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4A_186/2018 (f) du 04.07.2019 – IJ en cas de maladie selon la LCA / Durée des prestations dues à l’assuré – Interprétation des CGA – 18 CO – 33 LCA / Clause ambiguë – Interprétation de la disposition litigieuse selon le principe de la confiance

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_186/2018 (f) du 04.07.2019

 

Consultable ici

 

Indemnités journalières en cas de maladie selon la LCA

Durée des prestations dues à l’assuré – Interprétation des conditions générales d’assurance (CGA) / 18 CO – 33 LCA

Clause ambiguë – Interprétation de la disposition litigieuse selon le principe de la confiance – Règle in dubio contra stipulatorem

 

Assuré, né en 1975, travaillait comme grutier et était couvert par une assurance collective d’indemnités journalières en cas de maladie selon la LCA, souscrite par son employeur. La police prévoyait le versement d’indemnités journalières durant 730 jours sur une période de 900 jours, à l’issue d’un délai d’attente d’un jour.

A partir du 20.03.2014, l’assuré s’est trouvé en arrêt de travail pour cause de maladie. L’assureur lui a versé des indemnités journalières à 100% dès le 21.03.2014, sur la base d’un revenu assuré de 191 fr.40 par jour.

Par courrier du 13.03.2015, l’assurance a indiqué à l’assuré que son médecin-conseil lui reconnaissait une incapacité de travail totale comme grutier, mais admettait qu’il demeurait capable d’exercer une activité adaptée, n’impliquant notamment ni travaux lourds, ni déplacement sur des terrains irréguliers, ni utilisation d’échelles ; l’assureur demandait à l’assuré de mettre à profit sa capacité de travail résiduelle dans une nouvelle activité, en vertu de son obligation de diminuer le dommage, tout en acceptant de lui verser des indemnités journalières « de transition » jusqu’au 30.06.2015.

Par pli du 20.03.2015, l’employeur a résilié le contrat de travail le liant à l’assuré pour le 30.06.2015.

Par lettre du 01.04.2015, l’assuré a informé l’assureur que l’AI lui avait accordé une mesure d’orientation professionnelle. Il a suivi cette mesure de reclassement du 13.04.2015 au 12.07.2015 (91 jours), période pendant laquelle l’AI lui a versé des indemnités journalières, à hauteur de 196 fr.80 par jour. La mesure n’a pas permis la mise en place d’un projet professionnel.

L’assurance a repris le versement des indemnités journalières à partir du 13.07.2015.

Par courrier du 11.03.2016, l’assurance a informé l’assuré qu’il avait épuisé le 08.03.2016 son droit à 720 (sic) indemnités journalières, compte tenu de son incapacité de travail née le 20.03.2014 et du délai d’attente d’un jour.

L’assuré a contesté ce calcul, faisant valoir qu’il n’y avait pas lieu de prendre en compte dans la durée des prestations les 91 jours durant lesquels il avait perçu des indemnités journalières de l’AI.

L’assureur a maintenu sa position, invoquant une disposition des conditions générales d’assurances relative au calcul de la durée des prestations, qui assimilait aux jours pleins les jours où les prestations étaient réduites en raison de prestations de tiers.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/107/2018 – consultable ici)

Selon l’assureur, le droit de l’assuré à des indemnités journalières était épuisé le 08.03.2016, soit 720 jours après le début de l’incapacité de travail, sous déduction du délai d’attente d’un jour. Dans son calcul, l’assurance a pris en compte les 628 indemnités qu’elle a versées du 21.03.2014 au 12.04.2015 et du 13.07.2015 au 08.03.2016, ainsi que les 91 indemnités journalières payées par l’AI du 13.04.2015 au 12.07.2015. La cour cantonale a validé ce calcul après avoir interprété les dispositions pertinentes des conditions générales de l’assurance collective d’indemnité journalière maladie, édition du 01.01.2011, applicables en l’espèce (ci-après: CGA).

Par jugement du 08.02.2018, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Contrairement à la LAMal (art. 67 ss), la LCA ne comporte pas de dispositions spécifiques à l’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie. En principe, le droit aux prestations se détermine donc d’après la convention des parties (ATF 133 III 185 consid. 2 p. 186).

Les dispositions contractuelles et les conditions générales d’assurance expressément incorporées au contrat doivent être interprétées selon les mêmes principes juridiques (ATF 142 III 671 consid. 3.3 p. 675; 135 III 1 consid. 2 p. 6, 410 consid. 3.2 p. 412; 133 III 675 consid. 3.3 p. 681). Lorsque la volonté réelle et commune des parties ne peut être établie (cf. art. 18 CO), le juge interprétera les déclarations et les comportements selon la théorie de la confiance; il recherchera ainsi comment une déclaration ou une attitude pouvait et devait être comprise de bonne foi en fonction de l’ensemble des circonstances (ATF 142 III 671 consid. 3.3 p. 675; 140 III 134 consid. 3.2 p. 138 s.; 138 III 29 consid. 2.2.3 p. 35 s.).

Lorsque l’assureur, au moment de conclure, présente des conditions générales, il manifeste la volonté de s’engager selon les termes de ces conditions; si une volonté réelle concordante n’a pas été constatée, il faut donc se demander comment le destinataire de cette manifestation de volonté pouvait la comprendre de bonne foi. Cela conduit à une interprétation objective des termes contenus dans les conditions générales, même si elle ne correspond pas à la volonté intime de l’assureur (cf. ATF 136 III 186 consid. 3.2.1 p. 188; 135 III 295 consid. 5.2 p. 302). Si l’interprétation selon le principe de la confiance ne permet pas de dégager le sens de clauses ambiguës, celles-ci sont à interpréter contre l’assureur qui les a rédigées, en vertu de la règle « in dubio contra stipulatorem » (ATF 133 III 61 consid. 2.2.2.3 p. 69; 126 V 499 consid. 3b; 124 III 155 consid. 1b p. 158; 122 III 118 consid. 2a p. 121; 119 II 368 consid. 4b p. 373). L’art. 33 LCA, en tant qu’il prévoit que les clauses d’exclusion sont opposables à l’assuré uniquement si elles sont rédigées de façon précise et non équivoque, est une concrétisation de ce principe (ATF 115 II 264 consid. 5a p. 269; arrêt 5C.134/2002 du 17 septembre 2002 consid. 3.1). Conformément au principe de la confiance, c’est en effet à l’assureur qu’il incombe de délimiter la portée de l’engagement qu’il entend prendre et le preneur n’a pas à supposer des restrictions qui ne lui ont pas été clairement présentées (ATF 133 III 675 consid. 3.3 p. 682; sous une forme résumée: ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 413). Pour que cette règle trouve à s’appliquer, il ne suffit pas que les parties soient en litige sur la signification à donner à une déclaration; encore faut-il que celle-ci puisse de bonne foi être comprise de différentes façons (« zweideutig ») et qu’il soit impossible de lever autrement le doute créé, faute d’autres moyens d’interprétation (ATF 122 III 118 consid. 2d; 118 II 342 consid. 1a p. 344; 100 II 144 consid. 4c p. 153).

De surcroît, la validité d’une clause contenue dans des conditions générales préformulées est limitée par la règle dite de la clause insolite (ATF 135 III 1 consid. 2.1 p. 7), laquelle soustrait de l’adhésion censée donnée globalement à des conditions générales toutes les clauses insolites sur lesquelles l’attention de la partie la plus faible ou la moins expérimentée en affaires n’a pas été spécialement attirée (sur la notion de clause insolite: ATF 138 III 411 consid. 3.1 p. 412 s.; 135 III 1 consid. 2.1 p. 7, 225 consid. 1.3 p. 227 s.). En particulier, la règle de la clause insolite peut trouver application lorsque la clause a pour effet de réduire drastiquement la couverture d’assurance de telle sorte que les risques les plus fréquents ne sont plus couverts (arrêt 4A_152/2017 du 2 novembre 2017 consid. 4.3 et les références).

 

Il n’est pas contesté que les prestations ici convenues relèvent de l’assurance contre les dommages (cf. art. 4 ch. 5 CGA), soumise au principe indemnitaire. L’art. 29 ch. 1 CGA prohibe expressément la surindemnisation de l’assuré en cas de concours entre les prestations de l’assureur et celles d’autres assurances, y compris sociales comme l’AI. L’art. 28 ch. 4 CGA précise que « l’assureur intervient subsidiairement pour la part de perte de gain ou de salaire non-couvert par un assureur social, et ceci dans les limites des prestations prévues dans la police ».

Selon l’art. 6 let. b CGA, la durée des prestations est, sauf disposition contraire, de 730 jours civils dans une période de 900 jours consécutifs pour une ou plusieurs incapacités de travail. Contrairement à l’avis de l’assuré, il n’est pas nécessaire de déterminer si, comme l’assurance le soutenait devant l’instance cantonale, une couverture de seulement 720 jours résulte en l’espèce des clauses contractuelles, dès lors que, ajoutées aux indemnités journalières déjà versées par l’assureur (628), les prestations réclamées par l’assuré pour la période du 09.03.2016 au 09.05.2016 (62) n’atteignent de toute manière pas le total de 720.

En ce qui concerne l’étendue des prestations, la disposition déterminante appliquée par l’assureur est l’art. 28 ch. 10 CGA, qui a la teneur suivante: « Pour le calcul de la durée des prestations, les jours où les prestations sont réduites en raison de prestations de tiers comptent comme jours pleins. »

La disposition litigieuse, relative au calcul de la durée des prestations en cas de prestations de tiers, précise ce qu’il faut entendre par droit aux prestations pendant 720 ou 730 jours civils dans une période de 900 jours consécutifs. Une interprétation de l’art. 28 ch. 10 CGA selon le principe de la confiance permet de comprendre, en tout cas, que la prestation par jour civil ne correspond pas nécessairement à une indemnité journalière complète, mais peut être réduite, ce qui se produit lorsque l’assureur est en droit d’imputer des prestations de tiers sur ses propres prestations. La même idée se retrouve à l’art. 12 ch. 21 CGA, qui prévoit que les « jours d’incapacité de travail partielle indemnisés sont comptés comme jours entiers ». En d’autres termes, l’assuré ne peut pas invoquer le fait que l’assureur ne doit que des indemnités journalières réduites – afin d’éviter une surindemnisation ou en raison d’une incapacité de travail partielle – pour exiger une prolongation proportionnelle de la durée des prestations. Ce genre de restriction est fréquent dans les contrats d’assurance perte de gain en cas de maladie selon la LCA, notamment lorsqu’il y est stipulé que la réduction de l’indemnité journalière en cas de concours avec un assureur social n’entraîne pas une prolongation de la durée de l’indemnisation (JEAN-LUC MERCIER, Le contrat d’assurance-maladie perte de salaire selon la LCA, in Colloques et journées d’étude organisés par l’IRAL, Lausanne 2002, p. 795 et p. 820). Il est à noter au passage que, dans l’assurance facultative d’indemnités journalières soumise à la LAMal, la loi prévoit au contraire que lorsque les indemnités journalières sont réduites en raison d’une surindemnisation, la personne atteinte d’une incapacité de travail a droit à l’équivalent de 720 indemnités journalières complètes, les délais relatifs à l’octroi des indemnités étant prolongés en fonction de la réduction (art. 72 al. 5 LAMal); dans ce régime-là, l’idée est que l’assuré ne perde pas, en raison d’une surindemnisation, le bénéfice des prestations de l’assurance-maladie qui lui sont acquises par le versement de ses primes (ATF 127 V 88 consid. 1c p. 91).

