Archives de catégorie : Jurisprudence

8C_248/2018 (i) du 19.11.2018 – destiné à la publication – Une frontalière italienne n’a pas droit à l’indemnité de chômage en Suisse

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_248/2018 (i) du 19.11.2018, destiné à la publication

 

Consultable ici

Communiqué de presse du TF du 17.12.2018 disponible ici

 

Une frontalière italienne n’a pas droit à l’indemnité de chômage en Suisse en cas de réduction de l’horaire de travail ou autre perte de travail temporaire, après que son emploi à plein temps dans le canton du Tessin, qui était limité à la période estivale, a été remplacé par un emploi temporaire à temps partiel pendant la saison d’hiver. Le Tribunal fédéral rejette le recours du Secrétariat d’Etat à l’économie.

Cette Italienne, qui vit dans son pays d’origine, a travaillé comme frontalière dans le canton du Tessin. Elle concluait des contrats à durée déterminée avec son employeur du canton du Tessin – une entreprise d’hôtellerie et de restauration – pour les périodes d’été et d’hiver. D’avril 2016 à fin octobre 2016, elle a travaillé à 100%. Le 02.11.2016, elle a conclu avec le même employeur un nouveau contrat à durée déterminée, valable jusqu’à fin mars 2017, pour un taux d’activité de 50%. Auparavant, le 02.11.2016, elle s’était inscrite auprès de la caisse d’assurance-chômage compétente en Suisse pour trouver un emploi à plein temps à partir de fin octobre 2016. L’office cantonal de l’emploi a rejeté sa demande d’indemnité de chômage à partir du 01.11.2016, ce qui a été confirmé par le tribunal des assurances du canton du Tessin. Le Secrétariat d’Etat à l’économie (SECO) a contesté cette décision devant le Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral rejette le recours du SECO. Le litige relève du champ d’application de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). La question de savoir si l’intéressée a droit, en tant que frontalière, à des prestations de chômage en Suisse en cas de réduction de l’horaire de travail ou de perte de travail temporaire, doit être examinée à l’aune du règlement correspondant du Parlement européen et du Conseil portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (règlement n° 883/2004). Il y a réduction de l’horaire de travail au sens du règlement si la personne assurée continue d’être employée par une entreprise et ne travaille temporairement pas, mais peut retourner au travail à tout moment. Cela découle de la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes applicable à la Suisse et d’une décision de la Commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale. En revanche, si les rapports de travail ont cessé parce que le contrat de travail a été résilié ou qu’il a expiré, le chômage complet est présumé. Dans ce cas, c’est l’assurance chômage du pays de résidence qui est compétente. Le facteur décisif est de savoir où les meilleures chances de trouver un emploi existent. En cas de réduction de l’horaire de travail ou d’une autre perte de travail temporaire, c’est le cas dans l’Etat d’emploi et en cas de chômage complet, dans l’Etat de résidence. En l’espèce, l’intéressée travaillait sans interruption pour le même employeur. Toutefois, elle n’avait conclu avec ce dernier que des contrats de travail à durée déterminée. Lors de son inscription à l’assurance-chômage en Suisse, il n’était pas clair si elle pouvait encore travailler pour le même employeur à partir de fin octobre 2016. Elle a donc été considérée comme étant au chômage complet et soumise au système juridique de son pays de résidence.

 

 

Arrêt 8C_248/2018 consultable ici

 

 

8C_150/2018 (f) du 08.11.2018 – Lésion assimilée à un accident – Lésion de la coiffe des rotateurs – 9 al. 2 OLAA / Mouvement lors d’un exercice de musculation – Pas de potentiel de danger accru

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_150/2018 (f) du 08.11.2018

 

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Lésion assimilée à un accident – Lésion de la coiffe des rotateurs / 9 al. 2 OLAA

Mouvement lors d’un exercice de musculation – Pas de potentiel de danger accru

 

Assuré, né en 1968, s’est blessé le 09.09.2014 au niveau de l’épaule droite en faisant du « lifting » (déclaration d’accident du 26.05.2015). Le médecin consulté le 24.09.2014 a retenu une déchirure partielle du tendon sous-scapulaire droit. Une échographie de l’épaule droite réalisée le 06.10.2014 montrait une très probable désinsertion de la partie supérieure du tendon subscapulaire associée à une subluxation interne du tendon long chef du biceps, la présence d’une calcification pré-insertionnelle du tendon supra-spinatus et une arthrose acromio-claviculaire liée probablement aux surcharges mécaniques. Il n’existait pas de signe de déchirure ni même de fissuration du tendon. Dans un questionnaire du 16.06.2015, l’assuré a fait la description suivante de l’événement survenu le 09.09.2014 : « Je faisais des exercices de musculation à la maison et j’ai senti une douleur dans mon épaule d’un coup ». A la question de savoir s’il s’était produit quelque chose de particulier tel que coup, chute ou glissade, le prénommé a répondu par la négative.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié le droit de l’assuré à des prestations LAA pour l’événement du 09.09.2014, au motif qu’il ne remplissait pas les critères d’un accident et que ses suites ne constituaient pas non plus une lésion corporelle assimilée à un accident.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1123/2017 – consultable ici)

Selon la juridiction cantonale, les efforts qu’a fournis l’assuré le 09.09.2014 étaient volontaires et sans perte de maîtrise, de sorte qu’ils ne pouvaient être considérés comme manifestement excessifs pour un homme habitué à ce type d’exercices. Ce dernier ne prétendait par ailleurs pas avoir fait un faux mouvement ou un mouvement non coordonné par exemple. Selon les premiers juges, les efforts exercés sur les tendons ne constituent pas, à eux seuls, une cause dommageable extérieure en l’absence d’un risque pour le moins accru – absent en l’occurrence – en regard d’une sollicitation normale de l’organisme. Aussi, en l’absence d’une cause extérieure externe au corps humain d’une certaine importance, les troubles constatés ne pouvaient être mis à la charge de l’assureur-accidents.

Par jugement du 07.12.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

En l’espèce, il n’est pas contesté que l’événement survenu le 09.09.2014 ne constitue pas un accident au sens de l’art. 4 LPGA, faute de facteur extérieur extraordinaire. Par conséquent, pour que l’assurance-accidents soit tenue de prendre en charge les suites qui en découlent, il faut que l’on se trouve en présence d’une lésion assimilée à un accident (art. 9 al. 2 OLAA en lien avec l’art. 6 al. 2 LAA, teneur en vigueur jusqu’au 31.12.2016).

Il n’est pas non plus contesté que l’atteinte au niveau de l’épaule présentée par l’assuré constitue une déchirure de tendon tombant sous le coup de l’art. 9 al. 2 let. f OLAA. La jurisprudence (ATF 143 V 285; 139 V 327; 129 V 466) a précisé les conditions d’octroi des prestations en cas de lésion corporelle assimilée à un accident. C’est ainsi qu’à l’exception du caractère « extraordinaire » de la cause extérieure, toutes les autres conditions constitutives de la notion d’accident doivent être réalisées (cf. art. 4 LPGA). En particulier, en l’absence d’une cause extérieure – soit d’un événement similaire à un accident, externe au corps humain, susceptible d’être constaté de manière objective et qui présente une certaine importance -, fût-ce comme simple facteur déclenchant des lésions corporelles énumérées à l’art. 9 al. 2 OLAA, les troubles constatés sont à la charge de l’assurance-maladie. L’existence d’une lésion corporelle assimilée à un accident doit ainsi être niée dans tous les cas où le facteur dommageable extérieur se confond avec l’apparition (pour la première fois) de douleurs identifiées comme étant les symptômes des lésions corporelles énumérées à l’art. 9 al. 2 let. a à h OLAA (ATF 129 V 466 consid. 4.2.1 p. 469).

L’exigence d’un facteur dommageable extérieur n’est pas non plus donnée lorsque l’assuré fait état de douleurs apparues pour la première fois après avoir accompli un geste de la vie courante. La notion de cause extérieure présuppose qu’un événement générant un risque de lésion accru survienne. Tel est le cas lorsque l’exercice de l’activité à la suite de laquelle l’assuré a éprouvé des douleurs incite à une prise de risque accrue, à l’instar de la pratique de nombreux sports. L’existence d’un facteur extérieur comportant un risque de lésion accru doit être admise lorsque le geste quotidien en cause équivaut à une sollicitation du corps, en particulier des membres, qui est physiologiquement plus élevée que la normale et dépasse ce qui est normalement maîtrisé du point de vue psychologique (ATF 143 V 285 consid. 2.3 p. 288; 139 V 327 consid. 3.3.1 p. 329). C’est la raison pour laquelle les douleurs identifiées comme étant les symptômes de lésions corporelles au sens de celles énumérées à l’art. 9 al. 2 OLAA ne sont pas prises en considération lorsqu’elles surviennent à la suite de gestes quotidiens accomplis sans qu’interfère un phénomène extérieur reconnaissable. A eux seuls, les efforts exercés sur le squelette, les articulations, les muscles, les tendons et les ligaments ne constituent pas une cause dommageable extérieure en tant qu’elle présuppose un risque de lésion non pas extraordinaire mais à tout le moins accru en regard d’une sollicitation normale de l’organisme (ATF 129 V 466 consid. 4.2.2 p. 470).

