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9C_481/2017 (f) du 01.12.2017 – Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique – 16 LPGA / Capacité à réintégrer le marché équilibré du travail

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_481/2017 (f) du 01.12.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2ptfSxD

 

Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique / 16 LPGA

Capacité à réintégrer le marché équilibré du travail

 

 

Demande AI le 19.03.2010 d’une assurée, née en 1957, rejetée par décision du 09.01.2013.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/462/2017 – consultable ici : http://bit.ly/2FXhgQf)

Le tribunal cantonal a considéré que l’abattement de 10% – admis par l’office recourant pour tenir compte des limitations fonctionnelles et du genre d’activité exigible (légère) – n’était pas suffisant et devait être porté à 25%. Parmi les circonstances personnelles et professionnelles à prendre en compte, il a retenu que l’assurée était âgée de 55 ans quand la décision litigieuse avait été rendue, qu’elle disposait d’une capacité de travail de 60% exigible seulement dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, que ces dernières diminuaient les chances de réinsertion professionnelle de l’assurée, qu’au moment de la survenance de l’incapacité de travail, celle-ci travaillait depuis six ans pour la « Fondation des services d’aide et de soins à domicile » et qu’elle ne pouvait mettre en valeur son expérience dans les métiers de serveuse et de nettoyeuse, seules activités déjà exercées qui n’étaient désormais plus adaptées à sa situation.

Par jugement du 06.06.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal, admission partielle du recours. Le tribunal cantonal a annulé la décision litigieuse et reconnu le droit de l’assurée à un quart de rente d’invalidité depuis le mois d’avril 2011.

 

TF

Divers éléments peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative. Il s’agit de circonstances personnelles et professionnelles, exhaustivement énumérées par la jurisprudence (les limitations fonctionnelles liées au handicap, l’âge, les années de service, la nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et le taux d’occupation), dont il y a lieu de tenir compte au moment de la détermination du revenu hypothétique d’invalide au moyen de salaires statistiques par une déduction globale maximale de 25% (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.).

Savoir s’il convient de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison des circonstances du cas particulier est une question de droit que le Tribunal fédéral peut revoir librement.

En revanche, l’étendue de l’abattement dans un cas particulier est une question relevant du pouvoir d’appréciation, dont le Tribunal fédéral ne peut être saisi que lorsque l’autorité judiciaire précédente a exercé son pouvoir de manière contraire au droit, soit seulement lorsque celle-ci a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou un excès négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou si elle en a abusé (« Ermessensmissbrauch »), notamment en retenant des critères inappropriés ou en en omettant des objectifs, et en ne tenant pas (entièrement) compte des circonstances pertinentes. Une violation des principes généraux du droit, tels que l’interdiction de l’arbitraire ou l’égalité de traitement, constitue un abus du pouvoir d’appréciation (cf. ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72; 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).

Contrairement à celui du Tribunal fédéral, le pouvoir d’examen de l’autorité précédente n’est pas limité à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend aussi à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). Cet examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité administrative a adoptée dans le respect de son pouvoir d’appréciation et des principes généraux du droit n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge ne peut toutefois substituer sans motif pertinent sa propre appréciation à celle de l’administration, mais doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme étant la mieux appropriée (cf. ATF 137 V 71 consid. 5.2 p. 73; 126 V 75 consid. 6 p. 81).

Selon le TF, compte tenu des circonstances personnelles et professionnelles, l’autorité judiciaire précédente ne pouvait pas retenir un abattement du revenu d’invalide de 25% sans abuser de son pouvoir d’appréciation et faire preuve d’arbitraire.

Une déduction sur le montant du salaire d’invalide résultant des statistiques n’est pas automatique mais résulte d’une appréciation globale de l’effet des diverses circonstances mentionnées sur le revenu d’invalide (cf., p. ex., arrêt 9C_861/2012 du 6 février 2013 consid. 5.1.2).

L’âge d’un assuré ne constitue pas un critère qui, en soi, peut exclure que l’on exige de lui qu’il exploite sa capacité résiduelle de travail (cf., notamment, arrêt 9C_486/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.2.2, non publié in ATF 139 V 600). On notera encore que le tribunal cantonal n’a évoqué aucun élément qui pourrait justifier l’importance concluante de ce critère ou une influence particulièrement importante de celui-ci sur les autres circonstances du cas.

S’il a certes été établi que l’assurée ne disposait plus que d’une capacité de travail de 60% exploitable dans une activité adaptée à certaines limitations fonctionnelles, la juridiction cantonale n’a toutefois pas énoncé les raisons pour lesquelles lesdites limitations influenceraient les perspectives salariales de l’assurée et lui causeraient des inconvénients tels qu’il conviendrait de les prendre en compte dans la détermination de l’abattement, alors qu’il en avait déjà été tenu compte à l’occasion de l’appréciation de la capacité de travail.

Si les éventuelles difficultés de réinsertion mentionnées par les premiers juges pourraient être comprises comme étant un inconvénient découlant des limitations fonctionnelles, elles ne sauraient malgré tout être prises en considération en l’espèce, dans la mesure où elles n’ont été évoquées que par l’expert, spécialiste en rhumatologie, à qui il n’appartient pas de formuler ce genre d’appréciation (sur le rôle du médecin ou de l’expert, cf. ATF 125 V 351 consid. 3b/aa p. 352 s.; cf. aussi arrêt 9C_482/2008 du 18 mai 2009 consid. 4.1).

Contrairement à ce qu’a laissé entendre le tribunal cantonal, l’expérience professionnelle de l’assurée ne saurait être qualifiée de réduite dès lors que celle-ci a travaillé de longues années dans le secteur des services et du nettoyage pour le compte de divers employeurs, ce qui laisse augurer une bonne capacité à réintégrer le marché équilibré du travail, qui offre un large éventail d’activités simples et répétitives légères adaptée à la situation de l’assurée.

Les circonstances décrites suffisent déjà à écarter l’abattement de 25%, sans qu’il ne soit utile ou nécessaire d’analyser celles qui restent ni de fixer précisément la réduction du revenu d’invalide dès lors qu’un taux de 20% intégré au calcul de comparaison des revenus réalisé par la juridiction cantonale ne donne déjà plus droit à un quart de rente.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’office AI du 09.01.2013.

