Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique [DNT] 2024

Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique [DNT] 2024

 

L’office fédéral de la statistique (OFS) a publié le 22.05.2025 les chiffres annuels de la durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique (NOGA 2008), en heures par semaine, jusqu’à l’année 2024.

Pour rappel, ces statistiques sont nécessaires pour la détermination des revenus sans et avec invalidité en cas d’utilisation des salaires statistiques (ESS).

 

Notre page « Durée normale du travail dans les entreprises » a été mise à jour.

 

 

8C_344/2024 (f) du 26.03.2025 – Valeur probante d’une expertise médicale – 44 LPGA / Divergences entre les appréciations d’observation professionnelle et médicales

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_344/2024 (f) du 26.03.2025

 

Consultable ici

 

Valeur probante d’une expertise médicale / 44 LPGA

Divergences entre les appréciations d’observation professionnelle et médicales

 

Assuré né en 1996, titulaire d’un CFC d’informaticien, entame en 2017 une formation complémentaire de technicien en informatique interrompue le 20.12.2018 à la suite d’un accident vasculaire cérébral (AVC). Le 06.02.2019, il dépose une demande AI.

L’office AI lui a octroyé successivement plusieurs mesures : observation professionnelle (02.06.2020 – 31.08.2020), entraînement progressif au travail en tant qu’informaticien (01.09.2020 – 30.11.2020), soutien à la recherche d’emploi (08.01.2021 – 02.05.2021) et placement à l’essai au sein de la société C.__ Sàrl avec coaching (03.05.2021 – 15.07.2021). La réintégration de l’assuré sur le marché du travail n’ayant pas réussi, l’Office AI met fin à l’aide au placement le 16.07.2021.

Par préavis du 27.04.2022, l’office AI a indiqué son intention de rejeter la demande de rente, estimant le degré d’invalidité inférieur à 30%. L’assuré a contesté cette décision les 02.05.2022 et 07.06.2022, tout en bénéficiant d’un mandat de soutien auprès de la fondation D.__ d’août 2022 à février 2023.

Le SMR a ordonné une expertise bidisciplinaire, confiée aux Dr E.__ (neurologue FMH) et Dr F.__ (psychiatre-psychothérapeute FMH), certifiés SIM. Leur rapport du 24.01.2023 a conduit l’office AI à allouer à l’assuré, par décision du 16.05.2023, un trois quarts de rente d’invalidité à partir du 01.12.2020.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 28.05.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.3
Le tribunal peut accorder une pleine valeur probante à une expertise mise en œuvre dans le cadre d’une procédure administrative au sens de l’art. 44 LPGA, aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de son bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4; 125 V 351 consid. 3b/bb). En effet, au vu de la divergence consacrée par la jurisprudence entre un mandat thérapeutique et un mandat d’expertise (ATF 124 I 170 consid. 4), on ne saurait remettre en cause une expertise ordonnée par l’administration ou le juge et procéder à de nouvelles investigations du seul fait qu’un ou plusieurs médecins traitants ont une opinion distincte de celle exprimée par les experts. Il n’en va différemment que si ces médecins traitants font état d’éléments objectivement vérifiables ayant été ignorés dans le cadre de l’expertise et qui sont suffisamment pertinents pour remettre en cause les conclusions de l’expertise (arrêt 8C_816/2023 du 28 août 2024 consid. 3.2 et l’arrêt cité).

Consid. 2.4
Par ailleurs, il appartient avant tout aux médecins, et non aux spécialistes de l’orientation professionnelle, de se prononcer sur la capacité de travail d’un assuré souffrant d’une atteinte à la santé et sur les éventuelles limitations résultant de celles-ci (ATF 140 V 193 consid. 3.2; arrêts 9C_462/2022 du 31 mai 2023 consid. 4.2.2.1; 9C_441/2019 du 28 octobre 2019 consid. 3.1). Cependant, les organes d’observation professionnelle ont pour fonction de compléter les données médicales en examinant concrètement dans quelle mesure l’assuré est à même de mettre en valeur une capacité de travail et de gain sur le marché du travail (arrêt 9C_1035/2009 du 22 juin 2010 consid. 4.1, in SVR 2011 IV n° 6 p. 17). Au regard de la collaboration étroite, réciproque et complémentaire, selon la jurisprudence, entre les médecins et les organes d’observation professionnelle (cf. ATF 107 V 17 consid. 2b), on ne saurait toutefois dénier toute valeur aux renseignements d’ordre professionnel recueillis à l’occasion d’un stage pratique pour apprécier la capacité résiduelle de travail de l’assuré en cause. En effet, dans les cas où les appréciations (d’observation professionnelle et médicale) divergent sensiblement, il incombe à l’administration, respectivement au tribunal de confronter les deux évaluations et, au besoin, de requérir un complément d’instruction (arrêts 9C_68/2017 du 18 avril 2017 consid. 4.4.2; 9C_512/2013 du 16 janvier 2014 consid. 5.2.1 et les arrêts cités).

Consid. 3.1 [résumé]
Les juges cantonaux ont accordé une pleine force probante au rapport d’expertise bidisciplinaire du 24.01.2023, tant sur le plan formel que matériel. Ils ont retenu que l’assuré présentait une phobie sociale, un probable syndrome d’Asperger et des séquelles d’un AVC survenu quatre ans auparavant, sans déficit sensitivomoteur mais avec une fatigue persistante, une fatigabilité accrue et des troubles neuropsychologiques durables.

La juridiction cantonale a fait sienne l’appréciation consensuelle des experts, qui ont estimé la capacité de travail à 50% dans l’activité habituelle et entre 60% et 70% dans une activité adaptée, à savoir une activité évitant le stress et exercée dans un milieu de travail bienveillant, avec peu d’exposition au regard des autres et le moins possible de contacts avec la clientèle ou des collègues, ainsi que de changements de collègues, de clients ou encore de responsables.

Sur cette base, le taux d’invalidité a été fixé à 61% dès le 01.12.2021, ouvrant droit à un trois-quarts de rente d’invalidité.

Consid. 3.2 [résumé]
L’assuré reproche à la juridiction inférieure d’avoir fondé son jugement sur une expertise du 24.01.2023 qu’il juge lacunaire et inexacte. Il relève que le psychiatre expert a évoqué un syndrome d’Asperger « à confirmer » sans en examiner l’incidence sur la capacité de travail. Les juges cantonaux auraient également écarté les conclusions du psychiatre traitant de l’assuré, du 19.06.2023, en retenant un rapport de complaisance de la part de ce dernier, alors qu’il serait le seul à s’être intéressé au diagnostic d’Asperger, à l’avoir confirmé et à s’être exprimé sur les limitations de la capacité de travail en lien avec ce diagnostic.

L’assuré dénonce l’absence dans l’expertise d’éléments clés des rapports d’observation professionnelle, notamment ceux de la Fondation B.__ concernant ses limitations sur le marché ordinaire. Il souligne une contradiction dans l’évaluation du rendement à 50-60% par l’Orif, calculé sur une base horaire réduite à 60%, ce qui ramènerait sa capacité réelle à 30-36%.

L’assuré critique en outre le fait que les juges cantonaux aient suivi les conclusions de l’expert-psychiatre concernant sa capacité de travail en dépit du fait que celles-ci divergeaient de celles issues des rapports d’observation professionnelle et que l’expert-psychiatre ne se soit pas exprimé au sujet de ces divergences. L’assuré argue également que sa capacité de travail est nulle sur le premier marché de l’emploi, les conditions-cadres spécifiées par les experts dans une activité adaptée étant typiques de celles d’un atelier protégé, ce que les juges cantonaux n’auraient pas retenu.

Consid. 4.1
Les griefs de l’assuré à l’encontre du jugement entrepris, en tant qu’il reconnaît une pleine valeur probante à l’expertise bidisciplinaire ordonnée par l’office AI, sont fondés dans une large mesure.

Dans la partie « résumé médico-assécurologique commun », en particulier, cette expertise mentionne le rapport final de l’Orif du 19.07.2021 en indiquant que le rendement de l’assuré y était évalué entre 50 et 60%. Comme le souligne l’assuré, elle omet de préciser que ce rendement limité n’était obtenu que sur une activité exercée à 60%, ce qui entraîne une présentation erronée de la capacité de travail effective de l’assuré constatée par l’Orif (30 à 36%, et non 50 à 60%). Certes, l’expert-psychiatre et l’expert-neurologue mentionnent ensuite que la précédente activité était exercée à raison de quatre heures par jour seulement. Toutefois, l’ambiguïté demeure, dès lors qu’ils font état d’une capacité de travail de 40 à 60% dans cette activité sans discuter des constatations effectuées lors des stages professionnels, relatives à une capacité de travail notablement inférieure et qui sont à peine évoquées. L’expert-psychiatre n’expose par ailleurs pas comment il aboutit pour sa part au constat d’une capacité de travail globale de 40 à 60% dans cette activité, tout en admettant une performance globale réduite dans la même mesure sur un temps de présence limité à quatre heures par jour, ce qui paraît contradictoire.

