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8C_767/2023 (f) du 30.01.2024 – Obligation de collaborer de l’assuré – But et notion de la décision sur opposition – Principe de la bonne foi

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_767/2023 (f) du 30.01.2024

 

Consultable ici

 

Obligation de collaborer de l’assuré / 43 LPGA

But et notion de la décision sur opposition / 52 LPGA

Principe de la bonne foi / 5 al. 3 Cst.

 

Par déclaration de sinistre LAA du 24.01.2023, l’employeur a annoncé à l’assurance-accidents un accident subi par son employé, né en 1997. Il y était indiqué que celui-ci s’était blessé aux doigts de la main gauche (fracture) à la suite d’une glissade dans les escaliers le 24.12.2022 et qu’il était en arrêt de travail depuis lors. A la réception du document, l’assurance-accidents a informé l’assuré qu’elle prenait en charge le cas. L’employeur a transmis deux attestations d’incapacité de travail couvrant la période du 20.02.2023 au 16.04.2023.

Les 29.03.2023 et 31.03.2023, l’assurance-accidents a tenté de joindre l’assuré sur son téléphone portable sans succès. Par courrier du 31.03.2023, elle l’a invité à prendre contact avec elle dans les jours à venir car elle avait des questions à lui poser sur l’événement du 24.12.2022. Le 18.04.2023, l’employeur a transmis une nouvelle attestation d’incapacité de travail pour la période du 17.04.2023 au 28.05.2023. Après une nouvelle tentative de joindre l’assuré par téléphone et par voie postale, l’assurance-accidents a mis celui-ci en demeure de collaborer à l’instruction en prenant contact avec elle d’ici au 26.05.2023, faute de quoi elle en déduirait qu’il n’avait pas besoin de prestations (courrier A plus du 16.05.2023).

Le 01.06.2023, l’assurance-accidents a contacté l’employeur qui a déclaré ne pas avoir de nouvelles de son employé. Le même jour, elle a rendu une décision, par laquelle elle a informé l’assuré qu’elle cessait immédiatement de lui allouer des prestations, motif pris qu’il n’avait pas donné suite aux différentes demandes de contact. A la suite d’un téléphone de ce dernier qui affirmait n’avoir jamais reçu de courrier et avoir été mis au courant de la cessation des prestations par l’employeur, l’assurance-accidents lui a transmis une copie de sa décision du 01.06.2023 par courriel. L’assuré a formé opposition le 15.06.2023.

Le 28.06.2023, l’amie de l’assuré a téléphoné à l’assurance-accidents, qui lui a fait savoir que dans la mesure où la procédure était lancée, le prénommé ne pouvait plus revenir en arrière et devait attendre la décision sur opposition.

Le 10.07.2023, l’assurance-accidents a écarté l’opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2023 147 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont retenu que l’assurance-accidents avait à juste titre estimé nécessaire d’instruire le cas. En effet, les documents médicaux dont celle-ci disposait au moment de rendre sa décision du 01.06.2023, de même que ceux transmis par l’assuré avec son opposition étaient laconiques sur les questions de la capacité de travail, respectivement de l’existence d’un lien de causalité entre l’accident et les lésions subies. Par ailleurs, les juges cantonaux ont considéré que les déclarations de l’assuré, selon lesquelles il n’aurait pas reçu les courriers envoyés par l’assurance-accidents, ni n’aurait été au courant des tentatives de celle-ci de le joindre, étaient peu crédibles. Ils ont dès lors admis que, à tout le moins jusqu’au 01.06.2023, date à laquelle l’assurance-accidents avait décidé de mettre un terme à ses prestations, l’assuré avait manqué à son devoir de collaborer. Cela étant, les juges cantonaux ont constaté qu’en procédure d’opposition, l’assuré avait produit plusieurs rapports médicaux sur la base desquels l’assurance-accidents aurait été en mesure de recueillir des éléments d’informations supplémentaires pour statuer, notamment en s’adressant directement aux prestataires médicaux dont le nom figurait sur ces documents. Or elle s’était contentée de considérer que les tentatives de collaborer de l’assuré dès le 15.06.2023 étaient tardives et qu’il ne pouvait pas revenir en arrière. L’assurance-accidents avait par conséquent sanctionné à tort le manque de collaboration temporaire de l’assuré par une cessation des prestations. Elle aurait dû constater la volonté de collaborer de celui-ci à partir du 15.06.2023 et reprendre l’instruction à partir de là.

Par jugement du 26.10.2023, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4
L’assurance-accidents reproche aux juges cantonaux de s’être prononcés sur la situation postérieure à la date de sa décision initiale, s’écartant ainsi de l’objet de la contestation déterminé par cette décision. En irait-il autrement que la procédure de l’art. 43 al. 3 LPGA se verrait privée d’effet : les assurés non collaborants pourraient entraver l’instruction de leur dossier de nombreux mois sans que l’assureur puisse leur opposer la menace effective d’une suppression des prestations puisque toute prise de décision sanctionnant un défaut de collaboration serait annulée par le simple dépôt d’une opposition. C’est pourquoi, en procédure d’opposition, elle avait seulement examiné si sa décision initiale du 01.06.2023 était correcte. Dans la mesure où les juges cantonaux avaient également admis qu’à ce moment-là, le dossier ne permettait pas d’établir l’existence des conditions du droit à la prestation de l’assuré, ils auraient dû confirmer le rejet de la demande de prestation qu’elle avait prononcée. Par ailleurs, c’était à tort que ceux-ci avaient déduit une volonté de collaborer de l’assuré du fait qu’il avait transmis des rapports médicaux à l’appui de son opposition. En effet, elle avait obtenu ces rapports directement par l’Hôpital C.__ à sa demande. Enfin, l’assurance-accidents fait remarquer qu’elle ne demandait pas l’envoi de documents médicaux, mais une prise de contact de l’assuré avec elle en vue de clarifier les circonstances de l’accident et orienter la gestion du cas. Or, l’assuré n’avait toujours pas cherché à la contacter. Ses prises de position, dans lesquelles il niait avoir reçu un quelconque courrier et se plaignait de la fin du versement des indemnités journalières, ne pouvaient être assimilées à une volonté démontrée de collaborer.

 

Consid. 5.1
Contrairement à ce qui prévaut dans l’assurance-invalidité (art. 69 LAI), le législateur a prévu une procédure d’opposition dans le domaine de l’assurance-accidents (art. 52 LPGA). Cette procédure donne la possibilité à l’assureur de réexaminer complètement sa décision avant une procédure judiciaire éventuelle (ATF 142 V 337 consid. 3.2.2; voir également JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Sécurité sociale, 3e éd., n° 863 p. 1127). La décision sur opposition remplace alors la décision initiale et clôt la procédure administrative (ATF 143 V 295 consid. 4.1.2). Cela signifie que l’assureur est tenu de prendre en considération l’évolution des faits survenue en cours de procédure d’opposition dans la mesure où ceux-ci sont susceptibles de modifier les rapports juridiques ayant fait l’objet de la décision initiale et à propos desquels l’opposant a manifesté son désaccord (voir ATF 143 V 295 précité; également HANSJÖRG SEILER, Rechtsfragen des Einspracheverfahrens in der Sozialversicherung [Art. 52 ATSG], in Sozialversicherungsrechtstagung 2007, p. 96). La décision sur opposition fixe ainsi la limite temporelle de l’état de fait déterminant et, en cas de recours, le juge des assurances sociales en apprécie la légalité d’après l’état de fait existant au moment où elle a été rendue (ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références).

