Archives de catégorie : Assurances privées LCA

4A_562/2016 (f) du 26.04.2017 – Déclaration obligatoire en cas de sinistre – 38 LCA / Obligation de sauvetage – 61 LCA

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_562/2016 (f) du 26.04.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2Gy2Re9

 

Couverture des frais médicaux – Assurance privée LCA

Déclaration obligatoire en cas de sinistre / 38 LCA

Obligation de sauvetage / 61 LCA

 

Dans le cadre d’un contrat d’assurance collective conclu entre la compagnie d’assurance et la preneuse d’assurance, A.__ (ci-après: l’assurée) a été assurée au début du mois d’août 2009 en prévision d’une opération dentaire qu’elle s’apprêtait à subir dans une clinique à Barcelone. Le contrat d’assurance collective portait sur les «Frais médicaux supplémentaires suite à complication lors de traitement des yeux ou des dents».

Assuré qui s’est fait poser des implants dentaires dans une clinique à Barcelone, puis s’est rendue dès le 19.08.2009 auprès d’une clinique vaudoise pour enlever des fils et effectuer des radiographies de contrôle. La prise en charge par la clinique vaudoise a duré jusqu’en avril 2010, voire mai 2010.

A ce moment, la prothèse de l’assurée était selon ses propres dires très inconfortable, notamment pour la mastication. Par ailleurs, entre août et octobre 2009, son dentiste a attiré son attention sur le fait qu’il y avait un problème. Il considérait que le travail effectué en Espagne avait été mal fait, les implants ayant été posés de manière inhabituelle, voire inadéquate. L’assurée n’a toutefois pas accordé une grande importance à ses propos, qu’elle a davantage pris comme une critique par rapport au fait qu’elle était allée se faire soigner en Espagne.

Parallèlement au suivi en Suisse, l’assurée est retournée en mars 2010 auprès de la clinique espagnole pour une deuxième étape du traitement qui était prévue dès le départ, à savoir un moulage des dents ensuite de la pose des implants. Elle a constaté que le dentiste avait des difficultés à procéder et qu’il avait même dû limer une dent d’origine. Elle a alors décidé d’arrêter le traitement en Espagne et de demander l’avis d’un dentiste de la clinique vaudoise.

Après avoir encore consulté deux chirurgiens-dentistes qui lui ont indiqué que la situation ne pouvait pas être améliorée à cause de la mauvaise position des implants, l’assurée s’est rendue en octobre 2010 auprès d’une clinique dentaire à Lisbonne au Portugal. Elle y a subi une nouvelle opération importante consistant en l’enlèvement de sept implants avec mise en place d’une nouvelle prothèse. Cette intervention a causé de très fortes douleurs.

Par avis de sinistre du 17.02.2011, la mandataire de l’assurée a annoncé à la preneuse d’assurance que la pose des implants dentaires était défectueuse. La preneuse l’a invitée à contacter directement la compagnie d’assurance, tout en précisant avoir transmis à celle-ci une copie du courrier du 17.02.2011. Le 14.03.2011, la compagnie d’assurance a répondu à l’assurée qu’elle refusait de prendre en considération la demande de prestations, au motif que sa centrale d’appels d’urgence n’avait pas été contactée et n’avait ainsi pas donné son accord préalable concernant les prestations sollicitées.

 

Procédure cantonale

Les juges cantonaux ont retenu que l’assurée avait eu conscience en octobre 2009 au plus tard de complications liées à l’opération du mois d’août 2009. Son dentiste lui avait en effet signalé entre août 2009 et octobre 2009 que les implants avaient été posés de façon problématique. Dans la mesure où il s’ajoutait à un important inconfort ressenti lors de la mastication, ce signalement effectué par un spécialiste était suffisant pour qu’elle se rende compte que l’opération effectuée entraînait des complications et, dès lors, que le danger redouté s’était réalisé à l’égard de l’objet assuré. Par conséquent, en n’annonçant le sinistre que le 17.02.2011, soit bien plus d’une année après sa survenance, l’assurée n’avait pas respecté son obligation d’avis immédiat au sens de l’art. 38 al. 1 LCA. Cette omission avait en particulier empêché l’assureur de vérifier à ce moment-là l’existence du droit aux prestations et d’examiner si des mesures pour réduire le dommage devaient être ordonnées. Par ailleurs, en n’annonçant pas le sinistre immédiatement et en entreprenant par elle-même des démarches complémentaires entre août 2009 et mai 2010, auprès de la clinique espagnole en mars 2010 et auprès de la clinique portugaise en octobre 2010, l’assurée n’avait pas non plus respecté son obligation de sauvetage au sens de l’art. 61 LCA. Conformément à ces dispositions, elle aurait en effet dû contacter la compagnie d’assurance dès le constat des complications afin de permettre à celle-ci de donner des instructions quant au mode de procéder pour réduire le dommage. L’assurée avait donc objectivement failli à ses incombances résultant des art. 38 et 61 LCA, telles que précisées par les conditions générales.

 

TF

Selon l’art. 38 al. 1 et 2 LCA, l’ayant droit doit aviser l’assureur aussitôt qu’il a eu connaissance du sinistre et de son droit à des prestations d’assurance ; s’il omet fautivement de donner cet avis, l’assureur a le droit de réduire l’indemnité à la somme qu’elle comporterait si la déclaration avait été faite à temps. Cette exigence a pour but de permettre à l’assureur, d’une part, de vérifier l’existence d’un droit à des prestations et, d’autre part, d’ordonner, si nécessaire, des mesures pour réduire le dommage (arrêt 5C.55/2005 du 6 juin 2005 consid. 2.3 et les références citées).

En outre, l’art. 61 LCA énonce que lors du sinistre, l’ayant droit est obligé de faire tout ce qui est possible pour restreindre le dommage; s’il n’y a pas péril en la demeure, il doit requérir les instructions de l’assureur et s’y conformer (al. 1); si l’ayant droit contrevient à cette obligation d’une manière inexcusable, l’assureur peut réduire l’indemnité au montant auquel elle serait ramenée si l’obligation avait été remplie (al. 2). Bien que classée parmi les règles relatives aux assurances contre les dommages, cette disposition légale est aussi applicable aux assurances de personnes (ATF 128 III 34 consid. 3b p. 36). L’obligation de sauvetage qui en découle naît au moment de la réalisation du cas d’assurance, c’est-à-dire dès que le danger redouté se réalise à l’égard de l’objet assuré, soit, en matière d’assurance-accident, dès que la force extérieure s’est exercée sur la personne assurée, même si l’on ignore encore quelles suites auront les lésions subies par cette dernière (arrêt précité 5C.55/2005 consid. 2.2 et les références citées). C’est à ce moment qui naissent les incombances telles que l’obligation d’annonce et l’obligation de sauvetage (arrêt 5C.89/2000 du 5 novembre 2001 consid. 2b/aa, non publié aux ATF 128 III 34).

