Evaluation de la réadaptation dans l’assurance-invalidité

Un tri rapide et sans tracasseries administratives semble avoir un effet positif sur le succès de la réadaptation et permettre d’éviter l’octroi de rentes. S’il est recommandé d’y recourir largement pour les mesures d’intervention précoce, il semble qu’on ne puisse pas en dire autant pour les mesures d’ordre professionnel.

  

Article paru in Sécurité sociale CHSS 1/2016, p. 32 ss, de Jürg Guggisberg

 

Sécurité sociale CHSS 2016-1 – Evaluation réa AI

 

8C_195/2015 (f) du 10.02.2016 – Suicide par arme à feu (fusil) – 37 al. 1 LAA / Erreur de traitement constitutive d’un accident – non-hospitalisation du patient – 4 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_195/2015 (f) du 10.02.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1R9sSNn

 

Suicide par arme à feu (fusil) – 37 al. 1 LAA

Erreur de traitement constitutive d’un accident – non-hospitalisation du patient – 4 LPGA

 

Assuré travaillant au service d’une banque privée pendant douze ans en qualité d’analyste financier et gestionnaire. A la fin de l’année 2011, son employeur a résilié les rapports de travail avec effet au 31.03.2012, en raison de difficultés économiques. L’assuré a été libéré de son obligation de travailler à compter du 31.12.2011. Il s’est toutefois rendu à la banque pour travailler jusqu’à la fin du mois de février 2012.

Consultation en janvier 2012 auprès de son médecin traitant, spécialiste en médecine interne générale, en raison d’un état anxio-dépressif. Introduction d’un traitement anxiolytique (Lexotanil) et anti-dépresseur (Cymbalta). Consultations auprès d’un spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie dès le 25.02.2012. Prescription de Citalopram en remplacement du Cymbalta. Lors de la dernière consultation du 14.03.2012, une hospitalisation à prévoir à brève échéance a été discutée en raison de la péjoration de son état de santé au cours des jours précédents, marqué par une importante fatigue et des sentiments d’impuissance liés à cet état, une fluctuation de l’humeur et la présence plus marquée d’idées suicidaires. Le 15.03.2012, en rentrant, l’épouse de l’assuré a constaté que la voiture de son mari n’était pas dans le garage, mais que son « blackberry » son « palm » et ses lunettes étaient là, ce qui était inhabituel. Elle a ensuite appelé le psychiatre pour lui expliquer la situation. Ce dernier lui a répondu qu’elle devait impérativement retrouver son mari et appeler la police, ajoutant que ce dernier avait des idées suicidaires et qu’il avait parlé d’un fusil. L’épouse est allée voir dans l’armoire où son époux rangeait son arme désassemblée. Les portes de l’armoire étaient entrouvertes, l’arme ne s’y trouvait plus et les habits étaient renversés, comme si l’arme avait été prise à la hâte. Les recherches effectuées par la police lui ont permis de retrouver le corps sans vie de l’assuré à côté de la cabane, à 200 mètres de son véhicule stationné au bord de la route en contrebas. Il a été constaté qu’il s’était suicidé au moyen de son arme à feu.

L’assureur-accidents a refusé d’allouer les prestations, à l’exception de l’indemnité pour frais funéraires, par décision du 24.09.2012, confirmée sur opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 8/13 – 10/2015 – consultable ici : http://bit.ly/1UhQNQ0)

Les premiers juges ont relevé que l’assuré a eu un comportement relativement cohérent le 15.03.2012. Son attitude traduisait la volonté, déjà manifestée auprès de son médecin traitant, de préserver ses proches autant que possible. En effet, il avait emporté son arme démontée, encore emballée dans des sachets en plastique, et avait quitté le domicile familial en voiture jusqu’à un lieu isolé. Là, il y avait monté son arme et mis fin à ses jours en se couchant sur son fusil. Cette manière de procéder dénotait le souci d’épargner à sa famille la découverte de son corps en rentrant du travail ou de l’école. La position du corps comme celle du fusil, soit une arme proche de la tête, avaient probablement été dictées par la volonté de garantir que le tir fût précis, pour être sûr d’être mortellement atteint. Pour la juridiction cantonale, ces éléments sont difficilement compatibles avec l’hypothèse d’une incapacité de discernement. Dans ce contexte également, le fait que l’assuré n’avait pas annulé des rendez-vous qu’il avait dans la journée du 15.03.2012 ou dans les jours suivants, ou encore le fait d’avoir planifié des vacances et acheté des billets d’avion ainsi que réservé une voiture de location pour ces vacances, le 06.03.2012, reflétaient le caractère fluctuant de l’humeur de l’assuré pendant la période ayant précédé son décès, mais ne traduisaient pas une incohérence indiquant que son suicide eût été commis en l’absence de capacité de discernement. L’envoi de son CV à deux employeurs entre 7h et 8h le matin même du 15.03.2012 permettait tout au plus de conclure qu’il n’avait pas encore, à ce moment-là, alors qu’il était encore entouré des siens ou que ces derniers venaient de partir, d’idées suicidaires. Qu’il ait ensuite subi, dans la matinée, une baisse de moral qui l’a conduit à mettre fin à ses jours ne permettait pas de conclure à un acte commis en l’absence de toute capacité de discernement.