Enfin, au regard de la capacité de travail tout de même très limitée constatée lors de stages sous l’égide de l’assurance-invalidité dans un environnement déjà très bienveillant, les constatations de l’expert-psychiatre relatives à une capacité de travail de 70 à 80% dans une activité exercée à plein temps, divergent manifestement de celles effectuées par l’Orif, même si l’on prend en considération les limitations mentionnées par l’expert, relatives à la nécessité d’un employeur présentant une bienveillance supérieure à la norme, ainsi que d’éviter autant que possible le regard des autres et les impératifs d’interaction sociale régulière, de même que les contacts avec les collègues ou la clientèle aussi restreints que possible, même par téléphone. L’expert-psychiatre ne pouvait passer purement et simplement sous silence ces divergences.

Selon les juges cantonaux, l’expert-psychiatre a estimé de manière convaincante que les troubles psychiques de l’assuré ne sont que faiblement incapacitants, en mettant en relief les ressources conséquentes dont il disposait. Il avait ainsi pu terminer sa scolarité et obtenir un certificat fédéral de capacité, disposait de très bonnes compétences en informatique, apprenait rapidement, était consciencieux, discipliné et réaliste, mais aussi méthodique, analytique et orienté vers les détails. Il pouvait également compter sur le soutien de sa famille. En outre, toujours selon la Cour cantonale, l’expert-psychiatre avait considéré que la capacité de travail de l’assuré pouvait encore être améliorée par une prise en charge plus serrée et spécifique des troubles d’anxiété sociale, avec une intensification de la médication. Sur ce dernier point, on doit toutefois constater que l’expert-psychiatre a évoqué un probable syndrome d’Asperger, en laissant ce diagnostic ouvert dès lors qu’il devrait être confirmé par de plus amples investigations.

Or il est pour le moins prématuré de se prononcer sur les possibilités de prise en charge médicale et d’amélioration des symptômes ainsi que de la capacité résiduelle de travail, notamment par un traitement médicamenteux, sans préalablement vérifier la pertinence du diagnostic de syndrome d’Asperger, comme le relève à juste titre l’assuré. Par ailleurs, en ce qui concerne les ressources de l’assuré, les juges cantonaux, comme l’expert-psychiatre, ont dans une large mesure retranscrit la description qu’en faisait lui-même l’assuré dans son curriculum vitae. Cela prête à discussion et il aurait convenu d’en vérifier la pertinence, ou du moins de l’étayer par les observations faites lors des stages professionnels.

Enfin, l’assuré a produit en instance cantonale un rapport de la Fondation D.__, qui constate l’échec de toutes les tentatives d’insertion professionnelle de l’assuré pendant un accompagnement de six mois et recommande une activité auprès d’un employeur bienveillant non pas sur le premier marché du travail, mais sur le « deuxième marché du travail », autrement dit dans un milieu protégé. Les juges cantonaux ont totalement passé sous silence ces conclusions, qui paraissent, comme les constatations de l’Orif, difficilement compatibles avec la capacité résiduelle de travail de 70 à 80% constatée par l’expert-psychiatre sur le marché primaire de l’emploi, même auprès d’un employeur bienveillant et en limitant autant que possible tous contacts sociaux.

Consid. 4.2
Il ressort de ce qui précède que l’expertise bidisciplinaire présente des lacunes que l’on ne peut ignorer, dans la mesure où l’anamnèse socio-professionnelle comporte des imprécisions notables et où les experts, en particulier l’expert-psychiatre, n’exposent pas de manière claire pourquoi ils se distancient de l’évaluation de la capacité de travail lors des stages professionnels effectués par l’assuré.

Au vu de leurs constatations peu claires, pour autant qu’elles ne soient pas même contradictoires, relatives à la capacité de travail dans les activités effectuées pendant ces stages, il n’est d’ailleurs pas sûr qu’ils aient pris la mesure des empêchements présentés par l’assuré, quand bien même ils en ont retenu que les contacts sociaux devaient être limités autant que possible.

L’analyse des ressources de l’assuré est relativement sommaire, se limitant au constat d’une scolarité obligatoire et de l’obtention d’un certificat fédéral de capacité ainsi qu’à la retranscription des qualités que se prête l’assuré dans son curriculum vitae ainsi qu’à la référence à un soutien par la famille et le réseau de soins.

Le diagnostic psychiatrique reste également à préciser, ce qui ne permet pas de tirer de conclusions sur les possibilités d’amélioration des symptômes et de la capacité de travail par un traitement, contrairement à ce que les juges cantonaux ont pris en considération dans leur appréciation.

Dans ces conditions, la juridiction cantonale ne pouvait pas, sans arbitraire, attribuer une pleine valeur probante à l’expertise et statuer sans autre mesure d’instruction, en passant également sous silence les conclusions du rapport de la Fondation D.__. La cause lui sera donc renvoyée afin qu’elle ordonne une nouvelle expertise bidisciplinaire et statue à nouveau.

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_344/2024 consultable ici

 

Interpellation Porchet 25.3072 « Quelle reconnaissance dans la LAA/OLAA pour les victimes de viol ? » – Avis du Conseil fédéral du 21.05.2025

Interpellation Porchet 25.3072 « Quelle reconnaissance dans la LAA/OLAA pour les victimes de viol ? » – Avis du Conseil fédéral du 21.05.2025

 

Consultable ici

 

Texte déposé

Dans son arrêt 8C_548/2023 (d) du 21.02.2024 – Notion d’accident – Acte d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance, le Tribunal fédéral considère qu’une agression sexuelle, a fortiori en situation de soumission chimique, pourtant dénoncée et reconnue, ne pouvait pas être qualifiée d’accident au sens de l’art. 4 LPGA. L’impact de cette jurisprudence est lourd pour les victimes concernées : pas d’indemnités journalières, pas de prise en charge de l’examen médical (art. 10 LAA).

Selon le TF, le fait d’être inconsciente au moment de l’agression et de ne pas avoir de souvenir de l’acte permettait de considérer que ce n’est pas un accident. Certaines violences sexuelles, vu leur effet traumatisant, empêchent les victimes d’en avoir un souvenir immédiat. La jurisprudence du TF en déduit qu’il ne s’agit alors pas d’un « événement d’une grande violence survenu en présence de la personne assurée » (ce qui permettrait de qualifier d’accident les traumatismes qui sont engendrés par l’agression). Le motif invoqué par le TF est très choquant : c’est parce que la personne n’en a d’abord pas le souvenir que le TF considère que l’agression est « hors de sa présence » et ainsi qu’une condition fait défaut pour qualifier le cas d’accident. L’argument tiré des premières déclarations (lesquelles font foi sur les autres) témoigne d’une grande méconnaissance de la problématique des violences sexuelles (les souvenirs reviennent ensuite, par bribes), et en particulier en cas de soumission chimique.

Dans ces conditions, je pose les questions suivantes au Conseil fédéral :

  1. Le Conseil fédéral considère-t-il comme important que la LAA et l’OLAA permettent une prise en charge uniforme par l’assurance-accident des victimes de violences sexuelles?
  2. Comment le CF évalue-t-il l’évolution de la pratique depuis l’arrêt 8C_548/2023 (d) du 21.02.2024 du Tribunal fédéral?
  3. Le CF reconnaît-il l’effet traumatique des violences sexuelles sur les victimes et l’importance de prendre en compte cet aspect des violences sexuelles dans la mise en œuvre de la LAA et de l’article 4 LPGA?
  4. Selon le CF, la soumission chimique peut-elle permettre la qualification d’accident?
  5. Le CF est-il prêt à modifier la LAA et/ou l’OLAA pour permettre une prise en charge uniforme par l’assurance-accident des victimes de violences sexuelles?

 

Avis du Conseil fédéral du 21.05.2025

L’article 4 de la loi sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA ; RS 830.1) prévoit que, est réputée accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort. De façon générale, le Tribunal fédéral a toujours retenu que le viol ou la contrainte sexuelle pouvait déclencher une réaction immédiate de peur et d’effroi et était constitutif d’un événement de terreur extraordinaire répondant à la notion d’accident. Dans l’arrêt mentionné dans l’interpellation, le Tribunal fédéral a toutefois estimé, en se basant sur une jurisprudence constante, que le caractère accidentel ne pouvait pas être retenu. Les juges ont rappelé que, pour qu’un accident au sens juridique du terme existe en cas d’atteinte à la santé psychique due à choc émotionnel, il faut « un événement terrible et extraordinaire, qui entraîne un choc psychique correspondant, déclenché par un incident violent se déroulant en présence immédiate de la personne assurée, et être susceptible, par sa violence inattendue, de provoquer des effets typiques de l’angoisse (paralysie, emballement cardiaque), même chez une personne en bonne santé, en perturbant son équilibre psychique ».

