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9C_392/2024 (f) du 14.03.2025 – Responsabilité de l’employeur – Connaissance du dommage – Dies a quo du délai de prescription au sens de l’art. 52 al. 3 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_392/2024 (f) du 14.03.2025

 

Consultable ici

 

Responsabilité de l’employeur – Connaissance du dommage – Dies a quo du délai de prescription au sens de l’art. 52 al. 3 LAVS

 

La faillite de la société C.__ SA a été prononcée en janvier 2015, puis suspendue faute d’actifs en septembre 2019. La société a été radiée du registre du commerce en septembre 2019.

La caisse de compensation a réclamé à A.__, en sa qualité d’administrateur président, à D.__, en sa qualité d’administrateur, à feu E.__, en sa qualité d’administrateur, à F.__, en sa qualité d’administrateur, à B.__, en sa qualité d’administrateur, et à G.__, en sa qualité de directeur, la réparation du dommage qu’elle a subi dans la faillite de la société.

La caisse de compensation a rejeté l’opposition formée par A.__. Elle a fixé le dommage à 510’130 fr. 65, correspondant au solde des cotisations sociales dues sur les salaires versés par la société pour les années 2013 à 2015.

 

Procédure cantonale (arrêt AVS 34/22 ap. TF – 27/2024 – consultable ici)

La cour cantonale a invité la caisse de compensation à préciser l’issue des procédures en responsabilité ouvertes contre les tiers responsables. La caisse de compensation a indiqué que D.__, les héritiers de feu E.__, F.__ et G.__ avaient été libérés de toute responsabilité, soit au stade de leur opposition aux décisions du 11.05.2018, soit ultérieurement. Quant à B.__, sa responsabilité avait été confirmée par arrêt du 16.08.2021. La cour cantonale a invité B.__ à participer à la procédure.

Par jugement du 29.05.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.2.1
Selon la jurisprudence, la caisse de compensation a connaissance du dommage (au sens de l’art. 52 al. 3 LAVS) dès le moment où, avec toute l’attention que l’on peut attendre d’elle, elle doit constater qu’elle ne peut plus recouvrer les cotisations. Lorsque le dommage résulte d’une faillite, le moment de la connaissance du dommage ne coïncide pas avec celui où la caisse connaît la répartition finale ou reçoit un acte de défaut de biens; la jurisprudence considère, en effet, que le créancier qui entend demander la réparation d’une perte qu’il subit dans une faillite connaît suffisamment son préjudice, en règle ordinaire, lorsqu’il est informé de sa collocation dans la liquidation; il connaît ou peut connaître à ce moment-là le montant de l’inventaire, sa propre collocation dans la liquidation, ainsi que le dividende prévisible. Ces principes s’appliquent aussi en cas de faillite liquidée par la procédure sommaire car le jugement ordonnant la liquidation sommaire ne permet pas à lui seul de connaître le dommage (ATF 134 V 257 consid. 3.3; 129 V 193 consid. 2.3 et les références; arrêt 9C_258/2022 du 14 novembre 2022 consid. 4.1.1). Il n’est donc en règle générale pas nécessaire que la caisse entame une procédure en réparation du dommage avant le dépôt de l’état de collocation (Directives de l’OFAS sur la perception des cotisations dans l’AVS, AI et APG [DP] du 1 er janvier 2021, n° 8053).

Consid. 5.2.2
La partie lésée peut toutefois, en raison de circonstances spéciales, acquérir la connaissance nécessaire du dommage avant la publication de l’état de collocation. Ainsi, on peut exiger d’une caisse de compensation qu’elle se fasse représenter à la première assemblée des créanciers, dès lors que son devoir de diligence lui commande de suivre l’évolution de la procédure de faillite (ATF 121 V 240 consid. 3c/aa et les références). S’il apparaît à ce moment-là déjà qu’elle subira un dommage, le délai de prescription relatif de l’art. 52 al. 3 LAVS commencera à courir (ATF 134 V 257 consid. 3.3.1; arrêts 9C_258/2022 du 14 novembre 2022 consid. 4.1.2; 9C_260/2021 du 6 décembre 2021 consid. 4.1.2 et les références).

Consid. 5.3
En l’occurrence, A.__ et B.__, recourants, se contentent de faire prévaloir leur propre interprétation des faits concernant le moment de la survenance du dommage et leur appréciation des preuves à celle de la juridiction cantonale, en s’appuyant sur des pièces qui, soit ne sont pas au dossier cantonal, soit, à tout le moins, n’ont pas été désignées d’une manière suffisante dans le recours pour permettre au Tribunal fédéral de les consulter.

Consid. 5.3.1
À ce sujet, les recourants se réfèrent tout d’abord à l’arrêt de la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 9 mars 2015, mais n’établissent nullement avoir versé cette pièce au dossier. En particulier, en instance cantonale, A.__ a produit un extrait du registre du commerce au soutien de ses allégués, qui mentionne certes la date de l’arrêt, mais ne fournit aucune information sur son contenu. Quoi qu’il en soit, selon les faits constatés par la juridiction cantonale, de manière à lier le Tribunal fédéral, la faillite de la société a été prononcée car elle n’avait présenté aucun plan d’assainissement précis et crédible de nature à établir, même au stade de la vraisemblance, que sa situation aurait pu être redressée à court ou moyen terme. Ces considérations ne permettent nullement, à elles seules, de connaître l’étendue du dommage de la caisse de compensation. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations de la juridiction cantonale.

Consid. 5.3.2
Ensuite, en ce qui concerne l’affirmation selon laquelle la procédure de faillite de C.__ SA s’était « indéniablement » déroulée selon la procédure ordinaire, les recourants n’apportent aucun élément probant au soutien de leur affirmation. Au contraire, la pièce n° 17 du bordereau de A.__, soit la Circulaire n° 1 aux créanciers du 7 août 2018, indique que la procédure de faillite a été traitée « en la forme sommaire ». Quant à la caisse de compensation, quoiqu’en disent les recourants, elle a soutenu en instance cantonale que la procédure de faillite avait été traitée en la forme sommaire (et non pas ordinaire), et qu’il n’y avait pas eu d’assemblée de créanciers. Bien que la juridiction cantonale ne se soit pas expressément prononcée sur ce point, l’envoi d’une circulaire aux créanciers, tel que prévu par l’art. 231 al. 3 ch. 1 LP, suffit à justifier cette affirmation, écartant ainsi tout doute quant à la forme (sommaire) prise par la procédure de faillite. En conséquence, il ne saurait être reproché à la juridiction cantonale de n’avoir pas instruit cette question plus avant (s’agissant de l’appréciation anticipée des preuves en lien avec le droit d’être entendu, voir ATF 145 I 167 consid. 4.1 et la référence). Dans ces conditions, les recourants ne parviennent pas à démontrer l’existence d’une convocation à une assemblée des créanciers, leur argumentation ne reposant que sur des hypothèses non étayées par des éléments de preuve et contredites par les pièces versées au dossier.

Consid. 5.4
Ensuite des éléments qui précèdent, les recourants n’ont pas établi de circonstances spéciales qui auraient permis à la caisse de compensation d’acquérir la connaissance nécessaire du dommage avant la publication de l’état de collocation (art. 249 al. 2 LP). Le fait que la société présentait une situation financière difficile constituait certes un indice pour la caisse de compensation que sa créance ne serait probablement pas réglée à temps ou seulement dans une mesure insuffisante. Toutefois, ce n’est qu’à compter de la publication de l’état de collocation que la caisse a su qu’aucun dividende ne serait prévisible. C’est donc à ce moment-là que le délai de prescription de deux ans de l’ancien art. 52 al. 3 LAVS a commencé à courir, comme l’a retenu à juste titre l’autorité précédente.

 

Le TF rejette le recours de A.__ et B.__.

 

Arrêt 9C_392/2024 consultable ici

 

9C_272/2024 (d) du 20.01.2025 – Délimitation entre rendement de la fortune et salaire déterminant chez les collaborateurs actionnaires en cas de rémunération au titre de « dividendes asymétriques » / 5 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_272/2024 (d) du 20.01.2025

 

Consultable ici

Résumé issu de Jurisprudence du Tribunal fédéral relative au droit des cotisations AVS, Sélection de l’OFAS – n° 83, disponible ici

 

Délimitation entre rendement de la fortune et salaire déterminant chez les collaborateurs actionnaires en cas de rémunération au titre de « dividendes asymétriques » / 5 LAVS

 

Lorsqu’une société rémunère ses employés actionnaires par des dividendes asymétriques, il se pose en premier lieu la question, du point de vue du droit des cotisations, de la nature et de la fonction des prestations ainsi versées. Il s’agit donc d’examiner si la rémunération versée sous forme de dividendes asymétriques constitue sans équivoque un salaire soumis à cotisations (consid. 6.3.1). Une fois ce point clarifié, la question qui se pose est celle de la proportionnalité de la répartition entre la rémunération (totale) du travail et le rendement du capital (consid. 6.3.4)

En l’espèce, le Tribunal fédéral a décidé que l’hypothèse de l’autorité inférieure, selon laquelle l’ »asymétrie » dans les distributions de dividendes est uniquement due aux performances de travail individuelles différentes de chaque actionnaire (et non à leurs droits de participation), n’est pas manifestement inexacte. Cette interprétation n’est pas non plus entachée d’une violation du droit, si bien qu’elle reste contraignante pour le Tribunal fédéral. Cette classification en vertu du droit des cotisations demeure même si le versement de « dividendes asymétriques » – malgré la répartition proportionnelle du bénéfice prévue à l’art. 660, al. 1, CO – est autorisé du point de vue du droit des sociétés ou accepté par les autorités fiscales (consid. 6.3.2).

