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9C_325/2022 (f) du 25.05.2023 – Valeur probante du rapport d’expertise pluridisciplinaire – 44 LPGA / Revenu d’invalide selon ESS – Âge de la personne assurée – Facteur étranger à l’invalidité

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_325/2022 (f) du 25.05.2023

 

Consultable ici

 

Valeur probante du rapport d’expertise pluridisciplinaire / 44 LPGA

Revenu d’invalide selon ESS – âge de la personne assurée – Facteur étranger à l’invalidité

Revenu sans invalidité selon ESS – Niv. de compétences 1 in casu

 

Assurée, née en 1971, ayant travaillé en dernier lieu à temps partiel comme livreuse de repas à domicile (du 01.10.2005 au 30.04.2012), puis comme auxiliaire de santé polyvalente (du 01.05.2012 au 30.11.2014). Par décisions des 16.03.2011 et 03.05.2016, l’office AI a rejeté les deux premières demandes de prestations de l’assurance-invalidité déposée par la prénommée.

Le 10.04.2018, l’assurée a déposé une troisième demande de prestations. L’office AI a entre autres mis en œuvre une expertise pluridisciplinaire. Dans un rapport établi le 09.02.2021, les médecins-experts (spécialiste en médecine interne générale, en psychiatrie et psychothérapie et en rhumatologie) ont diagnostiqué – avec répercussion sur la capacité de travail – une douleur de l’épaule gauche sur arthropathie acromio-claviculaire, une cervicalgie sans irradiation sur trouble dégénératif, une lombalgie sans irradiation sur trouble dégénératif, une douleur en extension du poignet droit (post ablation d’un kyste, fracture et greffe osseuse) et une douleur des deux gros orteils (post chirurgie pour hallux valgus à l’âge de 18 ans); l’assurée ne pouvait plus exercer son activité habituelle depuis le 30.09.2017. Dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles décrites, les médecins ont indiqué que l’assurée disposait d’une capacité de travail de 100%. Par décision du 09.03.2021, l’office AI a nié le droit de l’assurée à des prestations de l’assurance-invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 149/21 – 160/2022 – consultable ici)

Par jugement du 23.05.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

2.1. Lorsque l’administration entre en matière sur une nouvelle demande (art. 87 al. 3 RAI), elle doit procéder de la même manière que dans les cas de révision au sens de l’art. 17 LPGA et comparer les circonstances prévalant lors de la nouvelle décision avec celles existant lors de la dernière décision entrée en force et reposant sur un examen matériel du droit à la rente (ATF 130 V 71) pour déterminer si une modification notable du taux d’invalidité justifiant la révision du droit en question est intervenue.

 

Rapport de l’expertise pluridisciplinaire

Consid. 5.2
En l’espèce, mise à part la référence à la divergence d’opinions entre le médecin traitant, d’une part, et les médecins du centre d’expertise, d’autre part, l’assurée ne fait état d’aucun élément concret susceptible de remettre en cause les conclusions médicales suivies par les juges cantonaux, ni de motifs susceptibles d’établir le caractère arbitraire de leur appréciation. En particulier, les médecins experts ont pris connaissance du résultat des IRM lombaires; ils ont indiqué que ces examens avaient montré des sacro-iliaques « parfaitement normales », avec des signes uniquement dégénératifs, sans aucun élément en faveur d’une spondylarthrite ankylosante. Quoi qu’en dise l’assurée, la tomographie par émission monophotonique (Spect) du corps entier réalisées en date du 12 juillet 2021 n’infirme par ailleurs nullement les conclusions des experts. Dans le rapport y relatif, le médecin responsable ne fait pas de lien entre les atteintes constatées (atteinte inflammatoire de l’articulation sacro-iliaque et, notamment, enthésite du tendon d’Achille) et la suspicion d’une spondyloarthrite. De plus, l’assurée ne conteste pas le fait qu’elle ne répond pas au traitement médical d’une spondylarthropathie et qu’elle est HLA B27 négative. Quant aux autres critères de classification d’une spondylarthropathie que l’assurée met en avant, ils reposent essentiellement sur son ressenti personnel. Le fait que l’assurée annonce des problèmes de fatigue, de douleurs, d’imprévisibilité, de stress et de concentration n’établissent par conséquent pas en quoi les juges cantonaux auraient suivi de manière arbitraire les conclusions des médecins experts. Pour le surplus, les experts se sont fondés non pas sur la manière dont l’assurée ressent et perçoit ses facultés de travail, mais ont établi la mesure de ce qui est raisonnablement exigible de sa part le plus objectivement possible. Dans ces circonstances, et compte tenu également du fait, tiré de l’expérience de la vie, qu’en raison du lien de confiance (inhérent au mandat thérapeutique) qui l’unit à son patient, le médecin traitant est généralement enclin à prendre parti pour celui-ci (ATF 135 V 465 consid. 4.5; 125 V 351 consid. 3a/cc et les références), il n’y a pas lieu de s’écarter de l’appréciation des juges cantonaux.

 

Revenu d’invalide

Consid. 6.2
Dans le domaine de l’assurance-invalidité, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table TA1 de l’ESS, à la ligne « total secteur privé »; on se réfère alors à la statistique des salaires bruts standardisés, en se fondant toujours sur la valeur médiane ou centrale (ATF 124 V 321 consid. 3b), étant précisé que, depuis l’ESS 2012, il y a lieu d’appliquer le tableau TA1_tirage_skill_ level (ATF 142 V 178).

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2; 134 V 322 consid. 5.2; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). Il n’y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d’appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d’invalide, compte tenu de l’ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3; 126 V 75 précité consid. 5b/bb).

Le point de savoir s’il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou à d’autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral. En revanche, l’étendue de l’abattement sur le salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit a commis un excès positif ou négatif de son pouvoir d’appréciation ou a abusé de celui-ci (ATF 146 V 16 consid. 4.2; 137 V 71 consid. 5.1).

Consid. 6.3
En l’espèce, l’assurée n’expose aucun élément qui justifierait de s’écarter du revenu avec invalidité fixé par la juridiction cantonale. En particulier, elle ne met en évidence aucun élément qui justifierait de s’écarter du salaire de référence auquel peuvent prétendre les femmes effectuant des tâches physiques ou manuelles simples de la table TA1_tirage_skill_level. Cette valeur statistique s’applique en effet à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu’elle est trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers (arrêts 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_692/2015 du 23 février 2016 consid. 3.1 et la référence). Le marché équilibré du travail pris en considération dans le domaine de l’assurance-invalidité (à ce sujet, voir arrêt 9C_659/2014 du 13 mars 2015 consid. 5.3 et les références) offre par ailleurs un éventail suffisamment large d’activités légères, dont on doit admettre qu’un nombre significatif d’entre elles sont accessibles à l’assurée sans aucune formation préalable particulière et compatibles avec les limitations fonctionnelles décrites par les experts. En tant que facteur étranger à l’invalidité, il n’y a en outre pas lieu de tenir compte du fait que l’âge de la personne assurée peut avoir une influence négative sur la recherche d’emploi (arrêt 8C_808/2013 du 14 février 2014 consid. 7.3). Pour le surplus, par la simple énumération des circonstances personnelles et professionnelles susceptibles d’être prises en considération au titre de l’abattement, l’assurée n’établit pas que la juridiction cantonale aurait excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en prenant en considération un abattement de 10%. Mal fondé, les griefs doivent être rejetés.

 

Consid. 7
C’est finalement en vain que l’assurée conteste son revenu sans invalidité en faisant valoir qu’il aurait dû être déterminé en fonction d’un niveau de compétence 2 de l’ESS. En tant qu’auxiliaire de santé polyvalente, chargée de la livraison de repas, l’assurée exerçait avant la survenance de son atteinte de la santé une tâche physique ou manuelle simple (niveau de compétence 1 de l’ESS), comme l’a constaté sans arbitraire la juridiction cantonale.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_325/2022 consultable ici

 

9C_260/2022 (f) du 15.05.2023 – Revenu sans invalidité et d’invalide selon ESS – Niveau de compétences 4 pour un assuré ayant obtenu un bachelor de design graphique – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_260/2022 (f) du 15.05.2023

 

Consultable ici

 

Revenu sans invalidité et d’invalide selon ESS – Niveau de compétences 4 pour un assuré ayant obtenu un bachelor de design graphique / 16 LPGA

 

Assuré suivait des études en design. Il a subi un traumatisme crânien à la suite d’une chute survenue le 02.06.2017. Arguant souffrir des séquelles de ce traumatisme, il a requis des prestations de l’assurance-invalidité le 06.12.2017.

Entre autres mesures de réadaptation, l’office AI a pris à sa charge les coûts de formation supplémentaires occasionnés par les suites de l’atteinte à la santé. Il a alloué à l’assuré des indemnités journalières pour la période courant du 01.07.2018 au 11.09.2020. L’assuré a obtenu un Bachelor de Design graphique le 04.09.2020.

Au terme de la procédure administrative, se référant principalement au rapport d’expertise pluridisciplinaire du 11.11.2020, l’office AI a reconnu le droit de l’assuré à une rente entière d’invalidité pour le mois de juin 2018 et à trois quarts de rente à partir du 01.09.2020.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2021 153-154 – consultable ici)

Par jugement du 13.04.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.1
Les juges cantonaux ont considéré que les revenus avec et sans invalidité de l’assuré devaient être évalués sur la base du tableau TA1_skill_level de l’ESS, groupe d’activités no 73-75, total homme, niveau de compétence 4 dans la mesure où celui-ci venait d’obtenir un Bachelor dans le domaine du design et où une activité exercée dans ce secteur était jugée adaptée par les médecins-experts. Ils en ont dès lors inféré que le taux d’invalidité équivalait au taux d’incapacité de travail retenu par les experts et l’ont arrêté à 60%. Vu les circonstances (assuré suisse, âgé de moins de 35 ans, dont les limitations fonctionnelles avaient déjà été prises en compte dans l’évaluation de la capacité résiduelle de travail), ils ont aussi exclu toute réduction supplémentaire du revenu d’invalide. Ils ont toutefois relevé que l’abattement de 15% requis par l’assuré n’influençait pas le droit à la rente, dans la mesure où un désavantage salarial de 15% correspondait en l’espèce à une perte de gain de 6% (15% de 40%) et, partant, entraînait un taux d’invalidité de 66% inférieur aux 70% exigés pour ouvrir le droit à une rente entière d’invalidité. Ils ont donc entériné les décisions litigieuses en tant qu’elles allouaient à l’assuré trois quarts de rente à partir du 1er septembre 2020.

 

Consid. 5.2.2
Grâce aux mesures mises en œuvre par l’office AI, l’assuré a obtenu un Bachelor dans le secteur du design. Dès lors que celui-ci n’avait jamais travaillé dans le secteur pour lequel il avait été formé, la juridiction cantonale a déterminé son revenu sans invalidité sur la base de l’ESS. Elle a constaté à cet égard que, d’après la Nomenclature générale des activités professionnelles (NOGA 2008), le diplôme de designer (cf. ch. 741007 NOGA 2008) plaçait l’assuré dans le groupe des professions n° 73-75 de l’ESS (autres activités spécialisées, scientifiques et techniques) et, selon la Classification internationale type des professions (CITP 08), dans le groupe 21 (spécialistes des sciences techniques inclus dans le groupe 2 des professions intellectuelles et scientifiques), auquel un niveau de compétence 4 était attribué. L’assuré ne critique pas ces différents éléments. Dans la mesure où le diplôme obtenu récemment atteste que celui-ci a les connaissances et les compétences nécessaires pour travailler dans le domaine d’activité dans lequel il a été formé, il n’y a en principe pas de motif, pour fixer le revenu d’invalide, de se fonder sur un autre groupe d’activités de l’ESS ni un autre niveau de compétence que ceux retenus pour déterminer le revenu sans invalidité.