Par arrêt du 22.01.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Suicide et (in)capacité de discernement

Selon l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Est réputé accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). Si l’assuré a provoqué intentionnellement l’atteinte à la santé ou le décès, aucune prestation d’assurance n’est allouée, sauf l’indemnité pour frais funéraires (art. 37 al. 1 LAA). Même s’il est prouvé que l’assuré entendait se mutiler ou se donner la mort, l’art. 37 al. 1 LAA n’est pas applicable si, au moment où il a agi, l’assuré était, sans faute de sa part, totalement incapable de se comporter raisonnablement, ou si le suicide, la tentative de suicide ou l’automutilation est la conséquence évidente d’un accident couvert par l’assurance (art. 48 OLAA).

Le suicide comme tel n’est un accident assuré que s’il a été commis dans un état d’incapacité de discernement. Cette règle, qui découle de la jurisprudence, est exprimée à l’art. 48 OLAA. Par conséquent, il faut, pour entraîner la responsabilité de l’assureur-accidents, que, au moment de l’acte et compte tenu de l’ensemble des circonstances objectives et subjectives, en relation aussi avec l’acte en question, l’intéressé ait été privé de toute possibilité de se déterminer raisonnablement en raison notamment d’une déficience mentale ou de troubles psychiques (ATF 140 V 220 consid. 3 p. 222; 129 V 95; 113 V 61 consid. 2a p. 62 ss; RAMA 1990 n° U 96 p. 182 consid. 2). L’incapacité de discernement n’est donc pas appréciée dans l’abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l’acte (principe de la relativité du discernement; voir par exemple ATF 134 II 235 consid. 4.3.2 p. 239). Le suicide doit avoir pour origine une maladie mentale symptomatique. En principe, l’acte doit être insensé. Un simple geste disproportionné, au cours duquel le suicidaire apprécie unilatéralement et précipitamment sa situation dans un moment de dépression ou de désespoir ne suffit pas (voir par exemple arrêt 8C_916/2011 du 8 janvier 2013 consid. 2.2 et les références).

Savoir si le suicide ou la tentative de suicide a été commis dans un état d’incapacité de discernement doit être résolu selon la règle du degré de la vraisemblance prépondérante généralement appliquée en matière d’assurances sociales. Le juge retiendra alors, parmi plusieurs présentations des faits, celle qui lui apparaît comme la plus vraisemblable (arrêt 8C_916/2011 du 8 du janvier 2013 consid. 2.2 et les références). Il n’existe donc pas un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré; le défaut de preuve va au détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (ATF 126 V 319 consid. 5a p. 322).

In casu, la modalité du suicide – à savoir le fait d’avoir emporté une arme démontée, encore emballée dans des sachets en plastique, d’avoir quitté le domicile en voiture jusqu’à un lieu isolé, d’y avoir ensuite monté son arme et mis fin à ses jours en se couchant sur son fusil – parle plutôt en faveur de la présence du discernement au moment du passage à l’acte. Au vu de ce qui précède, on peut considérer avec les premiers juges, qu’il n’est pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante que l’assuré était privé, au moment déterminant, de sa capacité de discernement.

 

Erreur de traitement constitutive d’un accident

Selon la jurisprudence, les erreurs de traitement peuvent être constitutives d’un accident (art. 4 LPGA) dès lors qu’il s’agit de confusions ou de maladresses grossières et extraordinaires, voire d’un préjudice intentionnel avec lequel personne ne comptait ni ne devait compter. Il s’agit en principe d’atteintes survenues à l’occasion d’actes médicaux: l’acte médical comme tel ou le traitement médicamenteux est la cause directe de l’atteinte à la santé (pour une casuistique, voir Ghislaine Frésard-Fellay, in: Droit suisse de la sécurité sociale, Volume II, 2015, p. 344; Alexandra Rumo-Jungo/André Pierre Holzer, Bundesgesetz über die Unfallversicherung [UVG], 4ème éd. 2012, p. 34 s.; André Largier, Schädigende medizinische Behandlung als Unfall, Zurich 2002, p. 99 ss).

Il est pour le moins douteux que l’omission d’ordonner une hospitalisation pour des motifs psychiatriques, même si elle résulte d’une grossière erreur d’appréciation, puisse être constitutive d’un accident en cas de suicide ultérieur du patient.

Le psychiatre a proposé une hospitalisation à son patient pour le protéger en cas de réapparition de ses idées suicidaires. Devant le refus de ce dernier, il a dû procéder à une appréciation des risques encourus et l’a laissé rentrer chez lui, non sans avoir convenu au préalable de certaines mesures de précaution (consigne donnée au patient d’appeler le service des urgences en cas de réapparition des idées suicidaires sans attendre une prochaine consultation médicale; consigne donnée à l’assuré de lui téléphoner le vendredi 16.03.2012 dans tous les cas et consigne donnée au patient de l’appeler dans une plage horaire convenue, le 15 mars 2012, en cas de besoin). Au vu de ce qui précède, on ne saurait quoi qu’il en soit pas parler d’une erreur grossière d’appréciation du psychiatre traitant.

 

Le TF rejette le recours de la veuve.

 

 

Arrêt 8C_195/2015 consultable ici : http://bit.ly/1R9sSNn

 

 

Jeunesse, santé mentale et rentes AI

Ces vingt dernières années, le nombre de jeunes rentiers AI souffrant de troubles psychiques a continuellement progressé. L’étude décrite dans le présent article met en lumière certaines défaillances des systèmes d’éducation, de santé et de l’AI et pose la question de savoir si une minorité significative de jeunes n’a pas été mise en invalidité trop hâtivement.

