Archives de catégorie : Assurances privées LCA

4A_294/2014 (f) du 30.10.2014 – Réticence – 4 LCA – 6 LCA / Deux compagnies d’assurances juridiquement indépendantes liées au sein d’un même Groupe – Dies a quo du délai de quatre semaines pour la résiliation

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_294/2014 (f) du 30.10.2014

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Ue0s6r

 

Réticence / 4 LCA – 6 LCA

Deux compagnies d’assurances juridiquement indépendantes liées au sein d’un même Groupe – Dies a quo du délai de quatre semaines pour la résiliation

 

Un cuisinier-restaurateur est assuré auprès de A.__ SA pour la couverture obligatoire des soins en cas de maladie. Ili a consulté un spécialiste en chirurgie cardio-vasculaire puis un spécialiste en angiologie fin 2010. Diagnostic retenu : insuffisance veineuse superficielle avec récidive de varices aux deux membres inférieurs. L’assuré a transmis fin 2010, début 2011 les notes d’honoraires à son assurance obligatoire des soins.

Le 14 décembre 2010, cet assuré a souscrit une proposition d’assurance tendant à la couverture des frais d’hospitalisation en division semi-privée dans les établissements suisses. La proposition était adressée à B.__ SA. Répondant aux questions qui lui étaient soumises, l’assuré a déclaré n’avoir pas été en traitement médical au cours des cinq dernières années.

A.__ SA et B.__ SA sont deux sociétés liées au sein du Groupe B.__. Elles ont les mêmes adresses et numéros de téléphone, elles usent d’un papier à en-tête commun et elles emploient les mêmes collaborateurs. Dans sa proposition d’assurance, l’assuré a expressément autorisé B.__ SA à recueillir des renseignements médicaux auprès d’autres assureurs membres du Groupe B.__.

 

TF

A teneur de l’art. 4 al. 1 LCA, celui qui présente une proposition d’assurance doit déclarer par écrit à l’assureur, suivant un questionnaire ou en réponse à toutes autres questions écrites, tous les faits qui sont importants pour l’appréciation du risque, tels qu’ils lui sont ou doivent être connus lors de la conclusion du contrat. Selon l’art. 6 al. 1 à 3 LCA, l’assureur est en droit de résilier le contrat en cas de réticence, c’est-à-dire lorsque les déclarations du proposant se révèlent inexactes ou incomplètes (al. 1); il est autorisé à refuser sa prestation aussi pour les sinistres déjà survenus, si le fait qui a été l’objet de la réticence a influé sur leur survenance ou leur étendue (al. 3). Ce droit de résiliation s’éteint quatre semaines après que l’assureur a eu connaissance de la réticence (al. 2).

L’instance précédente retient que l’assureur B.__ SA a connu la réticence dès réception des notes d’honoraires par A.__ SA, en raison de la gestion commune des deux sociétés d’assurance, et que le délai de quatre semaines à observer pour la résiliation, imposé par l’art. 6 al. 2 LCA, s’est écoulé dès cette époque. La résiliation est jugée tardive et dépourvue d’influence sur les obligations contractuelles de l’assureur.

Devant le Tribunal fédéral, la compagnie d’assurances B.__ SA argue l’indépendance juridique des deux sociétés d’assurance en cause, soit elle-même et A.________ SA. Elle fait valoir que cette dernière n’est pas autorisée à communiquer des données aux tiers, sinon dans les limites strictement définies par l’art. 84a LAMal, et elle affirme que le demandeur n’a pas consenti, en présentant sa proposition d’assurance, à une transmission systématique de ses données médicales mais seulement aux vérifications nécessaires en cas de soupçon de réticence. Au regard des réponses exclusivement négatives insérées dans le questionnaire, la compagnie d’assurances B.__ SA n’avait prétendument aucun motif de soupçonner une réticence.

L’écoulement du délai fixé par l’art. 6 al. 2 LCA ne débute que lorsque l’assureur est complètement orienté sur tous les points concernant la réticence et qu’il en a une connaissance effective. Des renseignements dignes de foi sur des faits dont on peut déduire avec certitude qu’une réticence a été commise sont à cet égard suffisants; en revanche, de simples soupçons, même propres à inciter un assureur diligent à vérifier les déclarations du proposant et assuré, ne déclenchent pas l’écoulement du délai (ATF 118 II 333 consid. 3 p. 340; 119 V 283 consid. 5a p. 287/288). L’assureur est censé connaître des faits ou disposer de renseignements dès que cette information est accessible au sein de son organisation (arrêts 4A_112/2013 du 20 août 2013, consid. 2.4; 9C_199/2008 du 19 novembre 2008, consid. 4.1, SVR 2009 BVG n° 12 p. 37).