L’art. 28 ch. 10 CGA ne garantit donc pas, en cas d’incapacité de travail, le versement de l’équivalent de 720 ou 730 indemnités journalières pleines et entières. Est-ce que cela signifie pour autant que les jours où l’assureur ne fournit aucune prestation doivent être assimilés à ceux où sa prestation est simplement réduite? La réponse à cette question n’est pas univoque.

D’une part, comme l’assureur le soutient, il serait possible de prétendre qu’une indemnité supprimée est une indemnité réduite à zéro.

D’autre part, cette thèse heurte la logique qui veut qu’une prétention doit exister pour être réduite. Or, précisément, le principe de subsidiarité posé à l’art. 28 ch. 4 CGA a pour conséquence que l’assuré ne dispose d’aucune prétention envers l’assureur lorsque, comme en l’espèce pendant les 91 jours litigieux, les prestations versées par le tiers compensent entièrement la perte de gain de l’assuré. C’est le lieu d’ajouter à ce propos qu’une interruption dans le versement des indemnités journalières est conforme au système de calcul applicable in casu; en effet, selon les CGA, le droit de l’assuré à 720 ou 730 indemnités journalières ne s’épuise pas après l’écoulement de 720 ou 730 jours, mais s’inscrit dans une durée de 900 jours consécutifs, dont le terme constitue de toute manière la limite au versement des prestations dues par l’assureur.

Il convient enfin de relever que la disposition litigieuse suit directement l’art. 28 ch. 9 CGA, libellé ainsi: « L’assureur avance les prestations perte de gain aussi longtemps que l’assurance invalidité (LAI), une assurance accident (LAA), l’assurance militaire (LAM), une prévoyance professionnelle (LPP) voire un assureur étranger ou privé n’établissent pas un droit à une rente. Dès l’octroi de la rente par l’une ou plusieurs des institutions précitées, l’assureur est en droit de demander directement auprès de ces dernières ou d’un éventuel autre tiers le remboursement des avances concédées. La restitution du trop versé reste acquise à l’assureur. »

Cet enchaînement des deux dispositions susmentionnées exprime également l’idée que l’assureur doit avoir fourni une prestation perte de gain pour qu’un jour civil soit pris en compte dans la durée d’indemnisation.

Sur le vu de ce qui précède, l’art. 28 ch. 10 CGA peut être compris de bonne foi de deux façons et doit être qualifié ainsi de clause ambiguë. En vertu de la règle « in dubio contra stipulatorem », il convient d’interpréter la disposition litigieuse en ce sens que les jours où l’assureur ne fournit aucune prestation en raison de prestations de tiers ne comptent pas comme jours d’indemnisation. Le grief tiré d’une violation de l’art. 18 CO est bien fondé dans cette mesure.

 

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 4A_186/2018 consultable ici

 

 

4A_534/2018 (f) du 17.01.2019 – Prétention frauduleuse – Rappel de la jurisprudence – 40 LCA / Rappel du principe de disposition – 58 al. 1 CPC

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_534/2018 (f) du 17.01.2019

 

Consultable ici

 

Prétention frauduleuse – Rappel de la jurisprudence / 40 LCA

Rappel du principe de disposition / 58 al. 1 CPC

 

TF

Prétention frauduleuse – Rappel de la jurisprudence

L’art. 40 LCA définit la prétention frauduleuse. Il prévoit que si l’ayant droit ou son représentant, dans le but d’induire l’assureur en erreur, dissimule ou déclare inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’assureur, ou si, dans le but d’induire l’assureur en erreur, il ne fait pas ou fait tardivement les communications que l’art. 39 LCA lui impose, l’assureur n’est pas lié par le contrat envers l’ayant droit.

D’un point de vue objectif, la dissimulation ou la déclaration inexacte doit porter sur des faits qui sont propres à remettre en cause l’obligation même de l’assureur ou à influer sur son étendue. Il faut, en d’autres termes, constater que, sur la base d’une communication correcte des faits, l’assureur aurait versé une prestation moins importante, voire aucune. Ainsi en est-il lorsque l’ayant droit déclare un dommage plus étendu qu’en réalité, par exemple lorsque l’atteinte à la santé n’est pas aussi grave qu’annoncée. En plus, l’ayant droit doit, sur le plan subjectif, avoir l’intention de tromper. Il faut qu’il ait agi avec la conscience et la volonté d’induire l’assureur en erreur, afin d’obtenir une indemnisation plus élevée que celle à laquelle il a droit ; peu importe à cet égard qu’il soit parvenu à ses fins (arrêts 4A_401/2017 du 20 décembre 2017 consid. 6.2.2; 4A_643/2016 du 7 avril 2017 consid. 4.1; 4A_286/2016 du 29 août 2016 consid. 5.1.2).

S’agissant d’un moyen libératoire, il incombe à l’assureur de prouver les faits permettant l’application de l’art. 40 LCA, au moins au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 130 III 321 consid. 3.1 p. 323; arrêts 4A_613/2017 du 28 septembre 2018; 4A_20/2018 du 29 mai 2018 consid. 3.1; 4A_194/2016 du 8 août 2016 consid. 3.1).

Dans un arrêt 4A_382/2014 du 3 mars 2015, le Tribunal fédéral a considéré qu’il pouvait être retenu sans arbitraire qu’un assuré, architecte d’intérieur de profession, déclaré en incapacité de travail totale, qui avait été aperçu dans ses locaux à Zurich, à diverses discussions professionnelles et sur des chantiers à St-Gall, Zermatt et Berne, avait exercé une activité professionnelle incompatible avec l’incapacité de travail totale annoncée (consid. 6.2) et avait ainsi dissimulé des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’assureur (consid. 6.3).

Dans un arrêt 4A_286/2016 du 29 août 2016, le Tribunal fédéral a estimé qu’un assuré qui s’était rendu, pendant son incapacité de travail à 100%, dans son garage, y avait mené, avec des clients, des discussions relatives à des véhicules d’occasion et expertisé des profils de pneus avait exercé une activité professionnelle incompatible avec l’incapacité de travail totale annoncée et avait ainsi dissimulé des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’assureur (consid. 5.1.3).

Dans un arrêt 4A_401/2017 du 20 décembre 2017, le Tribunal fédéral a jugé qu’un assuré qui avait exercé dans une mesure notable son activité de directeur d’une Sàrl, pendant une période de plus d’une année au cours de laquelle il avait annoncé une incapacité de travail totale, puis de 70%, avait ainsi dissimulé des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’assureur (consid. 6.2.4).

Dans un arrêt 4A_432/2015 du 8 février 2016, le Tribunal fédéral a considéré que, quand bien même un détective privé mandaté par l’assureur avait constaté qu’un opticien en arrêt de travail à 100% était présent dans sa boutique durant 4h30 chaque jour et prenait en charge divers clients, et quand bien même l’assuré avait menti en déclarant qu’il lui arrivait de rendre visite à son épouse à la boutique et de lui rendre de menus services, sans jamais servir de clients ou leur faire passer de tests de la vue (cf. consid. 4.3), il pouvait être retenu sans arbitraire que l’assuré n’avait pas agi consciemment et volontairement dans le but d’obtenir des indemnités journalières indues, dès lors que son médecin traitant lui avait recommandé de reprendre progressivement son activité à des fins thérapeutiques, à la manière d’un stage (consid. 5.3.2 et 5.3.3).

Dans un arrêt 4A_643/2016 du 7 avril 2017, le Tribunal fédéral a estimé qu’une assurée, coiffeuse indépendante, qui, alors qu’elle avait annoncé une incapacité de travail de 100% puis de 90%, s’était rendue dans son salon de coiffure pour passer du temps devant l’ordinateur, répondre au téléphone, prendre des rendez-vous, s’occuper de l’agenda et discuter avec la clientèle n’avait pas exercé d’activité constituant l’essence du métier de base. En effet, les tâches effectuées par l’assurée lorsqu’elle se trouvait au salon étaient très auxiliaires au métier de coiffeuse indépendante, qui consiste essentiellement à coiffer les clients, et ne suffisaient pas pour exclure l’obligation de l’assureur ou pour en restreindre l’étendue, d’autant moins qu’il ne résultait pas des constatations de l’autorité précédente que ces activités auraient été exercées systématiquement, soit à un niveau professionnel, de sorte qu’une prétention frauduleuse pouvait déjà être niée sur le plan objectif (consid. 4.2). En outre, d’un point de vue subjectif, l’assurée pouvait penser de bonne foi que seule l’activité de coiffeuse en tant que telle était déterminante pour le montant de l’indemnité journalière (consid. 4.3).

Lorsque les conditions de l’art. 40 LCA sont réunies, l’assureur peut non seulement refuser ses prestations, mais aussi se départir du contrat et répéter en principe celles qu’il a déjà versées (ATF 131 III 314 consid. 2.3; arrêt 4A_671/2010 du 25 mars 2011 consid. 2.6). Il peut également se départir du contrat lorsque l’employé fraudeur ayant en principe droit à des prétentions dans le cadre d’une assurance collective contre les accidents ou la maladie est en même temps le gérant de la Sàrl, soit un organe de celle-ci (arrêt 4A_382/2014 du 3 mars 2015 consid. 5.2 et 6.3). La résolution du contrat, laquelle produit des effets ex tunc, n’étend ses effets que jusqu’au jour de la fraude et non au jour de la conclusion du contrat (BRULHART, Droit des assurances privées, 2e éd. 2017, n° 817 p. 422; ROELLI/KELLER, Kommentar zum Schweizerischen Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, vol. I, 2e éd. 1968, p. 586).

