8C_465/2017 (f) du 12.01.2018 – publication prévue – Droit à l’indemnité chômage et retraite anticipée (à 50%) / 8 LACI – 13 LACI – 12 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_465/2017 (f) du 12.01.2018, destiné à la publication

 

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Droit à l’indemnité chômage et retraite anticipée (à 50%) / 8 LACI – 13 LACI – 12 OACI

 

Assuré ayant travaillé pour un employeur du 01.02.2008 au 31.12.2015, date de l’échéance de son contrat de travail de durée déterminée. Au cours de l’été 2014, la Caisse de retraite anticipée a adressé à l’intéressé une formule de demande de prestations. L’assuré a retourné cette formule de demande en indiquant vouloir cesser son activité entre 60 et 61 ans et bénéficier d’une rente fondée sur un taux de 100%. Le 19.01.2015, la Caisse de retraite anticipée a indiqué qu’il aurait droit à une rente anticipée de 50% entre son 60ème et son 61ème anniversaire, et à une rente anticipée de 100% durant la période du 01.09.2016 au 31.08.2020. L’intéressé a bénéficié d’une rente de 50% dès le 01.01.2016.

L’assuré a requis l’octroi d’indemnités de chômage à compter du 01.01.2016. Par décision, confirmée sur opposition, la caisse de chômage a nié le droit de l’assuré à une indemnité de chômage à compter du 01.01.2016. L’intéressé a repris une activité au service de son employeur à partir du 25.04.2016.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 24.05.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 8 al. 1 let. e LACI, l’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il remplit les conditions relatives à la période de cotisation ou en est libéré. Celui qui, dans les limites du délai-cadre prévu à cet effet (art. 9 al. 3 [LACI]), a exercé durant douze mois au moins une activité soumise à cotisation remplit les conditions relatives à la période de cotisation (art. 13 al. 1 LACI). Afin d’empêcher le cumul injustifié de prestations de vieillesse de la prévoyance professionnelle et de l’indemnité de chômage, le Conseil fédéral peut déroger aux règles concernant la prise en compte des périodes de cotisation pour les assurés mis à la retraite avant d’avoir atteint l’âge de la retraite selon l’art. 21 al. 1 LAVS (RS 831.10), mais qui désirent continuer à exercer une activité salariée (art. 13 al. 3 LACI).

Faisant usage de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l’art. 12 OACI, selon lequel, pour les assurés qui ont été mis à la retraite avant d’avoir atteint l’âge donnant droit aux prestations de l’AVS, seule est prise en compte, comme période de cotisation, l’activité soumise à cotisation qu’ils ont exercée après leur mise à la retraite (al. 1). D’après l’art. 12 al. 2 OACI, cette règle n’est toutefois pas applicable lorsque l’assuré a été mis à la retraite anticipée pour des raisons d’ordre économique ou sur la base de réglementations impératives entrant dans le cadre de la prévoyance professionnelle (let. a) et qu’il a droit à des prestations de retraite inférieures à l’indemnité de chômage à laquelle il a droit en vertu de l’art. 22 LACI (let. b). Dans ce cas, les périodes de cotisation antérieures à la mise à la retraite anticipée sont prises en considération par l’assurance-chômage.

L’art. 12 al. 1 OACI a pour but d’éviter que des personnes cumulent des prestations de vieillesse de la prévoyance professionnelle et des indemnités de chômage, voire qu’elle résilient leur contrat de travail à cette fin, sans être réellement disposées à accepter un emploi convenable (ATF 129 V 327 consid. 4 p. 329; 126 V 393 consid. 3 p. 396). D’après le texte clair de l’art. 12 al. 2 OACI, toute résiliation des rapports de travail qui – sans que l’assuré ait un choix – aboutit à une retraite anticipée ne tombe pas sous le coup de cette réglementation. Les personnes qui sont licenciées par leur employeur pour des raisons autres que des motifs d’ordre économique ou qu’en vertu de réglementations impératives ressortissant à la prévoyance professionnelle ne peuvent pas se prévaloir de l’art. 12 al. 2 OACI (ATF 126 V 396 consid. 3b/bb p. 398; arrêts 8C_839/2009 du 19 février 2010 consid. 3.4; 8C_708/2008 du 5 mars 2009 consid. 3.3). Peu importe la partie qui met fin aux rapports de travail ou le fait que le travailleur a résilié en butte à une certaine pression de la part de l’employeur. Le critère déterminant n’est pas le caractère volontaire du congé mais celui de la prise de la retraite pour raison d’âge (ATF 129 V 327 consid. 3.1 p. 329; arrêt 8C_839/2009, déjà cité, consid. 3.4).

Au mois de janvier 2015, l’assuré a retourné à la Caisse de retraite anticipée une formule de demande de prestations, dans laquelle il indiquait vouloir cesser son activité entre 60 et 61 ans et bénéficier à ce moment-là d’une rente fondée sur un taux de 100 %. Aussi n’existe-t-il aucun lien entre la décision de l’intéressé de bénéficier d’une rente anticipée de la prévoyance professionnelle et sa situation professionnelle à l’échéance du contrat de travail de durée déterminée, le 31.12.2015. Il apparaît ainsi que l’assuré a choisi librement de bénéficier de la retraite anticipée.

 

En tant qu’il a pour but d’éviter que des assurés cumulent des prestations de vieillesse de la prévoyance professionnelle et des indemnités de chômage, l’art. 12 al. 1 OACI vise les personnes qui désirent continuer de travailler après la mise à la retraite anticipée mais qui tombent au chômage ou ne retrouvent pas d’activité lucrative. Dans ces éventualités, les périodes de cotisation antérieures à la retraite anticipée ne sont pas prises en considération par l’assurance-chômage. L’art. 13 al. 3 LACI qui habilite le Conseil fédéral à déroger aux règles concernant la prise en compte des périodes de cotisations pour les assurés mis à la retraite avant d’avoir atteint l’âge de la retraite selon l’art. 21 al. 1 LAVS n’a toutefois pas pour but de faire obstacle purement et simplement à l’octroi simultané de prestations de la caisse de prévoyance et d’indemnités de chômage (ATF 123 V 142 consid. 4b p. 146; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Sécurité sociale, 3 ème éd., 2016, n° 224 p. 2331). Cette disposition légale vise à empêcher que la retraite anticipée corresponde à une décision de retrait définitif du marché du travail en ce sens que l’assuré n’est plus disposé à accepter un travail convenable (cf. FF 1980 III 565; BORIS RUBIN, op. cit., n. 32 ad art. 13 LACI).

En l’espèce, l’assuré a bénéficié d’une demi-rente anticipée à partir du 01.01.2016, soit à l’échéance du contrat de travail de durée déterminée. Toutefois, cela ne signifie pas qu’il désirait se retirer définitivement du marché du travail. Il avait d’autant plus intérêt à poursuivre une activité, serait-ce seulement à temps partiel, que la demi-rente perçue ne couvrait que la moitié du salaire déterminant réalisé avant la mise à la retraite anticipée. En outre, jusqu’à l’octroi d’une rente entière de la prévoyance à compter du 31.08.2016, on ne voit pas en quoi le cumul d’une demi-rente de la prévoyance et d’indemnités de chômage calculées en fonction d’une perte d’emploi correspondant à 50% d’un travail à plein temps serait injustifié et contreviendrait à l’art. 13 al. 3 LACI. A cela s’ajoute qu’au moment où il a déclaré vouloir mettre fin à son activité lucrative entre 60 et 61 ans et percevoir une rente fondée sur un taux de 100%, l’assuré est parti de l’idée erronée qu’il avait droit à une telle prestation à compter de son 60ème anniversaire. C’est seulement le 19 janvier 2015 que la Caisse de retraite anticipée l’a informé qu’il aurait droit à une rente anticipée de 50% entre son 60ème et son 61ème anniversaire, et à une rente anticipée de 100% durant la période du 01.09.2016 au 31.08.2020. Qui plus est, l’intéressé a satisfait à son obligation de diminuer le dommage en ce sens qu’en demandant à bénéficier de la demi-rente anticipée, il a renoncé à se prévaloir de son droit à une indemnité de chômage pleine et entière jusqu’à la naissance de son droit à la rente entière.