 

La société A. SA est une étude d’avocats gérée par des actionnaires et affiliée en tant qu’employeur à la caisse de compensation X. Jusqu’à l’été 2021, B., C., D. et E. étaient actionnaires de la société à hauteur de 25 % chacun, tout en étant par ailleurs employés et membres du conseil d’administration. Un contrôle de l’employeur portant sur la période du 01.01.2015 au 31.12.2019 a révélé que la société A. SA avait versé à ses collaborateurs actionnaires des libéralités d’un montant variable (non proportionnelles à leurs parts de participation), prélevées sur le « bénéfice d’exploitation » de l’année précédente et désignées comme « dividendes asymétriques ». Ces prestations n’ont pas été qualifiées de dividendes, mais de prestations appréciables en espèces découlant du rapport de travail et soumises au prélèvement de cotisations sociales. Sur cette base, la caisse de compensation a exigé de la société A. SA qu’elle lui verse des cotisations à titre rétroactif (y compris les frais d’administration) pour un montant total de 215’523,50 francs, intérêts correspondants de 23’563,80 francs en sus.

Dans son premier arrêt du 04.04.2022, l’instance inférieure relève que les dividendes constituent une rémunération pour le capital propre investi et le risque inhérent à l’investissement et qu’il s’agit, en conséquence, de prestations versées aux actionnaires et non aux employés. L’actionnariat se compose exclusivement de collaborateurs actionnaires. La caisse de compensation a intégralement requalifié cette rémunération versée sous la forme de dividendes asymétriques sans procéder à un calcul distinct du dividende au motif qu’elle représente en réalité des bonus et que ceux-ci sont soumis à l’AVS. L’instance précédente constate que, en l’espèce, les dividendes ne constituent qu’une rémunération tout à fait secondaire sous la forme d’un rendement du capital et qu’ils représentent en grande partie une rémunération effective pour la prestation de travail fournie. Elle a renvoyé l’affaire à la caisse de compensation pour examen complémentaire.

Après ce renvoi et une nouvelle décision de la caisse de compensation, l’instance inférieure a retenu, dans son deuxième arrêt du 25.03.2024, qu’il faut d’abord déduire les versements de salaires arriérés de chaque part de bénéfice et qu’ensuite il faut déterminer quelles parts liées au chiffre d’affaires de l’étude relèvent des dividendes. Ce n’est qu’une fois que le montant du bénéfice et du dividende a été établi, qu’il faut examiner si une part du dividende doit être prise en compte au titre de salaire déterminant. Étant donné que la recourante n’a pas non plus prouvé, lors de l’examen complémentaire, quel montant du chiffre d’affaires de l’étude a servi au calcul des dividendes, l’instance inférieure s’est basée, pour déterminer la part des dividendes, sur les valeurs moyennes tirées d’une publication de la Banque cantonale lucernoise intitulée « Schweizer Aktien im Langzeitvergleich, Die Performance von Aktien in der Schweiz 1969 – 2024 » (p. 11), et a qualifié un rendement de 2,5 % de dividende et l’a reconnu d’emblée comme un rendement de la fortune.

L’employeur tenu de payer des cotisations fait valoir, notamment, que, pour les montants alloués aux actionnaires, il faut s’en tenir à la répartition entre salaire et dividendes qu’il a choisie. Il estime que les conditions retenues par la jurisprudence pour convertir ou requalifier un dividende en salaire ne seraient pas remplies. En outre, l’instance inférieure a, à tort, renoncé à examiner le rapport entre les deux composantes et, en lieu et place, a qualifié lesdits versements asymétriques de salaires dans le cadre d’une « question préjudicielle », sous le couvert de l’examen d’une « tentative d’éluder le paiement de cotisations ».

 

TF

L’objet du litige devant le Tribunal fédéral est de savoir si la rémunération versée par l’employeur au titre de dividendes asymétriques aux associés collaborateurs doit être qualifiée de rendement de la fortune non soumis à cotisations ou de salaire déterminant.

Le Tribunal fédéral constate en premier lieu que le tribunal cantonal reconnaît expressément comme rendement de la fortune exonéré de cotisations une part des libéralités désignées en tant que « dividendes asymétriques ». Concernant les libéralités qu’une société accorde aux actionnaires qu’elle emploie, la première question qui se pose en droit des cotisations est celle de la nature et de la fonction de tels versements. La répartition entre salaire et dividende n’est en principe laissée à la libre appréciation de la société que si cette libéralité peut, à cet égard, aussi bien relever de la prestation de travail que de la participation au capital. Une fois ce point clarifié, la deuxième question consiste à déterminer si la décision de répartition entre salaire déterminant et dividendes satisfait au principe de proportionnalité. En conséquence, le tribunal cantonal a pu examiner « à titre préjudiciel » si et, le cas échéant, dans quelle mesure les « dividendes asymétriques » constituaient sans équivoque un salaire soumis à cotisation (consid. 6.3.1)

L’hypothèse de l’autorité inférieure, selon laquelle l’ »asymétrie » dans les distributions de dividendes est uniquement due aux performances de travail individuelles différentes de chaque actionnaire (et non à leurs droits de participation), n’est pas manifestement inexacte. Le tribunal cantonal n’a donc pas violé le droit en qualifiant a priori les libéralités en question – au vu des circonstances du cas concret examiné – de revenu issu de l’activité lucrative, respectivement de salaire, à hauteur de l’asymétrie, compte tenu de leur nature et de leur fonction de rémunération d’une prestation individuelle de travail efficace (ayant donc un impact sur le chiffre d’affaires). Cette classification en vertu du droit des cotisations demeure même si le versement de « dividendes asymétriques » – malgré la répartition proportionnelle du bénéfice prévue à l’art. 660, al. 1, CO – est autorisé du point de vue du droit des sociétés ou accepté par les autorités fiscales (consid. 6.3.2).

 

Arrêt 9C_272/2024 consultable ici

 

Initiative parlementaire Grossen 18.455 «Accorder la qualité de personne exerçant une activité lucrative indépendante en tenant compte de la volonté des parties» – Avis du Conseil fédéral du 21.03.2025

Initiative parlementaire Grossen 18.455 «Accorder la qualité de personne exerçant une activité lucrative indépendante en tenant compte de la volonté des parties» – Avis du Conseil fédéral du 21.03.2025

 

Avis du Conseil fédéral paru in FF 2025 1042

 

Le Conseil fédéral s’oppose à l’initiative parlementaire 18.455 « Accorder la qualité de personne exerçant une activité lucrative indépendante en tenant compte de la volonté des parties » et recommande de ne pas entrer en matière sur le projet.

Le Conseil fédéral estime que le système actuel de détermination du statut (salarié ou indépendant) en droit des assurances sociales est adéquat et flexible. Il permet de couvrir toutes les formes d’activité et de s’adapter à l’évolution du marché du travail, y compris l’économie numérique. Par exemple, il est désormais possible d’effectuer une demande de reconnaissance de l’activité indépendante par le biais d’un formulaire en ligne (www.independants-suisse.ch), ce qui simplifie considérablement le processus.

Selon le Conseil fédéral, la prise en compte systématique de la volonté des parties pour déterminer le statut, comme le propose la majorité de la commission, poserait plusieurs problèmes :

  • Incompatibilité avec le droit public : Le droit des assurances sociales relève du droit public et les critères de détermination du statut doivent rester objectifs. Il ne peut être du ressort des administrés de décider eux-mêmes de leur statut et des obligations qui en découlent.
  • Risque d’insécurité juridique : La volonté des parties est un concept subjectif, difficile à déterminer clairement, ce qui pourrait nuire à la sécurité juridique.
  • Affaiblissement de la protection sociale : Il y a un risque de privilégier le statut d’indépendant au détriment de la protection sociale des travailleurs. Le droit des assurances sociales ne peut pas l’ignorer, compte tenu de l’impact qu’une lacune de couverture peut avoir sur la collectivité publique (prestations complémentaires, aide sociale).
  • Incompatibilité avec le droit du travail : La mesure proposée serait incompatible avec le droit du travail où la volonté des parties n’est pas un critère déterminant.
  • Divergence avec les tendances internationales : Le projet ne tient pas compte des évolutions au niveau de l’UE, qui tend à renforcer la protection des travailleurs des plateformes numériques (présomption légale réfragable en faveur d’une activité salariée). Selon la directive de l’UE, la détermination du statut se fonde sur les faits constatés et ne tient pas compte de la désignation du statut par les parties concernées.

Le Conseil fédéral rejette également la proposition de la minorité de la commission, estimant qu’elle ne résoudrait pas les problèmes évoqués et affaiblirait aussi la sécurité juridique.

Concernant la proposition de soutenir les indépendants dans leurs démarches liées à l’obligation de cotiser, le Conseil fédéral estime qu’une adaptation du cadre légal n’est pas nécessaire, car des solutions existent déjà.

En conclusion, le Conseil fédéral considère que le projet fragiliserait le cadre légal actuel, nuirait à la sécurité juridique et affaiblirait la position des travailleurs. Il ne voit donc pas la nécessité de légiférer dans ce domaine.

 

Avis du Conseil fédéral du 21.03.2025 paru in FF 2025 1042

Cf. également Rapport de la CSSS-N du 14.02.2025

 

Déterminer le statut des indépendants: le Conseil fédéral souhaite maintenir les règles en vigueur

Déterminer le statut des indépendants: le Conseil fédéral souhaite maintenir les règles en vigueur

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 21.03.2025 consultable ici

 

La distinction entre salarié et indépendant est très importante en droit des assurances sociales. Elle a un impact sur l’obligation de payer des cotisations sociales et sur la protection sociale des travailleurs. Le système actuel pour déterminer si une personne exerce une activité lucrative indépendante est à la fois clair et flexible car il est basé sur des critères objectifs. C’est l’avis adopté par le Conseil fédéral lors de sa séance du 21 mars 2025 en réponse à un rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national.

Le rapport du 14 février 2025 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N) porte sur l’initiative parlementaire Grossen 18.455 «Accorder la qualité de personne exerçant une activité indépendante en tenant compte de la volonté des parties». Pour déterminer le statut d’une personne exerçant une activité lucrative, l’initiative demande de tenir compte non seulement du degré de subordination et du risque entrepreneurial, mais également de la volonté des personnes concernées, et d’adapter en conséquence la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA). Par ce biais, l’initiative entend faciliter le développement économique.

