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8C_118/2021 (f) du 21.12.2021 – Pas de délai d’adaptation lors du passage des indemnités journalières à la rente / Abattement sur le salaire statistique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_118/2021 (f) du 21.12.2021

 

Consultable ici

 

Pas de délai d’adaptation lors du passage des indemnités journalières à la rente / 19 LAA

Abattement sur le salaire statistique / 16 LPGA

 

Assuré, né en 1969, travaillait comme maçon depuis 2011. Le 23.08.2016, il a été victime d’un accident de travail, se blessant au bras gauche en tentant de se retenir lors d’une glissade sur le pont d’un échafaudage. Le 02.05.2017, l’assuré a subi une arthroscopie diagnostique avec réinsertion du tendon du sus-épineux de l’épaule gauche.

A l’issue d’un séjour à la CRR, du 04.09.2018 au 03.10.2018, il a été constaté que la situation n’était pas encore stabilisée du point de vue médical et des aptitudes fonctionnelles mais qu’une telle stabilisation était attendue dans un délai de six mois environ. Par ailleurs, les médecins de la CRR ont conclu que l’activité de maçon ne pourrait vraisemblablement pas être reprise; en revanche, le pronostic de réinsertion dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles de l’assuré (pas de port de charges supérieures à 10-15 kilos de manière prolongée et/ou répétitive avec le membre supérieur gauche, pas de travail prolongé et/ou répétitif au-dessus du plan des épaules, pas d’activité avec le membre supérieur gauche maintenu en porte-à-faux) était en théorie favorable.

Dans une notice téléphonique du 06.11.2018, le « case manager » de l’assurance-accidents a résumé le point de la situation fait avec l’assuré: ce dernier l’informait être conscient qu’il ne pourrait plus reprendre son activité de maçon mais à ce jour, il n’avait aucun projet concret par rapport à son avenir professionnel et n’avait pas commencé à rechercher une autre activité; le but fixé à l’assuré au cours de l’entretien était de rechercher une nouvelle activité professionnelle.

Un nouveau point de la situation entre la « case manager » de l’assurance-accidents et l’assuré a été fait le 12.02.2019; le but fixé à l’assuré au cours de l’entretien était de se projeter dans son avenir et de rechercher une nouvelle activité professionnelle.

Se fondant sur les conclusions du rapport d’examen final de son médecin-conseil du 26.04.2019, l’assurance-accidents a alloué à l’assuré, par décision du 21.05.2019, une rente d’invalidité fondée sur un taux de 12% dès le 01.07.2019, ainsi qu’une IPAI au taux de 20%. Ensuite de l’opposition de l’assuré contre cette décision, l’assurance-accidents a fixé, dans sa décision sur opposition, le taux de l’IPAI à 25%, confirmant pour le surplus sa décision initiale.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a tout d’abord constaté qu’il n’était pas nécessaire de trancher la question de savoir si l’état de santé de l’assuré s’était stabilisé à fin avril 2019 (comme l’avait retenu l’assurance-accidents) ou à fin juin 2019 (comme le soutenait l’assuré), dès lors que l’assurance-accidents avait versé des indemnités journalières jusqu’au 30.06.2019 et qu’il n’y avait pas lieu d’accorder à l’assuré un délai d’adaptation – durant lequel des indemnités journalières continueraient de lui être versées – à compter de la stabilisation de son état de santé pour lui permettre de se réadapter dans une nouvelle profession. Elle a ensuite entièrement confirmé le taux d’invalidité de 12%, en particulier le revenu avec invalidité calculé sans tenir compte d’un abattement.

Par jugement du 15.12.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
L’assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l’accident (art. 10 al. 1 LAA). S’il est totalement ou partiellement incapable de travailler (art. 6 LPGA), il a droit à une indemnité journalière (art. 16 al. 1 LAA). Selon l’art. 6 LPGA, est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique; en cas d’incapacité de travail de longue durée, l’activité qui peut être exigée de lui peut aussi relever d’une autre profession ou d’un autre domaine d’activité.

Le droit à l’indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l’accident et s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède (art. 16 al. 2 LAA). Si l’assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite de l’accident, il a droit à une rente d’invalidité (art. 18 al. 1 LAA). En vertu de l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme; le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente. Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA).

 

Délai convenable pour chercher un emploi adapté

Consid. 4.
L’assuré demande le versement d’indemnités journalières – sur la base d’une incapacité de travail de 100% – et la prise en charge du traitement médical jusqu’au 31.10.2019.

Consid. 4.1
A l’appui de ses conclusions, il soutient que si, après la stabilisation de son état de santé, l’assuré doit se réadapter dans une autre profession que son activité habituelle, l’art. 19 al. 1 LAA n’empêcherait pas l’octroi d’un délai de trois à cinq mois pendant lequel le droit à l’indemnité journalière et au traitement médical continueraient d’être assurés. Selon l’assuré, si le droit à la rente LAA est différé lorsque des mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité sont en cours (cf. art. 19 al. 1 LAA), il devrait en aller de même en cas de réadaptation spontanée, soit lorsque la personne assurée ne bénéficie pas de mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité mais qu’elle doit chercher par elle-même un nouvel emploi. Dans ce cas, il devrait lui être octroyé un délai d’adaptation pendant lequel les traitements médicaux et l’indemnité journalière devraient continuer à lui être alloués avant le passage à la rente. A cet égard, l’assuré invoque une prétendue contradiction dans la jurisprudence entre l’arrêt 8C_310/2019 du 14 avril 2020, sur lequel s’est fondée la juridiction cantonale pour nier l’octroi d’un délai d’adaptation supplémentaire depuis la stabilisation de son état de santé, et les arrêts 8C_251/2012 du 27 août 2012 et 8C_876/2013 du 15 octobre 2014, dans lesquels un délai de trois à cinq mois aurait été octroyé à la personne assurée avant la suppression des indemnités journalières de l’assurance-accidents pour lui permettre de retrouver une activité adaptée.

Consid. 4.2
Contrairement à ce qu’affirme l’assuré, il n’y a pas de contradiction dans la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de délai d’adaptation en cas d’incapacité de travail de longue durée (art. 6, deuxième phrase, LPGA).

Consid. 4.2.1
Dans l’arrêt 8C_251/2012 du 27 août 2012, le litige ne portait pas, quoi qu’en dise l’assuré, sur l’octroi ou non d’un délai d’adaptation puisque l’assuré pouvait reprendre son activité habituelle de peintre en bâtiment et que la question d’un changement de profession ne se posait pas. Alors que l’état de l’assuré était stabilisé, une instruction complémentaire sur le plan médical s’imposait afin de déterminer l’étendue de l’incapacité de travail de l’assuré dans sa profession habituelle. Le Tribunal fédéral a dès lors renvoyé la cause à l’assureur pour qu’il mettre en œuvre une expertise et rende une nouvelle décision sur le droit aux prestations de l’assuré.

Consid. 4.2.2
Quant à l’arrêt 8C_876/2013 du 15 octobre 2014 également invoqué par l’assuré, il traite d’un cas où une personne assurée avait été reconnue médicalement apte à reprendre son activité habituelle d’employée de commerce à plein temps dès le 31.07.2012, raison pour laquelle l’assureur-accidents avait supprimé le versement de l’indemnité journalière à compter du 01.08.2012. Le Tribunal fédéral a rejeté l’argument de l’assurée selon lequel un laps de temps plus long, pendant lequel elle aurait encore dû bénéficier des indemnités journalières, aurait dû lui être imparti pour lui permettre de retrouver un emploi. Là non plus, on ne voit pas que ce cas traiterait du versement de l’indemnité journalière pendant un certain délai en cas de changement de profession.

Consid. 4.2.3
Dans le cas ayant donné lieu à l’arrêt 8C_310/2019 du 14 avril 2020, l’assurance-accidents avait mis fin aux indemnités journalières et au traitement médical de la personne assurée au 31.05.2017 et lui avait alloué une rente fondée sur un taux d’invalidité de 21% à partir du 01.06.2017, compte tenu de la stabilisation de son état de santé et d’une reprise du travail dans une activité adaptée autre que la profession habituelle à 50% à partir du 22.05.2017. La juridiction cantonale avait partiellement admis le recours de l’assuré contre la décision de l’assurance-accidents, qu’elle avait réformée en ce sens que le droit à la rente d’invalidité prenait naissance le 01.10.2017, les indemnités journalières étant allouées jusque-là. Saisi d’un recours de la personne assurée et de l’assurance-accidents, le Tribunal fédéral a considéré que l’octroi d’un délai convenable pour chercher un emploi adapté, pendant lequel le traitement médical et l’indemnité journalière devraient continuer à être alloués à la personne assurée avant le passage à la rente, ne valait que lorsque les indemnités journalières étaient supprimées en application de l’art. 6, seconde phrase, LPGA, mais pas lorsqu’elle prenaient fin sur la base de l’art. 19 al. 1 LAA, comme c’était le cas ici.

Consid. 4.2.4
Il en va de même dans le cas d’espèce qui est similaire à celui ayant fait l’objet de l’arrêt 8C_310/2019 précité et auquel il peut être renvoyé (en particulier le considérant 6.1.2).

Consid. 4.3
On ajoutera que dans l’hypothèse invoquée par l’assuré où l’on ne peut plus attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré (la première condition de l’art. 19 al. 1, première phrase, LAA étant ainsi remplie) mais où des mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité sont encore en cours ou sont imminentes (la seconde condition de l’art. 19 al. 1, première phrase, LAA n’étant ainsi pas remplie), le taux d’invalidité, et par conséquent le droit à la rente, ne peuvent certes pas être fixés. Dans ce cas toutefois, la personne assurée a droit à des indemnités journalières de l’assurance-invalidité (art. 22 ss LAI) et l’indemnité journalière de l’assurance-accidents n’est, quoi qu’en dise l’assuré, pas allouée (art. 16 al. 3 LAA).

En l’espèce, dès lors qu’ il n’y avait plus lieu d’attendre d’une poursuite du traitement médical au-delà du 30.06.2019 une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré et que des mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité n’étaient pas prévues, l’instance précédente pouvait confirmer la fin de l’octroi des indemnités journalières et du traitement médical avec effet au 30.06.2019, sans impartir à l’assuré un délai pour s’adapter aux nouvelles circonstances et lui verser les indemnités journalières pendant cette période. Dans une telle constellation, l’assureur-accidents doit clore le cas et la rente est versée dès la date où a pris fin le droit à l’indemnité journalière (qui correspond également à celle de la fin du droit à la prise en charge du traitement médical selon l’art. 10 al. 1 LAA). L’art. 19 al. 1 LAA délimite ainsi du point de vue temporel le droit à ces deux prestations temporaires et le droit à la rente.