Dans ces conditions, et pour autant que les prestations de retraite soient inférieures à l’indemnité de chômage due en vertu de l’art. 22 LACI (cf. art. 12 al. 2 let. b OACI), il n’y a pas lieu de déroger à la règle générale de l’art. 13 al. 1 LACI pour examiner si l’assuré satisfaisait aux conditions relatives à la période de cotisation à partir du 01.01.2016 (échéance du contrat de travail de durée déterminée) et jusqu’au 01.09.2016 (naissance du droit à la rente entière de la prévoyance professionnelle) en ce qui concerne la perte d’emploi correspondant à 50% d’un travail à plein temps au sens de l’art. 10 al. 2 let. a LACI.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et la décision de la caisse de chômage et renvoie la cause à la caisse pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

 

Arrêt 8C_465/2017 consultable ici

 

 

9C_901/2017 (f) du 28.05.2018 – Revenu d’invalide selon l’ESS – 16 LPGA / Niveau de compétences 2 vs 1 – Rappel de la notion du niveau de compétences selon ESS 2012 (et suivants)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_901/2017 (f) du 28.05.2018

 

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Revenu d’invalide selon l’ESS / 16 LPGA

Niveau de compétences 2 vs 1 – Rappel de la notion du niveau de compétences selon ESS 2012 (et suivants)

 

Assuré, opérateur de station d’épuration, souffrant de séquelles d’une pathologie pulmonaire incapacitante depuis le 01.09.2011, a requis des prestations de l’assurance-invalidité le 22.03.2012.

Dès lors que la situation s’était améliorée et permettait la reprise d’une activité à mi-temps dans un milieu protégé, l’office AI a reconnu le droit de l’assuré à des mesures de réadaptation. Ce dernier a bénéficié d’un reclassement dans la profession de comptable. Il a suivi une formation complète mais a échoué à l’examen final. Cette activité a néanmoins été considérée comme adaptée à son état de santé pour autant que le taux d’occupation ne dépassât pas les 50%.

La mesure de réadaptation menée à terme, l’administration a alloué à l’assuré une rente entière dès le 21.11.2012 et trois-quarts de rente dès le 01.08.2016. L’office AI a notamment fixé le montant du revenu d’invalide pour 2016 sur la base des données statistiques ressortant du tableau T1_skill_level (lignes 69-71 correspondant aux activités juridiques, comptables, de gestion, d’architecture et d’ingénierie, niveau de compétence 2, pour homme) de l’Enquête suisse sur la structure des salaires 2012 (ESS 2012).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/974/2017 – consultable ici)

Par jugement du 31.10.2017, admission du recours par le tribunal cantonal. L’instance cantonale a notamment jugé que le revenu d’invalide dont il fallait tenir compte était celui ressortant du tableau TA1_skill_level (lignes 69-71, niveau de compétence 1, pour homme) de l’ESS 2012.

 

TF

Le choix du niveau de compétence est une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement (ATF 143 V 295 consid. 2.4 p. 297).

L’ESS a été révisée dans sa version 2012 (sur les principaux changements, cf. notamment ATF 142 V 178 consid. 2.5.3 p. 184 ss). Les emplois sont désormais classés par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué et les critères de base utilisés pour définir le système des différents groupes de professions sont les niveaux et la spécialisation des compétences requis pour effectuer les tâches inhérentes à la profession. Quatre niveaux de compétence ont donc été définis en fonction des groupes de professions et du type de travail qui y est généralement effectué. Il existe neuf groupes de professions: les deux premiers regroupent les tâches qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques ou factuelles dans un domaine spécialisé (niveau de compétence 4); le troisième regroupe les tâches pratiques complexes nécessitant un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (niveau de compétence 3); les cinq suivants regroupent les tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (niveau de compétence 2); le neuvième regroupe les tâches physiques ou manuelles simples (niveau de compétence 1 ; cf. ESS 2012, brochure éditée par l’Office fédéral de la statistique, p. 11 ss). L’accent est donc désormais mis sur le type de tâches que l’assuré est susceptible d’assumer en fonction de ses qualifications mais pas sur les qualifications en elles-mêmes.

Aussi, l’absence d’expérience dans le domaine de la comptabilité, la reconnaissance du diplôme intermédiaire d’aide-comptable seulement par l’Etat de Genève ou le premier échec à l’examen final de comptabilité ne sauraient justifier le choix du niveau 1 de compétence, qui ne vise que les tâches physiques ou manuelles simples. Au contraire, ces différents éléments placent l’assuré au niveau de compétence 2, qui fait référence à des domaines dans lesquels il pourra mettre en valeur ses connaissances nouvellement acquises, indépendamment de l’absence d’expérience, comme l’a relevé l’administration.

On ajoutera que, compte tenu de la pathologie pulmonaire dont souffre l’assuré (insuffisance respiratoire), on ne peut exiger de lui qu’il exerce une activité physique ou manuelle, même simple.

En choisissant le niveau de compétence 1, la juridiction cantonale a dès lors violé le droit fédéral.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_901/2017 consultable ici

 

 

8C_215/2018 (f) du 04.09.2018 – Maladie professionnelle – Traitement médical – 9 al. 1 LAA – 9 al. 2 LAA – 10 LAA / Amélioration sensible de l’état de santé en relation avec la maladie professionnelle reconnue

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_215/2018 (f) du 04.09.2018

 

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Maladie professionnelle – Traitement médical / 9 al. 1 LAA – 9 al. 2 LAA – 10 LAA

Amélioration sensible de l’état de santé en relation avec la maladie professionnelle reconnue

 

Assuré travaillant en qualité de journaliste. Dans son activité, l’assuré apparaît régulièrement sur les plateaux de télévision et doit se faire maquiller. Au cours de l’année 2013 il a ressenti des problèmes aux yeux, des démangeaisons, des maux de tête, une hypersensibilité à la lumière et au vent. Dans un rapport du 27.03.2014, le spécialiste en ophtalmologie a diagnostiqué une conjonctivite allergique aux deux yeux. Après avoir recueilli divers renseignements médicaux et requis l’avis d’un spécialiste en médecine du travail et en médecine interne, et médecin à la Division de médecine du travail de la CNA, l’assurance-accidents a reconnu comme maladie professionnelle la conjonctivite allergique bilatérale déclenchée par des composants de produits de maquillage.

Au cours de l’année 2015, l’assuré a consulté plusieurs médecins. Des spécialistes en ophtalmologie et ophtalmochirurgie ont diagnostiqué un Floppy Eyelid Syndrom et une blépharite chronique avec chalazions à répétition. Ces médecins ont préconisé la mise en œuvre d’une intervention chirurgicale des paupières, qui a été réalisée le 11.02.2016.

Par décision du 12.04.2016, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assuré à la prise en charge des frais liés au Floppy Eyelid Syndrom et à la blépharite chronique, motif pris que ces troubles ne constituent pas des maladies professionnelles et que l’intervention chirurgicale n’était pas en relation de causalité avec la maladie professionnelle reconnue, à savoir la conjonctivite allergique bilatérale. Saisie d’oppositions de l’assuré et de la caisse-maladie de l’intéressé, l’assurance-accidents les a rejetées le 12.09.2016.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a retenu que le Floppy Eyelid Syndrom et la blépharite chronique ne pouvaient se voir reconnaître le caractère de maladies professionnelles selon l’art. 9 al. 1 LAA, ni sous l’angle de l’art. 9 al. 2 LAA. Par ailleurs, la juridiction cantonale a considéré que l’existence d’un lien entre la maladie professionnelle reconnue (conjonctivite allergique bilatérale) et l’opération subie n’apparaissait pas vraisemblable au degré requis par la jurisprudence et que cette intervention ne constituait pas un traitement médical approprié de cette affection au sens de l’art. 10 LAA.

Par jugement du 24.01.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Les prestations d’assurance sont en principe allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle (art. 6 al. 1 LAA).

Selon l’art. 9 al. 1 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies (art. 3 LPGA) dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l’exercice de l’activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux. Ces substances et travaux, ainsi que les affections dues à ceux-ci, sont énumérés de manière exhaustive (RAMA 1988 n° U 61 p. 447, U 98/87, consid. 1a) à l’annexe 1 de l’OLAA.

Sont aussi réputées maladies professionnelles les autres maladies dont il est prouvé qu’elles ont été causées exclusivement ou de manière nettement prépondérante par l’exercice de l’activité professionnelle (art. 9 al. 2 LAA). La condition d’un lien exclusif ou nettement prépondérant n’est réalisée que si la maladie a été causée à 75% au moins par l’exercice de l’activité professionnelle (ATF 126 V 183 consid. 2b p. 186; 119 V 200 consid. 2b p. 201 et la référence). Cela signifie, pour certaines affections qui ne sont pas typiques d’une profession déterminée, que les cas d’atteinte pour un groupe professionnel particulier doivent être quatre fois plus nombreux que ceux que compte la population en général (ATF 116 V 136 consid. 5c p. 143; RAMA 2000 n° U 408 p. 407, U 235/99, consid. 1a).