Invoquer les limitations fonctionnelles causées par les affections dont il souffre depuis sa chute du 02.06.2017 n’est par ailleurs d’aucune utilité à l’assuré. Ces limitations ne l’ont effectivement nullement empêché d’obtenir un diplôme de designer ni d’acquérir les connaissances et les compétences indispensables afin d’exercer une activité professionnelle dans ce secteur. Des limitations fonctionnelles ne sont de surcroît pas de nature à modifier les connaissances et les compétences acquises, d’autant moins lorsqu’elles étaient déjà présentes tout au long de cette formation spécialisée comme en l’occurrence. Elles servent notamment à évaluer la proportion dans laquelle la personne concernée peut encore réaliser les tâches inhérentes à l’activité dans laquelle elle vient d’être formée, comme en l’espèce. Concrètement, la prise en considération d’une capacité résiduelle de travail de 40% attestée par les experts et retenue par les autorités administrative et judiciaire signifie qu’il est exigible de la part de l’assuré qu’il assume toutes les tâches inhérentes à la profession de designer, comme son diplôme l’atteste, mais à un taux d’activité réduit. On ajoutera que l’expression utilisée afin de décrire le niveau de compétence 4 (tâches nécessitant une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions basées sur de vastes connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé) est une formule générale censée caractériser le type de compétences nécessaires pour réaliser les activités nombreuses et diverses comprises dans les deux groupes de professions de la CITP qui constituent le niveau de compétence 4 (les directeurs/trices, cadres de direction, gérant (e) s; les professions intellectuelles et scientifiques). De plus, le fait qu’un emploi adapté aux limitations fonctionnelles de l’assuré ne doit notamment pas impliquer la capacité à prendre des décisions immédiates, à traiter des informations simultanées, à s’adapter rapidement ou à planifier ne signifie pas que celui-ci est incapable de prendre des décisions ou de s’adapter, mais uniquement qu’il a besoin de plus de temps ou de plus de soutien pour mettre à profit les vastes connaissances théoriques et factuelles acquises grâce à sa formation supérieure dans le domaine spécialisé qu’est le design.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_260/2022 consultable ici

 

Estimation trimestrielle de l’évolution des salaires nominaux – 1e estimation basée sur les données du premier trimestre 2023

Estimation trimestrielle de l’évolution des salaires nominaux – 1e estimation basée sur les données du premier trimestre 2023

 

L’Office fédéral de la statistique (OFS) a publié le 31.05.2023 la 1e estimation basée sur les données du premier trimestre 2023. Le tableau se trouve ici :

  • en français (estimation trimestrielle de l’évolution des salaires nominaux)
  • en italien (stima trimestrale dell’evoluzione dei salari nominali)
  • en allemand (Quartalschätzungen der Nominallohnentwicklung)

L’estimation de l’évolution des salaires est nécessaire afin d’indexer un revenu (sans invalidité / d’invalide) à 2023 (arrêt du Tribunal fédéral 8C_659/2022+8C_707/2022 du 2 mai 2023 consid. 7.2).

 

Hausse du nombre d’heures travaillées en 2022 en Suisse – Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique [DNT]

Hausse du nombre d’heures travaillées en 2022 en Suisse – Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique [DNT]

 

Communiqué de presse de l’OFS du 22.05.2023 consultable ici

 

Pour rappel, ces statistiques sont nécessaires pour la détermination des revenus sans et avec invalidité en cas d’utilisation des salaires statistiques (ESS).

 

En 2022, 7,922 milliards d’heures ont été travaillées dans le cadre professionnel en Suisse, soit une augmentation de 1,3% par rapport à l’année précédente. Le niveau d’avant la pandémie a été retrouvé. Entre 2017 et 2022, la durée hebdomadaire effective de travail des salariés à plein temps s’est réduite en moyenne de 59 minutes pour s’établir à 39 heures et 59 minutes, selon les derniers résultats de l’Office fédéral de la statistique (OFS).

Selon la statistique du volume du travail de l’OFS (SVOLTA), le nombre total d’heures travaillées par l’ensemble des personnes actives occupées en Suisse a augmenté de 1,3% entre 2021 et 2022. Le volume d’heures de 2022 a retrouvé son niveau d’avant la pandémie de COVID-19 (+0,2% entre 2019 et 2022).

Entre 2021 et 2022, l’augmentation du volume du travail est due à la hausse du nombre d’emplois (+1,5%), compensée en partie par une baisse de la durée annuelle effective de travail par emploi (-0,2%). Si cette dernière a reculé malgré une forte baisse de la durée des absences due au chômage partiel (2021: 33 heures par emploi; 2022: 2 heures), c’est en raison de la réduction du nombre de jours travaillés (-1,3%; l’année 2022 a vu plus de jours fériés coïncider avec des jours ouvrables et davantage de vacances ont été prises).

 

Recul d’une heure du temps de travail sur cinq ans

Entre 2017 et 2022, la durée hebdomadaire effective de travail des salariés à plein temps (sans les salariés propriétaires de leur entreprise) s’est contractée de 59 minutes à 39 heures et 59 minutes. Ceci s’explique par une diminution de la durée hebdomadaire contractuelle de travail (-10 minutes à 41 heures et 43 minutes), une baisse de la durée hebdomadaire d’heures supplémentaires (-15 minutes à 40 minutes) et une augmentation de la durée hebdomadaire d’absences (+33 minutes à 2 heures et 25 minutes). Sur la même période, le nombre de semaines de vacances est passé de 5,1 à 5,2 semaines par année, soit un gain de 0,2 jour. Les salariés âgés de 20 à 49 ans disposent de 5,0 semaines de vacances, contre 5,4 semaines pour les 15-19 ans et 5,6 semaines pour les 50-64 ans.

 

Secteur primaire: près de 45 heures hebdomadaires

Ce sont les salariés à plein temps du secteur primaire qui ont accompli la charge de travail la plus élevée par semaine (durée effective de 44 heures et 58 minutes). Suivent, dans l’ordre, les branches «activités financières et d’assurances» (41 heures et 23 minutes), «activités spécialisées, scientifiques et techniques» (40 heures et 47 minutes) et «arts, loisirs, ménages privés, autres» (40 heures et 14 minutes). Les durées effectives les moins longues ont été enregistrées dans les branches «immobilier, activités administratives» (39 heures et 19 minutes) et «hébergement et restauration» (39 heures et 23 minutes).

 

Hausse des absences pour raison de santé

Entre 2021 et 2022, la durée moyenne annuelle des absences en raison de santé (maladie/accident) s’est accrue, passant de 53 à 64 heures par emploi. Par contre, la durée annuelle des absences en raison du chômage partiel des salariés a reculé de manière très marquée (de 33 à 2 heures). Les absences en raison d’obligations militaires ou civiles, de congé maternité et pour raisons personnelles ou familiales ont faiblement diminué. Enfin, les absences pour «autre raison» (p.ex. personnes en quarantaine ou restrictions d’activité des indépendants durant la pandémie de COVID-19) ont également baissé, passant de 24 à 17 heures par emploi.

 

Des comparaisons internationales très variées

À des fins de comparaisons internationales, la méthode de calcul de la durée de travail doit être adaptée (cf. annexe méthodologique). Principale adaptation, les personnes absentes toute la semaine sont exclues des calculs, ce qui conduit à une durée de travail bien plus élevée. Ainsi calculée, la durée hebdomadaire effective de travail des salariés à plein temps s’élève en Suisse à 42 heures et 44 minutes, ce qui la positionne en tête des pays de l’UE/AELE devant la Roumanie (40 heures et 3 minutes). La Belgique (36 heures et 27 minutes) et la Finlande (36 heures et 35 minutes) enregistrent la durée la moins élevée. La durée au sein de l’UE s’élevait en moyenne à 38 heures et 20 minutes.

En considérant l’ensemble des actifs occupés, la Suisse (35 heures et 45 minutes) se situe toutefois parmi les pays dont les durées hebdomadaires effectives de travail sont les moins élevées en 2022. Cela s’explique par la forte proportion de personnes occupées à temps partiel. La durée la plus haute et la plus basse ont été enregistrées respectivement en Grèce (39 heures et 41 minutes) et aux Pays-Bas (30 heures et 50 minutes), la moyenne de l’UE s’établissant à 35 heures et 56 minutes.

 

Enfin, en rapportant le volume total d’heures hebdomadaires travaillées à l’ensemble de la population de 15 ans et plus, la Suisse (22 heures et 48 minutes) se situe à nouveau parmi les pays dont les durées hebdomadaires effectives de travail sont les plus élevées. La position de la Suisse s’explique par la part élevée de personnes participant au marché du travail. La durée la plus haute et la plus basse ont été relevées respectivement en Islande (25 heures et 22 minutes) et en Italie (16 heures et 17 minutes). La moyenne de l’UE s’établit à 19 heures et 27 minutes.

 

 

Communiqué de presse de l’OFS du 22.05.2023 consultable ici

Tableau « Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique (NOGA 2008), en heures par semaine » disponible ici

 

9C_523/2022 (f) du 30.03.2023 – Révision d’une rente d’invalidité / Obligation d’annonce de l’assuré – 31 LPGA – 77 RAI / Détermination du revenu sans invalidité selon la table ESS TA1 et non T1_b / Niv. de comp. 2 pour le revenu sans invalidité pour un carrossier indépendant

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_523/2022 (f) du 30.03.2023

 

Consultable ici

 

Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA

Obligation d’annonce de l’assuré / 31 LPGA – 77 RAI

Détermination du revenu sans invalidité selon la table ESS TA1 et non T1_b / 16 LPGA

Niveau de compétences 2 pour le revenu sans invalidité pour un carrossier indépendant

Frais d’expertise privée à charge de l’office AI / 45 LPGA

 

Assuré, né en 1973, a travaillé depuis 1998 comme carrossier à titre indépendant. Par décision du 19.03.2012, l’office AI lui a reconnu le droit à un quart de rente d’invalidité du 01.08.2006 au 31.08.2010, puis à une rente entière dès le 01.09.2010. Le droit à la rente a été confirmé par communication du 06.09.2013.

En 2015, après avoir eu connaissance de l’inscription au registre du commerce, en date du 18.06.2013, de la société B.__ SA, dont l’administrateur unique avec signature individuelle était l’assuré, l’office AI a initié une révision du droit à la rente. L’office AI a notamment soumis l’assuré à une expertise auprès d’un spécialiste en médecine interne générale et en rhumatologie. Il a ensuite supprimé la rente d’invalidité de l’assuré avec effet rétroactif au 01.06.2013 (décisions des 18.04.2017 et 12.05.2017).

