise au bénéfice d’une pension d’invalidité temporaire à partir du 28.03.2017. Le 21.08.2017, la caisse de pensions a fait savoir à son assurée qu’elle mettait fin au versement des prestations avec effet au 31.07.2017, date de la fin des rapports de service. L’assurée s’y étant opposée, la caisse de pensions a mandaté un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Dans son rapport, ce médecin a posé les diagnostics, ayant des répercussions sur la capacité de travail, de trouble anxieux généralisé (F41.1) et d’épisode dépressif encore léger (en rémission) (F32.0), à l’origine de l’incapacité de travail totale attestée depuis le 07.03.2017. Selon le médecin-expert, l’assurée pouvait reprendre son activité d’enseignante, d’abord à 50% (50% de 60%), puis à 80% (80% de 60%) depuis le 01.03.2018, et à 100% à compter du 01.04.2018. Le 26.04.2018, le Conseil d’administration de la caisse de pensions a confirmé que le versement de la rente temporaire n’était pas possible au-delà du 31.07.2017.

De son côté, l’office AI a mis en œuvre une expertise pluridisciplinaire qui a été réalisée par un spécialiste en oto-rhino-laryngologie, un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie un spécialiste en neurologie. Dans leur synthèse, les experts ont retenu une capacité de travail dans l’activité habituelle de 0% dès février 2017, de 20% dès février 2018 et de 40% dès janvier 2019. En cas de rémission des troubles psychiques, et après rééducation vestibulaire, la capacité de travail dans une activité adaptée resterait de 80% en raison de la pathologie ORL. Par décision du 21.01.2020, l’office AI a alloué à l’assurée une rente entière d’invalidité du 01.02.2018 au 31.03.2019, fondée sur un degré d’invalidité de 80%, puis trois-quarts de rente à compter du 01.04.2019 en raison d’un taux d’invalidité de 60%.

 

Procédure cantonale (arrêt PP 9/18 – 27/2020 – consultable ici)

Entre-temps, le 24.05.2018, l’assurée a ouvert action devant le tribunal cantonal, en concluant implicitement à l’octroi de prestations d’invalidité définitive au-delà du 31.07.2017 par la caisse de pensions.

Les juges cantonaux ont constaté que l’assurée ne présentait pas une capacité de travail diminuée de plus de 20% avant son engagement au service de l’école B.__ en se fondant sur le rapport de l’expertise pluridisciplinaire. Ils ont encore constaté que l’anxiété généralisée provoquée par l’activité au sein de l’école B.__ avait conduit à l’incapacité totale de travail à partir de février 2017, ce qui suffisait, conformément à la jurisprudence (cf. ATF 144 V 58 consid. 4.4 et 4.5), à interrompre le lien de causalité temporelle. Quant au lien de connexité matérielle, la juridiction cantonale a également nié son existence s’agissant du trouble anxieux généralisé apparu en février 2017 mais l’a admis pour le trouble vestibulaire présent depuis 2010. Dans ces conditions, l’art. 23 let. a LPP ne permettait pas à la caisse de pensions de refuser d’allouer ses prestations.

Par jugement du 22.09.2020, la juridiction cantonale a admis la demande en ce sens que la caisse de pensions a été condamnée à verser mensuellement à l’assurée, avec effet au 01.08.2017, une rente d’invalidité de 1327 fr. 95, valeur au 31.08.2015, et une rente-pont AI de 445 fr. 25, montants qu’il conviendra d’adapter au 01.08.2017, sous déduction de la rente de l’assurance-invalidité versée à l’assurée.

 

TF

Les constatations de la juridiction cantonale relatives à l’incapacité de travail résultant d’une atteinte à la santé (survenance, degré, durée, pronostic) relèvent d’une question de fait et ne peuvent être examinées par le Tribunal fédéral que sous un angle restreint dans la mesure où elles reposent sur une appréciation des circonstances concrètes du cas d’espèce (art. 97 al. 1 et 105 al. 1 et 2 LTF). Les conséquences que tire la juridiction cantonale des constatations de fait quant à la connexité temporelle sont en revanche soumises au plein pouvoir d’examen du Tribunal fédéral (arrêt 9C_503/2013 du 25 février 2014 consid. 3.3, in SVR 2014 BVG n° 38 p. 143 et la référence).