Il s’ensuit qu’aucun reproche ne saurait être fait aux juges cantonaux d’avoir porté leur examen sur la situation factuelle prévalant jusqu’au prononcé de la décision sur opposition du 10.07.2023. L’argumentation de l’assurance-accidents au sujet de l’art. 43 al. 3 LPGA n’y change rien; ce dont elle se plaint est inhérent à l’existence d’une procédure d’opposition en matière d’assurance-accidents. En revanche, il est vrai que les juges cantonaux ont constaté de manière erronée que l’assuré avait produit des rapports médicaux à l’appui de son opposition, si bien qu’on ne peut pas en déduire une tentative de collaborer de sa part.

Consid. 5.2
Ce qui précède ne conduit toutefois pas à l’admission du recours. En effet, il est établi qu’en cours de procédure d’opposition, l’assuré a contacté téléphoniquement l’assurance-accidents par l’intermédiaire de son amie. Les règles de la bonne foi (art. 5 al. 3 Cst.) auraient dû amener l’assurance-accidents à réitérer, à cette occasion, sa volonté de s’entretenir personnellement avec l’assuré en rappelant les conséquences d’une inaction de la part de celui-ci, voire à organiser une convocation. Mais surtout, l’assurance-accidents ne pouvait pas affirmer que l’assuré ne pouvait rien faire pour changer la situation et devait attendre la décision sur opposition, ce qui est erroné dans la présente constellation où il ne tenait qu’à l’assuré de contacter l’assurance-accidents pour éviter que la décision du 01.06.2023 soit confirmée (consid. 5.1 supra). On doit admettre que par cette indication erronée, l’assurance-accidents a incité l’assuré à s’abstenir de toute autre démarche envers elle jusqu’au prononcé de la décision sur opposition, voire jusqu’à l’échéance de la procédure de recours. L’assurance-accidents ne saurait aujourd’hui le lui reprocher alors qu’il avait précisément pris contact avec elle, comme elle le souhaitait, certes par l’intermédiaire de son amie. Le fait que cette prise de contact ait eu lieu après la décision initiale du 01.06.2023 ne justifiait pas de n’y donner aucune suite et de geler toute éventuelle reprise de l’instruction jusqu’à la fin de la procédure d’opposition, voire jusqu’à la fin de la procédure de recours. Les juges cantonaux ont donc annulé à juste titre la décision sur opposition litigieuse et invité l’assurance-accidents à reprendre l’instruction.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_767/2023 consultable ici

 

8C_329/2023 (f) du 21.11.2023 – Aide sociale – Réduction du forfait d’entretien / Doute concernant la localisation exacte de son domicile – Manque de collaboration et sanction

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_329/2023 (f) du 21.11.2023

 

Consultable ici

 

Aide sociale – Réduction du forfait d’entretien / LASoc (loi fribourgeoise sur l’aide sociale)

Doute concernant la localisation exacte de son domicile – Manque de collaboration et sanction / 9 LASoc – 24 LASoc

 

Par décision du 07.02.2022, confirmée sur réclamation le 22.03.2022, la Commission sociale communale (ci-après: la Commission sociale) a octroyé à A.__ (ci-après aussi: la requérante), née en 1969, une aide matérielle avec une réduction de 20% du forfait d’entretien, à l’exception des frais de logement, pour une durée de trois mois à compter de février 2022. La réduction du forfait d’entretien et la non prise en charge du loyer étaient motivées par le manque de collaboration de la requérante et par le fait que son lieu de vie n’était pas clairement établi. Par décision du 03.05.2022, cette aide matérielle a été prolongée pour une durée de six mois, soit de mai à octobre 2022.

Par décision du 18.10.2022, confirmée sur réclamation le 20.12.2022, la Commission sociale a prolongé une nouvelle fois l’aide matérielle avec une réduction de 20% du forfait d’entretien, à l’exception des frais de logement, pour une durée de six mois, soit de novembre 2022 à avril 2023.

 

Procédure cantonale (arrêt consultable ici)

Par jugement du 27.03.2023, rejet des recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.3
Le Tribunal fédéral applique le droit d’office (art. 106 al. 1 LTF). Toutefois, il n’examine la violation de droits fondamentaux ainsi que celle de dispositions de droit cantonal et intercantonal que si ce grief a été invoqué et motivé par le recourant (art. 106 al. 2 LTF), c’est-à-dire s’il a été expressément soulevé et exposé de manière claire et détaillée. Sauf exceptions non pertinentes en l’espèce (cf. art. 95 let. c, d et e LTF), on ne peut pas invoquer la violation du droit cantonal ou communal en tant que tel devant le Tribunal fédéral (art. 95 LTF a contrario). En revanche, il est possible de faire valoir que sa mauvaise application consacre une violation du droit fédéral, comme la protection contre l’arbitraire (art. 9 Cst.) ou la garantie d’autres droits constitutionnels (ATF 145 I 108 consid. 4.4.1; 143 I 321 consid. 6.1; 142 III 153 consid. 2.5).

Appelé à revoir l’application ou l’interprétation d’une norme cantonale ou communale sous l’angle de l’arbitraire, le Tribunal fédéral ne s’écarte de la solution retenue par l’autorité cantonale de dernière instance que si celle-ci apparaît insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective, adoptée sans motif objectif et en violation d’un droit certain. En revanche, si l’application de la loi défendue par l’autorité cantonale ne s’avère pas déraisonnable ou manifestement contraire au sens et au but de la disposition ou de la législation en cause, cette interprétation sera confirmée, même si une autre solution paraît également concevable, voire préférable (ATF 148 I 145 consid. 6.1; 147 I 241 consid. 6.2.1; 145 II 32 consid. 5.1). Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable; il faut encore que cette décision soit arbitraire dans son résultat (ATF 143 I 321 consid. 6.1; 141 I 49 consid. 3.4).

 

Consid. 3.2
Aux termes de l’art. 9 al. 1 LASoc (loi sur l’aide sociale du 14 novembre 1991 ; RS/FR 831.0.1), la personne dans le besoin a son domicile au sens de la présente loi dans la commune où elle réside avec l’intention de s’y établir. En vertu de l’art. 24 LASoc, la personne qui sollicite une aide matérielle est tenue d’informer le service social de sa situation personnelle et financière de manière complète et de produire les documents nécessaires à l’enquête (al. 1); le bénéficiaire doit informer sans délai le service social de tout changement de sa situation (al. 3). Selon l’art. 1 al. 1 de l’ordonnance du 2 mai 2006 fixant les normes de calcul de l’aide matérielle de la loi sur l’aide sociale [ordonnance relative à l’aide matérielle ; RS/FR 831.0.12]), toute personne dans le besoin vivant à domicile et tenant son ménage a droit à un montant forfaitaire pour son entretien. L’art. 10 de cette ordonnance prévoit qu’en cas de manquement, les montants forfaitaires fixés à l’article 2 peuvent être réduits de 5 à 30% à titre de sanction (al. 2); les réductions sont limitées à douze mois (al. 3, première phrase); les réductions de 20% et plus sont limitées à six mois et ne peuvent être prolongées sans une nouvelle évaluation (al. 3, seconde phrase).