 

Principe de disposition – 58 al. 1 CPC

L’assurance fait grief à l’autorité cantonale d’avoir violé le principe de disposition en octroyant à l’assuré des indemnités journalières pour la période du 15.12.2010 au 04.01.2011, à concurrence d’un montant de 8’284 fr. 85 correspondant à 21 jours à 394 fr. 52, alors qu’aux termes de sa demande, l’assuré ne requérait le paiement d’indemnités journalières qu’à compter du 01.03.2011.

Aux termes de l’art. 58 al. 1 CPC, le tribunal ne peut accorder à une partie ni plus ni autre chose que ce qui est demandé, ni moins que ce qui est reconnu par la partie adverse. Il s’agit-là de la conséquence principale du principe de disposition (Dispositionsgrundsatz), qui est l’expression en procédure du principe de l’autonomie privée (Privatautonomie). Il appartient aux parties, et à elles seules, de décider si elles veulent introduire un procès et ce qu’elles entendent y réclamer ou reconnaître (arrêts 4A_627/2015 du 9 juin 2016 consid. 5.2; 4A_397/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.1). En d’autres termes, le tribunal est lié par les conclusions (Rechtsbegehren) prises par les parties. En matière de dommage, le juge n’est toutefois lié que par le montant total réclamé dans les conclusions pour les divers postes du dommage. Il peut ainsi allouer davantage pour un des éléments du dommage et moins pour un autre, sans violer le principe de disposition. Les limites dans lesquelles ce type de compensation entre les différents postes du dommage peut être opéré doivent être fixées de cas en cas, au vu des différentes prétentions formulées par le demandeur (ATF 143 III 254 consid. 3.3; 123 III 115 consid. 6d p. 119; 119 II 396 consid. 2; arrêt 4A_684/2014 du 2 juillet 2015 consid. 3.2.1). Autrement dit, à moins que la partie demanderesse n’ait qualifié ou limité les postes de son dommage dans les conclusions elles-mêmes (ATF 142 III 234 consid. 2.2; arrêts 4A_709/2014 du 21 mai 2015 consid. 4.1; 4A_307/2011 du 16 décembre 2011 consid. 2.4), l’objet du litige est délimité par le montant total qui est réclamé dans les conclusions et le juge n’est lié que par ce montant total (arrêt 4A_54/2017 du 29 janvier 2018 consid. 6.1).

En l’espèce, l’assuré (le demandeur) a conclu en dernier lieu au paiement d’un montant total de 228’817 fr. 60. En lui allouant un montant total de 220’931 fr., la cour cantonale n’a donc pas violé le principe de disposition. Il est à cet égard sans pertinence que les prétentions du demandeur n’aient pas visé la période antérieure au 01.03.2011, dès lors que le tribunal pouvait appliquer le droit d’office (art. 57 CPC) aux faits qu’il devait établir d’office, s’agissant d’un litige portant sur une assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale (art. 243 al. 2 let. f et 247 al. 2 let. a CPC).

 

Le TF rejette le recours de l’assurance.

 

 

Arrêt 4A_534/2018 consultable ici

 

 

4A_42/2017 (f) du 29.01.2018 – proposé à la publication – Indemnités journalières en cas de maladie LCA / Valeur probante des avis du médecin-conseil niée – 8 CC – 152 CPC / Surassurance – Coordination entre prestations LCA et indemnités de chômage – 28 LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_42/2017 (f) du 29.01.2018, proposé à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/2HqnQQi

 

Indemnités journalières en cas de maladie LCA

Valeur probante des avis du médecin-conseil niée / 8 CC – 152 CPC

Surassurance – Coordination entre prestations LCA et indemnités de chômage / 28 LACI

 

Assuré, né le 27.06.1966, employé par une société exploitant un bureau d’architecture, bénéficiait de l’«assurance collective maladie perte de salaire» contractée par son employeuse (indemnité journalière 90% du salaire, payable dès le 15ème jour, durée maximale de 730 jours par cas).

Les conditions générales d’assurance (CGA) auxquelles renvoyait la police énonçaient notamment que, s’agissant de la surassurance, il est prévu que l’assureur LCA doit uniquement la différence entre les prestations, le cas échéant cumulées, des assureurs sociaux et l’indemnité journalière assurée (art. 8.5 CGA).

L’assuré a été incapable de travailler à 100% à compter du 05.01.2015. Le médecin-traitant, spécialiste FMH en médecine interne, a diagnostiqué un état dépressif majeur consécutif à un mobbing depuis plusieurs mois. Le 17.05.2015, le médecin-traitant a confirmé au médecin-conseil, spécialiste FMH en médecine générale, que l’assuré souffrait d’un état dépressif majeur, que l’évolution était progressivement favorable, que le patient suivait une psychothérapie de soutien et prenait des antidépresseurs et qu’une reprise du travail pourrait être exigible dans quelques mois. Le pronostic était lentement favorable.

Le 01.06.2015, la compagnie d’assurance a soumis le dossier à son médecin-conseil. Celui-ci a mentionné sur un formulaire non signé que l’assuré pourrait reprendre le travail à 50% dès le 01.07.2015 et à 100% dès le 01.09.2015. L’assuré en a été informé par courrier de la compagnie d’assurance du même jour.

Le médecin traitant a continué à certifier une incapacité de travail totale de l’assuré au-delà du 30.06.2015. L’assuré a été licencié pour le 31 octobre 2015 ; il s’est inscrit à l’assurance-chômage le 26.10.2015 pour le 01.11.2015.

Le 12.10.2015, le médecin-traitant de l’assuré a invité le médecin-conseil à convoquer son patient pour une expertise afin de réévaluer sa situation, dès lors qu’il présentait toujours une affection médicale d’ordre psychologique qui l’empêchait de reprendre son activité professionnelle.

Dans son avis médical du 02.11.2015, le médecin-conseil a indiqué « Ok de non-entrée en matière et lettre A.__ SA [la compagnie d’assurance] ». Le 03.11.2015, la compagnie d’assurance a fait savoir au médecin-traitant qu’elle maintenait sa position, tout en précisant qu’il appartenait à son patient de s’inscrire au chômage dans les plus brefs délais. Elle l’a également indiqué à l’assuré par lettre du 01.12.2015.

Dans son avis médical du 30.11.2015, le médecin-conseil s’est exprimé en ces termes : « Malgré la lettre du 02.11.15 de l’assuré, la lettre du 12.10.15 de son méd tt, il n’y a aucune LF [limitation fonctionnelle] décrite susceptible de modifier ma/notre décision de non-entrée en matière à partir du 01.09.2015. »

L’Office cantonal de l’emploi a déclaré l’assuré apte au placement dès le premier jour contrôlé, soit dès le 01.11.2015. Il a constaté que l’assuré, selon les explications données et le certificat médical produit, était capable de reprendre le travail à 50% dès le 14.12.2015, et qu’il avait déposé en mai 2015 une demande de détection précoce auprès de l’assurance-invalidité, qui était en cours d’instruction. L’office a conclu, en se référant notamment aux art. 15 al. 2 LACI et 15 al. 3 OACI, que l’assurance-chômage devait prendre en charge provisoirement les prestations et déclarer l’assuré apte au placement, du moment qu’il était disposé et en mesure de prendre un emploi convenable correspondant à 20% au moins d’un emploi à plein temps, et qu’une demande était pendante auprès de l’assurance-invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1050/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2Cyhpr2)

Par arrêt du 15.12.2016, le tribunal cantonal a condamné la compagnie d’assurance à verser 84’747 fr. 60 plus intérêts à l’assuré.

En substance, la cour cantonale a considéré que l’incapacité de travail de l’assuré était attestée tant par son médecin traitant que par son psychiatre. Elle n’a accordé aucune valeur probante aux avis exprimés par le médecin-conseil dès lors qu’ils étaient extrêmement sommaires et non motivés, ledit médecin s’étant de surcroît prononcé uniquement sur dossier. La Cour de justice a par ailleurs renoncé à auditionner ce médecin en faisant valoir qu’il n’avait jamais vu l’assuré et qu’une telle mesure était donc inutile. Quant à l’expertise médicale requise, elle pouvait uniquement permettre de constater l’état de santé de l’assuré au jour de l’expertise sans renseigner sur le passé.

La cour cantonale a constaté que l’art. 28 al. 2 LACI consacrait le principe de subsidiarité du versement de l’indemnité de chômage par rapport à l’indemnité compensant la perte de gain pour cause de maladie ou d’accident. Elle en a déduit que c’était au contraire l’assurance-chômage qui devait tenir compte des indemnités perte de gain dues par la compagnie d’assurance.

 

TF

Selon le TF, la cour cantonale n’a pas ignoré que l’art. 247 al. 2 let. a CPC lui imposait d’établir les faits d’office. La maxime inquisitoire sociale ne permet pas d’étendre à bien plaire l’administration des preuves et de recueillir toutes les preuves possibles ; elle n’interdit pas au juge de renoncer à un moyen de preuve par appréciation anticipée (arrêt 5C.228/2003 du 6 janvier 2004 consid. 3.2; cf. ATF 125 III 231 consid. 4a p. 239).

 

Il est de jurisprudence qu’une expertise privée n’est pas un moyen de preuve au sens de l’art. 168 al. 1 CPC et doit être assimilée aux allégués de la partie qui la produit (ATF 141 III 433 consid. 2.6 p. 437; 140 III 24 consid. 3.3.3 p. 29; arrêt 4A_318/2016 du 3 août 2016 consid. 3.1). En vertu de l’art. 150 al. 1 CPC, seules doivent être prouvées les allégations qui sont expressément contestées. Une telle contestation doit être suffisamment précise pour atteindre son but, c’est-à-dire permettre à la partie adverse de comprendre quels allégués il lui incombe de prouver. Le degré de précision d’une allégation influe sur le degré de motivation que doit revêtir sa contestation. Plus les affirmations d’une partie sont détaillées, plus élevées sont les exigences quant à la précision de leur contestation. Une réfutation en bloc ne suffit pas. Le fardeau de la contestation ne saurait toutefois entraîner un renversement du fardeau de la preuve (ATF 141 III 433 consid. 2.6 p. 438 et les références ; arrêt précité 4A_318/2016 consid. 3.1).

