Archives de catégorie : Jurisprudence

9C_127/2016 (f) du 09.11.2016 – Expertise médicale judiciaire / Remise en cause par les parties et non par le juge du diagnostic retenu

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_127/2016 (f) du 09.11.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2jTjfdA

 

Expertise médicale judiciaire

Remise en cause par les parties et non par le juge du diagnostic retenu

 

TF

Il n’appartient pas au juge de remettre en cause le diagnostic retenu par un médecin et de poser de son propre chef des conclusions qui relèvent de la science et des tâches du corps médical. Il convient bien plutôt pour la partie (en l’occurrence, l’office AI) qui entend remettre en cause le bien-fondé du point de vue médical sur lequel se sont fondées les autorités judiciaires de mettre en évidence des éléments objectivement vérifiables – de nature notamment clinique ou diagnostique – qui auraient été ignorés dans le cadre de l’appréciation et qui seraient suffisamment pertinents.

En ce qui concerne les critiques relatives à l’importance du trouble dépressif, l’office recourant fait grief aux premiers juges d’avoir attaché une importance trop grande à cette affection. L’appréciation de la sévérité du trouble admise par l’expert est toutefois un débat qui relève typiquement de la compétence du corps médical et dans lequel le juge ne saurait en principe s’immiscer. En l’absence d’autres explications médicales permettant d’éclairer sous un jour différent le point de l’expert, il n’y a pas lieu de s’écarter de son avis (cf. arrêt 9C_855/2015 du 2 mai 2016 consid. 4.3). Quoiqu’en dise par ailleurs l’office recourant, l’expert a retenu les diagnostics psychiques en se fondant sur ses propres observations et non pas seulement sur les plaintes rapportées par l’assuré. Il a en outre détaillé quels traitements étaient effectivement suivis régulièrement par l’assuré et mentionné que celui-ci prenait en tous cas les médicaments « véritablement nécessaires et indiqués ».

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_127/2016 consultable ici : http://bit.ly/2jTjfdA

 

 

9F_8/2016 (d) du 20.12.2016 – destiné à la publication – Révision de l’arrêt sur la rente d’invalidité après la décision de la CrEDH

Arrêt du Tribunal fédéral 9F_8/2016 (d) du 20.12.2016, destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/2jtJ7jg

Résumé de Assurance Sociale Actualités 01/2017 du 09.01.2017

 

Evaluation du taux d’invalidité – Méthode mixte / 28 al. 3 LAI

 

Après la décision de la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) jugeant discriminatoire la méthode de calcul des rentes AI pour les mères travaillant à temps partiel, le Tribunal fédéral a révisé son arrêt en la matière sur demande de la personne concernée. Elle percevra désormais une demi-rente. Dans son arrêt, le Tribunal fédéral ne s’étend pas sur la question de savoir si et dans quelle mesure la méthode mixte incriminée par la CrEDH doit être soumise à une nouvelle appréciation juridique. Dans les situations qui ne correspondraient pas au cas traité en l’espèce, le Tribunal fédéral considère que la méthode mixte peut toujours être appliquée malgré la décision de la CrEDH.

 

 

Arrêt 9F_8/2016 consultable ici : http://bit.ly/2jtJ7jg

 

Voir également :

AI : Application de la méthode mixte après l’arrêt de la CrEDH du 02.02.2016 (Di Trizio c. Suisse)

Le jugement de la Cour européenne sur le caractère discriminatoire de la méthode mixte est définitif (Arrêt de la CrEDH du 02.02.2016, affaire Di Trizio c. Suisse)

Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 02.02.2016 – Affaire Di Trizio c. Suisse – Evaluation du taux d’invalidité – Méthode mixte jugé comme discriminatoire

 

 

8C_883/2015+8C_884/2015 (f) du 21.10.2016 – Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA – Abattement –Révision avec effet rétroactif vs pour l’avenir – Obligation de renseigner – Modification de l’état de santé

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_883/2015+8C_884/2015 (f) du 21.10.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2hoGICv

 

Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA

Revenu d’invalide pour un assuré travaillant 56h par semaine (activité principale et 2 activités accessoires avant l’accident)

Abattement – justifications

Révision avec effet rétroactif vs pour l’avenir

Obligation de renseigner – Modification de l’état de santé – 31 LPGA

 

 

TF

Si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée (art. 17 al. 1 LPGA). Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision. La rente peut être révisée non seulement en cas de modification sensible de l’état de santé, mais aussi lorsque celui-ci est resté en soi le même, mais que ses conséquences sur la capacité de gain ont subi un changement important (ATF 134 V 131 consid. 3 p. 132; 130 V 343 consid. 3.5 p. 349; 113 V 273 consid. 1a p. 275). Tel est le cas lorsque la capacité de travail s’améliore grâce à l’accoutumance ou une adaptation au handicap. En revanche, une simple appréciation différente d’un état de fait, qui, pour l’essentiel, est demeuré inchangé n’appelle pas à une révision au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA (ATF 141 V 9 consid. 2.3 p. 10 s. et les références). Le point de savoir si un changement s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit, et les circonstances régnant à l’époque de la décision litigieuse (ATF 133 V 108 consid. 5 p. 110 ss).

Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). La comparaison des revenus s’effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l’un avec l’autre, la différence permettant de calculer le taux d’invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1 p. 30; voir également SVR 2010 IV n° 11 p. 35, 9C_236/2009, consid. 3.1).

Comme l’assuré avait exercé une activité principale et deux activités accessoires jusqu’à concurrence de 56 heures hebdomadaires avant l’accident, les premiers juges ont considéré que cette durée globale d’activité hebdomadaire pouvait être retenue dès lors que l’assuré était encore jeune et que rien ne permettait de penser qu’il n’aurait pas maintenu ce rythme de travail encore plusieurs années.

Selon la jurisprudence, la diminution de la capacité de gain doit être déterminée de la manière la plus concrète possible. Aussi, le revenu d’invalide doit-il être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301; 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475). En l’absence d’un revenu effectivement réalisé, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base des statistiques salariales (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb p. 76 ss). Le point de savoir si les tables de salaires statistiques sont applicables et, le cas échéant, quelle table est déterminante est une question de droit (ATF 132 V 393 consid. 3.3 p. 399; SVR 2009 IV n° 34 p. 95 [9C_24/2009] consid. 1.2) que le Tribunal fédéral examine d’office (art. 106 al. 1 LTF).

En l’espèce, le recourant a certes accompli, dans le cadre d’une mesure de réadaptation de l’assurance-invalidité, une formation dans le domaine du câblage électronique et il a ensuite suivi un stage d’orientation professionnelle. Cependant, il n’a pas été engagé par cette entreprise à l’issue du stage et il n’exerçait pas d’activité lucrative en 2008, année – déterminante en l’occurrence pour la comparaison des revenus (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 406/05 du 13 juillet 2006 consid. 7.3) – où la rente d’invalidité a été réduite. Aussi la cour cantonale était-elle fondée, en l’absence d’un revenu effectivement réalisé, d’évaluer le revenu d’invalide sur la base des statistiques salariales. Au demeurant, lorsque le revenu d’invalide est fixé en fonction de la situation professionnelle concrète de l’intéressé et non pas sur la base des statistiques salariales, il n’y a pas lieu de procéder à un abattement (cf. ATF 135 V 297 consid. 5.2 p 301; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 80). Ainsi, le taux d’incapacité de gain résultant de la comparaison du revenu sans invalidité (non contesté) de 77’430 fr. 52 avec le revenu de 72’148 fr. 15 allégué par le recourant s’élèverait à 6,82% ([77’430 fr. 52 – 72’148 fr. 15] : 77’430 fr. 52 x 100), soit un taux inférieur au seuil de 10% ouvrant droit à une rente de l’assurance-accidents (art. 18 al. 1 LAA).

 

Abattement

En ce qui concerne le taux d’abattement, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.). Il n’y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d’appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d’invalide, compte tenu de l’ensemble des circonstances du cas concret (ATF 126 V 75 consid. 5b/bb p. 80; arrêt 8C_80/2013 du 17 janvier 2014 consid. 4.2; 9C_751/2011 du 30 avril 2012 consid. 4.2.1).