 

Article paru in Sécurité sociale CHSS 1/2016, p. 49 ss

 

Sécurité sociale CHSS 2016-1 – Jeunesse, santé mentale et rentes AI 

 

 

4A_66/2015 + 4A_82/2015 (f) du 22.09.2015 – RC médicale – Responsabilité d’un chirurgien – 398 CO / Calcul du dommage subi par un indépendant

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_66/2015 + 4A_82/2015 (f) du 22.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1LIamj0

 

RC médicale – Responsabilité d’un chirurgien – 398 CO

Calcul du dommage subi par un indépendant

 

Indépendant, au bénéfice d’une formation de peintre-décorateur, exploitant sa propre entreprise de peinture, spécialisée notamment dans le stucco vénitien. Le 21.05.2000, il se déchirure le ligament croisé antérieur au football. Il subit une plastie ligamentaire du genou gauche le 13.02.2001. A son réveil vers 14h00, il a ressenti de violentes douleurs dans le genou opéré et n’avait plus de sensibilité en dessous de celui-ci. A partir de 16h45, l’anesthésiste a alors pratiqué de nouvelles anesthésies, qui n’ont permis d’atténuer que temporairement les douleurs. Le 19.02.2001, un spécialiste FMH en neurologie a conclu à une lésion bitronculaire du nerf sciatique au niveau du creux poplité, expliquant l’insensibilité ainsi que l’impossibilité pour le lésé d’opérer une flexion dorsoplantaire active du pied et des orteils. Deux experts, mandatés par le lésé, ont indiqué que l’opération avait été pratiquée dans les règles de l’art, mais que le suivi postopératoire dans les vingt-quatre premières heures avait été en partie délégué et que le diagnostic d’une complication postopératoire avait été tardif.

Au niveau AI, l’office AI a octroyé au lésé une rente entière avec effet rétroactif au 01.02.2002.

 

Procédure cantonale

Sur appel du lésé, la Cour de justice a, par arrêt du 22.10.2010 (ACJC/1220/2010) , a annulé le jugement de la première instance, a constaté que la responsabilité des deux médecins était engagée (à l’exclusion de celle de la clinique) et a renvoyé la cause au premier juge.

Par arrêt du 17.12.2014 (arrêt ACJC/1606/2014), la Cour de justice, sur appel des deux médecins, a condamné les deux médecins à payer au lésé la somme de 61’085 fr., intérêts en sus, à titre d’indemnisation du gain manqué subi durant les années 2001 à 2003, le montant de 18’275 fr., intérêts en sus, à titre d’indemnisation du préjudice ménager subi durant la même période, s’est prononcée à nouveau sur les frais et dépens de première instance et a confirmé le jugement pour le surplus (frais consécutifs aux lésions corporelles).

 

TF

S’agissant de la faute du chirurgien

Selon le recourant, tout chirurgien exerçant en clinique privée aurait délégué le suivi postopératoire à un anesthésiste puisqu’il s’agit d’une pratique courante. La critique est sans consistance. Le fait que la délégation du suivi à l’anesthésiste soit couramment pratiquée en clinique privée ne change en rien la responsabilité du chirurgien, puisque cela ne signifie pas que cette pratique soit conforme dans le cas particulier aux règles de l’art médical. La cour cantonale constate d’ailleurs que cette pratique résulte plutôt d’une mauvaise organisation entre spécialistes et on peut en inférer qu’un chirurgien raisonnable placé dans les mêmes circonstances n’aurait pas délégué le suivi opératoire à un anesthésiste.

L’existence d’une lésion bitronculaire, complication rare, est en l’espèce totalement impropre à écarter le lien de causalité. Le chirurgien confond la conséquence de son inaction avec la complication, dont il aurait pu discerner l’existence et qui nécessitait une intervention rapide. En effet, si le chirurgien avait entrepris le contrôle qui lui incombait en vertu des règles de l’art, il aurait pu constater l’existence d’une complication et poser le diagnostic de la compression du nerf sciatique dans le creux poplité, complication décrite par la littérature médicale qui, à défaut d’une intervention rapide, risque de causer une lésion tronculaire (lésion d’un seul nerf décrite par la littérature médicale)  ; il aurait ainsi pu procéder à la décompression du nerf sciatique, ce qui aurait permis d’éviter aussi bien cette dernière lésion (plus connue), qu’une lésion bitronculaire (non mentionnée par la littérature médicale).

 

Dommage subi par le lésé, indépendant

Dans la détermination du revenu hypothétique, le revenu que réalisait le lésé au moment de l’événement dommageable constitue la référence ; le juge ne doit toutefois pas se limiter à constater le revenu réalisé jusqu’alors, car l’élément déterminant repose bien davantage sur ce que la victime aurait gagné annuellement dans le futur. Ce calcul nécessite une importante abstraction (arrêt 4A_239/2011 du 22 novembre 2011 consid. 3.1.1 et les références citées).

Il incombe au demandeur (lésé) d’établir les circonstances de fait – à l’instar des augmentations futures probables du revenu durant la période considérée – dont le juge peut inférer, selon le degré de la vraisemblance prépondérante, les éléments pertinents pour établir le revenu que le lésé aurait réalisé sans l’événement dommageable (arrêt 4A_239/2011 ibidem).

De manière générale, l’estimation du revenu d’un indépendant pose plus de problèmes que celle du gain d’un salarié. Chaque cas est particulier et il n’existe pas de méthode unique pour calculer le revenu hypothétique dans cette hypothèse. Une expertise peut fournir des renseignements sur les gains passés et sur les revenus futurs que l’indépendant aurait pu escompter sans l’événement dommageable (arrêt 4A_239/2011 ibidem).