 

 

Arrêt 9C_481/2017 consultable ici : http://bit.ly/2ptfSxD

 

 

9C_391/2017 (f) du 27.11.2017 – Rente d’invalidité – 16 LPGA / Capacité résiduelle de travail pour un assuré proche de l’âge de la retraite / Revenu d’invalide selon ESS – Abattement – Capacité de travail exigible partielle et rendement limité

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_391/2017 (f) du 27.11.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2GdX1Br

 

Rente d’invalidité / 16 LPGA

Capacité résiduelle de travail pour un assuré proche de l’âge de la retraite

Revenu d’invalide selon ESS – Abattement – Capacité de travail exigible partielle et rendement limité

 

Assurée, sans formation professionnelle, a déposé une demande AI le 30.04.2009. L’office AI a nié le droit de l’assurée à des mesures d’ordre professionnel et à une rente d’invalidité. Se fondant en particulier sur une expertise pluridisciplinaire rendue le 12.06.2012, il a considéré que l’assurée ne présentait pas d’atteinte à la santé durable affectant sa capacité de travail, laquelle était entière dans son activité habituelle depuis toujours.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 296/13 – 106/2017 – consultable ici : http://bit.ly/2pta4Eo)

Après expertise judiciaire (rhumatologie et chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur) rendue le 28.06.2016, il ressort que l’assurée ne pouvait plus exercer ses activités précédentes de blanchisseuse, repasseuse, femme de ménage, gouvernante ou toute autre activité semblable depuis mars 2008, mais qu’elle disposait d’une capacité de travail résiduelle de 70% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles.

En présence de constatations médicales objectives superposables depuis l’expertise du 12.06.2012, la juridiction cantonale a retenu que l’assurée connaissait de longue date ses limitations fonctionnelles et qu’elle avait contribué à l’écoulement du temps jusqu’à la réalisation de l’expertise judiciaire en multipliant les démarches médicales auprès de ses médecins traitants. Le tribunal cantonal en a déduit que la mise en valeur de la capacité de travail de l’assurée devait par conséquent être examinée par rapport à la situation prévalant au moment de l’expertise de juin 2012. A cette époque, l’assurée n’avait pas encore atteint l’âge à partir duquel la jurisprudence considérait généralement qu’il n’existait plus de possibilités réalistes de mise en valeur de la capacité de travail résiduelle sur un marché de l’emploi équilibré.

Les premiers juges ont retenu qu’elle était encore en mesure de prétendre à un emploi simple respectant ses limitations fonctionnelles sur un marché du travail équilibré. Il y avait cependant lieu de tenir compte d’un abattement de 10% sur le revenu d’invalide en raison de son âge, les limitations fonctionnelles de nature à influencer ses perspectives salariales ayant pour le surplus déjà été prises en considération par les experts judiciaires dans leur appréciation de la capacité résiduelle de travail. La comparaison des revenus avec et sans invalidité aboutissait à un degré d’invalidité de 37%, soit un taux n’ouvrant pas le droit à une rente d’invalidité.

Par jugement du 20.02.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Capacité résiduelle de travail pour un assuré proche de l’âge de la retraite

Selon la jurisprudence, le moment où la question de la mise en valeur de la capacité (résiduelle) de travail pour un assuré proche de l’âge de la retraite sur le marché de l’emploi doit être examinée correspond au moment auquel il a été constaté que l’exercice (partiel) d’une activité lucrative était médicalement exigible, soit dès que les documents médicaux permettent d’établir de manière fiable les faits y relatifs (ATF 138 V 457 consid. 3.3 p. 461; arrêt 9C_899/2015 du 4 mars 2016 consid. 4.3.1). Le point de savoir si l’exigibilité de l’exercice d’une activité adaptée a été constatée de manière fiable en 2012 (expertise de la PMU), comme l’a retenu la juridiction cantonale, ou en 2016 (expertise judiciaire), comme le soutient l’assurée, peut rester indécis. En effet, l’assurée, alors âgée de 56 ans, respectivement de 60 ans, ne réalisait en tout état de cause pas les conditions auxquelles la jurisprudence admet généralement qu’il n’existe plus de possibilité réaliste d’exploiter la capacité résiduelle de travail sur un marché du travail supposé équilibré.

L’assurée a déjà été confrontée à plusieurs reprises au cours de son parcours professionnel à des changements d’activité et démontré à ces occasions des capacités d’adaptation. On ne saurait dès lors assimiler son cas à celui d’une personne qui a toujours travaillé dans l’exploitation agricole familiale et doit, malgré un âge relativement avancé (60 ans), se réinsérer dans un domaine économique autre que celui dans lequel elle a toujours œuvré (arrêt 9C_612/2007) ou à celui d’une assurée qui avait exercé la même profession depuis plus de quarante ans (arrêt I 462/02). L’arrêt I 61/05 concernait un assuré qui se trouvait, à quelques mois à peine de l’âge de la retraite, à la différence de l’assurée, dont le temps d’activité s’étendait, dans l’éventualité la plus favorable pour elle, à plus de trois années (art. 21 al. 1 let. b LAVS). Aussi, si l’âge de l’assurée ou les restrictions induites par ses limitations fonctionnelles peuvent limiter dans une certaine mesure les possibilités de retrouver un emploi, on ne saurait considérer qu’ils rendent cette perspective illusoire au point de procéder à une analyse globale de sa situation au sens de l’ATF 138 V 547 consid. 3.1 p. 549 (cf. aussi arrêt 9C_651/2008 du 9 octobre 2009 consid. 6.2.2.2). Le grief de l’assurée est dès lors mal fondé.

 

Abattement

Les affections physiques et psychiques de l’assurée et le fait qu’elle ne peut plus effectuer de travaux lourds ont été pris en compte par les experts judiciaires lors de l’évaluation de sa capacité résiduelle de travail dans une activité professionnelle adaptée à sa santé ; ils ont également pris en considération une limitation du rendement en mettant en relation la réduction de la capacité de travail et la nécessité de permettre des périodes de repos. Dans ces circonstances, la manière de procéder de la juridiction cantonale, selon laquelle il n’y avait pas lieu de retenir à ce titre un abattement du revenu d’invalide résultant des données de l’Enquête suisse de la structure des salaires (ESS) ne procède pas d’une violation du droit ou d’un excès de son pouvoir d’appréciation (cf. aussi arrêt 9C_40/2011 du 1er avril 2011 consid. 2.3.1).

Pour le surplus, le simple fait que l’assurée cite quelques causes dans lesquelles il a été admis, parfois à titre exceptionnel, un taux d’abattement de 15% ou plus ne saurait établir que l’autorité précédente a commis un excès de son pouvoir d’appréciation ou qu’elle aurait abusé de celui-ci dans le cas d’espèce. Il n’y a pas lieu de s’écarter de l’appréciation globale du tribunal cantonal concernant la réduction (de 10%) à opérer sur le revenu d’invalide.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_391/2017 consultable ici : http://bit.ly/2GdX1Br

 

 

Placements par les offices AI : chiffres restent à un niveau élevé

Placements par les offices AI : chiffres restent à un niveau élevé

 

Communiqué de presse de la Conférence des offices AI du 06.03.2018 consultable ici : http://bit.ly/2tWHalA

 

20’133 personnes atteintes dans leur santé ont été placées en Suisse sur le marché du travail en 2017. La Conférence des offices AI confirme ainsi le succès enregistré dans le travail de réinsertion ces dernières années et annonce, pour 2017, une légère augmentation du nombre de placements.