 

Consid. 7.1
La cour cantonale a exposé que la Commission sociale reprochait à la requérante d’avoir violé son obligation de collaborer et de renseigner, ses propos peu clairs ayant instillé un doute concernant la localisation exacte de son domicile, ce qui aurait compliqué la prise de décision. Constatant que les propos de la requérante n’avaient effectivement pas toujours été très clairs, les juges cantonaux ont exposé que celle-ci avait soutenu loger chez son oncle, domicilié sur le territoire communal. La Poste avait toutefois indiqué que l’intéressée disposait également d’une adresse au lieu de domicile de sa mère, qui vivait dans une commune voisine. La requérante avait en outre admis dormir parfois chez sa mère et d’autres fois chez des amis. Par ailleurs, un rapport d’enquête du 01.10.2021 – dont la valeur probante ne pouvait pas être mise en cause – était parvenu à la conclusion qu’elle ne résidait pas chez son oncle, mais plus probablement chez sa mère. L’autorité précédente a ajouté que par le passé, la requérante avait notamment omis de déclarer qu’elle bénéficiait des prestations complémentaires de sa grand-mère rentrée dans son pays d’origine, de sorte que ses déclarations devaient être appréhendées avec circonspection. On pouvait donc retenir une violation de l’obligation de collaborer et l’intéressée avait été avertie à plusieurs reprises que ses prestations pouvaient être réduites pour ce motif. En réduisant de 20% le forfait d’entretien, la Commission sociale avait respecté le principe de la proportionnalité. A défaut de l’existence établie d’un domicile sur le territoire communal, elle aurait en effet été en droit d’octroyer une seule aide d’urgence à la requérante. Elle avait toutefois décidé de « faire un geste », au vu notamment de possibles troubles psychiques observés chez la requérante, laquelle avait obtenu une prestation supplémentaire à celle qu’elle aurait dû percevoir.

Consid. 7.3
Il n’est pas contesté que la requérante possède deux adresses postales, l’une chez son oncle et l’autre chez sa mère. Selon le rapport d’enquête du 01.10.2021, la présence de l’intéressée chez son oncle – où elle soutient être domiciliée – n’a jamais pu être attestée, ni le matin ni le soir. Lorsque les enquêteurs se sont présentés à elle, au sortir d’une rencontre avec les services sociaux, elle n’a consenti à une visite du domicile qu’après avoir appelé son oncle, lequel est ensuite venu la retrouver pour lui donner les clés du logement. Dans l’appartement, les enquêteurs n’ont trouvé aucune affaire personnelle dans la chambre censée être celle de la requérante, et aucun document administratif personnel laissant penser que celle-ci y vivait. Pour toute explication, la requérante a déclaré aux enquêteurs que ses sous-vêtements se trouvaient dans une commode située dans la chambre de son oncle et que ses autres affaires étaient dans un garde-meuble situé dans une cave qu’elle louait. Sur cette base, le tribunal cantonal n’a pas versé dans l’arbitraire en retenant qu’il était douteux que la requérante vécût effectivement chez son oncle et qu’elle avait violé son obligation de renseigner au sens de l’art. 24 LASoc. S’agissant de ses antécédents, il ressort de l’arrêt entrepris que la requérante a, depuis sa première demande d’aide matérielle en avril 2018, écopé de plusieurs avertissements et de sanctions – sous la forme de réductions provisoires du forfait d’entretien, voire d’une suspension provisoire de l’aide matérielle – en lien avec de multiples violations de son obligation de renseigner. La requérante ne pouvant pas ignorer les conséquences d’une réitération d’un tel comportement, la cour cantonale n’a pas non plus procédé à une application arbitraire de l’art. 10 de l’ordonnance relative à l’aide matérielle en confirmant les décisions de réduction de 20% du forfait d’entretien.

Par ailleurs, le raisonnement des juges cantonaux est exempt de contradictions. Ceux-ci ont relevé que malgré les manquements de la requérante et les sérieux doutes concernant son domicile, la Commission sociale avait finalement consenti à lui octroyer un forfait d’entretien – quoique réduit -, alors qu’elle n’y avait pas droit en l’absence d’un domicile dans la commune. Cette fiction de domicile sur le territoire communal pour le forfait d’entretien, validée par l’instance cantonale, s’avère pour la requérante tout sauf arbitraire dans son résultat. En ce qui concerne les griefs que la juridiction cantonale n’a pas traités, on se bornera à rappeler que le juge n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais peut – comme cela a été le cas en l’espèce – se limiter à l’examen des questions décisives pour l’issue du litige (ATF 147 IV 249 consid. 2.4; 142 II 154 consid. 4.2). Pour le reste, la législation cantonale en matière de réduction du forfait d’entretien ne distingue pas les manquements d’un requérant en fonction du degré de gravité de sa faute. En outre, la Commission sociale a prononcé des décisions de réduction de 20% de ce forfait pour des durées de trois mois, respectivement six mois, soit dans la limite de l’art. 10 al. 3, seconde phrase, de l’ordonnance relative à l’aide matérielle. L’arrêt attaqué échappe ainsi également à la critique eu égard à l’application du principe de la proportionnalité.

 

Consid. 8
Concernant les frais de logement, la requérante reproche finalement à la cour cantonale d’avoir fondé sa décision sur des motifs qui n’auraient pas été retenus par la Commission sociale. Tel serait le cas du fait – avancé par les juges cantonaux s’il fallait admettre un domicile chez l’oncle de la requérante – selon lequel on imaginait mal celui-ci, locataire et non propriétaire de son logement, introduire des poursuites pour exiger de sa nièce le paiement d’un sous-loyer, au vu des conditions d’accueil ressortant du rapport d’enquête. Ce dernier grief doit aussi être écarté. Le tribunal cantonal disposant d’une pleine cognition en fait et en droit, on ne voit pas que le simple énoncé de motifs appuyant le rejet d’un recours puisse consacrer une violation du droit d’être entendu.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

Arrêt 8C_329/2023 consultable ici

 

9C_388/2022 (f) du 27.04.2023 – Devoir de collaborer de l’assuré durant la procédure d’instruction – Conséquences d’une violation de ce devoir – 43 LPGA / Refus de l’assuré de se rendre à l’expertise en raison de troubles psychiques

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_388/2022 (f) du 27.04.2023

 

Consultable ici

 

Devoir de collaborer de l’assuré durant la procédure d’instruction – Conséquences d’une violation de ce devoir / 43 LPGA

Refus de l’assuré de se rendre à l’expertise en raison de troubles psychiques

Libre choix de l’office AI de rendre une décision de non-entrée en matière au lieu d’examiner la demande de l’assuré en l’état du dossier / 43 al. 3 LPGA

Conséquence en cas de nouvelle demande ou lorsque l’assuré se déclare après coup prêt à se soumettre à l’expertise envisagée

 

Dépôt de la demande AI en février 2018 par l’assuré, né en 1973. Entre autres mesures d’instruction, l’office AI a ordonné une expertise bidisciplinaire (psychiatrie et médecine interne-cardiologie) et en a informé l’assuré par courrier du 20.01.2020. L’intéressé ne s’étant pas présenté à l’expertise, l’administration l’a mis en demeure de respecter son devoir de collaborer, en lui indiquant qu’un défaut de collaboration pouvait conduire à une décision en l’état du dossier ou à un refus d’entrer en matière sur la demande (courrier du 19.05.2020). Après que l’assuré a produit un certificat médical d’un médecin praticien, du 20.05.2020, attestant de son appartenance à un groupe à risque et lui déconseillant d’emprunter les transports publics en raison de la pandémie de maladie à coronavirus 2019, l’office AI l’a sommé de collaborer activement à la procédure, en lui rappelant les conséquences d’un défaut de collaboration (courrier du 12.10.2020).