Le rapport de l’expertise pluridisciplinaire mandaté par l’AI a force probante et permet de statuer en connaissance de cause. Dans l’anamnèse, les experts ont en effet clairement relaté l’évolution de l’état de santé depuis 2010 en mentionnant les affections psychiques et somatiques dont l’assurée avait été atteinte. S’ils ont attesté que l’incapacité totale de travail avait commencé en février 2017 en raison des troubles psychiques, les experts n’ont en revanche pas indiqué que ces affections auraient entraîné une incapacité de travail supérieure à 20%, tant au début des rapports de service en août 2015 que durant la période qui l’avait précédé. On ajoutera que l’expert psychiatre mandaté par la caisse de pensions n’a pas non plus fait état d’une incapacité de travail d’origine psychique antérieurement au mois de mars 2017 dans son rapport d’expertise, en précisant que l’anamnèse psychiatrique était vide.

Dans ce contexte, il faut rappeler que si la preuve d’une limitation de la capacité fonctionnelle de travail déterminante sous l’angle du droit de la prévoyance professionnelle (ATF 134 V 20 consid. 3.2.2) ne suppose pas forcément l’attestation médicale d’une incapacité de travail « en temps réel » (« echtzeitlich »), des considérations subséquentes et des suppositions spéculatives, comme par exemple, une incapacité médico-théorique établie rétroactivement après bien des années, ne suffisent pas. L’atteinte à la santé doit avoir eu des effets significatifs sur les rapports de travail; en d’autres termes, la diminution de la capacité fonctionnelle de travail doit s’être manifestée sous l’angle du droit du travail, notamment par une baisse des prestations dûment constatée, un avertissement de l’employeur ou une accumulation d’absences du travail liées à l’état de santé (arrêt 9C_556/2019 du 4 novembre 2019 consid. 4.3 et la référence). De tels éléments ne sont pourtant pas établis en l’espèce. En outre, les seuls problèmes d’ordre psychiatrique mentionnés par les experts mandatés par l’AI sur la base du dossier concernent un déconditionnement psychique survenu en février 2013, soit bien avant le début de l’activité au service de l’école B.__, le 01.08.2015. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la caisse de pensions, rien ne permet d’admettre que l’assurée aurait d’emblée restreint son activité professionnelle en raison de son état de santé, lorsqu’elle a accepté l’emploi à temps partiel qui a commencé le 01.08.2015 (à 60% puis à 58%).

Vu ce qui précède, l’instance cantonale a admis à juste titre que l’activité déployée d’août 2015 à février 2017 avait interrompu le lien de connexité temporelle entre une éventuelle incapacité de travail pour troubles psychiques qui aurait existé avant le 01.08.2015 et celle qui est survenue en février 2017 (cf. ATF 144 V 58 consid. 4.4 et consid. 4.5), elle-même à l’origine de l’invalidité durable. C’est donc sans violation de l’art. 23 let. a LPP ainsi que des art. 59 et 60 du Règlement de la Caisse de pensions que l’obligation de l’institution de prévoyance de verser des prestations d’invalidité définitive à compter du 01.08.2017 a été reconnue. Sur ce point, le recours est mal fondé.

 

Le TF rejette – sur ce point – le recours de la caisse de pensions.