Il est vrai, comme l’admet l’assuré lui-même, qu’on ne saurait se fonder sur la seule pratique d’une activité sportive pour justifier un potentiel de danger accru (cf. arrêt 8C_147/2014 du 16 juillet 2014, consid. 3.3). Admettre le contraire signifierait que la même séquence de mouvements devrait être jugée différemment selon qu’elle aurait eu lieu au cours d’une randonnée pédestre par exemple, ou pendant un match de boxe. Néanmoins, les circonstances spécifiques de l’activité à l’origine de la douleur doivent également être prises en compte, car dans certains cas il n’est guère possible de déterminer avec précision quel mouvement effectif a réellement déclenché la lésion. Même s’il y a lieu d’admettre une situation de risque généralement plus élevé dans de nombreuses activités sportives, un facteur externe avec un potentiel de danger accru n’est présent que si l’activité en question est associée à une sollicitation physiologiquement plus élevée que la normale et dépasse ce qui est normalement maîtrisé du point de vue psychologique.

Dans l’arrêt 8C_40/2014 du 8 mai 2014, le Tribunal fédéral a admis l’obligation de prise en charge par l’assureur-accidents d’une lésion assimilée à un accident survenue lors d’un saut depuis la position accroupie (« Squat-Jumpig »), en raison de l’effort déployé et du changement permanent et rapide de charge lors des séquences de mouvements dans leur ensemble. Dans l’arrêt 8C_295/2015 du 8 septembre 2015, la personne assurée a subi une rupture du ménisque lors d’un entraînement au cours duquel elle sautait sur une jambe et donnait des coups de genou avec l’autre jambe dans le but de frapper un adversaire, en l’occurrence son entraîneur de fitness, qui se protégeait avec des gants. Selon le Tribunal fédéral, le procédé était comparable à celui d’un exercice d’auto-défense avec un partenaire ou de la pratique dite du « Squat-Jumping » (cf. SVR 2014 UV n° 30 p. 100, 8C_147/2014 du 16 juillet 2014, consid. 3.5).

En l’occurrence, que ce soit dans la déclaration d’accident du 26.05.2015 ou dans le questionnaire détaillé rempli 16.06.2015, l’assuré n’a signalé aucun mouvement incontrôlé, trébuchement, faux pas, faux mouvement, etc. Il a indiqué avoir ressenti une vive douleur, d’un coup, en faisant de la musculation chez lui. L’apparition de la douleur en tant que telle n’est pas un facteur extérieur dommageable. Contrairement aux exemples cités plus haut, la musculation ne comporte pas de mouvements brusques, saccadés et incontrôlés, mais plutôt une séquence de mouvements réguliers dans le cadre d’une sollicitation du corps physiologiquement normale et maîtrisée du point de vue psychologique.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_150/2018 consultable ici

 

 

8C_763/2017 (f) du 30.10.2018 – Preuve de ses recherches d’emploi – 26 al. 2 OACI / Suspension du droit à l’indemnité de chômage – Durée de la suspension – 30 al. 3 LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 (f) du 30.10.2018

 

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Preuve de ses recherches d’emploi / 26 al. 2 OACI

Suspension du droit à l’indemnité de chômage – Durée de la suspension / 30 al. 3 LACI

 

Assuré, inscrite au chômage le 19.01.2016.

Par décision du 22.05.2017, l’Office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) a prononcé une suspension du droit à l’indemnité de chômage pour une durée de cinq jours pour recherches d’emploi « nulles » durant le mois d’avril 2017. L’assurée s’est opposée à cette décision, en exposant avoir envoyé le formulaire de recherches d’emploi pour le mois d’avril 2017, le 26 du mois, en courrier A, comme elle le faisait chaque mois. Elle a joint à son écriture une copie de ce document. L’OCE a rejeté l’opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/856/2017 – consultable ici)

La juridiction cantonale a considéré que bien que l’assurée eût indiqué avoir envoyé le formulaire litigieux par pli adressé en courrier A le 26.04.2017, elle n’avait pas été en mesure de prouver qu’elle l’avait remis dans le délai légal. Par conséquent, l’administration était fondée à prononcer une sanction. S’écartant du barème du SECO, les premiers juges en ont réduit la durée à deux jours. La juridiction cantonale a motivé la réduction de la quotité de la suspension du droit à l’indemnité par le fait que l’assurée avait commis une faute légère. Il s’agissait en effet d’un premier manquement et l’assurée avait réagi rapidement après la décision de sanction en indiquant avoir envoyé ses recherches d’emploi le 26 du mois et en remettant une copie du formulaire en cause. En outre, la qualité et la quantité de ses recherches n’avaient pas été contestées.

Par jugement du 02.10.2017, admission partielle du recours par le tribunal cantonal et réduction de la suspension du droit à l’indemnité de chômage à deux jours.

 

TF

Selon l’art. 26 al. 2 OACI, dans sa teneur en vigueur dès le 01.04.2011, l’assuré doit remettre la preuve de ses recherches d’emploi pour chaque période de contrôle au plus tard le cinq du mois suivant ou le premier jour ouvrable qui suit cette date. A l’expiration de ce délai, et en l’absence d’excuse valable, les recherches d’emploi ne sont plus prises en considération.

Dans un arrêt publié aux ATF 139 V 164, le Tribunal fédéral a admis la conformité à la loi du nouvel article 26 al. 2 OACI (qui ne prévoit plus l’octroi d’un délai de grâce comme dans son ancienne version). Il a jugé que la loi n’impose pas de délai supplémentaire et que, sauf excuse valable, une suspension du droit à l’indemnité peut être prononcée si les preuves ne sont pas fournies dans le délai de l’art. 26 al. 2 OACI; peu importe qu’elles soient produites ultérieurement, par exemple dans une procédure d’opposition (cf. aussi arrêt 8C_425/2014 du 12 août 2014 consid. 3).

Selon l’art. 30 al. 3 LACI, la durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage est proportionnelle à la gravité de la faute. En vertu de l’art. 45 al. 3 OACI, elle est de 1 à 15 jours en cas de faute légère. En tant qu’autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l’intention des organes d’exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour ces organes d’exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d’apprécier le comportement de l’assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l’intéressé au regard de ses devoirs généraux d’assuré qui fait valoir son droit à des prestations (cf. arrêt 8C_601/2012 du 26 février 2013 consid. 4.1, non publié in ATF 139 V 164 et les références).

La quotité de la suspension du droit à l’indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci. Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 73; arrêt 8C_601/2012 du 26 février 2013 consid. 4.2, non publié in ATF 139 V 164 et les références).

Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance n’est en revanche pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration. Il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 p. 73).

En l’occurrence, en fixant à cinq jours la suspension du droit à l’indemnité de chômage, l’administration a infligé la sanction minimale prévue par le barème du SECO en cas de faute légère pour les administrés n’ayant pas effectué de recherches pendant la période de contrôle. Or, par rapport à d’autres situations, les circonstances du cas d’espèce ne présentent pas de singularités qui justifieraient de s’en écarter, ces barèmes tendant précisément à garantir une égalité de traitement entre les administrés (pour des cas comparables, voir arrêts 8C_425/2014 du 12 août 2014, 8C_194/2013 du 26 septembre 2013 et 8C_601/2012 du 26 février 2013). Partant, on doit admettre qu’en réduisant la suspension à deux jours au motif que le manquement de l’assurée était léger, la juridiction cantonale a substitué sa propre appréciation à celle de l’administration sans motif pertinent.

 

Le TF admet le recours de l’Office cantonal de l’emploi, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’assurance-chômage.

 

 

Arrêt 8C_763/2017 consultable ici

 

 

8C_758/2017 (f) du 19.10.2018 – Preuve de ses recherches d’emploi – 26 al. 2 OACI / Suspension du droit à l’indemnité de chômage – Durée de la suspension – 30 al. 3 LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_758/2017 (f) du 19.10.2018

 

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Preuve de ses recherches d’emploi / 26 al. 2 OACI

Suspension du droit à l’indemnité de chômage – Durée de la suspension / 30 al. 3 LACI

 

Assuré inscrit au chômage le 05.07.2016.

Par décision du 20.04.2017, l’Office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) a prononcé une suspension du droit à l’indemnité de chômage pour une durée de cinq jours pour recherches d’emploi « nulles » durant le mois de mars 2017. L’assuré s’est opposé à cette décision, faisant valoir qu’il avait déposé ses recherches d’emploi directement dans la boîte aux lettres de l’OCE le 24.03.2017. Le 15.05.2017, il a fait parvenir la copie du formulaire de preuves de recherches d’emploi pour le mois de mars 2017. L’OCE a rejeté l’opposition de l’assuré.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/836/2017 – consultable ici)

La juridiction cantonale a considéré que bien que l’assuré eût expliqué de façon crédible avoir déposé le formulaire en cause dans la boîte aux lettres de l’OCE le 24.03.2017, il n’avait pas été en mesure de prouver qu’il l’avait remis dans le délai légal. Par conséquent, l’administration était fondée à prononcer une sanction. S’écartant du barème du SECO, les juges cantonaux en ont réduit la durée à deux jours. La juridiction cantonale a motivé la réduction de la quotité de la suspension du droit à l’indemnité par le fait que l’assuré avait commis une faute légère. Il s’agissait en effet d’un premier manquement et l’assuré avait réagi rapidement après la décision de sanction en indiquant qu’il pouvait remettre une copie du formulaire en cause. En outre, la qualité et la quantité de ses recherches n’avaient pas été contestées.