Le Tribunal cantonal avait estimé que l’événement avait déclenché chez l’assurée une réaction immédiate de peur et de terreur et a donc eu un impact soudain sur son psychisme, ce qui implique l’admission d’un événement traumatisant extraordinaire répondant à la définition d’un accident. Saisi d’un recours, le Tribunal fédéral, tout en admettant que l’assurée a été victime d’une agression sexuelle, a pour sa part nié l’existence d’un accident. Il a estimé que, l’assurée n’ayant pas pris conscience de l’incident immédiatement, la condition de l’immédiateté n’était pas remplie. L’interprétation du Tribunal fédéral a donc été différente de celle du Tribunal cantonal.

Le Conseil fédéral répond comme suit aux questions de l’interpellation :

  1. Le cadre légal actuel prévoit que la législation sur l’assurance-accidents s’applique, lorsque l’événement à l’origine de l’affection remplit les critères constitutifs de la notion juridique d’accident. La grande majorité des cas de violences sexuelles remplissent ces critères.
  2. L’arrêt dont fait mention l’interpellation n’a pas impliqué de changement de jurisprudence. Il confirme au contraire une jurisprudence constante du Tribunal fédéral en matière d’influences soudaines sur le psychisme dues à la peur. En ce sens, le Conseil fédéral n’a pas constaté de changement de pratique.
  3. Le Conseil fédéral reconnait le traumatisme des victimes de violences sexuelles. Il estime fondamental qu’elles puissent être reconnues comme telles et prises en charge par les différents organes compétents en la matière, comme les centres dépendants de la loi fédérale sur les victimes d’infractions (LAVI ; RS 312.5). Le Conseil fédéral reconnait l’importance de la prise en charge par l’assurance-accidents des conséquences des violences sexuelles.
  4. La détermination du caractère accidentel d’un événement s’effectue au cas par cas, en fonction des circonstances. Le Conseil fédéral estime que, de façon générale, la présence d’une soumission chimique ne doit pas forcément exclure l’existence d’un accident au sens juridique du terme.
  5. En l’état actuel du droit, les conséquences des violences sexuelles peuvent aujourd’hui être prises en charge par l’assurance-accidents, si l’événement à l’origine des affections répond aux critères constitutifs de la notion juridique d’accident. Cela étant, le Conseil fédéral examinera si et comment les bases juridiques peuvent être adaptées afin que le viol soit toujours également reconnu comme un accident en cas de «soumission chimique».

 

Interpellation Porchet 25.3072 « Quelle reconnaissance dans la LAA/OLAA pour les victimes de viol ? » – Avis du Conseil fédéral du 21.05.2025 consultable ici

 Ma traduction de l’arrêt du TF 8C_548/2023 (d) du 21.02.2024 disponible ici

Un article sera prochainement rédigé par mes soins au sujet de cet arrêt.

 

5A_336/2023 (d) du 17.07.2024 – Mariage conclu sous le régime de la séparation de biens – Partage de la prévoyance – Prise en compte des retraits EPL – Indemnité équitable / 123 CC – 124e al. 1 CC – 207 al. 1 CC

Arrêt du Tribunal fédéral 5A_336/2023 (d) du 17.07.2024, publié aux ATF 150 III 353

 

Arrêt 5A_336/2023 consultable ici et ATF 150 III 353

Résumé issu du Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 166 ch. 1155

 

Mariage conclu sous le régime de la séparation de biens – Partage de la prévoyance – Prise en compte des retraits EPL – Indemnité équitable / 123 CC – 124e al. 1 CC – 207 al. 1 CC

 

Le retrait anticipé au titre de l’encouragement à la propriété du logement (EPL) est soumis au partage de la prévoyance. Lorsque, à la dissolution d’un mariage conclu sous le régime de la séparation de biens, un des deux conjoints a atteint l’âge de référence et perçoit une rente de vieillesse au moment du dépôt de la demande de divorce, le montant du retrait EPL ne peut être partagé par moitié du fait de la séparation de biens, mais donne droit à une indemnité équitable en vertu de l’art. 124e CC. Le montant du retrait EPL ne peut toutefois pas être simplement partagé par moitié, car il faut tenir compte de la part dont il a été fait théoriquement usage pendant le mariage.

Dans la présente affaire, il s’agit de déterminer si un retrait anticipé pour la propriété du logement effectué pendant le mariage est soumis au partage de la prévoyance lorsque les conjoints ont choisi le régime matrimonial de la séparation de biens et que le conjoint tenu de fournir une compensation a déjà atteint l’âge de référence.

En principe, le retrait EPL sort du circuit de la prévoyance dès la survenance du cas de prévoyance vieillesse, et l’avoir retiré devient un élément de la fortune du preneur de prévoyance. Dans la liquidation du régime matrimonial, un tel retrait est généralement partagé entre les conjoints. Cependant, lorsque, comme en l’espèce, le régime de la séparation des biens ne permet pas un tel partage, une indemnité équitable est due (art. 124e CC). Selon le TF, cette indemnité représente une compensation pour le fait que la rente de vieillesse à partager est, en raison du retrait EPL, inférieure à celle qui aurait été versée si le divorce avait été prononcé avant la survenance du cas de prévoyance.

Le TF parvient à la conclusion qu’un retrait EPL ne peut pas être simplement partagé par moitié, car une partie a théoriquement déjà été utilisée pendant le mariage. Pour calculer le montant de l’indemnité prévue à l’art. 124e CC, le TF détermine la rente qui aurait résulté du montant du retrait EPL si celui-ci était resté dans le circuit de la prévoyance. Le montant de cette rente hypothétique est capitalisé jusqu’à l’entrée en force du divorce. La différence entre la rente capitalisée et le montant du retrait initial constitue la valeur à prendre en compte pour déterminer l’indemnité équitable. Le point de départ dans la détermination de l’indemnité équitable est le partage par moitié de l’avoir de prévoyance (art. 124e CC en relation avec l’art. 123 CC). Le TF renvoie l’affaire à l’instance précédente en lui demandant de fixer le montant de l’indemnité équitable conformément à l’arrêt.

 

Arrêt 5A_336/2023 consultable ici et ATF 150 III 353

 

EPL : mise en location d’un premier logement suivie de l’acquisition d’un nouveau logement – Prise de position de l’OFAS

EPL : mise en location d’un premier logement suivie de l’acquisition d’un nouveau logement – Prise de position de l’OFAS

 

Prise de position de l’OFAS dans le Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 166 ch. 1152 (consultable ici)

 

En principe, une personne assurée qui a déjà acquis la propriété d’un premier logement au moyen de l’EPL et qui l’a mis en location ultérieurement ne peut plus acquérir la propriété d’un nouveau logement au moyen de l’EPL, sauf si elle revend son premier logement ou rembourse son premier retrait EPL.

Suite à des questions, l’OFAS apporte la précision suivante :

Lorsqu’une personne assurée a déjà effectué un premier retrait EPL pour acquérir la propriété de son logement et qu’elle a mis en location celui-ci ultérieurement tout en restant propriétaire, il n’y a en principe pas d’obligation de rembourser le montant de ce premier retrait, comme indiqué dans les Bulletins de la prévoyance professionnelle n° 55 ch. 329 p. 12, n° 135 ch. 889 p. 7 et n° 157 ch. 1073 p. 4.

Toutefois, si la personne assurée souhaite acquérir la propriété d’un nouveau logement, elle ne pourra en principe plus recourir à l’EPL, sauf si elle revend son premier logement et qu’elle réinvestit le produit de la vente dans un délai de 2 ans dans un nouveau logement en propriété (art. 30d al. 4 LPP). Si la personne ne souhaitait pas revendre son premier logement, elle pourrait alors rembourser par ses propres moyens financiers le montant de son premier retrait EPL. En cas d’achat-revente dudit logement, il faut radier la mention de la restriction du droit d’aliéner existante dans le registre foncier et y saisir celle liée au nouveau bien. Au-delà de ce délai de 2 ans après la vente du premier logement, la personne assurée devra procéder au remboursement du premier retrait EPL grâce au produit de cette vente immobilière.