 

Délai d’adaptation lors du passage des indemnités journalières à la rente

Consid. 4.4.1
Dans le cas ayant donné lieu à l’arrêt 8C_173/2008 du 20 août 2008, l’assureur-accidents avait réduit les indemnités journalières à 50% à partir du 01.11.2005 puis les avait supprimées à partir du 01.12.2005. Sur recours de l’assurée, le Tribunal fédéral a tout d’abord constaté que l’état de santé de l’assurée n’était pas stabilisé au 01.11.2005 et qu’il y avait lieu d’attendre de la continuation du traitement médical au-delà du 01.11.2005 une sensible amélioration de son état de santé. Se posait donc encore la question de savoir dans quelle mesure l’assurée avait été incapable de travailler entre le 01.11.2005 et le 04.04.2006. Le Tribunal fédéral a constaté que selon les renseignements médicaux concordants au dossier, l’assurée ne pouvait plus exercer son ancienne activité d’infirmière mais pourrait exercer une activité adaptée à 100% avec un rendement de 75%. Dès lors que l’assureur ne l’avait pas invitée à rechercher une activité adaptée avant de rendre sa décision du 03.10.2005, les conditions développées par la jurisprudence pour appliquer l’art. 6, seconde phrase, LPGA n’étaient pas remplies en l’espèce; l’incapacité de travail de l’assurée devait donc être déterminée sur la base de l’art. 6, première phrase, LPGA, soit dans son activité habituelle. Dans la mesure où l’assurée présentait une incapacité de travail de 100% dans son activité habituelle d’infirmière au-delà du 01.11.2005, elle avait encore droit à des indemnités journalières à 100%. En revanche, le Tribunal fédéral ne s’est pas prononcé sur la question de savoir comment l’état de santé de l’assurée avait évolué après le 04.04.2006, date de la décision sur opposition litigieuse, et à partir de quel moment le cas d’assurance pouvait être liquidé au sens de l’art. 19 al. 1 LAA.

Dans ce cas, on voit clairement que l’assureur-accidents aurait dû impartir à l’assurée un délai de trois à cinq mois depuis le 26.09.2005, respectivement depuis le 31.01.2006 pour lui permettre de retrouver un emploi adapté dans une nouvelle profession, ce qu’il n’avait pas fait avant de rendre sa décision du 03.10.2005, confirmée sur opposition le 04.04.2006. A ce moment-là, il n’était pas encore question d’une liquidation du cas au sens de l’art. 19 al. 1 LAA.

Consid. 4.4.2
Dans le cas d’espèce, on relèvera qu’il ressort du rapport de la CRR du 26.09.2018 que bien que l’état de l’assuré ne fût pas encore stabilisé, il apparaissait hautement vraisemblable qu’il ne pourrait plus exercer son ancienne activité de maçon; en revanche, une activité adaptée respectant certaines limitations fonctionnelles était raisonnablement exigible. Il ressort en outre du dossier que le 06.11.2018, l’assurance-accidents avait invité l’assuré à rechercher une nouvelle activité professionnelle. Elle avait réitéré son invitation le 12.02.2019. Aussi, dès l’automne 2018, mais au plus tard dès le mois de février 2019, il apparaissait clairement que l’assuré ne serait plus en mesure de recouvrer sa capacité de travail dans sa profession habituelle de maçon et qu’un changement de profession était raisonnablement exigible de sa part. L’assuré a donc bel et bien été invité à rechercher une activité raisonnablement exigible dans une autre profession plusieurs mois avant la décision du 21.05.2019. L’assuré a continué de percevoir des indemnités journalières à 100% jusqu’au 30.06.2019, soit pendant une période de sept mois depuis l’automne 2018, respectivement de plus de quatre mois depuis février 2019. Il a ainsi bénéficié d’un délai d’adaptation dès le moment où il est apparu qu’il ne serait plus en mesure de reprendre sa profession de maçon et qu’une activité dans un autre domaine pouvait raisonnablement être exigée de lui (art. 6, seconde phrase, LPGA; voir aussi MARGIT MOSER-SZELESS, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n° 36 ad art. 6 LPGA).

 

Abattement sur le salaire statistique

Consid. 6.3.1
En l’occurrence, on a vu que l’assuré est en mesure d’exercer une activité à plein temps sans diminution de rendement si l’activité respecte ses limitations fonctionnelles. Il convient donc d’examiner si celles-ci sont susceptibles d’influencer les perspectives salariales de l’assuré. Les limitations fonctionnelles de l’assuré portent sur le port de charges supérieures à 10-15 kilos de manière prolongée et/ou répétitive avec le membre supérieur gauche, le travail prolongé et/ou répétitif au-dessus du plan des épaules et les activités avec le membre supérieur gauche maintenu en porte-à-faux. Cela dit, au regard des activités physiques ou manuelles simples que recouvrent les secteurs de la production et des services (ESS 2016, tableau TA1_skill_level, niveau de compétence 1), un nombre suffisant d’entre elles correspondent à des travaux légers respectant les limitations fonctionnelles de l’assuré. Une déduction supplémentaire sur le salaire statistique ne se justifie donc pas pour tenir compte des circonstances liées au handicap de l’assuré. En effet, un abattement n’entre en considération que si, sur un marché du travail équilibré, il n’y a plus un éventail suffisamment large d’activités accessibles à l’assuré (cf. arrêt 8C_122/2019 du 10 septembre 2019 consid. 4.3.1.4).

Consid. 6.3.2
En ce qui concerne le critère de l’âge, l’assuré n’expose pas en quoi ses perspectives salariales seraient concrètement réduites sur un marché du travail équilibré à raison de son âge. En outre, il était âgé de 50 ans au moment de la clôture du cas d’assurance, soit un âge encore relativement éloigné de celui de la retraite. Quant à l’absence d’expérience et de formation, elle ne joue pas de rôle lorsque le revenu d’invalide est déterminé en référence au salaire statistique auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives de niveau de compétence 1, comme c’est le cas en l’espèce. En effet, ce niveau de compétence de l’ESS concerne une catégorie d’emplois ne nécessitant ni formation ni expérience professionnelle spécifique (arrêt 8C_103/2018 du 25 juillet 2018 consid. 5.2 et la référence citée).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_118/2021 consultable ici

 

8C_39/2020 (f) du 19.06.2020 – Stabilisation de l’état de santé – Fin du droit à l’indemnité journalière – 19 LAA / Pas de droit de l’assuré à un délai pour s’adapter aux nouvelles circonstances ni d’indemnités journalières pendant cette période – 6 LPGA – 19 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2020 (f) du 19.06.2020

 

Consultable ici

 

Stabilisation de l’état de santé – Fin du droit à l’indemnité journalière / 19 LAA

Conditions de l’art. 6, 2e phrase, LPGA ne concernent que l’indemnité journalière – Pas transposable au domaine des rentes selon art. 19 LAA

Pas de droit de l’assuré à un délai pour s’adapter aux nouvelles circonstances ni d’indemnités journalières pendant cette période

 

Assuré, née en 1961, a été victime d’accidents les 29.05.2015 et 29.12.2015, ensuite desquels elle a perçu des indemnités journalières de l’assurance-accidents.

Dans son rapport d’examen du 13.06.2018, le médecin-conseil de l’assurance-accidents a retenu que l’incapacité de travail de l’assurée dans l’activité d’aide-concierge était complète et définitive. En revanche, une pleine capacité de travail était envisageable dans une activité légère et sédentaire réalisée sous certaines conditions. Par estimation du même jour, ce médecin a évalué le taux de l’IPAI à 10%.

Le 14.06.2018, la CNA a informé l’assurée que vu la stabilisation de son état de santé, elle mettait un terme au paiement des indemnités journalières et des soins médicaux au 30.06.2018 et allait examiner son droit à d’autres prestations dès le 01.07.2018.

Par décision du 06.07.2018, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé d’allouer à l’assurée une rente d’invalidité et lui a octroyé une IPAI correspondant à un taux de 10%.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 22.11.2019, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, condamnant l’assurance-accidents à verser à l’assurée des indemnités journalières du 01.07.2018 au 30.09.2018 et rejetant le recours pour le surplus.

 

TF

Consid. 3.1
L’assuré totalement ou partiellement incapable de travailler à la suite d’un accident a droit à une indemnité journalière (art. 16 al. 1 LAA). Le droit à l’indemnité journalière naît le troisième jour qui suit celui de l’accident (art. 16 al. 2, 1e phrase, LAA). Il s’éteint dès que l’assuré a recouvré sa pleine capacité de travail, dès qu’une rente est versée ou dès que l’assuré décède (art. 16 al. 2, 2e phrase, LAA). La notion d’incapacité de travail, à laquelle renvoie l’art. 16 al. 1 LAA comme condition du droit à l’indemnité journalière, est définie à l’art. 6 LPGA. Est réputée incapacité de travail toute perte, totale ou partielle, de l’aptitude de l’assuré à accomplir dans sa profession ou son domaine d’activité le travail qui peut raisonnablement être exigé de lui, si cette perte résulte d’une atteinte à sa santé physique, mentale ou psychique (art. 6, 1e phrase, LPGA). En cas d’incapacité de travail durable dans l’ancienne profession, l’assuré est en revanche tenu, en vertu de son devoir de diminuer le dommage, d’utiliser dans un autre secteur sa capacité fonctionnelle résiduelle (art. 6, 2e phrase, LPGA; JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3 e éd., Bâle 2016, n. 213 p. 973). A cet égard, la jurisprudence considère qu’un délai doit être imparti à l’intéressé pour rechercher une activité raisonnablement exigible dans une autre profession ou un autre domaine. La durée de ce délai doit être appréciée selon les circonstances du cas particulier; elle est généralement de trois à cinq mois selon la pratique applicable en matière d’assurance-maladie (ATF 129 V 460 consid. 5.2 p. 464; 114 V 281 consid. 5b in fine p. 290). A l’issue de ce délai, le droit à l’indemnité journalière dépend de l’existence d’une éventuelle perte de gain imputable au risque assuré. Celle-ci se détermine par la différence entre le revenu qui pourrait être obtenu sans la survenance de l’éventualité assurée dans la profession exercée jusqu’alors et le revenu qui est obtenu ou pourrait raisonnablement être réalisé dans la nouvelle profession (ATF 114 V 281 consid. 3c in fine p. 286; arrêt 8C_310/2019 du 14 avril 2020 consid. 6.1.2 et la référence citée).

Consid. 3.2
Si l’assuré est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite de l’accident, il a droit à une rente d’invalidité, pour autant que l’accident soit survenu avant l’âge ordinaire de la retraite (art. 18 al. 1 LAA). En vertu de l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme (1e phrase); le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (2e phrase). La « naissance du droit à la rente » correspond au moment à partir duquel l’assuré peut potentiellement prétendre à un droit à la rente, indépendamment de l’octroi effectif d’une telle rente (THOMAS FLÜCKIGER, in Basler Kommentar, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n° 7 ad art. 19 LAA, avec référence à l’ATF 143 V 148 consid. 5.3.1 p. 156). Il résulte ainsi de l’art. 19 al. 1 LAA que lorsqu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré, l’assureur doit mettre fin au paiement du traitement médical et des indemnités journalières et examiner le droit à une rente d’invalidité et à une IPAI (ATF 134 V 109 consid. 4.1 p. 114 et les références citées; arrêt 8C_443/2016 du 11 août 2016 consid. 2.2).