La compagnie d’assurances ne met pas en doute que B.__ SA et et A.__ SA reçoivent leur correspondance à la même adresse, partagent les mêmes numéros de téléphone, usent d’un papier à en-tête commun et emploient les mêmes collaborateurs. Au regard de cette situation, la Chambre des recours peut admettre sans arbitraire que les deux sociétés d’assurance ont adopté une organisation commune et s’administrent en commun, avec cet effet que les documents que des tiers adressent à l’une d’elles, tels les factures des fournisseurs de prestations, sont accessibles aussi à l’autre. L’indépendance juridique des deux sociétés est sous cet aspect dépourvue de pertinence; la situation de fait est seule déterminante. Il n’importe pas davantage que l’organisation ainsi établie soit éventuellement inconciliable avec le régime légal de la protection des données dans l’assurance-maladie sociale. Cette incompatibilité est d’ailleurs très douteuse car l’art. 12 al. 2 LAMal autorise un assureur à pratiquer cumulativement l’assurance-maladie sociale et d’autres assurances qui lui sont complémentaires; on peut donc admettre sans arbitraire que deux assureurs juridiquement indépendants, pratiquant l’un l’assurance sociale, l’autre des assurances complémentaires, sont aussi autorisés à adopter une organisation unique.

 

Le TF rejette le recours de la compagnie d’assurances et considère la résiliation comme tardive.

 

 

Arrêt 4A_294/2014 consultable ici : http://bit.ly/1Ue0s6r

 

 

4A_134/2015 (f) du 14.09.2015 – Assurance-vie mixte – Non-paiement de la prime – Sommation – Transformation de l’assurance – 20 s. LCA – 93 LCA

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_134/2015 (f) du 14.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Qy0SHb

 

Assurance-vie mixte – Non-paiement de la prime – Sommation – Transformation de l’assurance – 20 s. LCA – 93 LCA

 

Exploitant, en tant qu’indépendant, d’un cabinet de physiothérapie et d’ostéopathie, conclut le 02.07.1992 une « police de prévoyance » comprenant diverses assurances, dont une « assurance mixte » conférant le droit à un capital de 300’000 fr. en cas de vie le 01.04.2021 ou en cas de décès avant cette date. Une assurance complémentaire devait en outre couvrir l’incapacité de gain.

Le 20.08.1997, le preneur d’assurance-assuré a été victime d’un accident de la circulation à la suite duquel il a présenté un syndrome cervical assorti d’un syndrome post-commotionnel avec troubles neurologiques et psychiatriques. Dès le 01.09.2002, l’assureur lui a versé des demi-rentes en vertu de l’assurance contre l’incapacité de gain. Elle l’a en outre dispensé de payer 50% de la prime convenue.

Concernant l’assurance-invalidité, toute rente d’invalidité ont été refusée par décision du 02.06.2005, confirmée sur opposition le 19.02.2007. Par jugement du 13.05.2008, le Tribunal cantonal a accordé à l’assuré une demi-rente d’invalidité entre mars 2001 et août 2002, puis une rente entière dès septembre 2002. Le Tribunal fédéral a confirmé ce jugement par arrêt du 23.03.2009 (9C_510/2008).

Dans le courant de l’année 2005, la compagnie d’assurance a adressé plusieurs sommations à l’assuré en raison du défaut de paiement des primes partielles. Le 18.09.2006, la compagnie d’assurance a écrit à l’avocat de l’assuré qu’il appartenait à ce dernier « de régler les primes réclamées au plus tôt pour éviter une libération de cette police par suite de non-paiement des primes ». Cette sommation n’indique pas le montant réclamé, ni le délai de paiement de 14 jours. Le 30.09.2006, la compagnie d’assurance a suspendu le versement des demi-rentes et n’a plus libéré l’assuré du devoir de payer les primes. Celui-ci a néanmoins cessé de payer ses primes à cette même époque.

Le 03.05.2007, la compagnie d’assurance s’est plainte du non-paiement des primes. Elle a accordé à l’assuré « un nouveau délai de 14 jours pour [lui] permettre d’éviter les conséquences du retard ». A cet égard, elle a précisé qu’à défaut de paiement dans le délai précité, l’assurance serait transformée, six mois après l’échéance de la prime, en une assurance libérée du paiement des primes avec réduction de la somme assurée, respectivement avec adaptation de la prestation assurée.

Le 04.09.2007, la compagnie d’assurance a confirmé à l’assuré qu’en raison du non-paiement ou du paiement partiel des primes dues entre les mois d’octobre 2006 et juillet 2007, son assurance avait été transformée avec effet au 01.04.2007.

 

TF

La loi sur le contrat d’assurance (LCA) contient une réglementation spéciale sur les conséquences du retard dans le paiement des primes. Si la prime n’est pas payée à l’échéance ou dans le délai de grâce accordé par le contrat, le débiteur doit être sommé par écrit, à ses frais, d’en effectuer le paiement dans les quatorze jours à partir de l’envoi de la sommation; celle-ci doit rappeler les conséquences du retard (art. 20 al. 1 LCA).

Le débiteur qui ne paie pas dans le délai imparti et entre en demeure encourt les effets suivants: dans un premier temps, l’obligation de l’assureur est suspendue (art. 20 al. 3 LCA). Si l’assureur ne poursuit pas le paiement de la prime en souffrance dans les deux mois après l’expiration du délai de quatorze jours, il est censé s’être départi du contrat et avoir renoncé au paiement de la prime arriérée (art. 21 al. 1 LCA); s’il poursuit le paiement de la prime ou l’accepte ultérieurement, son obligation reprend effet à partir du moment où la prime arriérée a été acquittée avec les intérêts et les frais (art. 21 al. 2 LCA).