On rappellera que la perte de gain (actuelle) indemnisable correspond à la différence entre les revenus nets indexés (à la date du prononcé du jugement cantonal) de valide et d’invalide du lésé (ATF 136 III 222 consid. 4.1.1 ; arrêt 4A_481/2009 déjà cité consid. 4.2.5). Afin d’éviter que la réparation de ce préjudice ne conduise à un enrichissement de la victime, il faut imputer sur ce montant les avantages constitués par toutes les prestations allouées au lésé par les assureurs sociaux (compensatio lucri cum damno) (sur l’ensemble de la question : ATF 134 III 489 consid. 4.2 p. 491 s. et l’arrêt cité; 130 III 12 consid. 7.1 p. 16; arrêt 4A_481/2009 déjà cité consid. 4.2.1 et 4.2.6).

 

 

Arrêt 4A_66/2015 + 4A_82/2015 consultable ici : http://bit.ly/1LIamj0

 

 

9C_746/2014 (f) du 30.09.2015 – Valeur probante d’une expertise médicale – 44 LPGA / Expert spécialiste en rhumatologie intégrant à sa réflexion des éléments de nature psychiatrique

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_746/2014 (f) du 30.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1RNAWXe

 

Valeur probante d’une expertise médicale – 44 LPGA

Expert spécialiste en rhumatologie intégrant à sa réflexion des éléments de nature psychiatrique

 

L’assurée reproche au tribunal cantonal (arrêt ATAS/984/2014) d’avoir procédé à une appréciation arbitraire des preuves. Elle estime que celui-ci ne pouvait écarter l’évaluation de sa capacité de travail par le docteur H.__, spécialiste en rhumatologie et en médecine interne générale, au motif que ce dernier avait dépassé le cadre de son mandat d’expertise judiciaire en ne se limitant pas à la problématique rhumatologique.

Le seul fait que le docteur H.__, spécialiste en rhumatologie, mandaté pour mettre en œuvre une expertise relevant de son domaine de spécialisation, ne s’est pas limité à examiner la problématique sous l’angle rhumatologique et qu’il a intégré à sa réflexion des éléments de nature psychiatrique ne saurait justifier l’éviction pure et simple de son appréciation de la capacité de travail de l’assurée.

Selon la jurisprudence correctement mentionnée par les premiers juges, seuls les motifs impératifs tels que l’existence de contradictions intrinsèques au rapport d’expertise, d’une surexpertise en infirmant les conclusions de manière convaincante ou d’avis spécialisés contraires aptes à mettre en doute la pertinence des déductions de l’expert peuvent justifier l’éviction évoquée (cf. ATF 125 V 351 consid. 3b/aa p. 352 s.).

Or tel n’est manifestement pas le cas en l’espèce. La juridiction cantonale a du reste reconnu que le rapport d’expertise judiciaire revêtait une pleine valeur probante, sauf en ce qui concernait les conclusions sur le plan psychique. On ajoutera par ailleurs que, toujours selon la jurisprudence correctement citée par le tribunal cantonal, la valeur probante d’un rapport médical s’apprécie à l’aune de divers éléments dont la description de possibles interférences médicales (cf. ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352). On précisera en outre que la jurisprudence accorde aux rhumatologues certaines compétences en ce qui concerne les tableaux cliniques psychosomatiques dans la mesure où les états rhumatologiques douloureux ne se différencient souvent guère des symptomatologies somatoformes. Ces compétences se limitent toutefois à déterminer si la symptomatologie douloureuse trouve une explication somatique objective et, sinon, à indiquer si l’avis d’un spécialiste en psychiatrie est nécessaire pour expliquer les discordances constatées (arrêt 9C_621/2010 du 22 décembre 2010 consid. 2.2.2 in SZS 2011 p. 299; arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 704/03 du 28 décembre 2004 consid. 4.1.1).

Les premiers juges ne pouvaient pas faire totalement abstraction des considérations du docteur H.__ au sujet des éventuels troubles psychiques présentés par l’assurée. Même s’il ne lui appartenait pas de déterminer précisément l’impact des éventuels pathologies psychiatriques sur la capacité de travail, les indications de l’expert devaient être prises en compte par la juridiction cantonale, au moins comme une invitation – motivée et convaincante – à compléter l’instruction sur le plan psychique.

 

 

Arrêt 9C_746/2014 consultable ici : http://bit.ly/1RNAWXe

 

 

8C_414/2014 (f) du 22.09.2015 – Parallélisation des revenus à comparer – 16 LPGA / Revenu sans invalidité nettement inférieur au salaire moyen de la branche

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_414/2014 (f) du 22.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/21N1qjO

 

Parallélisation des revenus à comparer – 16 LPGA

Revenu sans invalidité nettement inférieur au salaire moyen de la branche

 

Assurée travaillant dès le 21.08.2007 en qualité d’opératrice à l’étampage, par l’entremise d’une entreprise de placement de personnel. Le 21.01.2008, elle a chuté dans les escaliers et a percuté une vitre qui s’est brisée, se blessant au niveau du coude. Décision du 18.03.2009 : pleine capacité de travail dans son activité d’étampeuse ; fin du versement des indemnités journalières dès le 16.03.2009.