En effet, l’EPL ne peut pas servir à financer l’acquisition de deux ou plusieurs objets immobiliers mais doit servir uniquement à financer l’acquisition d’un seul logement (art. 1 al. 2 OEPL) pour ses propres besoins (art. 30c al. 1 LPP et 4 OEPL). Sinon, il y aurait le risque que l’EPL ne serve plus à financer l’accession à la propriété du logement occupé personnellement par l’assuré et sa famille mais qu’il soit utilisé à des fins purement lucratives par l’acquisition et la mise en location de différents biens immobiliers. Le présent cas de mise en location d’un premier logement suivi de l’acquisition d’un nouveau logement est donc différent du cas « simple » (objet des Bulletins susmentionnés) où la personne se limite seulement à mettre en location le logement dont elle reste propriétaire, cela sans envisager une nouvelle acquisition immobilière au moyen de l’EPL et sans exclure la possibilité de retourner habiter dans ce même logement.

 

Prise de position de l’OFAS dans le Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 166 ch. 1152 (consultable ici)

 

9C_63/2024 (f) du 10.02.2025 – Mode d’élection des représentants du personnel au sein du conseil d’administration de la Caisse de prévoyance – Gestion paritaire – 51 LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_63/2024 (f) du 10.02.2025

 

Arrêt consultable ici

Résumé issu du Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 166 ch. 1154

 

Mode d’élection des représentants du personnel au sein du conseil d’administration de la Caisse de prévoyance – Gestion paritaire / 51 LPP

 

L’art. 51 LPP n’exige pas la participation des associations professionnelles dans la désignation des représentants des assurés. Par ailleurs, régler les modalités de la désignation des représentants des personnes salariées par voie réglementaire est une tâche qui appartient à l’institution de prévoyance, singulièrement à son organe suprême, en vertu de l’art. 51 al. 2 let. a LPP.

Les recourants soutiennent que le nouveau mode d’élection des représentants du personnel au sein du conseil d’administration de la Caisse de prévoyance du personnel de l’Etat de Fribourg (CPPEF) serait incompatible avec l’exigence d’une gestion paritaire des institutions de prévoyance prévue par l’art. 51 LPP. Ils font valoir que la nouvelle réglementation supprime la place des syndicats et autres associations du personnel, prévoit un mode de scrutin dans lequel « l’Etat-employeur » peut s’immiscer et annihile toute possibilité pour les salariés d’être convenablement représentés par des personnes ayant les connaissances requises et le soutien nécessaire.

Selon le TF, ce nouveau mode d’élection ne contrevient pas aux règles concernant la gestion paritaire posées par l’art. 51 LPP, pour les raisons suivantes :

En premier lieu, l’art. 51 LPP n’exige pas la participation des associations professionnelles dans la désignation des représentants des assurés. C’est donc en vain que les recourants se prévalent du fait que les associations du personnel seraient « éjectées » par la réforme. Selon l’art. 51 al. 3, 1re et 2°phrases, LPP, les assurés désignent leurs représentants, en règle générale, directement ou par l’intermédiaire de délégués. Si à l’intérieur de ce cadre légal, les institutions de prévoyance disposent d’une grande marge de manœuvre pour régler le mode d’élection des représentants des assurés, les représentants des salariés doivent cependant être désignés par les salariés et ceux des employeurs par les employeurs (cf. art. 49 al. 1 en relation avec l’art. 51 al. 2 et 3 LPP; Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 77 let. C ch. 2. p. 3 s.). La désignation des représentants peut dès lors avoir lieu directement par tous les assurés, par la commission de prévoyance élue au sein de l’entreprise, par les associations des partenaires sociaux (syndicats, associations d’employeurs) ou par d’autres délégués (Bulletin cité, let. C ch. 2 p. 4). La participation des syndicats ou associations pour la désignation des représentants des assurés n’est pas imposée par le droit fédéral.

L’institution de prévoyance doit par ailleurs tenir compte des différentes catégories de salariés et de leur importance numérique, en veillant à ce que la représentation de celles-ci au sein de l’organe paritaire soit équitable (cf. art. 51 al. 2 let. b LPP; Message LPP, FF 1976 1 117 p. 173; ATF 142 V 239 consid. 2.1).

 

Arrêt 9C_63/2024 consultable ici

 

8C_587/2024+8C_589/2024 (f) du 25.03.2025 – Qualité de travailleur assuré à titre obligatoire – Début et fin de la couverture d’assurance – Caractère réel du contrat de travail – 1a LAA – 3 LAA / Vraisemblance des salaires versés niée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_587/2024+8C_589/2024 (f) du 25.03.2025

 

Consultable ici

 

Qualité de travailleur assuré à titre obligatoire – Début et fin de la couverture d’assurance – Caractère réel du contrat de travail / 1a LAA – 3 LAA

Vraisemblance des salaires versés niée

 

Dans le cadre du contrat de travail du 26.08.2010, l’assuré, engagé par l’entreprise individuelle de son père B.__ (ci-après: l’entreprise B.__), active dans le secteur de la construction, occupait un poste d’aide monteur polyvalent avec un salaire mensuel brut de 1’200 CHF incluant jours fériés et 13ᵉ salaire, pour une durée hebdomadaire variable. Le 16.06.2020, l’assuré – qui participait régulièrement à des courses de supercross aux États-Unis – a chuté lors d’un entraînement dans ce pays, ce qui a occasionné une fracture de la troisième vertèbre thoracique avec recul du mur postérieur et compression de la moelle, à l’origine d’une paraplégie immédiate.

Par décision du 23.04.2021 confirmée sur opposition le 23.09.2021, l’assurance-accidents a refusé de prendre en charge les suites de l’accident. En substance, elle a retenu que l’assuré avait travaillé en dernier lieu pour l’entreprise familiale le 28.12.2019 et qu’il s’était trouvé ensuite en congé sabbatique aux États-Unis. Malgré l’apparent versement d’un salaire entre décembre 2019 et juin 2020, la situation devait être considérée comme un congé non payé, eu égard au fait que l’assuré n’avait fourni aucune contrepartie professionnelle pendant près de six mois. Dans ces conditions, il n’était pas assuré selon la LAA au moment de l’accident survenu le 16.06.2020.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 147/21 et AA 148/21 – 93/2024 – consultable ici)

Par jugement du 28.08.2024, rejet du recours de l’assuré et de celui de la caisse-maladie par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 1a al. 1 let. a LAA, sont assurés à titre obligatoire contre les accidents les travailleurs occupés en Suisse, y compris les travailleurs à domicile, les apprentis, les stagiaires, les volontaires ainsi que les personnes travaillant dans des écoles de métiers ou des ateliers protégés. Aux termes de l’art. 1 OLAA, est réputé travailleur selon l’art. 1a al. 1 LAA quiconque exerce une activité lucrative dépendante au sens de la législation fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants (AVS). De manière générale, la jurisprudence considère comme tel la personne qui, dans un but lucratif ou de formation et sans devoir supporter de risque économique propre, exécute durablement ou provisoirement un travail pour un employeur, auquel il est plus ou moins subordonné. Sont ainsi visées avant tout les personnes au bénéfice d’un contrat de travail au sens des art. 319 ss CO ou qui sont soumises à des rapports de service de droit public (ATF 144 V 411 consid. 4.2; 141 V 313 consid. 2.1). Dans le doute, la qualité de travailleur doit être déterminée, de cas en cas, à la lumière de l’ensemble des circonstances de l’espèce, notamment au regard de l’existence d’une prestation de travail, d’un lien de subordination et d’un droit au salaire sous quelque forme que ce soit (arrêts 8C_419/2022 du 6 avril 2023 consid. 3.1; 8C_59/2022 du 6 septembre 2022 consid. 3.1 et les arrêts cités). Selon la jurisprudence afférente aux art. 319 ss CO, les éléments caractéristiques du contrat de travail sont une prestation de travail, un rapport de subordination, une rémunération et un élément de durée (ATF 148 II 426 consid. 6.3). Ces quatre conditions à l’existence d’un contrat de travail sont cumulatives (ANNE MEIER, in Commentaire romand, Code des obligations I, 3e éd. 2021, n° 8 ad art. 319 CO).

Consid. 3.2
L’art. 3 LAA prévoit que l’assurance produit ses effets dès le jour où débutent les rapports de travail ou dès que naît le droit au salaire, mais en tout cas dès le moment où le travailleur prend le chemin pour se rendre au travail (al. 1, première phrase); l’assurance cesse de produire ses effets à la fin du 31 e jour qui suit le jour où prend fin le droit au demi-salaire au moins (al. 2, première phrase). Pendant un congé non payé, les rapports de travail, qui continuent d’exister, sont suspendus. La prise d’un congé non payé a donc pour conséquence la suspension des obligations principales découlant du rapport de travail, à savoir l’obligation de travailler de l’employé ainsi que l’obligation de l’employeur de verser le salaire, tout en limitant également certaines obligations accessoires, comme par exemple le droit de donner des instructions et le devoir de protection de l’employeur, ainsi que le devoir de fidélité du travailleur. Le congé non payé a aussi des répercussions du point de vue des assurances sociales. Conformément à l’art. 3 al. 2 LAA, l’assurance-accidents obligatoire prend fin le 31e jour suivant le jour où cesse le droit au demi-salaire, ce qui signifie qu’au-delà d’un congé non payé de 31 jours, il n’y a plus de couverture d’assurance, même si les rapports de travail ne sont que suspendus (arrêts 8C_413/2019 du 22 août 2019 consid. 6.1; 8C_472/2018 du 22 janvier 2019 consid. 5.1.1; CÉCILE MATTER/CLAUDIO HELMLE, in Basler Kommentar, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n° 29 ad art. 3 LAA).