 

Le Conseil fédéral favorable au maintien de la réglementation actuelle

Le Conseil fédéral est d’avis que la réglementation actuelle offre une sécurité juridique suffisante. La distinction faite par le droit de la sécurité sociale entre les travailleurs indépendants et les salariés est suffisamment flexible. Les cas litigieux sont rares; plus de 90% des demandes de statut d’indépendant sont acceptées. Le libre développement économique n’est freiné ni par les lois sur les assurances sociales en général, ni par la distinction entre travailleurs salariés et indépendants en particulier. Le Conseil fédéral estime que la prise en compte systématique de la volonté des personnes concernées fragiliserait inutilement le cadre légal. Il nuirait à la sécurité juridique et affaiblirait fortement la position des travailleurs qui sont la partie contractante la plus faible. De plus, le système actuel a fait ses preuves et sa mise en œuvre ne cesse d’être optimisée. Pour ces raisons, le Conseil fédéral ne voit pas de nécessité de légiférer dans ce domaine et est donc favorable au statu quo.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 21.03.2025 consultable ici

Avis du Conseil fédéral sur le Rapport du 14 février 2025 de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national disponible ici

Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 14 février 2025 paru in FF 2025 713

 

Cotisations AVS: le Conseil fédéral adopte des améliorations pour les bas salaires et les indépendants cessant leur activité (bénéfice de liquidation)

Cotisations AVS: le Conseil fédéral adopte des améliorations pour les bas salaires et les indépendants cessant leur activité (bénéfice de liquidation)

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 21.03.2025 consultable ici

 

Le Conseil fédéral renforce la prévoyance vieillesse des bas salaires et améliore la situation des indépendants après cessation de leur activité. Dans les secteurs de la culture et des médias, où les emplois de courte durée à des salaires minimes sont fréquents, l’exemption de cotisation à l’AVS ne s’appliquera plus, garantissant ainsi une meilleure prévoyance aux travailleurs concernés. De leur côté, les indépendants bénéficieront d’un allégement lorsqu’ils réalisent un bénéfice en liquidant leur entreprise et ne seront plus soumis au cours habituel des intérêts moratoires. Ces modifications du règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants ont été décidées par le Conseil fédéral lors de sa séance du 21 mars 2025 et entreront en vigueur le 1er janvier 2026.

Dans l’AVS, une exemption de cotisation s’applique aux personnes qui n’exercent une activité salariée que sporadiquement et pour un faible revenu. Les salaires de moins de 2500 francs (état 2025) par année civile et par employeur ne sont ainsi pas soumis à cotisation. Toutefois, dans certains secteurs, il est fréquent que des assurés gagnent leur vie en enchaînant des emplois de courte durée auprès de différents employeurs. C’est notamment le cas des personnes employées par des ménages privés et de celles travaillant dans la culture ou les médias. Le règlement sur l’assurance-vieillesse et survivants (RAVS) dresse déjà une liste des secteurs auxquels l’exemption de cotisation pour les salaires de minime importance ne s’applique pas. L’objectif est que les assurés changeant souvent d’employeur et d’engagement bénéficient d’une couverture suffisante. Cette liste sera mise à jour avec l’ajout des entreprises de design, des musées, des médias et des chœurs. Cette modification s’inscrit notamment dans le contexte du rapport «La sécurité sociale des acteurs culturels en Suisse», rédigé en réponse au postulat Maret 21.3281.

 

Protection contre les intérêts moratoires injustifiés en cas de liquidation d’entreprise

Les personnes exerçant une activité indépendante déclarent à leur caisse de compensation le revenu qu’elles s’attendent à réaliser durant l’année en cours. Sur cette base, la caisse de compensation prélève des acomptes de cotisations. Le décompte définitif n’est établi qu’ultérieurement, lorsque l’autorité fiscale a établi le revenu de la personne concernée et l’a communiqué à la caisse de compensation. En principe, l’AVS prélève un intérêt moratoire lorsque les acomptes versés étaient inférieurs d’au moins 25% aux cotisations effectivement dues. Les assurés disposent toutefois d’un an pour corriger leur déclaration de cotisations. Si un indépendant ferme son entreprise et réalise un bénéfice de liquidation, celui-ci est également soumis à cotisation. Comme il est difficile d’estimer son montant à l’avance, la différence entre les cotisations effectivement dues et les acomptes déjà versés est souvent nettement supérieure à 25%, ce qui peut engendrer des intérêts moratoires élevés. Pour éviter cette situation, l’indépendant devra informer la caisse de compensation du bénéfice réalisé grâce à la liquidation au plus tard jusqu’à la fin de l’année qui suit. Il n’aura par conséquent pas besoin de verser des intérêts moratoires sur ce bénéfice.

L’introduction de ces deux mesures dans le RAVS a fait l’objet d’une consultation publique du 15 mai au 5 septembre 2024. La modification entrera en vigueur le 1er janvier 2026.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 21.03.2025 consultable ici

Rapport explicatif du 21.03.2025, Perception des cotisations AVS – revenu de minime importance et intérêts moratoires, disponible ici

Modifications du RAI consultable ici

 

Pas de changement du système de retraite pour l’instant

Pas de changement du système de retraite pour l’instant

 

Communiqué de presse du Parlement du 19.03.2025 consultable ici

 

Le National ne veut pas chambouler le système de retraite pour l’instant. Il a refusé de donner suite mercredi, par 99 voix contre 90, à une initiative parlementaire de Céline Amaudruz (UDC/GE) demandant d’abandonner l’âge fixe de la retraite pour prendre en compte les années de cotisation.

Le texte de la Genevoise proposait de compter les années de cotisation dès 17 ans pour autant qu’elles proviennent d’un véritable emploi. La législation actuelle fixe l’âge légal de retraite à 65 ans, soit 44 années après le début l’obligation de cotiser qui commence le 1er janvier suivant l’âge de 20 ans révolus.

Cette proposition permettrait à des travailleurs ayant commencé à travailler tôt dans la vie de toucher plus vite une rente AVS pleine, dès 62 ans. Cela concerne notamment les professions pénibles. Il s’agit de justice sociale, a relevé Mme Amaudruz. Cela revaloriserait aussi la formation duale.

La majorité a préféré attendre les explications du Conseil fédéral à sa demande de prendre en compte la durée de l’activité professionnelle pour fixer l’âge de la retraite. Un rapport est prévu dans le cadre des travaux de la prochaine réforme de l’AVS. Cette initiative arrive au mauvais moment, a estimé Valérie Piller-Carrard (PS/FR) pour la commission.

Certains soulignent en outre que la pénibilité au travail n’est pas forcément liée à une entrée précoce sur le marché du travail. Et les personnes avec des lacunes de cotisation pourraient être disproportionnellement pénalisées.

UDC et PLR pour

Le texte de la Genevoise prévoyait que les années de cotisation entre 18 et 21 ans ne soient prises en compte que si le salaire des personnes atteint au moins 120% de la rente simple maximale AVS. Avec un tel seuil, peu de personnes qui commencent à travailler tôt pourraient au final partir à la retraite plus tôt, les rémunérations pendant l’apprentissage et en début de carrière étant généralement basses, a relevé Thomas Rechsteiner (Centre/AI) pour la commission.

L’udc et le PLR estimaient au contraire que l’initiative permettrait de flexibiliser l’âge de départ à la retraite tout en permettant de prendre en compte la pénibilité du travail. Le texte laissait aussi assez de marge de manoeuvre pour définir un système qui tienne en compte différents parcours de vie, en ajustant notamment au mieux la durée de cotisation de référence ou les montants de cotisation minimaux.

 

Communiqué de presse du Parlement du 19.03.2025 consultable ici

Initiative parlementaire Amaudruz 24.408 «Remplacer la notion d’âge de la retraite par celle d’années de cotisation. Un pas adapté vers une retraite socialement plus juste» consultable ici

Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du 21.06.2024 sur l’initiative parlementaire Amaudruz 24.408 disponible ici

 

Initiative parlementaire Grossen 18.455 «Accorder la qualité de personne exerçant une activité lucrative indépendante en tenant compte de la volonté des parties» – Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 14.02.2025

Initiative parlementaire Grossen 18.455 «Accorder la qualité de personne exerçant une activité lucrative indépendante en tenant compte de la volonté des parties» – Rapport de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national du 14.02.2025

 

Rapport de la CSSS-N paru in FF 2025 713

 

  1. Condensé

La distinction entre salarié et indépendant revêt une importance considérable en droit des assurances sociales, non seulement parce que la détermination du statut a un impact sur l’obligation de payer des cotisations ainsi que sur le montant dû, mais aussi parce que la protection sociale accordée à une personne exerçant une activité lucrative salariée ou indépendante diffère.

La Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS‑N) est d’avis que la situation juridique actuelle pour la détermination du statut peut entraver la liberté économique des entrepreneurs. Elle considère que la pratique actuelle en matière d’application a, dans certains cas, un impact négatif sur l’activité économique en Suisse et sur l’accès au marché du travail pour les personnes directement concernées. Selon elle, la situation juridique actuelle ne permet pas toujours d’atteindre le résultat souhaité par les parties concernées, car il n’est pas rare que les organes d’exécution, voire les tribunaux statuent de manière contraire à leur volonté.

Dans le dessein de faciliter le développement économique, d’améliorer la protection sociale des travailleurs indépendants et renforcer la sécurité juridique, la commission propose le présent projet qui vise à inscrire les critères principaux de délimitation du statut dans la loi sur la partie générale des assurances sociales (LPGA). Les critères déterminants doivent être, d’une part, ceux développés par la jurisprudence – le degré de subordination d’un point de vue organisationnel et le risque entrepreneurial – et, d’autre part, les éventuels accords entre les parties. La commission souhaite que le Conseil fédéral définisse lesdits critères dans l’ordonnance.