 

Consid. 4.1
Les juges cantonaux ont retenu que l’état de santé de l’assurée était stabilisé au 13.06.2018. Considérant que l’activité habituelle de cette dernière n’était plus exigible et qu’un changement de profession s’imposait, ils ont toutefois jugé que l’assurance-accidents aurait dû impartir à l’assurée un délai convenable pour lui permettre de chercher un nouvel emploi. Estimant qu’un délai de trois mois était raisonnable, ils ont fixé la date de la fin du versement des indemnités journalières au 30.09.2018 (et non au 30.06.2018 comme l’assurance-accidents), le droit à la rente prenant naissance le 01.10.2018 (non au 01.07.2018).

Consid. 4.2
L’assurance-accidents soutient qu’elle n’avait pas à accorder à l’assurée, à compter de la date de stabilisation médicale, un délai convenable pour chercher un emploi adapté pendant lequel l’indemnité journalière aurait dû continuer à lui être allouée avant le passage à une éventuelle rente. Cette pratique ne vaudrait que lorsque les indemnités journalières sont supprimées sur la base de l’art. 6, 2e phrase, LPGA, mais pas lorsqu’elles prennent fin en application de l’art. 19 al. 1 LAA, comme en l’espèce. Le raisonnement de la cour cantonale consacrerait ainsi une violation de l’art. 19 LAA.

Consid. 4.3
Cette critique est justifiée. La jurisprudence développée en relation avec l’obligation de diminuer le dommage en cas d’atteinte à la santé (exprimé à l’art. 6, 2e phrase, LPGA par l’exigibilité d’une activité de substitution en cas d’incapacité de travail durable; cf. consid. 3.1 supra) ne concerne en effet que l’indemnité journalière et n’est pas transposable au domaine des rentes, pour lesquelles le droit prend naissance selon d’autres conditions prévues par les lois spéciales, soit dans l’assurance-accidents l’art. 19 LAA (arrêts 8C_310/2019 précité consid. 6.1.2; 8C_443/2016 précité consid. 2.3; 8C_687/2014 du 9 septembre 2015 consid. 5.1, publié in SVR 2016 UV n° 17 p. 19; MARGIT MOSER-SZELESS, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales [Dupont/Moser-Szeless éd.], 2018, n. 38 ad art. 6 LPGA). Autrement dit, dès lors que l’état de santé de l’assuré est stabilisé – au sens de l’art. 19 al. 1, 1e phrase, LAA – et qu’il y a en conséquence lieu d’examiner s’il peut prétendre à une rente, l’assureur-accidents n’est pas tenu de lui impartir un délai pour s’adapter aux nouvelles circonstances et de continuer de lui verser les indemnités journalières pendant cette période. Il doit clore le cas et mettre un terme au paiement de l’indemnité journalière. Le versement d’une rente d’invalidité – pour autant que l’assuré y ait droit en vertu de l’art. 18 al. 1 LAA – intervient au moment où prend fin le droit à l’indemnité journalière.

Consid. 4.4
Sur la base de l’examen final du 13.06.2018, l’assurance-accidents a estimé que l’état de santé de l’assurée était stabilisé. Cette dernière ne conteste pas cette appréciation. L’assurance-accidents était donc fondée à mettre un terme au versement des indemnités journalières au 30.06.2018 et à examiner si les conditions d’octroi d’une rente d’invalidité dès le 01.07.2018 étaient réunies. C’est ainsi à tort que la juridiction cantonale l’a condamnée à verser des indemnités journalières à l’assurée du 01.07.2018 au 30.09.2018. Le recours doit par conséquent être admis.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

Arrêt 8C_39/2020 consultable ici

 

 

2C_546/2021 (f) du 31.10.2022, destiné à la publication – L’indemnité pour licenciement abusif est exonérée d’impôt – 336a CO

Arrêt du Tribunal fédéral 2C_546/2021 (f) du 31.10.2022, destiné à la publication

 

Arrêt consultable ici

Communiqué de presse du TF du 29.11.2022 consultable ici

 

L’indemnité pour licenciement abusif est exonérée d’impôt / 336a CO

 

L’indemnité versée par l’employeur au travailleur suite à un licenciement abusif est exonérée d’impôt. L’indemnité a essentiellement le caractère d’indemnité pour tort moral et compte ainsi entièrement au nombre des revenus exonérés d’impôt.

Une employée d’une entreprise de transport vaudoise a été licenciée en 2016 et libérée de son obligation de travailler jusqu’à la fin du délai de congé. L’intéressée a par la suite intenté une action pour licenciement abusif contre son employeur. Dans le cadre de l’audience de conciliation, ce dernier s’est engagé à verser 25’000 francs. En 2020, l’administration cantonale des impôts du canton de Vaud a décidé que cette indemnité était imposable à titre de revenu. En 2021, le Tribunal cantonal du canton de Vaud a en revanche jugé que les 25’000 francs ne constituaient pas un revenu imposable.

Le Tribunal fédéral rejette le recours de l’administration cantonale des impôts. Selon le Code des obligations (CO), en cas de résiliation abusive, l’employeur doit verser une indemnité dont le montant peut atteindre jusqu’à six mois de salaire (article 336a CO). En l’espèce, le Tribunal administratif pouvait légitimement partir du principe que l’indemnité avait été versée par l’employeur en reconnaissance d’un licenciement abusif. Selon la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct, les versements à titre de réparation du tort moral font partie des revenus exonérés de l’impôt. Le Tribunal fédéral arrive à la conclusion que, du point de vue fiscal, l’indemnité versée en vertu de l’article 336a CO doit être entièrement considérée comme une indemnité pour tort moral exonérée d’impôt. L’indemnité a pour but de dédommager le travailleur pour le tort qu’il a subi du fait de son licenciement abusif. A cet égard, il n’est pas pertinent que le paiement serve en outre à sanctionner le comportement de l’employeur.

 

 

Arrêt 2C_546/2021 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 29.11.2022 consultable ici

 

9C_300/2021 (d) du 03.05.2022 – Obligation de cotiser : assujettissement réglementaire des revenus d’activités accessoires – 2 LPP – 49 LPP – 1j al. 1 let. c OPP 2

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_300/2021 (d) du 03.05.2022

 

Arrêt 9C_300/2021 consultable ici, résumé du Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 160 du 10.11.2022 disponible ici

 

Obligation de cotiser : assujettissement réglementaire des revenus d’activités accessoires / 2 LPP – 49 LPP – 1j al. 1 let. c OPP 2

 

Le règlement d’une institution de prévoyance peut prévoir que les revenus tirés d’une activité accessoire inférieurs au seuil d’accès LPP soient également soumis à l’obligation de cotiser à la prévoyance professionnelle s’ils sont réalisés auprès d’un employeur qui est affilié à la même institution de prévoyance que l’employeur de l’activité exercée à titre principal.

Une personne assurée est active auprès de deux employeurs qui sont affiliés à la même institution de prévoyance. Dans son activité principale, la personne assurée est obligatoirement assurée à la prévoyance professionnelle. L’institution de prévoyance soumet désormais également à l’obligation de cotiser le revenu de l’activité exercée à titre accessoire, qui correspond à un salaire annuel de seulement 10 000 francs. Elle le fait sur la base de son règlement, lequel prévoit que tous les revenus soumis à l’AVS réalisés par une personne assurée auprès des employeurs qui lui sont affiliés sont soumis à l’obligation de cotiser. La personne assurée s’y oppose, arguant que selon l’art. 1j, al. 1, let. c, OPP 2, les salariés exerçant une activité accessoire ne sont pas soumis à l’assurance obligatoire s’ils y sont déjà assujettis pour une activité lucrative exercée à titre principal.

Le TF considère que, dans le cas présent, le revenu de l’activité accessoire est inférieur au seuil d’entrée et qu’il n’est donc pas soumis à la prévoyance obligatoire. Cependant, il relève qu’en matière de prévoyance étendue au-delà des prestations minimales, il n’existe aucune disposition impérative concernant un salaire minimum ou l’assurance des salariés au service de plusieurs employeurs (art. 49, al. 2, LPP). Contrairement à la thèse défendue par la personne assurée, l’art. 1j, al. 1, let. c, OPP 2, fondé sur l’art. 2, al. 4, LPP, n’est donc pas obligatoirement applicable. Au contraire, la LPP autorise une couverture d’assurance plus étendue que celle prévue par la loi. Dans le cadre de la prévoyance étendue au-delà des prestations minimales, une institution de prévoyance peut également assurer des revenus qui sont inférieurs au salaire minimum de la prévoyance obligatoire (prévoyance sous-obligatoire).

Le TF arrive donc à la conclusion que le règlement d’une institution de prévoyance peut soumettre à l’obligation de cotiser les revenus d’une activité accessoire qui se situent en dessous du seuil d’entrée.

 

Arrêt 9C_300/2021 consultable ici

Résumé in Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 160 du 10.11.2022 disponible ici

 

9C_31/2021 (d) du 14.04.2022, publié 148 V 234 – Obligation de cotiser : activité accessoire auprès du même employeur assujettie à l’assurance obligatoire – 2 LPP – 1j al. 1 OPP 2

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_31/2021 (d) du 14.04.2022, publié 148 V 234

 

Arrêt 9C_31/2021 consultable ici, résumé du Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 160 du 10.11.2022 disponible ici

ATF 148 V 234 consultable ici

 

Obligation de cotiser : activité accessoire auprès du même employeur assujettie à l’assurance obligatoire / 2 LPP – 1j al. 1 OPP 2

 

Si la personne exerce une activité accessoire pour l’employeur auprès duquel son activité principale est déjà assujettie à la prévoyance professionnelle, l’activité accessoire l’est également. Dans ce cas l’art. 1j, al. 1, let. c, OPP 2 ne s’applique pas : il y a donc lieu d’additionner les salaires obtenus pour les deux activités.

Dans le cas présent, la personne était assurée à la prévoyance professionnelle pour un taux d’activité de 100%. En outre, elle exerçait des activités accessoires mineures pour le même employeur. Le Tribunal fédéral (TF) devait examiner si les rémunérations reçues pour les activités accessoires devaient être additionnées au salaire obtenu pour l’activité principale, ou s’il s’agissait d’une activité accessoire au sens de l’art. 1j, al. 1, let. c, OPP 2, qui n’est pas assujettie à l’assurance obligatoire.

Selon le TF, l’énoncé de l’art. 2, al. 1, LPP (« d’un même employeur »), indique que pour l’addition des salaires, le seul élément déterminant est de savoir si les revenus ont été réalisés auprès du même employeur. De même, selon le message sur la LPP, le seul élément déterminant est de savoir si le salaire annuel à prendre en compte a été réalisé auprès d’un seul et même employeur. La prévoyance professionnelle vise à maintenir le niveau de vie des assurés. Pour y parvenir, il importe de prendre en compte, dans la mesure du possible, tous les salaires versés. Seuls les salaires dont la saisie entraînerait une charge disproportionnée ne doivent pas être pris en compte. Dans ce cas, les frais administratifs supplémentaires seraient disproportionnés par rapport à la faible augmentation de la couverture de prévoyance.

Lorsqu’une personne salariée exerce plusieurs activités pour le même employeur, c’est en général la même institution de prévoyance qui est compétente pour toutes les activités. Selon le TF, la charge administrative supplémentaire est alors insignifiante. Il arrive donc à la conclusion que lorsque la personne assurée exerce une activité principale et une activité accessoire auprès du même employeur, l’art. 1j, al. 1, let. c, OPP 2, n’est pas applicable. En vertu de l’art. 2, al. 1, LPP, il y a donc lieu d’additionner les salaires réalisés pour les deux activités et de payer les cotisations LPP sur la somme totale.