L’an passé également, les offices AI ont pu apporter leur appui à de nombreuses personnes atteintes dans leur santé. En collaboration avec les employeurs, ils ont pu aider ces personnes à prendre pied sur le marché du travail ou à conserver leur emploi actuel. Le total de 20’133 personnes pour les placements réalisés à l’échelle de toute la Suisse comprend 10’976 personnes qui ont pu conserver leur emploi grâce à des mesures de réadaptation, 2507 personnes qui ont obtenu un nouveau poste dans la même entreprise, ainsi que 5931 personnes qui ont trouvé un nouvel emploi dans une nouvelle entreprise. De plus, suite à une révision de rente, 719 personnes ont pu entrer en fonction dans un nouveau poste. Ces chiffres sur les placements sont calculés chaque année par les 26 offices AI cantonaux et sont publiés par la Conférence des offices AI.

 

Mettre en évidence le potentiel de la réinsertion

« Nous sommes très satisfaits de constater que la tendance couronnée de succès de ces dernières années s’est encore poursuivie et que nous avons même pu légèrement augmenter une nouvelle fois le nombre de placements pour 2017 », a déclaré la présidente de la Conférence des offices AI, Monika Dudle-Ammann.

Afin que cette évolution favorable se poursuive, tant les offices AI que leurs partenaires ne ménagent pas leurs efforts. « La réinsertion ne peut en effet fonctionner correctement que si nous collaborons étroitement en visant les mêmes objectifs : assureurs sociaux, employeurs, médecins et personnes concernées », souligne Mme Dudle-Ammann, en ajoutant : « Nous espérons que, par notre travail et par ces résultats positifs, nous pourrons convaincre un nombre encore accru d’employeurs du potentiel que recèle la réinsertion professionnelle ».

L’année dernière, des étapes supplémentaires importantes ont été franchies dans cette direction.

La Conférence nationale en faveur de l’intégration des personnes handicapées a réuni autour d’une même table tous les partenaires de la réinsertion. Les approches d’action élaborées à cette occasion, ainsi que les exemples de bonnes pratiques identifiés encouragent les intéressés à créer de nouveaux instruments, des conditions cadres favorables ainsi que des systèmes d’incitation appropriés pour les employeurs, les employés, les médecins et les assureurs.

Le profil d’intégration axé sur les ressources (PIR) a été développé sous la direction de Compasso. Grâce à cet outil, il est possible d’échanger des informations détaillées sur les exigences propres au poste de travail entre les employeurs, les employés et les médecins, et les potentiels de réinsertion peuvent être définis avec précision.

En outre, il y a lieu de mettre tout spécialement l’accent sur le travail de réinsertion auprès des jeunes et des personnes atteintes de maladies psychiques et les mesures destinées à ces groupes cibles doivent être étendues. C’est ce que prévoit également le message du Conseil fédéral sur le développement continu de l’AI qui sera traité prochainement par le Parlement.

 

 

Communiqué de presse de la Conférence des offices AI du 06.03.2018 consultable ici : http://bit.ly/2tWHalA

Graphique « Placements des offices AI 2012 – 2017 » consultable ici : http://bit.ly/2IyW7hb

 

 

Base légale pour la surveillance des assurés : Des détectives privés pour tracer les potentiels fraudeurs

Base légale pour la surveillance des assurés : Des détectives privés pour tracer les potentiels fraudeurs

 

Communiqué de presse du Parlement du 15.03.2018 (Conseil des Etats) consultable ici : http://bit.ly/2IoJxAS

Communiqué de presse du Parlement du 15.03.2018 (Conseil national) consultable ici : http://bit.ly/2tRNVFo

 

Des détectives pourront à nouveau surveiller d’éventuels fraudeurs aux assurances sociales, au besoin avec des GPS. Le Parlement a mis jeudi la dernière main à la base légale qui faisait défaut en Suisse. La gauche a dénoncé durant les débats un projet plus sévère que la lutte contre le terrorisme ou le crime.

En 2016, la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé la Suisse à l’ordre, donnant raison à une Zurichoise espionnée par des détectives engagés par son assurance. Les bases légales ont été jugées trop vagues pour une surveillance qui enfreint le droit au respect de la vie privée et familiale.

La caisse nationale d’assurance accidents (Suva) et les offices d’assurance invalidité ont alors suspendu leur recours aux détectives privés, le temps que le Parlement légifère. C’est désormais chose faite.

 

GPS

Au cœur du projet, un élargissement des possibilités de surveillance. Outre les enregistrements visuels, il permettra les enregistrements sonores et surtout le recours à des instruments techniques permettant de localiser l’assuré, comme les traceurs GPS. Cela pourrait aussi être des drones s’ils servent à la géolocalisation mais pas s’ils sont utilisés pour une observation.

La surveillance ne sera pas limitée à l’espace public, comme les rues ou les parcs. Elle sera effectuée aussi dans des lieux visibles depuis un endroit librement accessible, par exemple un balcon.

L’observation pourra être menée durant au plus 30 jours sur une période de six mois. Si des motifs suffisants le justifient, cette période pourra être prolongée de six mois au maximum, mais sans augmentation du nombre total de jours d’observation.

Si le matériel d’observation ne permet pas de confirmer des soupçons d’abus, l’assureur devra notifier l’observation et détruire le matériel recueilli. L’assuré pourra l’empêcher par une demande expresse de conservation dans son dossier.

Si l’observation et confiée à des spécialistes externes, ces derniers sont tenus au secret et ne peuvent pas utiliser les informations recueillies à d’autres fins.

 

Aval judiciaire

Seul l’usage d’instruments comme les traceurs GPS, nécessitera l’autorisation d’un juge. La demande de l’assureur devra notamment préciser le but de l’observation, sa durée, les données des personnes concernées, les modalités prévues et la justification de recourir à de tels instruments faute de résultats sans eux.

Le président de la cour compétente du tribunal des assurances statuera dans les cinq jours à moins qu’il ne délègue cette tâche. Il pourra poser des conditions.

Pour les autres cas, la surveillance pourra être ordonnée au sein de l’assurance. Le National a accepté qu’une personne assumant une fonction de direction dans le domaine dont relève le cas ou dans le domaine des prestations de l’assureur doive trancher.

Vu qu’aucun juge n’intervient, il faut qu’un niveau hiérarchique assez élevé soit compétent, a souligné Isabelle Moret (PLR/VD). Jusqu’ici, la Chambre du peuple souhaitait se contenter que la tâche revienne à une personne responsable dans un des domaines concernés.