Dans le cas présent, l’assuré fonde ses prétentions notamment sur différents documents émanant de son médecin traitant. Si la plupart de ces pièces se contentent de mentionner le pourcentage et la durée de son incapacité de travail, il s’en trouve deux qui sont bien plus détaillées sur le fond.

Le TF relève que les avis de son médecin-conseil sont dépourvus d’une quelconque motivation. Dans ces conditions, il ne saurait être question d’exiger de l’assuré qu’il démontre son incapacité de travail par le biais d’une expertise médicale, alors qu’il ne pouvait savoir, faute de contestation concrète, quels faits il lui incombait de prouver.

La compagnie d’assurance a requis la mise en œuvre d’une expertise pour compléter ses moyens de preuves, de sorte qu’il s’agit de déterminer si cette requête a été écartée par une appréciation anticipée entachée d’arbitraire. Il n’y avait rien d’insoutenable à retenir que cette expertise ne permettrait pas d’établir l’état de santé passé de l’assuré, l’expert étant renvoyé à cet égard aux renseignements des médecins traitants. N’est pas davantage arbitraire l’appréciation des juges cantonaux selon laquelle l’audition du médecin-conseil était inutile. La compagnie d’assurance plaide que l’intéressé aurait pu justifier son opinion ; il est toutefois avéré que celle-ci ne reposait pas sur un examen de l’assuré mais sur le dossier, et donc en particulier sur les rapports du médecin traitant.

Il convient bien plutôt d’apprécier la valeur des allégations du médecin traitant de l’assuré au regard des autres éléments au dossier. En effet, dans certaines circonstances, les allégations précises résultant d’un rapport médical peuvent apporter la preuve de leur véracité si elles sont appuyées par des indices objectifs. Tel est bien le cas lorsque, comme en l’occurrence, une contestation concrète de ces allégations fait défaut (arrêt précité 4A_318/2016 consid. 3.2). Or, il apparaît que les indications du médecin traitant de l’assuré sont confortées par les rapports établis par son médecin psychiatre. Ajouté à cela que l’assuré a formulé une demande de détection précoce auprès de l’assurance-invalidité, la cour cantonale pouvait conclure, sans tomber dans l’arbitraire, à la réalité de l’incapacité de travail alléguée.

S’il est vrai que le médecin-traitant avait initialement évoqué un pronostic lentement favorable ainsi qu’une reprise potentielle du travail dans quelques mois, cette appréciation émise le 17.05.2015 ne l’a pas empêché d’attester ensuite une incapacité de travail totale de l’assuré jusqu’au 13.12.2015. De son côté, le médecin-conseil de la compagnie d’assurance ne s’est pas départi de l’avis qu’il avait exprimé sur dossier le 01.06.2015 (reprise à 50% dès le 01.07.2015 et à 100% dès le 01.09.2015). Les positions sont dès lors clairement antagonistes. On relèvera qu’en octobre 2015, le médecin traitant avait suggéré au médecin-conseil de convoquer l’assuré pour une «expertise», sans qu’aucune suite ne soit donnée. La compagnie d’assurance a renoncé à faire examiner l’intéressé par le médecin de son choix, comme le lui permettaient ses conditions générales ; ce faisant, elle a pris le risque de se priver, pour la période critique, de constatations cliniques autres que celles effectuées par les médecins traitants.

 

Les griefs quant à une violation du droit à la preuve, du droit d’être entendu, de la prohibition de l’arbitraire et de la maxime inquisitoire sociale sont rejetés par le TF.

 

Surassurance – Coordination entre prestations LCA et indemnités de chômage

Se pose la question de coordination entre l’assurance-chômage et l’assurance couvrant la perte de gain occasionnée par une maladie, étant rappelé qu’il s’agit ici d’une assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale, soumise à la LCA.

L’art. 28 LACI régit l’«indemnité journalière [de chômage] en cas d’incapacité passagère de travail, totale ou partielle». Cette disposition coordonne l’assurance-chômage et les assurances perte de gain pour cause de maladie ou d’accident. Elle repose sur la prémisse que ces assurances-ci ne prenaient autrefois effet qu’au 31ème jour d’incapacité. Aussi le législateur a-t-il voulu combler une lacune en prévoyant, à l’alinéa 1, une prise en charge par l’assurance-chômage durant les trente premiers jours d’incapacité de travail. Cette obligation de prestation est toutefois subsidiaire à l’assurance perte de gain, comme l’exprime l’art. 28 al. 2 LACI, qui est destiné à éviter la surindemnisation (ATF 142 V 448 consid. 4.2; 128 V 176 consid. 5 in fine; 128 V 149 consid. 3b; arrêt C 303/02 du 14 avril 2003, publié in DTA 2004 p. 50, consid. 3.1; FF 1980 III 509 et 588 ss ad art. 27).

L’alinéa 4 de l’art. 28 LACI règle le concours entre l’assurance-chômage et l’assurance perte de gain après épuisement du droit au sens de l’alinéa 1. Il doit être lu en conjonction avec l’art. 73 al. 1 LAMal, l’art. 5 al. 4 de l’ordonnance sur l’assurance-accidents des personnes au chômage (RS 837.171) et l’art. 25 al. 3 OLAA. Toutes ces dispositions fixent la quote-part des indemnités dues respectivement par l’assurance-chômage et par l’assurance perte de gain maladie ou accident en cas de capacité de travail partielle (arrêt précité C 303/02 consid. 3.1; UELI KIESER, Die Koordination von Taggeldern der Arbeitslosenversicherung mit Taggeldern anderer Sozialversicherungszweige, in DTA 2012 p. 222). Il en découle notamment que lorsque la capacité de travail est comprise entre 50% et 74%, l’assurance-chômage et l’assureur-maladie ou accident versent chacun une indemnité journalière de 50% (cf. FF 2008 7051). Ce système de coordination s’applique aussi aux assurances-maladie complémentaires soumises à la LCA. En effet, l’art. 100 al. 2 LCA prévoit l’application par analogie de l’art. 73 LAMal pour les preneurs d’assurance et assurés réputés chômeurs au sens de l’art. 10 LACI. A l’origine, le projet de loi sur l’assurance-chômage ne prévoyait pas une telle extension du système de coordination (FF 1980 III 697 s. a contrario), qui est due à une proposition de la Commission des affaires juridiques du Conseil National, fondée sur le constat que beaucoup d’entreprises avaient des contrats d’assurance collective auprès d’assureurs privés (cf. BOCN 1981 I 847 ad art. 113a; RO 1982 2222).

La jurisprudence, en se référant à cet art. 100 al. 2 LCA, a précisé que par «indemnités journalières de l’assurance-maladie» au sens de l’art. 28 al. 2 LACI, il fallait entendre aussi bien les indemnités de l’assurance-maladie sociale facultative régie par les art. 67 ss LAMal que celles d’assurances complémentaires soumises à la LCA (ATF 128 V 176 consid. 5; arrêt précité C 303/02 consid. 4.1; cf. aussi ATF 142 V 448 consid. 4.2 p. 453; arrêt 4A_111/2010 du 12 juillet 2010 consid. 4; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht, Soziale Sicherheit, 3ème éd. 2016, p. 2395 n. 437; BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 8 ad art. 28 LACI; KIESER, op. cit., p. 221 ch. 2 et p. 227 ch. 2).

Le Tribunal fédéral a récemment eu l’occasion de rappeler la portée de l’art. 28 al. 2 et 4 LACI, dans une affaire où l’assuré avait touché des indemnités de chômage calculées sur un gain assuré réduit de moitié, en raison d’une aptitude au placement restreinte par une maladie. L’assuré avait en outre touché pendant la même période de pleines indemnités journalières fondées sur une assurance collective perte de gain régie par la LCA. Après avoir eu connaissance de ce fait, la caisse de chômage avait réclamé le remboursement des indemnités de chômage ; elle a obtenu gain de cause. L’autorité de céans a relevé que si l’assureur privé – allant ainsi au-delà du régime de coordination légal – allouait de pleines indemnités pour une incapacité de travail de 50%, en se fondant sur ses conditions générales ou sur un engagement pris dans une procédure de conciliation, ces indemnités devaient être déduites de l’assurance-chômage, conformément au principe de subsidiarité découlant des alinéas 2 et 4 de l’art. 28 LACI (ATF 142 V 448 consid. 4.2 et 5.4 ; cf. aussi arrêt précité C 303/02 consid. 5.1).

 

En l’espèce, la situation se présente sous un angle quelque peu différent. La compagnie d’assurance a cessé de verser des indemnités journalières en se fondant sur la prémisse (erronée) que l’assuré avait retrouvé une pleine capacité de travail le 01.09.2015. Pour sa part, la caisse de chômage a considéré que l’assuré réalisait les conditions d’indemnisation à compter du 01.11.2015. Elle a alloué de pleines indemnités pendant 30 jours, soit du 01.11.2015 au 30.11.2015 (cf. art. 28 al. 1 LACI). Constatant que l’assuré avait ensuite retrouvé une capacité de travail à 50% le 14.12.2015 et qu’il n’était ainsi pas manifestement inapte au placement, elle a versé depuis lors de pleines indemnités de chômage, au motif qu’une demande de prestations était pendante devant l’assurance-invalidité et que la prise en charge provisoire des prestations lui incombait dans l’intervalle. Elle a donc non seulement versé des indemnités de chômage correspondant à la capacité médicalement attestée de l’assuré (soit 50%), mais en sus elle a avancé les indemnités que l’assurance-invalidité pourrait lui octroyer ultérieurement, ce en application de l’art. 15 al. 3 OACI, auquel renvoie l’art. 15 al. 2 LACI.

Force est de constater que pour la première phase d’indemnisation par l’assurance-chômage (01.11.15-30.11.15), l’assurance perte de gain déployait déjà ses effets; comme l’incapacité de travail était totale, de pleines indemnités perte de gain étaient dues. Le principe de subsidiarité de l’assurance-chômage (art. 28 al. 2 LACI) fait ainsi échec à l’art. 8.5 CGA.