Par jugement du 25.09.2017, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, réduisant la suspension du droit à l’indemnité de chômage à deux jours.

 

TF

Selon l’art. 26 al. 2 OACI, dans sa teneur en vigueur dès le 01.04.2011, l’assuré doit remettre la preuve de ses recherches d’emploi pour chaque période de contrôle au plus tard le cinq du mois suivant ou le premier jour ouvrable qui suit cette date. A l’expiration de ce délai, et en l’absence d’excuse valable, les recherches d’emploi ne sont plus prises en considération.

Dans un arrêt publié aux ATF 139 V 164, le Tribunal fédéral a admis la conformité à la loi du nouvel article 26 al. 2 OACI (qui ne prévoit plus l’octroi d’un délai de grâce comme dans son ancienne version). Il a jugé que la loi n’impose pas de délai supplémentaire et que, sauf excuse valable, une suspension du droit à l’indemnité peut être prononcée si les preuves ne sont pas fournies dans le délai de l’art. 26 al. 2 OACI ; peu importe qu’elles soient produites ultérieurement, par exemple dans une procédure d’opposition (cf. arrêts 8C_425/2014 du 12 août 2014 consid. 3 et 8C_601/2012 du 26 février 2013 consid. 3.3).

Selon l’art. 30 al. 3 LACI, la durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage est proportionnelle à la gravité de la faute. En vertu de l’art. 45 al. 3 OACI, elle est de 1 à 15 jours en cas de faute légère. En tant qu’autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l’intention des organes d’exécution. Un tel barème constitue un instrument précieux pour ces organes d’exécution lors de la fixation de la sanction et contribue à une application plus égalitaire dans les différents cantons. Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d’apprécier le comportement de l’assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier celles qui ont trait au comportement de l’intéressé au regard de ses devoirs généraux d’assuré qui fait valoir son droit à des prestations (cf. arrêt 8C_ 601/2012 du 26 février 2013 consid. 4.1, non publié in ATF 139 V 164 et les références).

La quotité de la suspension du droit à l’indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci. Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 73; arrêt 8C_601/2012 consid. 4.2, non publié in ATF 139 V 164 et les références).

Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance n’est en revanche pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration. Il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 p. 73).

En l’occurrence, en fixant à cinq jours la suspension du droit à l’indemnité de chômage, l’administration a infligé la sanction minimale prévue par le barème du SECO en cas de faute légère pour les administrés n’ayant pas effectué de recherches pendant la période de contrôle. Or, par rapport à d’autres situations, les circonstances du cas d’espèce ne présentent pas de singularités qui justifieraient de s’en écarter, ces barèmes tendant précisément à garantir une égalité de traitement entre les administrés (pour des cas comparables, voir arrêts 8C_425/2014 du 12 août 2014, 8C_194/2013 du 26 septembre 2013 et 8C_601/2012 du 26 février 2013). Partant, on doit admettre qu’en réduisant la suspension à deux jours au motif que le manquement de l’assuré était léger, la juridiction cantonale a substitué sa propre appréciation à celle de l’administration sans motif pertinent.

 

Le TF admet le recours de l’Office cantonal de l’emploi, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’assurance-chômage.

 

 

Arrêt 8C_758/2017 consultable ici

 

 

9C_347/2018 (f) du 19.10.2018 – Prévoyance professionnelle surobligatoire – Rente de partenaire en raison de la communauté de vie formée avec l’assurée défunte

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_347/2018 (f) du 19.10.2018

 

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Prévoyance professionnelle surobligatoire

Rente de partenaire en raison de la communauté de vie formée avec l’assurée défunte

 

Assurée ayant bénéficié d’une retraite anticipée dès le 01.11.2002, puis d’une rente ordinaire de vieillesse dès le 01.07.2006, décédée en mars 2016.

 

Procédure cantonale (arrêt PP 12/17 – 6/2018 – consultable ici)

Le 03.05.2017, A.__, qui a formé avec l’assurée une communauté de vie depuis 1991, a ouvert action contre la fondation, concluant à ce qu’elle soit condamnée à lui verser les prestations auxquelles il a droit en tant que partenaire de la défunte, notamment une rente de partenaire à hauteur de 67% de la rente vieillesse de celle-ci, intérêts moratoires en sus.

La juridiction cantonale a retenu que la fondation n’était pas tenue de servir à A.__ une rente pour survivants. Même si l’art. 124 al. 4 des dispositions finales du règlement mentionne expressément le terme « assurés », les juges cantonaux ont considéré qu’il s’appliquait également aux « bénéficiaires de rente », sous peine de la vider d’une bonne partie de sa substance. Ensuite du décès de l’assurée, A.__ n’était par ailleurs devenu ni assuré ni bénéficiaire de rente mais un ayant droit, en ce sens que son éventuel droit aux prestations dépendait du droit originaire de la défunte. En raison de cette relation de dépendance, les juges cantonaux ont retenu que la situation de A.__ ne devait pas être traitée différemment de celle de sa partenaire. Autrement dit, A.__ n’avait pas droit à une rente de partenaire car le règlement de prévoyance en vigueur au moment du départ à la retraite (2002) de la bénéficiaire de rente ne prévoyait pas cette prestation.

Par jugement du 22.03.2018, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

Sont déterminantes les dispositions du règlement de prévoyance de la Caisse de Pension pour le personnel (…) (ci-après : le règlement), dans sa version en vigueur au moment du décès de l’assurée (ATF 137 V 105 consid. 5.3 p. 108),

Comme l’autorité cantonale l’a rappelé, les institutions de prévoyance ont la possibilité, mais pas l’obligation (ATF 138 V 86 consid. 4.2 p. 93), de prévoir dans leurs règlements que, outre les conjoints survivants (art. 19 LPP), les partenaires enregistrés (art. 19a LPP) et les orphelins (art. 20 LPP), les personnes qui ont formé avec l’assuré défunt une communauté de vie ininterrompue de cinq ans au moins immédiatement avant le décès ont droit à une rente pour survivants (art. 20a al. 1 let. a LPP). La fondation intimée a introduit cette possibilité dans ses différents règlements successifs dès le 01.01.2009 en y adjoignant le fait que les prestations à verser lors d’un nouveau cas de prévoyance aux assurés qui touchent des prestations en vertu d’un règlement antérieur au 01.01.2009 sont régies par ledit règlement (art. 124 al. 4 du règlement 2016). Il découle donc du règlement de la fondation que de nouvelles rentes de la prévoyance professionnelle (p. ex. une rente pour partenaire) ne peuvent pas naître postérieurement au départ de la personne assurée à la retraite si celui-ci est antérieur au 01.01.2009.

Les droits conférés par les art. 19 à 20a LPP sont des droits dits dérivés, car ils ne sont pas autonomes mais dépendent (ou dérivent) des droits accordés à titre originaire à l’assuré (ATF 138 V 235 consid. 7.4 p. 247). Ils n’ont donc pas d’existence propre. Autrement dit, si le droit éventuel de A.__ à une rente de partenaire résulte du décès de feue l’assurée, il dépend des droits originaires dont il est issu. Comme le prévoit l’art. 124 al. 4 du règlement de prévoyance, c’est la date du départ à la retraite de l’assurée – et non pas celle du décès de la bénéficiaire d’une rente – qui est déterminante (cf. ATF 119 V 277 consid. 2 p. 279). Or cette date est antérieure à l’introduction par la fondation intimée des rentes de partenaire (au 01.01.2009). A.__ ne peut dès lors prétendre une prestation de la prévoyance professionnelle surobligatoire qui n’était pas inscrite dans le règlement de prévoyance au moment du départ à la retraite de feue l’assurée. A ce défaut, la fondation serait amenée à prendre en charge une prestation non prévue.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

 

Arrêt 9C_347/2018 consultable ici

 

 

8C_548/2018 (f) du 07.11.2018 – Morsure de tique – Causalité naturelle / 4 LPGA – 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_548/2018 (f) du 07.11.2018

 

Consultable ici

 

Morsure de tique – Causalité naturelle / 4 LPGA – 6 LAA

 

Assurée, née en 1973, greffière, a été victime le 27.06.2014 d’une morsure de tique. Le 04.07.2014, elle a consulté son médecin de famille, spécialiste en médecine interne générale, lequel a constaté un érythème migrant et un méningisme clinique, et a prescrit un traitement antibiotique. Par la suite, divers examens médicaux ont été pratiqués afin de déterminer la nature et l’origine des troubles de l’assurée. Un spécialiste en neurologie a écarté la possibilité d’une neuroborréliose et évoqué une éventuelle maladie démyélinisante. Un second spécialiste en neurologie a exclu également une neuroborréliose, du fait de la négativité des tests sérologiques, sans que cela ne mette en doute la probabilité d’un tableau méningitique après morsure de tique sur un autre agent non identifié à ce stade. Une spécialiste en radiologie et neuroradiologie diagnostique a expliqué qu’il n’y avait pas d’arguments de laboratoire pour une maladie de Lyme. Après avoir soumis le cas à sa division de médecine du travail, l’assurance-accidents a refusé de prendre en charge les suites de l’accident du 27.06.2014, au motif qu’un lien de causalité entre celui-ci et les troubles annoncés n’était pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 65/16 – 68/2018 – consultable ici)

Le dossier de l’AI a été versée à la procédure. Y figurait en particulier un rapport d’expertise pluridisciplinaire du Centre d’Expertises Médicales (CEMed), concluant à un « status après probable méningoencéphalite d’origine indéterminée (juin 2014) avec un tableau post-infectieux persistant ».