Sous réserve de l’exigence d’une faute comme condition de toute réduction des prestations en cas de manquement de l’assuré (cf. art. 45 LCA), les art. 38 et 61 LCA ne sont pas impératifs (cf. art. 97 et 98 LCA). Les parties peuvent donc préciser, voire aggraver, les obligations que pose le premier alinéa de chacune de ces dispositions légales et remplacer la réduction des prestations prévue à leur alinéa 2 par l’extinction complète du droit aux prestations en cas de violation fautive de ses incombances par l’assuré (arrêt précité 5C.55/2005 consid. 2.2 et 2.3).

Cependant, selon l’art. 45 LCA, lorsqu’une sanction a été stipulée pour le cas où le preneur d’assurance ou l’ayant droit violerait l’une de ses obligations, cette sanction n’est pas encourue s’il résulte des circonstances que la faute n’est pas imputable au preneur ou à l’ayant droit. D’après la jurisprudence, il n’y a pas de violation fautive, au sens de l’art. 45 LCA, si des causes objectives, ou du moins non imputables à l’assuré – telles que la maladie, l’impossibilité de produire une preuve, le comportement de l’assureur, de son agent ou de services de l’administration -, ont empêché l’assuré de respecter ses obligations (arrêt précité 5C.55/2005 consid. 3.1; cf. ATF 115 II 88 consid. 4a; 84 II 556 consid. 9).

Aux termes de l’art. 8 CC, chaque partie doit, si la loi ne prescrit pas le contraire, prouver les faits qu’elle allègue pour en déduire son droit. Il s’ensuit que c’est à l’assuré qui réclame le versement de prestations en contestant l’applicabilité d’une clause de déchéance qu’il appartient de prouver que la violation de l’une ou de l’autre de ses incombances n’a pas eu d’influence sur la survenance de l’événement redouté ou sur l’étendue de la prestation de l’assureur (arrêt précité 5C.55/2005 consid. 4.2; cf. ATF 115 II 88 consid. 4b).

En l’espèce, le TF confirme le point de vue de la juridiction cantonale.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 4A_562/2016 consultable ici : http://bit.ly/2Gy2Re9

 

 

Les 5 principales questions et réponses sur la conduite autonome

Les 5 principales questions et réponses sur la conduite autonome

 

L’automobile du futur roule toute seule. Il n’y a plus de conducteur, uniquement des passagers. Au regard des derniers développements technologiques, la conduite assistée par ordinateur sera bientôt une réalité. Si la technologie est prête, qu’attend-on encore pour passer à la conduite autonome ?

L’Association Suisse d’Assurances (ASA) s’est posé les questions les plus importantes à ce sujet ; les réponses sont consultables ici : http://bit.ly/2wHvKm8

 

 

 

Révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA) : message du Conseil fédéral

Révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA) : message du Conseil fédéral

 

Paru in FF 2017 4767

 

 

Condensé

La loi sur le contrat d’assurance (LCA) régit les relations entre les entreprises d’assurance et leurs clients. Plus de cent ans après sa création, elle ne répond plus aux exigences ni aux besoins d’une loi moderne. Certaines modifications ponctuelles urgentes ont déjà été effectuées au cours d’une révision partielle en 2006. Le présent projet de loi propose une nouvelle adaptation du droit du contrat d’assurance au contexte actuel et à la nécessité d’une couverture d’assurance réalisable et raisonnable dans certains autres domaines.

 

Contexte

La révision partielle de 2006 a concrétisé les besoins les plus urgents en matière de protection des consommateurs. En 2011, le Conseil fédéral a soumis au Parlement une révision totale de la LCA qui visait principalement à garantir une couverture d’assurance réalisable et raisonnable. Le Parlement a cependant estimé que le projet de remaniement intégral de la loi allait trop loin et l’a renvoyé au Conseil fédéral en mars 2013 en lui demandant d’élaborer une révision partielle sur des points précis. Sous la direction du Département fédéral des finances, un groupe de travail composé de représentants du secteur, de la Stiftung für Konsumentenschutz, de l’Association Suisse d’Assurances et de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) a rédigé un projet de révision.

 

Contenu du projet

Le présent projet de loi s’appuie sur les requêtes formulées par le Parlement lors du renvoi de la révision totale de la LCA. Les modifications alors demandées, notamment en matière de droit de révocation, de couverture provisoire, de délai de prescription, de droit de résiliation et de grands risques, ont été exécutées. Plusieurs simplifications concernant le commerce électronique ont également été introduites (admission de formes autres que la forme écrite, pour autant qu’elles permettent d’établir la preuve par un texte). Des adaptations de moins grande portée ont également été entreprises lorsque cela a paru utile et pertinent au cours des travaux. Le groupe de travail a cependant toujours veillé à respecter la principale requête du Parlement, à savoir conserver lors d’une révision partielle les dispositions ayant fait leurs preuves. Sur la forme, la LCA s’est dotée d’une structure plus claire par l’introduction des titres de section. Bien que cela ait nécessité de déplacer certaines prescriptions, la lisibilité de la loi y a, dans l’ensemble, fortement gagné.

 

 

Message du Conseil fédéral concernant la révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA), paru in FF 2017 4767, consultable ici : http://bit.ly/2tEVZoh

Loi fédérale sur le contrat d’assurance (Loi sur le contrat d’assurance, LCA) (Projet), paru in FF 2017 4817, consultable ici : http://bit.ly/2uzXDdX

 

 

Voir également :

Le Conseil fédéral adopte le message relatif à la révision partielle de la loi sur le contrat d’assurance (LCA)

 

 

 

 

4A_25/2017 (f) du 29.03.2017 – Assurance indemnité journalière maladie LCA / Réticence – 4 LCA – 6 LCA

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_25/2017 (f) du 29.03.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2twlo7g

 

Assurance indemnité journalière maladie LCA

Réticence / 4 LCA – 6 LCA

 

Exploitant d’un restaurant à Genève, en raison individuelle, l’assuré/le proposant a signé le 04.11.2013 une proposition d’assurance en vue de bénéficier, en cas de maladie, d’une indemnité journalière de 200 fr. à verser après un délai d’attente de 30 jours. Le proposant a répondu au questionnaire de santé. L’assureur a reçu la proposition le 11.11.2013 et a établi une police d’assurance perte de gain en cas de maladie, valable dès le 01.11.2013.

Le 02.12.2013, un spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie a certifié que l’assuré était en incapacité de travail totale à compter du même jour. Dans le formulaire d’indemnité journalière, le médecin a relevé que la maladie préexistait et avait débuté une semaine avant l’arrêt de travail, soit à la fin du mois de novembre 2013; l’assuré n’avait aucun antécédent psychiatrique et souffrait de conflits avec le propriétaire de son restaurant, ce qui provoquait une situation très anxiogène; le traitement consistait en un soutien psychothérapeutique et la prise de médicaments.