Selon la jurisprudence, le point de savoir si une affection est une maladie professionnelle au sens de l’art. 9 al. 2 LAA est d’abord une question relevant de la preuve dans un cas concret. Cependant, s’il apparaît comme un fait démontré par la science médicale qu’en raison de la nature d’une affection particulière, il n’est pas possible de prouver que celle-ci est due à l’exercice d’une activité professionnelle, il est hors de question d’apporter la preuve, dans un cas concret, de la causalité qualifiée au sens de l’art. 9 al. 2 LAA (ATF 126 V 183 consid. 4c p. 190 et les références; arrêt 8C_415/2015 du 24 mars 2016 consid. 3.2; voir également arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 381/01 du 20 mars 2003 consid. 3.2-3.3).

Selon l’art. 10 LAA, l’assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l’accident (ou de la maladie professionnelle; cf. art. 6 al. 1 LAA), à savoir notamment au traitement ambulatoire dispensé par le médecin, le dentiste ou, sur prescription de ces derniers, par le personnel paramédical ainsi que par le chiropraticien, de même qu’au traitement ambulatoire dispensé dans un hôpital (let. a). Ce droit s’étend à toutes les mesures qui visent une amélioration de l’état de santé ou à éviter une péjoration de cet état. La preuve que la mesure envisagée permettra d’atteindre cet objectif doit être établie avec une vraisemblance suffisante; elle est rapportée dès que l’on peut admettre que le traitement envisagé ne représente pas seulement une possibilité lointaine d’amélioration (SVR 2011 UV n° 1 p. 1, 8C_584/2009, consid. 2; arrêt 8C_112/2014 du 23 janvier 2015 consid. 2.1). Le traitement médical n’est alloué qu’aussi longtemps que sa continuation est susceptible d’apporter une amélioration sensible de l’état de l’assuré (art. 19 al. 1, seconde phrase, LAA a contrario), une amélioration insignifiante n’étant pas suffisante. Il n’y a pas d’amélioration sensible de l’état de santé quand la mesure thérapeutique (p. ex. une cure annuelle) ne fait que soulager momentanément des douleurs occasionnées par un état par ailleurs stationnaire (RAMA 2005 n° U 557 p. 388, U 244/04, consid. 3.1; arrêt 8C_103/2018 du 25 juillet 2018 consid. 6.3).

 

En l’espèce, l’ophtalmologue a indiqué que l’opération réalisée par lui le 11.02.2016 avait pour but de diminuer les symptômes de sécheresse oculaire dont souffre l’assuré dans son activité professionnelle. Cette intervention de correction latérale de la paupière inférieure ne corrigeait en rien le Floppy Eyelid Syndrom ni la blépharite chronique. Il s’agissait d’une intervention simple ayant pour but d’améliorer le confort et la productivité de l’intéressé en diminuant sa gêne, ainsi que le besoin de lubrifier en permanence ses yeux. Dans son bref rapport complémentaire du 10.05.2016, rédigé sur intervention de l’assuré, ce médecin a ajouté que l’opération permettait de diminuer les symptômes des trois diagnostics présents (conjonctivite allergique, Floppy Eyelid Syndrom et blépharite chronique) sans en corriger la cause, de sorte que l’assuré resterait toujours sensible à son travail, mais dans une moindre mesure.

Il ressort de ces indications médicales que, si elle était bien propre à diminuer les symptômes provoqués par la conjonctivite allergique, l’opération réalisée était toutefois sans influence sur l’état de santé, par ailleurs stationnaire, à l’origine de ces symptômes. Par ailleurs, dans son rapport intermédiaire du 14.01.2016, dans lequel il propose d’effectuer une intervention chirurgicale en vue d’une possible amélioration des symptômes et de la productivité, l’ophtalmologue ne mentionne que les diagnostics de Floppy Eyelid Syndrom et de blépharite chronique. C’est seulement dans ses rapports rédigés après le prononcé de la décision de refus du 12.04.2016 et sur intervention de l’assuré que ce médecin a mentionné le diagnostic de conjonctivite allergique en plus des diagnostics déjà cités.

Cela étant il n’apparaît pas établi au degré de vraisemblance requis que l’opération réalisée le 11.02.2016 visait une amélioration sensible de l’état de santé en relation avec la maladie professionnelle reconnue, à savoir la conjonctivite allergique.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_215/2018 consultable ici

 

 

ARTICLES ET OUVRAGES – SELECTION Juillet – Août – Septembre 2018

Voici une sélection (personnelle et subjective) des divers articles, contributions et ouvrages parus récemment :

 

  • Luc Gonin/Olivier Bigler, Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) : commentaire des articles 1 à 18 CEDH, Stämpfli, 2018 (Commentaire Stämpfli)

 

  • Felix Frey … [et al.], AHVG/IVG Kommentar : Bundesgesetze über die Alters- und Hinterlassenenversicherung, die Invalidenversicherung und den Allgemeinen Teil des Sozialversicherungsrechts (ATSG) mit weiteren Erlassen, Orell Füssli, 2018 (Orell Füssli Kommentar [OFK])

 

  • Sybille Käslin/Christine von Fischer, Arbeiten oder Leben im Ausland: wer ist in der AHV versichert? : ein Praxishandbuch, Stämpfli, 2018

 

  • Marc Hürzeler/Tulay Sakiz, Fallsammlung berufliche Vorsorge : 39 Übungsfälle mit Lösungsvorschlägen, Helbing Lichtenhahn, 2018

 

  • Gebhard Eugster, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum KVG, 2. Aufl., Schulthess, 2018 (Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Sozialversicherungsrecht [RBS])

 

  • Marc Hürzeler … [et al.], UVG : Bundesgesetz über die Unfallversicherung, Stämpli, 2018 (Kommentar zum schweizerischen Sozialversicherungsrecht)

 

  • Jörg Jeger, Die neuen Leitlinien der Schweizerischen Gesellschaft für Rheumatologie für die Begutachtung, in: Sozialversicherungsrechtstagung 2017, Dike, 2018, S. 1-17

 

  • Hardy Landolt/Ueli Kieser, Entschädigung und Genugtuung bei Schäden aus Impffolgen, in: Sozialversicherungsrechtstagung 2017, Dike, 2018, S. 41-141

 

  • Mario Bertschi, Der Jahreslohn in der beruflichen Vorsorge, in: Sozialversicherungsrechtstagung 2017, Dike, 2018, S. 143-174

 

  • Hans-Jakob Mosimann, Gemischte Methode : Treten an Ort oder Aufbruch zu neuen Ufern?, in: Sozialversicherungsrechtstagung 2017, Dike, 2018, S. 175-198

 

  • Thomas Geiser, Partage de la prévoyance professionnelle et divorce : ce qui a changé et ce qui est resté, in: Entretien de l’enfant et prévoyance professionnelle, Schulthess éd. romandes, 2018, p. 69-81

 

  • Hardy Landolt, Entwicklungen im Pflegerecht, in: St. Galler Gesundheits- und Pflegerechtstagung, Dike, 2018, S. 65-94

 

  • Hardy Landolt, SVG-Rechtsprechung : haftpflichtrechtliche Urteile des Jahres 2017, in: Jahrbuch zum Strassenverkehrsrecht, 2018, S. 43-88

 

  • Stéphanie Perrenoud, Salariés ou indépendants : quid en cas d’incapacité de travail?, in: Le droit social numérique, Stämpfli, 2018, p. 25-42

 

  • Vincent Brulhart, Sign up & drive: quelles assurances? : remarques sur l’émergence de l’économie collaborative et ses dépendances envers l’assurance, in: Le droit social numérique, Stämpfli, 2018, p. 43-60

 

  • Franz Werro, Federico Lubian, Vincent Perritaz, Sign up and drive: quelles responsabilités?, in: Le droit social numérique, Stämpfli, 2018, p. 61-85

 

  • Bettina Kahil-Wolff, Der AHV-rechtliche Beitragsstatus von in der Schweiz tätigen Uber-Fahrern : Gutachten zu Händen von Uber Switzerland GmbH = Avis juridique sur le statut des chauffeurs utilisant les applications Uber en Suisse au regard de la législation sur l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) : expertise à l’attention de Uber Switzerland GmbH, in: Le droit social numérique, Stämpfli, 2018, S. 209-286

 

  • Vincent Perritaz/Franz Werro, La rencontre de responsabilités en matière de circulation routière : quelques nouvelles perspectives, notamment en relation avec les véhicules connectés, in: Journée du droit de la circulation routière, 22 juin 2018, Stämpfli, 2018, p. 1-25

 

  • Vincent Brulhart, Révision partielle LCA, in: Journée du droit de la circulation routière, 22 juin 2018, Stämpfli, 2018, p. 49-72

 

  • Benoît Carron, Les nouveautés en droit de la circulation routière, In: Journée du droit de la circulation routière, 22 juin 2018, Stämpfli, 2018, p. 73-190

 

  • Rahel Sager, Invalidenrente während Depressionstherapie : Problemfelder und Perspektiven – ein Diskussionsbeitrag, in: Depressionen im Sozialversicherungsrecht – Stand der Dinge, Dike, 2018, S. 103-187