Les assurances-vies qui ont été en vigueur pendant trois ans au moins connaissent un autre sort. Dès l’entrée en demeure, ce type d’assurance est automatiquement transformée en assurance avec prestation réduite et libération du paiement des primes (art. 93 LCA en liaison avec l’art. 20 al. 4 LCA; Thomas Karl Aebi, in Basler Kommentar, n° 5 ad art. 93 LCA; Alfred Maurer, Schweizerisches Privatversicherungsrecht, 3 e éd. 1995, p. 445; Carl Jaeger, Kommentar zum Schweizerischen Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, 1933, n° s 7 et 10 ad art. 93 LCA).

Le régime des art. 20 s. et 93 LCA est semi-impératif, en ce sens qu’il ne peut pas être modifié au détriment du preneur d’assurance ou de l’ayant droit (art. 98 al. 1 LCA). L’on admet que l’assureur n’est pas tenu d’attendre les deux mois prévus par l’art. 21 LCA pour se départir du contrat; il peut le faire dès que le débiteur est en demeure (ATF 138 III 2 consid. 4.1 i.f.). Selon la doctrine, l’assureur peut annoncer ce choix au stade de la sommation déjà, dans la mesure où la position du débiteur ne s’en trouve pas aggravée; les conditions générales peuvent aussi prévoir la résiliation du contrat dès l’entrée en demeure du débiteur (Franz Hasenböhler, in Basler Kommentar, n° 83 ad art. 20 LCA et n° 9 ad art. 21 LCA, et les auteurs cités; Andrea Kiefer, Prämienzahlungsverzug nach VVG, 2000, p. 107 s.; Thierry De Mestral, La prime et son paiement, 2000, p. 140; cf. aussi arrêt TF du 25 février 1943 in RBA IX n° 56 p. 143).

Selon la jurisprudence, la sommation doit indiquer le montant de la ou des primes dont le paiement est exigé, ainsi que le délai de paiement de 14 jours. Elle doit en outre annoncer les conséquences de la demeure de manière explicite, claire et complète. L’assureur ne peut pas se contenter de mentionner la suspension de la couverture d’assurance (art. 20 al. 3 LCA); il doit notamment aussi évoquer la possibilité de se départir du contrat et la présomption découlant de l’art. 21 al. 1 LCA. Un simple renvoi aux art. 20 s. LCA est insuffisant, tout comme le renvoi aux règles correspondantes des conditions générales d’assurance (ATF 138 III 2 consid. 4.2; 128 III 186 consid. 2e). Peu importe que l’assureur ait annexé à la sommation les dispositions de la LCA et que l’assuré soit représenté par un avocat. En effet, l’art. 20 LCA exige que l’assureur lui-même expose à l’assuré toutes les conséquences de la demeure; il ne peut donc pas partir du principe que l’avocat de l’assuré va faire cette tâche à sa place (arrêt 4A_397/2010 du 28 septembre 2010 consid. 4.4).

La sommation qui n’informe pas correctement le débiteur des conséquences de la demeure est irrégulière; elle ne saurait déployer les effets qu’elle omet de mentionner (ATF 138 III 2 consid. 4.2 i.f. p. 7; 128 III 186 consid. 2b et 2f).

Dans un arrêt non publié de 2001, le Tribunal fédéral a précisé que les art. 20 et 93 LCA règlent les conséquences de la demeure et présupposent donc que le preneur soit débiteur de la prime réclamée. Si l’assureur procède conformément aux art. 20 et 93 LCA, mais qu’il apparaît ensuite que la prime n’était pas due, notamment parce que le preneur devait en être exonéré en vertu d’une clause contractuelle, ces démarches sont dénuées d’effet juridique; la police initiale demeure en vigueur dans toute son étendue. Ceci dit, tant que le droit d’être libéré du paiement des primes n’a pas été documenté conformément au devoir prévu par l’art. 39 LCA, les primes restent dues, avec les conséquences rattachées à la demeure (arrêt 5C.130/2000 du 4 janvier 2001 consid. 3a et b).

En bref, l’assureur peut se prévaloir des conséquences de la demeure et résilier l’assurance ou la transformer pour autant qu’il ait valablement sommé le débiteur de payer des primes qui étaient dues et exigibles, et que celui-ci n’ait pas agi dans le délai imparti.

La sommation ne mentionne pas le risque de résiliation, alors que l’on est en présence d’une police comprenant plusieurs types d’assurance, dont certaines sont sujettes à la résiliation et d’autres à la transformation avec prestation réduite. Il faut admettre que l’assureur doit clairement exposer les conséquences prévues pour chacune. Peu importe que ces conséquences figurent dans les conditions générales d’assurance. De même, est sans pertinence le fait que l’assuré était assisté d’un avocat.

Il faut admettre que la sommation du 03.05.2007 est aussi irrégulière. L’assureur ne peut donc pas se prévaloir des conséquences de la demeure; il n’a ainsi pas valablement transformé la police du 02.07.1992, et en particulier pas valablement résilié l’assurance en cas d’incapacité de gain.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à l’instance inférieure pour suite de la procédure.