De plus, elle souhaite prévoir que des tiers, tels que les entreprises de plateforme, puissent soutenir les indépendants afin de faciliter le versement des cotisations.

 

  1. Présentation du projet

Nouvelle réglementation proposée

La commission propose de compléter l’art. 12 LPGA par l’ajout d’un alinéa 3, et de fonder ainsi la distinction entre personnes exerçant une activité lucrative indépendante et salariés, d’une part sur le degré de subordination d’un point de vue organisationnel et le risque entrepreneurial et, d’autre part, sur les éventuels accords passés entre les parties.

Actuellement, la jurisprudence constante du Tribunal fédéral définit les critères permettant de déterminer le statut de cotisant. Cette question doit désormais être réglementée dans la LPGA pour toutes les branches de la sécurité sociale. L’objectif est d’améliorer la transparence et de faciliter une mise en œuvre uniforme.

Avec l’adoption de cette modification, lors de l’évaluation du statut par les caisses de compensation, les accords entre parties seront pris en compte en plus de la situation économique réelle.

De plus, la commission souhaite ajouter un alinéa 4 à l’art. 12 LPGA afin que le Conseil fédéral puisse définir dans l’ordonnance les critères de délimitation du statut. Elle estime qu’aujourd’hui, il règne une certaine insécurité juridique liée au fait que les critères ne sont pas définis dans la loi et sont sujets à interprétation par les organes d’exécution. Avec l’adoption du présent projet, les caisses de compensation devront décider au cas par cas de la prise en compte des accords entre les parties et de leur validité, ce qui pourrait s’avérer difficile dans certaines situations. Les trois critères de délimitation doivent donc être formulés plus précisément dans l’ordonnance afin de réduire l’insécurité juridique et d’éviter des procédures judiciaires qui conduisent à des décisions des autorités d’exécution qui ne correspondent pas à la volonté des parties contractantes.

La commission propose en outre que les indépendants puissent être soutenus dans les démarches liées à leur obligation de cotiser. Ainsi, la déclaration auprès des caisses de compensation et le paiement des acomptes de cotisations, par exemple, pourront, sur une base volontaire, être gérés par des intermédiaires. Il pourra notamment être permis aux plateformes numériques de déduire les cotisations du montant facturé et de les transférer aux caisses de compensation pour le compte de leurs prestataires indépendants et sous forme d’acompte. Ces formes de soutien ont pour but de faciliter davantage la perception des cotisations pour les indépendants intéressés et ainsi améliorer la protection sociale de ces personnes en leur évitant des lacunes de cotisations.

 

Propositions minoritaires

Une minorité Meyer Mattea propose de ne pas entrer en matière sur le projet. Elle ne voit pas la nécessité de légiférer et craint une augmentation de la bureaucratie ainsi qu’un potentiel d’abus élevé pour contourner les réglementations du droit du travail et les obligations en matière d’assurances sociales. Cela se ferait au détriment des employeurs et des employés qui respectent la loi. Elle souligne également le rejet massif du projet par les participants à la consultation publique.

Une minorité, représentée par Rechsteiner Thomas, se prononce en faveur de la variante majoritaire de la procédure de consultation publique, selon laquelle les accords entre les parties ne doivent être pris en compte que dans les cas limites. Cela permettrait de créer une plus grande sécurité juridique.

Une minorité Weichelt propose de supprimer l’art. 12 al. 4 LPGA. Elle estime qu’une définition complète des nouveaux critères de l’al. 3 par le Conseil fédéral est difficile à mettre en œuvre et que le Conseil fédéral peut préciser les nouvelles dispositions si nécessaire sans cet alinéa.

Une autre minorité Meyer Mattea rejette en outre le nouvel art. 14 al. 4bis LAVS. Elle considère que la réglementation actuelle est suffisante et craint une charge de travail supplémentaire pour les autorités compétentes.

 

  1. Commentaire des dispositions

Art. 12 al. 3 et 4 LPGA

Désormais, les éventuels accords entre les parties seront pris en compte au même titre que les critères de délimitation du statut correspondant à la pratique actuelle, développés par la jurisprudence.

La disposition légale proposée utilise les termes «distinction entre salariés et personnes exerçant une activité lucrative». Cela pourrait laisser supposer que la distinction serait désormais liée à la personne et non pas au revenu de l’activité lucrative réalisé. Toutefois, comme la modification s’inscrit à l’al. 3 de l’art. 12 LPGA, elle doit donc être lue à la lumière des autres alinéas dudit article qui se réfèrent au «revenu de l’activité lucrative».

Le projet utilise la terminologie «subordination du point de vue organisationnel». Le Tribunal fédéral, dans sa pratique de longue date, utilise le terme «dépendance en matière de gestion d’entreprise ou d’organisation du travail». La doctrine parle également de «rapport de subordination». Etant donné qu’il n’existe pas de terminologie uniforme concernant ce critère, aucune reformulation de la disposition proposée ne s’impose.

Dans un nouvel alinéa 4, il sera précisé que les critères régissant la subordination d’un point de vue organisationnel, le risque entrepreneurial et les accords passés entre les parties doivent être réglés dans l’ordonnance par le Conseil fédéral.

 

Art. 14 al. 4bis LAVS

Le Conseil fédéral doit avoir la possibilité de permettre à des tiers de soutenir les indépendants dans le versement des cotisations aux assurances sociales. Par exemple, il pourrait être prévu que les plateformes numériques ou d’autres intermédiaires se chargent d’annoncer leurs prestataires indépendants aux assurances sociales ou de verser aux caisses de compensation les cotisations sociales pour le compte de ces indépendants.

Cet article est formulé de manière à ce que cette possibilité soit facultative.

Afin de permettre une flexibilité pour la mise en œuvre, cet article doit être formulé de manière ouverte, de sorte à ce que les conceptions proches de la pratique puissent être définies au niveau de l’ordonnance. L’annonce des indépendants à la caisse de compensation ou la fonction d’agent payeur sont citées comme exemples afin que le Conseil fédéral puisse définir d’autres mesures si nécessaire.

 

  1. Conséquences sur les assurances sociales

Le présent projet touche le cœur du système des assurances sociales, car la délimitation du statut d’une personne salariée ou indépendante revêt une importance déterminante.

La volonté des parties est un élément subjectif. Pour que l’on puisse se baser sur des accords entre les parties pour décider du statut des cotisations, ceux-ci doivent être valables et notamment reposer sur une libre expression de la volonté des parties. Les caisses de compensation ne peuvent pas systématiquement vérifier la validité de telles conventions de droit privé. Il existe donc un risque que la validité des accords soit remise en question lors de la survenance d’un cas d’assurance. Il en résulterait des litiges coûteux. Il convient de préciser que de nombreux litiges surviennent déjà aujourd’hui en raison de la situation juridique actuelle. En somme, les adaptations proposées devraient permettre de réduire le nombre de litiges.

La simplification de la perception des cotisations est avantageuse pour les caisses de compensation. Elles peuvent bénéficier du soutien de tiers professionnels pour l’affiliation des indépendants. La perception des cotisations peut ainsi être améliorée.

Ce mécanisme doit toutefois s’inscrire dans le système actuel d’encaissement des cotisations des indépendants. La coordination nécessaire entre les deux systèmes entrainera des coûts administratifs supplémentaires pour les organes d’exécution.

 

Rapport de la CSSS-CN du 14.02.2025 paru in FF 2025 713

Projet de loi fédérale sur la modification de règles du droit des assurances sociales applicables aux personnes exerçant une activité lucrative indépendante paru in FF 2025 714

 

9C_162/2024 (f) du 31.07.2024 – Tâcherons et sous-traitants – Détermination du caractère dépendant ou indépendant des revenus soumis au paiement des cotisations sociales / Maxime inquisitoire de la caisse de compensation – Pas de renversement du fardeau de la preuve

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_162/2024 (f) du 31.07.2024

 

Consultable ici

 

Tâcherons et sous-traitants – Détermination du caractère dépendant ou indépendant des revenus soumis au paiement des cotisations sociales / 5 al. 2 LAVS – 9 al. 1 LAVS

Maxime inquisitoire de la caisse de compensation – Pas de renversement du fardeau de la preuve

 

A.__ Sàrl (ci-après: la société) est affiliée en tant qu’employeur auprès d’une caisse de compensation. Un contrôle d’employeur portant sur la période de janvier 2017 à décembre 2021 a mis en évidence que la société avait opéré différents versements en espèces en faveur de B.__ Sàrl dans le courant de l’année 2020, pour un montant total de CHF 138’868, sans pouvoir produire de justificatifs détaillés. Par décision du 20.10.2022, confirmée sur opposition le 26.01.2023, la caisse de compensation a réclamé à A.__ Sàrl le paiement de CHF 21’371.75, correspondant à des cotisations sociales sur le montant payé à B.__ Sàrl, qualifié de salaires versés à des employés de la société.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2023 15 – consultable ici)

Par jugement du 26.01.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
L’arrêt entrepris expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables notamment à la détermination du caractère dépendant ou indépendant des revenus soumis au paiement des cotisations sociales (art. 5 al. 2 et 9 al. 1 LAVS; ATF 140 V 108 consid. 6; 123 V 161 consid. 1 et les arrêts cités), ainsi que les règles sur l’administration et l’appréciation des preuves (art. 61 let. c LPGA). Il suffit d’y renvoyer.

Selon la jurisprudence, les tâcherons et sous-traitants sont réputés exercer une activité dépendante. Leur activité ne peut être qualifiée d’indépendante que lorsque les caractéristiques de la libre entreprise dominent manifestement et que l’on peut admettre, d’après les circonstances, que l’intéressé traite sur un pied d’égalité avec l’entrepreneur qui lui a confié le travail (arrêt 8C_597/2011 du 10 mai 2012 consid. 2.3 et les arrêts cités).