 

  • Volker Pribnow, Depression nach Unfall – die Kausalitätsdiskussion im Unfallversicherungsrecht, in: Depressionen im Sozialversicherungsrecht – Stand der Dinge, Dike, 2018, S. 189-205

 

  • Pascal Pichonnaz/Franz Werro, La responsabilité fondée sur le risque : un état des lieux et quelques perspectives d’avenir, in: Les responsabilités fondées sur le risque, Stämpfli, 2018, p. 1-26

 

  • Guillaume Etier, Les collisions de responsabilités fondées sur le risque : de la faute en tant que facteur d’imputation et de réparation du fardeau du dommage, in: Les responsabilités fondées sur le risque, Stämpfli, 2018, p. 27-40

 

  • Barbara Klett/Marianne de Meuron, La responsabilité des chemins de fer, in: Les responsabilités fondées sur le risque, Stämpfli, 2018, p. 41-80

 

  • Vincent Brulhart, Responsabilité pour risque et assurance de la responsabilité : ce qu’elles se doivent l’une à l’autre, in: Les responsabilités fondées sur le risque, Stämpfli, 2018, p. 139-163

 

  • Jean-Louis Duc, Facturation et rémunération des soins ambulatoires et stationnaires: rémunération des prestations non à la charge de l’assurance-maladie obligatoire des soins et double facturation de ceux-ci, en cas d’hospitalisation notamment, in: Jusletter, 18 juin 2018

 

  • Andreas Furrer/Raphael Brunner, Goodbye Gini-Durlemann : ein Stolperstein im schweizerischen Regressrecht fällt, in: Jusletter, 02. Juli 2018

 

  • Frédéric Krauskopf/Raphael Märki, Wir haben ein neues Verjährungsrecht! : Darstellung der neuen Gesetzesnormen mit Anmerkungen, in: Jusletter, 02. Juli 2018

 

  • Thomas Gächter, Michael E. Meier, Zur sozialversicherungsrechtlichen Qualifikation von Uber-Fahrern, in: Jusletter, 3. September 2018

 

  • Kurt Pärli, Uber-Urteile des Sozialversicherungsgerichts Zürich : die SUVA muss weitere Abklärungen treffen (UV.2017.00030 und weitere Verfahren), in: Jusletter, 3. September 2018

 

  • Simon Schönenberger, Eventualvorsatz im Unfallversicherungsrecht : Bemerkungen aus Anlass von BGE 143 V 285, in: Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, Jg. 62(2018), H. 3, S. 227-249

 

  • Lisette Batista/Tiago Gomes, Pluralité de responsables dans le cadre du recours subrogatoire de l’assureur social, in: Revue suisse des assurances sociales et de la prévoyance professionnelle, Vol. 62(2018), no 3, p. 250-264

 

  • Evalotta Samuelsson, Neuregelung der unfallähnlichen Körperschädigung : das Beispiel des Meniskusrisses, in: Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, Jg. 62(2018), H. 4, S. 335-366

 

  • Emilie Conti Morel, Nouveaux paradigmes pour le calcul du taux d’invalidité des assurés exerçant une activité lucrative à temps partiel en assurance-invalidité et en prévoyance professionnelle, in: Revue suisse des assurances sociales et de la prévoyance professionnelle, Vol. 62(2018), no 4, p. 367-382

 

  • Marco Weiss, Anmerkungen zur geplanten Revision des Art. 44 ATSG, in: Schweizerische Zeitschrift für Sozialversicherung und berufliche Vorsorge, Jg. 62(2018), H. 5, S. 476-494

 

  • Hardy Landolt/Iris Herzog-Zwitter, Haftung für Pflegefehler, in: HAVE, 2018, H. 2, S. 111-128

 

  • Marco Weiss, Der Anspruch auf Gerichtsgutachten im Sozialversicherungsrecht, in: HAVE, 2018, H. 2, S. 137-144

 

9C_827/2016 (f) du 31.07.2017 – Méthode mixte – emploi à 50% et le reste du temps consacré à son enfant au bénéfice d’une allocation pour impotent grave et supplément pour soins intense / Notion d’activité lucrative / Notion de travaux habituels / Pondération des soins aux enfants

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_827/2016 (f) du 31.07.2017

 

Consultable ici

 

Méthode mixte de l’évaluation de l’invalidité d’une assurée travaillant à 50% et consacrant le reste de son temps en particulier à un de ses enfants au bénéfice d’une allocation pour impotent grave et supplément pour soins intense

Notion d’activité lucrative – 4 al. 1 LAVS

Notion de travaux habituels / 28a al. 2 LAI – 28a al. 3 LAI

Pondération des soins aux enfants

 

Assuré, mère célibataire de deux enfants, B.__ né en 1998 et C.__ né en 2005. Depuis le 01.09.2004, elle a travaillé à 50% en tant qu’enseignante en mathématique dans un cycle d’orientation. Elle a consacré le reste de son temps à l’éducation et aux soins de ses enfants, en particulier de son fils aîné. Celui-ci bénéficie d’une allocation pour impotent de degré grave ainsi que d’un supplément pour soins intenses de huit heures par jour.

Le 04.12.2010, l’assurée a été victime d’un accident de la circulation routière à la suite duquel elle a été entièrement incapable de travailler. Elle a repris son activité lucrative le 22.12.2012. Le médecin du Service médical régional (SMR) a fait état d’une incapacité totale de travail dans toute activité du 04.12.2010 jusqu’en août 2012 ; depuis lors, la capacité de travail était entière.

L’office AI a mis en œuvre une enquête ménagère. L’assurée a indiqué que son fils B.__ avait été placé en internat dans un foyer durant la semaine car elle ne pouvait plus s’en occuper depuis l’accident. Parmi les divers champs d’activités pris en compte, le poste « Soins aux enfants et aux autres membres de la famille » a été pondéré à 30%, l’empêchement dans ce champ étant de 70%.

Par décision du 04.07.2014, l’office AI a fixé le degré d’invalidité à 50% dans l’activité lucrative (empêchement de 100%) et à 18,5% dans la tenue du ménage (empêchement de 37%), l’invalidité totale étant de 69%. II a dès lors alloué trois quarts de rente à l’assurée du 01.12.2011 au 31.08.2012, compte tenu de la capacité de travail recouvrée à ce moment-là.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/850/2016 – consultable ici)

De l’avis du tribunal cantonal, l’assurée doit être considérée comme une personne exerçant une activité lucrative à plein temps, et non à temps partiel. Le degré d’invalidité doit être établi selon la méthode générale de comparaison des revenus, en se référant à l’activité lucrative de 50% que l’assurée exerce en tant qu’enseignante, les autres 50% de l’activité correspondant aux soins prodigués à B.__ et le revenu réalisé à ce titre étant constitué de l’allocation pour impotent et du supplément pour soins intenses.

Par jugement du 20.10.2016, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, annulation de la décision et renvoi de la cause à l’office AI pour instruction complémentaire et nouvelle décision au sens des considérants.

 

TF

Il existe principalement trois méthodes d’évaluation de l’invalidité, la méthode générale de comparaison des revenus, la méthode spécifique et la méthode mixte. Leur application dépend du statut du bénéficiaire potentiel de la rente: assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré n’exerçant pas d’activité lucrative et assuré en exerçant une à temps partiel (ATF 137 V 334 consid. 3.1 p. 337).

Selon l’art. 28a al. 3 LAI, lorsque l’assuré exerce une activité lucrative à temps partiel ou travaille sans être rémunéré dans l’entreprise de son conjoint, l’invalidité pour cette activité est évaluée selon l’art. 16 LPGA. S’il accomplit ses travaux habituels, l’invalidité est fixée selon l’al. 2 pour cette activité-là. Dans ce cas, les parts respectives de l’activité lucrative ou du travail dans l’entreprise du conjoint et de l’accomplissement des travaux habituels sont déterminées; le taux d’invalidité est calculé dans les deux domaines d’activité.

En droit des assurances sociales, la notion d’activité lucrative, que l’on retrouve notamment à la base de l’art. 4 al. 1 LAVS (mais également aux art. 3 LAI et 27 LAPG renvoyant à la LAVS), signifie l’exercice d’une activité (personnelle) déterminée visant à l’obtention d’un revenu et destinée à accroître le rendement économique. Peu importe à cet égard que la personne concernée ait subjectivement l’intention de gagner de l’argent pour elle-même. Il s’agit au contraire d’établir l’existence de cette intention sur la base des faits économiques concrets. L’élément caractéristique essentiel d’une activité lucrative réside dans la concrétisation planifiée d’une volonté correspondante sous la forme d’une prestation de travail, ce dernier élément devant également être établi à satisfaction de droit (ATF 128 V 20 consid. 3b p. 25 ss et les références; voir aussi les ch. 2004 ss des Directives de l’OFAS sur les cotisations des travailleurs indépendants et des personnes sans activité lucrative dans l’AVS, l’AI et APG [DIN]).