Dans sa décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a constaté que l’état de santé de l’assuré s’était sensiblement amélioré au point qu’il était apte, le 18.07.2008 au plus tard, à reprendre, dans la même mesure qu’avant l’accident, les activités qu’il exerçait auparavant. C’est pourquoi elle n’a pas fixé le revenu d’invalide sur la base des salaires statistiques et la question d’un abattement éventuel ne se posait pas. En revanche, dans son jugement du 29.10.2015, la cour cantonale a admis un taux d’abattement de 15%. Cet abattement était alors motivé par les « désavantages liés (au) handicap physique » dans l’exercice d’une activité simple et répétitive relevant du niveau de qualification 4 selon l’ESS.

Cela étant, la cour cantonale n’indique pas dans quelle mesure les limitations fonctionnelles (capacité limitée à un travail exercé essentiellement en position assise et n’exigeant que des déplacements sur de courtes distances en terrain plat) ont été prises en considération dans le taux global d’abattement de 15% puisqu’elle se réfère simplement à un taux déjà retenu par l’assureur-accidents dans ses décisions antérieures. A cela s’ajoute encore le fait que les années de service ne constituent pas le seul critère de fixation du salaire dans une nouvelle profession mais que l’expérience acquise lors des précédentes activités professionnelles a une influence tout aussi importante. C’est pourquoi la jurisprudence considère que l’influence de la durée de service diminue dans la mesure où les exigences d’un emploi dans le secteur privé sont moins élevées, de sorte qu’un abattement pour années de service n’est pas justifié dans le cadre du niveau de qualification 4 de l’ESS (ATF 126 V 75 consid. 5 b/bb p. 80; arrêt 9C_874/2014 du 2 septembre 2015 consid. 3.3.2 et les références). A cela s’ajoute encore le fait qu’en 2008, l’assuré vivait en Suisse depuis vingt ans, ce qui permet d’exclure un inconvénient relatif à sa nationalité étrangère. Un abattement à ce titre n’apparaît dès lors pas justifié.

La juridiction précédente a fixé l’abattement en se fondant en partie sur des éléments qui ne sont pas pertinents au regard des règles de droit applicables. Dans la mesure où la cour cantonale s’est fondée, en partie au moins, sur des critères inappropriés, un taux global d’abattement supérieur à 10% ne saurait toutefois apparaître justifié au regard uniquement du handicap résultant du fait que la capacité de l’assuré est limitée à un travail exercé essentiellement en position assise. Dans ces conditions, le revenu d’invalide doit être fixé à 72’666 fr. 72 (80’740 fr. 80 – [10% x 80’740 fr. 80]). En comparant ce montant au revenu sans invalidité de 77’430 fr. 52, on obtient un taux d’invalidité (arrondi) de 6% ([77’430 fr. 52 – 72’666 fr. 72] : 77’430 fr. 52 x 100 = 6,15), soit un taux insuffisant pour ouvrir droit à une rente d’invalidité de l’assurance-accidents (art. 18 al. LAA).

 

Révision avec effet rétroactif vs pour l’avenir

Selon l’art. 17 LPGA, en cas de modification notable du taux d’invalidité, la rente est révisée pour l’avenir. Le point de savoir si la réglementation prévue à l’art. 88bis al. 2 let. b RAI est applicable par analogie en matière d’assurance-accidents n’a pas été tranché explicitement par le Tribunal fédéral jusqu’ici. Dans un arrêt 8C_301/2011 du 30 juin 2011 (consid. 3.5), il a été admis implicitement qu’une violation de l’obligation de renseigner entraîne la suppression d’une rente de l’assurance-accidents avec effet rétroactif et dans des arrêts 8C_573/2011 du 3 novembre 2011 (consid. 5.2) et 8C_90/2011 du 8 août 2011 (consid. 8.7), cette question a été laissée expressément indécise (cf. également ATF 142 V 259 consid. 3.2.1 p. 260). En l’espèce, il n’est toutefois pas nécessaire de trancher ce point, dans la mesure où l’existence d’une violation de l’obligation de renseigner doit être niée (cf. infra consid. 7.3.2).

 

Obligation de renseigner – 31 LPGA

Aux termes de l’art. 31 al. 1 LPGA, l’ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l’assureur ou, selon le cas, à l’organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation. L’obligation d’annoncer toute modification des circonstances déterminantes est l’expression du principe de la bonne foi entre administration et administré (ATF 140 IV 11 consid. 2.4.5 p. 17 et les références). Pour qu’il y ait violation de l’obligation de renseigner, il faut qu’il y ait un comportement fautif; d’après une jurisprudence constante, une légère négligence suffit déjà (ATF 112 V 97 consid. 2a p. 101).

La situation médicale n’était pas aisément reconnaissable pour l’assuré. L’incertitude au sujet de l’état de santé de l’assuré s’est prolongée sur plusieurs années, comme cela ressort de l’arrêt du 25 juin 2013 (cause 8C_779/2012) par lequel le Tribunal fédéral a renvoyé la cause à la cour cantonale pour complément d’instruction sous la forme d’une expertise médicale au motif qu’en l’état, le dossier ne permettait pas encore d’inférer que l’assuré pouvait exercer sans restriction les activités qui étaient les siennes avant l’accident, ni de savoir s’il pouvait exercer une activité adaptée dans la même mesure qu’auparavant. Etant donné ces incertitudes quant à sa capacité résiduelle d’exercer une activité lucrative, on ne voit pas comment une violation fautive de son obligation de renseigner pourrait être imputée à l’intéressé.

Une violation du devoir de renseigner n’est pas imputable à l’assuré et il n’y a pas lieu de procéder à la suppression de droit à la rente avec effet rétroactif.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré et admet partiellement le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_883/2015, 8C_884/2015 consultable ici : http://bit.ly/2hoGICv

 

 

9C_400/2016 (f) du 02.11.2016 – Révision d’une rente d’invalidité – Obligation de renseigner – Modification de la situation économique – Délai de péremption pour la restitution de prestations indûment touchées – Interruption du lien de causalité entre la violation par l’assuré de son obligation d’annoncer et la perception indue de prestations

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_400/2016 (f) du 02.11.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2hoWq0v

 

Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA

Obligation de renseigner – Modification de la situation économique – 31 LPGA

Délai de péremption pour la restitution de prestations indûment touchées – 25 al. 2 LPGA

Interruption du lien de causalité entre la violation par l’assuré de son obligation d’annoncer et la perception indue de prestations

 

Assuré au bénéfice d’une rente entière d’invalidité du 01.01.2009, puis d’une demi-rente dès le 01.09.2009. L’assuré a ensuite été engagé comme responsable des ventes sous-traitances électriques à mi-temps dès le 01.06.2010. Il a informé l’office AI de cet engagement et a produit, sur demande, une copie du contrat de travail et des fiches de salaire mentionnant un salaire mensuel brut de 3’500 fr. (juin à août 2010).

Dans le cadre d’une révision, l’employeur a indiqué que l’assuré avait perçu un revenu mensuel brut de 3’500 fr. de juin à octobre 2010. Le droit à une demi-rente d’invalidité a été maintenu.

Lors d’un nouvel examen de la situation professionnelle, l’employeur a répondu en transmettant le décompte des salaires perçus par l’assuré en 2012, soit 5’500 fr. brut treize fois l’an, l’assuré ayant été promu provisoirement comme responsable de production en raison de l’apport d’une grosse affaire et percevant le revenu correspondant (5’500 fr.) du 01.11.2010 au 31.08.2014. L’assuré a remis à l’office AI un avenant à son contrat de travail mentionnant un revenu mensuel brut de 3’800 fr. treize fois l’an dès le 01.09.2014.

L’office AI a supprimé la demi-rente d’invalidité avec effet rétroactif du 01.03.2011 au 28.02.2014 et a ordonné la restitution des montants perçus à tort durant cette période, représentant la somme de 38’552 fr. L’office AI a par ailleurs maintenu l’octroi en faveur de l’assuré d’une demi-rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 28.04.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Aux termes de l’art. 25 al. 2, 1ère phrase, LPGA, le droit de demander la restitution de prestations indûment touchées s’éteint un an après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du motif de restitution, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Selon la jurisprudence, il s’agit de délais (relatif et absolu) de péremption (ATF 142 V 20 consid. 3.2.2 p. 24 et les références). Ces délais ne peuvent par conséquent être interrompus. Lorsque l’autorité a accompli l’acte conservatoire que prescrit la loi, le délai se trouve sauvegardé, cela une fois pour toutes (arrêt 8C_616/2009 du 14 décembre 2009 consid. 3.1 et les références).