A la suite d’un courriel de l’assuré, par lequel il expliquait notamment souffrir de phobies sociales aiguës et d’agoraphobie l’empêchant de prendre les transports publics, l’administration a confirmé la nécessité d’une expertise, en lui rappelant également son obligation de collaborer; elle l’a convoqué auprès d’un centre d’expertises (courrier du 22.04.2021). L’assuré a ensuite produit une attestation de son médecin traitant, spécialiste en médecine interne générale et en psychiatrie et psychothérapie d’enfants et d’adolescents, datée du 17.08.2021. Par décision incidente du 30.09.2021, l’office AI a maintenu la nécessité de l’expertise; il a également informé l’assuré de la prise en charge des frais pour un transport individuel. Après que le centre d’expertises lui a fait savoir, le 15.10.2021, que l’assuré avait déclaré refuser de donner suite à la convocation pour l’expertise prévue, l’administration a refusé d’entrer en matière sur la demande de prestations, par décision du 11.01.2022.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 24.06.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Il n’y a violation de l’obligation de collaborer par l’assuré au sens de l’art. 43 al. 3 LPGA que si elle a été commise de manière inexcusable. En ce sens, elle doit être fautive, ce qui est le cas lorsqu’aucun motif justificatif n’est reconnaissable ou que le comportement de la personne assurée s’avère totalement incompréhensible (arrêt I 166/06 du 30 janvier 2007 consid. 5.1 et les références; sur les motifs rendant le défaut de collaboration excusable, cf. arrêt 8C_733/2010 du 10 décembre 2010 consid. 5.3 et les références).

Consid. 5.1
C’est en vain que l’assuré allègue d’abord, en se référant aux avis de son médecin traitant, que son refus de se rendre au centre d’expertises médicales mandaté par l’office AI est excusable. Contrairement à ce qu’il affirme, le psychiatre traitant s’est référé à la question des déplacements lorsqu’il a mentionné qu’une éventuelle convocation pour une expertise en Suisse allemande n’était pas envisageable pour le moment. Le médecin a mis en lien l’incapacité de son patient de se soumettre à l’expertise avec son impossibilité à utiliser les transports publics (« Concernant une éventuelle convocation de l’AI pour une évaluation en Suisse allemande, je pense qu’une telle intervention n’est pas envisageable pour le moment et devrait être reportée ultérieurement. En effet, l’idée d’utiliser les transports publics n’est pas envisageable pour le moment »). Si le psychiatre traitant a certes mentionné que la confrontation avec le monde extérieur, le stress ou les conflits font rapidement apparaître des attitudes de fuite et de replis, aggravant ainsi les symptômes dépressifs, il n’a cependant pas indiqué que l’assuré était dans l’impossibilité totale de se déplacer ou de se soumettre à une évaluation médicale. La constatation de la juridiction cantonale selon laquelle le psychiatre traitant n’a pas exclu expressément tout déplacement en véhicule privé, n’est donc pas manifestement inexacte et le Tribunal cantonal pouvait en inférer sans arbitraire qu’il était exigible de l’assuré de se rendre au centre d’expertises en transport individuel, par un service de transport pour personnes handicapées, comme l’avait proposé l’office AI.

Consid. 5.2
A l’inverse de ce que soutient ensuite l’assuré, sa situation n’est pas comparable à celle décrite dans l’arrêt 8C_396/2012 du 16 octobre 2012, dès lors déjà que l’assurée n’avait pas refusé de se soumettre à l’expertise ordonnée, mais simplement informé le centre d’expertises, puis l’assureur social compétent, que les dates d’examen proposées ne lui convenaient pas, en sollicitant un report de celles-ci. En l’espèce, selon les informations que le centre d’expertises a données à l’office AI – que l’assuré n’a jamais contestées – l’assuré a en revanche indiqué au centre qu’il ne donnerait pas suite à la convocation, pour des raisons personnelles, quelle que soit la date choisie, en précisant être conscient des conséquences de son refus.

L’assuré ne saurait rien déduire non plus en sa faveur de l’arrêt I 166/06 du 30 janvier 2007. Il s’agissait alors d’une assurée qui avait demandé, par l’intermédiaire de son médecin traitant, que l’expertise ordonnée par l’office AI ne soit pas effectuée à Bâle, mais à Zurich, où elle était domiciliée. Le Tribunal fédéral a considéré que l’intéressée n’avait pas violé de manière inexcusable son obligation de collaborer au sens de l’art. 43 al. 3 LPGA, car son médecin traitant avait attesté qu’un voyage à Bâle eût amené sa patiente aux limites de sa capacité de coopération et qu’en raison de ses atteintes à la santé, elle n’eût probablement pas été en mesure d’honorer les rendez-vous à Bâle (arrêt I 166/06 précité consid. 5.2). Or tel n’est pas le cas en l’occurrence, puisque le psychiatre traitant n’a pas exclu que son patient pût se rendre au centre d’expertises suisse allemand par le biais d’un service de transport pour personnes handicapées.

 

Consid. 5.3
L’assuré ne peut pas davantage être suivi lorsqu’il reproche à l’office AI de s’être « obstiné » à le faire examiner dans un centre d’expertises en Suisse allemande, sans avoir tenté de trouver une solution consensuelle, alors même qu’il avait demandé à plusieurs reprises d’être examiné par des experts francophones dans un centre d’expertises en Suisse romande. Si l’assuré a certes demandé à être examiné par des experts francophones dans un courriel du 13.10.2020, il n’a par la suite pas réitéré sa demande. Une fois informé de l’identité des experts du centre suisse allemand (courriers de l’office AI du 10.09.2021 et du centre d’expertise du 13.09.2021), l’assuré s’est en effet contenté de requérir que les informations relatives à l’expertise lui soient transmises en français (courriel du 20.09.2021). Après avoir reçu les informations demandées dans sa langue maternelle (courriel du centre d’expertises du 21.09.2021), l’assuré ne s’est plus manifesté. Dans ces conditions, l’office AI pouvait inférer de l’absence de réaction de l’assuré qu’il avait renoncé à une expertise en langue française dans le cadre du nouveau centre désigné. On rappellera au demeurant que lorsque l’administration ne donne pas suite à la demande d’un assuré de désigner un centre d’expertise où l’on s’exprime dans l’une des langues officielles de la Confédération qu’il maîtrise, l’intéressé a le droit non seulement d’être assisté par un interprète lors des examens médicaux mais encore d’obtenir gratuitement une traduction du rapport d’expertise (ATF 127 V 219 consid. 2b/bb; cf. aussi arrêt 9C_259/2022 du 20 septembre 2022 consid. 5.2 et les arrêts cités). Or en l’espèce, l’assuré ne prétend pas que la compréhension linguistique entre lui et les experts ne serait pas suffisante, en présence d’un interprète, pour garantir une expertise revêtant un caractère à la fois complet, compréhensible et concluant.