Au regard des constatations de fait des premiers juges, il n’existe aucun élément économique concret pouvant établir une intention de l’assurée de réaliser un revenu ou d’augmenter sa capacité de rendement économique. En procédure fédérale, l’assurée soutient que les soins constituaient une activité lucrative, mais elle n’allègue pas avoir concrètement réalisé un revenu correspondant, ni eu l’intention ou la volonté de le faire. Il n’y a donc pas lieu de s’attarder sur le caractère imposable ou non imposable de l’allocation pour impotent et du supplément pour soins intenses que l’assurance-invalidité verse à B.__ en raison de son handicap, d’autant moins que l’assurée n’est pas la bénéficiaire de ces prestations.

La loi ne dit pas quelles sont les activités qui sont couvertes par la notion de travaux habituels selon l’art. 28a al. 2 et 3 LAI. Le règlement y consacre une disposition: d’après l’art. 27 RAI, première phrase, par travaux habituels des assurés travaillant dans le ménage, il faut entendre notamment l’activité usuelle dans le ménage, l’éducation des enfants ainsi que toute activité artistique ou d’utilité publique (voir aussi l’arrêt ATF 137 V 334 consid. 3.1.2 p. 337, ainsi que l’arrêt I 249/04 du 6 septembre 2004 consid. 4.1.2). Les travaux ménagers constituent des prestations utiles ayant en principe une valeur économique (cf. ATF 130 V 360 consid. 3.3.4 p. 366 et les références). Il est ainsi constant que les soins et l’assistance apportés gratuitement à des proches font partie des travaux habituels (ATF 141 V 15 consid. 4.4 p. 22), à l’instar du travail accompli par la fille qui s’occupe de sa mère nécessitant des soins (arrêt I 61/81 du 19 octobre 1982). Aussi, le fait qu’un tiers accomplirait les travaux habituels contre rémunération ne permet pas pour autant de les qualifier comme étant des activités lucratives lorsqu’elles sont effectuées par un membre de la famille.

Selon le Tribunal fédéral, dans la mesure où la juridiction cantonale a assimilé les soins que l’assurée apportait à son fils B.__ à une activité lucrative, elle s’est écartée aussi bien de la notion d’activité lucrative au sens du droit des assurances sociales que de celle des travaux habituels au sens des art. 28a al. 2 et 3 LAI. Son raisonnement ne peut être suivi: il revient en définitive à créer un salaire hypothétique pour tout membre de la famille investissant son temps pour les tâches ménagères, au nombre desquelles figurent les soins aux enfants et aux autres membres de la famille, alors que de telles activités ne génèrent pas de revenu pour celui qui les accomplit et constituent des travaux habituels au sens de l’art. 27 RAI. L’assimilation opérée de ces travaux à une activité lucrative ne correspond pas au système prévu par la LAI.

Le statut de l’assurée est celui d’une personne exerçant une activité lucrative à temps partiel en tant qu’enseignante, tout en s’occupant de ses travaux habituels qui comportent notamment les soins dispensés à son fils handicapé. Son degré d’invalidité doit donc être évalué en fonction de la méthode mixte d’évaluation, applicable aux personnes qui exercent une activité lucrative à temps partiel et qui consacrent le reste de leur temps à leurs travaux habituels (art. 28a al. 3 LAI).

Dès lors que la cause doit être renvoyée à la juridiction cantonale afin qu’elle reprenne l’examen de la légalité de la décision administrative en appliquant la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité, il est prématuré de revoir les différents champs d’activités de l’enquête ménagère qui ont été pris en compte dans ladite décision, puisque cette tâche incombe d’abord aux juges cantonaux. Dans ce contexte, il faut rappeler que la jurisprudence admet que la pondération des soins aux enfants puisse excéder 30% des travaux habituels, lorsque l’activité de soins et d’assistance doit être considérée comme l’activité principale de l’assuré (cf. arrêt I 469/99 du 21 novembre 2000 consid. 4c). On ajoutera que dans certaines circonstances bien définies, la jurisprudence autorise à tenir compte de la diminution de la capacité d’exercer une activité lucrative ou d’accomplir les travaux habituels en raison des efforts consentis dans l’autre domaine d’activité (ATF 134 V 9; arrêt 9C_713/2007 du 8 août 2008 consid. 4).

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à l’instance cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

 

Arrêt 9C_827/2016 consultable ici

 

 

Solutions de compromis proposées pour la réforme des prestations complémentaires

Solutions de compromis proposées pour la réforme des prestations complémentaires

 

Communiqué de presse du Parlement du 16.10.2018 consultable ici

 

La Commissions de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS-E) a achevé la deuxième phase de la procédure d’élimination des divergences relative au projet de réforme des prestations complémentaires (PC) [16.065 é] et s’est rapprochée à l’avis du Conseil national sur deux points importants.

Si elle entend certes maintenir l’idée de renoncer à un seuil de la fortune avec prêt garanti (art. 9a et 11a0: sans opposition), elle propose, en guise de compromis, de prévoir la restitution des PC par un prélèvement sur la succession déjà à partir d’une franchise de 40000 francs au lieu de 50000 francs (art. 16a; 10 voix contre 0 et 1 abstention). Cette mesure permettrait d’économiser 270 millions de francs au total, soit 20 millions de plus qu’avec la solution préconisée par le Conseil national, qui associe seuil de la fortune avec prêt garanti et restitution. D’après certains membres de la commission, la restitution prélevée sur la succession serait en outre plus simple à gérer qu’une combinaison des deux instruments.

La commission propose également, à l’unanimité, un compromis au sujet de la couverture des besoins vitaux des enfants (art. 10, al. 1, let. a, ch. 3 et 4, ainsi qu’al. 3, let. f), avec pour objectif de rester aussi proche que possible des coûts effectifs d’une famille. S’agissant des enfants de moins de 11 ans, les dépenses reconnues devraient être réduites par rapport à ce qu’a décidé le Conseil national, tandis que, en contrepartie, les coûts de l’encadrement extrafamilial nécessaire devraient être reconnus. Pour les enfants de 11 ans et plus, rien ne devrait changer par rapport à la situation actuelle.

Par ailleurs, la commission soumet notamment les propositions suivantes à son conseil:

  • Les PC ne doivent pas être réduites lorsque le capital retiré de la caisse de pension est totalement ou partiellement utilisé (art. 9, al. 1ter et 1quater; sans opposition). La commission souhaite en particulier éviter que des personnes n’ayant retiré qu’un petit montant de leur caisse de pension et ayant dû l’utiliser pour subvenir à leurs besoins ne soient sanctionnées.
  • Les montants de la franchise sur la fortune (art. 11, al. 1, let. c; sans opposition) doivent être ramenés, comme le propose le Conseil fédéral, au niveau qui était le leur avant le nouveau régime de financement des soins, y compris le renchérissement. La commission s’oppose à une réduction plus importante dans le cadre de la réforme des PC.
  • Dans un souci de clarté et de sécurité juridique, la commission souhaite également inclure une disposition transitoire stipulant que seule la fortune qui a été dépensée après l’entrée en vigueur de la réforme peut être prise en compte pour déterminer une consommation excessive de la fortune (disposition transitoire ad art. 11a, al. 3 et 4; sans opposition).

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 16.10.2018 consultable ici

 

 

Le Conseil fédéral recommande l’adoption de l’article relatif à la surveillance dans les assurances sociales

Le Conseil fédéral recommande l’adoption de l’article relatif à la surveillance dans les assurances sociales

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 09.10.2018 consultable ici

 

Le 25.11.2018, le peuple votera sur les nouvelles dispositions légales régissant l’observation secrète des assurés par les assurances sociales. En fixant les conditions, les modalités et les limites des observations, ces dispositions protègent les assurés de l’arbitraire et créent de la transparence.

Les assurances sociales garantissent à tout un chacun une vie dans la dignité et la sécurité matérielle. Pour cela, elles doivent soigneusement examiner le droit aux prestations, telles que les rentes de l’assurance-invalidité (AI) ou de l’assurance-accidents. Dans des cas exceptionnels, une surveillance de l’assuré à son insu, autrement dit une observation, peut être nécessaire.

 

La loi fixe de strictes limites

Une surveillance secrète représente une intrusion majeure dans la sphère privée de l’assuré. C’est pourquoi le Conseil fédéral et le Parlement tiennent à empêcher toute observation inutile, arbitraire ou disproportionnée en fixant, dans les nouvelles dispositions légales, des limites très strictes pour ces mesures. Le projet de loi crée un équilibre entre le contrôle nécessaire et la protection des droits fondamentaux.