Le délai de péremption relatif d’une année commence à courir dès le moment où l’administration aurait dû connaître les faits fondant l’obligation de restituer, en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. L’administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde – quant à son principe et à son étendue – la créance en restitution à l’encontre de la personne tenue à restitution (ATF 140 V 521 consid. 2.1 p. 525 et les références). Si l’administration dispose d’indices laissant supposer l’existence d’une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires. A ce défaut, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où elle aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. Dans tous les cas, le délai de péremption relatif d’une année commence à courir immédiatement s’il s’avère que les prestations en question étaient clairement indues (arrêt 9C_454/2012 du 18 mars 2013 consid. 4, non publié à l’ATF 139 V 106 et les références).

Si la créance naît d’un acte punissable pour lequel le droit pénal prévoit un délai plus long, celui-ci est déterminant (art. 25 al. 2, 2ème phrase, LPGA). En matière d’invalidité, ce sont principalement les infractions réprimées aux art. 146 CP (« Escroquerie ») et art. 87 LAVS (« Délits »), applicable par le renvoi de l’art. 70 LAI, qui entrent en considération. En particulier, celui qui aura manqué à son obligation de communiquer (art. 31 al. 1 LPGA) sera puni d’une peine pécuniaire de 180 jours-amende au plus, à moins qu’il ne s’agisse d’un crime ou d’un délit frappé d’une peine plus lourde (art. 87, cinquième paragraphe, LAVS).

D’après l’art. 31 al. 1 LPGA, l’ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l’assureur ou, selon les cas, à l’organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation. En matière d’assurance-invalidité, l’art. 77 al. 1 RAI précise que l’ayant droit ou son représentant légal, ainsi que toute personne ou autorité à qui la prestation est payée, doit communiquer immédiatement à l’office AI tout changement important qui peut avoir des répercussions sur le droit aux prestations, en particulier les changements qui concernent l’état de santé, la capacité de gain ou de travail, la situation personnelle et éventuellement économique de l’assuré. Pour qu’il y ait violation de l’obligation de renseigner au sens de l’art. 31 al. 1 LPGA, il faut qu’il y ait un comportement fautif; d’après la jurisprudence, une légère négligence suffit déjà (cf. ATF 112 V 97 consid. 2a p. 101).

 

Délai plus long du droit pénal – 25 al. 2, 2ème phrase, LPGA

En l’espèce, la juridiction cantonale n’a pas retenu une tromperie au sens de l’art. 146 CP, ce qui n’est pas remis en cause par les parties.

En revanche, en ce qui concerne les conditions de l’art. 87, cinquième paragraphe, LAVS, on constate à la suite des premiers juges que l’assuré pouvait aisément se rendre compte que l’augmentation de salaire intervenue en novembre 2010 était de nature à influencer son droit à des prestations de l’assurance-invalidité. D’ailleurs, comme le rappelle l’office AI, l’obligation d’annoncer tout changement de salaire figurait en toutes lettres dans la motivation de la décision du 13.01.2010. Aussi, la simple lecture de ce document aurait dû amener l’assuré à annoncer son augmentation de salaire au plus tard en novembre 2010. Dans ces conditions, force est d’admettre que l’assuré ne pouvait ignorer l’importance que revêtait la communication de toute information d’ordre économique le concernant. A l’inverse de ce qu’il prétend, il ne pouvait se reposer sur les seules indications de l’employeur transmises à l’office AI en décembre 2010 – qui se rapportaient aux mois de juin à octobre 2010 -, puisqu’il était personnellement tenu d’annoncer l’augmentation de revenu survenue le 1er novembre 2010.

La juridiction cantonale était en droit de considérer que les conditions objectives et subjectives de l’infraction en cause étaient réalisées; le délai de péremption de plus longue durée prévu par le droit pénal, soit en l’occurrence sept ans (art. 97 al. 1 CP), est donc applicable.

 

Interruption du lien de causalité entre la violation par l’assuré de son obligation d’annoncer et la perception indue de prestations

En ce qui concerne la suppression de la rente d’invalidité en cas de manquement à l’obligation de renseigner, l’art. 88 bis al. 2 let. b RAI suppose un lien de causalité entre le comportement à sanctionner (la violation de l’obligation d’annoncer) et le dommage causé (la perception de prestations indues) pour que l’autorité puisse supprimer avec effet rétroactif des prestations d’invalidité (voir ATF 119 V 431 consid. 4a p. 435; 118 V 214 consid. 3b p. 219; arrêt 9C_454/2012 du 18 mars 2013 consid. 7.3, non publié in ATF 139 V 106, mais in SVR 2013 IV n° 24 p. 66).

Selon les constatations de la juridiction cantonale, l’employeur avait communiqué à l’office AI, le 19.08.2013, les fiches relatives au salaire 2012 dont il ressortait que depuis janvier 2012 l’assuré percevait un salaire mensuel brut de 5’500 fr. On doit admettre qu’à partir de cette date, l’office AI avait connaissance d’informations lui permettant de constater que le droit à des prestations telles qu’octroyées jusqu’alors n’était plus fondé en raison de l’augmentation déterminante du revenu du recourant. Cela vaut même si l’administration devait encore entreprendre des investigations pour examiner précisément à partir de quand dite augmentation était survenue.

Par conséquent, le lien de causalité a été interrompu au 01.09.2013. Il n’y a en effet aucun motif de s’écarter de la règle selon laquelle un tel lien est en principe interrompu dès le mois qui suit l’annonce tardive (ATF 119 V 431 consid. 4a p. 435; arrêt 8C_6/2010 du 4 mai 2010 consid. 5.2). Il y a lieu de retrancher du montant requis par l’office les demi-rente d’invalidité perçues par l’assuré du 01.09.2013 au 28.02.2014 (six mois).

 

Le TF accepte partiellement le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_400/2016 consultable ici : http://bit.ly/2hoWq0v

 

 

9C_213/2016 (f) du 17.10.2016 – Statut de salarié dépendant de courtiers – 5 LAVS – 9 LAVS – 6 ss RAVS / Cotisations AVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_213/2016 (f) du 17.10.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2hnsi8c

 

Statut de salarié dépendant de courtiers / 5 LAVS – 9 LAVS – 6 ss RAVS

Cotisations AVS

 

B.__ Sàrl est une agence franchisée de J.__. La caisse de compensation a informé certains courtiers de B.__ Sàrl que leur statut d’indépendant ne pouvait pas être applicable aux relations de travail qui les liaient à B.__ Sàrl ; leurs rémunérations devaient ainsi être considérées comme des salaires et annoncées par B.__ Sàrl. S’agissant des courtiers qui auraient obtenu un statut d’indépendant, la caisse a précisé qu’ils devraient être déclarés comme salariés avec effet au 01.01.2012 pour leurs activités déployées au service de B.__ Sàrl. La caisse a remis à l’employeur une copie des décisions de refus ou de suppression du statut d’indépendant notifiées le même jour aux courtiers connus de ses services. Saisie d’oppositions émanant aussi bien de B.__ Sàrl que de trois courtiers, la caisse a confirmé sa position.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a constaté que les courtiers de B.__ Sàrl étaient soumis à la clause de prohibition de concurrence et qu’ils tiraient l’essentiel de leurs revenus de l’activité qu’ils déployaient pour cette société. B.__ Sàrl mettait à disposition des courtiers une permanence téléphonique et des services de secrétariat. Sauf demande expresse, les courtiers se voyaient attribuer les clients qui entraient dans les locaux communs durant leurs jours de permanence obligatoire. B.__ Sàrl ne garantissait pas la réussite économique. Les courtiers concédaient à B.__ Sàrl, franchisé J.__, la procuration d’encaissement des commissions et étaient libres de fixer leurs tarifs, devant toutefois éviter le dumping ou les tarifs surréalistes; ils percevaient 70% de la commission nette totale. Pour les juges cantonaux, le principal risque économique encouru par les courtiers était celui de ne pas percevoir de revenus à la fin du mois en l’absence d’activité de leur part, ainsi que devoir s’acquitter des frais généraux de l’ordre de 500 fr. à 600 fr. par mois.