Rechute annoncée le 15.02.2011, avec interruption de l’activité de sommelière en raison de douleurs au membre supérieur droit. Expertise médicale confiée à un spécialiste FMH en chirurgie orthopédique : capacité de travail nulle dans les anciennes activités (industrie et restauration) ; capacité de travail pleine et entière dans une autre activité, sans port de charges avec le membre supérieur droit ni mouvements répétitifs de flexion-extension du coude et/ou de prosupination et à condition que le membre supérieur droit ne soit pas utilisé en permanence durant toute la journée comme c’est le cas dans des travaux fins d’établi.

Décision du 09.01.2013, confirmée sur opposition le 21.02.2013 : pas de droit à une rente d’invalidité et octroi d’une IPAI de 5%. Se fondant sur un choix de descriptions de postes de travail (DPT), l’assureur-accidents a considéré que l’assurée pouvait réaliser un salaire à tout le moins égal, si ce n’est supérieur, à celui qu’elle aurait perçu sans l’accident, que ce soit lors de la stabilisation initiale de son état de santé en 2009 ou en 2012.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 02.04.2014, rejet du recours par le tribunal cantonal. S’écartant des DPT sur lesquelles s’était fondée l’assurance-accidents pour calculer le revenu d’invalide, la juridiction cantonale s’est référée aux statistiques salariales, sans tenir compte du fait que dans l’activité exercée avant son atteinte à la santé, l’assurée percevait un salaire nettement inférieur au salaire moyen de la branche. Taux d’invalidité maximum : 6.43%, arrondi à 6 % pour 2009.

 

TF

L’assurée conteste le montant du revenu sans invalidité retenu par la juridiction cantonale en faisant valoir qu’il ne tient pas compte du fait que son revenu était très nettement inférieur au revenu moyen dans l’industrie horlogère. Elle se réfère pour la première fois à la jurisprudence relative au parallélisme des revenus à comparer (ATF 135 V 297; 134 V 322).

L’application des principes exposés par la jurisprudence à ce sujet suppose que le revenu (sans invalidité) effectivement réalisé par l’assuré soit notablement inférieur à la moyenne, c’est-à-dire inférieur d’au moins 5 % au salaire statistique usuel dans la branche (ATF 135 V 297 consid. 6.1.2 p. 302). Le revenu nettement inférieur peut alors justifier un parallélisme des revenus à comparer, lequel doit porter seulement sur la part qui excède le taux déterminant de 5 %. En pratique, le parallélisme des revenus à comparer peut être effectué soit au regard du revenu sans invalidité en augmentant de manière appropriée le revenu effectivement réalisé ou en se référant aux données statistiques, soit au regard du revenu d’invalide en réduisant de manière appropriée la valeur statistique (ATF 135 V 297 consid. 6.1.3. p. 304; 134 V 322 consid. 4.1 p. 326).

L’art. 99 LTF n’interdit pas de présenter une nouvelle argumentation juridique, à la condition toutefois qu’elle se fonde sur des faits constatés dans la décision attaquée (ATF 136 V 362 consid. 4.1 p. 336; 134 III 643 consid. 5.3.2 p. 651). La parallélisation invoquée peut s’opérer à partir des faits constatés par la juridiction cantonale. Il n’appartient cependant pas au Tribunal fédéral, en première et unique instance, de se prononcer sur l’argumentation présentée par l’assurée.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à la Cour des assurances du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura.

 

 

Arrêt 8C_414/2014 consultable ici : http://bit.ly/21N1qjO

 

 

9C_99/2015 (f) du 13.10.2015 – Valeur probante d’une expertise psychiatrique – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_99/2015 (f) du 13.10.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1VYirAs

 

Valeur probante d’une expertise psychiatrique – 44 LPGA

 

Assurée, née en 1959, travaillant en qualité de nettoyeuse à temps partiel et souffrant d’un trouble dépressif récurrent. Octroi rente entière dès le 01.12.2002.

Révision, initiée au mois de juillet 2007. Selon expertise psychiatrique, l’assurée souffrait d’un trouble dépressif, en rémission, et la capacité de travail se situait à 100% depuis le début de l’année 2006 dans une activité simple. Suppression de la rente entière d’invalidité.

Après jugement du Tribunal cantonal des assurances sociales, mise en œuvre d’une expertise médicale. Expertise confiée au Centre d’expertises psychiatriques rattaché à l’Hôpital C.__. Les médecins-experts ont retenu les diagnostics de trouble mixte de la personnalité à traits borderline et histrioniques et de trouble dépressif récurrent actuellement en rémission; la capacité de travail de l’assurée ne dépassait pas 50% dans une activité simple, routinière et demandant peu de capacités adaptatives et peu d’interactions sociales, taux auquel il convenait d’ajouter une diminution de rendement de 20% en raison d’une rigidité de fonctionnement.

Considérant qu’il était impossible de trancher entre les deux expertises réalisées jusqu’alors, l’office AI a confié la réalisation d’une nouvelle expertise psychiatrique. Le nouvel expert a retenu les diagnostics de légère dysthymie et de personnalité état limite à traits histrioniques, non décompensée et que l’assurée était en mesure de travailler à 100% dans une activité adaptée à sa personnalité. L’office AI a supprimé le droit à la rente entière d’invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1343/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1LHewYq)

La juridiction cantonale a considéré que l’office AI n’avait aucun motif de s’écarter de la deuxième expertise, laquelle répondait clairement aux questions posées et revêtait pleine valeur probante. Le rapport de la troisième expertise ne pouvait être suivi, car plusieurs de ses propos dénotaient un parti pris de sa part et l’expertise était empreinte de jugements de valeur. Par jugement du 23.12.2014, admission partielle du recours ; octroi à un trois quarts de rente d’invalidité dès le 01.06.2008.