 

 

Arrêt 4A_134/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Qy0SHb

 

 

4A_370/2012 (f) du 04.12.2012 – Réticence – 4 LCA – 6 LCA / Rappel des principes et jurisprudences relatives aux réticences survenues avant et après le 1er janvier 2006

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_370/2012 (f) du 04.12.2012

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Ld2BMn

 

Réticence – 4 LCA – 6 LCA

Rappel des principes et jurisprudences relatives aux réticences survenues avant et après le 1er janvier 2006 (consid. 2.1)

 

Faits

Un assuré, X., a rempli deux questionnaires de santé, les 18 mai et 7 juin 2004, et a nié souffrir du diabète, avoir été opéré ou traité par rayons, avoir séjourné dans un hôpital ou encore qu’il y ait eu, dans sa famille proche des cas, notamment, de diabète et de maladies du cœur. Il a également déclaré n’avoir pas consulté un médecin au cours des cinq années précédentes et n’avoir pas été en incapacité de travail plus de quatre semaines pendant la même période.

La caisse-maladie s’est renseigné auprès du médecin traitant du proposant, apprenant que le proposant a eu, en juillet 2004, un infarctus fin 1999, avait été opéré d’une hernie en 1998 et présentait une surcharge pondérale. L’assureur a conclu le contrat d’assurance, en excluant toute prestation en cas d’incapacité de travail due à une affection cardiaque ou respiratoire.

Dès le mois d’août 2005, X. s’est trouvé dans l’incapacité de travailler en raison de douleurs aux jambes, ce qu’il communiqua à l’assureur le 14 novembre 2005.

A la demande de l’assureur, le médecin traitant délivra le 22 novembre 2005 un certificat dont il ressort que l’assuré souffre de diabète depuis l’automne 2004, qu’il a été hospitalisé neuf jours en fin d’année 2004 et qu’il a été en arrêt de travail quatre fois en 2005. Etait joint à ce certificat un rapport daté du 31 janvier 2005 émanant de l’Hôpital A., qui faisait état d’un diabète, de trois opérations et d’antécédents familiaux pour le diabète.

Par courrier du 8 décembre 2005 adressé à X., l’assureur invoqua une réticence au sens de l’art. 6 LCA et déclara résoudre le contrat d’assurance en application de l’art. 25 LCA.

 

La Cour civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté la demande de l’assuré. Idem pour la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal neuchâtelois.

 

Réticence

Excellent rappel des dispositions légales et jurisprudentielles s’agissant des réticences survenues avant et après le 1er janvier 2006 (consid. 2.1).

 

TF

L’état de fait contenu dans la décision attaquée est totalement insuffisant pour permettre de contrôler que les conditions légales d’une réticence sont réunies. En conséquence, l’arrêt doit être annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision.

 

 

Arrêt 4A_370/2012 consultable ici : http://bit.ly/1Ld2BMn

 

 

4A_529/2012 (f) du 31.01.2013 – Indemnités journalières LCA – Obligation de réduire le dommage – 61 LCA / Capacité de travail exigible dans une autre activité / Analyse « médico-théorique » de l’exigibilité vs analyse concrète de la situation

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_529/2012 (f) du 31.01.2013

 

Consultable ici : http://bit.ly/1KC8pEi

 

Indemnités journalières LCA – Obligation de réduire le dommage – 61 LCA

Capacité de travail exigible dans une autre activité

Analyse « médico-théorique » de l’exigibilité vs analyse concrète de la situation

 

Faits

X, né en 1960, travaillant comme responsable de chantier, est assuré en perte de gain maladie LCA. Incapacité de travail dès le 4 juin 2010 pour un problème à l’épaule droite.

Après une précédente expertise médicale (à la Clinique R) et une opération chirurgicale, l’assureur PGM mandaté la Dresse M, spécialiste de rhumatologie et d’ostéodensitométrie, de la Clinique R. Dans son rapport du 17 juin 2011, cette praticienne a constaté que l’activité professionnelle de chef de chantier avec travaux de manutention n’était pas exigible, au vu des limitations fonctionnelles. Cependant, sur le plan médico-théorique, une capacité de travail à 100% pouvait être envisagée dès le jour de l’évaluation (soit le 17 juin 2011), dans une activité adaptée, du type surveillance de chantier, exempte de tout mouvement de manutention.

Par courrier du 22 juillet 2011, l’assureur a accepté de verser les indemnités journalières jusqu’au 20 juin 2011. Selon un rapport du Dr F., chef de clinique du département de chirurgie, l’incapacité de travail de l’assuré devait être admise jusqu’au début du mois d’octobre 2011

 

Obligation de réduire le dommage – 61 LCA

La Chambre des assurances sociales de la Cour de justice de Genève a constaté que le médecin-expert (Dresse M.) s’est prononcée « sur le plan médico-théorique » (arrêt attaqué ch. 19 p. 5).

L’analyse médico-théorique ne constitue cependant qu’une première étape du raisonnement auquel il y a lieu de procéder pour appliquer l’art. 61 al. 2 LCA. En effet, cette disposition ne permet pas à l’assureur de réduire ses prestations dans la perspective d’un changement d’activité purement théorique, qui n’est pratiquement pas réalisable. Le juge doit au contraire procéder à une analyse concrète de la situation. Partant, il doit se demander, en fonction de l’âge de l’assuré et de l’état du marché du travail, quelles sont ses chances réelles de trouver un emploi tenant compte de ses limitations fonctionnelles. Il doit également examiner, en fonction de la formation, de l’expérience et de l’âge de l’assuré, si un tel changement d’activité peut réellement être exigé de lui (arrêt 4A_304/2012 du 14 novembre 2012, consid. 2.4).