 

Arrêt 9C_31/2021 consultable ici

ATF 148 V 234 consultable ici

Résumé in Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 160 du 10.11.2022 disponible ici

 

9C_588/2021 (f) du 27.06.2022 – Mesures médicales de l’AI – 12 LAI – 13 LAI / Bonne foi – Relever le plus tôt possible les éventuels vices de procédure – Rappel du principe « nul n’est censé ignorer la loi »

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_588/2021 (f) du 27.06.2022

 

Consultable ici

 

Mesures médicales de l’AI / 12 LAI – 13 LAI

Bonne foi – Relever le plus tôt possible les éventuels vices de procédure – Rappel du principe « nul n’est censé ignorer la loi »

 

Arguant souffrir d’un trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité existant depuis 2015, l’assuré, né en juillet 2006, a requis l’octroi d’une allocation pour mineur impotent le 11.10.2016.

Le docteur B.__, spécialiste en pédiatrie, a diagnostiqué un trouble de l’attention (en plus d’une dyslexie et d’une dysorthographie), mais n’a pas retenu d’infirmité congénitale au sens de la loi, et a décrit les traitements déjà mis en œuvre. Se fondant pour l’essentiel sur une appréciation de ce rapport par le médecin de son SMR, l’office AI a nié le droit de l’assuré à des mesures médicales, au sens de l’art. 13 LAI, dès lors que le traitement du trouble mentionné avait débuté postérieurement à l’âge de neuf ans (décision du 15.12.2017). Le recours formé par l’assuré contre cette décision adressé à une mauvaise autorité a été retourné à l’administration.

Par décisions du 29.01.2018, l’assuré a été mis au bénéfice d »une allocation pour mineur impotent.

Considérant que la décision prise le 15.12.2017 était entrée en force de chose décidée, l’office AI a poursuivi l’instruction de la cause sous l’angle des mesures médicales au sens de l’art. 12 LAI. Il a récolté des renseignements auprès du docteur D.__, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie. Ce dernier a diagnostiqué une perturbation de l’activité et de l’attention nécessitant un traitement médicamenteux et une psychothérapie, en retenant l’existence d’une infirmité congénitale. Après avoir requis l’avis du médecin du SMR, l’office AI a nié le droit de l’intéressé à des mesures médicales, au sens de l’art. 12 LAI, au motif que la thérapie mise en œuvre visait le traitement de la maladie comme telle et que sa durée était imprévisible (décision du 26.10.2020).

 

Procédure cantonale (arrêt AI 376/20 – 295/2021 – consultable ici)

L’assuré a déféré les décisions des 15.12.2017 et 26.10.2020 au tribunal cantonal.

Le tribunal cantonal a déclaré irrecevable le recours, en tant qu’il était dirigé contre la décision du 15.12.2017. Il a considéré que, même si l’office AI aurait dû lui transmettre ledit recours, qui avait été adressé en temps utile à une mauvaise autorité, l’assuré, qui avait été avisé à plusieurs reprises de l’entrée en force de la décision en question, commettait un abus de droit en se prévalant plus de trois ans après d’une absence fautive de transmission. Nonobstant cette conclusion, il a relevé que le refus du droit à des mesures médicales en cas d’infirmité congénitale (art. 13 LAI) était fondé au motif que les conditions quant à la date du diagnostic et du début du traitement n’étaient pas réalisées. Le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité avait été diagnostiqué pour la première fois en mars 2016 par la neuropsychologue E.__ et rien au dossier ne permettait de retenir que des symptômes nécessitant un traitement existaient avant l’accomplissement de la neuvième année. Il a également confirmé le refus des mesures médicales en général (art. 12 LAI) dès lors que les pièces médicales disponibles démontraient que la durée de la thérapie entreprise n’était pas déterminée et que celle-ci était destinée à traiter l’affection en tant que telle.

Par jugement du 06.10.2021, le tribunal cantonal a déclaré le recours irrecevable, en tant qu’il était dirigé contre la première décision, et l’a rejeté, en tant qu’il était dirigé contre la seconde.

 

TF

Consid. 6.1.1
L’assuré reproche aux juges cantonaux d’avoir déclaré irrecevable son recours en tant qu’il était dirigé contre la décision du 15.12.2017. Il soutient en substance que leur appréciation arbitraire ne tenait pas compte du fait que c’était ses parents non juristes qui avaient agi dans le contexte d’une procédure usuellement longue concernant une matière complexe et que l’administration avait admis avoir commis une erreur en ne transmettant pas d’office l’écriture de recours à l’autorité compétente.

Consid. 6.1.2
Cette argumentation est mal fondée. On rappellera tout d’abord que les rapports entre les administrés et l’administration sont régis notamment par le principe fondamental selon lequel « nul n’est censé ignorer la loi » (cf. arrêt 2C_349/2019 du 27 juin 2019 consid. 5.2). Un assuré ne peut donc en principe pas tirer avantage de sa propre ignorance du droit (cf. ATF 124 V 215 consid. 2b/aa). Or le principe de la bonne foi commande de faire état le plus tôt possible d’éventuels vices de procédure (cf. ATF 143 V 66 consid. 4.3 et les références). L’assuré ne l’a pas fait. Si les informations que l’office AI lui a données le 18.10.2019 concernant l’entrée en force de la décision du 15.12.2017 ou l’inaction de cette autorité quant à son acte d’opposition/recours contre la décision citée échappaient à sa compréhension, rien ne l’empêchait de requérir les services d’un mandataire professionnel, au besoin au bénéfice de l’assistance judiciaire. L’absence de connaissances juridiques et les éventuelles complexité et longueur de la procédure ne sont dès lors pas déterminantes en l’occurrence. De surcroît, dans la mesure où le tribunal cantonal établit les faits et applique le droit d’office et qu’il n’est pas lié par les conclusions des parties (art. 28 et 41 de la loi cantonale vaudoise du 28 octobre 2008 sur la procédure administrative [LPA-VD; RS VD 173.36]; art. 61 let. c et d LPGA), peu importe que celles-ci s’accordaient sur la recevabilité du recours. Dans ces circonstances, les juges cantonaux pouvaient légitimement conclure à l’irrecevabilité du recours en tant qu’il était dirigé contre la décision du 15.12.2017 puisque l’assuré n’a pas réagi, dans un délai convenable, d’abord à l’inaction de l’office AI puis à son refus de revenir sur la décision en cause.

Compte tenu de ce qui précède, il n’y a pas lieu d’examiner les griefs de l’assuré en lien avec le droit à des mesures médicales sous l’angle de l’art. 13 LAI.

 

Consid. 6.2.2
Pour qu’un assuré ait droit à des mesures médicales au sens de l’art. 12 LAI, il faut que celles-ci n’aient pas pour objet le traitement de l’affection comme telle, mais soient directement nécessaires à la réadaptation professionnelle ou de nature à améliorer d’une manière durable et importante notamment la capacité de gain. Autrement dit, les mesures médicales ne doivent pas uniquement viser le traitement du trouble originaire et doivent permettre d’atteindre un résultat certain dans un laps de temps déterminé (cf. arrêt 9C_1074/2009 du 30 septembre 2010 consid. 2 et les références). Or les juges cantonaux ont en l’occurrence constaté que le docteur D.__ avait expressément indiqué que la durée de la psychothérapie était imprévisible et devrait se poursuivre – au moins – jusqu’à la majorité de l’assuré. Cette constatation correspond bien aux propos tenus par le psychiatre traitant qui, contrairement à ce que fait valoir l’assuré, a décrit une limite temporelle au traitement n’ayant rien de précis ou de définitif. L’assuré ne conteste par ailleurs pas la constatation cantonale selon laquelle la psychothérapie entreprise était destinée à traiter l’affection comme telle. Le Tribunal fédéral est dès lors lié par cette constatation (art. 105 al. 1 LTF). Dans ces circonstances, on ne saurait valablement reprocher aux juges cantonaux d’avoir apprécié les preuves de manière arbitraire ou violer le droit fédéral en niant le droit à des mesures médicales sous l’angle de l’art. 12 LAI.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_588/2021 consultable ici

 

8C_39/2022 (f) du 13.10.2022 – Revenu sans invalidité d’un associé gérant d’une Sàrl – Pseudo-indépendant / Accident survenu peu de temps après la création de la Sàrl – Revenu sans invalidité fixé selon l’ESS confirmé

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2022 (f) du 13.10.2022

 

Consultable ici

 

Revenu sans invalidité d’un associé gérant d’une Sàrl – Pseudo-indépendant / 16 LPGA

Accident survenu peu de temps après la création de la Sàrl – Revenu sans invalidité fixé selon l’ESS confirmé

Pas de prise en compte du revenu provenant de l’activité salariée auprès d’un autre employeur avant la création de la Sàrl

Ne pas confondre gain assuré (15 LAA) et revenu sans invalidité (16 LPGA)

Assureur LAA pas lié par l’évaluation de l’invalidité de l’AI

Revenu d’invalide selon ESS – Pas de corrélation entre taux IPAI et taux abattement

 

Assuré, né en 1965, a travaillé du 01.08.1994 au 31.05.2017 comme maçon au service de l’entreprise B.__ SA. Depuis le 01.06.2017, il a travaillé comme maçon pour le compte de C.__ Sàrl. Cette société a été inscrite au registre du commerce en juin 2017. L’assuré a été inscrit comme gérant au bénéfice de la signature individuelle de juin 201 7au 25.09.2017. Depuis lors, l’unique associée gérante au bénéfice de la signature individuelle est la fille de l’assuré.

Le 28.07.2017, lors de ses vacances au Portugal, l’assuré a été victime d’un accident de la route. Le même jour, une ostéosynthèse de la fracture du tibia-péroné gauche a été réalisée. De retour en Suisse, l’assuré a subi deux opérations les 13.10.2017 et 16.10.2017 en raison d’une infection à staphylocoque doré au niveau du tibia gauche. A partir du 07.05.2018, il a repris son activité de maçon à 50%.

Le 04.12.2019, l’assuré a été examiné par le médecin-conseil de l’assurance-accidents. Dans son rapport, celui-ci a indiqué que l’état de santé était stabilisé et que l’exigibilité en tant que maçon n’était plus donnée en pleine capacité et de plein rendement; toutefois, une activité sédentaire était possible sans limitation de temps ni de rendement.

Par décision du 20.02.2020, confirmée sur opposition le 15.05.2020, l’assurance-accidents a alloué à l’assuré une rente d’invalidité de 13% dès le 01.02.2020. Dans le cadre de la fixation du taux d’invalidité, elle s’est fondée non sur le revenu annuel de 91’000 fr. communiqué par C.__ Sàrl, mais sur les chiffres de l’ESS 2016 pour évaluer le revenu sans invalidité. Ainsi, elle a retenu à ce titre un gain annuel de 74’633 fr., en se fondant sur le tableau TA1, niveau de compétence 2, branche Construction 43. S’agissant du revenu avec invalidité, elle l’a fixé à 64’678 fr. sur la base de l’ESS 2016 TA1, niveau de compétence 1, sur lequel elle a appliqué un abattement de 5% pour tenir compte des limitations fonctionnelles. En outre, l’assurance-accidents a octroyé à l’assuré une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 7%.