Par jugement du 06.06.2018, admission partielle du recours par le tribunal cantonal. Les juges cantonaux ont considéré que le traitement antibiotique administré en raison de la présence d’un érythème migrant et l’incapacité de travail liée au méningisme primaire devaient être pris en charge par l’assurance-accidents. En revanche, l’assureur n’était pas tenu de verser des prestations en raison des symptômes chroniques qui ont persisté à la fin du traitement antibiotique.

 

TF

Dans le rapport du second spécialiste en neurologie, le médecin indique certes que le tableau actuel est compatible avec un syndrome post-infectieux mais il n’est pas en mesure d’en identifier l’agent.

En outre, il n’apparaît pas en soi contradictoire (de la part des médecins du CEMed) de constater l’existence de troubles sur le plan somatique et de considérer qu’il n’incombe pas à l’assurance-accidents de les prendre en charge. Le caractère objectivable d’une atteinte ne signifie pas pour autant qu’il existe assurément un lien de causalité naturelle et adéquate avec un événement accidentel antérieur.

Enfin, même en tenant compte des difficultés liées à l’établissement diagnostique d’une infection par morsure de tique, il n’en reste pas moins qu’aucun des médecins consultés n’a identifié l’agent pathogène à l’origine des troubles de l’assurée malgré les tests et examens pratiqués. Le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu’après la survenance d’un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; cf. ATF 119 V 335 consid. 2b/bb p. 341 s.; arrêt 8C_331/2015 du 21 août 2015 consid. 2.2.3.1, in SVR 2016 UV n° 18 p. 55). Dans ces conditions, on ne saurait d’emblée rattacher les symptômes chroniques de l’assurée à une cause accidentelle, en l’espèce la morsure de tique, d’autant moins que le médecin de famille de l’assurée a mentionné une amélioration spectaculaire à la suite du traitement antibiotique initial.

Il n’y a pas non plus lieu d’ordonner une expertise complémentaire. En effet, dans la procédure d’octroi de prestations d’assurance sociale, il existe un droit formel à une expertise médicale qu’en cas de doutes quant à la fiabilité et la pertinence des constatations des médecins internes à l’assurance (cf. ATF 135 V 465 consid. 4 p. 467 ss). En outre, on voit mal quelles autres mesures médicales, qui n’auraient pas déjà été mises en œuvre par les médecins consultés, permettraient d’établir le lien de causalité invoqué par l’assurée.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_548/2018 consultable ici

 

 

4A_613/2017+4A_615/2017 (f) du 28.09.2018 – Vol d’œuvres d’art – Prétention frauduleuse / 40 LCA

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_613/2017+4A_615/2017 (f) du 28.09.2018

 

Consultable ici

 

Vol d’œuvres d’art – Prétention frauduleuse / 40 LCA

 

B.__ est assuré auprès de Z.__ SA (ci-après : la société d’assurance) depuis 1995. Il se présente comme un collectionneur d’objets d’art qu’il dit avoir acquis au moyen de ses revenus et de prêts, dont un crédit bancaire de 38’000 fr. obtenu en 2001.

Entre 1990 et 2008, il a travaillé en qualité d’opérateur sur machines. Il touchait un revenu imposable de l’ordre de 80’000 fr. en 2005 et de 64’500 fr. en 2006 pour une fortune imposable nulle. Cette activité lui a permis d’acquérir des bijoux et des montres à des prix nettement inférieurs au prix de vente courant.

En 2002, il a déposé avec un tiers la marque «M.__» en Suisse; il a participé au développement de montres de ladite marque.

B.__ a confié sa collection d’objets d’art à A.__, qu’il considère comme sa mère adoptive, pour qu’elle la conserve à son domicile. Celui-ci figurait comme lieu du risque secondaire dans le contrat d’assurance ménage souscrit par le collectionneur. En octobre 2000, le collectionneur précité a fait inventorier les biens situés dans l’appartement de cette amie. L’expert a répertorié 54 tableaux qu’il a estimés à une valeur totale de 247’000 fr., tout en précisant que le collectionneur détenait encore un grand nombre de tableaux et estampes qui ont été photographiés. L’expertise privée a été remise à la société d’assurance.

Le 05.10.2005, A.__ (ci-après: la preneuse d’assurance) a contracté une assurance ménage auprès de la société d’assurance. Le domicile de la prénommée est devenu le lieu du risque principal. L’inventaire de ménage était assuré contre le vol pour une valeur de 488’000 fr., les bijoux et montres pour 20’000 fr. et les valeurs pécuniaires pour 5’000 fr. D’après les conditions générales d’assurance, l’assurance couvrait tous les biens «mobiles» servant à l’usage privé, y compris les biens confiés; la somme assurée ne constituait pas une preuve de l’existence des choses assurées au moment du sinistre, ni de leur valeur.

A la fin de l’année 2006, B.__ et la preneuse d’assurance ont souhaité mentionner le nouveau domicile de la preneuse dans le contrat d’assurance et ajouter quelques pièces. Le contrat a été modifié le 27.11.2006 sans que la société d’assurance n’ait requis l’expertise des objets assurés. La valeur assurée en cas de vol a été portée à 675’000 fr. pour l’inventaire de ménage, à 50’000 fr. pour les bijoux et montres et à 5’000 fr. pour les valeurs pécuniaires.

Le 12.08.2007, la preneuse d’assurance s’est fait voler sa voiture de marque Jaguar. Elle a déclaré la disparition de trois montres «M.__» dont elle a fourni des estimations. La compagnie d’assurance concernée (N.__) a remboursé la valeur maximale assurée, soit 30’000 fr.

Entre le 23.12.2007 et le 26.12.2007, l’appartement de la preneuse d’assurance a été cambriolé et des objets ont été emportés. Une plainte pénale a été déposée. Le 04.01.2008, la preneuse d’assurance a rempli une déclaration de sinistre à l’attention de Z.__ SA. Elle y a joint un inventaire des objets volés, qu’elle a actualisé par la suite.

Le 17.01.2008 s’est tenu un entretien «musclé», au cours duquel la société d’assurance a demandé des informations complémentaires à la preneuse d’assurance et au collectionneur et a mis en doute la valeur des objets volés.

Selon B.__, une partie de l’inventaire dérobé provenant d’une collection d’art qu’il aurait rachetée au dénommé P.__ en Turquie en 2006, au moyen d’un héritage. Le contrat de vente produit, daté du 18.08.2006, indique que P.__ lui a vendu les objets précités pour un montant total de 747’000 nouvelles livres turques (soit environ 640’000 fr. selon le taux de change en vigueur au 18.08.2006). Le contrat détaille chaque miniature et chaque peinture, avec leurs dimensions.

En mars 2009, un inspecteur de police a contacté diverses compagnies d’assurance, dont Z.__ SA, afin de savoir si A.__ était liée à l’une d’elles ; la prénommée faisait l’objet d’une enquête initiée en janvier 2009 pour obtention frauduleuse de prestations sociales et une fraude à l’assurance n’était pas exclue. L’enquête a révélé que la prénommée avait prêté son nom pour conclure des contrats d’assurances pour le compte ou au bénéfice de tiers, dont B.__; toutefois, il n’a pas été établi qu’elle en avait retiré un quelconque enrichissement, dans la mesure où toutes les indemnités d’assurance perçues avaient été reversées aux tiers concernés. La procédure a été classée en juillet 2009.

B.__ a été dénoncé à la Direction générale des douanes pour l’importation non déclarée des objets acquis en Turquie auprès de P.__ le 18.08.2006. Après avoir été auditionné en juin 2009, il a été condamné à une redevance douanière de 53’631 fr. 70 et à une amende de 25’000 fr. Faute de paiement, une poursuite a été diligentée à son encontre et s’est soldée par un acte de défaut de biens. En 2008, le prénommé avait déjà donné lieu à deux actes de défaut de biens pour les sommes de 28’204 fr. 15 et de 6’818 fr. 40 en faveur du canton de Genève.

Par courrier du 05.11.2009, la société d’assurance a formellement refusé d’indemniser la preneuse d’assurance en invoquant l’art. 40 LCA.

 

Procédure cantonale

Le 22.12.2010, A.__ a ouvert action contre la société d’assurance. B.__ est intervenu dans cette procédure pour soutenir les conclusions de la demanderesse. Par jugement du 01.11.2016, le Tribunal de première instance a condamné la société d’assurance à verser à la preneuse d’assurance les montants de 692’910 fr. et 51’844 fr. 50 pour l’indemnisation des objets volés, plus 1’486 fr. 60 à titre de frais de réparation.

Par arrêt du 03.10.2017, la Cour de justice genevoise a admis l’appel déposé par la société d’assurance et a rejeté la demande en paiement.