 

Consid. 5.4
L’assuré ne peut finalement rien tirer en sa faveur du fait que le refus de l’office AI d’entrer en matière sur sa demande de prestations a des conséquences financières importantes pour lui. Il soutient à cet égard que le refus de prestations ne devait pas « être décidé à la légère » et reproche à la juridiction cantonale de ne pas avoir examiné si la décision litigieuse était correcte à la lumière des pièces du dossier, que l’office AI aurait dû apprécier sous l’angle matériel.

Consid. 5.4.1
Le grief de l’assuré est mal fondé, dans la mesure où il est soulevé en lien avec l’affirmation que le caractère excusable du comportement de l’assuré est établi. Dès lors que tel n’est pas le cas en l’espèce, la juridiction cantonale – pas plus du reste que l’office AI – n’avait pas à examiner la demande « en l’état du dossier », l’art. 43 al. 3 LPGA prévoyant une alternative à cet égard. Conformément à cette disposition, lorsque l’assuré refuse de manière inexcusable de se conformer à son obligation de renseigner ou de collaborer à l’instruction, l’assureur peut en effet se prononcer en l’état du dossier ou clore l’instruction et décider de ne pas entrer en matière.

Consid. 5.4.2
Le dépôt d’une nouvelle demande ensuite de la décision de non-entrée en matière a certes pour conséquence que le droit à d’éventuelles prestations d’assurance ne pourra effectivement prendre naissance au plus tôt qu’à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle cette nouvelle demande a été présentée (cf. art. 29 al. 1 LAI). Cela étant, cette situation est la conséquence juridique de la violation, par l’assuré, de son devoir de collaborer à l’instruction (art. 43 al. 3 LPGA). Selon la jurisprudence, en effet, l’assureur social peut, conformément au principe de proportionnalité, suspendre ses prestations, respectivement ne pas entrer en matière sur la demande, jusqu’à ce que l’assuré se déclare prêt à se soumettre sans réserve à l’expertise ordonnée par une décision entrée en force. Mais l’accord de l’assuré à la mesure d’instruction ordonnée, exprimé postérieurement au prononcé de la décision fondée sur l’art. 43 al. 3 LPGA, ne rend pas sans effet le refus initial ayant entraîné la non-entrée en matière. C’est pourquoi un recours dans lequel l’assuré se déclare après coup prêt à se soumettre à l’expertise envisagée doit, cas échéant, être considéré comme une nouvelle demande. Ce nouvel examen du droit à la prestation pour le futur permet, sous l’angle du principe de la proportionnalité, de prendre en considération le fait que la sanction décidée (en l’espèce, non-entrée en matière) ne concerne que la période pendant laquelle l’assuré refuse de collaborer (ATF 139 V 585 consid. 6.3.7.5; arrêt 9C_477/2018 du 28 août 2018 consid. 5.1 et les arrêts cités). L’arrêt 9C_961/2008 du 30 novembre 2009, auquel l’assuré se réfère, ne lui est d’aucun secours, dès lors déjà qu’il s’agissait d’un cas de révision (art. 17 LPGA) et que l’alternative du refus d’entrer en matière n’était donc pas pertinente (cf. arrêt 9C_961/2008 précité consid. 6.3.2). Conformément aux éventualités prévues par l’art. 43 al. 3 LPGA, l’office AI était en droit de choisir de rendre une décision de non-entrée en matière au lieu d’examiner la demande de l’assuré en l’état du dossier. Le reproche soulevé à ce sujet n’est pas pertinent. La juridiction cantonale n’avait pas à examiner la décision de l’office AI « sous l’angle matériel ».

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_388/2022 consultable ici

 

9C_259/2022 (f) du 20.09.2022 – Rappel du principe inquisitoire et du devoir de collaborer de l’assuré à l’instruction de l’affaire / Expertise dans la langue maternelle de l’assurée – Expertise par un psychiatre vaudois germanophone

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2022 (f) du 20.09.2022

 

Consultable ici

 

Rappel du principe inquisitoire et du devoir de collaborer de l’assuré à l’instruction de l’affaire / 43 LPGA – 53 LAI

Nécessité et exigibilité d’une expertise médicale psychiatrique – Pas de motif excusable de l’assurée de ne pas se soumettre à l’expertise / 43 LPGA

Expertise dans la langue maternelle de l’assurée – Expertise par un psychiatre vaudois germanophone

Pas de droit pour l’assuré d’obtenir la traduction dans sa propre langue des pièces de la correspondance avec l’administration

Diagnostic étayé sous l’angle médical point de départ de l’examen du droit aux prestations / 4 al. 1 LAI – 6 ss LPGA

 

Assurée, née en 1966, a déposé une demande AI en août 2018. Entre autres mesures d’instruction, l’office AI a confié un mandat d’expertise à un spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et en a informé l’assurée par courrier du 27.04.2020. Celle-ci a demandé à l’office AI à être examinée par un expert parlant allemand, en lui indiquant qu’elle ne participerait à cette expertise qu’à la condition d’être assistée lors de l’examen et de pouvoir enregistrer l’entretien (courrier du 28.05.2020). L’office AI lui a répondu que l’expert était de langue maternelle allemande, de sorte que les entretiens pourraient être effectués dans cette langue (courrier du 04.06.2020). A cette occasion, il l’a également informée que le rapport d’expertise serait rédigé en français, qu’elle ne pouvait ni être assistée, ni enregistrer les entretiens; il l’a rendue attentive à son devoir de collaborer ainsi qu’au fait qu’un défaut de collaboration pouvait conduire à une décision en l’état du dossier ou à un refus d’entrer en matière sur la demande.

Par courrier du 15.07.2020, l’assurée a demandé à l’office AI de renoncer à une évaluation psychiatrique. Par décision incidente du 18.08.2020, l’office AI a informé l’assurée du maintien de l’expertise psychiatrique et lui a derechef rappelé son devoir de collaborer. L’assurée a de nouveau contesté la nécessité et l’utilité de l’expertise.

Par projet de décision du 18.12.2020, l’administration a informé l’assurée qu’elle envisageait de lui nier le droit à une rente et à des mesures professionnelles, considérant qu’une incapacité de travail n’était pas établie. L’assurée a contesté le projet de décision en indiquant notamment qu’elle avait accepté de se soumettre à une expertise psychiatrique moyennant certaines conditions qu’elle estimait raisonnables. Par décision du 25.02.2021 l’office AI a refusé toute prestation à l’assurée.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 141/21 – 93/2022 – consultable ici)

La juridiction cantonale a considéré qu’il ressortait du dossier médical qu’une expertise psychiatrique était nécessaire, dès lors qu’aucun des nombreux spécialistes consultés par l’assurée n’avait pu poser de diagnostics expliquant ses symptômes, sauf à évoquer des atteintes de type psychosomatique. Elle a en outre admis que l’office AI était en droit de considérer que l’assurée avait refusé de se soumettre, sans motif excusable, à l’expertise psychiatrique ordonnée. Aussi, celui-ci avait-il été en droit de statuer sur les prétentions de l’assurée en l’état du dossier. Or, en l’absence de documents médicaux pouvant expliquer les symptômes de l’assurée et leur gravité, une atteinte entraînant une incapacité de travail durable de 40% n’avait pas été établie. Dès lors, aucune prestation de l’assurance-invalidité ne pouvait être octroyée à l’assurée.