Saisie d’un recours de l’assuré contre la décision du 18.04.2017, la juridiction cantonale l’a admis, après avoir notamment diligenté une expertise bidisciplinaire (médecine interne générale et en rhumatologie et psychiatrie et psychothérapie). Elle a annulé la décision litigieuse et renvoyé la cause à l’office AI pour qu’il procède au calcul du taux d’invalidité de l’assuré en 2013, puis rende une nouvelle décision sur le droit à des prestations de l’assurance-invalidité dès le 01.06.2013. Par décisions des 03.07.2020 et 28.07.2020, l’administration a reconnu le droit de l’assuré à trois quarts de rente à partir du 01.06.2013.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 224/20 & AI 272/20 – 300/2022 – consultable ici)

Par jugement du 03.10.2022, rejet par le tribunal cantonal du recours formé par l’assuré contre ces décisions.

 

TF

Consid. 4

Dans l’arrêt entrepris du 03.10.2022, les juges cantonaux ont examiné si le calcul du taux d’invalidité de l’assuré opéré par l’office AI était ou non critiquable. Ils ont d’abord confirmé le revenu d’invalide arrêté par l’office AI, dans sa décision du 03.07.2020, à 26’499 fr. 46 (en se référant aux salaires statistiques de l’Enquête suisse sur la structure des salaires [ESS] 2012, tableau TA1, niveau de compétence 1, après adaptation à la durée hebdomadaire moyenne usuelle dans les entreprises en 2013 [41,7 heures] et compte tenu d’une capacité de travail de 50% avec une baisse de rendement moyenne de 15% et d’un abattement de 5%). Ensuite, ils ont fixé le revenu de valide à 70’781 fr. 94 (et non à 73’508 fr., comme l’avait fait l’office AI en application de la méthode extraordinaire à la suite de sa décision du 19 mars 2012). Pour ce faire, la juridiction cantonale s’est fondée sur le tableau TA1 de l’ESS 2012, niveau de compétence 2 dans le secteur du commerce de gros et de la réparation d’automobiles (lignes 45-46 du TA1_skill_level, secteur privé), soit un salaire mensuel de 5’539 fr., qu’elle a adapté à la durée hebdomadaire moyenne usuelle de la branche considérée en 2013 [42,3 heures] et indexé à l’année 2013. Après comparaison des revenus avec et sans invalidité, il en résultait un taux d’invalidité de 63%, ouvrant le droit à trois quarts de rente depuis juin 2013.

 

Consid. 5.4
Le grief de l’assuré tiré de la « soi-disant » violation de son devoir d’informer l’office AI en lien avec l’inscription d’une société au registre du commerce en 2013 n’est pas davantage fondé. On rappellera qu’en vertu des art. 31 LPGA et 77 RAI, les assurés sont tenus de communiquer les activités exercées, en tout temps. Chaque assuré doit annoncer immédiatement toute modification de la situation susceptible d’entraîner la suppression, une diminution ou une augmentation de la prestation allouée, singulièrement une modification du revenu de l’activité lucrative, de la capacité de travail ou de l’état de santé lorsqu’il est au bénéfice d’une rente d’invalidité. Pareille obligation était d’ailleurs mentionnée dans la décision d’octroi de rente du 19.03.2012, ainsi que dans la communication du 06.09.2013 confirmant le droit de l’assuré à une rente entière d’invalidité.

En l’espèce, il n’appartenait pas à l’assuré de choisir les activités qu’il devait annoncer à l’office AI. Il ne pouvait en effet pas ignorer que l’exercice d’une activité, quelle qu’elle fût, était susceptible d’entraîner une nouvelle appréciation de ses capacités de travail et de gain, pouvant aboutir le cas échéant à une modification de la rente, ce qui s’est d’ailleurs produit à l’issue de l’instruction du cas. Le fait de créer une société anonyme, d’en être l’administrateur unique et de s’impliquer dans son fonctionnement, même à titre « occupationnel » et sans en retirer « un quelconque revenu » comme le soutient l’assuré, constituait des circonstances qui devaient être annoncées à l’office AI, dans la mesure où elles étaient susceptibles d’avoir une influence sur son droit aux prestations (cf. arrêts 9C_16/2019 du 25 avril 2019 consid. 7; 9C_107/2017 du 8 septembre 2017 consid. 5.1). Partant, en retenant que l’assuré avait contrevenu à son obligation de renseigner en n’informant pas l’office AI de la création de B.__ SA, avec pour conséquence qu’elle a confirmé, dans l’arrêt incident du 10.11.2016, qu’une éventuelle suppression ou diminution du droit à la rente pouvait prendre effet de manière rétroactive au 01.06.2013, en application de l’art. 88bis al. 2 let. b RAI, la juridiction cantonale n’a pas violé le droit.

Consid. 5.5
Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations de l’instance précédente, selon lesquelles l’assuré dispose d’une capacité de travail de 50% avec une diminution de rendement de 10 à 20% depuis 2013 et qu’une éventuelle suppression ou diminution du droit à la rente pourrait, selon le taux d’invalidité de l’assuré en 2013, prendre effet de manière rétroactive au 01.06.2013 (art. 88bis al. 2 let. b RAI), au vu de la violation de l’obligation de renseigner. Le recours est mal fondé sur ce point.

 

Consid. 6.2
Concernant d’abord le grief de l’assuré relatif au « Choix du tableau ESS« , on rappellera que selon la jurisprudence, les statistiques du tableau TA1, secteur privé, salaires bruts standardisés sont en principe déterminantes (ATF 126 V 75 consid. 7a; 124 V 321 consid. 3b/aa; arrêt 8C_128/2022 du 15 décembre 2022 consid. 6.2.1). En l’occurrence, les juges cantonaux ont considéré il n’y avait pas lieu d’appliquer la table T1_b, qui regroupe les données salariales des secteurs privés et publics confondus. En ce qu’il se limite à affirmer, en citant des extraits de jurisprudence, que « [t]out indique » qu’il faut appliquer le tableau T1_b, branche 45-47 « commerce, réparation d’automobiles », de l’ESS 2012, en tenant compte du niveau de compétence maximal, avec pour conséquence, selon lui, que le revenu de valide devait être fixé à 119’553 fr., l’assuré ne fait pas état de circonstances qui justifieraient de ne pas appliquer le TA1 de l’ESS 2012 en l’espèce. Il ne conteste en particulier pas les constatations cantonales selon lesquelles, avant ses problèmes de santé, il n’avait été actif que dans le secteur privé. Partant, le grief de l’assuré est mal fondé.

Consid. 6.3
L’assuré reproche également à la juridiction de première instance d’avoir pris comme référence le niveau de compétence 2 du TA1 de l’ESS 2012, dans le secteur du commerce de gros et de la réparation d’automobiles (lignes 45-46 du TA1_skill_level, secteur privé). Il soutient, en se référant à sa fonction de « chef d’entreprise avec deux employés », qu’un niveau de compétence plus élevé devait être retenu.

Consid. 6.3.1
Le choix du niveau de compétence est une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 143 V 295 consid. 2.4). A la suite des juges cantonaux, on rappellera que depuis la dixième édition de l’ESS 2012, les emplois sont classés par l’Office fédéral de la statistique (OFS) par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. Les critères de base utilisés pour définir le système des différents groupes de profession sont les niveaux et la spécialisation des compétences requis pour effectuer les tâches inhérentes à la profession (arrêt 8C_444/2021 du 29 avril 2022 consid. 4.2.3 et les arrêts cités). Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf grands groupes de professions (voir tableau T17 de l’ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l’expérience professionnelle (voir tableau TA1_skill_level de l’ESS 2012; ATF 142 V 178 consid. 2.5.3). Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (arrêt 8C_444/2021 précité consid. 4.2.3 et les arrêts cités).

Consid. 6.3.2
Selon les constatations de la juridiction cantonale, non contestées par l’assuré, il est titulaire d’un CFC de tôlier en carrosserie, effectuait tous types de travaux de carrosserie dans son entreprise, s’occupait des contacts, ainsi que des devis et factures, et avait deux employés. Cette activité coïncide avec la définition du niveau de compétence 2 (comp. arrêt 8C_444/2021 précité consid. 4.2.4). En ce qui concerne l’expérience professionnelle de plusieurs années dont peut se prévaloir l’assuré – sans formation commerciale ni autres qualifications particulières acquises pendant l’exercice de la profession -, elle ne justifie pas à elle seule un classement supérieur au niveau de compétence 2 (cf. arrêts 8C_581/2021 du 19 janvier 2022 consid. 4.4; 9C_148/2016 du 2 novembre 2016 consid. 2.2), comme l’ont dûment rappelé les juges cantonaux. Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter du revenu sans invalidité qu’ils ont arrêté à 70’781 fr. 94. Le recours est mal fondé sur ce point également.

 

Consid. 7.1
L’assuré se plaint finalement d’une violation de l’art. 45 LPGA, en ce que la juridiction cantonale n’a pas mis les frais d’établissement de l’expertise du docteur G.__ du 18.07.2016 (1’500 fr.) à la charge de l’office AI. Il fait valoir à cet égard que l’expertise privée « a joué un rôle déterminant dans la résolution du litige », puisque le docteur G.__ aurait démontré que les conclusions du docteur C.__ étaient en contradiction avec la doctrine médicale, et affirme que sans celle-ci, le Tribunal cantonal n’aurait pas mis en œuvre l’expertise judiciaire bidisciplinaire.

Consid. 7.2
Aux termes de l’art. 45 al. 1 LPGA, les frais de l’instruction sont pris en charge par l’assureur qui a ordonné les mesures; à défaut, l’assureur rembourse les frais occasionnés par les mesures indispensables à l’appréciation du cas ou comprises dans les prestations accordées ultérieurement. Selon la jurisprudence, les frais d’expertise font partie des frais de procédure. Les frais d’expertise privée peuvent être inclus dans les dépens mis à la charge de l’assureur social lorsque cette expertise était nécessaire à la résolution du litige (ATF 115 V 62 consid. 5c; arrêt 9C_519/2020 du 6 mai 2021 consid. 2.2 et les arrêts cités).

Consid. 7.3
En l’espèce, dans l’arrêt du 02.12.2019, la juridiction cantonale a rejeté la demande de l’assuré au motif que le rapport du docteur G.__ du 18.07.2016 n’avait pas permis d’établir de manière concluante l’état de fait médical en palliant un défaut d’instruction de la part de l’office AI. Or dans la mesure où elle a considéré qu’une expertise judiciaire « s’avérait nécessaire afin de départager l’avis du [docteur] G.__ de celui du [docteur] C.__ », il convient d’admettre que le rapport du docteur G.__ a joué un rôle déterminant dans la résolution du litige. Par conséquent, les frais relatifs à cette expertise doivent être imputés à l’office AI. Le recours est bien fondé sur ce point.

Etant donné l’issue de la procédure, qui repose sur une situation juridique claire et dans laquelle l’assuré obtient gain de cause sur un point très accessoire, il convient de renoncer à un échange d’écritures (art. 102 al. 1 LTF; cf. arrêt 9C_474/2021 du 20 avril 2022 consid. 6.4 et la référence).