A compter du 14.12.2015, l’assurance-chômage a versé provisoirement de pleines indemnités dans la perspective d’une éventuelle prise en charge par l’assurance-invalidité, et c’est dans cette avance que réside le nœud du problème. En effet, si elle avait été calculée sur la base d’une aptitude au travail de 50%, l’indemnité journalière de l’assurance-chômage aurait été réduite de 50% (art. 28 al. 4 let. b LACI). Elle aurait été complétée par la demi-indemnité due par l’assureur-maladie privé, conformément à l’art. 8.2 CGA – et à l’art. 73 al. 1 LAMal, applicable par renvoi de l’art. 100 al. 2 LCA. Dans cette mesure, la question d’une déduction ne se pose pas, les deux demi-indemnités étant versées à des titres bien distincts, à savoir la perte de revenu imputable à la conjoncture pour l’indemnité de chômage, et celle imputable à un état de santé déficient pour l’autre indemnité.

Subsiste la question de savoir si la compagnie d’assurance est exonérée de l’obligation de verser les indemnités compensant la perte de gain due à la maladie, au motif que l’assurance-chômage a avancé à l’assuré les prestations que pourrait verser l’assurance-invalidité.

Tel ne saurait être le cas. La compagnie d’assurance ne peut en effet porter en déduction de sa dette une indemnité allouée à titre provisoire, sans reconnaissance aucune d’un droit définitif à une prestation susceptible d’émaner de l’assurance-invalidité. L’art. 15 al. 3 OACI a été introduit afin d’éviter une privation de prestations d’assurance pendant la période de carence durant l’instruction du cas par l’assurance-invalidité (ATF 136 V 95 consid. 7.1; NUSSBAUMER, op. cit., p. 2352 ch. 283), dans l’optique d’une compensation ultérieure avec les indemnités de l’assurance-invalidité (ATF 127 V 484 consid. 2; 126 V 124 consid. 3a; RUBIN, op. cit., n° 93 ad art. 15 LACI), et non pas pour permettre à l’assureur privé couvrant la perte de gain due à la maladie de cesser prématurément le versement des indemnités journalières. La caisse de chômage n’aurait du reste pas eu versé une telle avance si la compagnie d’assurance avait d’emblée assumé ses obligations contractuelles en versant les indemnités journalières dont elle était redevable, étant encore rappelé que l’art. 70 al. 2 LPGA n’est pas applicable dans les relations entre l’assurance-chômage et un assureur perte de gain maladie soumis à la LCA (arrêt 8C_791/2016 du 27 janvier 2017 consid. 5.1).

La compagnie d’assurance plaide en outre que l’art. 28 LACI n’aurait pas vocation à s’appliquer dès lors que l’incapacité de travail de l’assuré n’était pas « passagère» au sens de cette disposition. Comme le Tribunal fédéral l’a déjà souligné, du moment qu’il est question de la coordination entre l’assurance-chômage et une assurance perte de gain maladie, le caractère passager ou durable de l’incapacité n’importe pas (arrêt précité C 303/02 consid. 5.2). Une telle question de coordination se pose aussi longtemps que l’indemnité journalière perte de gain est due selon les conditions qui la régissent (cf. à cet égard KIESER, op. cit., pp. 228 let. c, 233 let. d et 234 ch. 8). En l’occurrence, rien n’indique qu’elle n’était plus due.

 

Le TF conclut que le tribunal cantonal n’a pas violé le droit fédéral en considérant qu’il n’y avait pas lieu de déduire les indemnités versées par la caisse de chômage de celles dues par la compagnie d’assurance.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance LCA.

 

 

Arrêt 4A_42/2017 consultable ici : http://bit.ly/2HqnQQi

 

 

4A_25/2017 (f) du 29.03.2017 – Assurance indemnité journalière maladie LCA / Réticence – 4 LCA – 6 LCA

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_25/2017 (f) du 29.03.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2twlo7g

 

Assurance indemnité journalière maladie LCA

Réticence / 4 LCA – 6 LCA

 

Exploitant d’un restaurant à Genève, en raison individuelle, l’assuré/le proposant a signé le 04.11.2013 une proposition d’assurance en vue de bénéficier, en cas de maladie, d’une indemnité journalière de 200 fr. à verser après un délai d’attente de 30 jours. Le proposant a répondu au questionnaire de santé. L’assureur a reçu la proposition le 11.11.2013 et a établi une police d’assurance perte de gain en cas de maladie, valable dès le 01.11.2013.

Le 02.12.2013, un spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie a certifié que l’assuré était en incapacité de travail totale à compter du même jour. Dans le formulaire d’indemnité journalière, le médecin a relevé que la maladie préexistait et avait débuté une semaine avant l’arrêt de travail, soit à la fin du mois de novembre 2013; l’assuré n’avait aucun antécédent psychiatrique et souffrait de conflits avec le propriétaire de son restaurant, ce qui provoquait une situation très anxiogène; le traitement consistait en un soutien psychothérapeutique et la prise de médicaments.

Après enquête, l’assureur a résilié le 28.04.2014 a résilié le contrat d’assurance avec effet immédiat, au motif que l’assuré avait répondu contrairement à la vérité à une question; en effet, il avait nié souffrir de problèmes de santé alors qu’il avait été en traitement médical auprès d’un spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie le 14.10.2013 pour troubles dépressifs, avec une thérapie médicamenteuse (antidépresseur). En outre, cette maladie préexistante, cause de l’incapacité de travail actuelle, ne pouvait être assurée rétroactivement.

L’assuré s’est opposé à la résiliation, indiquant avoir complété le formulaire d’assurance au début octobre 2013 avec l’agent d’assurances alors qu’il était en parfaite santé. Certes, il avait consulté le médecin prénommé le 14.10.2013, mais uniquement parce qu’il se sentait tendu pour cause de stress. Il avait pris du Xanax, un anxiolytique, à trois reprises, s’était senti tout de suite mieux après l’arrêt de cette médication et avait pu reprendre son travail 24 heures plus tard. Il avait travaillé normalement jusqu’au 02.12.2013, avant de consulter un autre médecin, car il se sentait à nouveau stressé et souhaitait avoir « un vrai diagnostic ». Le nouveau psychiatre lui avait alors prescrit plusieurs médicaments et l’avait mis en arrêt de travail.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/991/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2s8FO1P)

L’assuré a saisi la juridiction cantonale compétente. L’assureur a invoqué la nullité du contrat d’assurance, au motif qu’il ressortait du formulaire de remise de commerce adressé par l’assuré à sa caisse de compensation le 27.11.2013 que celui-ci avait cessé ses activités le 08.11.2013. L’assureur s’est également prévalu de la réticence de l’assuré.

Par arrêt du 29.11.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal, confirmant que l’assuré avait commis une réticence.

 

TF

Selon l’art. 4 al. 1 LCA, le proposant doit déclarer par écrit à l’assureur suivant un questionnaire ou en réponse à toutes autres questions écrites, tous les faits qui sont importants pour l’appréciation du risque, tels qu’ils lui sont ou doivent être connus lors de la conclusion du contrat. Les faits qu’il faut déclarer sont non seulement ceux qui peuvent constituer une cause de risque, mais aussi ceux qui permettent de supposer l’existence d’une cause de risque; en revanche, le preneur n’a pas à annoncer des faits au sujet desquels il n’est pas interrogé (ATF 134 III 511 consid. 3.3.2 p. 513). La question posée par l’assureur doit être formulée par écrit et être rédigée de manière précise et non équivoque (ATF 136 III 334 consid. 2.3 p. 336; 134 III 511 consid. 3.3.4 p. 515). Le proposant doit répondre de manière véridique aux questions telles qu’il peut les comprendre de bonne foi; on ne saurait dire qu’il y a réponse inexacte si la question était ambiguë, de telle sorte que la réponse donnée apparaît véridique selon la manière dont la question pouvait être comprise de bonne foi par le proposant (ATF 136 III 334 consid. 2.3 p. 336 s.).

Pour qu’il y ait réticence, il faut, d’un point de vue objectif, que la réponse donnée à la question ne soit pas conforme à la vérité, par omission ou inexactitude; la réticence peut consister à affirmer un fait faux, à taire un fait vrai ou à présenter une vision déformée de la vérité (ATF 136 III 334 consid. 2.3 p. 337). D’un point de vue subjectif, la réticence suppose que le proposant connaissait ou aurait dû connaître la vérité (cf. art. 4 al. 1 et art. 6 al. 1 LCA). Le proposant doit déclarer non seulement les faits qui lui sont connus sans autre réflexion, mais aussi ceux qui ne peuvent lui échapper s’il réfléchit sérieusement à la question posée (ATF 136 III 334 consid. 2.3 p. 337; 134 III 511 consid. 3.3.3 p. 514).

Pour entraîner les effets de la réticence, il faut encore que la réponse inexacte porte sur un fait important pour l’appréciation du risque (art. 4 al. 1 et art. 6 al. 1 LCA). Sont importants tous les faits de nature à influer sur la détermination de l’assureur de conclure le contrat ou de le conclure aux conditions convenues (art. 4 al. 2 LCA). Pour faciliter le processus décisionnel, l’art. 4 al. 3 LCA présume que le fait est important s’il a fait l’objet d’une question écrite de l’assureur, précise et non équivoque. Il s’agit toutefois d’une présomption susceptible d’être renversée. Pour admettre le renversement de la présomption, on ne saurait se montrer trop exigeant. Certes, il n’appartient pas au proposant de déterminer – à la place de l’assureur – quels sont les éléments pertinents pour apprécier le risque et une certaine rigueur est de mise. Il n’en demeure pas moins que la présomption est renversée s’il apparaît que le proposant a omis un fait qui, considéré objectivement, apparaît totalement insignifiant. Ainsi, la jurisprudence a admis que celui qui tait des indispositions sporadiques qu’il pouvait raisonnablement et de bonne foi considérer comme sans importance et passagères, sans devoir les tenir pour une cause de rechutes ou des symptômes d’une maladie imminente aiguë, ne viole pas son devoir de renseigner (ATF 136 III 334 consid. 2.4 p. 337 s. et les arrêts cités; 134 III 511 consid. 3.3.4 p. 515). En prenant en considération toutes les circonstances du cas d’espèce et en se livrant à une appréciation objective fondée sur le principe de la bonne foi, il faut se demander si l’assureur, dans l’hypothèse où la vérité lui aurait été dite, n’aurait pas conclu le contrat ou ne l’aurait pas conclu aux mêmes conditions; il faut donc déterminer la volonté hypothétique de l’assureur, ce qui constitue une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 136 III 334 consid. 2.4 p. 338 et les arrêts cités).