Après enquête, l’assureur a résilié le 28.04.2014 a résilié le contrat d’assurance avec effet immédiat, au motif que l’assuré avait répondu contrairement à la vérité à une question; en effet, il avait nié souffrir de problèmes de santé alors qu’il avait été en traitement médical auprès d’un spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie le 14.10.2013 pour troubles dépressifs, avec une thérapie médicamenteuse (antidépresseur). En outre, cette maladie préexistante, cause de l’incapacité de travail actuelle, ne pouvait être assurée rétroactivement.

L’assuré s’est opposé à la résiliation, indiquant avoir complété le formulaire d’assurance au début octobre 2013 avec l’agent d’assurances alors qu’il était en parfaite santé. Certes, il avait consulté le médecin prénommé le 14.10.2013, mais uniquement parce qu’il se sentait tendu pour cause de stress. Il avait pris du Xanax, un anxiolytique, à trois reprises, s’était senti tout de suite mieux après l’arrêt de cette médication et avait pu reprendre son travail 24 heures plus tard. Il avait travaillé normalement jusqu’au 02.12.2013, avant de consulter un autre médecin, car il se sentait à nouveau stressé et souhaitait avoir « un vrai diagnostic ». Le nouveau psychiatre lui avait alors prescrit plusieurs médicaments et l’avait mis en arrêt de travail.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/991/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2s8FO1P)

L’assuré a saisi la juridiction cantonale compétente. L’assureur a invoqué la nullité du contrat d’assurance, au motif qu’il ressortait du formulaire de remise de commerce adressé par l’assuré à sa caisse de compensation le 27.11.2013 que celui-ci avait cessé ses activités le 08.11.2013. L’assureur s’est également prévalu de la réticence de l’assuré.

Par arrêt du 29.11.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal, confirmant que l’assuré avait commis une réticence.

 

TF

Selon l’art. 4 al. 1 LCA, le proposant doit déclarer par écrit à l’assureur suivant un questionnaire ou en réponse à toutes autres questions écrites, tous les faits qui sont importants pour l’appréciation du risque, tels qu’ils lui sont ou doivent être connus lors de la conclusion du contrat. Les faits qu’il faut déclarer sont non seulement ceux qui peuvent constituer une cause de risque, mais aussi ceux qui permettent de supposer l’existence d’une cause de risque; en revanche, le preneur n’a pas à annoncer des faits au sujet desquels il n’est pas interrogé (ATF 134 III 511 consid. 3.3.2 p. 513). La question posée par l’assureur doit être formulée par écrit et être rédigée de manière précise et non équivoque (ATF 136 III 334 consid. 2.3 p. 336; 134 III 511 consid. 3.3.4 p. 515). Le proposant doit répondre de manière véridique aux questions telles qu’il peut les comprendre de bonne foi; on ne saurait dire qu’il y a réponse inexacte si la question était ambiguë, de telle sorte que la réponse donnée apparaît véridique selon la manière dont la question pouvait être comprise de bonne foi par le proposant (ATF 136 III 334 consid. 2.3 p. 336 s.).

Pour qu’il y ait réticence, il faut, d’un point de vue objectif, que la réponse donnée à la question ne soit pas conforme à la vérité, par omission ou inexactitude; la réticence peut consister à affirmer un fait faux, à taire un fait vrai ou à présenter une vision déformée de la vérité (ATF 136 III 334 consid. 2.3 p. 337). D’un point de vue subjectif, la réticence suppose que le proposant connaissait ou aurait dû connaître la vérité (cf. art. 4 al. 1 et art. 6 al. 1 LCA). Le proposant doit déclarer non seulement les faits qui lui sont connus sans autre réflexion, mais aussi ceux qui ne peuvent lui échapper s’il réfléchit sérieusement à la question posée (ATF 136 III 334 consid. 2.3 p. 337; 134 III 511 consid. 3.3.3 p. 514).

Pour entraîner les effets de la réticence, il faut encore que la réponse inexacte porte sur un fait important pour l’appréciation du risque (art. 4 al. 1 et art. 6 al. 1 LCA). Sont importants tous les faits de nature à influer sur la détermination de l’assureur de conclure le contrat ou de le conclure aux conditions convenues (art. 4 al. 2 LCA). Pour faciliter le processus décisionnel, l’art. 4 al. 3 LCA présume que le fait est important s’il a fait l’objet d’une question écrite de l’assureur, précise et non équivoque. Il s’agit toutefois d’une présomption susceptible d’être renversée. Pour admettre le renversement de la présomption, on ne saurait se montrer trop exigeant. Certes, il n’appartient pas au proposant de déterminer – à la place de l’assureur – quels sont les éléments pertinents pour apprécier le risque et une certaine rigueur est de mise. Il n’en demeure pas moins que la présomption est renversée s’il apparaît que le proposant a omis un fait qui, considéré objectivement, apparaît totalement insignifiant. Ainsi, la jurisprudence a admis que celui qui tait des indispositions sporadiques qu’il pouvait raisonnablement et de bonne foi considérer comme sans importance et passagères, sans devoir les tenir pour une cause de rechutes ou des symptômes d’une maladie imminente aiguë, ne viole pas son devoir de renseigner (ATF 136 III 334 consid. 2.4 p. 337 s. et les arrêts cités; 134 III 511 consid. 3.3.4 p. 515). En prenant en considération toutes les circonstances du cas d’espèce et en se livrant à une appréciation objective fondée sur le principe de la bonne foi, il faut se demander si l’assureur, dans l’hypothèse où la vérité lui aurait été dite, n’aurait pas conclu le contrat ou ne l’aurait pas conclu aux mêmes conditions; il faut donc déterminer la volonté hypothétique de l’assureur, ce qui constitue une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 136 III 334 consid. 2.4 p. 338 et les arrêts cités).

Les effets de la réticence sont lourds pour l’ayant droit, du moment que l’assureur est en droit de résilier le contrat (art. 6 al. 1 LCA). Non seulement l’assureur n’est plus lié pour l’avenir, mais il peut encore refuser sa prestation pour un sinistre déjà survenu et obtenir le remboursement de la prestation qu’il a accordée pour un tel sinistre, lorsque le fait qui a été l’objet de la réticence a influé sur la survenance ou l’étendue du sinistre (art. 6 al. 3 LCA).