 

La loi est adoptée au vote final au Conseil national et au Conseil des Etats le 16.03.2018.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 15.03.2018 (Conseil des Etats) consultable ici : http://bit.ly/2IoJxAS

Bulletin officiel (version provisoire), Conseil des Etats, Session de printemps 2018, séance 15.03.2018 : http://bit.ly/2HDkEjx

Communiqué de presse du Parlement du 15.03.2018 (Conseil national) consultable ici : http://bit.ly/2tRNVFo

Bulletin officiel (version provisoire), Conseil national, Session de printemps 2018, séance 15.03.2018 : http://bit.ly/2IteWCj

 

 

 

9C_326/2017 (f) du 18.09.2017 – Allocation pour impotent – Début du droit / 42 al. 4 LAI – 28 al. 1 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_326/2017 (f) du 18.09.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2BEC7Z9

 

Allocation pour impotent – Début du droit / 42 al. 4 LAI – 28 al. 1 LAI

Délai d’attente d’une année à compter du moment à partir duquel la personne est impotente

 

Assurée, née en 1966, a déposé une demande AI le 25.09.2002. Elle indiquait avoir été en incapacité totale de travailler à compter du 14.12.2001, en raison d’une fibromyalgie et d’un état dépressif. Une rente entière d’invalidité lui a été allouée à compter du 01.12.2002. Le droit à des mesures professionnelles et celui à une allocation pour impotent ont en revanche été niés. Lors des révisions d’office, le droit de l’intéressée à une rente entière a été maintenu.

Une nouvelle procédure de révision a été initiée par l’office AI le 12.03.2012. Elle s’est soldée par la suppression du droit à la rente avec effet au 01.10.2015 (décision du 25.08.2015). Une demande d’allocation pour impotent, déposée le 13.05.2013, a par ailleurs été rejetée (décision du 20.10.2015).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 13.04.2017, admission du recours par le tribunal cantonal, prononçant le maintien du droit à la rente d’invalidité au-delà du 01.10.2015 et reconnaissant le droit à une allocation pour impotent de degré moyen à compter du 01.02.2013.

 

TF

Selon l’art. 42 al. 4 LAI, l’allocation pour impotent est octroyée au plus tôt à la naissance et au plus tard à la fin du mois au cours duquel l’assuré a fait usage de son droit de percevoir une rente anticipée, conformément à l’art. 40 al. 1 LAVS, ou du mois au cours duquel il a atteint l’âge de la retraite. La naissance du droit est régie, à partir de l’âge d’un an, par l’art. 29 al. 1 LAI.

Le Tribunal fédéral a toutefois précisé que contrairement au renvoi de l’art. 42 al. 4 in fine LAI, le début du droit à l’allocation pour impotent ne se détermine pas en fonction de l’art. 29 al. 1 LAI, mais de l’art. 28 al. 1 LAI (ATF 137 V 351 consid. 4 et 5 p. 356). Dès lors que les conditions posées par cette dernière disposition s’agissant du droit à la rente d’invalidité sont applicables par analogie au domaine des allocations pour impotent, il en résulte qu’un droit à une telle prestation ne peut pas naître avant l’échéance d’un délai de carence d’une année à compter de la survenance de l’impotence.

Etant donné que l’assurée avait besoin d’une aide directe ou indirecte pour tous les actes ordinaires de la vie et d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie à partir de février 2013, la juridiction cantonale a fait une application erronée de l’art. 42 al. 4 LAI, le temps de carence d’une année étant échu à la fin du mois de janvier 2014 seulement.

Le droit à l’allocation pour impotent de degré moyen est octroyé à l’assurée à compter du 01.02.2014.

 

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_326/2017 consultable ici : http://bit.ly/2BEC7Z9

 

 

9C_93/2017 (f) du 29.08.2017 – Moyens auxiliaires – Chaise modèle « Madita Fun » / OMAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_93/2017 (f) du 29.08.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2C1eqHb

 

Moyens auxiliaires – Chaise modèle « Madita Fun » / OMAI

 

Assuré, né en 2006, atteint d’une infirmité congénitale (agénésie du corps calleux entraînant un retard du développement, microcéphalie et hypotonie axiale). Par l’intermédiaire de son médecin traitant, l’assuré a déposé une demande de moyens auxiliaires visant l’octroi d’une chaise (modèle « Madita Fun ») pour son domicile, qui devrait lui permettre d’assumer seul la position assise. Un devis portant sur un montant de 7’319.40 fr. était joint à cette requête. L’office AI a rejeté cette demande.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1032/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2FUgfba)

Selon la description contenue dans la requête, la chaise « Madita Fun » est pourvue de diverses pelotes latérales fixées sur le dossier et le placet, ainsi que d’une ceinture de bassin permettant le soutien de la position assise, afin que l’assuré puisse s’habituer à garder cette posture et par conséquent à pouvoir bouger ses bras et mains de manière fonctionnelle et autonome. En outre, l’utilisation de cette chaise, associée à une position redressée, est une condition indispensable pour entamer la scolarité.

Par jugement du 13.12.2016, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le Tribunal fédéral rappelle que les sièges, lits et supports pour la position debout adaptés à l’infirmité peuvent être pris en charge seulement si l’assuré en a besoin pour exercer une activité lucrative ou accomplir ses travaux habituels, pour étudier ou apprendre un métier ou à des fins d’accoutumance fonctionnelle ou encore pour exercer l’activité nommément désignée au chiffre correspondant de l’annexe à l’ordonnance relative (art. 2 al. 2 de l’Ordonnance du DFI concernant la remise de moyens auxiliaires par l’assurance-invalidité du 29 novembre 1976 [OMAI] et chiffre 13.02* de l’annexe).

Le moyen auxiliaire dont il est en l’espèce question ne peut être pris en charge par l’AI que s’il est destiné à la réadaptation. Il suffit de rappeler à ce propos que la chaise requise entre dans la définition de siège au sens du chiffre 13.02* de l’annexe à l’OMAI. Or, le but de la réadaptation peut être atteint, entre autres, par des moyens servant l’accoutumance fonctionnelle, c’est-à-dire lorsque ces moyens permettent d’apprendre à exercer une fonction corporelle (arrêts I 953/05 du 19 décembre 2006 consid. 4.2 et I 416/05 du 24 juillet 2006 consid. 5.1; MEYER/REICHMUTH, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum IVG, art. 21- 21 quater chiffre 19; MICHEL VALTERIO, Droit de l’assurance-vieillesse et survivants [AVS] et de l’assurance-invalidité [AI], Fribourg 2011, n° 1790, p. 481).