Par jugement du 22.03.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.1.1
A titre liminaire, on doit rappeler que la procédure en matière d’assurance-invalidité est régie par le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’assureur, qui prend les mesures d’instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin (cf. art. 43 al. 1 LPGA et art. 53 al. 1 LAI; arrêt 8C_445/2021 du 14 janvier 2022 consid. 4.4 et les références). Le devoir d’instruction s’étend jusqu’à ce que les faits nécessaires à l’examen des prétentions en cause soient suffisamment élucidés (arrêt 9C_1012/2008 du 30 juin 2009 consid. 3.2.1 et les références). Selon la jurisprudence, la grande diversité des situations d’expertise exige de la souplesse et l’assureur dispose d’une grande marge d’appréciation en ce qui concerne la nécessité, l’étendue et l’adéquation des investigations médicales (ATF 147 V 79 consid. 7.4.2 et les références).

De son côté, conformément à son devoir de collaborer à l’instruction de l’affaire, l’assuré est tenu de se soumettre aux examens médicaux et techniques qui sont nécessaires à l’appréciation du cas et peuvent être raisonnablement exigés (art. 43 al. 2 LPGA; arrêt 9C_1012/2008 précité). Sont considérés comme nécessaires tous les moyens de preuve qui permettent d’établir les faits pertinents pour l’application du droit. Dans le cadre de l’analyse du caractère raisonnablement exigible de la mesure, ce n’est pas l’appréciation subjective de la personne assurée qui est déterminante, mais bien plus si les circonstances subjectives (telles que l’âge, son état de santé ou ses expériences antérieures) autorisent, sur un plan objectif, la mesure requise (JACQUES OLIVIER PIGUET, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 10 et 11 ad art. 43 LPGA). Selon l’article 43 al. 3 LPGA, si l’assuré ou d’autres requérants refusent de manière inexcusable de se conformer à leur obligation de renseigner ou de collaborer à l’instruction, l’assureur peut se prononcer en l’état du dossier ou clore l’instruction et décider de ne pas entrer en matière. Cependant, il n’y a violation de l’obligation de collaborer par l’assuré au sens de cette disposition que si elle a été commise de manière inexcusable. En ce sens, elle doit être fautive, ce qui est le cas lorsqu’aucun motif justificatif n’est reconnaissable ou que le comportement de la personne assurée s’avère totalement incompréhensible (arrêt I 166/06 du 30 janvier 2007 consid. 5.1 et les références; sur les motifs rendant le défaut de collaboration excusable, cf. arrêt 8C_733/2010 du 10 décembre 2010 consid. 5.3 et les références).

Consid. 5.1.2
En l’espèce, en application de la maxime inquisitoire, la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique était nécessaire et se fondait sur plusieurs avis médicaux – et non pas sur une simple « supposition » de l’office AI -, ainsi que l’a retenu la cour cantonale sans arbitraire. En effet, plusieurs médecins consultés ont relevé une composante de type psychosomatique et préconisé un examen psychiatrique. […] En outre, l’assurée omet de mentionner, lorsqu’elle prétend ne jamais avoir souffert de problèmes psychologiques ou pris de médicaments pour des affections psychiatriques, que son médecin traitant, spécialiste en médecine interne générale, avait au contraire mentionné un tel suivi médical; il avait en effet indiqué que l’assurée était « connue pour une structure psychologique particulière et que plusieurs traitements [avaient] été essayés », soit différents antidépresseurs et que cela avait « fonctionné ». Il s’en suit que la réalisation d’une expertise psychiatrique était nécessaire du point de vue de l’instruction, quand bien même l’assurée fait valoir qu’elle n’avait pas déposé sa demande de prestations pour des motifs psychiatriques.

De plus, une expertise psychiatrique était également exigible de l’assurée. […] L’assurée n’invoque, pour contester l’exigibilité de l’expertise en cause, que des critiques d’ordre général sur l’objectivité d’une expertise psychiatrique et son utilité, tout en remettant en cause le fait que les résultats de celle-ci soient vérifiables et en alléguant qu’elle peut contenir des erreurs, ainsi que de fausses assertions. Or ces éléments, examinés sous l’angle objectif ne sont pas suffisants pour conclure qu’une expertise n’était pas exigible du point de vue subjectif. Partant, la cour cantonale n’a pas violé l’art. 43 al. 2 LPGA.

Consid. 5.1.3
Il reste à examiner si le refus de l’assurée de se soumettre à l’expertise psychiatrique ordonnée repose sur des motifs excusables au sens de l’art. 43 al. 3 LPGA. Tel n’est pas le cas au regard des conditions qu’avait posées l’assurée pour accepter l’expertise (expert de langue allemande, accompagnement par une personne de confiance et/ou enregistrement des entretiens). En premier lieu, il ressort des constatations non contestées de la juridiction cantonale que l’office AI avait fait droit à la requête de l’assurée tendant à ce que l’expert parlât l’allemand. Ensuite, ainsi que l’ont dûment rappelé les premiers juges, le droit applicable en vigueur au moment du prononcé de la décision litigieuse ne prévoyait ni la possibilité d’enregistrer les entretiens d’expertises (sur le nouvel art. 44 al. 6 LPGA entré en vigueur au 1er janvier 2022 [RO 2021 705], cf. arrêt 8C_296/2021 du 22 juin 2021 consid. 3.1 et les références), ni celle de s’y faire accompagner par une personne de confiance (ATF 137 V 210 consid. 3.1.3.3 et les références). Dès lors, les conditions que l’assurée avait posées étaient dénuées de pertinence au regard du droit en vigueur en application duquel l’office AI a rendu sa décision.

On doit également constater que la cour cantonale n’a pas fait preuve d’arbitraire en retenant que l’assurée avait exclu catégoriquement de se soumettre à une expertise avant que l’office AI ne l’informe vouloir refuser toute prestation. Son conseil avait en effet écrit, dans un courrier du 16.09.2020, que l’intéressée « rejette l’expertise psychiatrique (et toute autre) ». A cet égard, étant précisé que le refus de collaborer de l’assurée se limitait à la question de l’expertise psychiatrique, son allégation, selon laquelle elle avait toujours pleinement collaboré tout au long de la procédure, ne lui est d’aucun secours. Il en va de même de son argumentation purement appellatoire quant à la prétendue intention de l’office AI d’éviter toute instruction sérieuse de son cas. Dans ces circonstances, le refus de l’assurée de se soumettre à une expertise psychiatrique correspond à une violation de son obligation de collaborer au sens de l’article 43 al. 3 LPGA.