Consid. 3.3 [résumé]
La compétence de l’assureur dépend de l’activité exercée au moment de l’accident : l’assureur de l’employeur concerné couvre les accidents professionnels (art. 77 al. 1 LAA), tandis que celui de la dernière activité couvre les accidents non professionnels (art. 99 OLAA). En cas de pluralité d’employeurs, l’assureur compétent est celui lié à l’activité en cours lors de l’accident (art. 99 al. 1 OLAA).

Consid. 4.1 [résumé]
Les juges cantonaux ont relevé plusieurs indices laissant douter du caractère réel du contrat de travail daté du 26.06.2010. Ils ont constaté que les revenus bruts figurant à l’extrait de compte individuel de l’assuré ne correspondaient pas aux modalités prévues dans le contrat, ce qui suggérait que ce dernier aurait pu être rédigé a posteriori pour servir les intérêts du dossier. Par ailleurs, le contrat ne précisait pas le nombre d’heures mensuelles à effectuer, ce qui était inhabituel, et aucun élément probant ne venait étayer l’assertion de la caisse-maladie recourante selon laquelle l’assuré aurait occupé un emploi à 30%. Il n’était en outre pas contesté qu’aucune trace des heures de travail ni de la présence de l’assuré n’était tenue, rendant toute vérification sur l’activité réellement accomplie ou sur une éventuelle compensation annuelle impossible.

L’entreprise B.__ expliquait l’absence de relevés horaires par le versement d’un salaire mensuel et affirmait que l’assuré aurait doublé son temps de travail entre juin et décembre 2019 afin de cumuler assez de jours pour compenser un congé sabbatique prévu en 2020. Or, cette explication paraissait peu vraisemblable, l’assuré ayant participé à un championnat de supercross aux États-Unis durant l’été 2019, comme l’établissait une interview accordée au site Internet (…). Le dossier ne contenait en outre aucune quittance de salaire ni relevé bancaire attestant le paiement effectif du salaire convenu, et notamment, un versement de CHF 6’000 opéré le 26.03.2020 n’apparaissait pas dans la comptabilité 2020 de l’entreprise.

L’analyse de la comptabilité des années 2019 et 2020 révélait en outre que les paiements de salaires étaient enregistrés comme des opérations de caisse, alors même que l’entreprise ne disposait pas des fonds nécessaires, selon le compte «Caisse» de 2019. De plus, toutes les écritures transitaient par le compte transitoire «Salaire à payer», avec, chose inhabituelle, la même date pour toutes les écritures mensuelles de salaire. Pour l’année 2020, le compte «Caisse» indiquait un seul versement pour l’ensemble du salaire annuel, enregistré le 31 décembre 2020.

Au vu de l’ensemble de ces éléments et de l’absence de preuve quant à la réception effective des montants en question, les juges cantonaux ont retenu qu’il s’agissait de simples écritures comptables, sans réels mouvements de fonds en faveur de l’assuré.

Consid. 4.2 [résumé]
Les juges cantonaux ont examiné la nature des activités professionnelles de l’assuré au moment de l’accident. Bien que celui-ci ait occasionnellement aidé l’entreprise familiale, ils ont souligné que son engagement principal en 2020 était lié à sa carrière de pilote professionnel de supercross pour l’écurie C.__. Cette activité, exercée depuis 2015, était qualifiée de professionnelle malgré l’absence de contrat écrit ou de rémunération directe, l’écurie fournissant le matériel nécessaire en contrepartie, ce qui établissait un lien de subordination au sens de l’art. 3 LAA.

L’instance cantonale a rejeté l’argument d’un retour prévu en Suisse durant la pause du championnat (du 08.02.2020 au 28.03.2020). La pause en question était destinée à prendre du repos avant de reprendre l’entraînement physique et technique et à faire des tests de matériel dans la perspective des prochaines courses, sans intention de reprendre son activité chez B.__. La cour cantonale en a conclu que son activité de pilote ne constituait pas une simple activité de loisirs, mais une véritable activité professionnelle, exercée en 2020 pour le compte d’un employeur, l’écurie C.__. Dès lors, les deux activités (emploi familial et carrière sportive) n’étaient pas simultanées et s’excluaient l’une l’autre.

Au moment de l’accident du 16.06.2020, l’assuré ne travaillait pas pour l’entreprise de son père, mais pour l’écurie C.__. Il n’appartenait donc pas à l’assurance-accidents de prendre en charge le cas, conformément aux art. 77 al. 1, première phrase, LAA et 99 al. 1 OLAA a contrario.

Consid. 4.3
Le tribunal cantonal a ensuite considéré que l’assuré ne pouvait pas se prévaloir du principe de la protection de la bonne foi pour obtenir des prestations de la part de l’assurance-accidents. Le fait qu’il avait bénéficié de prestations de celle-ci lors d’un précédent accident n’était pas décisif. Au surplus, l’assurance-accidents ne lui avait pas fait une quelconque promesse de prise en charge d’un éventuel nouvel accident de supercross. Enfin, par appréciation anticipée des preuves, la juridiction cantonale a rejeté les requêtes de l’assuré d’audition de témoins, qui auraient pu préciser les contours de son activité pour l’entreprise B.__.

 

Consid. 5.2.1 [résumé]
Les juges cantonaux ont relevé plusieurs éléments suggérant un caractère fictif du contrat de travail entre l’assuré et l’entreprise B.__, sans statuer définitivement sur son existence réelle. Bien qu’il ait admis la possibilité de prestations occasionnelles pour cette entreprise, il a retenu qu’au moment de l’accident du 16.06.2020, l’assuré exerçait exclusivement son activité de pilote pour l’écurie C.__, exonérant ainsi l’assureur-accidents de toute obligation. Cette motivation n’a toutefois pas clarifié la qualification juridique du contrat de travail ni statué sur la qualité de travailleur assuré au sens de l’art. 1a al. 1 let. a LAA, laissant dans l’incertitude la couverture de l’activité sporadique pour l’entreprise familiale.

Consid. 5.2.2 [résumé]

Cela étant, le tribunal cantonal a établi de manière non arbitraire que l’assuré résidait aux États-Unis depuis janvier 2020 pour participer à un championnat de supercross et n’envisageait pas de revenir en Suisse lors de la pause de six semaines (février-mars 2020). Cette conclusion s’appuie sur son interview publiée, où il détaillait une semaine de repos suivie de préparations sportives, sans mention d’un retour. Les versions contradictoires de l’assuré – retour prévu en avril puis en mai 2020 – ont été jugées irrecevables au regard du calendrier des compétitions (épreuve prévue le 04.04.2020) et de son projet de développer son entreprise D.__ aux États-Unis, après le championnat de supercross, en proposant des chambres, des motos et du coaching aux États-Unis. Vu la nature de cette activité, on voit mal comment il aurait pu développer cette entreprise depuis la Suisse. Il découle de ce qui précède qu’au moment de son accident, l’assuré n’avait pas travaillé pour l’entreprise B.__ depuis au moins six mois, et qu’il n’aurait vraisemblablement pas agi différemment en l’absence du Covid-19.

L’instance cantonale a également rejeté l’allégation d’un doublement du temps de travail en 2019 pour compenser un congé en 2020, soulignant que l’assuré avait concouru aux États-Unis de juin à août 2019, excluant toute activité simultanée pour l’entreprise B.__. Aucun détail sur les chantiers ou tâches effectuées en 2019 n’a été fourni, et l’argument d’un congé de trois mois s’avérait incompatible avec le calendrier initial du championnat.

Consid. 5.2.3
Au vu de ce qui précède, et pour autant que l’on puisse admettre l’existence dès 2010 de rapports de travail au sens de l’art. 319 CO entre l’assuré et l’entreprise B.__, ces rapports de travail ont été à tout le moins suspendus début 2020 au plus tard. Les premiers juges ont constaté sans arbitraire qu’il n’était pas établi que le paiement d’un montant de CHF 6’000 en mars 2020 correspondait à un salaire. Par ailleurs, en l’absence de toute prestation de travail en 2020, le seul versement d’un salaire pour des heures de travail qui auraient été effectuées en 2019 ne suffirait pas pour faire perdurer la relation de travail jusqu’en juin 2020, les éléments caractéristiques du contrat de travail étant cumulatifs (cf. consid. 3.1 in fine supra). Au moment de l’accident du 16.06.2020, l’assuré n’avait donc pas la qualité de travailleur occupé en Suisse au sens de l’art. 1a al. 1 let. a LAA. Par conséquent, l’assurance-accidents n’a pas à répondre des suites de cet accident, l’assuré ayant été assuré au plus tard jusqu’à fin janvier 2020 en vertu de l’art. 3 al. 2 LAA (cf. consid. 3.2 in fine supra).