En l’occurrence, cette condition est remplie. La chaise demandée permet en effet à l’assuré de maintenir la position assise et d’utiliser ses bras et ses mains, condition indispensable pour pouvoir interagir avec le monde extérieur, et s’habituer à la posture dressée.

Il importe que l’assuré a besoin de ce moyen pour améliorer sa dextérité, ainsi que ses fonctions corporelles. Certes, il n’est pas exclu que l’assuré puisse bénéficier à cette même occasion d’une amélioration de son état de santé, notamment par une augmentation de sa motricité. Cet avantage thérapeutique ne doit toutefois pas faire perdre de vue que le but principal de l’utilisation de la chaise est en l’espèce de favoriser l’accoutumance à la position assise, condition indispensable à sa réadaptation.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_93/2017 consultable ici : http://bit.ly/2C1eqHb

 

 

9C_107/2017 (f) du 08.09.2017 – Obligation de communiquer les activités exercées – 31 al. 1 LPGA – 77 RAI / Suppression de la rente d’invalidité avec effet ex tunc

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_107/2017 (f) du 08.09.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2BJQsEy

 

Obligation de communiquer les activités exercées / 31 al. 1 LPGA – 77 RAI

Suppression de la rente d’invalidité avec effet ex tunc

 

Assuré, travaillant en qualité de responsable commercial jusqu’en 1999, a déposé une demande AI en mai 2001. Les médecins du SMR Léman ont retenu les diagnostics de dépression réactionnelle, de trouble somatoforme douloureux persistant, ainsi que de trouble de la personnalité anankastique avec des traits narcissiques décompensés ; pour eux, d’un point de vue psychiatrique, la capacité de travail était de 20% dans toute activité depuis février 2001. L’office AI a alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité depuis le 01.02.2002, fondée sur un degré d’invalidité de 80%.

Dans le cadre des procédures de révisions, l’assuré a déclaré qu’il n’exerçait pas d’activité lucrative accessoire. Ayant constaté que l’assuré était associé gérant président d’une Sàrl, active dans l’exploitation d’une entreprise générale du bâtiment, l’office AI lui a demandé de fournir une copie des bilans et comptes de pertes et profits de la Sàrl, ainsi que les attestations de salaires pour les exercices 2008 à 2013. Au cours d’un entretien, l’assuré a notamment déclaré qu’il avait été l’un des fondateurs de cette Sàrl en 1999, et qu’il prenait les décisions relatives à cette entreprise en commun avec les deux autres associés. En outre, il a indiqué qu’il ne travaillait pas réellement au service de l’entreprise au nom de son épouse, mais qu’il la conseillait et l’accompagnait lors de ventes.

Après expertise rhumato-psychiatrique, la capacité de travail de l’assuré a été jugée comme entière et compatible avec ses limitations fonctionnelles sur le plan ostéo-articulaire dans toute activité depuis 1975, année où il avait obtenu son CFC d’employé de commerce, et totale sur le plan psychiatrique depuis le 24.06.2006.

L’office AI a supprimé la rente d’invalidité avec effet rétroactif au 01.06.2006. Par une autre décision, il a exigé la restitution d’un montant de 179’524 fr., représentant les rentes indûment versées du 01.12.2010 au 31.10.2015 (compte tenu du délai de prescription quinquennal).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1038/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2E7F9ng)

La juridiction cantonale a considéré que l’assuré était capable de travailler à plein temps lors de la décision de rente initiale. En effet, l’assuré était actif au sein de son entreprise qu’il gérait en qualité d’associé président, fournissant des conseil pratiques et financiers à son épouse. Pour les juges cantonaux, l’incapacité de gain de l’assuré ne pouvait en aucun cas atteindre 80%. S’il n’avait pas enfreint son obligation d’informer, l’office AI ne lui aurait pas alloué une rente entière d’invalidité fondée sur ce taux de 80%, de sorte que la décision initiale était sans doute inexacte, ce qui justifiait de confirmer la décision administrative litigieuse de révision en son résultat. Par ailleurs, comme le degré d’invalidité n’avait pas évolué entre-temps, aucune autre rente ne pouvait être accordée. La suppression de la rente devait intervenir avec effet ex tunc, en présence d’un cas de violation de l’obligation de renseigner (art. 77 et 88bis al. 2 let. b RAI).

Par jugement du 13.12.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Il n’appartenait pas à l’assuré de choisir les activités lucratives qu’il devait annoncer aux organes de l’AI. En effet, l’obligation de communiquer les activités exercées n’était pas limitée à l’époque de la demande de prestations, mais perdurait en tout temps (cf. art. 31 al. 1 LPGA et 77 RAI). L’obligation d’annoncer immédiatement toute modification de la situation susceptible d’entraîner la suppression, une diminution ou une augmentation de prestation allouée, singulièrement une modification du revenu de l’activité lucrative, de la capacité de travail ou de l’état de santé lorsque l’assuré est au bénéfice d’une rente AI, figurait d’ailleurs en toutes lettres dans la décision du 03.08.2004. En outre, les questionnaires pour la révision de la rente comportaient également une question relative à l’exercice d’une activité lucrative accessoire.

Dès lors que l’assuré a exercé une activité tout en percevant une rente entière d’invalidité, il reste à déterminer si les travaux accomplis étaient ou non médicalement exigibles (par ex. arrêt 9C_444/2014 du 17 novembre 2014 consid. 3.1). A ce sujet, il est sans incidence pour le sort du litige que l’activité en cause ait été bénévole, ainsi que l’assuré le soutient. Pour instruire la question de l’exigibilité (cf. art. 43 LPGA), l’administration (ou le juge, s’il y a eu un recours) a besoin de documents que le médecin, éventuellement aussi d’autres spécialistes, doivent lui fournir. La tâche du médecin consiste à porter un jugement sur l’état de santé et à indiquer dans quelle mesure et pour quelles activités l’assuré est incapable de travailler. En outre, les données médicales constituent un élément utile pour déterminer quels travaux on peut encore, raisonnablement, exiger de l’assuré (ATF 125 V 256 consid. 4 p. 261).

La rente d’invalidité avait été allouée uniquement en raison d’affections psychiques. Dans le cadre de la première révision de la rente, le médecin-traitant avait relevé l’absence de problème majeur d’ordre psychique et signalé un meilleur moral ; lors de la deuxième révision, il avait indiqué que les troubles psychiques ne nécessitaient pas de prise en charge psychiatrique. En 2014, le médecin-traitant n’a pas diagnostiqué d’affection psychique. Par l’exercice d’une activité, l’assuré a ainsi démontré que l’appréciation des deux médecins au SMR Léman était erronée ou à tout le moins dépourvue d’actualité en juin 2006 lorsque le médecin-traitant avait rendu son premier rapport en juin 2006, signalant une aggravation de l’état de santé consécutive au syndrome d’apnée nocturne. Quant aux affections somatiques susceptibles d’entraîner une éventuelle incapacité de travail, en particulier l’apnée du sommeil et les problèmes rachidiens, elles ont également été prises en considération dans l’expertise rhumato-psychiatrique.