Parallèlement, l’assuré a déposé une demande AI. Par décision du 11.02.2021, l’office AI lui a reconnu le droit à une demi-rente d’invalidité pour la période du 01.02.2019 au 29.02.2020. Une activité adaptée étant exigible à 100% dès le 04.12.2019, l’office AI a retenu comme revenu sans invalidité le salaire de 91’000 fr. communiqué par le dernier employeur, un revenu avec invalidité de 61’273 fr. 54 (établi sur la base de l’ESS et en opérant un abattement de 10%) et a ainsi fixé le taux d’invalidité à 33%; par conséquent, le droit à la rente s’éteignait au 29.02.2020.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 62/20 – 106/2021 – consultable ici)

Par jugement du 07.12.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Pour déterminer le revenu sans invalidité, il faut établir quel salaire l’assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s’il n’était pas devenu invalide. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible. C’est pourquoi il se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l’assuré avant l’atteinte à la santé, en posant la présomption qu’il aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2).

Pour les personnes de condition indépendante, on peut se référer aux revenus figurant dans l’extrait du compte individuel de l’AVS (arrêts 8C_661/2018 du 28 octobre 2019 consid. 3.2.2, 9C_771/2017 du 29 mai 2018 consid. 3.6). En effet, l’art. 25 al. 1 RAI établit un parallèle entre le revenu soumis à cotisation à l’AVS et le revenu à prendre en considération pour l’évaluation de l’invalidité; le parallèle n’a toutefois pas valeur absolue (arrêt 8C_748/2008 du 10 juin 2009 consid. 5.2.1). Cette réglementation est applicable par analogie dans le domaine de l’assurance-accidents, dès lors que la notion d’invalidité y est la même que dans l’assurance-invalidité (cf. ATF 133 V 549 consid. 6.1).

A ce sujet, on rappellera que, selon la jurisprudence, le revenu réalisé avant l’atteinte à la santé ne pourra pas être considéré comme une donnée fiable lorsque l’activité antérieure était si courte qu’elle ne saurait constituer une base suffisante pour la détermination du revenu sans invalidité. En effet, les bénéfices d’exploitation sont généralement faibles au cours des premières années d’exercice d’une activité indépendante, pour diverses raisons (taux d’amortissement élevé sur les nouveaux investissements etc.), et les personnes qui se mettent à leur propre compte ne réalisent pas, au début de leur activité, des revenus équivalents à ceux des entreprises établies depuis de nombreuses années, les entreprises nouvelles devant consentir à des sacrifices importants notamment au niveau du salaire de leurs patrons (cf. ATF 135 V 59 consid. 3.4.6; arrêts 9C_153/2020 du 9 octobre 2020 consid. 2; 8C_450/2016 du 6 octobre 2016 consid. 3.2.2; 9C_658/2015 du 9 mai 2016 consid. 5.1.1; 8C_567/2013 du 30 décembre 2013 consid. 2.2.2). Le cas échéant, on pourra se fonder sur le revenu moyen d’entreprises similaires (cf. arrêt 9C_474/2016 du 8 février 2017 consid. 4) ou sur les statistiques de l’ESS (cf. arrêts 9C_308/2021 du 7 mars 2022 consid. 4.2.2; 9C_153/2020 du 9 octobre 2020 consid. 2; 9C_111/2009 du 21 juillet 2009 consid. 3.1).

 

Consid. 4.1
En l’espèce, il est incontesté que l’assuré est le patron de la société C.__ Sàrl (dont il était le gérant et seul bénéficiaire de la signature individuelle avant l’accident), même s’il est formellement employé par cette société, inscrite au nom de sa fille, et qu’il exerçait par conséquent une activité indépendante depuis le 01.06.2017, lorsqu’il a été victime d’un accident le 28.07.2017.

Consid. 4.2
Les juges cantonaux ont confirmé le revenu sans invalidité établi par l’assurance-accidents sur la base des valeurs statistiques. A ce propos, ils ont considéré que la période de l’exercice de l’activité indépendante allant du 01.06.2017 au 28.07.2017 était trop courte pour servir de base suffisante pour le calcul du revenu sans invalidité. De surcroît, il ne ressortait pas du dossier que l’assuré se serait versé un salaire avant la survenance de l’évènement accidentel. Même s’il avait produit ses fiches de salaire pour une période subséquente, soit l’année 2019, il n’existait pas de preuves qu’il ait effectivement touché les montants invoqués, lesquels devaient être assimilés plutôt à des déclarations d’intention ne constituant pas une base suffisante pour arrêter le revenu sans invalidité. Compte tenu du fait que l’exploitation de la société de l’assuré venait à peine de débuter, on pouvait légitimement douter que son activité lui aurait permis de toucher immédiatement les montants invoqués. L’intéressé n’avait d’ailleurs pas prouvé, au degré de la vraisemblance prépondérante, que la société était immédiatement rentable et aurait permis de verser un salaire de l’ordre de 7000 fr. par mois dès ses premières semaines d’activité.

Les juges cantonaux ont ensuite apprécié les documents produits dans la procédure cantonale – à savoir l’attestation émanant de C.__ Sàrl établie le 06.03.2021 sur la base de celle établie par G.__ le 05.03.2021 ainsi que l’avis de crédit de l’ordre de G.__ en faveur du compte bancaire UBS du 22.07.2017, pour un montant de 50’000 fr. – par lesquels l’assuré entendait démontrer que le salaire d’un montant mensuel de 7000 fr. aurait pu être maintenu pendant deux ans grâce à une confirmation de travaux de chantier obtenue de G.__ pour un montant de 320’000 fr. Ils les ont écartés en considérant que la chronologie de l’établissement de ces documents interrogeait. De plus, il était étonnant que l’assuré, représenté par un mandataire professionnel, n’ait pas fait état d’un tel contrat dès la survenance de l’accident ou au stade de l’opposition, respectivement du dépôt du recours. Il était par ailleurs peu vraisemblable que C.__ Sàrl n’ait pas conclu ce contrat par écrit et n’ait pas fixé précisément les délais d’exécution voire de paiement par exemple, et qu’il n’ait pas été concrétisé par une garantie bancaire. Par appréciation anticipée des preuves, les juges cantonaux ont également renoncé à la réquisition de l’assuré de produire le dossier de C.__ Sàrl. De surcroît, l’avis de crédit pour un montant de 50’000 fr. ne permettait pas de déterminer dans quel contexte ce montant aurait été versé.

Consid. 5.1
[…] L’assuré fait d’abord référence aux salaires annuels qu’il réalisait en tant que salarié (figurant dans l’extrait de son compte individuel), qui avoisinaient les 91’000 fr. et qui constitueraient son revenu de valide. Toutefois, comme il avait quitté son emploi auprès de l’entreprise B.__ SA avant l’accident, pour des motifs étrangers à son état de santé, il ne saurait prétendre à ce qu’on prenne en considération le revenu qu’il réaliserait actuellement auprès de cet ancien employeur (cf. arrêt 9C_500/2020 du 1er mars 2021 consid. 4.1 et les références). Par ailleurs, la très courte durée de l’activité indépendante s’oppose en règle générale à ce que le revenu sans invalidité soit fixé sur le fondement des revenus figurant dans l’extrait du compte individuel.

 

Consid. 5.2
[…] Dans le domaine des assurances sociales, la procédure est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’autorité (cf. art. 43 LPGA). Cette règle n’est toutefois pas absolue. Sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à l’instruction de l’affaire (ATF 138 V 86 consid. 5.2.3). Cela comporte en particulier l’obligation d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi la partie concernée s’expose à devoir supporter les conséquences de l’absence de preuve (ATF 139 V 176 consid. 5.2 et les références; arrêts 8C_693/2020 du 26 juillet 2021 consid. 4.1; 8C_747/2018 du 20 mars 2019 consid. 2.2). Au surplus, la portée du principe inquisitoire est restreinte lorsque l’assuré est assisté d’un mandataire professionnel (ATF 138 V 86 consid. 5.2.3).

En l’occurrence, l’assurance-accidents n’a certes pas demandé les informations ou documents mentionnés par l’assuré. Toutefois, celui-ci était assisté d’un mandataire professionnel dès son opposition contre la décision du 20.02.2020 de l’assurance-accidents, dans laquelle il contestait déjà le revenu de valide. Or, il a omis de soulever ce grief voire de présenter les fiches salariales à l’appui de sa position dans la procédure d’opposition ainsi que devant l’instance cantonale. Dans de telles circonstances, le grief tiré d’une prétendue violation du devoir d’instruction s’avère mal fondé.

Pour ce qui est des fiches salariales de l’année 2019, la cour cantonale a retenu à juste titre qu’elles ne sont pas pertinentes pour la détermination du revenu sans invalidité dans le cas d’espèce.

 

Consid. 5.4
L’assuré invoque ensuite le principe de l’équivalence. Ce principe concerne le calcul des rentes et des indemnités journalières et prévoit que ce calcul doit partir du même revenu que celui sur la base duquel les primes sont prélevées (ATF 139 V 28 consid. 4.3.1 et les références). Selon l’art. 15 LAA, les indemnités journalières et les rentes sont calculées d’après le gain assuré (al. 1); est réputé gain assuré pour le calcul des indemnités journalières le dernier salaire que l’assuré a reçu avant l’accident, et est déterminant pour le calcul des rentes le salaire que l’assuré a gagné durant l’année qui a précédé l’accident (al. 2). Le gain assuré selon l’art. 15 LAA ne doit pas être confondu avec le revenu sans invalidité: tandis que le premier concerne le gain déterminant pour le calcul des rentes ou indemnités journalières et est établi sur la base du salaire concret que l’assuré a gagné avant l’accident, le deuxième est décisif pour le calcul du taux d’invalidité selon l’art. 16 LPGA et est un revenu purement hypothétique (cf. arrêt 8C_841/2017 du 14 mai 2018 consid. 5.1.1; DORIS VOLLENWEIDER/ANDREAS BRUNNER, in: Basler Kommentar Unfallversicherungsgesetz, 2019, n° 7 ad art. 15 LAA), même s’il est évalué, autant que possible, sur la base des circonstances concrètes (cf. consid. 3.2 supra).

En l’espèce, la cour cantonale a retenu à juste titre que le principe d’équivalence n’était pas remis en cause, l’assuré ayant changé de statut seulement deux mois avant l’accident, de sorte qu’il n’avait pas eu le temps de percevoir le revenu qu’il avait projeté d’avoir. L’assuré ne peut rien déduire non plus en sa faveur du fait que l’assurance-accidents s’était basée, pour le calcul des indemnités journalières, sur le gain assuré de 91’000 fr. Au demeurant, contrairement à ce que semble soutenir l’assuré, il ne ressort nullement de l’arrêt 8C_661/2018 du 28 octobre 2019 que le gain assuré serait déterminant pour fixer le revenu sans invalidité, le Tribunal fédéral s’y étant référé (au consid. 3.2) aux revenus figurant dans l’extrait du compte individuel de l’AVS, conformément à la jurisprudence (cf. consid. 3.2 supra).