Consid. 5.3
Toujours sous couvert d’un établissement manifestement inexact des faits, l’assuré fait en outre grief à la juridiction cantonale d’avoir retenu que son activité de pilote de supercross constituait une activité professionnelle exercée pour le compte de l’écurie C.__. Le point de savoir si un contrat de travail le liait à cette écurie de supercross en 2020 peut toutefois rester indécis, dès lors que même si tel n’était pas le cas, l’assurance-accidents ne devrait pas couvrir le sinistre du 16.06.2020 pour les raisons évoquées ci-dessus.

Consid. 6.1.1 [résumé]
La caisse-maladie recourante conteste l’appréciation des preuves par le tribunal cantonal, soutenant que les revenus annuels de CHF 14’400 perçus par l’assuré entre 2016 et 2019 démontraient son assujettissement à l’assurance-accidents jusqu’à fin 2019. Elle argue que l’assureur n’a pas prouvé l’absence totale de rapport de travail en 2020 et souligne le versement mensuel de CHF 1’200, correspondant selon elle à un taux d’activité de 30%. Il serait peu crédible qu’une petite entreprise familiale puisse se permettre de s’acquitter d’un tel salaire sans contrepartie du salarié.

Consid. 6.1.2
Ainsi que l’on vient de le voir, le tribunal cantonal a émis de sérieux doutes quant à l’existence de véritables rapports de travail entre l’assuré et l’entreprise de son père, sans toutefois trancher clairement cette question (cf. consid. 5.2.1 supra). Quoi qu’il en soit, pour les motifs déjà exposés (cf. consid. 5.2.2 et 5.2.3 supra), en l’absence de toute prestation de travail en 2020, l’assuré n’était pas assuré par l’assurance-accidents contre les risques d’accidents au moment de l’événement du 16.06.2020. Les griefs de la caisse-maladie recourante, qui n’amènent rien de nouveau, sont mal fondés.

Consid. 6.2.1 [résumé]
La caisse-maladie recourante conteste la qualification de l’activité de l’assuré auprès de l’écurie C.__ comme professionnelle, soulignant l’absence de rémunération en espèces et son incapacité à subvenir à ses besoins sans le salaire de l’entreprise B.__. Elle invoque la jurisprudence fédérale (ATF 150 V 391 ; 139 V 457) pour soutenir l’existence d’un contrat de travail avec B.__ au moment de l’accident, celui-ci devant être pris en charge par l’assurance-accidents.

Consid. 6.2.2
Le point de savoir si des rapports de travail unissaient l’assuré et l’écurie C.__ peut demeurer indécis, puisque sans égard à cette question, la couverture d’assurance par l’assurance-accidents selon la LAA au moment de l’accident doit être niée (cf. consid. 5.3 supra). Dans ces conditions, la jurisprudence citée par la caisse-maladie recourante – qui concerne des personnes assurées obligatoirement selon la LAA, en vertu d’une activité à temps partiel, exerçant une autre activité non assurée facultativement – ne lui est d’aucun secours.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré et de la caisse-maladie.

 

Arrêt 8C_587/2024+8C_589/2024 consultable ici

 

Commentaire

Cet arrêt illustre les enjeux complexes liés à la qualification des rapports de travail et à la détermination du champ d’application de la LAA, notamment en présence d’activités multiples et de contrats aux contours flous.

L’arrêt rappelle les effets d’un congé non payé sur la couverture LAA. En application de l’art. 3 al. 2 LAA, l’assurance cesse 31 jours après la fin du droit à un demi-salaire, même si le contrat est suspendu et non résilié. Cet aspect est important pour les employeurs et travailleurs : une interruption d’activité prolongée, sans contrepartie professionnelle, entraîne une perte de couverture, indépendamment des écritures comptables (arrêts du TF 8C_413/2019 du 22 août 2019 consid. 6.1; 8C_472/2018 du 22 janvier 2019 consid. 5.1.1; CÉCILE MATTER/CLAUDIO HELMLE, in Basler Kommentar, Unfallversicherungsgesetz, 2019, n° 29 ad art. 3 LAA).

A la suite du Tribunal cantonal, le Tribunal fédéral souligne la rigueur attendue dans la preuve des revenus et des heures travaillées. Un salaire versé sans prestation effective, des écritures comptables non corroborées par des flux financiers réels, ou des déclarations contradictoires (ex. : dates de retour en Suisse) peuvent suffire à invalider la couverture d’assurance. Les entreprises familiales doivent être vigilantes pour éviter les soupçons de contrats a posteriori, notamment en cas de sinistre.

Cet arrêt renforce la nécessité d’une approche factuelle et rigoureuse pour qualifier les rapports de travail et leur incidence sur l’assurance-accidents. Il met en garde contre les pratiques informelles dans les entreprises familiales et rappelle que la LAA ne couvre pas les situations où le lien de subordination et la contrepartie effective font défaut. Une vigilance accrue dans la rédaction des contrats et la gestion des dossiers comptables s’impose pour éviter les contentieux.

 

Le Conseil fédéral adopte le message concernant la convention de sécurité sociale avec l’Argentine

Le Conseil fédéral adopte le message concernant la convention de sécurité sociale avec l’Argentine

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 14.05.2025 consultable ici

 

Lors de sa séance du 14 mai 2025, le Conseil fédéral a transmis au Parlement le message concernant l’approbation de la convention de sécurité sociale entre la Suisse et l’Argentine. La convention coordonne les systèmes de sécurité sociale des deux États dans le domaine des assurances vieillesse, décès et invalidité et règle en particulier le versement des rentes à l’étranger.

La convention règle les relations entre la Suisse et l’Argentine en matière de sécurité sociale. Elle correspond aux conventions déjà conclues par la Suisse dans ce domaine et est conforme aux standards internationaux en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale. La convention couvre les assurances en cas de vieillesse, décès et invalidité, à savoir l’AVS et l’AI pour la Suisse.

Elle garantit aux assurés une égalité de traitement ainsi qu’un accès facilité aux prestations, et permet notamment le versement des rentes à l’étranger. Cet accord favorise en outre les échanges économiques entre les deux pays en simplifiant le détachement de personnel dans l’autre État. La convention contient également des dispositions relatives à la coopération en matière de lutte contre les abus.

En Amérique du Sud, la Suisse a déjà conclu des conventions avec le Chili, l’Uruguay et le Brésil. La convention avec l’Argentine a été signée le 27 mai 2024. Son entrée en vigueur définitive requiert l’approbation des parlements des deux États.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 14.05.2025 consultable ici

Message du Conseil fédéral du 14.05.2025 concernant l’approbation de la convention de sécurité sociale entre la Suisse et l’Argentine publié in FF 2025 1691 

Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République argentine publié in FF 2025 1693 

 

9C_733/2023 (f) du 10.03.2025 – Examen du droit à un reclassement – Evaluation prospective / Aptitude objective et subjective au reclassement

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_733/2023 (f) du 10.03.2025

 

Consultable ici

 

Examen du droit à un reclassement – Evaluation prospective / 17 LAI

Aptitude objective et subjective au reclassement

 

Assuré, né en 1984, victime d’un accident de la circulation en 2004. Il a obtenu un CFC d’assistant en soins et santé communautaire le 01.07.2008. Dépôt de la demande AI le 13.04.2012. Les médecins (interniste et psychiatre) ont diagnostiqué – avec répercussion sur la capacité de travail – un status après accident avec polytraumatisme, traumatismes cranio-cérébral et coma le 04.04.2004. Les médecins ont retenu une capacité de travail de 100% comme assistant en soins et santé communautaire, mais avec une baisse de rendement de 25%, et une capacité de 100% sans baisse de rendement dans une activité adaptée depuis 2011. Par décision du 18.09.2017, l’office AI a refusé les prestations, décision confirmée par le tribunal cantonal le 27.06.2019.

L’assuré a déposé une nouvelle demande AI le 10.07.2019. L’office AI a pris en charge une mesure de réadaptation professionnelle auprès de la fondation D.__, à 50% dès août 2021, puis à 70% dès octobre 2021. En janvier et mars 2022, l’assuré a passé des tests psychométriques, qui ont révélé des aptitudes insuffisantes pour une formation CFC, mais compatibles avec une formation de type AFP (attestation fédérale de formation professionnelle) avec soutien spécialisé. En avril 2022, le médecin du Service médical régional AI a recommandé d’orienter l’assuré vers une formation adaptée à ses limitations neuropsychologiques et orthopédiques.