 

TF

Contrairement à ce qu’ont retenu les premiers juges, le rapport de la deuxième expertise souffrait de défauts conséquents qui en atténuaient considérablement la valeur probante. Les observations cliniques rapportées par ces médecins étaient particulièrement ténues et consistaient pour l’essentiel en une énumération des plaintes subjectives rapportées par l’assurée; la plupart des symptômes mentionnés (« difficultés psychiques de longue date concrétisées par l’agir, une impulsivité, une instabilité de l’humeur, des éclats de colère, des comportements explosifs ») n’étaient ainsi pas le fait d’observations qu’ils auraient personnellement effectuées, mais le fait de l’interprétation des propos rapportés par l’assurée. L’absence d’explications étayées ne permettait pas de comprendre les diagnostics retenus et la capacité de travail réduite de l’assurée. Malgré le complément d’information apporté à la demande du SMR, il n’était ainsi pas possible de saisir les raisons pour lesquelles la personnalité impulsive de l’assurée allait au-delà de simples traits de la personnalité pour constituer un trouble de la personnalité à caractère invalidant. Les conclusions auxquelles aboutissaient les médecins-experts, en tant qu’elles étaient exposées de façon péremptoire, ne procédaient pas d’une discussion neutre et distanciée, où auraient été intégrés, dans une analyse cohérente et complète, les renseignements issus du dossier (dont notamment la première expertise) l’anamnèse, les indications subjectives et l’observation clinique. Eu égard à ce constat, il ne saurait être reproché à l’office AI d’avoir écarté cette deuxième expertise et décidé la mise en œuvre d’une troisième.

Le rapport de la troisième expertise contient une description détaillée des observations cliniques auxquelles il a été procédé, une présentation étayée des diagnostics retenus ainsi qu’une longue discussion sur le fonctionnement de la personnalité de l’assurée et son influence sur la capacité de travail. Elle explique par ailleurs de manière intelligible les raisons pour lesquelles les éléments de personnalité histrionique et limite – mis en évidence par l’ensemble des médecins consultés – ne constituent pas dans le cas particulier un trouble de la personnalité clairement constitué, mais de simples traits de la personnalité. Les propos, qui pour la juridiction cantonale dénotaient un parti pris de l’expert, avaient pour but de mettre en évidence la problématique relative à la recherche d’éventuels bénéfices secondaires liés à la maladie et à la position du médecin traitant dans ce contexte. On notera à cet égard qu’il appartient à tout expert d’intégrer dans le cadre de sa réflexion les facteurs motivationnels à l’œuvre chez l’expertisé (cf. Lignes directrices de la Société suisse de psychiatrie d’assurance pour l’expertise médicale des troubles psychiques, in Bulletin des médecins suisses 2004/85 p. 1907). Quant aux prétendus jugements de valeur dont l’expertise serait empreinte, ils correspondent à des observations qui reflètent la perception subjective qu’a eue l’expert de l’assurée.

 

Le TF admet le recours de l’Office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’Office AI.

 

 

Arrêt 9C_99/2015 consultable ici : http://bit.ly/1VYirAs

 

 

9C_433/2015 (f) du 01.02.2016 – Fardeau de la preuve de l’envoi d’une décision AI / Dies a quo pour déposer un recours – 60 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_433/2015 (f) du 01.02.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1TeilHc

 

Fardeau de la preuve de l’envoi d’une décision AI

Dies a quo pour déposer un recours – 60 LPGA

 

Décision rendue par l’Office AI datait du 03.04.2014. L’assuré indique que la décision, datée du 03.04.2014, lui a été notifiée le 15.12.2014.

Le 13.11.2014, le mandataire demande par écrit à l’administration qu’une décision relative à la demande de rente d’invalidité soit notifiée. A la suite d’un entretien téléphonique entre le mandataire et une personne de l’office AI, l’assuré a reçu la décision requise le 15.12.2014.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 08.05.2015, le tribunal cantonal déclare irrecevable le recours, pour cause de tardiveté.

 

TF

Selon l’art. 60 al. 1 LPGA, le recours doit être déposé dans les trente jours suivant la notification de la décision sujette à recours. D’après la jurisprudence, le fardeau de la preuve de la notification d’un acte et de sa date incombe en principe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique (ATF 136 V 295 consid. 5.9 p. 309, avec les nombreuses références). En ce qui concerne plus particulièrement la notification d’une décision ou d’une communication de l’administration, elle doit au moins être établie au degré de la vraisemblance prépondérante requis en matière d’assurance sociale (ATF 121 V 5 consid. 3b p. 6). L’autorité supporte donc les conséquences de l’absence de preuve (ou de vraisemblance prépondérante) en ce sens que si la notification ou sa date sont contestées et qu’il existe effectivement un doute à ce sujet, il y a lieu de se fonder sur les déclarations du destinataire de l’envoi (ATF 129 I 8 consid. 2.2 p. 10; 124 V 400 consid. 2a p. 402 et les références). La seule présence au dossier de la copie d’une lettre n’autorise pas à conclure avec un degré de vraisemblance prépondérante que cette lettre a été effectivement envoyée par son expéditeur et qu’elle a été reçue par le destinataire (ATF 101 Ia 7 consid. 1 p. 8). La preuve de la notification d’un acte peut néanmoins résulter d’autres indices ou de l’ensemble des circonstances, en particulier de la correspondance échangée ou de l’absence de protestation de la part d’une personne qui reçoit des rappels (cf. ATF 105 III 43 consid. 2a p. 46; DTA 2000 n° 25 p. 121 consid. 1b).