Consid. 5.5
En ce qui concerne enfin l’argument selon lequel l’OAI avait retenu, dans sa décision du 11.02.2021, un revenu sans invalidité de 91’000 fr., il convient de rappeler que bien que la notion d’invalidité soit en principe identique en matière d’assurance-invalidité et d’assurance-accidents, il n’en demeure pas moins que l’évaluation de l’invalidité par l’assurance-accidents n’a pas de force contraignante pour l’assurance-invalidité (ATF 133 V 549), tout comme l’assureur-accidents n’est pas lié par l’évaluation de l’invalidité de l’assurance-invalidité (ATF 131 V 362 consid. 2.3; arrêt 8C_66/2022 du 11 août 2022 consid. 4.3).

 

Consid. 6.2 (revenu d’invalide)
L’assuré conteste uniquement l’étendue de l’abattement opéré sur le salaire statistique. A titre d’exemple, il cite divers arrêts du Tribunal fédéral (8C_401/2018 du 16 mai 2019, 8C_311/2015 du 22 janvier 2016, 8C_823/2019 du 9 septembre 2020) et en déduit qu’un abattement de 10% apparaîtrait être la norme pour des assurés présentant des taux d’indemnité pour atteinte à l’intégrité entre 5 et 25% et étant en mesure d’assumer une activité à 100% dans un emploi adapté. Un tel abattement serait donc approprié à sa situation, vu qu’il présente un taux d’atteinte à l’intégrité de 7%, qu’il n’aurait exercé que des activités dans le domaine de la construction, qu’il serait sans formation et que sa maîtrise de la langue française serait limitée. Au surplus, l’office AI aurait également opéré un abattement de 10% sur le revenu d’invalide.

Consid. 6.3
En ce qui concerne l’étendue de l’abattement, on rappellera que la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc). Le point de savoir s’il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou à d’autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral; en revanche, l’étendue de l’abattement à opérer sur le salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou en a abusé (« Ermessensmissbrauch »), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (ATF 137 V 71 consid. 5.1; 132 V 393 consid. 3.3; 130 III 176 consid. 1.2).

Consid. 6.4
On ne peut pas tirer une règle générale de quelques précédents en matière d’abattement sur le salaire statistique, ne serait-ce que parce que cette question doit être tranchée en fonction du cas particulier. En tout état de cause, l’assuré ne démontre pas en quoi l’existence d’une atteinte à l’intégrité de 7% devrait conduire à un abattement supérieur à 5%. Une telle réduction au titre du handicap dépend de la nature des limitations fonctionnelles et n’entre en considération que si, sur un marché du travail équilibré, il n’y a plus un éventail suffisamment large d’activités accessibles à l’assuré (arrêt 8C_289/2021 du 3 février 2022 consid. 4.4). Concernant les limitations fonctionnelles, le médecin-conseil a indiqué que celles-ci étaient liées à la symptomatologie exacerbée lors des surcharges mécaniques du membre inférieur gauche, ce qui excluait les surcharges mécaniques, le port de charge régulière légère, le port de charge moyenne et lourde occasionnelle, le travail en terrain accidenté, le travail sur échafaudage, les montées et descentes d’escaliers et d’échelles régulières. Tandis que l’exigibilité en tant que maçon n’était plus donnée en pleine capacité et avec un plein rendement, une activité sédentaire était possible sans limitation de temps ni de rendement. Si de telles limitations excluent les travaux lourds, on ne voit pas qu’elles restreindraient de manière significative les activités légères, en tout cas pas dans une mesure qui justifierait un abattement supérieur à 5%. Quant à l’absence d’expérience et de formation et au fait que l’assuré avait travaillé pendant 28 ans pour le même employeur, ces facteurs ne jouent pas de rôle lorsque le revenu d’invalide a été déterminé en référence au salaire statistique auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives (arrêts 8C_608/2021 du 26 avril 2022 consid. 4.3.4; 8C_289/2021 du 3 février 2022 consid. 4.4; les deux avec références). Pour le surplus, l’assuré n’établit pas, ni même n’allègue, que la cour cantonale aurait omis de considérer les autres facteurs cités par la jurisprudence. Finalement, l’abattement de 10% opéré par l’office AI ne saurait lier l’assureur-accidents (cf. consid. 5.6 supra). Par conséquent, il n’y a pas lieu de revenir sur l’abattement de 5% opéré par l’assurance-accidents et confirmé par la cour cantonale.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_39/2022 consultable ici

 

8C_668/2021 (i) du 18.02.2022 – Récusation d’un juge du tribunal cantonal tessinois / Causalité naturelle – Valeur probante d’un rapport d’expertise – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_668/2021 (i) du 18.02.2022

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Récusation d’un juge du tribunal cantonal tessinois

Causalité naturelle – Valeur probante d’un rapport d’expertise / 44 LPGA

 

Le 06.07.1985, l’assurée, née en 1953, est tombée en sortant de la baignoire et s’est cognée le genou gauche, entraînant une rupture partielle du ménisque médian postérieur. Le cas a été pris en charge par l’assurance-accidents.

Le 02.08.2004, l’assurée a subi a subi une blessure par distorsion en valgus au genou droit en jouant avec son chien. Le même assureur-accidents a pris en charge les suites de cet événement.

L’assurée a été hospitalisée à la clinique de neurologie de l’hôpital B.__ du 27.07.2016 au 30.07.2016 et à la clinique C.__ du 18.10.2016 au 05.11.2016.

Par arrêt du 10.09.2018, le tribunal cantonal a condamné l’assurance-accidents à prendre en charge les frais à la Clinique C.__, tout en lui renvoyant l’affaire pour complément d’enquête s’agissant du séjour à l’Hôpital B.__.

Par jugement du 02.06.2020, le tribunal cantonal a rejeté le recours de l’assurée contre une décision incidente de l’assurance-accidents, qui avait attribué l’expertise au Prof. E.__. Le tribunal cantonal a nié l’existence d’un motif de récusation. Cette décision n’a pas fait l’objet d’un appel.

L’assurée a eu la possibilité de commenter le rapport rendu par le Prof. E.__. L’assurance-accidents a nié sa responsabilité pour le problème rachidien, en l’absence de lien de causalité naturelle.

 

Procédure cantonale (arrêt 35.2021.42 – consultable ici)

Par jugement du 30.08.2021, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.1
Dans la mesure où l’assurée laisserait entendre que la fille du juge de la première instance, Ivano Ranzanici, aurait pu traiter le litige en tant qu’avocat de l’assureur-accidents, cette affirmation présentée sous forme d’hypothèse n’est étayée par aucun élément de preuve. De plus, l’arrêt cantonal du 10.09.2018 mentionnait précisément l’abstention (et non la récusation) du magistrat en question. Même dans ce cas, l’assurée pourrait en déduire qu’il pourrait y avoir un problème de parenté. Selon la pratique établie, fondée sur le principe de la bonne foi, la partie qui a connaissance d’un motif de récusation doit l’invoquer sans délai et non seulement si l’issue de la procédure lui est défavorable, faute de quoi elle est déchue du droit de l’invoquer (ATF 140 I 271 consid. 8.4.3). La composition ordinaire du Tribunal cantonal des assurances figure également sur le site internet du canton et l’assurée avait donc déjà connaissance de la présence potentielle du juge Ranzanici avant le prononcé de l’arrêt attaqué. Dans ces circonstances particulières, l’assurée ne pouvait donc pas attendre l’issue défavorable du recours pour ne soulever des doutes sur le magistrat en question que plus tard, mais devait procéder immédiatement au recours cantonal.

 

Consid. 4.1
Le tribunal cantonal a relevé que le Prof. E.__ a expliqué dans son rapport du 26.10.2020 pourquoi il n’a pas jugé nécessaire d’examiner l’assurée à la lumière de la vaste documentation disponible. Le Prof. E.__ a noté que les altérations de la colonne vertébrale sont une expression de l’évolution naturelle et que les difficultés de la marche sont tout au plus une cause possible. Se référant à la littérature médicale, le Prof. E.__ a noté que les troubles rachidiens existaient depuis longtemps (les premières investigations radiologiques remontent à 1999), que l’assurée n’a présenté une boiterie importante qu’à partir de 2012 au moins, que le problème neurologique est apparu en 2007 dans le cadre de l’opération du genou, et qu’il y avait une corrélation claire entre l’arthrose du genou et la dégénérescence des disques intervertébraux, attribuable à une certaine disposition génétique.

Le Prof. E.__ s’est rallié à l’avis de l’hôpital B.__ selon lequel le trouble de la marche était d’origine multifonctionnelle. Il a toutefois relevé que le diagnostic de radiculopathie L5 n’apparaissait pas dans l’IRM de 2017. Le Prof. E.__ a en revanche contesté le rapport du Dr. F.__ du 20.05.2015, selon lequel le problème de dos était une conséquence indirecte de la boiterie à gauche. Les altérations dégénératives au niveau lombaire existaient déjà huit ans avant l’opération de la prothèse de genou. Le Prof. E.__ a relevé que la corrélation n’était que possible et que les études citées n’étaient pas considérées comme concluantes. L’expert a considéré que les conclusions des médecins de l’assureur-accidents étaient défendables, notamment lorsqu’ils ont affirmé, à la lumière des résultats objectifs de l’électromyographie (EMG), que la polyneuropathie et la radiculopathie L5 n’étaient pas des conséquences directes de l’accident.

Consid. 5.1
Il est de jurisprudence constante que les constatations de l’autorité cantonale de recours sur l’atteinte à la santé, la capacité de travail de la personne assurée et l’exigibilité – pour autant qu’elles ne soient pas fondées sur l’expérience générale de la vie – relèvent d’une question de fait et peuvent donc être contrôlées par le Tribunal fédéral uniquement sous l’angle restreint de l’arbitraire (ATF 132 V 393 consid. 3.2). Il n’appartient pas au Tribunal fédéral de réévaluer les éléments de preuve produits, mais au recourant d’établir pourquoi l’avis de la juridiction précédente serait manifestement inexact. Si le recourant veut s’écarter des faits établis par l’autorité précédente, il doit expliquer en détail pourquoi les conditions pour s’en écarter seraient remplies (ATF 145 V 188 consid. 2 ; 135 II 313 consid. 5.2.2 ; arrêt 8C_558/2021 du 20 janvier 2022 consid. 2.2).

Consid. 5.2
Contrairement aux (simples) rapports médicaux internes de l’assureur, pour lesquels un doute même minime quant à la fiabilité et la validité des constatations suffit pour que l’assuré soit soumis à un examen médical externe, les rapports établis par des médecins spécialistes externes dans le cadre d’une expertise administrative (art. 44 LPGA) ou judiciaire doivent se voir reconnaître une pleine force probante dans l’établissement des faits, dans la mesure où aucun indice concret de la fiabilité du rapport lui-même n’est présenté (ATF 135 V 465 consid. 4.4 ; 125 V 351 consid. 3b/bb). De tels rapports d’expertise ne peuvent être mis en doute simplement parce qu’ils arrivent à des conclusions différentes de celles des médecins traitants. Sont réservés les cas où un complément doit être demandé afin de clarifier certains aspects, les médecins traitants ayant laissé apparaître des aspects importants et pas seulement une interprétation médicale purement subjective. A cet égard, il convient de rappeler la nature différente du mandat de soins et d’expert (cf. entre autres arrêts 8C_55/2018 du 30 mai 2018 consid. 6.2 et 8C_820/2016 du 27 septembre 2017 consid. 5.3).