La réduction de l’indemnité est en outre exclue s’il n’est en réalité pas possible de limiter le préjudice par un changement d’activité professionnelle. Il faut donc qu’il soit démontré que cette nouvelle activité permettrait effectivement à l’assuré de réaliser un revenu supérieur à celui qu’il peut encore obtenir en conservant son emploi.

En se fondant exclusivement sur les conclusions d’une analyse médico-théorique, la cour cantonale a enfreint l’art. 61 al. 2 LCA. La cause est renvoyée à l’autorité cantonale pour nouvelle décision.

 

 

Arrêt 4A_529/2012 consultable ici : http://bit.ly/1KC8pEi

 

 

4A_471/2015 (f) du 21.12.2015 – Interprétation des conditions générales d’un contrat d’assurance – 18 CO / Assurance indemnité journalière perte de gain maladie

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_471/2015 (f) du 21.12.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1nkGuhu

 

Interprétation des conditions générales d’un contrat d’assurance / 18 CO

Assurance indemnité journalière perte de gain maladie

 

Une commerçante a conclu avec une compagnie d’assurance un contrat collectif d’assurance d’indemnités journalières perte de gain en cas de maladie soumis à la LCA. Elle était assurée nominativement et l’indemnité journalière correspondait à 100% du salaire annuel convenu de 48’000 fr., après un délai d’attente de 30 jours. Elle avait droit à 730 indemnités journalières au maximum dans une période de 900 jours.

 

Le contrat renvoyait aux conditions générales d’assurance, édition 2002, (ci-après: CGA), qui en étaient considérées comme partie intégrante. L’art. G3 des CGA disposait que la couverture d’assurance prenait fin pour chaque assuré à l’expiration de la durée maximale du droit aux prestations, en cas d’annulation du contrat d’assurance, lorsque l’assuré quittait le cercle des personnes assurées, lorsqu’il cessait son activité professionnelle et, pour les personnes assurées nominativement, au plus tard lorsqu’elles atteignaient l’âge de 70 ans.

 

La commerçante était gravement malade depuis mars 2006. Elle a eu des difficultés à payer le loyer de son commerce ainsi que la prime du contrat collectif d’assurance d’indemnités journalières perte de gain en cas de maladie. Le contrat a été annulé pour le 14.07.2006 suite au non-paiement de sa prime de l’année 2006, conformément à l’art. 21 LCA. Ce courrier, présenté au domicile de sa destinataire le 31.10.2006, n’a pas pu être distribué; à l’échéance du délai de garde, soit le 07.11.2006, l’envoi non réclamé a été retourné à l’assureur. Le 14.12.2006, la compagnie d’assurance a procédé à une nouvelle notification dudit courrier sous pli simple, en indiquant au preneur d’assurance que ce pli gardait toute sa validité.

 

La boutique a cessé son activité et est fermée depuis le 13.11.2006, le bilan a été déposé et l’unique vendeuse a été licenciée pour le 31.01.2007. Le 12.04.2007, les clés du commerce ont été remises à la Justice de paix de Lausanne, qui a procédé, le 24.04.2007, à l’exécution forcée de l’ordonnance d’expulsion.

 

Le médecin-traitant, médecin généraliste, a attesté d’une incapacité totale de travailler depuis le 23.11.2006. La commerçante a requis à l’assurance de lui verser des indemnités journalières pour couvrir sa perte de gain, lui faisant parvenir deux certificats médicaux d’incapacité de travail. La compagnie d’assurance a refusé de verser les indemnités perte de gain en cas de maladie, le contrat d’assurance ayant été tout d’abord suspendu depuis le 14.07.2006 pour retard dans le paiement des primes, puis annulé avec effet à cette date. La commerçante assurée est décédée le 01.03.2009. L’époux de feue l’assurée est désormais le demandeur.

 

Procédure cantonale (arrêt 314 – consultable ici : http://bit.ly/1S82jya)

La Cour d’appel civile a, par arrêt du 18.06.2015, a rejeté le recours contre le jugement du 15.12.2011 (AMC 18/08) et a procédé à une interprétation selon le principe de la confiance des CGA du contrat d’assurance.

 

TF

D’après la jurisprudence, les dispositions d’un contrat d’assurance, de même que les conditions générales qui y ont été expressément incorporées, doivent être interprétées selon les principes qui gouvernent l’interprétation des contrats (ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 412).

 

Lorsque des conditions générales font partie intégrante du contrat d’assurance, l’assureur manifeste la volonté de s’engager selon la teneur de ces conditions. Si une volonté réelle et commune des parties contractantes n’a pas été constatée, comme c’est le cas en l’espèce, il convient de vérifier comment les destinataires de ces déclarations de volonté pouvaient les comprendre de bonne foi, en recourant à l’interprétation objective des termes figurant dans les conditions générales (ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 413 et l’arrêt cité). Le preneur d’assurance est couvert contre le risque tel qu’il pouvait le comprendre de bonne foi en lisant les conditions générales. Quand l’assureur entend apporter des restrictions ou des exceptions, il lui appartient de le dire clairement (ATF 133 III 675 consid. 3.3 p. 682).