In casu, l’assuré a commis une réticence en donnant une réponse négative à la question n° 4 du questionnaire de santé, libellée comme suit: « Avez-vous actuellement des problèmes de santé ? ». Selon le psychiatre, l’assuré présentait une symptomatologie anxio-dépressive depuis deux à trois semaines lorsqu’il l’avait rencontré le 14.10.2013; il lui avait d’ailleurs suggéré de suivre un traitement antidépresseur, avant de lui prescrire, à sa demande, un anxiolytique. L’état de santé de l’assuré ne s’était manifestement pas amélioré après cette consultation, puisqu’un mois plus tard – et seulement neuf jours après avoir signé le questionnaire de santé – il était allé chercher le Zyprexa prescrit par le psychiatre. L’assuré présentait une symptomatologie anxio-dépressive, que ses plaintes l’avaient conduit à la prise régulière de médicaments et à la consultation de deux psychiatres au cours des onze mois précédant la signature de la proposition d’assurance, dont la dernière fois seulement trois semaines auparavant.

En procédure fédérale, l’assuré soutient qu’il n’avait pas à déclarer ses problèmes de santé au moment de la signature de la proposition d’assurance puisqu’en toute bonne foi, il ne les considérait pas comme des faits importants pour l’appréciation du risque au sens de l’art. 4 al. 1 et de l’art. 6 al. 1 LCA. En se plaçant uniquement de son point de vue, il fait là aussi fausse route. La présomption selon laquelle il s’agissait de faits importants pour l’appréciation du risque – du moment qu’ils ont fait l’objet d’une question écrite de l’assureur – ne peut être renversée que s’il apparaît que le proposant a omis un fait qui, considéré objectivement, apparaît totalement insignifiant. Or, les problèmes de santé qui affectaient l’assuré ne sont objectivement pas insignifiants.

Le fait que l’assuré n’a pas subi d’arrêt de travail avant le 02.12.2013 n’est pas déterminant, car il ne pouvait raisonnablement pas attendre de se retrouver en incapacité de travail avant de prendre la mesure des problèmes de santé dont il souffrait.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 4A_25/2017 consultable ici : http://bit.ly/2twlo7g

 

 

B-1242/2016 (d) du 20.06.2017 – Rabais abusifs dans l’assurance-maladie complémentaire

Arrêt du Tribunal fédéral B-1242/2016 (d) du 20.06.2017

 

Communiqué de presse du TAF du 27.06.2017 consultable ici : http://bit.ly/2sGZJo1

 

Assurance-maladie complémentaire LCA

Inégalité de traitement – Comportement abusif – 117 al. 2 OS

 

Le Tribunal administratif fédéral défend le procédé adopté par la FINMA contre certaines pratiques de rabais dans l’assurance-maladie complémentaire. Il confirme que les rabais collectifs dans ce domaine ne peuvent pas conduire à des inégalités de traitement importantes et techniquement injustifiables entre les assurés.

 

Durant les années 2014 et 2015, l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers FIN-MA a procédé à une collecte de données, dans toute la branche, sur les rabais prévus dans des accords-cadres (« rabais collectifs ») des assurances-maladie complémentaires. Elle est arrivée à la conclusion que les tarifs spéciaux et rabais examinés ne répondent pas tous aux exigences découlant du droit de la surveillance. Se fondant sur l’art. 117 al. 2 de l’ordonnance sur la surveillance des entreprises d’assurance privées (OS), la FINMA est d’avis que les rabais collectifs doivent être techniquement justifiés, autrement dit fondés sur le risque ou les coûts, et ne peuvent entraîner des inégalités de traitement importantes et techniquement injustifiables entre les assurés. L’article prescrit que toute inégalité de traitement importante et juridiquement ou techniquement injustifiable constitue un abus.

Jugeant cette disposition contraire à la Constitution, la compagnie Helsana Assurances Complémentaires SA a demandé à la FINMA de rendre une décision afin de soumettre cette question juridique au Tribunal administratif fédéral. Elle affirme que ce texte restreint sa liberté contractuelle et économique, une base légale suffisante faisant défaut. Il s’agit selon elle d’une atteinte qui fausse la concurrence, est contraire à l’intérêt public et disproportionnée.

Le Tribunal administratif fédéral conclut aujourd’hui que le recours est infondé. Quand bien même la loi ne définit pas elle-même la notion d’abus, le Conseil fédéral est habilité à édicter des restrictions pour protéger les assurés ainsi que des dispositions d’exécution pour contrôler les tarifs.

Dans l’arrêt ATF 136 I 197, le Tribunal fédéral a examiné à titre préjudiciel la légalité et la constitutionnalité de l’art. 156 OS, autre disposition de la même ordonnance. Cette disposition limite également la possibilité pour les compagnies d’assurance de favoriser certaines catégories d’assurés. Le sens et le but dudit article consistent à éviter que les compagnies d’assurance orientent leurs activités de marketing et de commercialisation sur les « bons » risques (jeunes) et prélèvent les primes des « assurés captifs » (personnes âgées, malades chroniques) pour financer ces activités. Le Tribunal fédéral a ainsi conclu dans cet arrêt que l’art. 156 OS était conforme à la Constitution.

Si la recourante était libre de s’écarter à bien plaire des tarifs approuvés et, pour des raisons commerciales, de vendre à des nouveaux clients le même produit d’assurance avec un gros rabais, elle pourrait ainsi non seulement échapper au contrôle légal des tarifs par l’autorité de surveillance mais surtout contourner la mesure de protection de l’art. 156 OS. Finalement, la question posée en l’espèce est identique à celle traitée par l’arrêt du Tribunal fédéral ; il convient dès lors d’y apporter la même réponse.

L’arrêt est susceptible de recours au Tribunal fédéral.

 

 

Arrêt B-1242/2016 consultable ici : http://bit.ly/2tL9WVD

Communiqué de presse du TAF du 27.06.2017 consultable ici : http://bit.ly/2sGZJo1

 

 

Le Conseil fédéral adopte le message relatif à la révision partielle de la loi sur le contrat d’assurance (LCA)

Le Conseil fédéral adopte le message relatif à la révision partielle de la LCA

 

Communiqué du Conseil fédéral du 29.06.2017 consultable ici : http://bit.ly/2ts8mqE

 

Lors de sa séance du 28.06.2017, le Conseil fédéral a adopté le message concernant la révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA). Cette loi régit les relations entre les entreprises d’assurance et leurs clients. Le projet de révision a été généralement bien accueilli dans le cadre de la consultation.

Créée il y a plus de cent ans, la LCA ne répond plus aux exigences et aux besoins d’une loi moderne. La révision partielle de 2006 a déjà permis de tenir compte des besoins les plus urgents en matière de protection des consommateurs. Le projet de loi présenté par le Conseil fédéral prévoit à présent d’adapter certains autres points de la LCA au contexte et aux besoins actuels concernant une couverture d’assurance raisonnable et réalisable.

En 2011, le Conseil fédéral avait soumis au Parlement une révision totale de la LCA. Jugeant que la proposition allait trop loin, celui-ci avait renvoyé le projet au Conseil fédéral en mars 2013, en le chargeant d’élaborer une révision partielle portant sur certains points précis.