Il incombe en principe à l’office AI d’établir, au regard de la vraisemblance prépondérante, que sa décision – qui a fait l’objet d’un envoi non inscrit, – a été notifiée au plus tard le 13.04.2014 comme il l’a indiqué en instance cantonale ou du moins bien avant le 15.12.2014. Un doute subsiste sur le point de savoir à quel moment la décision du 13.04.2014 est entrée dans la sphère de puissance de son destinataire.

L’assuré parvient à semer le doute quant à la date de la notification de la décision. Le mandataire avait adressé un courrier à l’administration le 13.11.2014, requérant qu’une décision soit rendue. Sans réponse de l’office AI, le mandataire l’a ensuite contacté par téléphone afin de réitérer sa demande. C’est seulement à la suite de cet appel qu’il aurait reçu la décision requise, le 15.12.2014. Compte tenu des déclarations contradictoires des parties, il n’est pas possible – et une instruction complémentaire sur ce point n’apporterait pas d’éléments davantage plausibles – d’établir à quel moment l’assuré a reçu la décision en cause.

Il n’en demeure pas moins que la date de la notification « à une date bien antérieure au 15 décembre 2014, même en courrier B » ne peut pas non plus être retenue au degré de la vraisemblance prépondérante, en l’absence d’autres indices que la seule présence au dossier de l’administration de la décision en cause.

Même si le procédé du conseil du recourant – qui n’a pas conservé l’enveloppe pourvue du timbre postal – paraît discutable, le doute quant à la date de la notification de celle-ci doit profiter à l’assuré, en ce sens qu’il y a lieu de se fonder sur ses déclarations en tant que destinataire de l’envoi. Selon celles-ci, il aurait pris connaissance de la décision de refus de rente seulement le 15.12.2014, ce qui porte l’échéance du délai de recours au 30.01.2015. Le recours formé en date du 29.01.2015 auprès de la juridiction cantonale doit dès lors être considéré comme recevable.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause au Tribunal cantonal du canton de Fribourg, Cour des assurances.

 

 

Arrêt 9C_433/2015 consultable ici : http://bit.ly/1TeilHc

 

 

9C_677/2015 (f) du 25.01.2016 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Abattement de 15% au lieu de 10% retenu par l’OAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_677/2015 (f) du 25.01.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1nlkcvB

 

Revenu d’invalide – 16 LPGA

Abattement de 15% au lieu de 10% retenu par l’OAI

 

1ère demande AI : Assuré travaillant en qualité d’ouvrier-machiniste, subi en janvier 2007 l’ablation de son rein droit. A la suite de cette intervention, l’assuré a présenté une surdité complète de l’oreille gauche et s’est plaint de dorso-lombalgies persistantes. Décision : Pleine capacité de travail, mais diminution de rendement de 10%, dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles ; degré d’invalidité fixé à 26%.

2ème demande AI : Des troubles sur le plan psychique sont évoqués lors du dépôt de la deuxième demande AI. Expertise bidisciplinaire (psychiatrie et médecine interne générale) : diagnostics retenus avec répercussion sur la capacité de travail : troubles dégénératifs du rachis (hypersostose D10-D11 et D11-D12; discopathie L5-S1), syndrome douloureux chronique de la loge rénale droite et diabète de type II insuffisamment contrôlé avec glycosurie. Depuis 2008, l’assuré ne disposait plus que d’une capacité de travail de 80% dans une activité légère et adaptée. Décision : degré d’invalidité fixé à 38%, insuffisant pour ouvrir le droit à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a considéré qu’il y avait lieu de retenir, en lieu et place de l’abattement de 10% auquel avait procédé l’office AI, un abattement de 15%, afin de tenir compte de son âge, de la fatigue engendrée par son diabète et de son déconditionnement.

Par jugement du 03.08.2015, admission partielle du recours ; octroi d’un quart de rente d’invalidité.

 

TF

Il est notoire que les personnes atteintes dans leur santé, qui présentent des limitations même pour accomplir des activités légères, sont désavantagées sur le plan de la rémunération par rapport aux travailleurs jouissant d’une pleine capacité de travail et pouvant être engagés comme tels; ces personnes doivent généralement compter sur des salaires inférieurs à la moyenne (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb p. 323). La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent par conséquent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79). L’étendue de l’abattement (justifié dans un cas concret) constitue une question typique relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif ou négatif de son pouvoir d’appréciation ou a abusé de celui-ci (ATF 132 V 393 consid. 3.3 p. 399), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (cf. ATF 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).

Dans sa décision du 11 février 2014, l’office AI avait justifié la prise en considération d’un abattement de 10% en se référant uniquement à la nature des limitations fonctionnelles présentées par l’assuré (pas de mouvement en porte-à-faux, pas de charges de plus de 10 kilos, pas de mouvements répétitifs du rachis, alternance des positions debout et assis).