Un employeur peut faire exécuter un travail par une personne à laquelle il verse lui-même un salaire ou le confier à un tiers indépendant ou à une personne morale, qui emploie, le cas échéant, son propre salarié pour ce faire. Dans la seconde éventualité, l’indemnité versée au tiers pour l’exécution du travail ne constitue pas un salaire déterminant, mais la rémunération d’une activité indépendante voire ne constitue pas, dans le cas de la personne morale, un revenu soumis à cotisations. Des rapports de travail dont découlerait un salaire déterminant provenant d’une activité dépendante ne peuvent pas être conclus avec une personne morale. Lorsqu’un travail est confié à une personne morale, ce n’est pas l’indemnité en découlant qui est soumise à l’obligation de cotiser, mais le salaire que la personne morale verse à la personne physique qu’elle emploie (arrêt 8C_218/2019 du 15 octobre 2019 consid. 4.1.1).

Par ailleurs, une personne est libre de choisir la forme juridique de son activité et d’adopter par exemple la forme juridique de la société anonyme ou de la société à responsabilité limitée pour bénéficier, par exemple, d’une limitation de la responsabilité. Cependant, lorsqu’il existe des circonstances concrètes amenant à conclure que le statut juridique de la personne morale a été uniquement adopté pour des motifs liés au droit des assurances afin d’économiser des cotisations et que la personne morale n’exerçait pas d’activité entrepreneuriale proprement dite – du moins par rapport au donneur d’ordre -, l’indépendance juridique de la personne morale ne produit pas ses effets du point de vue du droit des assurances sociales (arrêt 8C_218/2019 précité consid. 4.2.2).

Consid. 4 [résumé]
La juridiction cantonale a d’abord relevé que le fait qu’une personne morale, en l’occurrence une société à responsabilité limitée, délègue la réalisation de certains travaux à une autre société du même type ne présente en soi rien de répréhensible. Certains indices caractéristiques (montants élevés versés en espèces, recours à des tâcherons fréquent dans la branche) ont soulevé des doutes. A.__ Sàrl a versé 138’868 fr. en espèces à B.__ Sàrl sur quelques mois, une somme représentant une part importante de son chiffre d’affaires moyen (environ 367’000 fr. entre 2013 et 2019). De plus, le recours à des tâcherons est fréquent dans le domaine de la construction. Ces éléments ont créé une « présomption » que ces versements auraient pu être effectués dans le but d’économiser des cotisations sociales. La charge de prouver le contraire incombait à A.__ Sàrl.

L’instance cantonale a estimé que A.__ Sàrl n’avait pas réussi à démontrer, au degré de vraisemblance prépondérante, que ces versements n’avaient pas pour but d’économiser des cotisations. Par conséquent, elle a confirmé la décision de la caisse de compensation considérant que des cotisations sociales étaient dues par A.__ Sàrl sur les montants versés à B.__ Sàrl.

 

Consid. 5.1
La recourante reproche aux premiers juges d’avoir constaté les faits de manière manifestement inexacte et violé le droit fédéral, en particulier l’art. 5 al. 2 LAVS. Elle leur fait grief d’avoir nié qu’elle avait démontré, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’elle avait bien versé sa « rétribution à un employeur », alors qu’ils n’ont pas examiné tous les éléments déterminants pour la qualification d’une activité de dépendante ou d’indépendante, en application d’une « jurisprudence qui ne trouvait nullement sa place dans le cas d’espèce ». De l’avis de la société, la juridiction cantonale ne pouvait dès lors pas considérer que les montants qu’elle avait versés à la société sous-traitante devaient être assimilés à des salaires qu’elle aurait versés à ses propres « employés dépendants ».

 

Consid. 5.2
L’argumentation de la recourante est en partie bien fondée. On ne voit tout d’abord pas sur quelle disposition légale ou jurisprudence l’autorité judiciaire de première instance fonde une « présomption » – à l’aune de laquelle elle a essentiellement examiné la cause – quant au but d’économie des cotisations sociales en cas de versements d’une personne morale à une autre, en présence de certains éléments caractéristiques; l’arrêt qu’elle cite (8C_218/2019 du 15 octobre 2019) ne comprend pas de considération correspondante. Ensuite, il incombait à la caisse de compensation et, à sa suite à l’instance précédente, d’examiner concrètement les caractéristiques de l’activité déployée par la société sous-traitante pour le compte de la recourante, ce qu’elles ont précisément manqué de faire en l’occurrence. L’arrêt entrepris ne contient en effet aucune constatation quant au point de savoir notamment qui de A.__ Sàrl ou de B.__ Sàrl supportait le risque économique de l’activité en cause. Or la jurisprudence selon laquelle les tâcherons et sous-traitants sont réputés exercer une activité dépendante (consid. 3.2 supra) ne signifie pas que le principe de l’instruction (art. 43 et 61 let. c LPGA) ne s’applique pas ou seulement sous une forme atténuée. Au contraire, il faut en principe procéder à un examen approfondi des circonstances particulières de chaque cas. De même, il ne faut pas poser d’exigences excessives quant à l’obligation de collaborer de la personne physique ou morale (au sens de l’art. 28 LPGA) à laquelle on s’adresse en tant qu’employeur. Il n’y a pas de renversement du fardeau de la preuve et le degré de preuve de la vraisemblance prépondérante, habituel en droit des assurances sociales, s’applique (cf. arrêt H 191/05 du 30 juin 2006 consid. 4.1 et les références).

Par ailleurs, lorsqu’une personne exerce simultanément plusieurs activités lucratives, il faut examiner pour chacune d’elles si le revenu en découlant est celui d’une activité indépendante ou salariée, même si les travaux sont exécutés pour une seule et même entreprise (ATF 122 V 172 consid. 3b; 104 V 126 consid. 3b). En particulier, pour les activités exercées dans le secteur principal ou secondaire de la construction, il est important de déterminer, entre autres éléments, qui répond des travaux mal exécutés vis-à-vis du maître d’ouvrage ou du propriétaire de l’ouvrage. Il s’agit ici de savoir si le tâcheron peut être considéré comme un partenaire commercial qui traite sur un pied d’égalité avec l’entrepreneur qui lui a confié le travail (cf. arrêt H 191/05 précité consid. 4.1 et les références). En l’occurrence, l’arrêt entrepris ne contient aucune constatation sur ce point.

Consid. 5.3
Dans la mesure où les éléments qui auraient permis d’évaluer la relation contractuelle entre la recourante et B.__ Sàrl font largement défaut en l’espèce, la cause n’est pas en état d’être jugée. En particulier, les pièces produites par la recourante (essentiellement trois factures établies par B.__ Sàrl, par lesquelles elle facture à A.__ Sàrl le total des heures effectuées, sous la mention « Heure de régie », sans donner d’autres précisions), ne permettent pas de conclure que l’activité déployée par la société sous-traitante (et son personnel) pour le compte de la recourante en 2020 aurait été un travail dépendant au sens de l’art. 5 al. 2 LAVS. Par ailleurs, selon les constatations cantonales, non contestées par la recourante, celle-ci n’a pas produit les contrats ou accords avec la société sous-traitante, ainsi que les preuves d’adjudication et des contrats avec les maîtres d’ouvrage ou les architectes (notamment en raison du fait que les travaux qu’elle avait confiés à B.__ Sàrl l’avaient été en vertu d’un contrat oral). Dans ces circonstances, la caisse de compensation devra procéder à des clarifications complémentaires et rendre ensuite une nouvelle décision sur l’obligation litigieuse de la recourante de payer les cotisations sociales sur les rémunérations qu’elle a versées à la société sous-traitante. Le recours est bien fondé sur ce point.

 

Le TF admet partiellement le recours de la société.

 

 

Arrêt 9C_162/2024 consultable ici

 

9C_141/2023 (f) du 05.06.2024, destiné à la publication – Montant de l’indemnité journalière AI d’un assuré indépendant – Interprétation par le TF de l’art. 23 al. 3 LAI – Revenu déterminant au sens de l’art. 23 al. 3 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_141/2023 (f) du 05.06.2024, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Montant de l’indemnité journalière AI d’un assuré indépendant / 23 LAI – 21 RAI

Interprétation par le TF de l’art. 23 al. 3 LAI

Revenu déterminant au sens de l’art. 23 al. 3 LAI – Revenu soumis au prélèvement de cotisations servant de base pour la fixation des cotisations et non celui sur lequel des cotisations ont effectivement été prélevées

 

Assuré ayant exploité à titre indépendant un commerce d’importation de produits exotiques. Il a déposé une demande AI le 18.08.2017. Après plusieurs mesures d’instruction, notamment sur le plan médical, l’office AI a octroyé à l’assuré une mesure d’orientation professionnelle du 30.05.2022 au 31.07.2022. En se fondant sur un revenu annuel (brut) déterminant de CHF 5’862.79, il a fixé le montant des indemnités journalières de l’assurance-invalidité à CHF 13.60 par jour (décision du 7 juillet 2022).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1167/2022 – consultable ici)

Dans le cadre de la procédure de recours, l’office AI s’est rallié à une prise de position du service juridique de la caisse de compensation, selon laquelle le montant des indemnités journalières devait se fonder sur le revenu annuel déterminant de l’année 2013 (année précédant la survenance de l’atteinte à la santé), soit sur un montant annuel (brut) de CHF 9’333. Par arrêt du 22.12.2022, admission partielle et réformation de la décision en ce sens que l’indemnité journalière s’élève à CHF 21.60 à compter du 30.05.2022.

 

TF

Consid. 2.1
Selon l’art. 23 LAI, dans sa version en vigueur depuis le 1er janvier 2012, l’indemnité de base s’élève à 80% du revenu que l’assuré percevait pour la dernière activité lucrative exercée sans restriction due à des raisons de santé; toutefois, elle s’élève à 80% au plus du montant maximum de l’indemnité journalière fixée à l’art. 24 al. 1 LAI (al. 1). L’indemnité de base s’élève, pour l’assuré qui suit des mesures de nouvelle réadaptation au sens de l’art. 8a LAI, à 80% du revenu qu’il percevait immédiatement avant le début des mesures; toutefois, elle s’élève à 80% au plus du montant maximal de l’indemnité journalière (al. 1bis). Le calcul du revenu de l’activité lucrative au sens des al. 1 et 1bis se fonde sur le revenu moyen sur lequel les cotisations prévues par la LAVS sont prélevées (revenu déterminant) (al. 3).