Le projet de loi présenté aujourd’hui tient compte des demandes formulées par le Parlement lors de son rejet de la révision totale de la LCA. En effet, il reprend les modifications nécessaires en matière de droit de révocation, de couverture provisoire et de prescription, de droit de résiliation et de grands risques. Il prévoit également des assouplissements pour le commerce électronique.

 

Principaux éléments

Les principaux éléments de la révision partielle de la LCA correspondent à ceux qui ont été proposés par le Parlement; ils comprennent notamment les points suivants:

  • instauration d’un droit de révocation de quatorze jours;
  • réglementation de la couverture provisoire dans la loi;
  • assurance rétroactive désormais autorisée sous certaines conditions;
  • prolongation de deux à cinq ans du délai de prescription des créances découlant du contrat d’assurance, à quelques exceptions près;
  • restriction appropriée de la protection de la LCA pour les grands risques ou pour les preneurs d’assurance professionnels;
  • meilleure prise en compte du commerce électronique en permettant que la preuve de la plupart des communications puisse être fournie par un texte et ne soit pas limitée à la forme écrite simple;
  • nouvelle réglementation de la fin du contrat d’assurance et, en particulier, introduction d’un droit de résiliation ordinaire.

 

Structure

En outre, la structure de la LCA a été adaptée de manière mesurée afin de permettre une meilleure compréhension de la loi tout en intervenant d’une manière limitée. Il ne faut pas oublier que la LCA s’adresse non seulement aux spécialistes de l’assurance, mais aussi aux «simples» preneurs d’assurance. Le P-LCA comprend désormais quatre chapitres, contre cinq (titres) dans la LCA en vigueur.

  • Le premier chapitre («Dispositions générales»), qui s’applique à tous les contrats d’assurance comme dans le droit actuel, est divisé en huit sections pour une meilleure lisibilité: conclusion du contrat, obligations d’information, contenu et force obligatoire du contrat, prime, modification du contrat, fin du contrat, survenance du sinistre et autres dispositions.
  • Le deuxième chapitre («Dispositions spéciales») englobe les dispositions spéciales concernant l’assurance contre les dommages et l’assurance des personnes qui figurent dans le droit en vigueur (deuxième et troisième chapitres de la LCA); il est dorénavant divisé en cinq sections: assurance de choses, assurance responsabilité civile, assurance sur la vie, assurance-accidents et assurance-maladie, ainsi que coordination. Cette systématique plus précise améliore la vue d’ensemble sans modifier en profondeur la systématique de la LCA en vigueur; elle remplace la distinction actuelle entre l’assurance contre les dommages et l’assurance des personnes, qui était souvent critiquée.
  • Le troisième chapitre («Dispositions impératives ») correspond au quatrième titre de la LCA actuelle et s’applique à tous les contrats d’assurance, comme dans le droit en vigueur. Il comprend à présent quatre articles qui régissent les dispositions impératives et semi-impératives de la loi ainsi que les exceptions, notamment pour les clients professionnels.
  • Le quatrième et dernier chapitre («Dispositions finales») comprend les règles concernant les conflits de lois et regroupe d’autres dispositions finales et transitoires. Il correspond au cinquième titre dans la LCA en vigueur.

 

Pour plus de détails et pour les commentaires par article, je renvoie le lecteur au Message du Conseil fédéral concernant la révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance (version provisoire).

 

 

Communiqué du Conseil fédéral du 29.06.2017 consultable ici : http://bit.ly/2ts8mqE

Message du Conseil fédéral concernant la révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance (version provisoire) : http://bit.ly/2smZ6ou

Projet de la loi fédérale sur le contrat d’assurance : http://bit.ly/2u57Hcm

Rapport de résultats du 28.06.2017 de la procédure de consultation relative à la modification de la LCA : http://bit.ly/2t77uFD

 

 

Assurances d’indemnités journalières : coordination satisfaisante avec l’AI et la LPP

Assurances d’indemnités journalières : coordination satisfaisante avec l’AI et la LPP

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 28.06.2017 consultable ici : http://bit.ly/2todig5

 

Le système de coordination entre les assurances d’indemnités journalières et les dispositions relatives à l’invalidité des 1er (AI) et 2e piliers (LPP) fonctionne aujourd’hui à satisfaction. Tel est le constat du Conseil fédéral dans son rapport en réponse à un postulat du Parlement, adopté lors de la séance du 28.06.2017.

 

Le Conseil fédéral tire un bilan positif de l’analyse du système actuel de coordination : il n’occasionne pratiquement pas d’insécurité pour les assurés. Dans son rapport, le Conseil fédéral s’est en outre penché sur la question d’une assurance obligatoire d’indemnités journalières en cas de maladie. Il s’avère que la couverture contre une perte de gain en cas de maladie, comme par ailleurs également en cas d’accident, est totale pour une grande partie des assurés, malgré l’absence d’une assurance obligatoire d’indemnités journalières. En conséquence, le Conseil fédéral ne voit actuellement pas de besoin d’agir à ce propos. Il a établi le rapport en réponse au postulat Nordmann (12.3087).

 

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 28.06.2017 consultable ici : http://bit.ly/2todig5

« Coordination entre les assurances d’indemnités journalières et les prestations du 1er et du 2e pilier – Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat 12.3087 Nordmann du 7 mars 2012 » du 28.06.2017 : http://bit.ly/2u1e4NO

Postulat Nordmann 12.3087 « Etat de situation sur la couverture du revenu en cas de maladie » : http://bit.ly/2ts5SJM

 

 

 

4A_367/2016 (f) du 20.03.2017 – Assurance perte de gain – Assurances de sommes vs de dommage / Notion de l’incapacité de gain / Fardeau de la preuve – Preuve de la perte de gain – 8 CC

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_367/2016 (f) du 20.03.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2t1LDSu

 

Assurance perte de gain – Assurances de sommes vs de dommage

Notion de l’incapacité de gain

Fardeau de la preuve – Preuve de la perte de gain – 8 CC

 

Assuré propriétaire, administrateur ou employé de nombreuses sociétés en Suisse et au Liechtenstein. Depuis 1992, il était au bénéfice d’une assurance perte de gain, lui garantissant une rente annuelle en cas d’invalidité. En 1998, il avait également conclu une assurance perte de gain relative à un capital invalidité.

Le 30.11.1998, A.________ Sàrl (preneur d’assurance) a souscrit une assurance invalidité en faveur de l’assuré auprès d’une compagnie d’assurance.

Le 17.09.1999, l’assuré a été victime d’un accident, à la suite duquel il s’est trouvé en incapacité de travail (à 100% jusqu’au 31.01.2000, puis à 75% jusqu’au 08.10.2000, puis à nouveau à 100% jusqu’au 20.10.2000). Un spécialiste FMH en psychiatrie et en neurologie s’est prononcé sur l’état de santé de l’assuré et a conclu qu’en raison des séquelles de l’accident, l’assuré était dans l’incapacité prononcée (80%), voire complète (100%) d’exercer son métier.