Consid. 5.3
L’assurée expose ses critiques comme si le rapport d’expertise du Prof. E.__ était librement « réexaminable » par le tribunal. Afin de réfuter les conclusions d’une expertise externe, des preuves concrètes sont nécessaires pour démontrer le manque de fiabilité du rapport. Tel n’est pas le cas en l’espèce. Au contraire, le Prof. E.__ a exposé la situation médicale de l’assurée et les documents médicaux versés au dossier. [..] Il est vrai que le Prof. E.__ a abouti à des conclusions en partie divergentes de celle des rapports précédents, mais cette circonstance n’est pas suffisante pour infirmer les conclusions d’une expertise externe. Il ne s’agit que d’opinions divergentes et non pas d’indications concrètes qui pourraient conduire à douter de la validité du rapport d’expertise. En fait, le Prof. E. ________, après avoir résumé le contenu de l’ensemble du dossier de l’assurée, a jugé inutile de l’examiner à nouveau. L’expert a expliqué en détails les raisons pour lesquelles les lésions dorsales étaient dues à des troubles dégénératifs. La boiterie, quant à elle, était multifactorielle. L’expert a également répondu aux appréciations du Dr F.__ du 20.05.2015 et du Dr G.__ du 06.04.2018. A l’aune de ce qui précède, aucune violation du droit fédéral ne peut donc être retenue.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_668/2021 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_668/2021 (i) du 18.02.2022, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2022/11/8c_668-2021)

 

4A_18/2022 (f) du 22.04.2022 – Contrat d’assurance – Déclaration de santé – Réticence confirmée – 4 LCA – 6 LCA

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_18/2022 (f) du 22.04.2022

 

Consultable ici

 

Contrat d’assurance – Déclaration de santé – Réticence confirmée / 4 LCA – 6 LCA

Examens planifiés en lien avec un potentiel problème d’infertilité – Faits importants pour l’assureur

 

L’assurée était assurée auprès de B.__ SA (ci-après: la compagnie d’assurances) depuis 2016 au titre des assurances complémentaires www et xxx. Jusqu’en 2017, la gynécologue de l’assurée était la Dresse C.__. En 2015, cette dernière a diagnostiqué la présence de deux fibromes utérins (aussi appelés myomes) asymptomatiques et sans conséquence sur la fertilité.

Le 03.10.2018, l’assurée s’est rendue chez la Dresse D.__, gynécologue, pour une première consultation. La spécialiste a prescrit des examens complémentaires en lien avec un bilan d’infertilité pour l’assurée et son conjoint. Elle a notamment réalisé un bilan hormonal le 17.10.2018 et une échographie le 26.10.2018. Une hystérosalpingographie était en outre prévue pour début décembre.

Le 26.11.2018, l’assurée a complété une offre à destination de la compagnie d’assurances relative aux assurances complémentaires yyy, pour des prestations ambulatoires non prises en charge par l’assurance de base, et zzz, pour une hospitalisation flexible avec libre choix de la division hospitalière au cas par cas. A la même date, l’assurée a répondu à un questionnaire de la compagnie d’assurances intitulé « Déclaration de santé ». Elle a répondu par la négative aux questions suivantes: « 2a) Etes-vous actuellement traitée ou suivie par un médecin, dentiste, naturopathe, thérapeute, etc. ou cela est-il prévu? 2b) Vous a-t-on recommandé une visite médicale/des examens médicaux, qui n’ont toutefois pas encore été effectués? 3) Au cours des cinq dernières années, avez-vous suivi un traitement/contrôle/examen ambulatoire ou stationnaire dispensé par un médecin/dentiste/naturopathe/thérapeute ? ».

Le 07.12.2018, l’assurée a subi d’importants saignements vaginaux accompagnés de fièvre. Elle s’est rendue le lendemain aux urgences. Le 10.12.2018, elle a discuté avec la Dresse D.__, laquelle lui a prescrit des médicaments et a fixé un examen plus poussé au 17.12.2018.

Par courrier du 10.12.2018, la compagnie d’assurances a envoyé à l’assurée une nouvelle police d’assurance complémentaire valable dès le 01.01.2019 et remplaçant toute police antérieure entre les parties. Cette police comprenait les assurances www, yyy et zzz susmentionnées.

Lors de l’examen du 17.12.2018, la Dresse D.__ a réalisé une échographie ayant mis en évidence un myome important d’une taille de 6 cm, diagnostic qui a été confirmé par une IRM effectuée le 20.12.2018. Le 07.01.2019, l’assurée et son conjoint ont consulté la Dresse D.__. Elle les a dirigés vers un confrère, qui a planifié une opération chirurgicale pour le 08.02.2019 afin de retirer les myomes.

Le 15.01.2019, la Clinique a requis de la compagnie d’assurances une garantie d’hospitalisation pour un séjour de quatre jours en division semi-privée en lien avec l’opération planifiée. La compagnie d’assurances a ensuite demandé des informations complémentaires, notamment auprès de la Dresse D.__.

Par courrier du 29.01.2019, la compagnie d’assurances a résilié les assurances complémentaires yyy et zzz pour le 31.01.2019 en invoquant une réticence liée notamment au bilan d’infertilité à effectuer. Elle a ajouté que ces faits importants auraient dû être signalés sur la déclaration de santé, aux questions nos 2 et 3.

Le 31.01.2019, la Dresse D.__ a écrit à la compagnie d’assurances que l’assurée n’avait pas été en traitement d’infertilité jusqu’à ce jour mais qu’un bilan d’infertilité était prévu en décembre 2018. Il n’avait toutefois pas pu être effectué à cause des métrorragies subies par l’assurée, qui avaient conduit au diagnostic du myome symptomatique et à l’indication opératoire.

Le 06.02.2019, la compagnie d’assurances a maintenu sa résiliation du 29.01.2019 en affirmant qu’un traitement était prévu lors de la réponse au questionnaire.

Le 08.02.2019, l’assurée a subi une intervention chirurgicale à la Clinique. La facture établie s’élevait à 19’670 fr., après déduction d’une somme de 4’271 fr. 72 couverte par l’assurance de base. De ce dernier montant, l’assurée a pris en charge 742 fr. 10 à titre de franchise 2019, de quote-part et de contribution journalière aux frais de séjour hospitalier.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1222/2021 – consultable ici)

L’assurée a déposé auprès du tribunal cantonal compétent une demande tendant à la condamnation de la compagnie d’assurances à lui verser, sur la base des assurances complémentaires zzz et yyy, le montant de 18’412 fr. 10 pour l’opération du 08.02.2019 et celui de 4’250 fr. à titre de frais d’avocat hors procès, le tout avec intérêts.

Par jugement du 29.11.2021, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5
La réticence se définit comme l’omission de déclarer ou le fait de déclarer inexactement, lors de la conclusion du contrat, un fait important que celui ayant l’obligation de déclarer connaissait ou devait connaître (art. 6 al. 1 LCA, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, ici déterminante). La notion renvoie aux déclarations obligatoires au sens de l’art. 4 LCA. Selon l’alinéa 1 de cette disposition, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, celui qui présente une proposition d’assurance doit déclarer par écrit à l’assureur, suivant un questionnaire ou en réponse à toutes autres questions écrites, tous les faits qui sont importants pour l’appréciation du risque, tels qu’ils lui sont ou doivent lui être connus lors de la conclusion du contrat. La question posée par l’assureur doit être rédigée de manière précise et non équivoque (cf. art. 4 al. 3 LCA; ATF 136 III 334 consid. 2.3; 134 III 511 consid. 3.3.4; arrêt 4A_555/2019 du 28 août 2020 consid. 2). Le proposant doit répondre de manière véridique aux questions telles qu’il peut les comprendre de bonne foi; il n’y a pas de réponse inexacte si la question est ambiguë, de telle sorte que la réponse donnée apparaît véridique selon la manière dont la question pouvait être comprise de bonne foi par le proposant (ATF 136 III 334 consid. 2.3).

Pour qu’il y ait réticence, il faut, d’un point de vue objectif, que la réponse donnée à la question ne soit pas conforme à la vérité, par omission ou inexactitude; la réticence peut consister à affirmer un fait faux, à taire un fait vrai ou à présenter une vision déformée de la vérité (ATF 136 III 334 consid. 2.3). D’un point de vue subjectif, la réticence suppose que le proposant connaissait ou aurait dû connaître la vérité. Le proposant doit déclarer non seulement les faits qui lui sont connus sans autre réflexion, mais aussi ceux qui ne peuvent lui échapper s’il réfléchit sérieusement à la question posée (ATF 136 III 334 consid. 2.3; 134 III 511 consid. 3.3.3; arrêt précité 4A_555/2019 consid. 2).

Il faut en plus que la réponse inexacte porte sur un fait important pour l’appréciation du risque (art. 4 al. 1 et art. 6 al. 1 LCA). Sont importants tous les faits de nature à influer sur la détermination de l’assureur de conclure le contrat ou de le conclure aux conditions convenues (art. 4 al. 2 LCA). L’art. 4 al. 3 LCA, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, présume que le fait est important s’il a fait l’objet d’une question écrite de l’assureur, précise et non équivoque. Il s’agit toutefois d’une présomption susceptible d’être renversée. S’il n’appartient pas au proposant de déterminer – à la place de l’assureur – quels sont les éléments pertinents pour apprécier le risque, il n’en demeure pas moins que la présomption sera renversée si le proposant a omis un fait qui, considéré objectivement, apparaît totalement insignifiant. Ainsi, la jurisprudence a admis que celui qui tait des indispositions sporadiques qu’il pouvait raisonnablement et de bonne foi considérer comme sans importance et passagères, sans devoir les tenir pour une cause de rechutes ou des symptômes d’une maladie imminente aiguë, ne viole pas son devoir de renseigner (ATF 136 III 334 consid. 2.4 et les arrêts cités; 134 III 511 consid. 3.3.4; arrêt précité 4A_555/2019 consid. 2).

En cas de réticence, l’assureur est en droit de résilier le contrat (art. 6 al. 1 LCA); s’il exerce ce droit, il est autorisé à refuser également sa prestation pour les sinistres déjà survenus, si le fait qui a été l’objet de la réticence a influé sur leur survenance ou leur étendue (art. 6 al. 3 LCA). Le droit de résiliation s’éteint quatre semaines après que l’assureur a eu connaissance de la réticence ( art. 6 al. 2 LCA).

La jurisprudence exige que la résiliation (comme conséquence de la réticence) soit motivée avec précision; la déclaration de résiliation doit mentionner la question qui a reçu une réponse inexacte et préciser de façon circonstanciée en quoi consiste le fait important non déclaré ou inexactement déclaré (ATF 129 III 713 consid. 2.1; arrêt 4A_376/2014 du 27 avril 2015 consid. 2.3.1).