 

TF

Sous le titre marginal «prétention frauduleuse», l’art. 40 LCA prévoit que si l’ayant droit ou son représentant, dans le but d’induire l’assureur en erreur, dissimule ou déclare inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’assureur, ou si, dans le but d’induire l’assureur en erreur, il ne fait pas ou fait tardivement les communications que lui impose l’art. 39 LCA, l’assureur n’est pas lié par le contrat envers l’ayant droit.

D’un point de vue objectif, la dissimulation ou la déclaration inexacte doit porter sur des faits qui sont propres à remettre en cause l’obligation même de l’assureur ou à influer sur son étendue; en d’autres termes, une communication correcte des faits conduirait l’assureur à verser une prestation moins importante, voire aucune prestation. Ainsi en est-il lorsque l’ayant droit déclare un dommage plus étendu qu’en réalité, notamment en donnant des indications trop élevées sur le prix d’acquisition de la chose assurée. De surcroît, l’ayant droit doit, sur le plan subjectif, avoir l’intention de tromper. Il doit avoir agi avec la conscience et la volonté d’induire l’assureur en erreur, afin d’obtenir une indemnisation plus élevée que celle à laquelle il a droit; peu importe à cet égard qu’il soit parvenu à ses fins (arrêts 4A_643/2016 du 7 avril 2017 consid. 4.1; 4A_286/2016 du 29 août 2016 consid. 5.1.2; 4A_17/2011 du 14 mars 2011 consid. 2).

L’assureur peut alors refuser toute prestation, ce même si la fraude se rapporte à une partie seulement du dommage (arrêt précité 4A_17/2011 consid. 2; arrêt 5C.11/2002 du 11 avril 2002 consid. 2a/bb, in JT 2002 I 531).

S’agissant d’un moyen libératoire, il incombe à l’assureur de prouver les faits permettant l’application de l’art. 40 LCA, au moins sous la forme d’une vraisemblance prépondérante (ATF 130 III 321 consid. 3.1 p. 323; arrêts 4A_20/2018 du 29 mai 2018 consid. 3.1; 4A_194/2016 du 8 août 2016 consid. 3.1). La jurisprudence se satisfait généralement de ce même degré de preuve restreint s’agissant de la survenance d’un cas d’assurance, notamment en matière d’assurance-vol (ATF 130 III 321 consid. 3.2 p. 325).

En l’espèce, la cour cantonale a constaté en fait que A.__, avec la conscience et la volonté d’induire en erreur la société d’assurance, avait déclaré un dommage plus étendu que celui qu’elle avait subi en réalité, ceci à deux égards.

D’une part, la société d’assurance avait apporté suffisamment d’éléments permettant de douter sérieusement du fait que A.__ ait jamais eu en sa possession les objets prétendument acquis par B.__ auprès de P.__ en Turquie le 18.08.2006. Sous l’angle de la vraisemblance prépondérante, la Cour retenait que B.__ n’avait jamais possédé cette collection.

Parmi les nombreux éléments ayant guidé la Cour de justice, ceux qui relèvent du financement de cette acquisition semblent devoir se détacher par leur importance. Pour les juges d’appel, il n’était pas établi, ni même rendu vraisemblable que B.__ ait perçu un héritage et ainsi disposé des moyens financiers suffisants pour payer le prix d’achat de 650’000 fr.

Dans la même veine, s’y ajoutait le fait que l’office des poursuites avait délivré des actes de défaut de biens à l’encontre de B.__ dans des poursuites antérieures à 2008 et au cambriolage, pour des créances inférieures à 50’000 fr. Si B.__ avait véritablement disposé d’une collection d’œuvres d’art d’une valeur de près de 650’000 fr., celle-ci aurait sans nul doute été saisie. L’explication de B.__ selon laquelle l’office des poursuites lui aurait indiqué qu’il ne tiendrait pas compte de cette collection n’était pas convaincante, le recourant s’étant notamment abstenu de produire le procès-verbal de saisie.

D’autre part, A.__ avait demandé à être indemnisée pour le vol d’une montre, figurant sous le numéro (12) de l’inventaire des biens précités, à savoir une montre M.__ en or gris 10 carats diamant, numéro de série xxx, estimée à 45’000 fr., dont elle avait déjà déclaré le vol durant l’été 2007 et pour lequel elle avait déjà été indemnisée par une autre compagnie d’assurance.

Le cœur du litige est donc de savoir si la cour cantonale s’est livrée à une appréciation des preuves insoutenable. Après examen par le TF, la cour cantonale n’a pas apprécié les preuves de manière arbitraire en retenant que l’assurée avait déclaré un dommage plus étendu qu’en réalité, dans la mesure où les objets acquis auprès de P.__ n’avaient pas été acquis, à tout le moins pas pour le prix indiqué.

 

Le TF rejette les recours de B.__ et A.__.

 

 

Arrêt 4A_613/2017+4A_615/2017 consultable ici

 

 

8C_693/2017 (f) du 09.10.2018 – Début du droit à l’indemnité en cas d’intempéries – Retard dans l’annonce – 45 al. 1 LACI – 69 al. 1 OACI / Pas de formalisme excessif dans la sanction du non-respect d’un délai de procédure

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_693/2017 (f) du 09.10.2018

 

Consultable ici

 

Début du droit à l’indemnité en cas d’intempéries – Retard dans l’annonce / 45 al. 1 LACI – 69 al. 1 OACI

Pas de formalisme excessif dans la sanction du non-respect d’un délai de procédure

 

A.__ SA (actuellement en liquidation), inscrite au registre du commerce de Genève le 19.09.2014, a pour but l’exploitation d’une entreprise générale du bâtiment. Le 03.03.2017, elle a annoncé à l’office cantonal de l’emploi (ci-après: l’OCE) une perte de travail due à des intempéries concernant plusieurs jours entre les 10 et 27 janvier 2017 et a sollicité l’octroi d’une indemnité.

Par décision du 14.03.2017, confirmée sur opposition, l’OCE a refusé d’octroyer l’indemnité en cas d’intempéries. Il a constaté que l’avis de perte de travail avait été donné avec 26 jours de retard et que, par conséquent, le droit à l’indemnité – qui aurait pu débuter le 10.01.2017 – devait être repoussé de 26 jours, soit au 05.02.2017, selon les règles prescrites par la législation applicable. Or, A.__ SA n’ayant subi aucune perte de travail à partir de cette date, elle ne pouvait se voir octroyer aucune indemnité.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/743/2017 – consultable ici)

Les premiers juges ont précisé que le délai prévu par l’art. 69 al. 1 OACI était une condition formelle et qu’en ne l’observant pas, l’entreprise A.__ SA ne pouvait plus prétendre à une indemnité quand bien même elle aurait pu apporter la preuve que les conditions matérielles de la prétention étaient réalisées.

Par jugement du 30.08.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Aux termes de l’art. 69 al. 1 OACI, édicté en vertu de la délégation de compétence de l’art. 45 al. 1 LACI, l’employeur est tenu d’aviser l’autorité cantonale, au moyen de la formule du SECO, de la perte de travail due aux intempéries, au plus tard le cinquième jour du mois civil suivant. Lorsque l’employeur a communiqué avec retard, sans raison valable, la perte de travail due aux intempéries, le début du droit à l’indemnité est repoussé d’autant (art. 69 al. 2 OACI).

 

Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 142 IV 299 consid. 1.3.2 p. 304 s.; 142 V 152 consid. 4.2 p. 158; 132 I 249 consid. 5 p. 253). Quant au droit d’être entendu découlant de l’art. 29 al. 2 Cst., il comprend notamment le droit de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuve pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 II 218 consid. 2.3 p. 222 s. et les références).

 

En l’occurrence, il est établi et non contesté que l’entreprise A.__ SA a transmis tardivement l’avis de perte de travail à l’OCE. Or, le délai fixé à l’art. 69 al. 1 OACI est un délai de déchéance qui ne peut être ni prolongé, ni suspendu (cf. ATF 110 V 339; arrêts 8C_646/2014 du 25 novembre 2014 consid. 4.2.1 et 8C_838/2008 du 3 février 2008 consid. 3 et les références). Comme l’a relevé la juridiction cantonale, le respect de la procédure d’avis réglée par l’art. 69 al. 1 et 2 OACI est une condition formelle dont dépend le droit à l’indemnité, et non une simple prescription d’ordre (voir BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, éd. 2014, n. 4 ad art. 45 LACI). De manière générale, la sanction du non-respect d’un délai de procédure n’est pas constitutive de formalisme excessif, une stricte application des règles relatives aux délais étant justifiées par des motifs d’égalité de traitement et par un intérêt public lié à la bonne administration de la justice et à la sécurité du droit (cf. ATF 104 Ia 4 consid. 3 p. 5; arrêt 1C_310/2010 du 6 décembre 2010 consid. 5.2 et les références).

La juridiction cantonale était fondée à considérer qu’en raison de la tardiveté de l’avis transmis à l’OCE, aucune perte de travail annoncée pour le mois de janvier 2017 ne pouvait donner lieu à une éventuelle indemnité, sans que l’on puisse lui reprocher d’avoir fait preuve de formalisme excessif. Enfin, eu égard au caractère péremptoire du délai, il n’est pas suffisant d’apporter la preuve que les conditions matérielles prévalant à l’octroi de l’indemnité étaient réunies au moment de l’interruption de travail, auquel cas le principe même du délai d’avis et la conséquence du non-respect de celui-ci seraient vidés de leur sens.