Le 16.03.2001, la compagnie d’assurance a invité le preneur d’assurance à lui adresser les documents relatifs à la perte de gain consécutive à l’accident de l’assuré. Sans réponse, elle l’a relancée le 11.06.2001. En été 2001, la compagnie d’assurance a demandé à deux reprises au preneur d’assurance de lui fournir les taxations fiscales pour les périodes 1997-1998 et 1999-2000, la déclaration fiscale 2001 relative aux revenus 1999-2000, ainsi que la comptabilité de la société pour les mêmes années. Ni le preneur d’assurance, ni l’assuré n’ont donné suite à ces demandes. La compagnie d’assurance n’a versé aucune rente à l’assuré depuis le 17.09.2001.

En juillet 2003, l’assurance-invalidité de la Principauté du Liechtenstein a reconnu à l’assuré le droit à une rente entière depuis le 01.10.2001 et fixé le degré d’invalidité à 100%. En août 2003, l’assurance-invalidité fédérale (AI) a alloué à l’assuré une rente entière depuis le 01.09.2000, le degré d’invalidité étant fixé à 90%.

Le 23.12.2003, l’assuré a déposé une demande dirigée contre la compagnie d’assurance. En cours d’instruction, une expertise médicale et une expertise comptable ont été ordonnées. Selon le spécialiste en neurologie et psychiatrie, l’assuré présente toujours des éléments déficitaires sur le plan neuropsychologique et sa capacité de travail résiduelle n’est pas supérieure à 25%. L’expert-comptable a relevé que les revenus déclarés au fisc par l’assuré ont diminué de 79% en dix ans, à partir de 2001, et que ceux déclarés à l’AVS du Liechtenstein ont diminué de 98% en onze ans, à partir de 2000; il apparaît également que le preneur d’assurance a réalisé un chiffre d’affaires de 85’950 fr. en 1997 et de 76’000 fr. en 1998, l’expert ne disposant d’aucunes données comptables relatives à cette société pour les exercices 1999 et suivants (société déclarée en faillite en septembre 2010).

Par jugement du 04.03.2015, la Cour civile a condamné la compagnie à verser à l’assuré le montant de 3’094 fr.20, toutes autres ou plus amples conclusions étant rejetées (jugement 15/2015/SNR – http://bit.ly/2s1Vhjv ). Par arrêt du 05.04.2016, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a rejeté l’appel et confirmé le jugement attaqué (arrêt 205 – http://bit.ly/2rIOBar).

 

TF

Assurance de sommes vs de dommage

En droit des assurances privées, la LCA distingue l’assurance contre les dommages (art. 48 à 72) de l’assurance de personnes (art. 73 à 96). Par rapport à l’assurance contre les dommages, l’assurance de personnes, conçue comme une assurance de sommes, se caractérise par sa nature non indemnitaire; elle est une promesse de capital, indépendante du montant effectif du préjudice subi par le preneur ou l’ayant droit (cf. ATF 133 III 527 consid. 3.2.4 p. 532). Cependant, même dans le cas d’une assurance qui a pour objet une personne physique, on est en présence d’une assurance de personnes uniquement lorsque les parties au contrat d’assurance n’ont subordonné la prestation de l’assureur, dont elles ont fixé le montant lors de la conclusion du contrat, qu’à la survenance de l’événement assuré, sans égard à ses conséquences pécuniaires. En revanche, l’assurance sera qualifiée d’assurance contre les dommages lorsque les parties au contrat font de la perte patrimoniale effective une condition autonome du droit aux prestations (ATF 119 II 361 consid. 4 p. 364 s.).

Selon la police d’assurance ici en cause, dont la teneur n’est pas contestée (cf. art. 11 et 12 LCA), la prestation assurée est une rente annuelle de 75’000 fr. versée en cas d’incapacité de gain. Dans son sens courant, l’incapacité de gain (Erwerbsunfähigkeit) consiste en la diminution concrète de la possibilité d’acquérir un revenu, synonyme de perte économique (cf. arrêt 4A_451/2015 du 26 février 2016 consid. 2.3). En l’espèce, la police renvoie expressément aux CGA, lesquelles, sous le ch. 3.1 définissant l’incapacité de gain, exigent bel et bien « une perte de gain ou un autre préjudice pécuniaire équivalent » en relation avec l’incapacité d’exercer une activité professionnelle appropriée pour cause de maladie ou d’accident.

La prestation de l’assureur étant subordonnée à l’existence d’une perte patrimoniale effective, la cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral en rangeant l’assurance litigieuse parmi les assurances contre les dommages, soumises au principe indemnitaire, comme le Tribunal fédéral a du reste déjà eu l’occasion de le juger en présence de clauses semblables à celles ici en cause (cf. arrêt précité du 26 février 2016 consid. 2.3; arrêt 5C.21/2007 du 20 avril 2007 consid. 3.1 et 3.2).

Selon l’arrêt attaqué, la perte de gain à prouver par le recourant devait l’être en relation avec l’activité qu’il exerçait au service du preneur d’assurance. Or, l’assuré n’a pas rapporté la preuve de l’étendue de la perte de gain qu’il aurait subie au sein de l’entreprise A.________.

 

Fardeau de la preuve

Conformément à la règle générale posée par l’art. 8 CC, la personne titulaire de la prétention – ici l’assuré – doit prouver les faits propres à la justification de ses prétentions, à savoir notamment la réalisation du risque assuré et l’étendue de la prétention (ATF 130 III 321 consid. 3.1 p. 323).

Une perte de gain effective constitue en l’espèce une condition à l’octroi des prestations d’assurance; dans le système adopté dans le contrat litigieux, elle exerce une incidence indirecte sur le montant de la prestation d’assurance, fixé forfaitairement mais susceptible de varier en fonction du degré d’incapacité de gain (cf. ATF 139 III 263 consid. 1.3.1 p. 266 et consid. 1.3.4 p. 267; arrêt précité du 26 février 2016 consid. 3.1.2; arrêt 4A_134/2015 du 14 septembre 2015 consid. 4). Une perte de gain doit donc être prouvée. Soit l’assuré démontre qu’en raison de l’incapacité de travail constatée médicalement, il ne réalise plus aucun revenu et n’est plus en mesure d’en acquérir; son incapacité de gain est alors totale et lui donne droit à la rente annuelle fixée dans le contrat d’assurance. Soit l’assuré établit un revenu inférieur à celui qu’il aurait pu réaliser sans l’incapacité de travail; son incapacité de gain est alors partielle et le montant de la rente éventuelle dépendra du degré d’incapacité de gain, correspondant à la différence, exprimée en pour-cent, entre le revenu que l’assuré aurait vraisemblablement pu acquérir et le revenu qu’il a effectivement acquis (cf. arrêt précité du 26 février 2016 consid. 3.1).