Les effets de la réticence sont lourds pour l’ayant droit, du moment que l’assureur est en droit de résilier le contrat (art. 6 al. 1 LCA). Non seulement l’assureur n’est plus lié pour l’avenir, mais il peut encore refuser sa prestation pour un sinistre déjà survenu et obtenir le remboursement de la prestation qu’il a accordée pour un tel sinistre, lorsque le fait qui a été l’objet de la réticence a influé sur la survenance ou l’étendue du sinistre (art. 6 al. 3 LCA).

In casu, l’assuré a commis une réticence en donnant une réponse négative à la question n° 4 du questionnaire de santé, libellée comme suit: « Avez-vous actuellement des problèmes de santé ? ». Selon le psychiatre, l’assuré présentait une symptomatologie anxio-dépressive depuis deux à trois semaines lorsqu’il l’avait rencontré le 14.10.2013; il lui avait d’ailleurs suggéré de suivre un traitement antidépresseur, avant de lui prescrire, à sa demande, un anxiolytique. L’état de santé de l’assuré ne s’était manifestement pas amélioré après cette consultation, puisqu’un mois plus tard – et seulement neuf jours après avoir signé le questionnaire de santé – il était allé chercher le Zyprexa prescrit par le psychiatre. L’assuré présentait une symptomatologie anxio-dépressive, que ses plaintes l’avaient conduit à la prise régulière de médicaments et à la consultation de deux psychiatres au cours des onze mois précédant la signature de la proposition d’assurance, dont la dernière fois seulement trois semaines auparavant.

En procédure fédérale, l’assuré soutient qu’il n’avait pas à déclarer ses problèmes de santé au moment de la signature de la proposition d’assurance puisqu’en toute bonne foi, il ne les considérait pas comme des faits importants pour l’appréciation du risque au sens de l’art. 4 al. 1 et de l’art. 6 al. 1 LCA. En se plaçant uniquement de son point de vue, il fait là aussi fausse route. La présomption selon laquelle il s’agissait de faits importants pour l’appréciation du risque – du moment qu’ils ont fait l’objet d’une question écrite de l’assureur – ne peut être renversée que s’il apparaît que le proposant a omis un fait qui, considéré objectivement, apparaît totalement insignifiant. Or, les problèmes de santé qui affectaient l’assuré ne sont objectivement pas insignifiants.

Le fait que l’assuré n’a pas subi d’arrêt de travail avant le 02.12.2013 n’est pas déterminant, car il ne pouvait raisonnablement pas attendre de se retrouver en incapacité de travail avant de prendre la mesure des problèmes de santé dont il souffrait.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 4A_25/2017 consultable ici : http://bit.ly/2twlo7g

 

 

Le Conseil fédéral adopte le message relatif à la révision partielle de la loi sur le contrat d’assurance (LCA)

Le Conseil fédéral adopte le message relatif à la révision partielle de la LCA

 

Communiqué du Conseil fédéral du 29.06.2017 consultable ici : http://bit.ly/2ts8mqE

 

Lors de sa séance du 28.06.2017, le Conseil fédéral a adopté le message concernant la révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA). Cette loi régit les relations entre les entreprises d’assurance et leurs clients. Le projet de révision a été généralement bien accueilli dans le cadre de la consultation.

Créée il y a plus de cent ans, la LCA ne répond plus aux exigences et aux besoins d’une loi moderne. La révision partielle de 2006 a déjà permis de tenir compte des besoins les plus urgents en matière de protection des consommateurs. Le projet de loi présenté par le Conseil fédéral prévoit à présent d’adapter certains autres points de la LCA au contexte et aux besoins actuels concernant une couverture d’assurance raisonnable et réalisable.

En 2011, le Conseil fédéral avait soumis au Parlement une révision totale de la LCA. Jugeant que la proposition allait trop loin, celui-ci avait renvoyé le projet au Conseil fédéral en mars 2013, en le chargeant d’élaborer une révision partielle portant sur certains points précis.

Le projet de loi présenté aujourd’hui tient compte des demandes formulées par le Parlement lors de son rejet de la révision totale de la LCA. En effet, il reprend les modifications nécessaires en matière de droit de révocation, de couverture provisoire et de prescription, de droit de résiliation et de grands risques. Il prévoit également des assouplissements pour le commerce électronique.

 

Principaux éléments

Les principaux éléments de la révision partielle de la LCA correspondent à ceux qui ont été proposés par le Parlement; ils comprennent notamment les points suivants:

  • instauration d’un droit de révocation de quatorze jours;
  • réglementation de la couverture provisoire dans la loi;
  • assurance rétroactive désormais autorisée sous certaines conditions;
  • prolongation de deux à cinq ans du délai de prescription des créances découlant du contrat d’assurance, à quelques exceptions près;
  • restriction appropriée de la protection de la LCA pour les grands risques ou pour les preneurs d’assurance professionnels;
  • meilleure prise en compte du commerce électronique en permettant que la preuve de la plupart des communications puisse être fournie par un texte et ne soit pas limitée à la forme écrite simple;
  • nouvelle réglementation de la fin du contrat d’assurance et, en particulier, introduction d’un droit de résiliation ordinaire.

 

Structure

En outre, la structure de la LCA a été adaptée de manière mesurée afin de permettre une meilleure compréhension de la loi tout en intervenant d’une manière limitée. Il ne faut pas oublier que la LCA s’adresse non seulement aux spécialistes de l’assurance, mais aussi aux «simples» preneurs d’assurance. Le P-LCA comprend désormais quatre chapitres, contre cinq (titres) dans la LCA en vigueur.

  • Le premier chapitre («Dispositions générales»), qui s’applique à tous les contrats d’assurance comme dans le droit actuel, est divisé en huit sections pour une meilleure lisibilité: conclusion du contrat, obligations d’information, contenu et force obligatoire du contrat, prime, modification du contrat, fin du contrat, survenance du sinistre et autres dispositions.
  • Le deuxième chapitre («Dispositions spéciales») englobe les dispositions spéciales concernant l’assurance contre les dommages et l’assurance des personnes qui figurent dans le droit en vigueur (deuxième et troisième chapitres de la LCA); il est dorénavant divisé en cinq sections: assurance de choses, assurance responsabilité civile, assurance sur la vie, assurance-accidents et assurance-maladie, ainsi que coordination. Cette systématique plus précise améliore la vue d’ensemble sans modifier en profondeur la systématique de la LCA en vigueur; elle remplace la distinction actuelle entre l’assurance contre les dommages et l’assurance des personnes, qui était souvent critiquée.
  • Le troisième chapitre («Dispositions impératives ») correspond au quatrième titre de la LCA actuelle et s’applique à tous les contrats d’assurance, comme dans le droit en vigueur. Il comprend à présent quatre articles qui régissent les dispositions impératives et semi-impératives de la loi ainsi que les exceptions, notamment pour les clients professionnels.
  • Le quatrième et dernier chapitre («Dispositions finales») comprend les règles concernant les conflits de lois et regroupe d’autres dispositions finales et transitoires. Il correspond au cinquième titre dans la LCA en vigueur.

 

Pour plus de détails et pour les commentaires par article, je renvoie le lecteur au Message du Conseil fédéral concernant la révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance (version provisoire).

 

 

Communiqué du Conseil fédéral du 29.06.2017 consultable ici : http://bit.ly/2ts8mqE

Message du Conseil fédéral concernant la révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance (version provisoire) : http://bit.ly/2smZ6ou

Projet de la loi fédérale sur le contrat d’assurance : http://bit.ly/2u57Hcm

Rapport de résultats du 28.06.2017 de la procédure de consultation relative à la modification de la LCA : http://bit.ly/2t77uFD

 

 

Assurances d’indemnités journalières : coordination satisfaisante avec l’AI et la LPP

Assurances d’indemnités journalières : coordination satisfaisante avec l’AI et la LPP

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 28.06.2017 consultable ici : http://bit.ly/2todig5

 

Le système de coordination entre les assurances d’indemnités journalières et les dispositions relatives à l’invalidité des 1er (AI) et 2e piliers (LPP) fonctionne aujourd’hui à satisfaction. Tel est le constat du Conseil fédéral dans son rapport en réponse à un postulat du Parlement, adopté lors de la séance du 28.06.2017.

 

Le Conseil fédéral tire un bilan positif de l’analyse du système actuel de coordination : il n’occasionne pratiquement pas d’insécurité pour les assurés. Dans son rapport, le Conseil fédéral s’est en outre penché sur la question d’une assurance obligatoire d’indemnités journalières en cas de maladie. Il s’avère que la couverture contre une perte de gain en cas de maladie, comme par ailleurs également en cas d’accident, est totale pour une grande partie des assurés, malgré l’absence d’une assurance obligatoire d’indemnités journalières. En conséquence, le Conseil fédéral ne voit actuellement pas de besoin d’agir à ce propos. Il a établi le rapport en réponse au postulat Nordmann (12.3087).

 

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 28.06.2017 consultable ici : http://bit.ly/2todig5

« Coordination entre les assurances d’indemnités journalières et les prestations du 1er et du 2e pilier – Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat 12.3087 Nordmann du 7 mars 2012 » du 28.06.2017 : http://bit.ly/2u1e4NO

Postulat Nordmann 12.3087 « Etat de situation sur la couverture du revenu en cas de maladie » : http://bit.ly/2ts5SJM

 

 

 

4A_643/2016 (f) du 07.04.2017 – Indemnité journalière LCA – Prétention frauduleuse – 40 LCA / Incapacité de travail d’une coiffeuse indépendante

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2016 (f) du 07.04.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2pXRndE

 

Indemnité journalière LCA – Prétention frauduleuse / 40 LCA

Incapacité de travail d’une coiffeuse indépendante

 

Assurée, coiffeuse indépendante, a conclu une assurance perte de gain en cas de maladie. Le début de l’assurance était fixé au 29.05.2012; le salaire annuel assuré s’élevait à 60’000 fr.

Le 06.11.2012, l’assurée a subi une opération de l’épaule gauche. Une incapacité totale de travail a été attestée médicalement dès cette date.

L’assureur a mandaté une agence de détectives privés afin de vérifier si l’assurée travaillait et montrait les signes d’une atteinte physique quelconque. Des surveillances ont été effectuées du 21.03.2013 au 23.03.2013; un rapport d’observation a été établi le 27.03.2013.

Par courrier du 17.04.2013, l’assureur a informé l’assurée qu’après contrôle de son revenu réel, le salaire annuel fixe déclaré à la signature du contrat (60’000 fr.) ne correspondait pas à la situation effective, le revenu moyen déterminant calculé sur les cinq dernières années de cotisations s’élevant à 35’366 fr. Il a été établi une nouvelle police, prenant effet au 01.04.2013 et mentionnant un salaire annuel de 40’000 fr.