 

Le TF admet très partiellement le recours de l’assuré, réformant le jugement cantonal réformé en ce sens que les frais de l’expertise du docteur G.__ du 18 juillet 2016 (1’500 fr.) sont mis à la charge de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_523/2022 consultable ici

 

AI : Amélioration souhaitée de la méthode d’évaluation des revenus à comparer – Proposition d’un abattement forfaitaire de 10%

AI : Amélioration souhaitée de la méthode d’évaluation des revenus à comparer – Proposition d’un abattement forfaitaire de 10%

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 05.04.2023 consultable ici

 

Pour les assurés dont il est impossible de comparer les revenus effectifs avant et après la survenance de l’invalidité, la méthode d’évaluation du taux d’invalidité doit être améliorée. Lors de sa séance du 05.04.2023, le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation sur une modification du règlement sur l’assurance-invalidité en ce sens, procédure qui s’achèvera le 05.06.2023. Les revenus hypothétiques employés jusqu’ici, critiqués parce que trop élevés, seraient réduits en appliquant une déduction forfaitaire de 10% pour tenir compte des limitations rencontrées sur le marché du travail par les personnes handicapées. Cette adaptation conduirait à une augmentation des rentes AI. Requise de manière urgente par le Parlement, l’élaboration de nouveaux barèmes salariaux tenant compte de l’invalidité s’avère très longue et compliquée et n’est pour le moment pas réalisable. En revanche, l’adaptation proposée par le Conseil fédéral pourrait entrer en vigueur dès début 2024 avec l’effet escompté.

 

Le taux d’invalidité est déterminant pour le montant d’une rente AI. Il est calculé en comparant le revenu qu’une personne réalisait avant la survenance de l’invalidité avec celui qu’elle réalise une fois invalide. Exprimée en pourcentage, cette différence donne le taux d’invalidité. Si une personne invalide ne réalise pas de revenu, il faut déterminer quel revenu elle serait théoriquement en mesure d’obtenir compte tenu de sa situation. Pour ce faire, on se base sur les données de l’Office fédéral de la statistique (OFS) couvrant de nombreuses professions à différents niveaux de compétence. Ces données reflètent les revenus des personnes sans invalidité, qui ont tendance à être plus élevés que ceux que peuvent obtenir les personnes handicapées.

Or, si la comparaison des revenus est basée sur un revenu hypothétique trop élevé, il en résulte une différence trop faible avec le revenu réalisé avant l’invalidité, et donc un taux d’invalidité trop bas. Ainsi, la rente octroyée est, elle aussi, trop basse ; dans certains cas limites, l’assuré peut même perdre complètement le droit à une rente. La réforme de l’AI entrée en vigueur en 2022 a déjà permis de remédier en partie à ce problème. Afin de le corriger encore mieux, la modification du règlement sur l’assurance-invalidité (RAI) proposée par le Conseil fédéral prévoit que, lors de la comparaison des revenus, une déduction forfaitaire de 10% soit appliquée au revenu hypothétique tiré des données de l’OFS. Ce pourcentage est basé sur une estimation faite dans le cadre d’une étude du bureau BASS en 2021. Ce modèle alternatif permet d’obtenir l’effet souhaité par le Parlement. Il se base sur des méthodes statistiques reconnues, tient compte de l’état actuel de la recherche, est facile à appliquer et pourrait être mis en œuvre dès début 2024 et ne nécessite pas d’adaptations régulières importantes.

 

Les rentes en cours également concernées

Cette méthode s’appliquera à toute nouvelle rente AI octroyée à une personne sans revenu d’invalide. Les rentes en cours, elles, devront être révisées par les offices AI dans un délai de deux ans. Ce changement concerne uniquement les quelque 30’000 bénéficiaires sans revenu qui ne touchent pas actuellement de rente entière (donc, dont le taux d’invalidité est inférieur à 70%).

 

Conséquences financières pour l’AI et les autres assurances sociales

Selon une estimation grossière, le coût supplémentaire attendu pour l’AI s’élève à 85 millions de francs par an. Par ailleurs, un plus grand nombre de personnes dont le taux d’invalidité ne suffit pas pour obtenir une rente auront désormais droit à des mesures de reclassement. Le coût supplémentaire engendré est difficile à estimer de manière fiable.

Pour ce qui est des prestations complémentaires (PC), l’augmentation des rentes AI permettra d’une part de faire des économies. Néanmoins, étant donné qu’un plus grand nombre de personnes auront droit à une rente et donc potentiellement aussi à des PC, ce changement entraînera également des dépenses supplémentaires. Estimé à 23 millions de francs par an, ce coût sera assumé aux 5/8 par la Confédération et aux 3/8 par les cantons. D’après une estimation approximative, le coût supplémentaire pour la prévoyance professionnelle pourrait s’élever à environ 20 millions de francs par an.

 

Modification de l’art. 26bis al. 3 RAI

Une déduction de 10% est opérée sur la valeur statistique visée à l’al. 2. Si, du fait de l’invalidité, l’assuré ne peut travailler qu’avec une capacité fonctionnelle au sens de l’art. 49, al. 1bis, de 50% ou moins, une déduction supplémentaire de 10% est opérée.

 

Rapport explicatif du 5 avril 2023 pour la procédure de consultation

Rapport explicatif du 5 avril 2023 pour la procédure de consultation

Proposition de nouvelle réglementation pour l’évaluation du taux d’invalidité

Afin de déterminer s’il existe un droit à une rente et, si oui, à quel montant elle s’élève, il faut calculer le taux d’invalidité. La notion d’invalidité a un sens économique : elle renvoie au pourcentage de perte de gain subie. Le revenu réalisé avant la survenance de l’invalidité (revenu sans invalidité) est comparé avec celui pouvant encore être perçu avec l’atteinte à la santé (revenu avec invalidité). Lors du calcul du taux d’invalidité, l’AI se base ainsi sur les revenus avec et sans invalidité pour pouvoir déterminer le pourcentage de perte de gain, c’est-à-dire, si possible, sur le revenu effectif réalisé par la personne avant la survenance de l’invalidité et sur celui qu’elle touche dans sa nouvelle activité avec atteinte à la santé. Faute de revenus effectifs, l’AI doit tout de même utiliser des revenus de référence avec et sans invalidité ; elle se fonde alors sur des valeurs statistiques. Elle utilise pour cela l’ESS. Elle en tire le revenu que la personne assurée pourrait toucher dans une activité raisonnablement exigible d’elle sur un marché du travail équilibré, et celui auquel elle aurait pu prétendre compte tenu de sa formation avant d’être atteinte dans sa santé.

Concrètement, cela signifie que les médecins du service médical régional (SMR) compétent pour l’assurance-invalidité doivent procéder à une évaluation complète de la capacité fonctionnelle restante de l’assuré en se basant sur les rapports des médecins traitants, le cas échéant sur leurs propres examens et, au besoin, sur les expertises de médecins spécialistes. Ils prennent pour cela en compte tous les facteurs médicaux limitant la capacité fonctionnelle, mais aussi, depuis le 1er janvier 2022, les limitations dues à l’atteinte à la santé. Autrement dit, toute limitation quantitative ou qualitative due à l’invalidité lors de l’exercice d’une activité lucrative (par ex. le besoin de davantage de pauses, des limites d’effort, un ralentissement en comparaison avec une personne en bonne santé, etc.) est évaluée et consignée. Ainsi, la capacité fonctionnelle est déterminée tant à partir des facteurs médicaux que des limitations qualitatives et quantitatives dues à l’atteinte à la santé ; elle est prise en compte dans le calcul du revenu avec invalidité.

[…]

Il est important de souligner que l’OFS a soumis les données relevées pour les barèmes ESS 2020 à un contrôle de plausibilité amélioré. Ce contrôle a permis d’une part de corriger les valeurs aberrantes telles que celles du secteur des assurances en 2018. D’autre part, il a entraîné la baisse des valeurs médianes du tableau TA1_tirage_skill_level pour le niveau de compétence 1 – qui est aussi le plus utilisé – en 2020 par rapport à 2018. Ainsi, le salaire médian des hommes de niveau de compétence 1 est passé de 5417 francs en 2018 à 5261 francs en 2020. Le salaire médian des femmes, lui, est passé de 4371 francs en 2018 à 4276 francs en 2020. Tous les calculs effectués avec valeurs médianes nouvellement plus basses entraîne d’ores et déjà des taux d’invalidité plus élevés qu’auparavant.

 

Mise en oeuvre

Une modification des dispositions légales se répercute en principe aussi sur les pres-tations en cours, sous réserve de dispositions transitoires contraires (ATF 121 V 157, consid. 4a). Afin de garantir l’égalité de traitement entre tous les assurés, l’adaptation des rentes en cours doit être réglée par une disposition transitoire.

[…]

En principe, il faut s’attendre à ce que la capacité fonctionnelle des assurés soit redéfinie par le SMR dans de nombreux cas et que de nombreux assurés soient soumis à une nouvelle expertise, ce qui augmentera de manière significative le nombre d’expertises et, par conséquent, les délais d’attente. Avec l’augmentation inattendue du nombre de révisions de rentes suite à la motion, un plus grand nombre d’assurés verront leur taux d’invalidité augmenter et passeront donc au système de rentes linéaire plus tôt que ne le prévoyaient les dispositions transitoires du Développement continu de l’AI.

[…]

Les personnes dont la demande de rente a déjà été refusée ne feront pas l’objet d’un examen automatique selon les nouvelles dispositions. Les assurés concernés devront eux-mêmes faire une nouvelle demande qui sera soumise aux dispositions du règlement dans son ensemble.

 

Commentaire de la modification de l’art. 26bis al. 3 RAI

Le revenu avec invalidité (anciennement «revenu d’invalide») est toujours déterminé sur la base des valeurs médianes des barèmes ESS utilisés jusqu’ici ; en revanche, une déduction forfaitaire est opérée sur la valeur statistique ainsi obtenue. Cette déduction vise à compenser le fait qu’il est plus difficile pour une personne atteinte dans sa santé de réaliser un tel revenu. Elle s’élève à 10% pour tous les types d’atteinte à la santé. Cela permet de garantir l’égalité de traitement de tous les assurés, qu’il s’agisse d’hommes ou de femmes et qu’ils soient atteints d’un handicap physique, psychique ou cognitif.

En plus de la déduction forfaitaire en raison de la difficulté de réalisation du revenu découlant les tabelles ESS en raison de l’invalidité, une déduction pour travail à temps partiel continue à être octroyée si l’assuré n’a plus qu’une capacité fonctionnelle de 50% ou moins. Cette déduction est maintenue à 10%, ce qui signifie que dans de tels cas, la déduction totale opérée sur la valeur statistique s’élève à 20%.

 

Conséquence pour la prévoyance professionnelle

Les prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle sont calculées sur la base du taux d’invalidité établi par l’assurance-invalidité. Si les taux d’invalidité calculés par l’AI sont plus élevés, les rentes servies par la prévoyance professionnelle augmenteront en conséquence, ainsi que leur nombre. Il faut cependant rappeler ici que les prestations de la prévoyance professionnelle sont réduites en cas de surindemnisation. En outre, les institutions de prévoyance disposent d’une grande marge de manoeuvre dans la partie surobligatoire et peuvent décider dans quelle mesure elles veulent répercuter dans ce domaine une augmentation du taux d’invalidité qui n’est contraignante que pour le régime obligatoire. Les estimations qui suivent ne donnent donc qu’un ordre de grandeur approximatif du supplément de coût.