 

 

Arrêt 9C_682/2020 consultable ici

 

 

9C_41/2021 (f) du 04.11.2021 – Institution de prévoyance (enveloppante) – Calcul de la surindemnisation – 34a LPP / Changement de statut (statut mixte à statut de personne active à 100%) – Date de la survenance du changement de statut

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_41/2021 (f) du 04.11.2021

 

Consultable ici

 

Institution de prévoyance (enveloppante) – Calcul de la surindemnisation / 34a LPP

Changement de statut (statut mixte à statut de personne active à 100%) – Date de la survenance du changement de statut

 

Assurée, née en 1974, a travaillé pour le compte de B.__ jusqu’au 31.01.2002 et était à ce titre assurée en prévoyance professionnelle. Les rapports de travail ont pris fin pour des raisons médicales. L’assurée a perçu une rente entière de l’assurance-invalidité (résultant d’un taux d’invalidité de 70%, déterminé en fonction d’un statut mixte de personne active [50%] et de ménagère [50%] ainsi que d’une incapacité totale de travail) à compter du 01.09.2001. Elle a également été mise au bénéfice d’une rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle versée par sa caisse de pensions, qui a été réduite partiellement depuis le 01.02.2002 et totalement depuis le 01.01.2008 pour cause de surindemnisation.

Au terme d’une procédure de révision puis d’un recours au tribunal cantonal, la rente entière était réduite dès le 01.09.2017 à trois quarts de rente (résultant d’un taux d’invalidité de 65% calculé sur la base d’un statut de personne active à 100% ; arrêt du 11.10.2018). L’institution de prévoyance a dès lors informé l’assurée qu’étant donné la décision de l’office AI du 26.02.2019 (consécutive à l’arrêt cantonal), ses prestations n’étaient pas modifiées jusqu’au 31.08.2017 et qu’elles n’étaient plus réduites pour cause de surindemnisation depuis le 01.09.2017 (lettre du 11.04.2019). En dépit des griefs soulevés par l’intéressée contre le calcul de surindemnisation, elle a maintenu sa position (lettres des 16.05.2019 et 24.05.2019).

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2019 175 – consultable ici)

Sur la base de l’arrêt du 11.10.2018 (en matière d’assurance-invalidité), la juridiction cantonale a conclu que l’assurée avait conservé le même statut (mixte ; personne active à 50% – ménagère à 50%) durant la période du 01.01.2014 au 31.08.2017 que depuis l’octroi initial de la rente. En substance, elle a considéré que, même si la Cour chargée du dossier de l’assurance-invalidité avait jugé crédible la première déclaration faite par l’assurée en janvier 2014 au sujet de la reprise d’une activité professionnelle à plein temps pour des motifs économiques ensuite de sa séparation d’avec son mari en mars 2013, cette autorité s’était prononcée sur la situation prévalant lorsque la décision administrative de réduction de rente avait été prise et avait admis le changement de statut (personne active à 100%) seulement à partir du 01.09.2017. Elle a ajouté que cette appréciation était corroborée par le fait que ladite autorité avait retenu que l’attention ou les soins nécessités par l’enfant cadet (né en 2010) ne représentaient plus un obstacle à la pratique d’une activité lucrative à plein temps dès lors que celui-ci avait atteint l’âge de sept ans en 2017 et qu’il pouvait être occasionnellement pris en charge par ses aînés. Elle a également considéré que l’institution de prévoyance était liée par cette appréciation dans la mesure où elle avait été appelée en cause dans le cadre de la procédure en matière d’assurance-invalidité et où la nouvelle décision de réduction de rente du 26.02.2019 lui avait été notifiée.

Par arrêt du 02.12.2020, rejet de l’action par la juridiction cantonale.

 

TF

Est litigieux le montant des prestations d’invalidité que l’assurée peut prétendre de la caisse de pensions pour la période comprise entre les 01.01.2014 et 31.08.2017. Compte tenu des motifs du recours, il s’agit en particulier de déterminer si le changement de statut retenu dans l’arrêt du 11.10.2018 (en matière d’assurance-invalidité) est intervenu le 01.01.2014, comme le soutient l’assurée, plutôt que le 01.09.2017, ainsi que l’a constaté le tribunal cantonal, et le cas échéant, quelle serait la version du règlement de prévoyance applicable au calcul de surindemnisation pour la période litigieuse.