Par jugement du 23.02.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Chez une personne qui exerce une activité lucrative, l’obligation de payer des cotisations dépend, notamment, de la qualification du revenu touché dans un certain laps de temps; il faut se demander si cette rétribution est due pour une activité indépendante ou pour une activité salariée (cf. art. 5 et 9 LAVS, art. 6 ss RAVS). Selon l’art. 5 al. 2 LAVS, on considère comme salaire déterminant toute rétribution pour un travail dépendant effectué dans un temps déterminé ou indéterminé; quant au revenu provenant d’une activité indépendante, il comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante (art. 9 al. 1 LAVS).

Le point de savoir si l’on a affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée ne doit pas être tranché d’après la nature juridique du rapport contractuel entre les partenaires. Ce qui est déterminant, bien plutôt, ce sont les circonstances économiques (ATF 140 V 241 consid. 4.2 p. 245 et les références). Les rapports de droit civil peuvent certes fournir, éventuellement, quelques indices, mais ils ne sont pas déterminants. D’une manière générale, est réputé salarié celui qui dépend d’un employeur quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise, et ne supporte pas le risque encouru par l’entrepreneur (ATF 123 V 161 consid. 1 p. 162; arrêt 9C_796/2014 du 27 avril 2015 consid. 3.2). Ces principes ne conduisent cependant pas, à eux seuls, à des solutions uniformes, applicables schématiquement. Les manifestations de la vie économique revêtent en effet des formes si diverses qu’il faut décider dans chaque cas particulier si l’on est en présence d’une activité dépendante ou d’une activité indépendante en considérant toutes les circonstances de ce cas. Souvent, on trouvera des caractéristiques appartenant à ces deux genres d’activité; pour trancher la question, on se demandera quels éléments sont prédominants dans le cas considéré (ATF 140 V 108 consid. 6 p. 112; 123 V 161 consid. 1 p. 162 et les références).

Les principaux éléments qui permettent de déterminer le lien de dépendance quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise sont le droit de l’employeur de donner des instructions, le rapport de subordination du travailleur à l’égard de celui-ci, ainsi que l’obligation de l’employé d’exécuter personnellement la tâche qui lui est confiée. Un autre élément permettant de qualifier la rétribution compte tenu du lien de dépendance de celui qui la perçoit est le fait qu’il s’agit d’une collaboration régulière, autrement dit que l’employé est régulièrement tenu de fournir ses prestations au même employeur. En outre, la possibilité pour le travailleur d’organiser son horaire de travail ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’une activité indépendante (arrêt 9C_1062/2010 du 5 juillet 2011 consid. 7.2 et les références).

Le risque économique d’entrepreneur peut être défini comme étant celui que court la personne qui doit compter, en raison d’évaluations ou de comportements professionnels inadéquats, avec des pertes de la substance économique de l’entreprise. Constituent notamment des indices révélant l’existence d’un tel risque le fait que la personne concernée opère des investissements importants, subit les pertes, supporte le risque d’encaissement et de ducroire, assume les frais généraux, agit en son propre nom et pour son propre compte, se procure lui-même les mandats, occupe du personnel et utilise ses propres locaux commerciaux (arrêts 9C_624/2011 du 25 septembre 2012 consid. 2.2, 9C_1062/2010 du 5 juillet 2011 consid. 7.3 et les références; voir aussi ATF 119 V 161 consid. 3b p. 163). Le risque économique de l’entrepreneur n’est cependant pas à lui seul déterminant pour juger du caractère dépendant ou indépendant d’une activité. La nature et l’étendue de la dépendance économique et organisationnelle à l’égard du mandant ou de l’employeur peuvent singulièrement parler en faveur d’une activité dépendante dans les situations dans lesquelles l’activité en question n’exige pas, de par sa nature, des investissements importants ou de faire appel à du personnel. En pareilles circonstances, il convient d’accorder moins d’importance au critère du risque économique de l’entrepreneur et davantage à celui de l’indépendance économique et organisationnelle (arrêt 9C_364/2013 du 23 septembre 2013 consid. 2.2 et les références).

A propos du critère du risque économique encouru, l’argumentation de B.__ Sàrl consiste à énumérer les frais que les courtiers doivent prendre en charge dans le cadre de leur activité. Avec l’instance précédente, on doit admettre que le principal risque économique des courtiers est de ne pas percevoir de revenus à la fin du mois en l’absence d’activité de leur part, ainsi que de devoir néanmoins s’acquitter des frais généraux de l’ordre de 500 fr. à 600 fr. par mois. Il convient cependant d’accorder moins d’importance au critère du risque économique de l’entrepreneur et davantage à celui de l’indépendance économique et organisationnelle, compte tenu de l’absence d’investissements importants et de recours à du personnel.

L’autorité précédente a établi que les courtiers de B.__ Sàrl sont soumis à une clause de prohibition de concurrence et qu’ils tirent l’essentiel de leurs revenus de l’activité qu’ils déploient pour cette société. En pareilles circonstances, les premiers juges ont donc admis à juste titre que les courtiers se trouvent dans une position de dépendance économique envers B.__ Sàrl (cf. arrêt 9C_151/2012 du 16 octobre 2012 consid. 4.3, cité par l’autorité cantonale). Ces critères, prépondérants, permettent de confirmer l’existence d’une activité salariée.

 

Le TF rejette le recours de B.__ Sàrl.

 

 

Arrêt 9C_213/2016 consultable ici : http://bit.ly/2hnsi8c

 

 

4A_227/2016 (f) du 24.10.2016 – Distinction entre heures supplémentaires et solde positif accumulé dans le contexte d’un horaire de travail flexible

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_227/2016 (f) du 24.10.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2hshPGd

 

Contrat de travail – Heures supplémentaires / 321c CO

Distinction entre heures supplémentaires et solde positif accumulé dans le contexte d’un horaire de travail flexible

 

 

TF

L’art. 321c CO dispose que les heures supplémentaires sont compensées en nature ou en espèces. Plus précisément, l’employeur peut, avec l’accord du travailleur, compenser les heures de travail supplémentaires par un congé d’une durée au moins égale, qui doit être accordé au cours d’une période appropriée (al. 2); l’employeur est tenu de rétribuer les heures de travail supplémentaires qui ne sont pas compensées par un congé (al. 3 in principio).

Constituent des heures supplémentaires, au sens de l’art. 321c CO, les heures accomplies au-delà du temps de travail prévu par le contrat ou l’usage, par un contrat-type ou une convention collective (ATF 116 II 69 consid. 4a; arrêt 4A_172/2012 du 22 août 2012 consid. 4.1).

Selon la jurisprudence, sous l’une des formes prescrites par l’art. 321c al. 3 CO, soit par accord écrit, contrat-type de travail ou convention collective, les parties peuvent déroger au système légal de rétribution et convenir que les heures supplémentaires accomplies à l’avenir seront rémunérées sans supplément ou ne seront pas rémunérées, à tout le moins lorsque la rémunération de ces heures est forfaitairement comprise dans le salaire de l’intéressé (ATF 124 III 469 consid. 3a p. 472 et les références; arrêt 4A_172/2012 du 22 août 2012 déjà cité, consid. 6.1).

Par ailleurs, il convient de faire une distinction entre les heures supplémentaires et le solde positif accumulé dans le contexte d’un horaire de travail flexible (gleitende Arbeitszeit). Les parties peuvent ainsi convenir que le travailleur, dans un cadre prédéfini, détermine librement la durée de son temps de travail journalier, pourvu qu’à l’issue d’une période de référence, il ait accompli le nombre d’heures contractuellement dues. Généralement, des heures de présence obligatoire (plages « bloquées ») doivent être respectées, le travailleur pouvant s’organiser librement le reste du temps. En contrepartie de cette autonomie, le travailleur doit spontanément compenser par un congé le solde de travail excédentaire qu’il a librement accumulé. S’il laisse croître ce solde positif dans une mesure importante, il assume le risque de ne pas pouvoir le compenser en cas de résiliation du contrat, laquelle peut survenir en tout temps (arrêt 4A_611/2012 du 19 février 2013 consid. 3.2; JEAN-PHILIPPE DUNAND, in Commentaire du contrat de travail, Jean-Philippe Dunand/Pascal Mahon éd., 2013, n° 10 ad art. 321c CO; WYLER/HEINZER, Droit du travail, 3e éd. 2014, p. 110 s.).