Le risque assuré correspond à l’événement redouté en vue duquel le contrat a été conclu (cf. ATF 136 III 334 consid. 3 p. 339). En l’espèce, il s’agit de l’incapacité de gain de l’assuré, due à une maladie ou à un accident.

Il ne ressort pas des constatations de l’arrêt attaqué que ce risque se serait entièrement réalisé, en ce sens que l’assuré n’aurait plus rien gagné, ni été en mesure d’acquérir un revenu à la suite de l’accident du 17.09.1999. Pour justifier sa prétention à une rente annuelle de 75’000 fr., l’assuré devait établir que le degré de son incapacité de gain atteignait au moins 662 /3%, une rente d’un montant inférieur supposant pour sa part un taux d’incapacité de gain d’au moins 25%. La détermination du degré d’incapacité de gain, pertinent pour fixer le montant de la rente, implique une comparaison entre le revenu que l’assuré aurait pu réaliser sans l’accident et le gain acquis malgré l’accident. Comme la prestation assurée tendait indirectement à compenser un manque à gagner de l’assuré en tant qu’employé du preneur d’assurance, cette opération nécessitait d’établir les revenus réalisés, avant l’accident, ainsi que ceux acquis après l’accident grâce à cette activité, voire l’absence de tels revenus. Or, l’assuré, qui avait la charge de la preuve, n’a pas fourni les moyens de preuve permettant d’apprécier ces éléments. Faute d’avoir disposé des données comptables du preneur d’assurance pour les exercices 1999 et suivants, l’expert n’a en effet pas été en mesure de comparer les revenus d’honoraires perçus par le recourant avant et après l’accident de septembre 1999.

 

En jugeant que l’assuré n’avait ainsi pas démontré un taux d’incapacité de gain suffisant pour justifier une rente, la cour cantonale n’a pas violé le droit fédéral.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 4A_367/2016 consultable ici : http://bit.ly/2t1LDSu

 

 

Rapport d‘activités 2016/2017 du PFPDT: Protection des données – accent sur les technologies conformes

Rapport d’activités 2016/2017 du PFPDT: Protection des données – accent sur les technologies conformes

 

Communiqué de presse du PFPDT du 26.06.2017 consultable ici : http://bit.ly/2sdr1lT

 

 

Le PFPDT exige que les applications du Big Data, l’intelligence artificielle et la robotique garantissent l’exercice du droit fondamental à l’autodétermination informationnelle et à la protection de la vie privée. Au cours de l’année sous revue, en sa qualité de Préposé à la transparence, il s’est employé à ce que diverses révisions de lois spéciales ne conduisent pas à des limitations supplémentaires de la loi sur la transparence.

 

Les dispositions d’exécution de la loi fédérale sur le dossier électronique du patient règlent par voie d’ordonnance de nombreuses prescriptions ayant une incidence sur la protection et la sécurité des données. Les conditions techniques et organisationnelles de la certification revêtent une importance primordiale. L’entrée en vigueur de la loi implique de nouvelles tâches pour le PFPDT (chap. 1.5.1).

Dans le cadre du projet BAGSAN de l’Office fédéral de la santé publique, le PFPDT a recommandé la mise en place de mesures essentielles visant la préservation de l’anonymat des assurés. Le projet met clairement en évidence la nécessité de surveiller constamment le risque d’une identification rétroactive dans les projets «big data» (chap. 1.5.2).

L’échange des données concernant la santé des assurés dans le cadre d’une procédure AI va relativement loin. La situation est identique quant à la levée du secret médical. Dans le même temps, les principes généraux de protection des données posent des limites que les autorités se doivent de respecter (chap. 1.6.1).

Depuis le 01.01.2014, chaque assureur-maladie doit disposer d’un service de réception des données certifié (SRD) pour la réception des factures de type «Diagnosis Related Groups» (DRG). Au cours de l’année sous revue, le PFPDT a procédé à des contrôles de ces services et a pu constater un fonctionnement satisfaisant des SRD. Des manquements ont toutefois été constatés dans quelques cas (chap. 1.6.2).

Les assureurs de véhicules à moteur disposent d’une base de données commune pour lutter contre la fraude. Ce modèle doit à présent être étendu à d’autres branches d’assurance. Le PFPDT a émis des recommandations à ce sujet à l’intention du secteur des assurances (chap. 1.6.3).

 

D’autres thèmes figurent dans le 24e Rapport d’activités.

 

 

Communiqué de presse du PFPDT du 26.06.2017 consultable ici : http://bit.ly/2sdr1lT

24e Rapport d’activités du PFPDT consultable ici : http://bit.ly/2tcbxD3

Résumé de divers thèmes du 24e rapport d’activités du PFPDT consultable ici : http://bit.ly/2tapZLt

 

 

4A_643/2016 (f) du 07.04.2017 – Indemnité journalière LCA – Prétention frauduleuse – 40 LCA / Incapacité de travail d’une coiffeuse indépendante

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_643/2016 (f) du 07.04.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2pXRndE

 

Indemnité journalière LCA – Prétention frauduleuse / 40 LCA

Incapacité de travail d’une coiffeuse indépendante

 

Assurée, coiffeuse indépendante, a conclu une assurance perte de gain en cas de maladie. Le début de l’assurance était fixé au 29.05.2012; le salaire annuel assuré s’élevait à 60’000 fr.

Le 06.11.2012, l’assurée a subi une opération de l’épaule gauche. Une incapacité totale de travail a été attestée médicalement dès cette date.

L’assureur a mandaté une agence de détectives privés afin de vérifier si l’assurée travaillait et montrait les signes d’une atteinte physique quelconque. Des surveillances ont été effectuées du 21.03.2013 au 23.03.2013; un rapport d’observation a été établi le 27.03.2013.

Par courrier du 17.04.2013, l’assureur a informé l’assurée qu’après contrôle de son revenu réel, le salaire annuel fixe déclaré à la signature du contrat (60’000 fr.) ne correspondait pas à la situation effective, le revenu moyen déterminant calculé sur les cinq dernières années de cotisations s’élevant à 35’366 fr. Il a été établi une nouvelle police, prenant effet au 01.04.2013 et mentionnant un salaire annuel de 40’000 fr.

A partir du 18.04.2013, l’assurée était en incapacité de travail à 90%.

Le 21.05.2013, l’assureur a mandaté une seconde entreprise de surveillance, qui a observé l’assurée les 24.05.2013 et 25.05.2013 et rendu son rapport d’enquête le 27.05.2013.

L’assureur a interrompu le versement des prestations dès le 01.05.2013 et a informé l’assurée qu’elle avait fait l’objet d’une surveillance, laquelle avait révélé une activité dans le salon de coiffure allant bien au-delà de la prescription médicale attestée. Les gestes observés ne montraient aucune gêne fonctionnelle et étaient en contradiction avec les limitations invoquées par l’assurée. L’assureur a annulé la police perte de gain maladie à la date du sinistre, à refuser toute prestation en lien avec cet événement et à réclamer le remboursement intégral des indemnités payées.