 

Si le statut d’une personne invalide est un élément ne jouant pas de rôle pour l’évaluation de l’invalidité dans le cadre de la prévoyance professionnelle, dans la mesure où celle-ci n’assure pas les atteintes à la capacité à réaliser les activités habituelles, un changement de statut peut en revanche influencer le calcul de surindemnisation (cf. ATF 141 V 127 consid. 5.2; 129 V 150 consid. 2.5), comme le soutient l’assurée. L’argumentation de cette dernière n’établit cependant pas que et en quoi la juridiction cantonale aurait fait preuve d’arbitraire en constatant que le changement de statut était intervenu le 01.09.2017 et que par conséquent, il n’y avait pas de motif de procéder à un nouveau calcul de surindemnisation au 01.01.2014. En effet, quoi que dise l’assurée à propos de l’arrêt cantonal du 11.10.2018, l’autorité de recours y constate clairement la survenance du changement de statut au 01.09.2017. Concrètement, avant cette date, l’assurée percevait une rente entière de l’assurance-invalidité, dont le calcul tenait compte d’un statut mixte. Après cette date, elle avait droit à trois quarts de rente de l’assurance-invalidité, dont le calcul tenait compte d’un statut de personne active. Il est dès lors erroné de prétendre que l’arrêt en question retient la survenance du changement de statut au 01.01.2014. Peu importe que l’autorité chargée de statuer sur le dossier de l’assurance-invalidité a jugé crédible la déclaration de l’assurée en 2014. Le fait qu’elle a aussi évoqué l’âge du dernier enfant en 2017 pour déterminer la date du changement de statut permettait aux premiers juges de retenir, sans arbitraire en l’absence d’éléments contraires, que la conjonction de ces deux critères (situation financière probablement précaire et relative autonomie des enfants) uniquement en 2017 démontrait la survenance du changement de statut à cette époque.

Compte tenu de l’absence de circonstances justifiant un nouveau calcul de surindemnisation, l’assurée ne saurait valablement reprocher au tribunal cantonal de ne pas avoir déterminé quelle version du règlement de prévoyance était applicable au calcul de surindemnisation au 01.01.2014. En tant qu’elle se plaint d’une violation du principe de l’égalité de traitement entre rentiers en invoquant l’existence de deux catégories d’assurés dès 2008 (ceux dont les prestations ont fait l’objet d’un nouveau calcul de surindemnisation et les autres), l’assurée ne saurait être suivie. Elle perd de vue qu’une institution de prévoyance réexamine les conditions d’une surindemnisation lorsque la situation se modifie de façon importante (cf. art. 24 al. 5 OPP 2). A défaut d’une telle modification, un nouveau calcul ne s’impose en principe pas.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_41/2021 consultable ici

 

 

9C_211/2021 (f) du 05.11.2021 – Octroi d’une rente AI limitée dans le temps pour un assuré de plus de 55 ans / Examen de mesures de réadaptation préalablement à l’octroi d’une rente d’invalidité limitée dans le temps

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_211/2021 (f) du 05.11.2021

 

Consultable ici

 

Octroi d’une rente AI limitée dans le temps pour un assuré de plus de 55 ans

Examen de mesures de réadaptation préalablement à l’octroi d’une rente d’invalidité limitée dans le temps

 

Assuré, né en 1959, a été mis au bénéfice d’une rente entière d’invalidité par l’office AI du 01.05.2019 au 29.02.2020.