Une observation ne peut être ordonnée que s’il existe des indices concrets de perception indue de prestations d’assurance. Elle ne peut être réalisée qu’en dernier recours si les faits ne peuvent être instruits par d’autres moyens ou ne peuvent l’être qu’au prix d’efforts disproportionnés. Aucune observation n’est admise à l’intérieur d’un logement. Des endroits tels que la cage d’escalier ou la chambre à coucher sont des espaces faisant partie de la sphère privée et qui, à ce titre, sont protégés de l’observation, selon le Tribunal fédéral. L’assuré ne peut être observé que s’il se trouve dans un lieu accessible au public ou dans un lieu qui est librement visible depuis un lieu accessible au public, par exemple un balcon.

L’observation est limitée à 30 jours au plus sur une période de six mois, voire d’une année si les circonstances le justifient. Les seuls instruments techniques admis sont les instruments de localisation et ils ne peuvent être utilisés qu’avec une autorisation judiciaire. Le recours à des microphones directionnels, à des appareils de vision nocturne, à des drones, etc. est interdit.

Les observateurs sont tenus au secret de fonction. Une fois l’observation terminée, l’assuré doit en être informé et il peut demander au tribunal de confirmer le bien-fondé de la mesure. Cette disposition crée la transparence et prévient les observations arbitraires ou inutiles. Si le soupçon n’est pas confirmé, tout le matériel recueilli lors de l’observation doit être détruit. La personne concernée peut cependant demander que ce matériel soit conservé dans son dossier comme élément à décharge.

Les dispositions seront inscrites dans la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) et régiront toutes les assurances sociales fédérales, à l’exception de la prévoyance professionnelle qui ne relève pas de la LPGA. La plupart des assurances sociales ne seront cependant pas concernées, étant donné qu’elles n’ont guère besoin d’observer leurs assurés.

 

Expériences en matière d’observation dans l’AI et dans l’assurance-accidents

Par le passé, l’AI et l’assurance-accidents ont déjà fait usage des mesures d’observation. Entre 2009 et 2016, l’AI a ouvert une enquête sur quelques 2000 cas par an en moyenne pour soupçon d’abus, dont 220 environ ont donné lieu à une observation. Au cours de la même période, la Suva a traité quelque 400 cas suspects par an en moyenne pour lesquels une douzaine de personnes ont été observées. Les observations ont confirmé les soupçons de fraude dans environ un cas sur deux pour l’AI, et dans environ deux cas sur trois pour la Suva.

Aucune observation n’est effectuée actuellement. En octobre 2016, la Cour européenne des droits de l’homme a estimé que l’assurance-accidents n’avait pas le droit d’observer les assurés, faute de base légale suffisante. En juillet 2017, le Tribunal fédéral a considéré qu’il n’existait pas non plus de base légale suffisante pour l’AI. À la suite de ces arrêts, les deux assurances ont suspendu les observations. Si le projet de loi est refusé, les assurances sociales ne seront plus autorisées à observer les assurés.

 

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 09.10.2018 consultable ici

Fiche d’information « Les articles relatifs à l’observation en détail », du 09.10.2018, disponible ici

Fiche d’information « La protection de la sphère privée dans le cadre des observations », du 09.10.2018, disponible ici

Fiche d’information « Utilisation d’instruments techniques pour les observations », du 09.10.2018, disponible ici

Fiche d’information « Expériences faites dans l’assurance-invalidité en matière d’observations », du 09.10.2018, disponible ici

Questions et réponses « Dispositions de la LPGA sur l’observation : faits et contexte », édité par l’OFAS le 09.10.2018, disponible ici

 

Pour les germanophones, le communiqué de presse (Bundesrat empfiehlt Observationsartikel für Sozialversicherungen zur Annahme) et les diverses fiches d’information sont disponible ici

Pour les italophones, le communiqué de presse (Il Consiglio federale raccomanda di approvare gli articoli sull’osservazione degli assicurati da parte delle assicurazioni sociali) et les diverses fiches d’information sont disponible ici

 

 

8C_574/2017 (f) du 04.09.2018 – Droit à l’indemnité chômage – Personnes (et leur conjoint lorsqu’il/elle travaille avec elles) qui se trouvent dans une position assimilable à celle d’un employeur – 31 al. 3 LACI / Mesure d’éloignement prise à l’encontre de son époux (propriétaire de la société)

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_574/2017 (f) du 04.09.2018

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité chômage – Personnes (et leur conjoint lorsqu’il/elle travaille avec elles) qui se trouvent dans une position assimilable à celle d’un employeur / 31 al. 3 LACI

Mesure d’éloignement prise à l’encontre de l’époux (propriétaire de la société)

 

Le 01.09.2016, l’assurée, mariée et mère de deux enfants, s’est inscrite comme demandeuse d’emploi et a sollicité l’octroi d’une indemnité de chômage. Dans le formulaire de demande d’indemnité, elle indiquait avoir travaillé comme aide de cuisine au service de B.__ SA du 05.11.2011 au 31.01.2016. Elle a répondu par l’affirmative à la question « Avez-vous, vous, votre conjoint […] une participation financière à l’entreprise de votre ancien employeur ou êtes-vous, votre conjoint […] membre d’un organe supérieur de décision de l’entreprise […] ? ». Son contrat avait été résilié par lettre du 20.12.2015 en raison d’une réorganisation de l’effectif. En outre, avant le dépôt de sa demande, l’assurée avait subi une incapacité de travail du 20.12.2015 au 31.08.2016 pour laquelle elle avait perçu des indemnités journalières de l’assurance-accident.

Par décision du 24.10.2016, la caisse cantonale de chômage (ci-après: la caisse) a refusé d’allouer des prestations à l’assurée au motif que son époux était propriétaire de la société l’ayant licenciée.

L’assurée s’est opposée à cette décision, invoquant en particulier une mesure d’éloignement prise à l’encontre de son époux et la rupture totale des liens avec celui-ci et la société en cause. Après avoir requis l’avis du Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO), la caisse a rejeté l’opposition par une nouvelle décision du 22 décembre 2016.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/611/2017 – consultable ici)

Se référant à l’ATF 142 V 263, la cour cantonale a retenu que, malgré les mesures protectrices de l’union conjugale prononcées, le droit à l’indemnité de chômage de l’assurée était en principe exclu du 01.09.2016 au 08.05.2017, dès lors que l’époux de cette dernière avait une position assimilable à celle d’un employeur dans la société qui l’avait employée. L’état de fait sur lequel se fondait l’arrêt précité recelait cependant d’indices d’abus patents. Or, dans le cas d’espèce, tout risque d’abus pouvait être éliminé à partir du 10.10.2016, soit le lendemain de l’arrestation de l’époux en raison de violences conjugales. En effet, dès ce moment, l’assurée et ses enfants avaient dû se réfugier dans plusieurs structures d’accueil et les violences avaient justifié qu’une interdiction de les approcher soit signifiée à l’époux. Au vu de ces circonstances exceptionnelles, il était clairement exclu qu’elle cherche à obtenir son réengagement dans la société. En outre, les mesures prises dès cette date – déménagement, requête de mesures provisionnelles, demande d’éloignement, demande de divorce – rendaient pour ainsi dure nulles les probabilités d’une réconciliation. D’ailleurs, aucune reprise de la vie commune n’avait eu lieu pendant la période examinée. Enfin, à partir du 09.05.2017, l’époux de l’assurée n’avait plus la qualité d’administrateur de B.__ SA, de sorte que le droit à l’indemnité ne pouvait pas non plus être nié pour ce motif.

Par jugement du 30.06.2017, admission partielle du recours par le tribunal cantonal et renvoi de la cause à la caisse de chômage pour nouvelle décision (octroi dès le 09.05.2017).

 

TF

Dans plusieurs arrêts (en dernier lieu l’arrêt 8C_163/2016 du 17 octobre 2016 consid. 4.2), le Tribunal fédéral a rappelé que pour des raisons de conflits d’intérêts évidents, la loi exclut du cercle des bénéficiaires de l’indemnité en cas de réduction de travail les personnes qui occupent dans l’entreprise une position dirigeante leur permettant de déterminer eux-mêmes l’ampleur de la diminution de leur activité (cf. art. 31 al. 3 let. c LACI). Il en va de même des conjoints de ces personnes, qui travaillent dans l’entreprise.