Le montant annuel total des rentes d’invalidité versées par la prévoyance professionnelle (régime surobligatoire compris) s’élevait environ à 1,9 million de francs en 2020. Partant de l’hypothèse selon laquelle le taux d’invalidité est basé sur un salaire statistique dans deux tiers des cas, la somme des rentes versées par la prévoyance professionnelle augmenterait d’une valeur estimée à 1.1 % avec une déduction forfaitaire du revenu avec invalidité de 10 %, ce qui correspond à un montant d’environ 20 millions de francs par an.

 

Conséquence pour l’assurance-accidents et l’assurance militaire

Faute d’une norme de délégation suffisante, la nouvelle déduction forfaitaire introduite dans l’assurance-invalidité ne peut pas être déclarée applicable, au niveau d’ordonnance, à l’assurance-accidents et l’assurance militaire. Il reviendra finalement à la jurisprudence de déterminer si, même en l’absence d’une disposition correspondante, la déduction forfaitaire peut également s’appliquer dans l’assurance-accidents et l’assurance militaire.

Lorsqu’il existe une rente de l’assurance-invalidité, l’assurance-accidents ne verse qu’une rente complémentaire. Il en résultera des économies pour l’assurance-accidents si l’assurance-invalidité verse de nouvelles rentes AI ou des rentes plus élevées. Il n’est actuellement pas possible d’estimer le montant des économies qui seront réalisées par l’assurance-accidents.

 

 

Remarques personnelles

Le conseiller fédéral Alain Berset avait déjà évoqué cette possibilité d’un abattement forfaitaire lors de la séance du 14.12.2022 au Conseil national (cf. notre article ici).

Comme le souligne le rapport explicatif du 5 avril 2023 pour la procédure de consultation, la modification est réalisée dans le cadre du RAI, excluant l’assurance-accidents et l’assurance militaire. A la lecture de ce rapport, on peut s’étonner de l’absence de volonté d’une harmonisation de la notion de l’incapacité de gain et de l’invalidité ainsi que de leur calcul. Il aurait été plus judicieux de procéder à une modification dans l’OPGA. Cette situation est inconfortable pour l’ensemble des parties (assurés, avocats, administrations, tribunaux).

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 05.04.2023 consultable ici  

Migliore confronto dei salari per le persone con invalidità, Comunicato stampa del Consiglio federale, 05.04.2023, disponibile qui

Modifica di ordinanza e rapporto esplicativo per l’indizione della procedura di consultazione

Verbesserter Lohnvergleich für Menschen mit Invalidität, Medienmitteilung des Bundesrats, 05.04.2023, hier verfügbar

Verordnungsänderung und erläuternder Bericht zur Eröffnung des Vernehmlassungsverfahrens

 

 

 

Modifié le 05.04.2023 – 18h20, le rapport explicatif étant désormais disponible

 

9C_611/2021 (f) du 21.11.2022 – Revenu sans invalidité selon ESS TA1 – Deux professions définies séparément dans la classification internationale type des professions (CITP-08) – 16 LPGA / Augmentation du taux d’activité non retenue au degré de la vraisemblance prépondérante

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_611/2021 (f) du 21.11.2022

 

Consultable ici

 

Revenu sans invalidité selon ESS TA1 – Deux professions définies séparément dans la classification internationale type des professions (CITP-08) / 16 LPGA

Revenu sans invalidité fixé sur la moyenne des revenus perçus lors des cinq années qui ont précédé l’atteinte à la santé puis indexée

Augmentation du taux d’activité non retenue au degré de la vraisemblance prépondérante

 

Assurée, titulaire d’un diplôme de comédienne, a travaillé, parallèlement à son activité de comédienne, en dernier lieu pour une association comme enseignante de théâtre, de danse et de yoga environ douze heures par semaine (du 20.09.2011 au 30.06.2012). En arrêt de travail depuis le 24.05.2012, elle a déposé une demande AI le 14.02.2013.

En se fondant sur l’avis du spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et médecin traitant, l’office AI a mis en œuvre différentes mesures de réadaptation d’ordre professionnel, dont le reclassement professionnel de l’assurée comme assistante de direction à 50% à compter du 06.04.2016. Au terme de sa formation, l’assurée a été engagée comme assistante marketing et communication à un taux d’activité de 45% dès le 01.09.2018.

L’office AI a octroyé à l’assurée une rente entière de l’assurance-invalidité du 01.08.2013 au 30.11.2018, puis une demi-rente d’invalidité dès le 01.12.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 285/21 ap. TF – 309/2021 – consultable ici)

Par jugement du 14.10.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
La juridiction cantonale a constaté que l’assurée avait durablement retrouvé une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée à ses restrictions fonctionnelles dès le mois de décembre 2015. Elle a fixé le revenu avec invalidité à l’issue du reclassement professionnel en 2018 de l’assurée à 28’445 fr. (ESS 2018, tableau TA1_skill_level, lignes 77, 79-82 « services administratifs », niveau de compétence 2 [« Tâches pratiques »], durée hebdomadaire de travail de 41,7 heures, abattement de 5%). En ce qui concerne le revenu sans invalidité de l’année 2018, la cour cantonale l’a fixé à 64’551 fr. (ESS 2018, tableau TA1_skill_level, ligne 90-93 « arts, spectacles et activités récréatives », niveau de compétence 2, durée hebdomadaire de travail de 41,7 heures). Le degré d’invalidité s’élevait dès lors à 56% (55,93%), donnant droit à une demi-rente d’invalidité dès le 01.12.2018, soit trois mois après la fin du reclassement professionnel.

 

Consid. 4.1
Pour déterminer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que la personne assurée aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant si elle n’était pas devenue invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. C’est pourquoi il se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l’assuré avant l’atteinte à la santé, en posant la présomption qu’il aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité (ATF 144 I 103 consid. 5.3; 139 V 28 consid. 3.3.2; arrêt 8C_934/2015 du 9 mai 2016 consid. 2.2 et les références). Le salaire réalisé en dernier lieu par l’assuré comprend tous les revenus d’une activité lucrative (y compris les gains accessoires, la rémunération des heures supplémentaires effectuées de manière régulière) soumis aux cotisations à l’assurance-vieillesse et survivants (AVS; arrêt 8C_289/2021 du 3 février 2022 consid. 3.1.2 et la référence).

Consid. 4.2
En l’espèce, la juridiction cantonale a constaté, de manière à lier le Tribunal fédéral, que l’assurée était comédienne et dispensait parallèlement à cette activité des cours dans le domaine artistique (théâtre, danse et yoga) au moment de la survenance de son atteinte à la santé. A l’inverse de ce que la juridiction cantonale a retenu, il ne s’agit pas là d’un ensemble d’emplois dont les principales tâches se caractérisent par un degré élevé de similarité, mais de deux professions définies séparément dans la classification internationale type des professions (CITP-08).

La ligne 85 de l’ESS 2018 (enseignement) comprend ainsi l’enseignement culturel, soit les activités de formation dans le domaine des arts, du théâtre et de la musique (branche 855200). Les structures dispensant ce type de formation (écoles, ateliers, classes, etc.) offrent des cours formellement organisés, principalement à des fins récréatives, de loisirs ou de développement personnel, et ces cours ne débouchent pas sur un diplôme professionnel.

L’activité de comédienne est intégrée, pour sa part, dans les activités « Arts, spectacles et activités récréatives » de la ligne 90 de l’ESS 2018, laquelle comprend les prestations de services en vue de répondre aux intérêts des clients en matière de culture et de divertissement, singulièrement la fourniture de compétences artistiques, créatives et techniques nécessaires à la production de spectacle et de produits artistiques (branche 900101 [troupes de théâtre et de ballet]).

Consid. 4.3
La juridiction cantonale ne pouvait par conséquent pas se fonder sur la ligne 90 de l’ESS 2018 pour déterminer le revenu sans invalidité de l’assurée pour l’année 2018. Selon les faits constatés par les juges cantonaux, l’assurée a en revanche perçu de ses différentes activités un revenu annuel (brut) total de 54’751 fr. en 2006, de 65’479 fr. en 2007, de 65’069 fr. en 2008, de 60’494 fr. en 2009, de 61’614 fr. en 2010 et de 53’796 fr. en 2011. On cherche en vain dans le recours quel élément concret aurait permis à l’assurée d’augmenter significativement ses revenus entre la période courant de 2007 à 2011 (cinq années qui ont précédé la survenance de son atteinte à la santé) et l’année 2018. Elle ne prétend en particulier pas qu’elle s’attendait à une évolution significative de sa carrière de comédienne et que cette évolution aurait été entravée par la survenance de son atteinte à la santé en 2012. Le fait qu’elle élevait seule ses deux enfants, nés en 1998 et 2003, ou qu’elle était une comédienne « particulièrement brillante », ne suffit en particulier pas à établir que le revenu de son activité de comédienne aurait augmenté de manière significative en 2018.

En se fondant sur l’attestation de l’association du 07.04.2021, l’assurée affirme en revanche qu’elle aurait augmenté son taux d’activité comme enseignante de 40% à 50% dès le 01.09.2013, ce qui aurait permis d’augmenter ses revenus. Selon les faits constatés par la juridiction cantonale, cette attestation contredit cependant pour partie les renseignements communiqués par l’association le 01.03.2013 et est signée notamment par le frère de l’assurée. Le 01.03.2013, à l’invitation de l’office AI, l’association avait ainsi indiqué que l’assurée avait travaillé à environ 40% et que son contrat de travail avait pris fin le 30.06.2012; elle n’avait nullement mentionné à l’époque une augmentation du taux d’activité de l’assurée (ni d’ailleurs une prolongation du contrat de travail au-delà du 30.06.2012). Dans ces conditions, les juges cantonaux ont considéré sans arbitraire que les attestations produites en 2021, soit plusieurs années après la fin du contrat de travail de l’assurée, ne permettaient pas d’établir, au degré de la vraisemblance prépondérante applicable dans le domaine des assurances sociales, que l’assurée aurait augmenté son taux d’activité à 50% comme enseignante en 2013 et au-delà. Au demeurant, dans la mesure où l’assurée avait débuté les répétitions en vue de l’interprétation d’une nouvelle pièce de théâtre en 2011, il apparaît peu vraisemblable qu’elle eût simultanément convenu avec son employeur d’augmenter son taux d’activité comme enseignante.