 

Procédure cantonale (arrêt AI/299/20 – 73/2021 – consultable ici)

Par jugement du 09.03.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon la jurisprudence, dûment rappelée par les juges cantonaux, il existe des situations dans lesquelles il convient d’admettre que des mesures d’ordre professionnel sont nécessaires, malgré l’existence d’une capacité de travail médico-théorique. Il s’agit des cas dans lesquels la réduction ou la suppression, par révision (art. 17 al. 1 LPGA) ou reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), du droit à la rente concerne une personne assurée qui est âgée de 55 ans révolus ou qui a bénéficié d’une rente pendant quinze ans au moins. Cette jurisprudence qui est également applicable lorsque l’on statue sur la limitation et/ou l’échelonnement en même temps que sur l’octroi de la rente (ATF 145 V 209 consid. 5), ne signifie pas que la personne assurée peut se prévaloir d’un droit acquis; il est seulement admis qu’une réadaptation par soi-même ne peut, sauf exception, être exigée d’elle en raison de son âge ou de la durée du versement de la rente. Dans de telles situations, l’office de l’assurance-invalidité doit vérifier dans quelle mesure l’assuré a besoin de la mise en œuvre de mesures d’ordre professionnel, même si ce dernier a recouvré une capacité de travail et indépendamment du taux d’invalidité qui subsiste (cf. arrêt 9C_276/2020 du 18 décembre 2020 consid. 6 et les arrêts cités).

Il est constant que l’assuré, qui a été mis au bénéfice d’une rente entière d’invalidité du 01.05. 2019 au 29.02.2020 alors qu’il était âgé de plus de 55 ans, appartient à la catégorie d’assurés dont il convient de présumer qu’ils ne peuvent en principe pas entreprendre de leur propre chef tout ce que l’on peut raisonnablement attendre d’eux pour tirer profit de leur capacité résiduelle de travail.

Or en l’espèce, comme le fait valoir à juste titre l’assuré, ni l’office AI, ni, à sa suite, la juridiction cantonale, n’a procédé à un examen convaincant de sa situation pour nier son droit à des mesures de réadaptation préalablement à l’octroi d’une rente d’invalidité limitée dans le temps. Il ne suffit pas, pour fonder une situation exceptionnelle au sens de la jurisprudence, où l’assuré âgé de plus de 55 ans est apte à se réadapter par soi-même, de mentionner les exemples d’activités adaptées à l’état de santé de celui-ci donnés par l’office AI, qui ne nécessitent pas de formation particulière. L’examen de la nécessité de mesures d’ordre professionnel doit en effet être effectué malgré l’existence d’une capacité de travail médico-théorique, en fonction des circonstances concrètes (voir aussi arrêt 9C_92/2016 du 29 juin 2016 consid. 5.1).

Par ailleurs, en se référant à la « longue expérience professionnelle » de l’assuré, la juridiction cantonale ne fait pas état de circonstances qui permettraient de renoncer à évaluer la nécessité de mettre en place des mesures d’ordre professionnel. Elle n’a en effet pas tenu compte que cette expérience professionnelle était en réalité limitée à un secteur particulier, puisque l’assuré avait toujours travaillé en tant que boulanger depuis l’obtention de son certificat fédéral de capacité (CFC) dans ce domaine en 1978. De plus, la durée de l’éloignement du marché du travail n’apparaît pas déterminante dans les situations où une rente est octroyée rétroactivement pour une période limitée dans le temps (cf. arrêt 8C_80/2020 du 19 mai 2020 consid. 3.1).

En définitive, en considérant qu’il était concevable que l’assuré pût reprendre du jour au lendemain une activité lucrative à 100% sans qu’il fût nécessaire de mettre préalablement des mesures destinées à l’aider à se réinsérer dans le monde du travail, la juridiction de première instance a violé le droit en ne faisant pas une application correcte de la jurisprudence fédérale. En conséquence, il convient de renvoyer le dossier à l’office AI afin qu’il examine concrètement les besoins objectifs de l’assuré à ce propos. Ce n’est qu’à l’issue de cet examen et de la mise en œuvre d’éventuelles mesures de réintégration sur le marché du travail que l’administration pourra définitivement statuer sur la suppression de la rente entière d’invalidité.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_211/2021 consultable ici

 

 

9C_44/2021 (f) du 23.09.2021 – Octroi dans le même temps d’une rente entière puis d’une demi-rente AI pour une assurée de plus de 55 ans / Examen du besoin de mesures de réadaptation avant la diminution du droit à une rente entière à une demi-rente