 

Dans le cas d’espèce, il importe peu que les révisions de la rente aient ou non donné lieu à un examen matériel du droit à cette prestation. Seul est décisif le fait qu’au plus tard en juin 2006, l’assuré avait recouvré une capacité de travail en raison de l’amélioration de son état de santé psychique et mis à profit la capacité de gain qui en découlait. En effet, l’assuré a déployé une activité en sa qualité d’associé gérant président de la Sàrl et prodigué une aide à son épouse dans le cadre de la gestion de sa propre entreprise. Il avait démontré qu’il était ainsi en mesure d’accomplir des tâches tout à fait compatibles avec les conclusions du rapport d’expertise rhumato-psychiatrique, cela à l’époque où la rente initiale lui avait été accordée. Cela aurait dû aboutir à la suppression de la rente en 2006, ce qui n’a pas été fait.

En raison de la violation par l’assuré de son obligation d’annoncer (cf. art. 31 al. 1 LPGA et 77 RAI), le moment auquel la suppression de la rente prend effet est régi par l’art. 88 bis al. 2 let. b RAI.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_107/2017 consultable ici : http://bit.ly/2BJQsEy

 

 

9C_817/2016 (f) du 15.09.2017 – Révision – 17 LPGA / Mise en œuvre d’une surveillance par un détective privé – Rappel arrêt CourEDH Vukota-Bojic c. Suisse / Examen du sort de la preuve illicite

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_817/2016 (f) du 15.09.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2zbgpbg

 

Révision d’une rente d’invalidité et d’une allocation pour impotent / 17 LPGA

Mise en œuvre d’une surveillance par un détective privé mandaté par l’office AI – Rappel de l’arrêt de la CourEDH Vukota-Bojic c. Suisse

Examen du sort de la preuve illicite – Résultats de la surveillance peuvent être exploités dans le cadre de l’appréciation des preuves

 

Assuré, né en 1961, au bénéfice d’une rente entière de l’AI à partir du 01.04.2009. L’assuré souffrait d’un trouble dépressif récurrent, épisode sévère, et présentait une incapacité totale de travail, que ce soit dans l’activité d’ouvrier-plâtrier exercée jusqu’en mars 2008 ou dans toute autre activité. Le droit à la rente a été maintenu à l’issue d’une révision, close en février 2013.

L’office AI a par ailleurs octroyé une allocation pour impotent de degré moyen dès le 01.06.2010, parce qu’il nécessitait l’aide d’un tiers pour accomplir certains actes quotidiens et l’accompagner pour faire face aux nécessités de la vie.

Après enquête au domicile de l’assuré, dans le cadre d’une révision initiée en janvier 2013 concernant l’allocation pour impotent, l’office AI a informé l’assuré qu’il envisageait de réduire l’allocation pour impotent de degré moyen à degré faible, projet contesté par l’assuré. Par la suite, l’office AI a été informé que l’assuré avait été impliqué dans un accident de la circulation, alors qu’il conduisait un scooter. L’office AI a mis en œuvre une mesure de surveillance, qui a été effectuée par un détective privé du 06.01.2014 au 16.01.2014. Le rapport y relatif a été soumis au Service médical régional (SMR) de l’AI. Se fondant sur les conclusions de celui-ci, selon lesquelles le besoin d’accompagnement n’était pas justifié, l’office AI a suspendu avec effet immédiat le versement de l’allocation pour impotent.

L’office AI a par ailleurs soumis l’assuré à une expertise auprès d’un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Ce dernier a fait état d’un épisode dépressif majeur récurrent, de gravité tout au plus légère, et d’une personnalité fruste à traits impulsifs ; il a conclu à une capacité de travail entière dans toute activité depuis au plus tard le 03.08.2013. L’office AI a suspendu le versement de la rente avec effet immédiat. Par deux décisions, l’office AI a supprimé le droit à la rente entière d’invalidité et le droit à l’allocation pour impotent, chaque fois avec effet au jour de la suspension du versement des prestations respectives.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 17.12.2014, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Arrêt de la CourEDH Vukota-Bojic c. Suisse (61838/10)

Dans l’arrêt 61838/10 Vukota-Bojic contre Suisse du 18.10.2016 (définitif le 18.01.2017), la la Cour européenne des droits de l’homme (CourEDH) a jugé de la conformité à la CEDH de la surveillance effectuée par un détective mandaté par un assureur-accidents (social). Elle a considéré que les art. 28 et 42 LPGA, ainsi que l’art. 96 LAA, ne constituent pas une base légale suffisante pour l’observation, nonobstant la protection de la personnalité et du domaine privé conférée par les art. 28 CC et 179quater CP, de sorte qu’elle a conclu à une violation de l’art. 8 CEDH (droit au respect de la vie privée; § 72 ss de l’arrêt Vukota-Bojic). En revanche, la CourEDH a nié que l’utilisation des résultats de la surveillance par l’assureur-accidents violât l’art. 6 CEDH (droit à un procès équitable). Elle a considéré comme déterminant que ces résultats n’avaient pas été seuls décisifs pour évaluer le droit à la prestation dans le cadre de la procédure du droit des assurances sociales en question et que la personne assurée avait eu la possibilité de les contester, notamment sous l’angle de leur authenticité et de leur utilisation (dans une procédure litigieuse). La qualité probatoire du moyen en cause, soit le point de savoir s’il est propre à servir de preuve, sa force probatoire, ainsi que les circonstances dans lesquelles la preuve a été récoltée et l’influence de celle-ci sur l’issue de la procédure ont également été considérées comme importantes (§ 91 ss de l’arrêt Vukota-Bojic).

De son côté, à la lumière des considérations de l’arrêt Vukota-Bojic, le Tribunal fédéral a jugé désormais que l’art. 59 al. 5 LAI, selon lequel « les offices AI peuvent faire appel à des spécialistes pour lutter contre la perception indue de prestations », ne constitue pas une base légale suffisante qui réglerait de manière étendue, claire et détaillée la surveillance secrète également dans le domaine de l’assurance-invalidité. En conséquence, une telle mesure de surveillance, qu’elle soit mise en œuvre par l’assureur-accidents ou l’office AI, porte atteinte à l’art. 8 CEDH, respectivement à l’art. 13 Cst. qui a une portée pour l’essentiel identique. Dans cette mesure, la jurisprudence publiée in ATF 137 I 327 ne peut être maintenue (arrêt 9C_806/2016 du 14 juillet 2017 consid. 4, destiné à la publication).