Une indemnisation du travail effectué en plus n’entre en considération que si les besoins de l’entreprise ou des directives de l’employeur empêchent le travailleur de récupérer ses heures en dehors des plages bloquées, à l’intérieur de l’horaire de travail flexible; il ne s’agit alors plus de solde positif dans l’horaire flexible, mais de véritables heures supplémentaires (ATF 123 III 469 consid. 3).

S’il peut paraître délicat de délimiter les heures supplémentaires du solde bénéficiaire dans le cadre d’un horaire flexible, il faut garder à l’esprit que les premières sont imposées par les besoins de l’entreprise ou les directives de l’employeur, tandis que le solde excédentaire est librement accumulé par la volonté du travailleur (arrêt 4A_611/2012 du 19 février 2013 déjà cité, ibidem).

 

 

Arrêt 4A_227/2016 consultable ici : http://bit.ly/2hshPGd

 

 

9C_328/2016 (f) du 10.10.2016 – Prise en charge d’un traitement médical « hors indication » – Assurance obligatoire des soins – 25 ss LAMal – OPAS / Stimulation cérébrale profonde bilatérale à haute fréquence pour un syndrome de Gilles de la Tourette

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_328/2016 (f) du 10.10.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2gQyan9

 

Prise en charge d’un traitement médical « hors indication » – Assurance obligatoire des soins – 25 ss LAMal – OPAS

Stimulation cérébrale profonde bilatérale à haute fréquence pour un syndrome de Gilles de la Tourette

 

Assuré souffrant d’un syndrome de Gilles de la Tourette (caractérisé par des tics moteurs et sonores) pharmaco-résistant, pour lequel une stimulation cérébrale profonde bilatérale à haute fréquence a été préconisée en avril 2013. Le médecin a demandé à la caisse-maladie la prise en charge financière de ce traitement au titre de l’assurance-obligatoire des soins « hors indication ». La caisse-maladie a refusé la prise en charge requise.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/264/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2gvthna)

Après avoir notamment requis des renseignements auprès de l’OFSP (prise de position du 10.01.2015) et tenu une audience d’enquêtes, la Cour de justice a rejeté le recours (jugement du 04.04.2016).

 

TF

L’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts des prestations définies aux art. 25 à 31 en tenant compte des conditions des art. 32 à 34 (art. 24 LAMal). A ce titre, les assureurs ne peuvent pas prendre en charge d’autres coûts que ceux des prestations prévues aux art. 25 à 33 (art. 34 al. 1 LAMal).

Selon l’art. 33 al. 1 LAMal, le Conseil fédéral peut désigner les prestations fournies par un médecin ou un chiropraticien, dont les coûts ne sont pas pris en charge par l’assurance obligatoire des soins ou le sont à certaines conditions. Cette disposition se fonde sur la présomption que médecins et chiropraticiens appliquent des traitements et mesures qui répondent aux conditions posées par l’art. 32 al. 1 LAMal. D’après l’art. 33 al. 3 LAMal, le Conseil fédéral détermine également dans quelle mesure l’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts d’une prestation nouvelle ou controversée, dont l’efficacité, l’adéquation ou le caractère économique sont en cours d’évaluation. Le Département fédéral de l’intérieur (DFI), auquel le Conseil fédéral a délégué à son tour les compétences susmentionnées (art. 33 al. 5 LAMal en relation avec l’art. 33 let. a et c OAMal), a promulgué l’ordonnance du 29 septembre 1995 sur les prestations dans l’assurance obligatoire des soins en cas de maladie (OPAS).

Conformément à l’art. 1 OPAS, l’Annexe 1 de cette ordonnance énumère les prestations visées par l’art. 33 let. a et c OAMal – dispositions reprenant textuellement les règles posées aux al. 1 et 3 de l’art. 33 LAMal – dont l’efficacité, l’adéquation ou le caractère économique ont été examinés par la Commission fédérale des prestations générales et des principes de l’assurance-maladie (CFPP) et dont l’assurance obligatoire des soins prend en charge les coûts, avec ou sans condition, ou ne les prend pas en charge. Cette annexe ne contient pas une énumération exhaustive des prestations (remarques préliminaires à l’Annexe 1 de l’OPAS; ATF 142 V 249 consid. 4.2 p. 251).

En présence de prestations fournies par un médecin (ou par un chiropraticien), qui n’ont pas été soumises à l’avis de la commission (art. 33 al. 3 LAMal et 33 let. c OAMal), il convient donc d’appliquer la présomption légale que le traitement répond aux exigences de la loi quant à son efficacité, son caractère approprié et économique. En effet, nombre de traitements remplissent ces conditions sans pour autant figurer dans l’annexe 1 à l’OPAS (arrêt K 9/05 du 12 mai 2005 consid. 4.1).

Aux termes du chiffre 2.3 « Neurologie, y compris la thérapie des douleurs et l’anesthésie » de l’annexe 1 de l’OPAS, dans sa version en vigueur au moment de la survenance des faits juridiquement déterminants (ATF 136 I 121 consid. 4.1 p. 125), est obligatoirement prise en charge par l’assurance-maladie la mesure « Electrostimulation des structures cérébrales profondes par implantation d’un système de neurostimulation », aux conditions suivantes:

– Traitement des douleurs chroniques graves: douleurs de désafférentation d’origine centrale (par ex. lésion cérébrale ou intrarachidienne, lacération intradurale du nerf), lorsqu’il existe une indication stricte et qu’un test a été effectué au moyen d’une électrode percutanée. Le remplacement du générateur d’impulsions est une prestation obligatoire (dès le 01.03.1995).

– Sévères dystonies et contrôle insuffisant des symptômes par le traitement médicamenteux (dès le 01.07.2011).

– Examens et opérations dans des centres spécialisés qui disposent des infrastructures nécessaires (neurochirurgie stéréotaxique, neurologie spécialisée dans les troubles moteurs, neuroradiologie).

Dans le cas particulier, il est constant que la mesure en cause constitue une prestation dont la prise en charge a été admise par le DFI pour certaines indications qui n’incluent pas le syndrome de Gilles de la Tourette. Compte tenu de la grande retenue que s’impose le Tribunal fédéral dans l’examen de l’OPAS et de ses annexes (ATF 142 V 249 consid. 4.3 p. 252), il ne saurait être question en l’espèce d’intervenir en cas de silence qualifié du DFI (arrêt 9C_739/2012 du 7 février 2013 consid. 4), soit lorsqu’il apparaît que celui-ci – avec l’aide de la CFPP – s’est penché sur une indication particulière qu’il a implicitement exclue.

En l’occurrence et à l’inverse du cas 9C_739/2012 précité, on ne peut parler de silence qualifié en ce qui concerne l’indication du traitement envisagé pour un syndrome de Gilles de la Tourette.

 

Comme l’a mentionné l’OFSP lors de la procédure cantonale (jugement attaqué, p. 7), aucune demande d’étendre les indications en vue d’une prise en charge obligatoire de l’électrostimulation des structures cérébrales profondes par implantation d’un système de neurostimulation n’a été soumise pour avis à la CFPP pour ledit syndrome. La commission s’est exclusivement prononcée à la requête des fournisseurs de prestations sur un certain nombre d’autres indications médicales. Dans ces circonstances, la juridiction cantonale ne saurait être suivie lorsqu’elle affirme que l’énumération des conditions pour qu’une électrostimulation des structures cérébrales profondes soit prise en charge est exhaustive. En présence d’une prestation prescrite par un médecin pour une indication qui n’a pas été soumise à l’avis de la commission ou qui n’a pas été écartée implicitement par celle-ci, la présomption légale que le traitement répond aux exigences de la loi quant à son efficacité, son caractère approprié et économique s’applique pleinement (ATF 129 V 167 consid. 4 p. 173).