A partir du 18.04.2013, l’assurée était en incapacité de travail à 90%.

Le 21.05.2013, l’assureur a mandaté une seconde entreprise de surveillance, qui a observé l’assurée les 24.05.2013 et 25.05.2013 et rendu son rapport d’enquête le 27.05.2013.

L’assureur a interrompu le versement des prestations dès le 01.05.2013 et a informé l’assurée qu’elle avait fait l’objet d’une surveillance, laquelle avait révélé une activité dans le salon de coiffure allant bien au-delà de la prescription médicale attestée. Les gestes observés ne montraient aucune gêne fonctionnelle et étaient en contradiction avec les limitations invoquées par l’assurée. L’assureur a annulé la police perte de gain maladie à la date du sinistre, à refuser toute prestation en lien avec cet événement et à réclamer le remboursement intégral des indemnités payées.

L’expert médical mandaté par l’assureur a examiné l’assurée le 16.05.2013. Il a précisé que, pour l’heure, l’incapacité de travail était justifiée dans la mesure où l’assurée ne pouvait pas passer le membre supérieur gauche au-dessus de l’horizontale et que son travail s’exerçait debout, membre supérieur en abduction la plupart du temps.

L’assureur a réclamé à l’assurée le remboursement de 37’029 fr.35, représentant l’addition des indemnités journalières versées à tort (24’843 fr.15), des frais de surveillance (6’235 fr.) et des frais extraordinaires liés aux recherches (8’000 fr.), moins la part de prime non absorbée (2’048 fr.80).

L’assurée a refusé de payer ce montant et contestait avoir exercé une activité de coiffeuse durant son incapacité de travail. Elle précisait n’avoir jamais caché s’être rendue parfois au salon de coiffure, en particulier pour maintenir le contact avec la clientèle.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/802/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2puVivH)

Par arrêt du 29.09.2016, la Chambre des assurances sociales a rejeté la demande principale, refusé la mainlevée de l’opposition à la poursuite et dit que le contrat d’assurance perte de gain maladie n’a pas été valablement résilié par l’assureur ; sur demande reconventionnelle, elle a condamné l’assureur à verser à l’assuré le montant de 14’628 fr.95 représentant les indemnités journalières du 01.05.2013 au 31.12.2013, prononcé la mainlevée définitive de l’opposition à due concurrence dans la poursuite et condamné l’assureur à verser à l’assurée la somme de 3’000 fr. à titre de dommages-intérêts.

A noter que, dans le cadre de l’appréciation des preuves, la cour cantonale a émis des doutes sur la fiabilité des rapports de détective à propos de certaines activités décrites, qui figuraient dans la synthèse des détectives mais non dans leurs observations détaillées et minutées.

 

TF

L’art. 40 LCA définit la prétention frauduleuse. Il prévoit que si l’ayant droit ou son représentant, dans le but d’induire l’assureur en erreur, dissimule ou déclare inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’assureur, ou si, dans le but d’induire l’assureur en erreur, il ne fait pas ou fait tardivement les communications que l’art. 39 LCA lui impose, l’assureur n’est pas lié par le contrat envers l’ayant droit. D’un point de vue objectif, la dissimulation ou la déclaration inexacte doit porter sur des faits qui sont propres à remettre en cause l’obligation même de l’assureur ou à influer sur son étendue; en d’autres termes, sur la base d’une communication correcte des faits, l’assureur verserait une prestation moins importante, voire n’aurait aucune prestation à verser. Ainsi en est-il lorsque l’ayant droit déclare un dommage plus étendu qu’en réalité, par exemple lorsque l’atteinte à la santé n’est pas aussi grave qu’annoncée. En plus, l’ayant droit doit, sur le plan subjectif, avoir l’intention de tromper. Il faut qu’il ait agi avec la conscience et la volonté d’induire l’assureur en erreur, afin d’obtenir une indemnisation plus élevée que celle à laquelle il a droit; peu importe à cet égard qu’il soit parvenu à ses fins (arrêt 4A_286/2016 du 29 août 2016 consid. 5.1.2 et les arrêts cités).

Dans le cas d’espèce, l’assurée, en incapacité de travail totale, puis à 90%, se rendait dans son salon de coiffure, sans respecter un horaire particulier; elle y passait du temps devant l’ordinateur, répondait au téléphone, prenait les rendez-vous, s’occupait de l’agenda et discutait avec la clientèle; elle n’exerçait aucune activité spécifique de coiffure. Les quelques tâches accessoires effectuées par l’assurée dans son salon incombaient en principe à l’employée qui la remplaçait, laquelle par ailleurs coiffait seule les clients. En outre, la cour cantonale a constaté que le médecin mandaté par l’assureur avait confirmé l’incapacité de travail invoquée par l’assurée, qui ne pouvait notamment pas lever le membre supérieur gauche au-dessus de l’horizontale et qui éprouvait toujours des douleurs. La cour cantonale a retenu qu’aucun des gestes observés par les détectives, y compris hors du salon de coiffure, n’impliquait de lever le bras gauche au-dessus de l’horizontale, ni de porter de charges plus lourdes que celles que l’assurée pouvait tenir sans douleur avec la main gauche.

L’activité de coiffeuse indépendante consiste essentiellement à coiffer les clients. Pendant la période où l’assurée a invoqué une incapacité de travail à 100% ou à 90%, elle n’a pas exercé une telle activité, ni effectué des gestes démontrant qu’elle était capable de coiffer. Comme la cour cantonale l’a bien vu, aucune déclaration mensongère ne saurait dès lors être imputée à l’assurée sur sa capacité à exercer l’activité de coiffure.

En ce qui concerne les tâches effectuées par l’assurée lorsqu’elle se trouvait au salon, la cour cantonale a jugé qu’elles étaient « très auxiliaires » au métier de coiffeuse indépendante et que l’assurée les avait assumées occasionnellement afin d’occuper son temps, et non dans un but lucratif puisqu’elles incombaient en principe à l’employée qui la remplaçait. Elle en a déduit que les activités en cause ne suffisaient pas pour exclure l’obligation de l’assureur ou pour en restreindre l’étendue, soit pour influer sur la capacité de travail de l’assurée. Une telle conclusion, niant une prétention frauduleuse sur le plan objectif, n’apparaît pas contraire aux principes déduits de l’art. 40 LCA.

Même à supposer que les activités accessoires reprochées à l’assurée soient pertinentes sur le plan objectif pour fixer le montant des indemnités journalières, la condition subjective de la prétention frauduleuse ne serait pas non plus réalisée en l’occurrence, comme la cour cantonale l’a jugé à bon droit. En effet, l’assurée pouvait penser de bonne foi que seule l’activité de coiffure, qu’elle n’était pas capable d’exercer, était déterminante pour le montant des indemnités journalières. De plus, lors d’un entretien avec l’assureur en avril 2013, l’assurée, qui ignorait la surveillance dont elle avait fait l’objet, n’a pas caché sa présence au salon de coiffure et les activités accessoires qu’il lui arrivait d’y exercer. On ne saurait dès lors conclure que l’assurée a, consciemment et volontairement, cherché à induire en erreur la recourante afin d’obtenir une prétention indue et, par là-même, eu l’intention de tromper exigée pour l’application de l’art. 40 LCA.

 

Le TF rejette le recours de l’assureur.

 

 

Arrêt 4A_643/2016 consultable ici : http://bit.ly/2pXRndE

 

 

4A_318/2016 (f) du 03.08.2016 – Expertise médicale privée – expertise mandatée par l’assureur LCA / Procédure – Renonciation à la tenue d’une audience publique – 219 CPC – 233 CPC

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_318/2016 (f) du 03.08.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2eHycjJ

 

Assurance individuelle d’indemnités journalières perte de gain LCA

Procédure – Renonciation à la tenue d’une audience publique – 219 CPC – 233 CPC

Expertise médicale privée – expertise mandatée par l’assureur LCA

 

Renonciation à la tenue d’une audience publique

En matière d’assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale, le juge statue selon les règles de la procédure civile simplifiée (art. 243 al. 2 let. f CPC); la maxime inquisitoire sociale est applicable (art. 247 al. 2 let. a CPC). Si la demande n’est pas motivée, le tribunal la notifie au défendeur et cite les parties aux débats; si la demande est motivée, le tribunal fixe un délai au défendeur pour se prononcer par écrit (art. 245 CPC). Lorsque les circonstances l’exigent, le tribunal peut tenir des audiences d’instruction (art. 246 al. 2 CPC).

Que la demande soit motivée ou non, le tribunal ne peut en principe pas rendre une décision sur le fond sans avoir tenu une audience de débats principaux (Hauptverhandlung), qui est en principe publique (art. 54 CPC). Le droit fondamental à la tenue d’une audience publique est ainsi assuré. Cela étant, les parties peuvent d’un commun accord renoncer aux débats principaux (art. 233 CPC par renvoi de l’art. 219 CPC). La loi ne prescrivant aucune forme, une renonciation par actes concluants n’est pas exclue. Dans la mesure toutefois où des droits fondamentaux sont en cause (droit d’être entendu; droit à la tenue d’une audience publique), une telle renonciation ne saurait être admise à la légère. En particulier, lorsqu’une partie n’est pas assistée par un avocat, le tribunal doit l’informer qu’il statuera sur le vu des écritures à moins qu’elle ne sollicite expressément une audience de débats dans un certain délai. Ces considérations valent spécialement pour les causes relatives à l’assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale, où le juge doit établir les faits d’office, et a fortiori lorsque la cause est jugée par une instance cantonale unique au sens de l’art. 7 CPC (ATF 140 III 450 consid. 3.2; arrêt 4A_627/2015 du 9 juin 2016 consid 2.2).

Une renonciation par actes concluants aux débats principaux doit être admise si les parties, représentées par des mandataires professionnels ou des collaborateurs de leur service juridique, ne requièrent pas expressément la tenue d’une audience de débats, après que la cour cantonale, dans le cadre de la procédure initiée par le dépôt de la demande, a recueilli les dernières observations des plaideurs (arrêt 4A_627/2015 du 9 juin 2016 déjà cité, consid 2.3).