Eu égard à l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, on ne saurait reprocher à la juridiction cantonale d’avoir tenu compte, en sus des limitations fonctionnelles, des effets que l’âge de l’assuré (54 ans) et son absence prolongée du marché du travail peuvent jouer sur ses perspectives salariales dans le cadre de l’exercice d’une activité légère. S’il n’y a en revanche pas lieu de prendre en considération les effets du diabète, dès lors que l’évaluation de la capacité résiduelle de travail inclut déjà cet élément, il n’en demeure pas moins que l’interdépendance des autres facteurs personnels et professionnels entrant en ligne de compte sont de nature à contribuer à désavantager l’assuré au moment d’un éventuel engagement. Seules des concessions salariales sensibles pourront à l’évidence compenser cet état de fait et lui permettre d’être compétitif sur le marché du travail.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_677/2015 consultable ici : http://bit.ly/1nlkcvB

 

 

6B_41/2015 (f) du 29.01.2016 – Excès de vitesse – Infraction qualifiée aux règles de la circulation routière – 90 al. 3 et 4 LCR / Fixation de la peine – 47 CP / Combinaison d’une peine privative de liberté et d’une peine pécuniaire

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_41/2015 (f) du 29.01.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/21bHiCi

 

Excès de vitesse – Infraction qualifiée aux règles de la circulation routière – 90 al. 3 et 4 LCR

Fixation de la peine – 47 CP

Peine privative de liberté vs peine pécuniaire

Combinaison d’une peine privative de liberté et d’une peine pécuniaire

 

Le 08.01.2013 à 12h05, X.__ circulait à une vitesse de 141 km/h, marge de sécurité déduite, commettant ainsi un excès de vitesse de 61 km/h. Les faits se sont déroulés par beau temps, hors localité sur une route principale qui était sèche, d’une largeur de 6 mètres et dépourvue de trottoir. La route était pourvue d’une ligne de direction médiane et de lignes en bordure. Des clôtures et bornes routières longeaient la chaussée. Quelques bâtiments se situaient du côté droit de la route, mais aucun du côté gauche. Il n’y avait aucun véhicule devant celui de X.__.

Sur appel du Ministère public, la Cour suprême du canton de Berne a condamné X.__ à une peine privative de liberté de 11 mois avec sursis, le délai d’épreuve étant fixé à 2 ans et à une amende additionnelle de 1’200 fr., la peine privative de liberté de substitution étant fixée à 30 jours en cas de non-paiement fautif.

 

TF

Selon l’art. 47 CP, le juge fixe la peine d’après la culpabilité de l’auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l’effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

Pour fixer la peine, le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation. Il y a toutefois violation du droit fédéral lorsque le juge sort du cadre légal, se fonde sur des critères étrangers à l’art. 47 CP, omet de prendre en considération des éléments d’appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu’il prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d’appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6 p. 61; 134 IV 17 consid. 2.1 et les références citées).

Selon l’art. 42 al. 4 CP, le juge peut prononcer, en plus d’une peine assortie du sursis, une peine pécuniaire sans sursis ou une amende selon l’art. 106 CP. Le Tribunal fédéral s’est prononcé sur cette combinaison de sanctions dans deux arrêts de principe auxquels il peut être renvoyé (ATF 134 IV 1 et 134 IV 60). En cas de peines combinées au sens de l’art. 42 al. 4 CP, l’amende ne peut pas conduire à une aggravation de la peine ou au prononcé d’une sanction supplémentaire. Si une peine combinée est justifiée, les deux sanctions considérées ensemble doivent correspondre à la gravité de la faute (ATF 134 IV 53 consid. 5.2 p. 55 s.; arrêt 6B_61/2010 du 27 juillet 2010 consid. 5.2).

Une peine pécuniaire, qui atteint l’intéressé dans son patrimoine, constitue une sanction plus clémente qu’une peine privative de liberté, qui l’atteint dans sa liberté personnelle (ATF 134 IV 97 consid. 4.2.2 p. 101 s.; arrêt 6B_210/2010 du 8 juin 2010 consid. 2.2). La peine privative de liberté assortie du sursis constitue, de par la loi, une peine plus lourde que la peine pécuniaire ferme, quand bien même la première apparaît généralement plus légère aux yeux du condamné et de la collectivité (cf. Message du 21 septembre 1998 concernant la modification du code pénal suisse, FF 1999 1856).

En application de l’art. 42 al. 4 CP, la cour cantonale a prononcé une peine additionnelle, fixée à un douzième de la peine globale et l’a déduite de la peine privative de liberté. Elle a divisé la quotité globale de 12 mois en une peine privative de liberté de 11 mois additionnée à 30 jours-amende à 40 fr. l’unité.

Si la cour cantonale a diminué la quotité de la peine privative de liberté du nombre de jours-amende afin d’éviter une aggravation de celle-ci, conformément à la jurisprudence rendue en lien avec l’art. 42 al. 4 CP, elle a toutefois prononcé une peine inférieure au minimum légal sans pour autant retenir de motifs d’atténuation. La combinaison d’une peine privative de liberté de 11 mois avec sursis et d’une peine pécuniaire de 30 jours-amende est plus favorable que la peine privative de liberté d’une année prévue par l’art. 90 al. 3 LCR, ce indépendamment de la perception du condamné. Par conséquent, la cour cantonale est sortie du cadre légal et a ainsi violé le droit fédéral.

 

Le TF admet le recours du Ministère public du canton de Berne, modifie le jugement cantonal condamnant l’intéressé à une peine privative de liberté d’un an avec sursis, le délai d’épreuve étant fixé à 2 ans.

 

 

Arrêt 6B_41/2015 consultable ici : http://bit.ly/21bHiCi