Le Conseil fédéral a précisé dans le RAI la base de calcul des indemnités journalières pour différentes catégories d’assurés (art. 21 ss RAI), notamment ceux exerçant une activité indépendante. Selon l’art. 21quater al. 1 RAI, l’indemnité journalière pour les personnes de condition indépendante est calculée d’après le dernier revenu obtenu sans atteinte à la santé, ramené au gain journalier, soumis au prélèvement des cotisations conformément à la LAVS. L’indemnité journalière pour les assurés qui rendent vraisemblable que, durant la période de réadaptation, ils auraient entrepris une activité lucrative indépendante d’une assez longue durée est calculée d’après le revenu qu’ils auraient pu en obtenir (art. 21quater al. 2 RAI).

Selon l’art. 21 al. 3 RAI, lorsque la dernière activité lucrative exercée par l’assuré sans restriction due à des raisons de sa santé remonte à plus de deux ans, il y a lieu de se fonder sur le revenu que l’assuré aurait tiré de la même activité, immédiatement avant la réadaptation, s’il n’était pas devenu invalide.

Consid. 2.2
Selon le chiffre 0835 de la circulaire de l’OFAS concernant les indemnités journalières de l’assurance-invalidité (CIJ), en vigueur depuis le 1er janvier 2022, pour les personnes de condition indépendante, le revenu déterminant pour le calcul de l’indemnité journalière des personnes de condition indépendante se fonde sur le dernier revenu d’activité lucrative, converti en revenu journalier, précédant la survenance de l’atteinte à la santé, et sur lequel des cotisations AVS ont été prélevées (VSI 2002 p. 187). Peu importe que les cotisations de l’année considérée aient fait l’objet d’une décision entrée en force. D’éventuelles décisions de réduction ou de remise ne sont pas davantage à prendre en compte (anciennement ch. 3039 CIJ, dans sa teneur du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2021).

 

Consid. 3.1
La juridiction cantonale
a retenu que l’assuré avait droit à une indemnité journalière de CHF 21.60 par jour pour la période du 30.05.2022 au 31.07.2022 (CHF 9’333  x 1,0349 / 360 x 0,80). Selon l’extrait du compte individuel AVS, le revenu annuel (brut) de l’assuré s’élevait à 66’400 fr. pour l’année 2013. Les cotisations sociales correspondantes n’avaient cependant pas été acquittées par l’assuré dans leur totalité. Pour l’année 2013, l’assuré avait uniquement versé les cotisations correspondant à un revenu annuel (brut) de 9’333 fr., le solde des créances de cotisations étant présumé irrécouvrable. Aussi, la caisse de compensation avait inscrit dans le compte individuel AVS le revenu annuel (brut) ayant servi à fixer les cotisations pour l’année 2013 (66’400 fr.), puis corrigé ce revenu par une inscription « en moins » (à hauteur de 57’067 fr.; conformément au ch. 2346 de la directive de l’OFAS concernant le certificat d’assurance et le compte individuel [D CA/CI]). Le montant de 9’333 fr. (66’400 fr. – 57’067 fr.) avait ensuite été actualisé à un taux de 3,49%, selon les données de l’Office fédéral de la statistique.

Consid. 3.2
Invoquant une violation des art. 23 LAI et 21 quater RAI, l’assuré reproche à l’autorité précédente de n’avoir pas tenu compte du gain « réellement réalisé ». En particulier, il reproche à la juridiction cantonale d’avoir fixé le montant de ses indemnités journalières sur la base du revenu sur lequel des cotisations AVS avaient été effectivement versées (9’333 fr., avant indexation). Il demande à ce que ses indemnités journalières soient fixées sur la base du revenu ayant servi à fixer les cotisations AVS de l’année 2013 (66’400 fr., avant indexation).

 

Consid. 4
L’argumentation de l’assuré soulève la question de savoir quel est le revenu déterminant au sens de l’art. 23 al. 3 LAI: celui sur lequel des cotisations ont effectivement été prélevées, comme l’a retenu la juridiction cantonale, ou celui qui est soumis au prélèvement de cotisations et sert de base pour la fixation des cotisations, comme le prétend l’assuré.

Consid. 4.1
La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Si le texte n’est pas absolument clair, si plusieurs interprétations sont possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable portée de la norme, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit notamment des travaux préparatoires (interprétation historique), du but de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique) ou encore de sa relation avec d’autres dispositions légales (interprétation systématique). Le Tribunal fédéral ne privilégie aucune méthode d’interprétation, mais s’inspire d’un pluralisme pragmatique pour rechercher le sens véritable de la norme; il ne se fonde sur la compréhension littérale du texte que s’il en découle sans ambiguïté une solution matériellement juste (ATF 149 IV 9 consid. 6.3.2.1; 147 V 242 consid. 7.2; 146 V 87 consid. 7.1 et les références).

Consid. 4.2
L’interprétation littérale part du texte de la loi. Selon l’art. 23 al. 3 LAI, le calcul du revenu de l’activité lucrative au sens des al. 1 et 1bis se fonde sur le revenu moyen sur lequel les cotisations prévues par la LAVS sont prélevées (« […] bildet das durchschnittliche Einkommen, von dem Beiträge nach dem AHVG erhoben werden »; « […] è determinante il reddito medio sul quale sono riscossi i contributi secondo la LAVS »). Selon les termes de la disposition, celle-ci constitue une règle de calcul du « revenu déterminant » (« massgebendes Einkommen », « reddito determinante »), dont le législateur décrit les modalités. Or la lecture littérale de l’art. 23 al. 3 LAI n’indique pas, à elle seule, ce qu’il faut entendre par le revenu « sur lequel les cotisations sont prélevées », soit s’il s’agit du revenu sur lequel des cotisations ont été versées, d’une part, ou celui sur lequel celles-ci sont fixées ou celui qui est soumis au prélèvement des cotisations, d’autre part. Une interprétation purement littérale est en outre rendue plus difficile par les variations linguistiques de la disposition, le législateur usant des termes « prélever » en français (prendre avant un partage), « erheben » en allemand (percevoir) et « riscuotere » en italien (encaisser). De plus, au chiffre 0835 CIJ, censé expliciter le cadre législatif, l’OFAS a repris en allemand le texte de l’art. 23 al. 3 LAI (« nach dem AHVG erhoben werden »). Dans les versions française et italienne, il a modifié le temps du verbe (« ont été prélevées »; « sono stati prelevati »), exprimant que des cotisations ont été versées sur le revenu déterminant. À elle seule, l’interprétation littérale de l’art. 23 al. 3 LAI, même lue en corrélation avec la CIJ, ne permet pas d’infirmer, quoi qu’en dise l’assuré, les conclusions de la juridiction cantonale.

Consid. 4.3
Sur le plan historique, il convient de procéder à un bref rappel de l’origine de la disposition en cause, en lien avec l’évolution législative des normes pertinentes.

Consid. 4.3.1
Selon l’ancien art. 24 al. 1 LAI, dans sa version en vigueur du 1er juillet 1999 (6 e révision du régime des allocations pour perte de gain [APG]) au 31 décembre 2003 (4 e révision de la LAI), les dispositions de la LAPG qui régiss[aient] le mode de calcul et les taux maximaux des allocations s’appliqu[aient] aux indemnités journalières. Aux termes de l’ancien art. 24 al. 2 LAI, dans sa teneur en vigueur du 1er janvier 1960 au 31 décembre 2003 (RO 1959 863), pour le calcul de l’indemnité journalière revenant à l’assuré ayant exercé une activité lucrative, le revenu du travail acquis dans sa dernière activité exercée en plein [était] déterminant.

Interprétant cette disposition, l’ancien Tribunal fédéral des assurances a jugé qu’était déterminant le revenu que la personne assurée avait effectivement réalisé avant la survenance de l’atteinte à sa santé, sans qu’il soit nécessaire que des cotisations aient été prélevées sur ce revenu selon l’art. 2 LAI (arrêt I 365/00 du 28 novembre 2001 consid. 4a/aa et 4a/ee, publié in VSI 5/2002 p. 187). Rien ne permettait en particulier d’affirmer que, par le revenu du travail acquis dans sa dernière activité exercée en plein, il était fait référence au dernier revenu soumis à l’obligation de cotiser (arrêt I 365/00 précité consid. 4a/bb). Le Tribunal fédéral des assurances a de plus rappelé que les indemnités journalières de la LAI avaient pour but de garantir à l’assuré et à ses proches l’assise matérielle nécessaire à leur existence pendant la période de la réadaptation. Les moyens nécessaires à cette fin ne pouvaient pas être définis de manière générale, mais dépendaient de divers facteurs, variables au fil du temps. Le Tribunal fédéral des assurances en a conclu que cela plaidait plutôt en faveur d’une prise en compte, pour le calcul des indemnités journalières, de facteurs déterminants actuels, soit de facteurs les plus proches possibles de la date de la survenance de l’atteinte à la santé, sans qu’il ne soit exigé que des cotisations aient été prélevées sur les revenus en question au sens de l’art. 2 LAI (arrêt I 365/00 précité consid. 4a/cc).