Le fait que l’OFSP ne procède à l’examen d’une nouvelle indication liée à un traitement admis dans l’OPAS que sur demande d’un fournisseur de prestations n’y change rien. On rappellera à cet égard que d’innombrables prestations médicales – ici indications médicales – ne figurent pas dans l’Annexe 1 de l’OPAS parce que la CFPP ne les a pas (ou pas encore) évaluées, faute de temps ou de moyens (ATF 129 V 167 consid. 4 p. 173), respectivement de demande du fournisseur.

 

Le TF accepte le recours de l’assuré. La cause est renvoyée au tribunal cantonal pour examiner si la mesure en cause est couverte par la présomption légale posée par l’art. 32 al. 1 LAMal.

 

 

Arrêt 9C_328/2016 consultable ici : http://bit.ly/2gQyan9

 

 

9C_273/2016 (f) du 05.10.2016 – Recours tardif au Tribunal cantonal contre une décision notifiée à l’assuré et non à son représentant – 60 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_273/2016 (f) du 05.10.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2honBZC

 

Recours tardif au Tribunal cantonal contre une décision notifiée à l’assuré et non à son représentant – 60 LPGA

 

Par décision du 20.07.2015 2015, l’office AI a octroyé une rente entière d’invalidité du 01.12.2012 au 31.03.2014. Cette décision a été notifiée directement à l’assuré, lequel était représenté par Me Hervé Bovet.

 

Procédure cantonale

Le 22.03.2016, l’assuré a recouru contre cette décision. Par jugement du 05.04.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal, au motif qu’il était manifestement tardif.

 

TF

Le tribunal cantonal a considéré que le recours de l’assuré déposé le 22.03.2016 contre la décision du 20.07.2015 était manifestement tardif. Il a retenu que si la notification de la décision de l’office AI directement au recourant était certes irrégulière, elle n’était pas susceptible d’entraîner la nullité de la décision. En effet, l’assuré aurait dû faire preuve de la diligence requise et informer son représentant de l’existence de cette décision dans un délai de 30 jours (arrêt 9C_741/2012 du 12 décembre 2012 consid. 2). L’assuré n’a vraisemblablement transmis l’information à son représentant que durant le mois de février 2016. La juridiction cantonale a considéré que le fait que l’assuré ne lisait pas le français ne modifiait en rien son devoir de diligence ; il lui appartenait d’autant plus de se renseigner sans attendre sur le contenu des documents qu’il avait reçus et n’aurait pas compris.

En l’occurrence, les premiers juges n’ont pas fait preuve d’arbitraire en retenant que le devoir de diligence du recourant n’était pas diminué mais au contraire renforcé par le fait qu’il ne lisait pas le français. On peut effectivement supposer qu’en cas de réception d’un courrier rédigé dans une langue qu’il ne connaît pas, le destinataire cherche à en comprendre le contenu ou, à tout le moins, s’informe sur l’éventuelle suite à y donner. Aussi, dans la mesure où l’assuré avait requis des prestations (demande de rente déposée le 29 juin 2012) et avait reçu un projet de décision l’informant de l’octroi d’une rente limitée dans le temps (datée du 3 mars 2015) – ce qui l’a motivé à confier la défense de ses intérêts à un avocat – il devait s’attendre à ce qu’une décision relative à sa demande allait être rendue. Ainsi, même s’il n’était pas en mesure de lire et de comprendre le contenu de la décision, il était raisonnablement exigible de sa part qu’il s’informât auprès de son représentant, d’autant que le montant de la rente octroyée ainsi que les dates correspondantes – identiques à celles du projet de décision – figuraient sur le document. Conformément aux règles de la bonne foi, il ne pouvait pas simplement ignorer la décision et ne rien entreprendre pour la contester (arrêt 9C_85/2011 du 17 janvier 2012 consid. 6.2). Finalement, la juridiction cantonale ne s’est pas contentée de prétendre qu’un assuré devrait contacter son avocat à chaque courrier qu’il reçoit s’il n’en comprend pas le contenu. Elle a fait application des principes jurisprudentiels en la matière et constaté qu’en l’espèce, il pouvait raisonnablement être attendu de sa part qu’il informe son représentant.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_273/2016 consultable ici : http://bit.ly/2honBZC

 

 

8C_275/2016 (f) du 21.10.2016 – Notion de traitement médical après la rente pour un assuré dans un état de coma / 10 LAA – 21 LAA / Non prise en charge en LAA des frais d’hébergement d’une institution

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_275/2016 (f) du 21.10.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2huLdPf

 

Notion de traitement médical après la rente pour un assuré dans un état de coma / 10 LAA – 21 LAA

Non prise en charge en LAA des frais d’hébergement d’une institution

 

Assuré victime, le 14.07.2013, d’un choc anaphylactique provoqué par la piqûre d’une abeille, le plongeant dans un état de coma. Il a été hospitalisé jusqu’au 18.09.2013. Une encéphalopathie post-anoxique a été diagnostiquée. L’assuré se trouvait dans un état de conscience minimal, souffrait d’un handicap important et ne pourrait pas retravailler. Par la suite, l’assuré a été pris en charge à la Clinique H.__ jusqu’à son transfert le 09.01.2014 à l’Institution I.__, site de « J.__  » (ci-après: l’établissement J.__).

L’assurance-accidents a refusé la prise en charge des frais d’hébergement auprès de l’établissement J.__. En ce qui concerne les frais de traitement, elle accordait à l’assuré un montant forfaitaire de 1’677 fr. 80 par mois, en sus duquel elle acceptait de prendre en charge les soins en ergothérapie et physiothérapie, les honoraires du médecin-traitant, les médicaments et le matériel médical facturés séparément, les produits d’alimentation par sonde, les examens de laboratoire et les traitements de botox. Enfin, elle allouait à l’assuré une allocation pour impotent, laquelle couvrait les soins de base, à hauteur du montant fixé de 2’076 fr. par mois.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 137/14 – 43/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2gCP8Yz)

Se fondant sur la jurisprudence du Tribunal fédéral, principalement sur l’ATF 124 V 52 précité, la cour cantonale a considéré que l’intimée n’était pas tenue de prendre en charge les frais d’hébergement au sein de l’établissement J.__ ni les soins de type « nursering » au titre de l’art. 21 al. 1 let. d LAA.

Par jugement du 31.03.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Aux termes de l’art. 10 al. 1 LAA, l’assuré a droit au traitement médical approprié des lésions résultant de l’accident, à savoir: au traitement ambulatoire dispensé par le médecin, le dentiste ou, sur leur prescription, par le personnel paramédical ainsi que, par la suite, par le chiropraticien (let. a); aux médicaments et analyses ordonnés par le médecin ou le dentiste (let. b); au traitement, à la nourriture et au logement en salle commune dans un hôpital (let. c); aux cures complémentaires et aux cures de bain prescrites par le médecin (let. d); aux moyens et appareils servant à la guérison (let. e).

Le droit à de telles prestations cesse dès la naissance du droit à la rente (art. 19 al. 1, 2 e phrase, LAA). Cette règle connaît toutefois quelques exceptions prévues à l’art. 21 LAA. Selon la let. d de cette disposition, lorsque la rente a été fixée, les prestations pour soins et remboursement de frais (art. 10 à 13 LAA) sont accordées à son bénéficiaire lorsqu’il présente une incapacité de gain et que des mesures médicales amélioreraient notablement son état de santé ou empêcheraient que celui-ci ne subisse une notable détérioration. On vise ici les assurés totalement invalides dont l’état de santé peut être amélioré ou tout au moins stabilisé grâce à des mesures médicales, même si cela reste sans influence sur leur capacité de gain. La prise en charge de telles mesures par l’assureur-accidents ne fait pas obstacle au maintien du droit de l’assuré à une indemnité pour impotence grave (ATF 124 V 52 consid. 4 p. 57 et l’arrêt cité; arrêt 8C_332/2012 du 18 avril 2013 consid. 1).