Consid. 4.4
Par conséquent, le Tribunal fédéral retient que la moyenne des revenus perçus lors des cinq années qui ont précédé l’atteinte à la santé (2012) exprime de manière suffisamment vraisemblable le revenu qui aurait été celui de l’assurée en 2018, après la prise en compte de l’évolution des salaires nominaux. L’assurée aurait ainsi perçu un revenu annuel (brut) de 63’974 fr. 29 en 2018 ([65’479 fr. + 65’069 fr. + 60’494 fr. + 61’614 fr. + 53’796 fr.] / 5 x 131.1 / 125.6 [évolution de l’indice des salaires nominaux, 2011-2018]). Comparé avec un revenu d’invalide (non contesté) de 28’445 fr. en 2018, le taux d’invalidité de l’assurée s’élève à 56% (55,54%). Il est insuffisant pour donner droit à trois quarts de rente (anc. art. 28 al. 2 LAI).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_611/2021 consultable ici

 

9C_641/2021 (f) du 10.11.2022 – Revenu sans invalidité selon T17 au lieu du TA1_skill_level – 16 LPGA / Revenu d’invalide selon le niveau de compétences 2 du TA1_skill_level

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_641/2021 (f) du 10.11.2022

 

Consultable ici

 

Revenu sans invalidité selon T17 au lieu du TA1_skill_level / 16 LPGA

Revenu d’invalide selon le niveau de compétences 2 du TA1_skill_level

 

Assurée, née en 1991, travaillait pour un hôpital à 70% depuis son engagement le 01.03.2015 puis à 50% depuis le 01.01.2017. Elle accomplissait diverses tâches (service à la clientèle, achalandage, nettoyage, réapprovisionnement des stocks, commande, rangement) au sein du restaurant et du kiosque. Invoquant un angiome au bras droit apparu en 2000 et totalement incapacitant dès le 04.01.2017, elle a déposé une demande AI le 05.01.2017.

Expertise pluridisciplinaire (spécialistes en chirurgie orthopédique, neurologie et médecine interne générale) mise en œuvre par l’office AI. Les experts ont diagnostiqué un hémangiome caverneux avec foyer d’hémangio-endothéliome intra-vasculaire végétant de Masson et avec douleurs chroniques localisées à la région trois fois opérée en 2001, 2007 et 2017 de la partie proximale de l’avant-bras droit. D’après eux, l’intéressée pouvait exercer son métier de gestionnaire en intendance à 54% (taux horaire de 60% avec diminution de rendement de 10%) et toute autre activité mieux adaptée à sa situation médicale à 72% (taux horaire de 80% avec diminution de rendement de 10%) sans interruption depuis 2007 hormis durant les périodes d’incapacité totale de travail de trois mois liées aux opérations (rapport d’expertise du 09.12.2019). Le médecin du SMR a déduit des rapports médicaux récoltés qu’à l’exception de la période du 04.01.2017 au 24.11.2017, au cours de laquelle elle avait occasionné une incapacité totale de travail, l’affection en cause avait permis depuis 2007 et permettait encore l’exercice de l’activité habituelle ou d’une activité adaptée aux taux fixés par les experts.

Se fondant sur le rapport de son médecin-conseil, l’office AI a alloué à l’assurée une rente entière d’invalidité du 01.07.2017 au 28.02.2018.

 

Procédure cantonale

Saisie du recours de l’assurée, confirmé après l’annonce d’une possible modification de la décision administrative, la Cour de droit public du Tribunal cantonal de la République et canton de Neuchâtel l’a rejeté. Il a réformé la décision entreprise en ce sens que la demande de prestations présentée par l’intéressée le 5 janvier 2017 était rejetée (arrêt du 29 octobre 2021).

 

Par jugement du 29.10.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal et reformatio in peius (décision réformée en ce sens que la demande de prestations présentée par l’intéressée le 05.01.2017 était rejetée)

 

TF

Consid. 4
Se fondant sur le rapport d’expertise, jugé probant, la juridiction cantonale a constaté que l’assurée avait une capacité de travail de 54% dans l’activité habituelle et de 72% dans une activité adaptée sans interruption depuis 2007 sauf durant les trois mois ayant suivi l’opération du 24.08.2017. Elle a par conséquent considéré que l’office AI avait indûment alloué à l’assurée une rente entière du 01.07.2017 au 28.02.2018. En effet, les conclusions des experts ne permettaient ni de retenir une incapacité totale de travail au moment du dépôt de la demande de prestations le 05.01.2017 ou à l’échéance du délai de carence le 01.07.2017, ni de conclure à une amélioration de la situation à compter du 25.11.2017. Procédant à l’évaluation du taux d’invalidité, elle a comparé un revenu sans invalidité de 54’330 fr. par an (reposant sur l’ESS 2016, Tableau T17, groupe 51, total femmes, tous âges confondus, adapté à l’horaire moyen de la branche et à l’évolution des salaires nominaux pour 2017) à un revenu avec invalidité de 43’697 fr. par an (fondé également sur l’ESS 2016, Tableau TA1_tirage_skill_level, total femmes, niveau de compétence 2, adapté à l’horaire moyen de la branche et à l’évolution des salaires nominaux pour 2017), auquel elle a appliqué un abattement de 15%. Elle a abouti à un degré d’invalidité de 32% insuffisant pour donner droit à une rente. Elle est parvenue à la même conclusion en se référant au niveau de compétence 1 du Tableau TA1_tirage_skill_ level pour déterminer le revenu d’invalide (de 33’537 fr. 25; taux d’invalidité de 38%). Elle a dès lors réformé la décision litigieuse, en ce sens que la demande de l’assurée était rejetée.

 

Consid. 6.2.1
S’agissant d’abord du revenu sans invalidité, l’assurée soutient que le choix du Tableau T17, groupe 51, de l’ESS (« personnel des services directs aux particuliers » en lien avec le chiffre 515 de la Classification internationale des types de professions [CITP-08], qui comprenait les gouvernantes et les concierges en plus des intendants) était arbitraire et réducteur dans la mesure où, avec un CFC, elle aurait pu prétendre un salaire supérieur. Elle considère que la juridiction cantonale n’aurait pas dû s’écarter du choix pertinent de l’office AI qui s’était porté sur la ligne 45-96 (« secteur des services ») ou la ligne 86-88 (« santé humaine et action sociale ») du Tableau TA1_tirage_skill_level.

Consid. 6.2.2
Vu l’apprentissage de gestionnaire en intendance que l’assurée avait entrepris mais n’avait pas pu achever en raison de son handicap, la juridiction cantonale a déterminé le revenu sans invalidité en se référant au Tableau T17 de l’ESS 2016 pour mieux prendre en considération les circonstances du cas particulier conformément à la jurisprudence (cf. arrêt 8C_66/2020 du 14 avril 2020 consid. 4.2.2 et les références). En se limitant à soutenir que le choix du groupe 51 du Tableau T17 par le tribunal cantonal était réducteur, l’assurée ne démontre pas que ce choix était contraire au droit dans la mesure où, selon la CITP-08, le groupe en question contient précisément les professionnels qui exercent le métier qu’elle aurait pu pratiquer sans son invalidité selon la description non contestée qu’en a fait la juridiction cantonale. Le choix de ce groupe était donc plus pertinent que les lignes 45-96 ou 86-88 du Tableau TA1_tirage_skill_level retenu par l’office AI dès lors qu’il permet de déterminer plus exactement le revenu sans invalidité.

 

Consid. 6.3.1
S’agissant ensuite du revenu d’invalide, l’assurée fait valoir qu’il convient de retenir le niveau de compétence 1 du Tableau TA1_tirage_skill_level appliqué par le tribunal cantonal dès lors que le niveau de compétence 2 conduit au constat arbitraire qu’elle serait en mesure de gagner plus en mauvaise santé qu’en bonne santé.

Consid. 6.3.2
Le choix du niveau de compétence applicable est une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 143 V 295 consid. 2.4; 132 V 393 consid. 3.3). Depuis la dixième édition de l’ESS (2012), les emplois sont classés par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. Les critères de base utilisés pour définir le système des différents groupes de profession sont les niveaux et la spécialisation des compétences requis pour effectuer les tâches inhérentes à la profession. Quatre niveaux de compétence ont été définis. Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé. Entre ces deux extrêmes figurent les professions intermédiaires. Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé. Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (cf. arrêt 8C_66/2020 du 14 avril 2020 consid. 4.2.1 et les références). Si l’on peut douter avec l’assurée du choix du niveau de compétence 2 pour déterminer le revenu d’invalide au regard de la jurisprudence à cet égard (cf. arrêts 8C_156/2022 du 29 juin 2022 consid. 7.2; 8C_131/2021 du 2 août 2021 consid. 7.4.1 et les références), la question peut toutefois rester ouverte. En effet, les premiers juges ont également procédé à la comparaison des revenus en se fondant sur le niveau de compétence 1 du Tableau TA1_tirage_skill_level et ont abouti à un taux d’invalidité de 38% n’ouvrant pas le droit à une rente.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_641/2021 consultable ici

 

8C_196/2022 (f) du 20.10.2022 – Prise en compte d’une activité accessoire exigible dans le revenu d’invalide – Total de 50h/sem. – 16 LPGA – LTr / Assuré d’âge avancé – 28 al. 4 OLAA (variante I)

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_196/2022 (f) du 20.10.2022

 

Consultable ici

 

Prise en compte d’une activité accessoire exigible dans le revenu d’invalide – Total de 50h/sem. / 16 LPGA – LTr

Assuré d’âge avancé / 28 al. 4 OLAA (variante I)

Pas d’abattement à cause de l’âge avancé en présence d’un cas d’application de l’art. 28 al. 4 OLAA

 

Assuré, , né en 1952, a travaillé comme concierge salarié à 100%. En parallèle, il a exercé une activité accessoire de concierge salarié à temps partiel. Le 17.12.2015, il s’est fait renverser par une camionnette en traversant la route sur un passage piéton. L’assuré a subi plusieurs opérations, notamment au genou droit et au niveau de la hanche gauche avec, au final, la mise en place d’une prothèse unicompartimentale du genou droit le 28.09.2017.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a octroyé à l’assuré une IPAI de 20%; en revanche, elle lui a refusé le droit à une rente d’invalidité au motif que les séquelles accidentelles causales ne réduisaient pas de façon importante sa capacité de gain.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/147/2022 – consultable ici)

Se fondant sur les rapports des médecins-conseil de l’assurance-accidents, la cour cantonale a d’une part retenu une exigibilité de 100% dans toute activité permettant à l’assuré d’alterner les positions debout et assise, respectivement d’éviter le port de charges supérieures à 10 kg, les montées d’escaliers, les déplacements rapides et les positions agenouillées, l’activité antérieure de concierge étant quant à elle exigible à 80%. D’autre part, la cour cantonale a retenu qu’une activité accessoire à « un taux de 21.84% » était exigible en sus de l’activité principale.

Sur ces prémisses, les juges cantonaux ont évalué le taux d’invalidité en prenant en compte, pour l’activité principale, un revenu d’invalide de 67’406 fr. sur la base des données statistiques résultant de l’ESS 2016, en prenant comme salaire de référence celui auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives (niveau de compétence 1) dans le secteur privé (TA1_skill_level, ligne total, adapté à la durée hebdomadaire de 41.7 heures et à l’évolution des salaires jusqu’en 2018). A ce montant de 67’406 fr., ils ont ajouté un montant annuel de 14’722 fr. au titre de gain accessoire, correspondant au taux d’exigibilité de 21.84%. Ils ont ensuite opéré un abattement de 5% pour les limitations fonctionnelles en lien avec la prothèse au genou droit pour aboutir à un revenu avec invalidité de 78’022 fr.

Concernant le revenu sans invalidité, les juges cantonaux ont considéré que c’était en raison de son âge de 66 ans au moment de l’ouverture du droit à la rente que l’assuré n’avait pas repris d’activité lucrative. Ainsi, en application de l’art. 28 al. 4 OLAA, l’assurance-accidents était fondée à fixer le revenu sans invalidité en tenant compte du gain qu’un assuré d’âge moyen aurait pu réaliser, soit 82’355 fr. selon les revenus communiqués par les deux anciens employeurs, ce qui conduisait à un taux d’invalidité de 5% (arrondi). Ils ont toutefois ajouté que même si l’on devait se fonder sur le revenu sans invalidité proposé par l’assuré, soit 84’955 fr., le taux d’invalidité ne s’élèverait qu’à 8% et se révélerait donc également insuffisant pour ouvrir le droit à une rente.