Consid. 4.3.2
Dans le cadre de la 4e révision de la LAI, entrée en vigueur le 1er janvier 2004, le législateur n’a pas maintenu le lien entre le régime des APG et celui des indemnités journalières. Il a créé un régime propre à la LAI (art. 22 ss LAI), qui s’inspire du système d’indemnités journalières de la LAA (Message du CF concernant la 4 e révision de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité, FF 2001 3095 ch. 2.3.2; ERWIN MURER, Invalidenversicherungsgesetz [Art. 1-27 bis IVG], 2014, n° 10 et 19 ad art. 23-25). Le législateur a tout d’abord introduit à l’art. 23 al. 1 LAI une disposition qui reprend en substance la teneur de l’ancien art. 24 al. 2 LAI (arrêts 9C_126/2010 du 28 septembre 2010 consid. 2.1; I 1081/06 du 23 octobre 2007 consid. 3.1; MEYER/REICHMUTH, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Bundesgesetz über die Invalidenversicherung IVG, 4 e éd. 2023, n° 1 ad art. 23 LAI). Partant, les conditions donnant droit à une indemnité journalière sont demeurées identiques à celles prévues dans la réglementation en vigueur jusqu’au 31 décembre 2003 (Message précité, FF 2001 3128 ch. 4.2). Puis, le législateur a inséré à l’art. 23 al. 3 LAI – sans débat aux Chambres fédérales (BO 2003 CN 1937; BO 2003 CE 756) – un nouvel alinéa, selon lequel est déterminant pour le calcul du revenu de l’activité lucrative au sens de l’al. 1 le revenu moyen sur lequel les cotisations prévues par la LAVS sont prélevées (revenu déterminant).

Consid. 4.3.3
Dans le cadre de la 6e révision AI, premier volet, le législateur a enfin complété l’art. 23 al. 3 LAI par la mention « de l’art. 1bis « , pour tenir compte de l’introduction de l’art. 23 al. 1bis LAI, et l’a reformulé.

Consid. 4.3.4
Il résulte de cet aperçu que le législateur a souhaité que les conditions de l’art. 23 LAI donnant droit à une indemnité journalière de la LAI demeurent identiques à celles prévues dans la réglementation en vigueur jusqu’au 31 décembre 2003 (Message précité, FF 2001 3128 ch. 4.2). Dans ces conditions, d’un point de vue historique, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations de l’arrêt I 365/00 précité, selon lesquelles le revenu déterminant pour le calcul des indemnités journalières est celui effectivement réalisé avant la survenance de l’atteinte à la santé, sans égard au fait que des cotisations aient été prélevées sur ce montant

(consid. 4.3.1 supra). L’OFAS renvoie d’ailleurs à cet arrêt au chiffre 0835 CIJ.

Consid. 4.4
Sous l’angle systématique, l’art. 23 al. 1 LAI règle le montant de l’indemnité de base et prévoit en même temps une garantie minimale et un montant maximum (Message précité, FF 2001 3128 ch. 4.2). Selon cet alinéa, le calcul de l’indemnité journalière s’opère sur la base du revenu que l’assuré percevait pour la dernière activité lucrative exercée sans restriction due à des raisons de santé. Dès lors que le législateur s’est inspiré du système d’indemnités journalières de la LAA (consid. 4.3.2 supra), l’art. 23 al. 3 LAI décrit ensuite les modalités du calcul. En ce sens, à la différence du « gain assuré » de la LAA (cf. art. 17 al. 1 LAA), le législateur a introduit la notion du « revenu déterminant », soit le revenu moyen sur lequel les cotisations prévues par la LAVS sont prélevées.

Dans le cadre des dispositions d’exécution de l’art. 23 LAI, parmi les précisions sur la base de calcul des indemnités journalières pour différentes catégories d’assurés (art. 21 ss RAI), le Conseil fédéral a prévu une règle concernant les assurés exerçant une activité indépendante. Selon l’art. 21 quater al. 1 RAI, le calcul de l’indemnité journalière pour les personnes de condition indépendante se fonde sur le dernier revenu obtenu sans atteinte à la santé, ramené au gain journalier, soumis au prélèvement des cotisations conformément à la LAVS. L’exigence que le revenu en cause soit « soumis au prélèvement des cotisations conformément à la LAVS » (« von dem Beiträge nach dem AHVG erhoben werden »; « soggetto al prelievo dei contributi conformemente alla LAVS ») est formulée de telle manière qu’on ne peut en déduire la condition d’un prélèvement effectif des cotisations.

Consid. 4.5
Ensuite des éléments qui précèdent, la volonté du législateur est claire. Les interprétations historique et systématique conduisent à retenir que l’art. 23 al. 1 LAI, lu en corrélation avec les art. 17 ss RAI, ne prévoit nullement que les cotisations sont réputées formatrices des indemnités journalières de la LAI dans la mesure seulement où elles sont versées. Au contraire, il y a lieu de comprendre que l’art. 23 al. 1 LAI, en lien avec l’art. 21quater al. 1 RAI, prévoit que l’indemnité journalière pour les personnes de condition indépendante est calculée d’après le dernier revenu obtenu sans atteinte à la santé, ramené au gain journalier, soumis au prélèvement des cotisations conformément à la LAVS (et non pas celui sur lequel des cotisations ont effectivement été prélevées).

C’est le lieu d’ajouter qu’en ce qui concerne le revenu soumis au prélèvement des cotisations conformément à la LAVS, les conditions pour une modification du revenu déterminant (art. 21sexies RAI) ou une réduction de l’indemnité journalière (art. 21septies RAI) ne dépendent pas du versement ultérieur des cotisations sociales. Au contraire, le ch. 0835 CIJ précise expressément que d’éventuelles décisions de réduction ou de remise des cotisations (au sens de l’art. 11 LAVS) ne doivent pas être prises en compte. Il n’en va pas différemment si les cotisations sociales sont ultérieurement amorties car irrécouvrables.

Consid. 4.6
En conséquence de ce qui précède, la juridiction cantonale a fait une application erronée du droit fédéral en fixant le revenu déterminant au sens de l’art. 23 al. 3 LAI en fonction du « revenu pour lequel l’assuré avait matériellement versé les cotisations » (de CHF 9’333.) et en corrigeant en conséquence le revenu de l’année 2013 soumis aux cotisations (de CHF 66’400).

Consid. 5
Bien fondé, le recours doit être admis, ce qui conduit au renvoi de la cause à l’office AI pour qu’il fixe le montant des indemnités journalières dues à l’assuré en fonction du revenu déterminant de CHF 66’400 (avant indexation).

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_141/2023 consultable ici

 

9C_633/2023 (f) du 24.04.2024 – Cotisations AVS sur les honoraires versés par une société anonyme à un membre du conseil d’administration résidant à Monaco – Pas d’application des conventions ALCP/AELE – 5 al. 2 LAVS – 7 let. h RAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_633/2023 (f) du 24.04.2024

 

Consultable ici

 

Cotisations AVS – Salaire déterminant / 5 al. 2 LAVS – 7 let. h RAVS

Cotisations AVS sur les honoraires versés par une société anonyme à un membre du conseil d’administration résidant à Monaco – Pas d’application des conventions ALCP/AELE

Absence de radiation au registre du commerce de la qualité d’administrateur de l’assuré

 

A.__ SA (ci-après: la société) est active notamment dans la création, la fabrication et la commercialisation de produits d’horlogerie, de bijouterie, d’orfèvrerie et de composants horlogers et industriels. B.__, ressortissant suisse domicilié à Monaco depuis 2010, a été inscrit au registre du commerce en tant qu’administrateur de la société, avec signature collective à deux, du 31.01.2007 au 04.10.2017.

À la suite d’un contrôle d’employeur portant sur les années 2012 à 2015, la caisse de compensation a réclamé à A.__ SA le paiement de la somme de 977’993 fr. 50, plus intérêts moratoires de 181’315 fr. 10, par décisions du 27.11.2017, confirmées sur opposition le 28.02.2022. Ce montant correspondait à la reprise des cotisations paritaires, frais d’administration compris, sur des rémunérations versées en 2012 (2’500’000 fr.), 2013 (2’500’000 fr.), 2014 (1’191’934 fr.) et 2015 (1’191’934 fr.) à B.__. En bref, la caisse de compensation a considéré que les rémunérations versées par la société au prénommé, conformément à la convention de consultant qu’ils avaient signée le 05.11.2012, constituaient un salaire déterminant d’une activité lucrative dépendante soumis aux cotisations sociales.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/664/2023 – consultable ici)

L’instance cantonale a considéré que durant la période litigieuse (de 2012 à 2015), en sa qualité d’organe (formel) de la société recourante, une société anonyme ayant son siège en Suisse, B.__ avait exercé une activité lucrative en Suisse et était obligatoirement assuré au sens de la LAVS (cf. art. 1a al. 1 let. b LAVS). Elle a ensuite admis que l’activité de consultant déployée par le prénommé selon la convention conclue le 05.11.2012 avait été exercée en sa qualité d’organe de la société, si bien que les rémunérations versées en contrepartie correspondaient à un salaire déterminant d’une activité dépendante.

Par jugement du 05.09.2023, rejet des recours de A.__ SA et B.__ par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
On rappellera que le salaire déterminant pour la perception des cotisations comprend toute rémunération pour un travail dépendant, fourni pour un temps déterminé ou indéterminé (art. 5 al. 2 LAVS). Selon l’art. 7 let. h RAVS, le salaire déterminant pour le calcul des cotisations comprend notamment les tantièmes, les indemnités fixes et les jetons de présence des membres de l’administration et des organes dirigeants des personnes morales.

Lorsque des honoraires sont versés par une société anonyme à un membre du conseil d’administration, il est présumé qu’ils lui sont versés en sa qualité d’organe d’une personne morale et qu’ils doivent être, par conséquent, considérés comme salaire déterminant réputé provenir d’une activité salariée (ATF 105 V 113 consid. 3; arrêt 9C_727/2014 du 23 mars 2015 consid. 4.1 et les références). Cette présomption peut être renversée en établissant que les honoraires versés ne font pas partie du salaire déterminant. Tel est le cas lorsque les indemnités n’ont aucune relation directe avec le mandat de membre du conseil d’administration mais qu’elles sont payées pour l’exécution d’une tâche que l’administrateur aurait assumée même sans appartenir au conseil d’administration; en pareille hypothèse, l’intéressé agit en qualité de tiers vis-à-vis de la société et le gain découlant d’une telle activité se caractérise comme un revenu d’une activité indépendante (ATF 105 V 113 consid. 3; arrêts 9C_727/2014 précité consid. 4.1; 9C_365/2007 du 1er juillet 2008 consid. 5.1).