 

Consid. 6.1
La cour cantonale a considéré qu’il apparaissait certes qu’aucun « traitement » contre l’infertilité n’était planifié au dernier jour précédant la conclusion du contrat, soit le 10.12.2018, mais que les questions nos 2b et 3 de la déclaration de santé faisaient également mention des termes « contrôle » et « examen ». On pouvait douter que la simple visite du 03.10.2018 de l’assurée chez la Dresse D.__ pour discuter d’une possible infertilité avec anamnèse du couple doive être mentionnée par une personne de bonne foi en réponse à ces questions. Cependant, l’activité de la Dresse D.__ en lien avec le bilan d’infertilité ne s’était pas limitée à cet entretien. Elle avait réalisé un bilan hormonal le 17.10.2018 et une échographie le 26.10.2018. Une hystérosalpingographie était en outre planifiée pour début décembre 2018. Or, cet examen, comportant l’introduction dans les trompes de Fallope de la patiente d’un produit de contraste et une exposition à des rayons-X était typique de la médecine de fertilité et allait au-delà d’un contrôle gynécologique usuel.

La cour cantonale a ajouté que l’assurée s’était rendue aux urgences le 08.12.2018 en raison de saignements. Le 10.12.2018, elle avait fixé avec la Dresse D.__ un rendez-vous pour un examen gynécologique plus poussé, qui avait eu lieu le 17.12.2018. Le moment déterminant pour juger de la réponse de bonne foi aux questions écrites d’un assureur était, jusqu’au 31 décembre 2021, le moment de la conclusion du contrat et non celui de la signature de la déclaration de santé (cf. art. 6 al. 1 LCA dans sa teneur en vigueur jusqu’à cette date).

Ainsi, selon la cour cantonale, à la question n° 2b « vous a-t-on recommandé une visite médicale/des examens médicaux, qui n’ont toutefois pas encore été effectués? » l’assurée aurait de bonne foi dû mentionner, à tout le moins, l’hystérosalpingographie planifiée pour décembre 2018. De plus, elle aurait dû annoncer spontanément à B.__ la planification d’un examen médical plus poussé à la suite des saignements suspects avec de la fièvre survenus les 7 et 8 décembre 2018. Ces symptômes l’avaient déterminée à consulter rapidement à nouveau une spécialiste. Ces différents événements constituaient précisément le genre d’éléments dont la compagnie d’assurances cherchait à déterminer l’existence avec les questions nos 2a et 2b entendues de bonne foi. En réfléchissant sérieusement à ces questions, l’assurée ne pouvait donc se contenter d’y répondre par la négative, respectivement se dispenser d’une information à l’assurance préalablement à la conclusion des contrats en cause.

Par ailleurs, la cour cantonale a considéré que les examens gynécologiques d’ores et déjà planifiés avec la Dresse D.__ jusqu’au 10.12.2018, en particulier ceux liés à un potentiel problème d’infertilité, apparaissaient comme des faits importants pour que l’assurance puisse apprécier les probabilités de réalisation des risques couverts par les assurances complémentaires zzz et yyy, au vu des conditions supplémentaires d’assurance de ces contrats. Certains traitements contre l’infertilité n’étaient pas pris en charge par la LAMal. Il ne pouvait être exclu que de tels traitements entraîneraient une prise en charge par la compagnie d’assurances.

En conclusion, la cour cantonale a retenu que la résiliation de l’assurance pour cause de réticence était valable en tant qu’elle se fondait sur une réponse incorrecte à la question n° 2 du formulaire en relation avec les examens prescrits par la Dresse D.__ liés à de potentiels problèmes de fertilité de l’assurée. La résiliation ayant produit son effet le 31.01.2019, les contrats d’assurance zzz et yyy ne pouvaient obliger la compagnie d’assurances à prendre en charge les frais liés à l’opération de l’assurée du 08.02.2019.

Consid. 6.3.1
Tout d’abord, en tant que l’assurée soutient qu’elle ne suivait aucun « traitement », elle ne discute pas les développements formulés par la cour cantonale à cet égard, ce qui lui appartenait pourtant de faire. Ensuite, on doit retenir avec la cour cantonale que l’assurée ne pouvait pas de bonne foi occulter – à tout le moins – l’existence de l’hystérosalpingographie planifiée pour le début du mois de décembre 2018. Ce d’autant plus qu’elle avait subi deux examens plus poussés en lien avec une potentielle infertilité quelques semaines avant la conclusion du contrat d’assurance et qu’elle savait que ce nouvel examen avait été fixé dans un avenir proche. Ces examens dépassent clairement le cadre d’un simple contrôle annuel. En outre, dès lors qu’ils excèdent également le cadre d’une première discussion en lien avec un bilan d’infertilité, on ne saurait voir de contradiction dans les considérations de l’autorité précédente à ce propos. Par ailleurs, à la lecture des questions posées, l’assurée ne pouvait de bonne foi comprendre qu’elles concernaient uniquement les (futurs) suivis et examens médicaux en lien avec une maladie, ce terme n’étant pas mentionné dans ces questions.

Consid. 6.3.2
En outre, la cour cantonale était fondée à retenir que les examens planifiés en lien avec un potentiel problème d’infertilité devaient être qualifiés de faits importants pour l’assureur. La présomption selon laquelle il s’agissait de faits importants pour l’appréciation du risque – au vu des questions écrites de la compagnie d’assurances – ne peut être renversée que si l’assurée a omis un fait qui, considéré objectivement, apparaît totalement insignifiant. Or, ces examens ne sont pas objectivement insignifiants.

Par ailleurs, l’arrêt 9C_768/2016 du 15 mars 2017 invoqué par l’assurée ne lui est d’aucun secours, puisqu’elle en fait une lecture partielle. Dans cet arrêt, l’assuré n’avait pas annoncé à l’assureur qu’il avait subi un traumatisme cervico-crânien. Le Tribunal fédéral a relevé qu’il ne s’agissait que d’un épisode sans conséquence et sans importance pour l’évaluation du risque (il avait été qualifié de léger, n’avait justifié qu’une très courte période d’incapacité de travail et le traitement médical n’avait consisté qu’en quelques consultations médicales, sans laisser de séquelles), que cet événement était ancien puisqu’il s’était produit plus de dix ans avant la conclusion du contrat et que la question posée par l’assureur était particulièrement vague car elle ne comportait notamment aucune limite de date. Dès lors, il a confirmé que l’assuré n’avait pas violé son obligation de renseigner en omettant de communiquer cet élément à l’assureur (consid. 6.4 de l’arrêt précité). Or, en l’espèce, les examens en lien avec la fertilité étaient clairement d’actualité au moment de la conclusion du contrat. De plus, les questions formulées par la compagnie d’assurances étaient limitées à une période de cinq ans en arrière. L’assurée devait ainsi annoncer ces examens, à tout le moins s’agissant de l’hystérosalpingographie.

Le fait que cette dernière n’a finalement pas eu lieu n’est pas déterminant, puisqu’il ressort des constatations de la cour cantonale qu’elle a été annulée uniquement à la suite des saignements subis par l’assurée, lesquels ont conduit à l’indication opératoire.

Consid. 6.4
En conclusion, la cour cantonale a jugé à bon droit que l’assurée avait commis une réticence en ne mentionnant pas à tout le moins l’hystérosalpingographie en réponse à la question n° 2 de la déclaration de santé et, partant, que la résiliation de l’assureur – faisant état d’une réticence liée notamment au bilan d’infertilité à effectuer – était valable à cet égard.

La résiliation ayant pris effet le 31.01.2019, la compagnie d’assurances n’avait pas à prendre en charge les frais liés à l’opération du 08.02.2019.

Consid. 7
Au vu de ce qui précède, la cour cantonale était également fondée à rejeter la conclusion de l’assurée tendant au remboursement de ses frais d’avocat avant procès. En effet, le refus de prise en charge des frais liés à l’opération du 08.02.2019 n’était pas injustifié. L’assurée ne fait pas valoir d’autres arguments à cet égard.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 4A_18/2022 consultable ici

 

9C_466/2021 (d) du 17.10.2022, destiné à la publication – Les subventions d’accueil extra-familial versées par l’employeur sont soumises aux cotisations AVS – Interprétation de l’art. 6 RAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_466/2021 (d) du 17.10.2022, destiné à la publication

 

Arrêt 9C_466/2021 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 14.11.2022 consultable ici

 

Les subventions d’accueil extra-familial versées par l’employeur sont soumises aux cotisations AVS – Interprétation de l’art. 6 RAVS

 

Les contributions versées par l’employeur en faveur des employés à une structure d’accueil de jour interne à l’entreprise ou qui lui est affiliée sont soumises à la cotisation AVS. Les subventions d’accueil extra-familial ne peuvent pas être considérées comme des allocations familiales exemptées de l’obligation de cotiser à l’AVS. Le Tribunal fédéral admet un recours concernant les subventions d’accueil extra-familial versées par l’Hôpital universitaire de Bâle.

L’Hôpital universitaire de Bâle dispose de sa propre structure d’accueil. Les employés de l’hôpital qui recourent à cette offre de garde ou à celle d’une autre structure affiliée ont la possibilité de bénéficier d’une aide financière de l’hôpital pour les frais de garde. L’hôpital ne verse pas le montant aux parents, mais directement à la structure d’accueil. En 2019, la Caisse de compensation des employeurs de Bâle a conclu qu’aucune cotisation AVS n’avait été prélevée jusqu’à présent, à tort, sur les subventions de l’hôpital. Sur recours de l’hôpital, le Tribunal des assurances sociales du canton de Bâle-Ville a jugé en 2021 que les subventions aux structures d’accueil n’étaient pas soumises à l’obligation de cotiser à l’AVS, puisqu’elles devaient être considérées comme des allocations familiales qui, conformément à l’art. 6 RAVS, sont exemptées de l’obligation de cotiser.

Le Tribunal fédéral admet le recours de l’Office fédéral des assurances sociales contre cette décision. Pour que des allocations versées par l’employeur à ses salariés puissent être exemptées de l’obligation de cotiser à l’AVS, une base légale spécifique est requise. Contrairement à l’avis du Tribunal des assurances sociales bâlois, il résulte de l’interprétation de l’art. 6 RAVS que les subventions pour l’accueil extra-familial ne sont pas des allocations familiales au sens dudit règlement. Sont notamment considérées comme allocations familiales les allocations de ménage qui sont des prestations fixes, indépendantes du montant du salaire, et qui doivent être d’un montant identique pour tous les employés qui y ont droit. Or, les subventions pour l’accueil extra-familial de l’hôpital ne sont versées qu’en faveur des collaborateurs dont le revenu net du ménage ne dépasse pas un certain montant. En matière d’allocations familiales, aucun canton ne prévoit toutefois une solution liée au revenu du ménage. En outre, dans le cas d’espèce, les parents ne peuvent pas bénéficier automatiquement des subventions pour l’accueil extra-familial de l’hôpital, même si leur revenu est inférieur au montant limite ; les besoins sont au contraire évalués au cas par cas. Enfin, les subventions pour l’accueil extra-familial ont certes pour objectif, comme les allocations familiales, d’alléger la charge financière des parents. Il convient toutefois de tenir compte du fait que les subventions pour accueil extra-familial constituent également un attrait en vue du recrutement et de la fidélisation des collaborateurs, de sorte que leur objectif n’est pas purement social.

 

 

Arrêt 9C_466/2021 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 14.11.2022 consultable ici