Dans l’ATF 123 V 234, le Tribunal fédéral a identifié un risque de contournement de cette clause d’exclusion lorsque dans un contexte économique difficile, ces mêmes personnes procèdent à leur propre licenciement et revendiquent l’indemnité de chômage tout en conservant leurs liens avec l’entreprise. Dans une telle configuration, en effet, il est toujours possible pour elles de se faire réengager dans l’entreprise ultérieurement et d’en reprendre les activités dans le cadre de son but social. La même chose vaut pour le conjoint de la personne qui se trouve dans une position assimilable à un employeur lorsque, bien que licencié par ladite entreprise, il conserve des liens avec celle-ci au travers de sa situation de conjoint d’un dirigeant d’entreprise. Cette possibilité d’un réengagement dans l’entreprise – même si elle est seulement hypothétique et qu’elle découle d’une pure situation de fait – justifie la négation du droit à l’indemnité de chômage. Ce droit peut toutefois être reconnu lorsque le dirigeant démontre qu’il a coupé tous les liens qu’il entretenait avec l’entreprise (en raison de la fermeture de celle-ci ou en cas de démission de la fonction dirigeante) ou, s’agissant du conjoint licencié, lorsque celui-ci a travaillé dans une autre entreprise que celle dans laquelle son mari ou sa femme occupe une position assimilable à un employeur.

Bien que cette jurisprudence puisse paraître très sévère, il y a lieu de garder à l’esprit que l’assurance-chômage n’a pas pour vocation à indemniser la perte ou les fluctuations de gain liées à une activité indépendante mais uniquement la perte de travail, déterminable et contrôlable, du travailleur ayant un simple statut de salarié qui, à la différence de celui occupant une position décisionnelle, n’a pas le pouvoir d’influencer la perte de travail qu’il subit et pour laquelle il demande l’indemnité de chômage (sur l’ensemble de cette problématique, voir BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, ad art. 10 LACI n° 18 ss; également du même auteur, Droit à l’indemnité de chômage des personnes occupant une position assimilable à celle d’un employeur, in DTA 2013 n° 1, p. 1-12).

Dans l’ATF 142 V 263, le Tribunal fédéral a jugé que les prestations de l’assurance-chômage n’étaient pas dues jusqu’au prononcé du divorce, indépendamment du point de savoir si et depuis combien de temps les conjoints vivaient séparés de fait ou de droit ou si des mesures de protection de l’union conjugale avaient été ordonnées, car il existait un risque d’abus (eu égard aux intérêts économiques des conjoints). Dans les considérants de cet arrêt publié (cf. en particulier consid. 4.1 et 5.2), le Tribunal fédéral a souligné qu’il n’était pas justifié de traiter différemment les personnes assimilées à un employeur et leurs conjoints, selon qu’ils réclamaient une indemnité de chômage, une indemnité en cas de réduction de travail ou en cas d’insolvabilité – le risque d’abus étant le même pour les trois types de prestations – et que l’exclusion devait être comprise de manière absolue. Il ne se justifiait donc pas d’accorder des prestations aux personnes concernées sous certaines conditions dans des cas individuels. En outre, l’exclusion du droit aux prestations de chômage n’était pas fondée sur des abus réels et prouvés, mais sur le risque d’abus inhérent à la position des personnes employées dans l’entreprise de leur conjoint (consid. 5.3).

Cela étant, il n’est pas possible de restreindre la portée de cet arrêt à la situation spécifique qui en est à l’origine. En outre, les conditions limitatives permettant de revenir sur une jurisprudence ne sont pas remplies en l’espèce (cf. ATF 139 V 307 consid. 6.1 p. 313; 138 III 270 consid. 2.2.2 p. 273, 359 consid. 6.1 p. 361); l’assurée ne prétend pas le contraire. On ajoutera que la probabilité d’une reprise de la vie commune ne constitue pas un élément déterminant. En effet, dans l’affaire ayant fait l’objet de l’ATF 142 V 263, les époux étaient séparés depuis de nombreuses années et le mari avait fondé une nouvelle famille. Dans ces conditions, il n’y a pas lieu d’examiner la possibilité d’une réconciliation entre l’assurée et son mari, malgré les circonstances exceptionnelles que constituent la mesure d’éloignement et la détention de ce dernier. Il s’ensuit que le grief est bien fondé et que les juges cantonaux ne pouvaient pas reconnaître le droit de l’assurée à l’indemnité de chômage à compter du 10.10.2016.

 

Le mari a perdu la qualité d’administrateur de B.__ SA le 09.05.2017. On doit admettre que le raisonnement des premiers juges, selon lequel la qualité d’actionnaire n’est pas déterminante, repose sur une interprétation erronée de la jurisprudence. En effet, il est vrai que le seul fait de disposer d’une participation au capital social de l’entreprise qui l’employait ne suffit pas, à lui seul, à considérer que l’assuré se trouve dans une position assimilable à celle d’un employeur. Il n’en demeure pas moins que le droit aux prestations de chômage peut lui être nié lorsque la part sociale est importante et lui permet d’influencer les décisions de l’entreprise (cf. arrêts 8C_642/2015 du 6 septembre 2016 consid. 6; 8C_1044/2008 du 13 février 2009 consid. 3.2.2; voir aussi les art. 31 al. 3 let. c et 51 al. 2 LACI). En l’espèce, le jugement attaqué ne dit rien au sujet des parts sociales encore détenues par l’époux de l’assurée à compter du 09.05.2017. On ne trouve pas non plus d’indication dans le dossier de la procédure cantonale. Il se justifie alors de renvoyer la cause à la caisse pour qu’elle instruise la question conformément à l’art. 43 LPGA et examine, au besoin, les autres conditions du droit à l’indemnité.

 

Le TF admet partiellement le recours de la caisse de chômage, annulant le jugement cantonal et la décision sur opposition et renvoyant la cause à la caisse de chômage pour nouvelle décision.

 

 

Arrêt 8C_574/2017 consultable ici

 

 

8C_702/2017 (f) du 17.09.2018 – Participation à une rixe – 39 LAA – 49 OLAA / « Allez vous faire foutre » n’est pas similaire à un « doigt d’honneur »

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_702/2017 (f) du 17.09.2018

(arrêt à 5 juges)

 

Consultable ici

 

Participation à une rixe / 39 LAA – 49 OLAA

« Allez vous faire foutre » n’est pas similaire à un « doigt d’honneur »

Réduction des prestations en espèces niée par le TF

 

Assuré, apprenti électronicien, qui a déposé le 08.07.2013 une plainte pénale pour lésions corporelles simples, menaces, injures et dommages à la propriété. Selon le rapport de dénonciation, il s’est rendu le 6 juillet 2013 aux rencontres des jeunesses, où il a campé du samedi au dimanche matin. Lors de son départ, le dimanche vers 9h30, il s’est fait insulter par quatre jeunes hommes qui se trouvaient dans un véhicule et qui s’apprêtaient également à quitter les lieux. L’assuré leur a répondu. Le conducteur de la voiture est alors sorti et s’est dirigé vers lui. Arrivé à sa hauteur, il l’a aussitôt frappé. L’assuré s’est défendu à l’aide d’un casque de moto qu’il tenait dans une main. Immédiatement après, les trois passagers du véhicule sont également sortis et ont, à leur tour, frappé le plaignant. Un de ces jeunes criait à son copain:  « tue-le, tue-le! ». Les quatre individus ont ensuite menacé l’assuré en lui disant:  « on va se revoir ». Les agresseurs de l’assuré n’ont pas pu être identifiés.

L’assuré a subi une luxation de l’épaule droite. L’assurance-accidents a pris en charge le cas.

Le 10.08.2015, l’employeur a annoncé une rechute par déclaration de sinistre LAA en raison de douleurs à l’épaule droite apparues en juin 2015.

Le 15.03.2016, l’assuré a été entendu par un agent de l’assurance-accidents. Revenant sur les faits survenus le 07.07.2013, il a précisé qu’avant de se faire insulter, il ne s’était pas adressé aux occupants du véhicule, ni oralement, ni par geste. Il s’est fait insulter « avec pleins de noms d’oiseaux et notamment par « pédé » ». Il avait répondu: « Allez vous faire foutre ». C’est alors que le conducteur était sorti de la voiture et, sans dire un mot, lui avait asséné un coup de poing au visage. Il avait réagi et s’était défendu au moyen du casque de moto qu’il tenait dans sa main en frappant le conducteur à la tête. Immédiatement après les autres occupants de la voiture étaient sortis du véhicule et l’avaient frappé violemment.

Le 01.06.2016, l’assurance-accidents a nié le lien de causalité naturelle entre l’accident du 07.07.2013 et les lésions de l’épaule droite déclarées. Après opposition de l’assuré, l’assurance-accidents a réexaminé la situation médicale et a accepté d’allouer ses prestations. Toutefois, elle a réduit les prestations en espèces de moitié au titre d’une participation à une rixe.