Par jugement du 21.02.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.2
Selon la jurisprudence, le revenu obtenu avant l’atteinte à la santé doit être calculé compte tenu de tous ses éléments constitutifs, y compris de ceux qui proviennent d’une activité accessoire, lorsque l’on peut admettre, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré aurait continué à percevoir de tels revenus sans l’atteinte à la santé. Ceux-ci doivent également être pris en considération dans le revenu d’invalide lorsqu’il est établi que l’assuré est toujours en mesure, sur le plan médical, de réaliser des revenus d’appoint (arrêts 8C_922/2012 du 26 février 2013 consid. 5.2; 8C_671/2010 du 25 février 2011 consid. 4.5 et 5, in: SVR 2011 IV n° 55 p. 163). De même qu’en ce qui concerne l’activité principale, il convient d’examiner sur la base des avis médicaux quelle activité accessoire est exigible au regard de l’état de santé et dans quelle mesure (arrêts 8C_765/2016 du 13 septembre 2017 consid. 4.5, in: SVR 2018 UV n° 12 p. 29; 9C_883/2007 du 18 février 2008 consid. 2.3; U 130/02 du 29 novembre 2002 consid. 3.2.1, in: RAMA 2003 n° U 476 p. 107).

Consid. 5.3
L’assuré soutient que la cour cantonale aurait fait fi des circonstances du cas d’espèce. Ainsi, l’activité de concierge serait très spécifique dès lors qu’en pratique, cette activité consisterait en une mise à disposition du temps de travail plutôt qu’en l’exercice de tâches répétitives durant tout l’horaire de travail. Cela expliquerait qu’il aurait été en mesure, en sus de son horaire habituel de travail à plein temps, de mettre à disposition d’un autre employeur quelques heures supplémentaires; à cela s’ajouterait que le cumul de ces activités n’aurait été possible qu’en raison de la très grande proximité géographique de deux sites. A l’inverse, l’essentiel des activités « simples et répétitives » recensées dans les données statistiques de l’ESS ne présenterait pas les mêmes caractéristiques, requérant un travail effectif durant la totalité de l’horaire de travail, soit plus de 50 heures par semaine, en cumulant par exemple deux activités professionnelles « ordinaires » dans le secteur industriel, ce que l’on ne saurait exiger de lui.

Consid. 5.4
L’assuré ne remet plus en question les appréciations médicales qui lui attestent une capacité de travail sans limitation horaire dans toute activité adaptée et qui constituent le fondement de la constatation de la cour cantonale concernant l’exigibilité médicale d’une activité adaptée à un taux de 121.84%. En tant qu’il fait référence aux particularités de ses activités antérieures, il ne saurait être suivi, vu que les attestations médicales se prononcent sur sa capacité de gain résiduelle après l’accident. Cependant, il fait valoir que ce taux d’activité très élevé de 121.84% correspond à une durée d’activité de plus de 50 heures par semaine. Par conséquent, il se pose la question de savoir (déjà soulevée dans l’arrêt 8C_765/2016 du 13 septembre 2017 consid. 4.6) si une telle activité accessoire était exigible au regard de la législation concernant la durée maximum de travail. L’art. 9 al. 1 LTr dispose que la durée maximale de la semaine de travail est de 45 heures pour les travailleurs occupés dans les entreprises industrielles ainsi que pour le personnel de bureau, le personnel technique et les autres employés, y compris le personnel de vente des grandes entreprises de commerce de détail (let. a) et de 50 heures pour tous les autres travailleurs (let. b). Cette durée maximale inclut d’éventuelles activités accessoires (ROLAND A. MÜLLER/CHRISTIAN MADUZ, ArG Kommentar, Arbeitsgesetz mit weiteren Erlassen im Bereich Arbeitsschutz, 8e éd. 2017, n° 13 ad Vorbemerkungen zu Art. 9-14). La lettre a regroupe le personnel technique et les employés qui sont surtout chargés de tâches dites cérébrales dans les bureaux ou à des postes de travail similaires, tels que guichets, ateliers d’essais, laboratoires, développement de programmes informatiques, services de conseil, pré-print de l’industrie graphique, etc., tandis que tombent sous la notion d’autres travailleurs de la lettre b tous ceux dont la tâche se compose principalement d’activités manuelles telles que l’artisanat, le travail auxiliaire d’ordre manuel ou la vente dans les entreprises comptant moins de 50 travailleurs (Secrétariat d’État à l’économie [SECO], Commentaire de la loi sur le travail et les ordonnances 1 et 2 d’avril 2022, p. 009-2). En admettant un taux maximal pour l’activité accessoire de 20% (menant à un total de 50 heures de travail hebdomadaires), on obtiendrait en l’occurrence un revenu accessoire de 13’481 fr. 70. Toutefois, au vu de ce qui suit, le taux d’invalidité n’atteindrait pas le seuil requis pour ouvrir le droit à une rente d’invalidité de l’assurance-accidents, de sorte que la question soulevée ci-dessus peut être laissée ouverte.

 

Consid. 6.2
Sur la base de la délégation législative de l’art. 18 al. 2 LAA, le Conseil fédéral a édicté l’art. 28 OLAA, qui contient des prescriptions particulières pour l’évaluation de l’invalidité dans des cas spéciaux. L’art. 28 al. 4 OLAA dispose que si, en raison de son âge, l’assuré ne reprend pas d’activité lucrative après l’accident ou si la diminution de la capacité de gain est due essentiellement à son âge avancé, les revenus de l’activité lucrative déterminants pour l’évaluation du degré d’invalidité sont ceux qu’un assuré d’âge moyen dont la santé a subi une atteinte de même gravité pourrait réaliser.

Consid. 6.2.1
Cette disposition vise deux situations: Premièrement, elle s’applique si l’assuré, en raison de son âge, ne reprend plus d’activité lucrative après l’accident (variante I). Les conditions de cette variante sont remplis lorsque l’assuré dispose, au terme du traitement médical, d’une capacité de travail résiduelle au moins partielle, mais ne la met plus en valeur à cause de son âge. C’est notamment le cas si l’assuré atteint l’âge légal de la retraite (arrêts 8C_209/2012 du 12 juillet 2012 consid. 5.3; 8C_452/2011 du 12 mars 2012 consid. 4.1) pendant la période entre l’accident et la fin du traitement médical (THOMAS FLÜCKIGER, in Basler Kommentar, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n° 83 ad art. 18 LAA; MARC HÜRZELER/CLAUDIA CADERAS, in: Marc Hürzeler/Ueli Kieser [éd.], Kommentar zum schweizerischen Sozialversicherungsrecht, UVG, 2018, N. 41 ad art. 18 LAA; les deux avec références). La deuxième situation est celle où l’atteinte à la capacité de gain a principalement pour origine l’âge avancé de l’assuré (variante II). Cette variante est également applicable lorsque l’âge avancé n’est pas un facteur qui a une incidence sur l’exigibilité, mais qu’il est malgré tout un obstacle à la mise en valeur de la capacité résiduelle de gain, notamment parce qu’aucun employeur n’est disposé à engager un employé présentant des atteintes à la santé pour un laps de temps très court avant l’ouverture de son droit à une rente de l’AVS (arrêts 8C_716/2021 du 12 octobre 2022 consid. 7.2; 8C_799/2019 du 17 mars 2020 consid. 3.3.2; 8C_307/2017 du 26 septembre 2017 consid. 4.2.2; 8C_346/2013 du 10 septembre 2013 consid. 4.2; 8C_806/2012 du 12 février 2013 consid. 5.2.2; HÜRZELER/CADERAS, op. cit., N. 42 ad art. 18 LAA).

Consid. 6.2.2
L’assuré qui remplit l’un ou l’autre cas de figure ne touchera alors une rente d’invalidité que dans la mesure où une telle rente serait octroyée dans les mêmes conditions à un assuré d’âge moyen présentant les mêmes capacités professionnelles et les mêmes aptitudes personnelles. Ce système repose sur la considération qu’une même atteinte à la santé peut entraîner chez une personne âgée des répercussions bien plus importantes sur la capacité de gain que chez une personne d’âge moyen pour diverses raisons (difficultés de reclassement ou de reconversion professionnels, diminution des capacités d’adaptation et d’apprentissage), alors que l’âge en tant que tel n’est pas une atteinte à la santé dont l’assureur-accidents doit répondre (ATF 122 V 418 consid. 3a; arrêt 8C_307/2017 du 26 septembre 2017 consid. 4.1; voir également PETER OMLIN, Die Invalidität in der obligatorischen Unfallversicherung, 1995, p. 235 ss.; ANDRÉ GHÉLEW/OLIVIER RAMELET/JEAN-BABTISTE RITTER, Commentaire de la loi sur l’assurance-accidents [LAA], 1992, p. 103). Il s’agit d’empêcher l’octroi de rentes d’invalidité qui comporteraient, en fait, une composante de prestation de vieillesse (cf. OMLIN, op. cit., p. 249 avec les références). On rappellera que les rentes ont un caractère viager (cf. toutefois le nouvel art. 20 al. 2ter LAA, en vigueur depuis le 1er janvier 2017; cf. consid. 8.4 infra). L’âge moyen est de 42 ans ou, du moins, se situe entre 40 et 45 ans, tandis que l’âge avancé est d’environ 60 ans; il ne s’agit toutefois que d’un ordre de grandeur et non d’une limite absolue (ATF 122 V 418 consid. 1b; arrêts 8C_205/2016 du 20 juin 2016 consid. 3.4; U 106/89 du 13 août 1990 consid. 4d et e, in: RAMA 1990 n° U 115 p. 389). La comparaison des revenus d’un assuré d’âge moyen comprend aussi bien le revenu sans invalidité que le revenu d’invalide (ATF 114 V 310 consid. 2 in fine; arrêt 8C_554/2017 du 4 juillet 2018 consid. 3.3.1; OMLIN, op. cit., p. 256; voir également arrêt 8C_716/2021 du 12 octobre 2022 consid. 7.2).

Consid. 6.3
L’assuré soutient pour l’essentiel qu’il n’aurait pas repris le travail à cause de la longue période de convalescence (avec plusieurs interventions chirurgicales) après l’accident, qui n’était pas encore terminée au moment où il avait atteint l’âge de la retraite. Le fait de n’avoir pas repris une activité professionnelle après l’accident serait ainsi dû, de toute évidence, aux suites de l’accident et à ses lésions, et non à son âge. Ce point de vue ne saurait toutefois être suivi. En effet, on est en l’espèce en présence d’un cas d’application de la variante I décrite ci-dessus, vu que la capacité résiduelle de gain de l’assuré dans une activité adaptée est entière, qu’il avait atteint l’âge de la retraite avant le moment de la naissance du droit à la rente et qu’il n’exerce plus d’activité lucrative. L’assuré ne peut rien déduire de l’arrêt 8C_205/2016 du 20 juin 2016 qu’il invoque, car il y avait été examiné uniquement la présence éventuelle d’une faiblesse physiologique due à l’âge limitant la capacité de travail (cf. consid. 3.4 de l’arrêt mentionné; cf. également arrêt 8C_517/2016 du 8 mai 2017 consid. 5), ce qui tombe sous la variante II. C’est donc à juste titre que la cour cantonale a appliqué l’art. 28 al. 4 OLAA et a fixé le revenu sans invalidité sur la base du gain qu’un assuré d’âge moyen aurait pu réaliser, soit 82’355 fr.