Il convient dès lors de constater que la surveillance menée du 06.01.2014 au 16.01.2014 est en l’espèce contraire au droit, parce qu’elle a été effectuée en violation des droits garantis par les art. 8 CEDH et 13 Cst.

Il reste à examiner si les résultats de l’observation contraire au droit – rapport du détective et vidéo – peuvent être exploités dans la présente procédure.

 

Preuve illicite

L’examen du sort de la preuve illicite doit être effectué au regard uniquement du droit suisse, la CourEDH vérifiant seulement si une procédure dans son ensemble peut être considérée comme équitable au sens de l’art. 6 CEDH. A cet égard, dans le récent arrêt 9C_806/2016 cité, le Tribunal fédéral a retenu pour l’essentiel qu’il est en principe admissible d’exploiter les résultats de la surveillance (et, de ce fait, d’autres preuves fondées sur ceux-ci), à moins qu’il ne résulte de la pesée des intérêts en présence que les intérêts privés prévalent sur les intérêts publics. Il a par ailleurs considéré qu’il y a bien lieu, en droit des assurances sociales, de partir du principe d’une interdiction absolue d’exploiter le moyen de preuve, dans la mesure où il s’agit d’une preuve obtenue dans un lieu ne constituant pas un espace public librement visible sans difficulté, situation dont le Tribunal fédéral n’avait toutefois pas à juger (consid. 5.1.3 de l’arrêt 9C_806/2016 cité, avec référence à l’arrêt 8C_830/2011 du 9 mars 2012 consid. 6.4).

Lors de sa décision de faire dépendre le caractère exploitable des résultats de la surveillance obtenus de manière illicite d’une pesée des intérêts entre les intérêts privés et publics, le Tribunal fédéral a considéré comme déterminant qu’il devrait rapidement être remédié à l’absence d’une base légale suffisante sous tous les aspects (consid. 5.1.1 de l’arrêt 9C_806/2016 cité avec référence au Rapport explicatif de l’OFAS, du 22 février 2017, relatif à l’ouverture de la procédure de consultation concernant la révision de la LPGA, ch. 1.2.1.3, p. 5 s.). Du point de vue juridique, il s’est par ailleurs référé à l’art. 152 al. 2 du Code de procédure civile entré en vigueur au 1er janvier 2011 (sur cette disposition, cf. ATF 140 III 6 consid. 3.1 p. 8 s. et les références), avec lequel un domaine supplémentaire du droit de la procédure a été actualisé en plus du droit de la procédure pénale.

 

En l’espèce, la surveillance a été mise en œuvre après que l’office AI a eu connaissance de l’accident de circulation subi par l’assuré le 03.08.2013, alors qu’il circulait en scooter. Jusque-là, l’office AI avait considéré que l’assuré était incapable de se déplacer sans aide – ce qui justifiait l’octroi d’une allocation pour impotent -, de sorte que des doutes ont été conçus à ce sujet. L’observation a eu lieu pendant cinq jours en l’espace de onze jours et a duré chaque fois près de neuf heures. Elle a porté sur le comportement et les actes quotidiens de l’assuré à l’extérieur de chez lui : sortie de l’immeuble, conduite d’une voiture, entrée et sortie d’un magasin, accueil d’une connaissance.

On constate que l’assuré n’a pas été soumis à une surveillance systématique et durant une période étendue. De plus, le comportement décrit et (en partie) enregistré relève d’actes somme toute (très) quotidiens. L’atteinte à la vie privée subie par le recourant ne saurait dès lors être qualifiée de grave. L’intérêt privé au respect de la vie privée doit être opposé à l’intérêt public de l’assureur social et de la collectivité des assurés à empêcher la perception illicite de prestations. Or l’intérêt public apparaît prépondérant compte tenu des circonstances concrètes. Les résultats de la surveillance obtenus sans base légale suffisante peuvent dès lors être exploités dans le cadre de l’appréciation des preuves, le noyau intangible de l’art. 13 Cst. n’ayant pas été touché par la mesure en cause et l’atteinte légère qu’elle a entraînée. Il en va de même de l’expertise du spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, dans laquelle, en plus de procéder à ses propres constatations, l’expert se réfère à plusieurs reprises aux résultats de la surveillance. Ces pièces n’ont pas à être écartées du dossier de l’office AI.

En l’absence de grief tiré d’une violation de l’art. 29 al. 1 Cst. ou 6 CEDH (art. 106 al. 2 LTF), il n’y a pas lieu d’examiner si la prise en considération des résultats de l’observation en cause, qui ont été obtenus en violation de l’art. 8 CEDH, fait apparaître l’ensemble de la procédure comme inéquitable (à ce sujet, consid. 5.2.1 de l’arrêt 9C_806/2016 cité). Dans ce contexte, on ajoutera que le Tribunal fédéral a depuis toujours considéré, à la lumière de l’exigence relative au caractère équitable de la procédure, qu’un moyen de preuve est exploitable seulement pour autant que les actes qu’il montre ont été effectués par l’assuré de sa propre initiative et sans influence extérieure, et qu’aucun piège ne lui ait été tendu (cf. consid. 5.1.1 de l’arrêt 9C_806/2016 cité).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_817/2016 consultable ici : http://bit.ly/2zbgpbg

 

 

9C_387/2017 (f) du 30.10.2017 – Evaluation de l’invalidité pour une assurée avec un statut mixte (active 60% / ménagère 40%) / Arrêt de la CourEDH Di Trizio c. Suisse non applicable

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_387/2017 (f) du 30.10.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2A4h0wS

 

Evaluation de l’invalidité pour une assurée avec un statut mixte (active 60% / ménagère 40%) – 28a al. 3 LAI

Arrêt de la CourEDH Di Trizio c. Suisse non applicable

 

Assurée née en 1954, mère de sept enfants, nés entre 1977 et 1989, ressortissante suisse domiciliée en France, travaillait en Suisse en qualité d’éducatrice de la petite enfance à un taux de 60% et était en incapacité totale de travailler depuis le 08.05.2008 en raison de différentes pathologies somatiques et psychiques.

Après enquête et instruction, l’Office de l’assurance invalidité du canton de Genève (ci-après : l’OAI-GE) a retenu un statut d’active à 60% et de ménagère à 40% et déterminé le taux d’invalidité à 29,4% en application de la méthode mixte (soit 43% d’incapacité de gain et 9% d’empêchement dans l’accomplissement des travaux habituels). Sur la base de ces éléments, l’Office de l’assurance-invalidité pour les assurés résidant à l’étranger (ci-après : l’OAIE) a entériné le projet de décision de l’OAI-GE.