 

Le TF rejette le recours de l’entreprise A.__ SA.

 

 

Arrêt 8C_693/2017 consultable ici

 

 

8C_687/2017 (f) du 24.10.2018 – Révision procédurale – Fait nouveau pertinent / 53 al. 1 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_687/2017 (f) du 24.10.2018

 

Consultable ici

 

Révision procédurale / 53 al. 1 LPGA

Fait nouveau pertinent

 

Assurée, née en 1977, travaillant à 75 %, a été victime d’un accident le 05.05.2011 (chute en arrière sur les fesses d’une hauteur environ de 2 mètres). Elle a subi une fracture du sacrum S4 légèrement déplacée ainsi qu’une discrète fracture tassement du plateau supérieur de D12 ; par la suite, une hernie discale médiane à légèrement paramédiane gauche en L5-S1 a également été mise en relation avec l’accident.

A l’issue d’un examen final de l’assurée du 04.11.2013, le médecin de l’assurance-accidents, spécialiste en médecine physique et réhabilitation et rhumatologie, a constaté qu’il n’y avait pas de syndrome déficitaire sur le plan neurologique, mais qu’il persistait un syndrome algo-fonctionnel au niveau dorso-lombaire et fessier sans base organique objectivable. Il a retenu une évolution vers un syndrome somatoforme douloureux chronique. Sur le plan de la capacité de travail, en l’absence de lésion structurelle, l’assurée devait pouvoir reprendre son ancienne activité. Cependant, une activité industrielle légère respectant certaines limitations paraissait mieux indiquée compte tenu de ses douleurs résiduelles.

L’assurance-accidents a mis fin au versement des indemnités journalières au 31.12.2013 et n’a allouer ni rente d’invalidité ni indemnité pour atteinte à l’intégrité (décision du 19.12.2013). Après s’être opposée, l’assurée a retiré son opposition. Elle a repris son travail mais dans une activité plus légère (avec peu de travaux de nettoyage) et à un taux diminué de moitié (37,5 %).

L’assurée a annoncé une rechute le 26.06.2014 (incapacité de travail de 100% dès le 13.06.2014). Par décision du 27.08.2014, l’assurance-accidents a refusé de prendre en charge la rechute. L’assuré a formé opposition contre cette décision. Entre-temps, l’office AI ainsi que l’assureur-maladie de l’assurée ont confié une expertise rhumatologique et psychiatrique à la Clinique X.__. Sur le vu des conclusions de cette expertise datée du 12.01.2015, l’assurée a informé l’assurance-accidents qu’elle retirait son opposition (lettre du 29.04.2015).

Le 18.12.2015, un spécialiste en anesthésiologie a transmis à l’assurance-accidents une copie de sa lettre du même jour adressée à un confrère. Dans ce courrier, le médecin constatait chez l’assurée un status neurologique pathologique avec une diminution de la sensibilité pour les quatre qualités testées (froid, chaud, toucher, piquer) dans le territoire des segments D12-L1 et S4 à G. Il en concluait que sa patiente présentait des lésions des fibres fines en relation parfaite avec les fractures constatées après l’accident. Sur cette base, l’assurée a demandé la réouverture de son dossier. L’assurance-accidents a rejeté la requête, traitée comme demande de révision de sa première décision du 19.12.2013, considérant qu’il n’existait pas d’éléments médicaux nouveaux permettant de tirer d’autres conclusions médicales que celles qui avaient conduit à la fin des prestations. L’assurance-accidents a maintenu sa décision après opposition formée par l’assurée.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2016 271 – consultable ici)

Par jugement du 23.08.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 53 al. 1 LPGA, les décisions et les décisions sur opposition formellement passées en force sont soumises à révision si l’assuré ou l’assureur découvre subséquemment des faits nouveaux importants ou trouve des nouveaux moyens de preuve qui ne pouvaient être produits auparavant.

Sont « nouveaux » au sens de cette disposition, les faits qui se sont produits jusqu’au moment où, dans la procédure principale, des allégations de faits étaient encore recevables, mais qui n’étaient pas connus du requérant malgré toute sa diligence. En outre, les faits nouveaux doivent être importants, c’est-à-dire qu’ils doivent être de nature à modifier l’état de fait qui est à la base de la décision dont la révision est demandée et conduire à une solution différente en fonction d’une appréciation juridique correcte.

Les preuves, quant à elles, doivent servir à prouver soit les faits nouveaux importants, qui motivent la révision, soit des faits qui étaient certes connus lors de la procédure précédente, mais qui n’avaient pas pu être prouvés, au détriment du requérant. Ce qui est décisif, c’est que le moyen de preuve ne serve pas à l’appréciation des faits seulement, mais à l’établissement de ces derniers. Ainsi, il ne suffit pas qu’un nouveau rapport médical donne une appréciation différente des faits ; il faut bien plutôt des éléments de fait nouveaux, dont il résulte que les bases de la décision entreprise comportaient des défauts objectifs. Pour justifier la révision d’une décision, il ne suffit pas que le médecin ou l’expert tire ultérieurement, des faits connus au moment de la décision principale, d’autres conclusions que l’administration ou le tribunal. Il n’y a pas non plus motif à révision du seul fait que l’administration ou le tribunal paraît avoir mal interprété des faits connus déjà lors de la décision principale. L’appréciation inexacte doit être, bien plutôt, la conséquence de l’ignorance ou de l’absence de preuve de faits essentiels pour la décision (ATF 127 V 353 consid. 5b p. 358 et les références ; arrêts 9C_589/2013 du 2 mai 2014 consid. 4.2 et 9C_371/2008 du 2 février 2009 consid. 2.3).

 

On peut admettre que les troubles sensitifs mis en évidence par le spécialiste en anesthésiologie constituent un élément médical nouveau dès lors qu’ils reposent sur un test de sensibilité (tactile, froid, chaud et piqué) qui n’avait pas été réalisé jusque-là. Le fait nouveau pertinent qui fonde la demande de révision ne réside toutefois pas dans l’existence de ces troubles sensitifs mais dans le diagnostic d’une atteinte des fibres fines au niveau des racines L1 et S4 que le spécialiste en anesthésiologie a posé à raison de ceux-ci.

Dans son dernier rapport, ce spécialiste concède que l’unique examen pour objectiver une atteinte des fibres fines consiste en une méthode appelée thermo-test développée par le neurologue suédois Ulf Lindblom et qu’à ce jour, il n’a pas trouvé une telle machine en Suisse. Cela étant, il reconnaît lui-même que les constatations nouvelles dont il fait état sur la base du test de sensibilité qu’il a effectué constituent tout au plus un indice allant dans le sens du diagnostic posé. Cela est toutefois insuffisant pour considérer que les éléments de preuve invoqués établissent le fait nouveau pertinent. Par ailleurs, le spécialiste en anesthésiologie s’est abstenu de dire en quoi une atteinte des fibres fines dans les racines L1 et S4 entraînerait chez l’assurée une incapacité de travail ou des limitations fonctionnelles plus importantes que celles retenues à l’époque par le médecin de l’assurance-accidents. Si ce dernier a certes nié que la symptomatologie de l’assurée avait encore une base organique en lien avec l’accident, il n’en a pas moins évalué l’exigibilité d’une reprise d’activité professionnelle en tenant compte de la présence de douleurs résiduelles au niveau dorso-lombaire et fessier. Ainsi, il a estimé que l’ancienne activité de l’assurée exigeait d’elle des efforts qui allaient peut-être au-delà de ses capacités, et qu’elle devrait exercer une activité industrielle légère sans ports de charges lourdes, en position alternée avec la possibilité de se dégourdir les jambes, ne nécessitant que peu d’accroupissements ou de travail à genoux, aucun travail sur des échafaudages ou des échelles, et pas de montée ou descente répétitive d’escaliers. On précisera que c’est en fonction de descriptions de poste de travail (DPT) compatibles avec ces limitations fonctionnelles que l’assurance-accidents a déterminé le revenu d’invalide de l’assurée.

Il s’ensuit que les rapports du spécialiste en anesthésiologie ne permettent pas d’établir un élément de fait nouveau, déterminant sur le plan juridique, dont il résulterait que les bases de la décision du 19.12.2013 comportait des défauts objectifs. Partant, les conditions de l’art. 53 al. 1 LPGA ne sont pas réalisées.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_687/2017 consultable ici

 

 

5A_443/2018 (f) du 06.11.2018 – destiné à la publication – Divorce – Epoux ayant gravement violé ses devoirs envers sa famille – Refus du partage des prétentions de prévoyance professionnelle – 124a CC – 124b CC / Examen par le TF de l’art. 124b al. 2 CC

Arrêt du Tribunal fédéral 5A_443/2018 (f) du 06.11.2018, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Divorce – Epoux ayant gravement violé ses devoirs envers sa famille – Refus du partage des prétentions de prévoyance professionnelle / 124a CC – 124b CC

Examen par le TF de l’art. 124b al. 2 CC

 

Madame A.__ (1953) et Monsieur A.__ (1945) se sont mariés le 23.10.1972 et ont eu deux enfants, aujourd’hui majeurs. Par demande unilatérale du 20.10.2014, Madame A.__ a ouvert action en divorce. Par jugement du 03.04.2017, le tribunal de première instance a prononcé le divorce, dit qu’aucune contribution d’entretien ne serait due entre les époux, condamné l’époux à verser à l’épouse 28’121 fr. 45 au titre de la liquidation du régime matrimonial et refusé à l’époux l’allocation d’une indemnité équitable au sens de l’art. 124 aCC.