Consid. 3.3
La qualification, au regard des dispositions légales sur les cotisations à l’assurance-vieillesse et survivants, relève d’une question de droit, que le Tribunal fédéral examine librement. Les éléments de fait sur lesquels se fondent les conclusions en droit constituent en revanche des questions de fait soumises au pouvoir d’examen limité du Tribunal fédéral (ATF 144 V 111 consid. 3; arrêt 9C_64/2019 du 25 avril 2019 consid. 2.1).

 

Consid. 5.2.1
Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, dûment rappelée et appliquée par les juges cantonaux, est considéré comme exerçant une activité lucrative en Suisse (au sens de l’art. 1a al. 1 let. b LAVS) et doit payer des cotisations sur les revenus en découlant celui qui est inscrit au registre du commerce comme administrateur, comme directeur ou au titre d’une autre fonction dirigeante d’une personne morale ayant son siège en Suisse et se trouve en mesure d’exercer une influence déterminante sur l’activité de la société suisse, même s’il a son domicile à l’étranger; peu importe qu’il n’use pas effectivement de ses compétences et que la gestion effective de la société soit déléguée à d’autres personnes (ATF 119 V 65 consid. 3b; cf. aussi arrêt 9C_105/2011 du 12 octobre 2011 consid. 4.2).

Consid. 5.2.2
L’argumentation de la société recourante relative à « la date de remise à A.__ SA de la lettre de démission [de B.__] du 05.11.2012 » et quant au « caractère effectif de la démission » est mal fondée. En effet, la juridiction cantonale a considéré que même à admettre que la démission donnée par le prénommé le 05.11.2012 ait été effective, il avait conservé la qualité d’organe de la société durant toute la période litigieuse (de 2012 à 2015), dès lors que la radiation, au registre du commerce, de sa qualité d’administrateur de A.__ SA, n’était intervenue qu’au mois d’octobre 2017.

A ce propos, on rappellera, à la suite de l’instance cantonale et comme le reconnaît la société recourante, que l’inscription au registre du commerce n’a pas un effet constitutif pour la fin des fonctions, la manifestation de volonté qui met un terme à celles-ci produisant ses effets dès qu’elle est parvenue dans la sphère de puissance de son destinataire, indépendamment de l’inscription (cf. GUILLAUME VIANIN, in: Commentaire romand, CO II, 2e éd. 2017, n. 2 ad art. 938b CO et les références). Or en l’occurrence, la société recourante se contente d’affirmer qu’à partir du 05.11.2012, B.__ n’était plus « ni organe formel, ni organe de fait » de A.__ SA, en se référant aussi aux procès-verbaux de l’assemblée générale ordinaire des actionnaires de la société des années 2013 et suivantes, qui ne faisaient plus mention du prénommé. Ce faisant la société ne démontre pas que et en quoi la considération de la juridiction cantonale, selon laquelle elle avait un intérêt – évident – à ce que B.__ figure toujours comme un administrateur au registre du commerce, serait arbitraire ou autrement contraire au droit. Les juges cantonaux ont exposé à ce propos que l’inscription du prénommé au registre du commerce en tant qu’administrateur montrait aux tiers, afin de maintenir leur confiance envers la marque et la société elle-même, que B.__ n’était pas seulement un consultant pour elle mais également un organe (formel) partie prenante aux décisions la concernant. La juridiction cantonale n’a ainsi pas opéré un « amalgame » entre, d’une part, la représentation d’un point de vue marketing à des fins de communication et de publicité découlant de la convention conclue entre B.__ et la société et, d’autre part, la représentation juridique découlant de la fonction d’administrateur du prénommé, contrairement à ce qu’allègue la société recourante. Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu de s’écarter de la conclusion des juges cantonaux, quant au maintien – volontaire – de la qualité d’administrateur de la société de B.__ durant toute la période litigieuse.

Consid. 5.2.3
En conséquence, compte tenu de la qualité de B.__ d’administrateur de A.__ SA, inscrit au registre du commerce de 2007 à 2017, les revenus en découlant sont soumis à la perception des cotisations sociales. Le fait que le prénommé n’aurait pas exercé une influence déterminante sur la marche des affaires de la société, comme le prétend la société recourante, n’est pas déterminant puisqu’il suffit que l’intéressé en eût eu la possibilité conformément à sa position d’organe formel de la société anonyme (consid. 5.2.1 supra). Dans la mesure où la Principauté de Monaco – où est domicilié B.__ depuis 2010 – n’est pas partie à l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681), ni à l’Association européenne de libre-échange (AELE) ni à une autre convention bilatérale avec la Suisse, la législation suisse – notamment l’art. 1a al. 1 let. b LAVS – est applicable, comme l’a dûment exposé la juridiction cantonale. Le recours est mal fondé sur ce point.

Consid. 5.2.4
Le fait qu’une partie des activités de B.__ se soit déroulée à l’étranger ne joue pas de rôle non plus. Comme l’a indiqué le Tribunal cantonal, un membre du conseil d’administration d’une société qui a son siège en Suisse est réputé exercer son activité en Suisse (consid. 5.2.1 supra).

 

Consid. 5.3.1
En ce que la société se contente d’affirmer que B.__ « ne disposait d’aucun pouvoir de représentation au sens des art. 716 ss CO », elle n’expose pas en quoi la qualification de salaire opérée par les juges cantonaux serait contraire au droit. Ceux-ci ont en particulier constaté que selon la convention conclue le 05.11.2012, l’activité de consultant consistait à assister la société pour la représentation et la promotion de la marque – dont le nom est celui de B.__ de même que de la société recourante avec les initiales -, en particulier lors d’événements internationaux. La juridiction cantonale a admis que cette activité entrait dans le cadre de la fonction de B.__ d’administrateur de A.__ SA et qu’il importait peu que cette activité de représentation eût le cas échéant été limitée à la promotion de la marque, au marketing et au prestige, domaines qui ne sont du reste pas exclus de la fonction d’administrateur d’une société anonyme (cf. art. 716 à 721 CO a contrario). Dans ce contexte, c’est en vain que la société recourante se prévaut de l’art. 2.4 de la convention de consultant, selon lequel l’activité de représentation de B.__ n’inclut pas le pouvoir de conclure des contrats ou de prendre d’une autre façon un engagement à son nom et pour son compte. En effet, conformément à l’art. 718a al. 2 CO, une limitation des pouvoirs de représentation d’un membre du conseil d’administration d’une société anonyme n’a aucun effet envers les tiers de bonne foi, à l’exception des clauses inscrites au registre du commerce qui concernent la représentation exclusive de l’établissement principal ou d’une succursale ou la représentation commune de la société. Or en l’occurrence, la restriction des pouvoirs de représentation de B.__ découlant de l’art. 2.4 de la convention du 05.11.2012 n’a pas été inscrite au registre du commerce, ce que la société recourante ne conteste pas. Par ailleurs, en ce qu’elle affirme que les honoraires qu’elle a versés à B.__ conformément à la convention de consultant du 05.11.2012 l’ont été pour « une activité sans lien avec une hypothétique et contestée activité d’organe », la société recourante n’établit nullement que le prénommé aurait exercé les activités en cause indépendamment de sa fonction d’organe. Elle ne parvient dès lors pas à renverser la présomption découlant des art. 5 al. 2 LAVS et 7 RAVS selon laquelle les honoraires versés à un organe d’une personne morale constituent un salaire déterminant (consid. 3.2 supra).

Consid. 5.3.2
C’est également en vain que la société se prévaut encore de certaines autres clauses de la convention de consultant la liant à B.__ pour affirmer que celui-ci aurait exercé une activité indépendante. Elle allègue en particulier à ce propos que l’intéressé disposait d’une très grande liberté quant aux événements auxquels il pouvait prendre part. L’argumentation de la société est mal fondée, dès lors déjà qu’en ce qui concerne le critère de la dépendance à un employeur quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise, le fait invoqué par la société n’apparaît pas à lui seul déterminant (concernant les critères permettant de savoir si l’on a affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée, cf. ATF 149 V 57 consid. 6; 123 V 161 consid. 1 et les références).

Quant à la clause de la convention selon laquelle B.__ exécutait « ses services en tant que mandataire indépendant », en assumant « tous risques de maladie, accident, etc. » et en supportant seul « toute perte, frais ou dommage en résultant », la société recourante ne saurait rien en tirer non plus en sa faveur. Elle n’explique en effet pas en quoi la considération de la juridiction cantonale, selon laquelle cette clause ne constitue qu’une déclaration générale des parties à la convention, à vérifier avec les autres clauses, serait arbitraire ou d’une autre manière contraire au droit. Au demeurant, sous l’angle du risque économique, la société ne conteste pas la considération des juges cantonaux selon laquelle de par l’exécution de ses missions de consultant, B.__ n’avait pas été obligé de consentir à des investissements importants ou de supporter un risque de pertes financières, ce d’autant moins que ses frais principaux de voyages (frais d’hôtel et billets d’avions) étaient payés à l’avance par A.__ SA. Partant, la considération de la juridiction cantonale, selon laquelle les éléments en faveur d’une activité dépendante prédominaient dans le cas présent, doit être confirmée. Le recours est mal fondé sur ce point également.

 

Consid. 6
Eu égard à ce qui précède, il n’y a pas lieu de s’écarter des considérations de la juridiction de première instance, selon lesquelles les rémunérations perçues par B.__ durant la période litigieuse (de 2012 à 2015) constituaient un salaire déterminant provenant d’une activité dépendante et étaient soumises à cotisations sociales. Pour le surplus, la société recourante n’a pas contesté que les salaires tels que rapportés par la caisse de compensation étaient établis par pièces, si bien que les juges cantonaux étaient fondés à confirmer la quotité du montant réclamé à titre de cotisations sociales.

 

Le TF rejette le recours de A.__ SA.

 

 

Arrêt 9C_633/2023 consultable ici