L’ATF 124 V 52 – sur lequel s’est fondée la cour cantonale et dont les recourants invoquent la mauvaise interprétation – concernait un assuré tétraplégique à la suite d’un accident de la circulation et dont l’état de santé nécessitait une hospitalisation permanente. Le Tribunal fédéral a précisé que pour un assuré hospitalisé à demeure, la loi définissait de manière exhaustive l’étendue des prestations à la charge de l’assureur-accidents. Celui-ci avait droit à une rente d’invalidité (art. 20 LAA), une allocation pour impotent destinée à couvrir les frais résultant de l’aide d’autrui nécessaire pour accomplir les actes ordinaires de la vie ou d’une surveillance personnelle (art. 26 al. 1 LAA) et, enfin, la prise en charges des mesures médicales dont il a besoin au sens de l’art. 21 al. 1 let. d LAA. Dans cette cause, le Tribunal fédéral a estimé que la condamnation de l’assureur-accidents par la cour cantonale à payer les frais hospitaliers médicaux et les deux tiers des frais non médicaux n’était pas contraire au droit fédéral. Le devoir de prendre en charge les frais non médicaux reposait sur le fait qu’un tiers – coresponsable de l’accident – avait été condamné à rembourser à l’assureur-accidents les deux tiers des frais d’hospitalisation, et qu’en raison de la subrogation en faveur de l’assurance, l’assuré était empêché d’agir directement contre lui pour faire valoir ses prétentions. Cela étant, le tiers restant des frais non médicaux est demeuré à la charge de l’assuré. L’interprétation de la jurisprudence opérée par les premiers juges, en tant qu’ils considèrent que seuls les soins proprement médicaux et infirmiers peuvent être pris en charge aux conditions de l’art. 21 al. 1 let. d LAA, n’est donc pas critiquable (cf. U 233/08 du 19 avril 2000 consid. 2).

Il n’apparaît pas que les prestations versées à l’assuré ne permettaient pas de couvrir l’intégralité des frais d’hospitalisation. Les recourants ne le soutiennent pas d’ailleurs mais ils font valoir que les prestations allouées ne suffisaient pas à l’entretien du reste de la famille. A ce sujet, les juges cantonaux ont indiqué, à raison, que les charges familiales font l’objet d’autres prestations sociales, comme les rentes pour enfants de l’assurance-invalidité (art. 35 LAI) et de la prévoyance professionnelle (art. 25 LPP) et, si nécessaire, les prestations complémentaires (cf. art. 1a ss OPC-AVS/AI). Enfin, le refus de prendre en charge les frais d’hébergement était d’autant plus justifié que le placement de l’assuré à l’établissement J.__ ne saurait constituer en soi un traitement médical en établissement hospitalier au sens des art. 10 al. 1 let. c LAA et 68 OLAA (sur la notion d’établissement hospitalier voir UELI KIESER, ATSG-Kommentar, 3 e éd. 2015, n° 10 s. p. 913 ad art. 67 LPGA et RUMO-JUNGO/HOLZER, Bundesgesetz über die Unfallversicherung, 4 e éd. 2012, p. 238; cf. également HARDY LANDOLT, Unfallversicherungsrechtliche Pflegeentschädigung im Überblick, in Pflegerecht 4/2014, ch. III/C, p. 206 s.).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_275/2016 consultable ici : http://bit.ly/2huLdPf

 

 

4A_74/2016 (f) du 09.09.2016 – Collision cyclomoteur/moto – Causalité adéquate retenue entre la collision et l’algodystrophie – Répartition des fautes et des responsabilités – RC aquilienne et RC causale aggravée –Jeune cyclomotoriste (14 ans et 10 mois) – Appréciation de la faute – Risque inhérent entre une moto et un cyclomoteur

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_74/2016 (f) du 09.09.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2gvd1mm

 

Collision cyclomoteur/moto – Responsabilité d’un cyclomotoriste – 70 LCR

Causalité adéquate retenue entre la collision et l’algodystrophie

Répartition des fautes et des responsabilités – RC aquilienne et RC causale aggravée – 44 CO – 58 LCR

Jeune cyclomotoriste (14 ans et 10 mois) – Appréciation de la faute

Risque inhérent entre une moto et un cyclomoteur

 

A.__, né le 11.07.1983, était au guidon du cyclomoteur de son père. Sa responsabilité civile de conducteur de véhicules assimilés aux cycles (art. 70 al. 1 aLCR et 34 al. 1 aOAV). Le samedi 24.05.1998 vers 16h10, parvenu au débouché du chemin sur la route des Ecussons, route cantonale secondaire dont la vitesse maximale autorisée est de 80 km/h, le cyclomotoriste a marqué un bref temps d’arrêt, se retournant pour voir si le camarade derrière lui le suivait. L’ayant aperçu à une centaine de mètres, il a engagé son deux-roues sur la route des Ecussons en tournant à gauche, sans avoir regardé préalablement si celle-ci était libre. Le cyclomotoriste est alors entré en collision avec la motocyclette de marque Honda ayant une cylindrée de 600 cm3 pilotée par son détenteur et propriétaire B.__, né le 29.03.1963, qui circulait sur la route, avec une passagère derrière lui, à une vitesse comprise entre 31 km/h et 35 km/h à dire d’expert. Surpris par la présence du cyclomotoriste, lequel ne lui avait pas accordé la priorité, le motocycliste avait aussitôt freiné énergiquement, mais l’avant de sa moto a heurté le côté gauche du cyclomoteur, avant de se renverser sur son propre côté gauche. Le motocycliste avait acquis son engin cinq jours plus tôt.

Le Service valaisan de la circulation routière et de la navigation (SCN) a condamné le cyclomotoriste à une amende pour violation de l’art. 90 al. 1 aLCR en liaison avec les art. 36 al. 4 LCR et 15 al. 3 OCR (priorité dans des cas particuliers) ; il lui a également infligé un avertissement (art. 19 et 25 al. 1 aLCR, 36 al. 2 aOAC). Le SCN n’a pas prononcé d’avertissement à l’encontre du motocycliste. Pourtant, il n’était pas titulaire du permis de conduire une moto de 600 cm3 (catégorie A), pas plus que de celui de piloter un motocycle d’une cylindrée n’excédant pas 125 cm3 (catégorie A1) (art. 3 al. 1 aOAC).

Seul le motocycliste a été blessé. Il a été victime d’une déchirure du ligament antérieur croisé du genou droit, dont l’évolution a été défavorable.

 

TF

Responsabilité d’un cyclomotoriste

La responsabilité civile du conducteur d’un cyclomoteur ne ressort pas à la responsabilité causale aggravée (Gefährdungshaftung) du détenteur de véhicule automobile prévue à l’art. 58 LCR, mais à la responsabilité pour faute de l’art. 41 CO, à l’instar de celle des cyclistes, les cyclomoteurs étant sous cet angle des véhicules assimilés aux cycles (cf. art 70 al. 1 aLCR, en vigueur jusqu’au 31 décembre 2011, dont la teneur est identique à celle de l’actuel art. 70 LCR; arrêt 6S.411/2006 du 8 février 2007 consid. 3; BREHM, La responsabilité civile automobile, 2e éd. 2010, ch. 576-577, p. 225 s.; BUSSY ET AL., Code suisse de la circulation routière commenté, 4e éd. 2015, n. 2.4 ad art. 70 LCR, p. 798).

La responsabilité délictuelle instituée par l’art. 41 CO suppose que soient réalisées cumulativement les quatre conditions suivantes: un acte illicite, une faute de l’auteur, un dommage et un rapport de causalité (naturelle et adéquate) entre l’acte fautif et le dommage (ATF 132 III 122 consid. 4.1 p. 130 et les références).

 

Causalité adéquate

L’assurance RC soutient que le préjudice subi par le lésé n’est pas en relation de causalité adéquate avec l’accident du 24 mai 1998. Elle affirme que dès l’instant où l’évolution de l’atteinte à la santé dont a été victime le motocycliste a été qualifiée de catastrophique et rare par les experts, les séquelles provoquées par le sinistre ne peuvent lui être équitablement imputées.