 

Consid. 5.2
L’assurée reproche encore aux premiers juges d’avoir violé l’art. 8 al. 2 Cst. et l’art. 59 al. 6 LAI, voire l’art. 70 al. 1 Cst., en ce qu’elle aurait été discriminée dans le cadre de la procédure, motif pris qu’elle n’aurait pas pu s’exprimer dans sa langue maternelle allemande auprès de l’office AI – entraînant des coûts de traduction importants et des incertitudes juridiques – et n’aurait pas pu, sans une aide extérieure, communiquer avec l’expert.

Pour autant que l’assurée ait satisfait à son obligation de motiver de manière circonstanciée la violation des droits constitutionnels précités (sur ce devoir, cf. ATF 134 V 138 consid. 2.1 et les références), son grief est mal fondé. Lorsqu’il a fait droit à la requête de l’assurée de confier l’expertise à un expert de langue maternelle allemande en lui confirmant que l’entretien serait conduit dans cette langue, l’office AI a respecté les principes posés par la jurisprudence en relation avec les violations invoquées. Selon ces principes, sauf exception justifiée pour des raisons objectives, il y a lieu de donner suite à la demande d’un assuré de désigner un centre d’expertise où l’on s’exprime dans l’une des langues officielles de la Confédération qu’il maîtrise. A défaut, l’intéressé a le droit non seulement d’être assisté par un interprète lors des examens médicaux mais encore d’obtenir gratuitement une traduction du rapport d’expertise (ATF 127 V 219 consid. 2b/aa; arrêts 8C_430/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2.2; 8C_90/2014 du 19 décembre 2014 consid. 2.1). On ne saurait ainsi déceler dans le cas d’espèce de discrimination du fait notamment de la langue (art. 8 al. 2 Cst.), voire de l’art. 70 al. 1 Cst. En dehors de ce cadre, on rappellera également qu’il n’existe pas pour l’assuré de droit à obtenir la traduction dans sa propre langue des pièces de la correspondance avec l’administration et qu’il lui appartient dès lors de se faire traduire les actes officiels du dossier (ATF 131 V 35 consid. 3.3 et les références). L’assurée ne saurait en outre déduire de droits plus étendus en se fondant de l’art. 59 al. 6 LAI, selon lequel les offices AI tiennent compte, dans le cadre de leurs prestations, des spécificités linguistiques, sociales et culturelles de l’assuré, sans que ce dernier puisse en déduire un droit à une prestation particulière. La lettre de cette disposition (introduite par la modification de la LEtr du 16 décembre 2016 [Intégration]; RO 2017 6521) est en effet univoque (cf., Message du 8 mars 2013 relatif à la modification de la loi sur les étrangers [Intégration], FF 2013 2131 s. ch. 2).

 

Consid. 5.3
Enfin, l’assurée ne saurait être suivie lorsqu’elle invoque un droit à une rente entière dès le 01.02.2019, en se fondant sur les attestations médicales. On rappellera en effet qu’un diagnostic étayé sous l’angle médical constitue le point de départ de l’examen du droit aux prestations selon l’art. 4 al. 1 LAI, ainsi que les art. 6 ss LPGA (ATF 141 V 281 consid. 2.1 et la référence). Or, le médecin traitant de l’assurée a lui-même indiqué que le diagnostic qui pourrait expliquer les accès de tachycardie et autres symptômes n’est pas clair. Quant à l’expertise réalisée par l’assurance perte de gain maladie auprès d’un spécialiste en médecine interne générale, elle n’atteste que d’une incapacité de travail limitée dans le temps, allant jusqu’à six à huit semaines après la date de l’expertise. Dès lors, par ces seules références, l’assurée ne démontre pas que et en quoi la juridiction cantonale aurait constaté de manière arbitraire qu’une incapacité de travail durable de 40% au moins n’avait pas été établie, faute d’explication médicale relative aux symptômes qu’elle présentait et à la gravité de ceux-ci (sur le lien entre les constatations cantonales sur l’atteinte à la santé, la capacité de travail de la personne assurée ainsi que l’exigibilité et le grief de l’arbitraire, cf. arrêt 9C_160/2021 du 23 juin 2021 consid. 3 et les références).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_259/2022 consultable ici

 

8C_72/2020 (d) du 26.08.2020, destiné à la publication – Obligation d’annonce du cas à l’assurance-invalidité et devoir de collaborer de la personne assurée – 51 al. 2 OLAA / Reconsidération d’une décision de rente d’invalidité AA – 53 al. 2 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_72/2020 (d) du 26.08.2020, destiné à la publication

 

Arrêt consultable ici

Communiqué de presse du TF du 16.09.2020 disponible ici

 

Obligation d’annonce du cas à l’assurance-invalidité et devoir de collaborer de la personne assurée / 51 al. 2 OLAA

Reconsidération d’une décision de rente d’invalidité / 53 al. 2 LPGA

 

Le Tribunal fédéral admet partiellement un recours de la Suva. L’injonction de la Suva d’annoncer son cas à un autre assureur social susceptible d’être tenu de verser des prestations peut survenir à plusieurs reprises, même après l’octroi initial des prestations. L’obligation d’annoncer comprend également le devoir de collaborer dans la procédure établissant le droit aux prestations.

En décembre 2010, un assuré s’est blessé à la main gauche après avoir été victime d’un accident professionnel. La Suva a octroyé les prestations légales. En mars 2013, le médecin d’arrondissement a certifié que l’assuré était pleinement apte, sur le plan physique, à travailler dans une activité adaptée. Il a également attesté d’un état psychique altéré de l’assuré. Après avoir été sommé à trois reprises par la Suva d’annoncer son cas à l’assurance-invalidité (AI), l’assuré a déposé une demande de prestations auprès de l’AI. En 2014, l’office AI compétent a refusé à l’assuré le droit à des mesures professionnelles et à une rente d’invalidité, au motif qu’il ne s’était pas soumis à l’expertise psychiatrique demandée. Par la suite, la Suva lui a alloué une rente d’invalidité de 100% et une indemnité pour atteinte à l’intégrité. L’indemnité pour atteinte à l’intégrité a été ajustée en 2015. Aucune de ces décisions de la Suva n’a été contestée.

En 2018, compte tenu de la violation par l’assuré de son devoir de collaborer dans la procédure AI, la Suva a recalculé ses prestations et lui a alloué une rente complémentaire. L’assuré s’étant opposé à cette décision, la Suva a remplacé celle-ci par une sommation à l’assuré de communiquer son cas à l’AI et de respecter son devoir de collaborer, à défaut de quoi seule une rente complémentaire lui serait allouée. L’assuré a demandé une décision susceptible de recours et la récusation de l’employé de la Suva en charge de son cas. Sur quoi, la Suva a décidé de verser ses prestations sous forme de rente complémentaire à partir du 01.04.2019. Le Tribunal administratif du canton de Thurgovie a annulé la décision sur opposition de la Suva. La Suva forme un recours devant le Tribunal fédéral qui l’admet partiellement et renvoie la cause à la juridiction cantonale pour nouvelle décision.