Statuant le 11.04.2018 sur l’appel interjeté par l’époux, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a réformé cette décision, en ce sens que Madame A.__ a été condamnée à verser à Monsieur A.__ 2’094 fr. 50 au titre de la liquidation du régime matrimonial, le jugement étant confirmé pour le surplus (arrêt HC / 2018 / 248 consultable ici).

Il ressort de l’arrêt entrepris que l’épouse a été employée de X.__ et a perçu jusqu’à 9’500 fr. net par mois de salaire, 13ème salaire et bonus inclus, au terme de sa carrière. Atteinte dans sa santé, elle a été contrainte d’accepter une retraite anticipée, qu’elle a prise avec effet au 01.03.2014. Lorsque le jugement de première instance a été rendu, elle percevait des revenus globaux de 7’325 fr. par mois, à savoir une rente AVS transitoire (jusqu’à 64 ans révolus) de 2’340 fr. et une rente LPP viagère de 4’985 fr.

Pour sa part, l’époux a travaillé comme plâtrier-peintre salarié de 1971 à janvier 1977. Depuis février 1977, il a travaillé comme indépendant et ce formellement jusqu’en décembre 1996, mais son activité n’a pas « démarré ». Dès 1990, les revenus qu’il a déclarés à la caisse AVS se sont limités à quelque 16’000 fr. par année. Il a obtenu un revenu très accessoire en qualité de concierge, de 2001 à 2003. Agé de 72 ans lorsque le premier jugement a été rendu, il percevait des revenus mensuels globaux de quelque 1’706 fr. par mois (rentes AVS et de 3e pilier a et b). Depuis la séparation des parties en juin 2012, son épouse lui a versé une contribution d’entretien de 1’500 fr. par mois, qui a été ramenée à 1’000 fr. par mois depuis le 01.10.2014. Au jour de la demande en divorce, il ne disposait d’aucun avoir.

L’autorité de première instance avait pu établir que Monsieur A.__ avait exercé sur son épouse une surveillance étroite jusque devant son lieu de travail et un contrôle financier au point de la priver d’autonomie, de ses propres ressources et de la possibilité d’entretenir à sa guise des relations avec ses enfants, puis ses petits-enfants. Il avait maltraité femme et enfants, tant physiquement que psychiquement, et avait mis la fille aînée du couple à la porte alors que celle-ci était encore largement mineure parce qu’elle « coûtait trop cher ». L’épouse avait dû subvenir quasiment seule aux besoins du ménage et de la famille en travaillant – d’abord à 50%, puis à 100% – à tout le moins durant les trente dernières années, le mari ayant invoqué des problèmes de dos pour cesser progressivement toute activité professionnelle, sans pour autant s’adresser à l’AI, déclarant notamment à son épouse et à ses enfants qu’il ne travaillerait plus jamais pour un patron. L’épouse s’était occupée seule des enfants et de la tenue du ménage, aidant en outre son mari dans son activité professionnelle indépendante – quand il en exerçait encore une – en établissant les devis pour ses clients. L’époux faisait main basse sur le salaire de son épouse, ne lui laissant que très peu d’argent – au point que celle-ci n’osait pas s’offrir la moindre distraction avec ses collègues, étant régulièrement sans argent – et confisquant le solde dans une pièce dont l’accès n’était rendu possible à son épouse que sous surveillance et pour y faire le ménage. La famille avait parfois manqué de moyens pour subvenir à des besoins de base, car l’époux jouait une partie du salaire de son épouse à des jeux de hasard. Il n’avait pas pour autant davantage contribué à l’éducation et à la prise en charge des enfants, ni aux tâches du ménage. En plus des frais quotidiens, l’épouse avait dû assumer seule le remboursement d’un crédit de 90’864 fr. dont l’époux avait disposé seul. La vie conjugale que lui avait fait mener son époux avait été pour elle un véritable « enfer « , et les démarches effectuées en vue d’obtenir une séparation l’avaient conduite à une décompensation psychique grave « dans le contexte de la relation d’emprise que [son mari] entretenait sur elle ». Par ailleurs, l’autorité cantonale a relevé que la privation d’autonomie du fait de l’époux, jusque dans les relations personnelles que l’épouse souhaitait entretenir avec ses enfants et ses petits-enfants, de même que le climat de terreur psychologique qu’il entretenait au sein de sa famille, réalisaient les circonstances exceptionnelles visées de façon non exhaustives à l’art. 125 al. 3 CC.

S’agissant de la question du partage des avoirs de prévoyance professionnelle des époux, la cour cantonale a retenu que le nouveau droit offrait au juge un plus grand pouvoir d’appréciation que l’ancien droit, lui permettant ainsi de corriger les situations inéquitables. Le juge du divorce pouvait désormais, notamment, refuser le partage en tout ou partie en cas de violation grave, par le créancier, de son obligation d’entretien au sens de l’art. 125 al. 3 CC. En application de ces principes, la Cour d’appel civile a considéré qu’au vu des circonstances de l’espèce et de l’application de l’art. 125 al. 3 CC, il se justifiait de refuser tout partage de la rente de prévoyance professionnelle perçue par Madame A.__.

 

TF

Selon l’art. 122 CC, les prétentions de prévoyance professionnelle acquises durant le mariage et jusqu’à l’introduction de la procédure de divorce sont partagées entre les époux.

L’art. 124a CC règle les situations dans lesquelles, au moment de l’introduction de la procédure de divorce, l’un des époux perçoit une rente d’invalidité alors qu’il a déjà atteint l’âge réglementaire de la retraite ou perçoit une rente de vieillesse. Dans ces situations, il n’est plus possible de calculer une prestation de sortie, de sorte que le partage devra s’effectuer sous la forme du partage de la rente (Message du 29 mai 2013 concernant la révision du code civil suisse [Partage de la prévoyance professionnelle en cas de divorce], FF 2013 4341, 4363 ad art. 124a CC [ci-après: Message LPP]). Selon l’art. 124a CC, le juge apprécie les modalités du partage. Il tient compte en particulier de la durée du mariage et des besoins de prévoyance de chacun des époux (al. 1). L’énumération des circonstances que le juge doit prendre en considération lorsqu’il prend une telle décision fondée sur son pouvoir d’appréciation n’est pas exhaustive (FF 2013 4365 ad art. 124a CC). S’il prend en considération d’autres circonstances que la durée du mariage et les besoins de prévoyance de chacun des conjoints, le juge doit préciser lesquelles. Entrent notamment en ligne de compte les circonstances justifiant l’attribution de moins ou de plus de la moitié de la prestation de sortie (art. 124b CC; FF 2013 4365 ad art. 124a CC et 4370 ad art. 124b CC). En d’autres termes, si l’art. 124b CC ne s’applique pas directement aux cas de partage d’une rente, mais vise uniquement les cas de partage des prestations de sortie, le juge peut toutefois s’inspirer des principes ressortant de cette disposition dans le cadre de l’exercice du pouvoir d’appréciation que lui confère l’art. 124a CC (JUNGO / GRÜTTER, FamKomm Scheidung, vol. I, 3ème éd. 2017, n° s 23 et 27 ad art. 124a CC; LEUBA/UDRY, Partage du 2ème pilier: premières expériences, in Entretien de l’enfant et prévoyance professionnelle, 2018, p. 9; ANNE-SYLVIE DUPONT, Les nouvelles règles sur le partage de la prévoyance en cas de divorce, in Le nouveau droit de l’entretien de l’enfant et du partage de la prévoyance, 2016, n° 85 p. 81 s.; THOMAS GEISER, Gestaltungsmöglichkeiten beim Vorsorgeausgleich, RJB 2017 1 [12]).

Selon l’art. 124b al. 2 CC, le juge attribue moins de la moitié de la prestation de sortie au conjoint créancier ou n’en attribue aucune pour de justes motifs. C’est le cas en particulier lorsque le partage par moitié s’avère inéquitable en raison de la liquidation du régime matrimonial ou de la situation économique des époux après le divorce (ch. 1) ou des besoins de prévoyance de chacun des époux, compte tenu notamment de leur différence d’âge (ch. 2).