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_44/2021 (f) du 23.09.2021

 

Consultable ici

 

Octroi dans le même temps d’une rente entière puis d’une demi-rente AI pour une assurée de plus de 55 ans

Examen du besoin de mesures de réadaptation avant la diminution du droit à une rente entière à une demi-rente

 

Assurée, née en 1960 et infirmière de profession, a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité en avril 2015. Après avoir notamment diligenté une expertise auprès d’un spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie et d’un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, l’office AI a reconnu le droit de l’assurée à un quart de rente dès le 01.05.2016.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2019 207 – consultable ici)

Par jugement du 14.12.2020, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision en ce sens que l’assurée a droit à une rente entière d’invalidité du 01.05.2016 au 10.10.2017, puis à une demi-rente d’invalidité.

 

TF

Est seul litigieux en instance fédérale le point de savoir si la juridiction cantonale était en droit de remplacer la rente entière d’invalidité qu’elle a allouée à l’assurée depuis le 01.05.2016 par une demi-rente dès le 11.10.2017, sans avoir au préalable examiné la nécessité de mettre en œuvre des mesures de réadaptation.

Selon la jurisprudence, il existe des situations dans lesquelles il convient d’admettre que des mesures d’ordre professionnel sont nécessaires, malgré l’existence d’une capacité de travail médico-théorique. Il s’agit des cas dans lesquels la réduction ou la suppression, par révision (art. 17 al. 1 LPGA) ou reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), du droit à la rente concerne une personne assurée qui est âgée de 55 ans révolus ou qui a bénéficié d’une rente pendant quinze ans au moins. Cette jurisprudence qui est également applicable lorsque l’on statue sur la limitation et/ou l’échelonnement en même temps que sur l’octroi de la rente (ATF 145 V 209 consid. 5), ne signifie pas que la personne assurée peut se prévaloir d’un droit acquis; il est seulement admis qu’une réadaptation par soi-même ne peut, sauf exception, être exigée d’elle en raison de son âge ou de la durée du versement de la rente. Dans de telles situations, l’office de l’assurance-invalidité doit vérifier dans quelle mesure l’assuré a besoin de la mise en œuvre de mesures d’ordre professionnel, même si ce dernier a recouvré une capacité de travail et indépendamment du taux d’invalidité qui subsiste (cf. arrêt 9C_276/2020 du 18 décembre 2020 consid. 6 et les arrêts cités).

L’assurée, née en février 1960, avait 55 ans révolus tant au moment où les juges cantonaux lui ont reconnu le droit à une rente entière d’invalidité du 01.05.2016 au 10.10.2017, puis à une demi-rente d’invalidité (le 14.12.2020), qu’à celui à partir duquel la réduction du droit à la rente a été fixée (en octobre 2017), si bien que la question de savoir à quel moment la condition afférente à l’âge doit être remplie (date de la limitation du droit à la prestation, date à laquelle la décision a été rendue, ou date où les constatations médicales déterminantes figurent au dossier) peut en l’espèce être laissée ouverte (comme déjà dans l’ATF 145 V 209 consid. 5.4 in fine et les arrêts 8C_648/2019 du 4 juin 2020 consid. 5.1 et 9C_574/2019 du 16 octobre 2019 consid. 3.2, notamment).

L’assurée a donc droit à ce que le besoin de mesures de réadaptation soit examiné avant la diminution de son droit à une rente entière à une demi-rente. Cet examen n’a pas été effectué par la juridiction cantonale. En particulier, toute constatation sur l’exigibilité d’une réadaptation par soi-même (exceptionnelle) fait défaut. La cause doit dès lors être renvoyée à l’office AI pour qu’il vérifie l’octroi de mesures d’ordre professionnel à l’assurée.

 

Le TF admet le recours de l’assurée et annule le jugement cantonal en tant qu’il porte sur la diminution du droit à la rente à partir du 11.10.2017. La cause est renvoyée à l’office AI pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

 

 

Arrêt 9C_44/2021 consultable ici