 

Procédure cantonale (arrêt C-579/2014 – consultable ici : http://bit.ly/2zrXpcI)

Le Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) est parvenue à la conclusion que sans l’atteinte à la santé, l’assurée aurait continué à travailler à temps partiel et a confirmé le statut mixte retenu par l’administration. Ils ont refusé d’appliquer la méthode mixte dans le cas d’espèce, estimant que l’arrêt du 02.02.2016 rendu en la cause Di Trizio contre la Suisse (n° 7186/09) par la CourEDH y faisait obstacle, et ont renvoyé la cause à l’administration pour nouvelle évaluation du taux d’invalidité et nouvelle décision. Par jugement du 11.04.2017, admission du recours par le TAF.

 

TF

Le litige porte sur le statut de l’assurée et sur la méthode d’évaluation de l’invalidité qui en découle.

 

Arrêt de la CourEDH Di Trizio contre Suisse

Selon l’arrêt rendu en la cause Di Trizio contre la Suisse (n° 7186/09) par la CourEDH, l’application dans l’assurance-invalidité de la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité à une assurée qui, sans atteinte à la santé, n’aurait travaillé qu’à temps partiel après la naissance de ses enfants et s’est vue de ce fait supprimer la rente d’invalidité en application des règles sur la révision de la rente constitue une violation de l’art. 14 CEDH (interdiction de la discrimination) en relation avec l’art. 8 CEDH (droit au respect de la vie privée et familiale).

On ne saurait déduire des considérants de l’arrêt de la CourEDH que l’application de la méthode mixte doit être écartée de manière systématique sans égard à la situation concrète. Comme le Tribunal fédéral l’a précisé à plusieurs reprises, ce n’est en effet que lorsqu’une rente est supprimée ou réduite dans le cadre d’une révision, et dans la mesure où la suppression, respectivement la diminution de la rente, intervient à la suite d’un changement de statut de « personne exerçant une activité lucrative à plein temps » à « personne exerçant une activité lucrative à temps partiel » qui trouve sa cause dans des motifs d’ordre familial (la naissance d’enfants et la réduction de l’activité professionnelle qui en découle), que l’application de la méthode mixte se révèle contraire à la CEDH (cf. ATF 143 I 50 consid. 4.1 p. 58 et 143 I 60 consid. 3.3.4 p. 64; cf. aussi arrêts 9C_752/2016 du 6 septembre 2017 consid. 4 destiné à la publication, 9C_827/2016 du 31 juillet 2017 consid. 6.2 et 9C_473/2016 du 25 janvier 2017 consid. 4).

En conséquence, en niant l’applicabilité de la méthode mixte à l’évaluation de l’invalidité de l’assurée, les premiers juges ont violé le droit fédéral.

 

Méthode mixte à l’évaluation de l’invalidité

Pour déterminer le statut de l’assuré et la méthode d’évaluation de l’invalidité qui en découle, il faut se demander ce que l’assuré aurait fait si l’atteinte à la santé n’était pas survenue (ATF 137 V 334 consid. 3.2 p. 338 et les références). Le point de savoir si et dans quelle mesure l’assuré exercerait une activité lucrative ou resterait au foyer s’il n’était pas atteint dans sa santé, en tant qu’il repose sur l’évaluation du cours hypothétique des évènements, est une question de fait, pour autant qu’il repose sur une appréciation des preuves, et cela même si les conséquences tirées de l’expérience générale de la vie sont également prises en considération (ATF 133 V 477 consid. 6.1 p. 485; arrêt 9C_33/2016 du 16 août 2016 consid. 7.2). Dès lors, les constatations de la juridiction de première instance lient en principe le Tribunal fédéral, sauf si elles sont manifestement inexactes ou établies en violation du droit (art. 105 al. 2 LTF).

 

En l’espèce, l’assurée avait travaillé à un taux de 60% dès le mois d’août 2003, soit bien avant l’incapacité de travail survenue en mai 2008, ses problèmes de santé n’ayant donc pas été décisifs. Dès lors qu’il n’existait aucun indice permettant de conclure que le taux d’occupation réduit devait permettre à l’intéressée de se consacrer à des hobbies ou à d’autres activités d’accomplissement personnel (cf. ATF 142 V 290 consid. 5 p. 294 et 131 V 51 consid. 5.1.2 p. 53; arrêt 9C_432/2016 du 10 février 2017 consid. 5.1), la juridiction précédente a confirmé le statut mixte retenu par l’administration.

La juridiction précédente a par ailleurs constaté que l’assurée a elle-même affirmé à plusieurs reprises, dans le cadre de l’instruction de sa demande de prestations, qu’elle ne souhaitait pas travailler à un taux d’occupation supérieur à 60%.

Quant au fait que l’assurée n’aurait pas compris les questions relatives au taux d’activité exercé sans la survenance de l’atteinte à la santé, il suffit de constater que l’assurée a contesté le statut mixte, admis par l’administration dès le début de l’instruction, seulement au moment du recours contre la décision initiale, contredisant ainsi les déclarations faites antérieurement lors de l’enquête économique sur le ménage. Pour le reste, l’assurée ne conteste pas le taux d’invalidité retenu par l’office AI en fonction des empêchements dans chacune des sphères d’activités professionnelle et ménagère, de sorte qu’il n’y a pas lieu d’y revenir.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement du TAF et confirme la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_387/2017 consultable ici : http://bit.ly/2A4h0wS

 

 

L’article sur l’observation sera soumis au conseil lors de la session d’hiver

L’article sur l’observation sera soumis au conseil lors de la session d’hiver

 

Communiqué de presse du Parlement du 14.11.2017 consultable ici : http://bit.ly/2igWoK8

 

La commission s’est penchée sur l’avis du Conseil fédéral sur le projet intitulé «Base légale pour la surveillance des assurés» (iv. pa. CSSS-E, 16.479). Par 8 voix contre 5, elle a maintenu sa décision selon laquelle les instruments techniques tels que les émetteurs GPS pourraient être utilisés en plus des enregistrements visuels et sonores, contrairement à ce que préconisait le Conseil fédéral. En ce qui concerne la durée de l’observation, la commission s’est ralliée, à l’unanimité, à la proposition du Conseil fédéral, qui voulait qu’une observation d’une durée de six mois – période au cours de laquelle une personne pourra être surveillée pendant 30 jours au maximum – pourrait être prolongée pour une durée maximale de six mois supplémentaires. Enfin, elle propose de régler directement au niveau de la loi le fait que la compétence d’ordonner une observation revienne à une personne assumant une fonction de direction chez l’assureur, dans le domaine des prestations.

Le projet sera examiné par le Conseil des Etats à la session d’hiver (le jeudi 14 décembre 2017, dans la matinée).

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 14.11.2017 consultable ici : http://bit.ly/2igWoK8