 

Procédure cantonale

Les juges cantonaux ont considéré qu’envoyer quelqu’un « se faire foutre », même sous le coup de la provocation, n’est pas anodin. Selon eux, à l’instar du « doigt d’honneur », l’expression utilisée par l’assuré était dotée d’une connotation sexuelle sans équivoque et a vocation à humilier la personne à qui elle s’adresse. L’assuré aurait pu demander qu’on le « laisse tranquille » ou, à la limite, qu’on lui « foute la paix ». Il aurait aussi pu se contenter de rester silencieux malgré l’altercation verbale provoquée par ses opposants, voire d’ignorer leurs propos et de quitter les lieux sans demander son reste dès lors qu’il était déjà sur le départ. Au vu du caractère de surenchère des propos assumés de l’assuré, la réaction de l’agresseur n’était pas si imprévisible et inattendue qu’il faille admettre qu’il n’existe aucun lien entre la parole prononcée et les coups qui ont suivis. Selon la cour cantonale, les propos tenus par l’assuré étaient manifestement susceptibles, au vu du contexte d’emblée tendu, d’entraîner une réaction de violence telle qu’elle s’est effectivement produite. Aux dires même d’ailleurs de l’assuré, « leurs intentions [de ses agresseurs] m’étaient claires dès le début, soit chercher la bagarre ». Son argument selon lequel il ne serait pas à l’origine de l’altercation et n’aurait fait que se défendre ne lui était par conséquent d’aucun secours dès lors que, même sans l’avoir réellement initiée, il s’était mis volontairement dans une zone de danger qu’il reconnaissait avoir parfaitement jaugée.

Par jugement du 24.08.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’art. 49 al. 2 OLAA dispose que les prestations en espèces sont réduites au moins de moitié en cas d’accident non professionnel survenu notamment en cas de participation à une rixe ou à une bagarre, à moins que l’assuré ait été blessé par les protagonistes alors qu’il ne prenait aucune part à la rixe ou à la bagarre ou qu’il venait en aide à une personne sans défense (let. a). La notion de participation à une rixe ou à une bagarre est plus large que celle de l’art. 133 CP. Pour admettre l’existence d’une telle participation, il suffit que l’assuré entre dans la zone de danger, notamment en participant à une dispute. Peu importe qu’il ait effectivement pris part activement aux faits ou qu’il ait ou non commis une faute: il faut au moins qu’il se soit rendu compte ou ait pu se rendre compte du danger. En revanche, il n’y a pas matière à réduction en cas de légitime défense ou plus généralement lorsque l’assuré se fait agresser physiquement, sans qu’il y ait eu au préalable une dispute, et qu’il frappe à son tour l’agresseur dans un mouvement réflexe de défense (arrêts 8C_575/2017 du 26 avril 2018 consid. 3; 8C_459/2017 du 16 avril 2018 consid. 4.1; 8C_600/2017 du 26 mars 2018 consid. 3; 8C_788/2016 du 20 novembre 2017 consid. 3; 8C_263/2013 du 19 août 2013).

Par ailleurs, il doit exister un lien de causalité entre le comportement de la personne assurée et le dommage survenu. Si l’attitude de l’assuré – qui doit être qualifiée de participation à une rixe ou à une bagarre – n’apparaît pas comme une cause essentielle de l’accident ou si la provocation n’est pas de nature, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, à entraîner la réaction de violence, l’assureur-accidents n’est pas autorisé à réduire ses prestations d’assurance. Il convient de déterminer rétrospectivement, en partant du résultat qui s’est produit, si et dans quelle mesure l’attitude de l’assuré apparaît comme une cause essentielle de l’accident (ATF 134 V 315 consid. 4.5.1.2 p. 320). A cet égard, les diverses phases d’une rixe, respectivement d’une bagarre, forment un tout et ne peuvent être considérées indépendamment l’une de l’autre (arrêt 8C_600/2017 du 26 mars 2018 consid. 3 et les arrêts cités).

 

Selon le Tribunal fédéral, contrairement à l’opinion des premiers juges, on ne saurait considérer, dans le présent contexte tout au moins, que l’expression incriminée est constitutive d’une injure (sur cette notion en droit pénal, voir l’arrêt 6B_557/2013 du 12 septembre 2013 consid. 1.1). Il s’agit d’une locution que l’on peut certes qualifier de vulgaire, mais qui, dans le cas particulier, peut être comprise comme signifiant, familièrement dit, « dégage », ou « va te faire fiche » ou encore « va te faire voir ». Dans le langage courant actuel, elle est dépourvue de connotation sexuelle contrairement aussi à ce que retient la juridiction cantonale. Son sens étymologique (se faire posséder sexuellement selon le Grand Robert, dictionnaire de la langue française dans sa version électronique) est aujourd’hui sorti de l’usage. On peut en outre sérieusement douter que les occupants du véhicule, qui avaient provoqué gratuitement et sans doute assez gravement l’assuré en proférant des insultes à son endroit, se soient sentis particulièrement humiliés par les mots de ce dernier.

De plus, on ne saurait guère attendre d’un jeune homme, alors âgé de 19 ans, qu’il se laisse insulter par d’autres jeunes gens tout en restant silencieux ou qu’il réagisse en des termes choisis. Les mots employés par l’assuré s’inscrivaient dans le contexte particulier d’une agression verbale et relevaient d’une réaction spontanée à celle-ci. Si véritablement les intentions des agresseurs devaient être claires dès le début, on peut alors penser que ceux-ci ont saisi le prétexte de cette réaction pour frapper l’assuré. Ce n’est du reste pas tant les mots en question qui sont à l’origine des coups qui ont été portés à l’assuré par les quatre occupants du véhicule que le fait que l’assuré a tenté de se défendre au moyen de son casque contre le premier agresseur. C’est ce geste de défense qui a visiblement provoqué un désir de vengeance des trois autres protagonistes restés jusque-là à l’intérieur du véhicule avant de venir frapper à leur tour l’assuré. L’injonction répétée « tue-le, tue-le ! » proférée par l’un d’entre eux et la menace « on va se revoir » constituent des indices sérieux de cette volonté de vengeance.

En définitive il n’y a pas eu de dispute préalable dans laquelle se serait engagé imprudemment l’assuré. Son mouvement de défense au moyen de son casque était légitime. Malgré les termes employés, sa réponse aux insultes proférées ne suffisait pas à le placer dans la zone de danger exclue par l’assurance.

Dans ces conditions, il n’y avait pas lieu à réduction des prestations en application de l’art. 49 al. 2 OLAA. On notera, pour terminer, que les faits de la présente cause ne sont pas comparables à la situation jugée dans l’arrêt 8C_932/2012 du 22 mars 2013 où un assuré qui se trouvait dans sa voiture avec sa femme dans un parking a été passé à tabac par deux jeunes gens auxquels ils avaient montré un doigt d’honneur, geste qui présentait indéniablement un caractère obscène et qui passait pour une provocation (cf. consid. 4 de l’arrêt).

 

Le TF admet le recours de l’assuré et annule le jugement cantonal et la décision de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_702/2017 consultable ici

 

 

Signature à Sarajevo de la convention de sécurité sociale entre la Suisse et la Bosnie-Herzégovine

Signature à Sarajevo de la convention de sécurité sociale entre la Suisse et la Bosnie-Herzégovine

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 01.10.2018 consultable ici

 

 

L’ambassadrice suisse Andrea Rauber Saxer et le ministre des affaires civiles de la Bosnie-Herzégovine Adil Osmanovic ont signé aujourd’hui à Sarajevo la convention de sécurité sociale liant la Suisse et la Bosnie-Herzégovine. Cet accord renouvelle les relations entre les deux États en matière de droit des assurances sociales. Il entrera en vigueur dès qu’il aura été ratifié par les parlements des deux États.

Sur le fond, la nouvelle convention correspond à celles que la Suisse a déjà conclues avec d’autres États. Elle reprend le modèle qui est à la base des conventions passées avec les États issus de l’ex-Yougoslavie et se conforme aux normes internationales qui régissent la coordination des systèmes de sécurité sociale. La convention règle la coordination en matière d’assurance-vieillesse et survivants, d’assurance-invalidité, d’assurance-accidents ainsi que d’allocations familiales dans l’agriculture pour prévenir tout désavantage et toute discrimination entre ressortissants des deux États. Elle contient également une clause d’assistance mutuelle pour lutter contre les abus.

À l’heure actuelle, les relations entre la Suisse et la Bosnie-Herzégovine sont encore régies, dans le domaine de la sécurité sociale, par la convention entre la Confédération suisse et la République populaire fédérative de Yougoslavie relative aux assurances sociales, qui date de 1962. Celle-ci garantit aux ressortissants de Bosnie-Herzégovine la protection prévue usuellement dans les conventions de sécurité sociale, mais elle ne correspond plus aux législations nationales des deux États.

Le DFI prépare actuellement un message à l’intention du Parlement. La nouvelle convention de sécurité sociale n’entrera en vigueur qu’après son approbation par les parlements des deux États.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 01.10.2018 consultable ici