Après plusieurs échanges d’écriture, l’office AI a sommé l’assuré le 03.06.2022 de transmettre par écrit un choix professionnel adapté à ses problèmes de santé et limitations fonctionnelles et l’a averti des conséquences d’un manque de collaboration. Le 29.06.2022, l’assuré a informé l’office AI qu’il s’était inscrit à une formation d’assistant médical menant à un CFC auprès de l’École F.__. Par décision du 16.09.2022, l’office AI a rejeté la nouvelle demande de prestations.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 17.10.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2
Le sens et le but de la procédure de mise en demeure avec un délai de réflexion prescrite à l’art. 21 al. 4 LPGA est de rendre la personne assurée attentive aux conséquences négatives possibles d’une attitude rénitente à collaborer, afin qu’elle soit à même de prendre une décision en pleine connaissance de cause et, le cas échéant, de modifier sa conduite (arrêt I 552/06 du 13 juin 2007 consid. 4.1 et les références).

Consid. 3.1 [résumé]
La juridiction cantonale a retenu que les tests psychométriques révélaient chez l’assuré des aptitudes verbales comparables à un niveau CFC, mais des compétences spatiales et numériques correspondant au profil AFP, avec un raisonnement bien inférieur aux attentes de ce même niveau. Ces résultats ont conduit à la conclusion qu’il ne possédait pas les compétences nécessaires pour entreprendre une formation CFC d’assistant médical. L’office AI a donc sommé l’assuré de choisir une formation adaptée à ses aptitudes, sommation restée sans réponse, entravant ainsi sa réadaptation. Les juges ont estimé que, même en cas d’adaptation de la formation CFC, l’office AI aurait été en droit d’exiger un choix professionnel différent, les préférences personnelles de l’assuré n’étant pas déterminantes (ATF 130 V 488 consid. 4.2). Les conditions de l’article 21 alinéa 4 LPGA étant remplies, l’office AI a statué correctement sur le refus de mesures de reclassement en l’état du dossier.

Consid. 4.1
Toute mesure de réadaptation, y compris un reclassement (art. 17 LAI), doit être évaluée sur la base de toutes les circonstances du cas concret. La tâche des organes de l’assurance-invalidité consiste à pronostiquer – au degré de la vraisemblance prépondérante – le succès de la réadaptation en tenant compte de l’âge de l’assuré, de son niveau de développement, de ses aptitudes et de la durée probable de la vie active (art. 8 al. 1 bis let. a-d LAI). Il faut entendre par la « durée probable de la vie active » la période restante jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite selon l’art. 21 al. 1 LAVS (ATF 143 V 190 consid. 7.4 et les références; arrêt 9C_71/2023 du 5 septembre 2023 consid. 3.3.1). En règle générale, l’assuré n’a droit qu’aux mesures nécessaires, propres à atteindre le but de réadaptation visé, mais non pas à celles qui seraient les meilleures dans son cas (ATF 139 V 399 consid. 5.4).

Consid. 4.2
En l’espèce, l’examen du droit à un reclassement doit faire l’objet d’une évaluation prospective (arrêt 9C_384/2023 du 11 janvier 2024 consid. 4.2). Dès lors, pour évaluer le pronostic des organes de l’assurance-invalidité, les juges cantonaux ont rappelé à juste titre que les faits survenus postérieurement à la décision du 16.09.2022 ne sont en principe pas pertinents (cf. ATF 148 V 21 consid. 5.3; 132 V 215 consid. 3.1.1 et les références). En se limitant à indiquer que la réussite de son premier trimestre à l’École F.__ démontrait qu’il avait les capacités de suivre une formation CFC d’assistant médical, l’assuré n’expose pas d’éléments suffisants pour s’écarter de ces principes.

Au demeurant, même à supposer que ces faits puissent être pris en considération, les juges cantonaux ont considéré sans arbitraire qu’ils ne changeraient en rien l’issue de la procédure. L’assuré détient déjà un CFC d’assistant en soins et santé communautaire, obtenu après son accident. Dès lors, l’autorité cantonale savait qu’il était en mesure, d’un point de vue formel, de réussir des examens menant à une certification professionnelle. Elle a relevé que la réussite de ce premier CFC avait toutefois nécessité de la part de l’assuré un « très grand effort sur soi-même et [une] lutte constante ». Or, selon les faits constatés par la juridiction cantonale, la situation médicale de l’assuré s’était encore dégradée depuis lors, celui-ci ne pouvant plus exercer l’activité d’assistant en soins et santé communautaire. Aussi, quoi qu’en dise l’assuré, la réussite de son premier trimestre à l’École F.__ ne constitue pas un élément de preuve suffisant pour remettre en cause l’appréciation de l’autorité cantonale. Comme l’ont mis en évidence les tests d’aptitude, ses limitations fonctionnelles cognitives, en particulier sa grande lenteur d’exécution, ses problèmes de mémoire et sa fatigabilité, compromettent grandement son aptitude à réussir une formation CFC et à exercer durablement une activité d’assistant médical de manière conforme aux exigences du marché du travail. Ces déficits, bien qu’ils ne l’ont pas empêché d’acquérir des connaissances théoriques et de les valoriser dans un cadre scolaire structuré lors de son premier trimestre à l’École F.__, constituent objectivement des obstacles importants à son reclassement professionnel dans une formation exigeante sur un plan physique et psychique. Il n’y a pas lieu de s’écarter de l’appréciation des juges cantonaux.

Consid. 4.3
Pour le surplus, les juges cantonaux ont confirmé sans arbitraire qu’en entreprenant – malgré une mise en demeure – une voie professionnelle trop exigeante pour lui, l’assuré avait démontré une absence d’aptitude subjective au reclassement. En particulier, on ne saurait reprocher à la juridiction cantonale d’avoir statué en l’état du dossier sur la demande de prestations, dès lors que les démarches entreprises pour favoriser le reclassement de l’assuré apparaissaient compromises par la volonté clairement exprimée de celui-ci de mener à terme une formation vraisemblablement trop exigeante sur un plan physique et psychique (supra consid. 4.2).

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_733/2023 consultable ici

 

8C_414/2024 (f) du 11.03.2025 – Surindemnisation – Indemnité journalière LAA et rente AI / Gain dont l’assuré est présumé avoir été privé – Evolution vraisemblable du taux d’activité de la personne assurée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_414/2024 (f) du 11.03.2025

 

Consultable ici

 

Surindemnisation – Indemnité journalière LAA et rente AI / 69 LPGA – 51 al. 3 OLAA

Gain dont l’assuré est présumé avoir été privé – Evolution vraisemblable du taux d’activité de la personne assurée

 

Assurée, née en 1970, exerçant deux activités professionnelles : un poste à 60% comme réceptionniste à l’Hôtel C.__ depuis mai 2008 et un engagement extra à 20% pour le service du brunch à l’Hôtel D.__ depuis mars 2009. Le 14.11.2010, elle a été victime d’un accident dans la cuisine de l’Hôtel D.__ (fracture de l’humérus gauche). L’assurance-accidents a versé des indemnités journalières pour les deux emplois jusqu’aux reprises partielles en juin 2012, puis janvier 2013 et septembre 2013, entrecoupées de nouvelles périodes d’incapacité (décembre 2015 à juin 2016).

Une enquête ménagère diligentée par l’office AI a conclu à un statut d’activité professionnelle initialement à 80% (et 20% ménagère), puis à 100% dès novembre 2012.

L’assurance-accidents a mis fin aux indemnités journalières en septembre 2016 pour l’Hôtel C.__ et octobre 2016 pour l’Hôtel D.__ par décision du 21 mars 2017. Elle a également refusé une rente d’invalidité et une IPAI, décision partiellement réformée par le tribunal cantonal le 1er novembre 2019, octroyant une IPAI de 3’150 fr.

L’office AI a alloué à l’assurée une rente entière d’invalidité du 01.03.2013 au 28.02.2014, une demi-rente du 01.03.2014 au 29.02.2016 et une rente entière du 01.03.2016 au 28.02.2017 (arrêt du tribunal cantonal du 14.06.2022).