Afin de déterminer s’il y a causalité adéquate, il sied d’examiner si le fait en discussion était propre, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, à entraîner un résultat du genre de celui qui s’est produit. Pour savoir si un fait est la cause adéquate d’un préjudice, le juge procède à un pronostic rétrospectif objectif: se plaçant au terme de la chaîne des causes, il lui appartient de remonter du dommage dont la réparation est demandée au chef de responsabilité invoqué et de déterminer si, dans le cours normal des choses et selon l’expérience générale de la vie humaine, une telle conséquence demeure dans le champ raisonnable des possibilités objectivement prévisibles (ATF 129 II 312 consid. 3.3 p. 318 et les arrêts cités; arrêt 5A_522/2014 du 16 décembre 2015 consid. 4.5, non publié in ATF 142 III 9).

Il a été diagnostiqué une algoneurodystrophie, complication classique de tout traumatisme résultant notamment d’un choc selon le rapport d’un médecin-expert orthopédiste mandaté par l’assurance-accidents. Les experts judiciaires du Centre d’Expertise Médicale ont pour leur part relevé que l’algoneurodystrophie a souvent pour origine un traumatisme, qu’elle évolue en principe en trois phases et que la perte fonctionnelle grave d’un membre constitue une évolution classique.

Il suit de là que les complications sévères (perte fonctionnelle du membre inférieur droit) survenues après la déchirure du LCA du genou droit dont a souffert le motocycliste après l’accident ne sont pas exceptionnelles aux yeux des chirurgiens orthopédistes. De telles conséquences doivent sans conteste rétroactivement être considérées comme l’effet prévisible objectivement d’une déchirure ligamentaire ayant évolué défavorablement.

 

Répartition des fautes et des responsabilités – RC aquilienne et RC causale aggravée – 44 CO – 58 LCR

Dans la présente cause, deux personnes fautives sont donc impliquées dans l’accident, à savoir le détenteur d’un véhicule automobile, qui est le lésé, et un non-détenteur (le cyclomotoriste). Si le premier est soumis à la responsabilité causale aggravée de l’art. 58 LCR, le second répond en vertu de la responsabilité pour faute conformément à l’art. 41 CO en liaison avec l’art. 70 al. 1 aLCR. Se pose donc un problème de partage des responsabilités entre deux usagers de la route (un détenteur et un non-détenteur) tous deux fautifs, qui répondent du dommage selon des régimes différents.

L’art. 61 al. 1 LCR est une norme conçue pour une collision de responsabilités de détenteurs de véhicules automobiles, qui s’applique lorsque les détenteurs, y compris le lésé, sont responsables (arrêt 4A_270/2011 du 9 août 2011 consid. 3.2, in JdT 2011 I 335; WERRO, La responsabilité civile, 2e éd. 2011, ch. 1317 p. 370). Elle ne s’applique pas lorsque l’une des personnes impliquées dans le sinistre a utilisé un véhicule dont la responsabilité n’est pas soumise à l’art. 58 LCR, à l’instar du cyclomotoriste (cf. BUSSY ET AL., op. cit., n. 1.2.1 ad art. 61 LCR p. 738).

Lorsqu’il y a rencontre d’une responsabilité aquilienne et d’une responsabilité objective aggravée, le responsable délictuel répond de sa faute (art. 41 al. 1 CO), mais il peut invoquer l’éventuelle faute additionnelle du responsable objectif ainsi que le risque de l’activité dangereuse dont celui-ci répond (cf. WERRO, op. cit., ch. 1341/1342, p. 376).

La répartition des responsabilités est ainsi régie par l’art. 44 CO et par l’art. 58 LCR.

Selon l’art. 44 al. 1 CO, le juge peut réduire les dommages-intérêts ou même n’en point allouer lorsque des faits dont la partie lésée est responsable ont contribué à créer le dommage, à l’augmenter, ou qu’ils ont aggravé la situation du débiteur. En matière de responsabilité civile automobile, une réduction des dommages-intérêts en vertu de cette norme intervient singulièrement en fonction de la faute concomitante du lésé, c’est-à-dire in casu du motocycliste (BREHM, La responsabilité civile automobile, op. cit., ch. 501 p. 194).

A teneur de l’art. 58 al. 4 LCR, le détenteur répond de la faute du conducteur et des auxiliaires au service du véhicule comme de sa faute propre. Cette disposition rend le détenteur responsable non seulement du risque inhérent à l’emploi de son véhicule, mais aussi de sa faute (BREHM, La responsabilité civile automobile, op. cit., ch. 577 p. 225)

La quote-part de responsabilité de chaque protagoniste, que ce soit le détenteur ou le non-détenteur, correspond, en proportion inverse, à celle devant rester à la charge de l’autre (BREHM, La responsabilité civile automobile, op. cit., ch. 500 p. 194). En d’autres termes, le préjudice total de 100% doit être réparti entre les différentes causes déterminantes en droit de la responsabilité civile dans son apparition (méthode sectorielle). Ainsi chaque cause concurrente se voit attribuer une quote-part du dommage total (ATF 132 III 249 consid. 3.1 p. 252 et les références; cf. FELLMANN, Schweizerisches Haftpflichtrecht, vol. 2, 2013, ch. 489 p. 152; OFTINGER/STARK, Schweizerisches Haftpflichtrecht, vol. II/2, 4e éd. 1989, § 25 ch. 653 p. 284).

En l’occurrence, le cyclomotoriste n’a pas respecté le droit de priorité du motocycliste. Débouchant d’un chemin de terre, il s’est engagé sur la route cantonale secondaire sans avoir vérifié si celle-ci était libre. La violation du droit de priorité est en principe une faute grave de circulation (BREHM, La responsabilité civile automobile, op. cit., ch. 462 p. 178). Lors de l’accident, le cyclomotoriste était âgé de 14 ans et 10 mois. Or l’assimilation complète du jeune usager à un adulte en matière de circulation routière ne se fait guère avant l’âge de 15-16 ans (arrêt 4C.278/1999 du 13 juillet 2000 consid. 2c/aa, in SJ 2001 I p. 110). A considérer cette circonstance à décharge, la cour cantonale a apprécié moins sévèrement le degré de la faute du cyclomotoriste, qu’elle a qualifiée de moyenne.

Il est vrai que le motocycliste n’était pas au bénéfice du permis de conduire requis et qu’il n’a pas freiné de manière adéquate lorsqu’il a aperçu le cyclomoteur qui lui coupait la route. Toutefois, il faut tenir compte du fait que le lésé, pour parer à une situation dangereuse qu’avait créée le non prioritaire (i. e. le cyclomotoriste), a été obligé brusquement de tenter une manœuvre d’évitement. Autrement dit, c’est le cyclomotoriste qui a mis en danger le motocycliste, et non l’inverse.

La cour cantonale n’a pas transgressé le droit fédéral en jugeant, s’agissant de l’imputation des fautes respectives, que sur un total de 6 parts, le cyclomotoriste doit en supporter 4 (soit les deux tiers) et le motocycliste 2 (soit le tiers restant).

 

Risque inhérent entre une moto et un cyclomoteur

Le point de savoir si le risque inhérent d’un véhicule dépasse de manière marquante celui d’un autre (cf. ATF 99 II 93 consid. 2b) n’est pas fonction du risque abstrait desdits véhicules selon leur appartenance à des catégories différentes. Est au contraire déterminant le risque concret qui a influé sur le préjudice lors de l’accident. Il faut ainsi tenir compte notamment de la vitesse, du poids et de la stabilité du véhicule (arrêts 4A_405/2011 du 5 janvier 2012 consid. 4.2; 4A_479/2009 du 23 décembre 2009 consid. 7.1). Ces critères établissent l’énergie cinétique qui est convertie lors du choc et l’impulsion dont la transmission détermine les conséquences de la collision pour les protagonistes (arrêt 4A_479/2009 du 23 décembre 2009, ibidem).

La faible vitesse de la moto ainsi que sa stabilité permettent de considérer comme légèrement réduit le risque inhérent au véhicule dont répond le lésé. Certes le motocycle a un poids supérieur au cyclomoteur, mais ce dernier véhicule est plus instable selon l’expérience générale de la vie.

Procédant à une appréciation globale des différents critères entrant en ligne de compte, la Cour civile n’a pas violé le droit fédéral en attribuant un facteur de risque de 3 sur 5 à la moto et de 2 sur 5 au cyclomoteur.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance RC du cyclomotoriste.

 

 

Arrêt 4A_74/2016 consultable ici : http://bit.ly/2gvd1mm