 

In casu, l’art. G3 des CGA invoqué par le recourant disposait que la couverture d’assurance prenait fin pour chaque assuré, notamment lorsque celui-ci  » cessait son activité professionnelle « . Selon le sens ordinaire des mots, feue l’assurée devait raisonnablement comprendre que l’activité professionnelle mentionnée dans cette clause se rapportait à un travail permettant de dégager un profit. En d’autres termes, si la personne assurée n’exerçait plus son métier et n’avait ainsi pas de revenu provenant de son travail, elle n’était plus assurée. Le motif pour lequel l’assuré cessait d’exercer sa profession (p. ex. mauvaises affaires, retraite anticipée, etc.) ne jouait aucun rôle à teneur du libellé de l’art. G3 en question. Il suit de là que dès l’instant où feue l’assurée n’a plus exercé d’activité lucrative à partir du 13.11.2006, sa couverture d’assurance avait déjà pris fin lorsqu’elle est devenue totalement incapable de travailler dès le 23.11.2006, soit dix jours plus tard.

 

Si la personne assurée tombe malade après qu’elle a perdu son travail, il est présumé que si elle n’était pas devenue malade, elle n’exercerait toujours aucune activité rémunérée (cf. arrêts déjà cités 4A_138/2013 du 27 juin 2013 consid. 4.1 et 9C_332/2007 du 29 mai 2008 consid. 2.1). Dans le cas présent, feue l’assurée est devenue entièrement incapable de travailler après avoir cessé définitivement d’exercer son activité professionnelle.

 

Le TF rejette le recours.

 

 

Arrêt 4A_471/2015 consultable ici : http://bit.ly/1nkGuhu

 

 

4A_239/2015 (f) du 06.10.2015 – Faute grave – 14 al. 2 LCA / « Prudence particulière » avant les passages pour piétons – 33 al. 2 LCR / Motocycliste, ébloui par le soleil, heurte une piétonne sur un passage piétons à une vitesse de 40 km/h / Vitesse inférieure à la limitation et vitesse adaptée aux circonstances (32 al. 1 LCR) / Faute grave vs faute moyenne – rappel de la jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_239/2015 (f) du 06.10.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/21MiTGH

 

Faute grave / 14 al. 2 LCA

« Prudence particulière » avant les passages pour piétons – 33 al. 2 LCR

Motocycliste, ébloui par le soleil, heurte une piétonne sur un passage piétons à une vitesse de 40 km/h

Vitesse inférieure à la limitation et vitesse adaptée aux circonstances (32 al. 1 LCR)

Faute grave vs faute moyenne – rappel de la jurisprudence et exemples

 

Le 24.06.2004, peu avant 7 heures, A.__ (ci-après: le conducteur ou le motocycliste) circulait, au guidon d’une moto. Parvenu à la hauteur du passage piéton situé à l’est de la Place du Port, il a heurté C.__ qui traversait l’avenue sur le passage de sécurité du nord au sud (soit de gauche à droite par rapport au sens de marche de la moto). La piétonne a alors été projetée sur la chaussée à environ 17 mètres du point de choc et gravement blessée.

Il a été établi que, 100 mètres avant le passage pour piétons (soit devant le bâtiment de la poste) et jusqu’à 11 mètres avant ce passage, le motocycliste a été gêné par le soleil rasant (qui avait été caché par une succession de bâtiments sur tout le trajet précédant l’avenue du Premier-Mars). Sur cette distance (en ligne droite), il a roulé à une vitesse plus ou moins constante de l’ordre de 40 km/h, voire un peu moins, sans réduire sa vitesse à l’approche du passage de sécurité dont il connaissait pourtant l’existence. Le motocycliste n’a à aucun moment remarqué (il a été incapable de dire si la piétonne traversait de gauche à droite ou de droite à gauche), durant les 7 à 10 secondes qu’il lui a fallu pour atteindre le point de choc à partir de la poste, la victime qui avait déjà traversé pratiquement les trois-quarts du passage.

Par lettre du 04.01.2007, l’assureur responsabilité civile a communiqué à son client qu’elle considérait que les faits reprochés au motocycliste procédaient d’une faute grave et l’informait qu’elle entendait lui réclamer le remboursement partiel de ses prestations, soit à concurrence de 20%.

 

Procédures cantonales

Par demande du 22.12.2008, la compagnie d’assurances a actionné son assuré en paiement des 20% du total définitif des prestations qu’elle avait versées suite à l’accident du 24.06.2004. Par jugement du 01.07.2014, le Tribunal civil du Littoral et du Val-de-Travers a retenu que le conducteur avait négligé de prendre les précautions évidentes aux yeux de toute personne raisonnable et, partant, qu’il avait commis une faute grave; il a admis la demande de la compagnie d’assurances.

Par arrêt du 18.03.2015, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal neuchâtelois a rejeté l’appel formé par l’assuré, considérant que celui-ci avait commis une faute grave, celle-ci résultant à la fois d’une vitesse inadaptée aux conditions de la circulation et d’un défaut d’attention.

 

TF

Selon l’art. 14 al. 2 LCA, si le preneur d’assurance ou l’ayant droit a causé le sinistre par une faute grave, l’assureur est autorisé à réduire sa prestation dans la mesure répondant au degré de la faute. La notion de faute grave figurant à l’art. 14 al. 2 LCA ne s’oppose pas seulement à la faute légère dont parle l’art. 14 al. 4 LCA, mais aussi à la faute moyenne ou intermédiaire (arrêt 4A_226/2013 du 7 octobre 2013 consid. 3.1 et les arrêts cités).