Par décision du 15.04.2021, confirmée sur opposition le 25.01.2022, l’assurance-accidents a exigé de l’assurée le remboursement d’un montant de 22’320 fr., correspondant à sa surindemnisation du fait du versement d’indemnités journalières de l’assurance-accidents du 14.11.2010 au 31.08.2016 et d’une rente d’invalidité de l’assurance-invalidité du 01.03.2013 au 31.08.2016.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 28/22 – 62/2024 [jugement non consultable sur le site du TC])

Par jugement du 06.06.2024, admission du recours par le tribunal cantonal et annulation de la décision sur opposition.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 68 LPGA, sous réserve de surindemnisation, les indemnités journalières et les rentes de différentes assurances sociales sont cumulées. L’art. 69 al. 1 LPGA prévoit que le concours de prestations des différentes assurances sociales ne doit pas conduire à une surindemnisation de l’ayant droit (première phrase); ne sont prises en compte dans le calcul de la surindemnisation que des prestations de nature et de but identiques qui sont accordées à l’assuré en raison de l’événement dommageable (seconde phrase). L’art. 69 al. 2 LPGA précise qu’il y a surindemnisation dans la mesure où les prestations sociales légalement dues dépassent, du fait de la réalisation du risque, à la fois le gain dont l’assuré est présumé avoir été privé, les frais supplémentaires et les éventuelles diminutions de revenu subies par les proches. Aux termes de l’art. 69 al. 3 LPGA, les prestations en espèces sont réduites du montant de la surindemnisation (première phrase); sont exceptées de toute réduction les rentes de l’AVS et de l’AI, de même que les allocations pour impotents et les indemnités pour atteinte à l’intégrité (deuxième phrase); pour les prestations en capital, la valeur de la rente correspondante est prise en compte (troisième phrase).

En vertu de l’art. 51 al. 3 OLAA, le gain dont on peut présumer que l’assuré se trouve privé correspond à celui qu’il pourrait réaliser s’il n’avait pas subi de dommage (première phrase); le revenu effectivement réalisé est pris en compte (seconde phrase).

Consid. 3.2
Selon la jurisprudence, le « gain dont l’assuré est présumé avoir été privé » correspond au salaire hypothétique que l’assuré aurait réalisé sans invalidité, au moment où doit s’effectuer le calcul de surindemnisation. Il ne correspond pas forcément au gain effectivement obtenu avant la survenance de l’invalidité. En revanche, il existe une relation étroite entre le gain dont l’assuré est présumé avoir été privé et le revenu sans invalidité fixé sur la base de l’art. 16 LPGA. Dans les deux cas, il s’agit en effet du revenu hypothétique que la personne concernée aurait vraisemblablement obtenu sans atteinte à la santé. À cet égard, les circonstances concrètes et les chances réelles de l’assuré sur le marché du travail dont déterminantes. En partant du dernier salaire perçu avant l’atteinte à la santé, il convient de prendre en compte tous les changements ayant une incidence sur le revenu (renchérissement, augmentation réelle, progression de carrière, etc.) qui auraient vraisemblablement eu lieu en l’absence de l’invalidité (ATF 137 V 20 consid. 5.2.3.1; 126 V 468 consid. 4a; 125 V 163 consid. 3b; 122 V 151 consid. 3c; arrêt 8C_298/2020 du 2 novembre 2020 consid. 5.1; cf. aussi GHISLAINE FRÉSARD-FELLAY / JEAN-MAURICE FRÉSARD, in Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n° 37 et 38 ad art. 69 LPGA). S’il existe des éléments concrets permettant d’admettre qu’un assuré travaillant jusqu’alors à temps partiel aurait repris, en l’absence d’invalidité, une activité à plein temps, la limite de surindemnisation doit être adaptée en conséquence (ATF 142 V 75 consid. 6.3.1; arrêt 9C_554/2023 du 22 mai 2024 consid. 4.1).

Consid. 4 [résumé]
Les juges cantonaux ont relevé que les parties ne contestaient pas le caractère de prestations de nature et de but identiques des indemnités journalières de l’assurance-accidents et de la rente d’invalidité de l’assurance-invalidité, accordées en raison du même événement dommageable. Concernant le gain perdu, ils ont estimé, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assurée aurait augmenté son taux d’activité à 100% dès novembre 2012 sans l’accident, compte tenu de sa situation financière (mari au chômage et nécessité de subvenir aux besoins familiaux). L’office AI et le tribunal cantonal avaient confirmé ce statut dans leurs décisions respectives. Selon la cour cantonale, il n’y avait pas de raison, dans le calcul de surindemnisation, de s’écarter de ce qui avait été retenu en matière d’assurance-invalidité au sujet de l’évolution vraisemblable du taux d’activité de l’assurée.

L’assurance-accidents n’a pas fourni d’arguments pour s’écarter de cette évaluation, se bornant à invoquer un arrêt du Tribunal fédéral (8C_512/2012 du 7 juin 2013), jugé non pertinent en l’espèce.

Les juges cantonaux ont calculé les gains présumés perdus en retenant un taux de 100% à l’Hôtel C.__ dès novembre 2012 : 62’159 fr. 56 pour la période du 17.11.2010 au 17.06.2012 et 196’911 fr. 53 pour celle du 28.01.2013 au 31.08.2016. Après déduction des revenus effectivement perçus en reprenant partiellement son travail pendant la période faisant l’objet du calcul de surindemnistation (46’789 fr. 59), le gain perdu total s’élève à 212’281 fr. 50 pour la période du 14.11.2010 au 31.08.2016, et à 150’121 fr. 94 pour celle du 28.01.2013 au 31.08.2016. Les prestations perçues par l’assurée (175’409 fr. pour la première période et 126’224 fr. pour la seconde) n’excèdent pas ces montants. Ainsi, aucune surindemnisation n’est constatée, que le calcul débute le 14.11.2010 ou le 28.01.2013.

Consid.5.2
Quoi qu’en dise l’assurance-accidents, les motifs avancés par la cour cantonale pour fixer le salaire hypothétique de l’assurée en tenant compte d’une activité à temps plein à compter de novembre 2012 sont convaincants. Même si l’assurance-accidents n’est pas liée par les décisions en matière d’assurance-invalidité, il y a selon la jurisprudence une relation étroite entre le gain dont l’assuré est présumé avoir été privé et le revenu sans invalidité fixé sur la base de l’art. 16 LPGA (cf. consid. 3.2 supra). Or, en assurance-invalidité, l’office AI puis le tribunal cantonal ont estimé que sans invalidité, l’assurée aurait travaillé à temps complet dès novembre 2012. En matière de surindemnisation, au vu des éléments au dossier – en particulier l’enquête ménagère diligentée par l’office AI en novembre 2013 -, les juges cantonaux pouvaient également retenir que sans invalidité, l’assurée aurait vraisemblablement augmenté son taux d’activité à 100% dès novembre 2012. Au moment de l’accident, celle-ci avait déjà augmenté son temps de travail global en mars 2009 en acceptant un poste à 20% pour l’Hôtel D.__, en sus de son emploi à 60% auprès de l’Hôtel C.__. En décembre 2011, elle a fait savoir à l’office AI que sans atteinte à la santé, elle travaillerait à un taux de 80%. Environ deux ans plus tard, elle a expliqué à l’enquêtrice ménagère que la situation financière difficile de son ménage l’aurait conduite, sans atteinte à la santé, à travailler à plein temps dès novembre 2012; elle précisait que son époux touchait des prestations de la caisse de chômage depuis une année et que sa fille était âgée de douze ans. Le rapport de l’enquêtrice détaille la situation financière du ménage et rien ne permet de douter de la réalité des revenus et charges qui y sont énumérés. Par ailleurs, les questions et détails liés au droit du mari de l’assurée à l’indemnité de chômage ne sont pas déterminants; dès l’instant où celui-ci était sans emploi, il est plausible que l’assurée aurait en toute circonstance cherché à augmenter encore plus son taux de travail si son état de santé l’avait permis. On ajoutera qu’en novembre 2012, l’âge de la fille du couple était davantage conciliable avec un emploi à temps complet de l’assurée que quelques années auparavant, indépendamment de l’activité de son époux.

Comme relevé par l’autorité précédente, l’arrêt 8C_512/2012 cité par l’assurance-accidents ne lui est d’aucun secours. Comme exposé par la cour cantonale, ce jugement précise que seules les pertes de revenus causées par l’accident indemnisé doivent être prises en compte pour déterminer le gain dont l’assuré est présumé avoir été privé, sans pour autant remettre en cause la jurisprudence relative au calcul de ce gain (cf. consid. 3.2 supra), à laquelle l’assurance-accidents fait d’ailleurs elle-même référence. Les griefs de l’assurance-accidents s’avèrent ainsi mal fondés.

Pour le reste, l’assurance-accidents ne critique pas les calculs opérés par les juges cantonaux, qui leur ont permis de conclure à l’absence d’une surindemnisation de l’assurée, quelle que soit la période de calcul considérée (à savoir celle du 14.11.2010 au 31.08.2016 ou celle du 28.01.2013 au 31.08.2016). Le point – évoqué dans le recours – de savoir laquelle de ces périodes est déterminante peut donc rester indécis.

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_414/2024 consultable ici