L’expert médical mandaté par l’assureur a examiné l’assurée le 16.05.2013. Il a précisé que, pour l’heure, l’incapacité de travail était justifiée dans la mesure où l’assurée ne pouvait pas passer le membre supérieur gauche au-dessus de l’horizontale et que son travail s’exerçait debout, membre supérieur en abduction la plupart du temps.

L’assureur a réclamé à l’assurée le remboursement de 37’029 fr.35, représentant l’addition des indemnités journalières versées à tort (24’843 fr.15), des frais de surveillance (6’235 fr.) et des frais extraordinaires liés aux recherches (8’000 fr.), moins la part de prime non absorbée (2’048 fr.80).

L’assurée a refusé de payer ce montant et contestait avoir exercé une activité de coiffeuse durant son incapacité de travail. Elle précisait n’avoir jamais caché s’être rendue parfois au salon de coiffure, en particulier pour maintenir le contact avec la clientèle.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/802/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2puVivH)

Par arrêt du 29.09.2016, la Chambre des assurances sociales a rejeté la demande principale, refusé la mainlevée de l’opposition à la poursuite et dit que le contrat d’assurance perte de gain maladie n’a pas été valablement résilié par l’assureur ; sur demande reconventionnelle, elle a condamné l’assureur à verser à l’assuré le montant de 14’628 fr.95 représentant les indemnités journalières du 01.05.2013 au 31.12.2013, prononcé la mainlevée définitive de l’opposition à due concurrence dans la poursuite et condamné l’assureur à verser à l’assurée la somme de 3’000 fr. à titre de dommages-intérêts.

A noter que, dans le cadre de l’appréciation des preuves, la cour cantonale a émis des doutes sur la fiabilité des rapports de détective à propos de certaines activités décrites, qui figuraient dans la synthèse des détectives mais non dans leurs observations détaillées et minutées.

 

TF

L’art. 40 LCA définit la prétention frauduleuse. Il prévoit que si l’ayant droit ou son représentant, dans le but d’induire l’assureur en erreur, dissimule ou déclare inexactement des faits qui auraient exclu ou restreint l’obligation de l’assureur, ou si, dans le but d’induire l’assureur en erreur, il ne fait pas ou fait tardivement les communications que l’art. 39 LCA lui impose, l’assureur n’est pas lié par le contrat envers l’ayant droit. D’un point de vue objectif, la dissimulation ou la déclaration inexacte doit porter sur des faits qui sont propres à remettre en cause l’obligation même de l’assureur ou à influer sur son étendue; en d’autres termes, sur la base d’une communication correcte des faits, l’assureur verserait une prestation moins importante, voire n’aurait aucune prestation à verser. Ainsi en est-il lorsque l’ayant droit déclare un dommage plus étendu qu’en réalité, par exemple lorsque l’atteinte à la santé n’est pas aussi grave qu’annoncée. En plus, l’ayant droit doit, sur le plan subjectif, avoir l’intention de tromper. Il faut qu’il ait agi avec la conscience et la volonté d’induire l’assureur en erreur, afin d’obtenir une indemnisation plus élevée que celle à laquelle il a droit; peu importe à cet égard qu’il soit parvenu à ses fins (arrêt 4A_286/2016 du 29 août 2016 consid. 5.1.2 et les arrêts cités).

Dans le cas d’espèce, l’assurée, en incapacité de travail totale, puis à 90%, se rendait dans son salon de coiffure, sans respecter un horaire particulier; elle y passait du temps devant l’ordinateur, répondait au téléphone, prenait les rendez-vous, s’occupait de l’agenda et discutait avec la clientèle; elle n’exerçait aucune activité spécifique de coiffure. Les quelques tâches accessoires effectuées par l’assurée dans son salon incombaient en principe à l’employée qui la remplaçait, laquelle par ailleurs coiffait seule les clients. En outre, la cour cantonale a constaté que le médecin mandaté par l’assureur avait confirmé l’incapacité de travail invoquée par l’assurée, qui ne pouvait notamment pas lever le membre supérieur gauche au-dessus de l’horizontale et qui éprouvait toujours des douleurs. La cour cantonale a retenu qu’aucun des gestes observés par les détectives, y compris hors du salon de coiffure, n’impliquait de lever le bras gauche au-dessus de l’horizontale, ni de porter de charges plus lourdes que celles que l’assurée pouvait tenir sans douleur avec la main gauche.

L’activité de coiffeuse indépendante consiste essentiellement à coiffer les clients. Pendant la période où l’assurée a invoqué une incapacité de travail à 100% ou à 90%, elle n’a pas exercé une telle activité, ni effectué des gestes démontrant qu’elle était capable de coiffer. Comme la cour cantonale l’a bien vu, aucune déclaration mensongère ne saurait dès lors être imputée à l’assurée sur sa capacité à exercer l’activité de coiffure.

En ce qui concerne les tâches effectuées par l’assurée lorsqu’elle se trouvait au salon, la cour cantonale a jugé qu’elles étaient « très auxiliaires » au métier de coiffeuse indépendante et que l’assurée les avait assumées occasionnellement afin d’occuper son temps, et non dans un but lucratif puisqu’elles incombaient en principe à l’employée qui la remplaçait. Elle en a déduit que les activités en cause ne suffisaient pas pour exclure l’obligation de l’assureur ou pour en restreindre l’étendue, soit pour influer sur la capacité de travail de l’assurée. Une telle conclusion, niant une prétention frauduleuse sur le plan objectif, n’apparaît pas contraire aux principes déduits de l’art. 40 LCA.

Même à supposer que les activités accessoires reprochées à l’assurée soient pertinentes sur le plan objectif pour fixer le montant des indemnités journalières, la condition subjective de la prétention frauduleuse ne serait pas non plus réalisée en l’occurrence, comme la cour cantonale l’a jugé à bon droit. En effet, l’assurée pouvait penser de bonne foi que seule l’activité de coiffure, qu’elle n’était pas capable d’exercer, était déterminante pour le montant des indemnités journalières. De plus, lors d’un entretien avec l’assureur en avril 2013, l’assurée, qui ignorait la surveillance dont elle avait fait l’objet, n’a pas caché sa présence au salon de coiffure et les activités accessoires qu’il lui arrivait d’y exercer. On ne saurait dès lors conclure que l’assurée a, consciemment et volontairement, cherché à induire en erreur la recourante afin d’obtenir une prétention indue et, par là-même, eu l’intention de tromper exigée pour l’application de l’art. 40 LCA.

 

Le TF rejette le recours de l’assureur.

 

 

Arrêt 4A_643/2016 consultable ici : http://bit.ly/2pXRndE