Commet une faute grave celui qui viole un devoir élémentaire de prudence dont le respect s’impose à toute personne raisonnable placée dans la même situation (ATF 128 III 76 consid. 1b p. 81). Pour dire si la faute est grave, il faut l’apprécier de manière objective en tenant compte des circonstances d’espèce; déterminer dans le cas concret si la faute doit être qualifiée de grave relève du jugement de valeur et repose largement sur l’appréciation du juge cantonal, de sorte que le Tribunal fédéral ne réexamine la question qu’avec retenue (arrêt 4A_226/2013 déjà cité consid. 3.1 et les arrêts cités). Il n’intervient que si le juge a abusé de son pouvoir d’appréciation, en se référant à des critères dénués de pertinence ou en ne tenant pas compte d’éléments essentiels, ou lorsque la décision, dans son résultat, heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité (arrêt 5C.175/2003 du 24 février 2004 consid. 5.1; ATF 128 III 121 consid. 3d/aa p. 124; 126 III 266 consid. 2b p. 273 et les références).

On se montrera plus sévère lorsque l’ayant droit a eu le temps de réfléchir aux conséquences de son acte et n’a pas été placé dans une situation d’urgence (arrêt 4A_226/2013 déjà cité consid. 3.1 et les arrêts cités).

Selon l’art. 32 al. 1 LCR, la vitesse doit toujours être adaptée aux circonstances, notamment aux particularités du véhicule et du chargement, ainsi qu’aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité. Cette règle implique notamment qu’on ne peut circuler à la vitesse maximale autorisée que si les conditions de la route, du trafic et de visibilité sont favorables (ATF 121 IV 286 consid. 4b p. 291; 121 II 127 consid. 4a p. 132),

Selon l’art. 33 LCR, reconnu comme une règle fondamentale de la circulation (arrêt 1C_425/2012 du 17 décembre 2012 consid. 3.1), le conducteur facilitera aux piétons la traversée de la chaussée (al. 1). Avant les passages pour piétons, le conducteur circulera avec une prudence particulière et, au besoin, s’arrêtera pour laisser la priorité aux piétons qui se trouvent déjà sur le passage ou s’y engagent (al. 2).

La « prudence particulière » avant les passages pour piétons que doit adopter le conducteur selon l’art. 33 al. 2 LCR signifie qu’il doit porter une attention accrue à ces passages protégés et à leurs abords par rapport au reste du trafic et être prêt à s’arrêter à temps si un piéton traverse la chaussée ou en manifeste la volonté (arrêt 1C_425/2012 déjà cité consid. 3.2 et les arrêts cités)

D’après la jurisprudence, la faute d’un conducteur qui a heurté une personne engagée sur un passage pour piétons en ne s’arrêtant pas à temps ne peut être qualifiée de légère (arrêt 1C_425/2012 déjà cité consid. 4.1 et les arrêts cités).

Le Tribunal fédéral a notamment confirmé que commettent une faute grave (arrêt précité consid. 4.1 et les références citées) :

– le conducteur qui, circulant à 30 km/h dans une zone à important trafic piétonnier et après avoir contourné un îlot de tram, renverse mortellement une dame âgée à quelques mètres d’un passage pour piétons,

– le motocycliste qui, de nuit et sur une chaussée mouillée, n’ayant remarqué que tardivement un piéton sur un passage sécurisé, effectue un freinage d’urgence entraînant la chute de sa moto qui renverse alors le piéton,

– de même que le conducteur qui, ébloui plusieurs fois par le soleil, continue de circuler à 55 km/h à l’intérieur d’une localité, en particulier sur un passage pour piétons, sans visibilité.

Ont en revanche commis une faute moyenne (arrêt précité consid. 4.1 et les références citées) :

– le conducteur qui a démarré en faisant crisser les pneus lors du passage au vert du signal lumineux, sans prendre garde au feu orange clignotant, et a renversé un piéton qui traversait normalement au feu vert sur un passage sécurisé,

– la conductrice qui n’a pas accordé la priorité à un piéton déjà engagé sur le passage protégé au motif qu’une camionnette lui masquait la vue,

– l’automobiliste qui, ébloui par les phares d’un véhicule venant en sens inverse, n’a pas pu freiner à temps et a renversé un piéton qui avait déjà traversé plus de la moitié du passage protégé,

– la conductrice inattentive qui a heurté une piétonne engagée sur un passage sécurisé peu après avoir bifurqué à gauche,

– ou encore le conducteur qui, à l’approche d’un carrefour, alors qu’il réduisait son allure et concentrait son attention sur les véhicules venant de sa gauche, a remarqué tardivement la piétonne qui avait traversé les trois quarts d’un passage sécurisé, l’a heurtée et fait chuter.

Selon les constatations cantonales, le motocycliste conduisait, à l’approche du passage pour piétons, à une vitesse constante de l’ordre de 40 km/h, voire un peu moins. Il n’a pas freiné ni même réduit sa vitesse (en « lâchant les gaz »), alors même qu’il connaissait l’existence à cet endroit du passage de sécurité et que, sur 90 mètres avant celui-ci, il a été gêné par le soleil.