 

Consid. 7.2.1
Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l’assuré. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS. Aux fins de déterminer le revenu d’invalide, les salaires fixés sur la base des données statistiques de l’ESS peuvent à certaines conditions faire l’objet d’un abattement de 25% au plus (ATF 129 V 472 consid. 4.2.3; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). Une telle déduction ne doit pas être opérée automatiquement, mais seulement lorsqu’il existe des indices qu’en raison d’un ou de plusieurs facteurs, l’intéressé ne peut mettre en valeur sa capacité résiduelle de travail sur le marché du travail qu’avec un résultat économique inférieur à la moyenne (ATF 148 V 174 consid. 6.3; 146 V 16 consid. 4.1; 126 V 75 consid. 5b/aa).

Consid. 7.2.2
Selon la jurisprudence, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (ATF 135 V 297 consid. 5.2; 134 V 322 consid. 5.2; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). Il n’y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération; il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d’appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d’invalide, compte tenu de l’ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3; 126 V 75 précité consid. 5b/bb; arrêts 8C_766/2017 du 30 juillet 2018 consid. 8.3.1; 8C_227/2017 du 17 mai 2018 consid. 3.1).

Consid. 7.3
Une réduction au titre du handicap dépend de la nature des limitations fonctionnelles présentées et n’entre en considération que si, sur un marché du travail équilibré, il n’y a plus un éventail suffisamment large d’activités accessibles à l’assuré (cf. arrêts 8C_608/2021 du 26 avril 2022 consid. 4.3.1; 8C_659/2021 du 17 février 2022 consid. 4.3.1; 8C_118/2021 du 21 décembre 2021 consid. 6.3.1). Contrairement à ce que soutient l’assuré, la cour cantonale n’a pas uniquement évoqué la possibilité d’alternance des positions sous le titre de limitations fonctionnelles, mais elle a également retenu qu’il ne pouvait mettre au profit sa capacité résiduelle de travail que dans des activités légères, essentiellement sédentaires. Le fait qu’elle n’a pas répété la description détaillée des activités légères exigibles (c’est-à-dire qu’il doit éviter le port des charges supérieures à 10 kg, les montées d’escaliers, les déplacements rapides et les positions agenouillées) n’est pas pertinent et ne permet pas de conclure que le raisonnement des juges cantonaux concernant l’abattement en lien avec les limitations fonctionnelles serait contraire au droit.

Consid. 7.4
Par rapport à la question de l’abattement à cause de l’âge, le Tribunal fédéral a retenu dans un arrêt récent que l’art. 28 al. 4 OLAA commande, pour atteindre son objectif, qu’on calcule le taux d’invalidité sur la base des revenus (sans et avec invalidité) hypothétiques que pourrait obtenir un assuré d’âge moyen, et que – contrairement à l’art. 16 LPGA – l’on fasse ainsi abstraction de l’incapacité de travail due à l’âge avancé de l’assuré (arrêt 8C_716/2021 du 12 octobre 2022 consid. 7.2 et 8.5; cf. ATF 114 V 310 consid. 3b; arrêt U 60/87 du 12 avril 1988 consid. 2; OMLIN, op. cit., p. 255 et 257; consid. 6.2 supra). Or, dès lors que l’on doit s’appuyer sur les valeurs salariales d’un assuré d’âge moyen, une influence pénalisante de l’âge avancé sur le salaire ne peut par définition pas entrer en ligne de compte. Il s’ensuit qu’un abattement à cause de l’âge avancé d’un assuré ne peut pas être envisagé lorsqu’on est en présence d’un cas d’application de l’art. 28 al. 4 OLAA (arrêt 8C_716/2021 du 12 octobre 2022 consid. 8.5), comme c’est le cas en l’espèce. Pour cette raison, la cour cantonale était fondée à ne pas prendre en compte le facteur de l’âge avancé de l’assuré dans la fixation de l’étendue de l’abattement.

Consid. 7.5
Finalement, l’assuré invoque son manque de formation et d’expérience professionnelle ainsi que – ayant exercé depuis des années une simple activité de concierge – un manque de polyvalence et d’adaptabilité. A ce propos, on rappellera que, selon la jurisprudence, l’absence de formation et d’expérience ne joue en règle générale pas de rôle lorsque le revenu d’invalide est déterminé en référence au salaire statistique auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives du niveau de compétence 1, comme c’est le cas en l’espèce. En effet, ce niveau de compétence de l’ESS concerne une catégorie d’emplois ne nécessitant ni formation ni expérience professionnelle spécifique (cf. arrêts 8C_118/2021 du 21 décembre 2021 consid. 6.3.2; 8C_175/2020 du 22 septembre 2020 consid. 4.2).

Consid. 7.6
Eu égard à l’ensemble de ces circonstances, la juridiction cantonale n’a pas excédé son pouvoir d’appréciation en confirmant l’abattement de 5% appliqué par l’assurance-accidents.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_196/2022 consultable ici

 

9C_525/2021 (f) du 31.05.2022 – Perte d’emploi pour des motifs étrangers à l’invalidité – Revenu sans invalidité d’une personne au chômage / 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_525/2021 (f) du 31.05.2022

 

Consultable ici

 

Perte d’emploi pour des motifs étrangers à l’invalidité – Revenu sans invalidité d’une personne au chômage / 16 LPGA

 

Assurée, née en 1967, a été licenciée pour des raisons économiques de son poste d’aromaticienne à temps partiel (90%) avec effet au 31.05.2017, puis a épuisé son droit à des indemnités de l’assurance-chômage. Evoquant des tumeurs cancéreuses, l’une traitée en 2006 et l’autre apparue en 2019, elle a déposé une demande AI le 03.06.2019.

Entre autres mesures d’instruction, l’administration a obtenu une copie du dossier constitué par l’assureur perte de gain en cas de maladie. Y figure notamment un avis de la doctoresse D.__, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, dans lequel celle-ci faisait état d’une incapacité de travail fluctuante depuis le 02.10.2016 due à un épisode dépressif sévère avec symptômes psychotiques. L’office AI a aussi requis l’évaluation de la doctoresse E.__, spécialiste en oncologie. Celle-ci a diagnostiqué un cancer du sein droit (soigné par chimiothérapie et chirurgie) totalement incapacitant à compter du 07.06.2019 mais autorisant la reprise d’une activité adaptée à 50% depuis le 20.08.2019 et à 100% depuis le 02.03.2020. L’administration a encore sollicité directement la doctoresse D.__. Celle-ci a indiqué ne pas pouvoir se prononcer dès lors qu’elle n’avait pas revu l’assurée depuis deux ans. L’office AI a par ailleurs mis en œuvre des mesures d’ordre professionnel. Au terme de la procédure, il a rejeté la demande de l’intéressée dans la mesure où son taux d’invalidité de 15% était insuffisant pour lui donner droit à des prestations.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 100/21 – 242/2021 [non disponible sur le site de la Casso])

Par jugement du 30.08.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 6.2.1
S’agissant du revenu sans invalidité, l’assurée ne conteste pas avoir été licenciée pour des motifs économiques (délocalisation de son poste). Elle soutient toutefois qu’elle souffrait indéniablement à ce moment-là d’un épisode dépressif sévère qui avait largement influencé l’opportunité de retrouver une activité lucrative. Cette seule allégation ne suffit cependant pas pour remettre en question les constatations de la juridiction cantonale quant à l’absence de périodes d’incapacité de travail dues à des affections psychiques ultérieures au 10.01.2017. Dans cette situation (perte d’emploi pour des motifs étrangers à l’invalidité), le revenu sans invalidité doit en principe être fixé au moyen de données statistiques (cf. arrêt 8C_581/2020 et 8C_585/2020 du 3 février 2021 consid. 6.1 in SVR: 2021 UV n° 26 p. 123). L’assurée se prévaut toutefois de l’exception admise par le Tribunal fédéral au considérant 6.4 de l’arrêt 8C_581/2020 et 8C_585/2020 cité. Elle considère pour l’essentiel que, dans la mesure où la moyenne des salaires qu’elle avait obtenus entre 2012 et 2016 excédait 180’000 fr. par année pour une activité exercée à 90%, le tribunal cantonal aurait dû se fonder sur ce chiffre plutôt que sur des données statistiques (111’924 fr. 49; ESS TA1 ch. 20, lignes 19-20, secteur cokéfaction et industrie chimique) pour déterminer son revenu sans invalidité.

Ce raisonnement n’est pas fondé. En effet, dans la cause 8C_581/2020 et 8C_585/2020 citée, le Tribunal fédéral a précisé que l’obtention d’un salaire supérieur à la moyenne n’impliquait pas automatiquement sa prise en considération pour fixer le revenu sans invalidité; l’élément déterminant pour s’écarter de la référence aux salaires statistiques en cas de perte d’emploi pour des motifs étrangers à l’invalidité était de savoir si le dernier salaire supérieur à la moyenne aurait continué à être perçu (consid. 6.3). Or, dans cette cause, le Tribunal fédéral a considéré que les premiers juges n’avaient pas fait preuve d’arbitraire en parvenant à la conclusion que le dernier salaire supérieur à la moyenne aurait continué à être perçu sur la base d’une appréciation de la « biographie professionnelle » de l’assuré. Bien que ce dernier n’exerçât plus d’activité pour le compte de son ancien employeur pour des raisons étrangères à l’invalidité (fin du contrat de travail de durée limitée) et ne disposât pas d’un diplôme universitaire reconnu, son parcours professionnel démontrait qu’il avait toujours changé de poste sans difficulté, s’appuyant sur des connaissances sans cesse élargies et reconnues par les employeurs successifs, et réalisé des salaires supérieurs à la moyenne (consid. 6.3 et 6.4). En l’occurrence, l’assurée ne démontre pas – ni même n’allègue – que son parcours professionnel serait comparable. Au contraire, il apparaît d’une part qu’elle a obtenu un salaire supérieur à la moyenne en gravissant les échelons hiérarchiques au sein d’une seule et même entreprise, alors qu’elle occupait un poste dans un domaine « de niche » (cf. rapport final d’évaluation de l’OSEO) – par définition rare sur le marché du travail -, que sa maladie l’a en outre empêchée d’exercer par la suite. Il apparaît d’autre part que le délai-cadre d’indemnisation de l’assurance-chômage s’est écoulé sans qu’un poste de travail lui permettant de réaliser un salaire similaire à celui perçu auparavant n’ait pu être retrouvé. Dans ces circonstances, l’assurée a échoué à démontrer qu’elle aurait continué à percevoir un revenu supérieur à la moyenne et ne peut par conséquent pas se prévaloir de circonstances semblables à celles qui prévalaient dans la cause 8C_581/2020 et 8C_585/2020 citée.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_525/2021 consultable ici