Dans un arrêt rendu sous l’empire de l’ancien droit du partage des avoirs de prévoyance professionnelle (ATF 133 III 497), le Tribunal fédéral avait considéré que le partage pouvait être refusé lorsqu’il s’avérait manifestement inéquitable pour des motifs tenant à la liquidation du régime matrimonial ou à la situation économique des époux après le divorce (art. 123 al. 2 aCC), mais aussi en cas d’abus de droit (art. 2 al. 2 CC), par exemple lorsque les époux avaient contracté un mariage de complaisance ou n’avaient jamais eu l’intention de former une communauté conjugale. En revanche, une violation des devoirs découlant du mariage ne constituait pas un motif de refus du partage des avoirs de prévoyance professionnelle. Le comportement des conjoints durant le mariage ne jouait aucun rôle dans ce domaine, étant relevé que l’art. 125 al. 3 ch. 1 CC, selon lequel une violation grave de l’obligation d’entretien de la famille pouvait justifier un refus d’allouer une contribution d’entretien, n’avait pas été conçu par le législateur en relation avec le partage des prestations de sortie (ATF 133 III 497 consid. 4 et 5; arrêt approuvé par HEINZ HAUSHEER, in RJB 2008 557 s.). En conséquence, le Tribunal fédéral avait retenu, dans le cas d’espèce de l’ATF 133 III 497, que l’on ne pouvait pas refuser de partager les avoirs de prévoyance professionnelle par moitié entre les époux, quand bien même l’épouse avait travaillé à plein temps depuis le début du mariage, alors que l’époux n’avait pas travaillé ou ne l’avait fait que de manière sporadique, leurs deux enfants vivant pour leur part, dès leur naissance, chez leurs grands-parents maternels.

Il reste à examiner si cette jurisprudence peut être confirmée sous l’empire du nouveau droit du partage de la prévoyance professionnelle.

Le texte de l’art. 124b al. 2 CC prévoit la possibilité pour le juge de s’écarter du principe du partage par moitié pour de  » justes motifs  » et cite deux exemples à ses chiffres 1 et 2. Il ne précise toutefois pas plus avant la notion de justes motifs et n’indique en particulier pas si la violation par un conjoint de son obligation de contribuer à l’entretien de la famille, au sens de l’art. 163 CC, pourrait constituer un tel motif.

Selon le Message LPP, la liste des justes motifs énumérés à l’art. 124b al. 2 CC, pour lesquels le juge peut renoncer au partage par moitié, n’est pas exhaustive. D’autres cas de figure sont envisageables, celui notamment où le conjoint créancier « ne se serait pas conformé à son obligation d’entretien » (selon les textes allemands et italiens du Message:  » (…) seine Pflicht, zum Unterhalt der Familie beizutragen, grob verletzt hat  » [FF 2013 4182];  » (…) ha violato in modo grave l’obbligo di contribuire al mantenimento della famiglia  » [FF 2013 4918]), auquel cas il paraîtrait insatisfaisant qu’il puisse exiger la moitié de la prestation de sortie du conjoint débiteur (FF 2013 4371 ad art. 124b CC). Le Message se réfère ici expressément à l’ATF 133 III 497. Dans le cadre des travaux parlementaires, la conseillère nationale Gabi Huber a exposé que cette jurisprudence était insatisfaisante, et que des situations comme celle de l’ATF 133 III 497 ne devraient plus exister lorsque le nouvel art. 124b CC serait entré en vigueur (BO 2015 CN 766). La Conseillère fédérale Simonetta Sommaruga a souligné que le principe d’un partage par moitié demeurait, mais qu’il convenait d’offrir au juge une certaine flexibilité (BO 2015 CN 768). Enfin, alors que l’avant-projet de modification du Code civil disposait, tout comme l’art. 123 al. 2 aCC, que le juge refuse le partage par moitié, en tout ou partie, lorsque celui-ci s’avère manifestement inéquitable (art. 122 al. 2 ap-CC), le nouvel art. 124b al. 2 CC ne mentionne finalement que le terme inéquitable, ceci afin de laisser une plus grande marge d’interprétation au juge (FF 2013 4352 ainsi que 4370 ad art. 124b CC).

Une partie de la doctrine soutient que, même sous l’empire du nouveau droit, le fait pour un époux d’avoir contribué à l’entretien de la famille dans une plus grande proportion que ce que lui impose l’art. 163 CC n’est pas déterminant pour le partage des avoirs de prévoyance professionnelle, seuls des motifs de nature économique pouvant être qualifiés de justes motifs au sens de l’art. 124b al. 2 CC (REGINA AEBI-MÜLLER, in ZBJV 2018 608; dans le même sens GEISER, op. cit., p. 15, selon lequel le comportement des époux durant le mariage ne constitue pas un juste motif de refus du partage). D’autres auteurs affirment, en se référant au Message LPP, que la jurisprudence découlant de l’ATF 133 III 497 ne peut plus être appliquée depuis l’entrée en vigueur du nouveau droit (JUNGO/GRÜTTER, FamKomm Scheidung, 3ème éd. 2017, n° 17 ad art. 124b CC; MYRIAM GRÜTTER, Der neue Vorsorgeausgleich im Überblick, FamPra.ch 2017 127 [138]). En d’autres termes, ils admettent que le juge puisse désormais tenir compte, dans son appréciation, non seulement de motifs de nature purement économique tels que ceux cités à l’art. 124b al. 2 CC, mais aussi de la violation grave, par un époux, de son obligation d’entretien de la famille (MARKUS MOSER, Teilung mit Tücken – der Vorsorgeausgleich auf dem Prüfstand der anstehenden Scheidungsrechtsrevision, SZS 2014 100 [122 s.]).

On peut certes craindre que le nouvel art. 124b al. 2 CC n’ait pour effet, en quelque sorte, de réintroduire par la bande le divorce « pour faute » et de détourner le but initial de la loi (GEISER, op. cit., p. 15). Dans son Message, le Conseil fédéral souligne toutefois qu’il conviendra de veiller à ce que l’application de l’art. 124b al. 2 CC ne vide pas de sa substance le principe du partage par moitié (FF 2013 4371 ad art. 124b CC), le partage de la prévoyance professionnelle devant, dans l’idéal, permettre aux deux conjoints de disposer d’un avoir de prévoyance de qualité égale (FF 2013 4349). Ces principes ont été conçus pour être appliqués indépendamment de la répartition des tâches convenue durant le mariage. Il n’en demeure pas moins que la volonté du législateur, dans le cadre de la novelle du 19 juin 2015, était d’assouplir les conditions auxquelles le juge peut exclure totalement ou partiellement le partage. Il a clairement souhaité que le fait, pour un époux, d’avoir gravement violé son obligation de contribuer à l’entretien de la famille puisse constituer un juste motif au sens de l’art. 124b al. 2 CC, contrairement à ce que préconisait l’ATF 133 III 497.

En définitive, au vu du but général de la loi concernant le partage de la prévoyance en cas de divorce, le comportement des époux durant le mariage ne constitue en principe pas un critère à prendre en considération ; il ne s’agira donc pas d’analyser dans chaque situation la proportion dans laquelle chaque époux s’est impliqué dans l’entretien de la famille et de pondérer le partage des avoirs en fonction de ces éléments. Cependant, selon la volonté claire du législateur, le juge du divorce a désormais la possibilité de tenir compte, dans son appréciation, de la violation par un époux de son obligation d’entretenir la famille. Il ne peut toutefois le faire que de manière restrictive, afin d’éviter que le principe du partage par moitié des avoirs de prévoyance professionnelle des époux ne soit vidé de sa substance. En particulier, c’est seulement dans des situations particulièrement choquantes que de tels justes motifs peuvent l’emporter sur les considérations économiques liées aux besoins de prévoyance respectifs des époux, de sorte que le juge est habilité, sur cette base, à refuser totalement ou partiellement le partage des avoirs de prévoyance professionnelle (dans le même sens, cf. DUPONT, op. cit., n° 84 p. 81; MOSER, op. cit., p. 122 et 123, qui parle de  » krass ehewidrigen Verhaltens  » et de  » grobe Verletzung ehelicher Unterhaltspflicht « ), et ce même si la prévoyance du conjoint créancier n’apparaît pas adéquate (cf. à ce sujet HERZIG/JENAL, Verweigerung des Vorsorgeausgleichs in der Scheidung: Konfusion um Rechtsmissbrauchsverbot und Unbilligkeitsregel, in Jusletter du 21 janvier 2013, N 17 et la critique formulée au N 18).

 

En l’espèce, Monsieur A.__ ne conteste pas avoir gravement violé son obligation de contribuer à l’entretien de la famille. Il ne remet pas en cause les constatations de fait de l’autorité cantonale, selon lesquelles il n’a que très peu travaillé et ne s’est occupé ni des enfants, ni du ménage, et ce tout au long du mariage. Dans ce contexte, la cour cantonale pouvait considérer que l’on se trouvait en présence de justes motifs, au sens de l’art. 124b al. 2 CC, dont elle pouvait s’inspirer dans le cadre de l’exercice de son pouvoir d’appréciation prévu par l’art. 124a CC.

Au vu de l’ensemble des circonstances de l’espèce (cf. faits retenus par l’autorité de première instance), on ne saurait reprocher à la cour cantonale d’avoir abusé de son pouvoir d’appréciation. Enfin, en tant que Monsieur A.__ fait valoir qu’il a d’importants besoins de prévoyance, il omet que dans la situation exceptionnelle où, comme en l’espèce, le refus de prévoyance est lié à un manquement grave de l’un des époux à son obligation de contribuer à l’entretien de la famille, le critère du caractère adéquat des avoirs de prévoyance du conjoint créancier peut être relégué au second plan.

 

Le TF rejette le recours de Monsieur A.__.

 

 

Arrêt 5A_443/2018 consultable ici