Le litige porte sur la question de savoir si la Suva avait le droit de réduire ses prestations à une rente complémentaire, au motif que l’assuré n’avait pas respecté son devoir de collaborer dans la procédure AI. Il ne peut pas être déduit du libellé de l’art. 51 al. 2 OLAA que la sommation de communiquer son cas à un autre assureur social ne peut survenir qu’une seule fois. Pas non plus, que cette sommation ne peut être prononcée qu’avant l’octroi initial des prestations. Appelé à interpréter cette disposition légale, le Tribunal fédéral arrive à la conclusion que l’assureur-accidents est tenu de verser uniquement les prestations dont il devrait vraisemblablement s’acquitter, si l’assuré s’était conformé à ses obligations dans le cadre de la procédure AI. Dès lors, l’injonction d’annoncer son cas à un autre assureur social susceptible d’être tenu de verser des prestations peut être faite plusieurs fois et même après l’octroi initial de prestations. L’obligation d’annonce du cas comprend ainsi le devoir de collaborer dans la mesure nécessaire à l’établissement du droit aux prestations.

En l’espèce, la Suva était en outre autorisée à revenir sur ses décisions formellement passées en force, car elles ont manifestement été rendues en violation du droit fédéral. Il existait, par conséquent, un motif de reconsidération. Partant, les conditions requises pour un examen du droit aux prestations futures de l’assuré sont remplies.

 

 

Arrêt 8C_72/2020 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 16.09.2020 disponible ici

 

 

9C_612/2019 (f) du 16.10.2019 – Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA / Expertise pluridisciplinaire AI après trois rapports de surveillance établis par des détectives privés / Violation inexcusable du devoir de collaborer de l’assuré malgré plusieurs mises en demeure – 28 LPGA – 43 LPGA / Renvoi de la cause à l’office AI pour mesure d’instruction

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_612/2019 (f) du 16.10.2019

 

Consultable ici

 

Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA / Expertise pluridisciplinaire AI après trois rapports de surveillance établis par des détectives privés

Violation inexcusable du devoir de collaborer de l’assuré malgré plusieurs mises en demeure – 28 LPGA – 43 LPGA / Renvoi de la cause à l’office AI pour mesure d’instruction

Recours contre une décision incidente – Pas de préjudice irréparable – 93 LTF

 

Par décision du 26.11.2007, l’office AI a accordé une demi-rente d’invalidité à l’assuré, né en 1962, en raison des séquelles d’un accident survenu le 01.11.2000.

Le 18.09.2014, l’office AI est entré en possession de trois rapports de surveillance établis par des détectives privés sur mandat d’un autre assureur.

Dans une procédure parallèle, la Chambre des assurances sociales a annulé les décisions de l’assureur-accidents (qui supprimaient la rente octroyée à l’assuré) et lui a renvoyé la cause pour instruction complémentaire dès lors que le dossier ne comprenait aucun document médical permettant de comparer les situations pertinentes en cas de suppression de rente (ATAS/854/2015).

Pour sa part, l’office AI a organisé une expertise pluridisciplinaire. Compte tenu d’incidents de procédure, du renvoi des rendez-vous fixés par les experts et d’exigences concernant l’expertise (notamment la présence d’un journaliste ou d’un cameraman pendant les examens), l’administration a rappelé à l’assuré les conséquences d’un refus de collaborer. Les experts ont résilié leur mandat. Par décision du 02.08.2018, l’office AI a par conséquent annoncé à l’intéressé que sa rente serait supprimée à partir du 01.10.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/653/2019 – consultable ici)

Saisi du recours de l’assuré qui concluait à ce qu’il soit ordonné à l’office AI de s’accorder avec l’assureur-accidents afin de réaliser l’expertise nécessaire, le tribunal cantonal l’a partiellement admis, en ce sens que la suppression de la rente était remplacée par sa suspension, et a renvoyé la cause à l’office AI dans le sens des considérants.

Le tribunal cantonal a constaté en substance que l’assuré avait manqué d’une manière inexcusable à son devoir de collaborer et n’avait pas apporté la preuve que son état de santé n’avait pas évolué, mais a malgré tout considéré qu’une expertise pluridisciplinaire était essentielle pour résoudre le cas.

 

TF

L’assuré sollicite l’annulation de l’arrêt cantonal et conclut à ce qu’il soit ordonné à l’office AI de se joindre à l’assureur-accidents afin de mettre en œuvre l’expertise nécessaire.

On peut se demander s’il est conforme à la loi et à la jurisprudence de constater la violation inexcusable du devoir de collaborer, ainsi que l’échec de l’assuré à démontrer l’absence de modification de son état de santé dans le cadre du renversement du fardeau de la preuve et de renvoyer simultanément la cause à l’office AI pour qu’il réalise la mesure d’instruction que le comportement fautif de l’assuré avait justement empêché malgré plusieurs mises en demeure.

Cette question ne peut toutefois être tranchée dans la mesure où, en réformant la décision litigieuse en ce sens que la rente n’était désormais plus supprimée mais suspendue et en renvoyant la cause à l’administration pour instruction complémentaire, les juges cantonaux ont rendu une décision incidente, au sens de l’art. 93 LTF, portant de surcroît sur des mesures provisionnelles, au sens de l’art. 98 LTF.

Un recours contre une décision incidente n’est recevable que si celle-ci peut causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF) ou si l’admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d’éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (art. 93 al. 1 let. b LTF). Un préjudice irréparable est un dommage de nature juridique qui ne peut pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable à l’assuré (cf. ATF 134 III 188 consid. 2.1 p. 190 s. et les références). Un dommage de pur fait, comme la prolongation de la procédure ou l’accroissement des frais de celle-ci, n’est pas irréparable (cf. ATF 131 I 57 consid. 1 p. 59 et les références),

Le renvoi du dossier à l’administration pour instruction complémentaire et nouvelle décision, comme en l’occurrence, n’est en principe pas de nature à causer aux parties un dommage irréparable et ne se confond en général pas avec une procédure probatoire longue et coûteuse (cf. ATF 133 V 477 consid. 5.2 p. 483; arrêts du Tribunal fédéral 9C_969/2009 du 18 décembre 2009; 9C_1039/2008 du 10 décembre 2009; 9C_646/2009 du 13 octobre 2009; 9C_704/2009 du 29 septembre 2009; 9C_750/2008 du 5 juin 2009; 9C_19/2009 du 22 janvier 2009; 9C_490/2008 du 9 décembre 2008 et les références). Il appartient à la partie recourante d’alléguer et d’établir le préjudice irréparable (cf. ATF 134 III 426 consid. 1.2 i. f. p. 428 ss et les références), à moins que ce dernier ne fasse d’emblée aucun doute (cf. arrêt 8C_271/2017 du 10 mai 2017 consid. 2.1 et les références),

Contrairement aux exigences de motivation et d’allégation de l’art. 42 al. 2 LTF (cf. ATF 133 III 545 consid. 2.2 p. 550; cf. aussi FLORENCE AUBRY GIRARDIN, in Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 24 ad art. 42), l’assuré n’établit pas – ni même n’allègue – l’existence d’un tel préjudice en l’espèce. Il n’en apparaît par ailleurs aucun au regard de la jurisprudence citée.

 

Le TF conclut que le recours est irrecevable.

 

 

Arrêt 9C_612/2019 consultable ici