En l’espèce, la cour cantonale, qui avait prié le psychiatre traitant de l’assuré de répondre à un questionnaire, a communiqué aux deux parties la réponse de ce praticien figurant dans un courrier du 08.02.2016, en les invitant à lui faire part de leurs remarques et à « joindre toutes pièces utiles ». L’assurance s’est déterminée le 01.03.2016, déclarant persister dans ses conclusions libératoires. L’assuré a maintenu ses conclusions en paiement dans une écriture du 04.03.2016 et a requis qu’une expertise psychiatrique soit ordonnée, mais pas la tenue de débats. Par courriers des 3 et 8 mars 2016, la cour cantonale a envoyé à chaque partie, pour information, copie de l’écriture de l’autre. Elle a statué sur le litige sur pièces, par arrêt du 24.03.2016.

Devant la Chambre des assurances sociales, l’assuré a agi par l’intermédiaire d’un avocat, alors que l’assurance était représentée par des membres de son service juridique, ayant achevé une formation en droit. Compte tenu de la manière dont la procédure s’est déroulée, l’assuré devait comprendre que l’autorité précitée, après avoir communiqué à chaque partie les dernières observations de son adversaire, allait trancher le litige sur le fond sans tenir d’audience publique. Comme dans l’affaire 4A_627/2015 du 9 juin 2016 susmentionnée, consid. 2.3 in fine, qui a été rendue dans un contexte similaire, il sied de retenir que les deux parties ont renoncé par actes concluants à une telle audience, dès l’instant où aucune d’elle n’en a requis la tenue dans ses dernières écritures.

 

Expertise médicale privée

Il est de jurisprudence qu’une expertise privée n’est pas un moyen de preuve au sens de l’art. 168 al. 1 CPC, mais qu’elle doit être assimilée aux allégués de la partie qui la produit (ATF 141 III 433 consid. 2.6 p. 437; 140 III 24 consid. 3.3.3 p. 29). Seules doivent être prouvées les allégations qui sont expressément contestées. Une telle contestation doit être suffisamment précise afin que l’on puisse déterminer quelles sont les allégations du demandeur qui sont contestées. En d’autres termes, la contestation doit être concrète à telle enseigne que la partie qui a allégué les faits sache quels sont ceux d’entre eux qu’il lui incombe de prouver. Le degré de la motivation d’une allégation exerce une influence sur le degré exigible de motivation d’une contestation. Plus détaillées sont certaines allégations de la partie qui a le fardeau de la preuve, plus concrètement la partie adverse doit expliquer quels sont au sein de celles-ci les éléments de fait qu’elle conteste. Le fardeau de la contestation ne saurait toutefois entraîner un renversement du fardeau de la preuve (ATF 141 III 433 consid. 2.6 p. 438 et les références).

Dans le cas présent, l’assurance a produit l’expertise privée du Dr B.__, comportant sept pages. Ce rapport détaillé permet de saisir le raisonnement de l’expert, qui l’a amené à considérer que l’assuré était en mesure de travailler en tout cas dès le 23.06.2015. Confronté à cette expertise privée, l’assuré s’est borné à la contester globalement par pli du 24.07.2015, déclarant n’être pas d’accord. Il a certes annexé un rapport de deux pages du Dr A.__, psychiatre qui le traite, lequel a nié une valeur probante suffisante au rapport de l’expert privé B.__, faute d’objectivité et de neutralité de ce dernier. Si le Dr A.__ relève des discordances entre le diagnostic posé par le Dr B.__ (trouble de l’adaptation avec réaction dépressive prolongée), les plaintes subjectives de l’assuré et la conclusion qu’il n’est pas incapable de travailler, le premier ne discute pas précisément les allégations figurant dans l’expertise privée. Autrement dit, la remise en cause des allégations factuelles contenues dans cette expertise demandée par l’assurance ne font pas l’objet d’une contestation motivée de l’assuré. De plus, le Dr A.__ ne s’est exprimé qu’après que son patient l’a sollicité, puisque ce dernier a joint le rapport dudit psychiatre à sa contestation globale du 24 juillet 2015.

Dans de telles circonstances, les allégations précises de l’expertise privée – contestées de manière globale – peuvent apporter la preuve de leur véracité si elles sont appuyées par des indices objectifs. Or, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève a estimé, dans sa décision de refus de prestations du 02.12.2015, que la capacité de gain de l’assuré était entière depuis le 25.06.2015.

En conséquence, l’autorité cantonale n’a pas violé l’art. 168 CPC en retenant que l’expertise privée du Dr B.__ avait emporté sa conviction.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 4A_318/2016 consultable ici : http://bit.ly/2eHycjJ

 

 

4A_471/2015 (f) du 21.12.2015 – Interprétation des conditions générales d’un contrat d’assurance – 18 CO / Assurance indemnité journalière perte de gain maladie

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_471/2015 (f) du 21.12.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1nkGuhu

 

Interprétation des conditions générales d’un contrat d’assurance / 18 CO

Assurance indemnité journalière perte de gain maladie

 

Une commerçante a conclu avec une compagnie d’assurance un contrat collectif d’assurance d’indemnités journalières perte de gain en cas de maladie soumis à la LCA. Elle était assurée nominativement et l’indemnité journalière correspondait à 100% du salaire annuel convenu de 48’000 fr., après un délai d’attente de 30 jours. Elle avait droit à 730 indemnités journalières au maximum dans une période de 900 jours.

 

Le contrat renvoyait aux conditions générales d’assurance, édition 2002, (ci-après: CGA), qui en étaient considérées comme partie intégrante. L’art. G3 des CGA disposait que la couverture d’assurance prenait fin pour chaque assuré à l’expiration de la durée maximale du droit aux prestations, en cas d’annulation du contrat d’assurance, lorsque l’assuré quittait le cercle des personnes assurées, lorsqu’il cessait son activité professionnelle et, pour les personnes assurées nominativement, au plus tard lorsqu’elles atteignaient l’âge de 70 ans.

 

La commerçante était gravement malade depuis mars 2006. Elle a eu des difficultés à payer le loyer de son commerce ainsi que la prime du contrat collectif d’assurance d’indemnités journalières perte de gain en cas de maladie. Le contrat a été annulé pour le 14.07.2006 suite au non-paiement de sa prime de l’année 2006, conformément à l’art. 21 LCA. Ce courrier, présenté au domicile de sa destinataire le 31.10.2006, n’a pas pu être distribué; à l’échéance du délai de garde, soit le 07.11.2006, l’envoi non réclamé a été retourné à l’assureur. Le 14.12.2006, la compagnie d’assurance a procédé à une nouvelle notification dudit courrier sous pli simple, en indiquant au preneur d’assurance que ce pli gardait toute sa validité.

 

La boutique a cessé son activité et est fermée depuis le 13.11.2006, le bilan a été déposé et l’unique vendeuse a été licenciée pour le 31.01.2007. Le 12.04.2007, les clés du commerce ont été remises à la Justice de paix de Lausanne, qui a procédé, le 24.04.2007, à l’exécution forcée de l’ordonnance d’expulsion.

 

Le médecin-traitant, médecin généraliste, a attesté d’une incapacité totale de travailler depuis le 23.11.2006. La commerçante a requis à l’assurance de lui verser des indemnités journalières pour couvrir sa perte de gain, lui faisant parvenir deux certificats médicaux d’incapacité de travail. La compagnie d’assurance a refusé de verser les indemnités perte de gain en cas de maladie, le contrat d’assurance ayant été tout d’abord suspendu depuis le 14.07.2006 pour retard dans le paiement des primes, puis annulé avec effet à cette date. La commerçante assurée est décédée le 01.03.2009. L’époux de feue l’assurée est désormais le demandeur.

 

Procédure cantonale (arrêt 314 – consultable ici : http://bit.ly/1S82jya)

La Cour d’appel civile a, par arrêt du 18.06.2015, a rejeté le recours contre le jugement du 15.12.2011 (AMC 18/08) et a procédé à une interprétation selon le principe de la confiance des CGA du contrat d’assurance.

 

TF

D’après la jurisprudence, les dispositions d’un contrat d’assurance, de même que les conditions générales qui y ont été expressément incorporées, doivent être interprétées selon les principes qui gouvernent l’interprétation des contrats (ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 412).

 

Lorsque des conditions générales font partie intégrante du contrat d’assurance, l’assureur manifeste la volonté de s’engager selon la teneur de ces conditions. Si une volonté réelle et commune des parties contractantes n’a pas été constatée, comme c’est le cas en l’espèce, il convient de vérifier comment les destinataires de ces déclarations de volonté pouvaient les comprendre de bonne foi, en recourant à l’interprétation objective des termes figurant dans les conditions générales (ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 413 et l’arrêt cité). Le preneur d’assurance est couvert contre le risque tel qu’il pouvait le comprendre de bonne foi en lisant les conditions générales. Quand l’assureur entend apporter des restrictions ou des exceptions, il lui appartient de le dire clairement (ATF 133 III 675 consid. 3.3 p. 682).

 

In casu, l’art. G3 des CGA invoqué par le recourant disposait que la couverture d’assurance prenait fin pour chaque assuré, notamment lorsque celui-ci  » cessait son activité professionnelle « . Selon le sens ordinaire des mots, feue l’assurée devait raisonnablement comprendre que l’activité professionnelle mentionnée dans cette clause se rapportait à un travail permettant de dégager un profit. En d’autres termes, si la personne assurée n’exerçait plus son métier et n’avait ainsi pas de revenu provenant de son travail, elle n’était plus assurée. Le motif pour lequel l’assuré cessait d’exercer sa profession (p. ex. mauvaises affaires, retraite anticipée, etc.) ne jouait aucun rôle à teneur du libellé de l’art. G3 en question. Il suit de là que dès l’instant où feue l’assurée n’a plus exercé d’activité lucrative à partir du 13.11.2006, sa couverture d’assurance avait déjà pris fin lorsqu’elle est devenue totalement incapable de travailler dès le 23.11.2006, soit dix jours plus tard.

 

Si la personne assurée tombe malade après qu’elle a perdu son travail, il est présumé que si elle n’était pas devenue malade, elle n’exercerait toujours aucune activité rémunérée (cf. arrêts déjà cités 4A_138/2013 du 27 juin 2013 consid. 4.1 et 9C_332/2007 du 29 mai 2008 consid. 2.1). Dans le cas présent, feue l’assurée est devenue entièrement incapable de travailler après avoir cessé définitivement d’exercer son activité professionnelle.

 

Le TF rejette le recours.

 

 

Arrêt 4A_471/2015 consultable ici : http://bit.ly/1nkGuhu