Le fait qu’il roulait en respectant la limitation de vitesse (fixée à 50 km/h) n’est en soi pas décisif, le conducteur ayant l’obligation de rouler à une vitesse adaptée aux circonstances. In casu, ce qui importe c’est qu’en raison de la visibilité restreinte du conducteur et de la proximité du passage de sécurité, la vitesse du motocycliste n’était manifestement pas adaptée.

Selon le TF, le motocycliste a négligé les précautions élémentaires qui s’imposaient à l’approche d’un passage pour piétons qu’il connaissait, en présence de mauvaises conditions de visibilité. En outre, au vu des circonstances retenues, le motocycliste a également fait preuve d’une absence totale d’attention.

Au vu de la violation de l’art. 33 LCR qui est une règle fondamentale de la circulation, et en dépit d’une vitesse conforme à la limitation prescrite, les autorités précédentes n’ont pas excédé leur important pouvoir d’appréciation en retenant, en se fondant sur la négligence (quant aux précautions élémentaires à prendre) du motocycliste et son absence totale d’attention, une faute grave au sens de l’art. 14 al. 2 LCR.

La situation du motocycliste doit être distinguée d’une situation de brève cécité, due par exemple à un éblouissement soudain et inattendu. Le laps de temps à disposition du conducteur à l’approche du passage pour piétons (7 à 10 secondes) était, selon l’expérience générale de la vie, largement suffisant pour qu’il prenne conscience des risques potentiels, ce d’autant plus qu’il connaissait l’existence du passage qu’il allait devoir traverser.

Même à supposer que la vitesse du motocycliste aurait été de l’ordre de 30 km/h (ce que ce dernier soutient toujours), la conclusion aurait été la même. Dans l’hypothèse d’une vitesse plus réduite, le temps de parcours aurait alors de facto été allongé, lui aurait laissé plus de temps pour apprécier les circonstances et l’absence totale d’attention du motocycliste aurait été encore plus marquée, ce qui justifiait de retenir une faute grave.

 

Le TF rejette le recours du motocycliste.

 

 

Arrêt 4A_239/2015 consultable ici : http://bit.ly/21MiTGH

 

 

4A_376/2014 (f) du 27.04.2015 – Réticence non admise – Résiliation du contrat non valable – 4 LCA – 6 LCA – 8 LCA

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2014 (f) du 27.04.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1HUaDXT

 

Réticence non admise – Résiliation du contrat non valable / 4 LCA – 6 LCA – 8 LCA

 

En vue de conclure un contrat d’assurance-maladie avec une compagnie d’assurances, le proposant A.________, né le 24.01.1950, a rempli deux questionnaires, les 18.05.2004 (questions relatives à la proposition d’assurance) et 07.06.2004 (questionnaire de santé). Il ressort des réponses à ce dernier questionnaire que le proposant niait souffrir du diabète, avoir été opéré ou traité par rayons, avoir séjourné dans un hôpital ou encore qu’il y ait eu, dans sa famille proche des cas, notamment, de diabète et de maladies du cœur. Il a également déclaré n’avoir pas consulté un médecin au cours des cinq années précédentes et n’avoir pas été en incapacité de travail plus de quatre semaines pendant la même période.

S’étant renseigné auprès du médecin traitant du proposant, l’assureur a appris, dans un rapport du 06.07.2004, que ce dernier avait eu un infarctus fin 1999, avait été opéré d’une hernie en 1998 et présentait une surcharge pondérale. Au vu de ces informations, l’assureur a décidé, au moment de conclure le contrat d’assurance (le 04.08.2004), d’exclure toute prestation en cas d’incapacité de travail due à une affection cardiaque ou respiratoire.

Dès le mois d’août 2005, l’assuré s’est trouvé dans l’incapacité de travailler en raison de douleurs aux jambes, ce qu’il communiqua à l’assureur le 14.11.2005.

A la demande de l’assureur, le médecin traitant délivra le 22.11.2005 un certificat dont il ressort que l’assuré souffre de diabète depuis l’automne 2004, qu’il a été hospitalisé neuf jours en fin d’année 2004 et qu’il a été en arrêt de travail quatre fois en 2005.

L’assureur invoqua une réticence, au sens de l’art. 6 LCA, par courrier du 08.12.2005 et déclara résoudre le contrat d’assurance en application de l’art. 25 LCA, la prime annuelle lui restant acquise en intégralité. Il reproche à l’assuré de ne pas avoir répondu avec sincérité aux questions qui lui étaient posées dans la proposition d’assurance et qu’il avait passé sous silence « de nombreuses affections chroniques et importantes (sans plus de précisions) ».

Par courrier du 07.06.2006 adressé à l’assurance de protection juridique de l’assuré, l’assureur a indiqué que, selon des pièces médicales qu’il a reçues le 30.05.2006, l’assuré avait encore commis « une autre réticence » en ne signalant pas qu’il souffrait depuis plusieurs années de troubles concernant un manque de sensibilité dans les membres inférieurs. Il ajoute que l’assuré « a menti lors de la conclusion du contrat – en se déclarant en parfaite santé – en passant sous silence un état de santé fortement dégradé « .

Par courrier du 13.03.2008, l’assureur a indiqué à l’assuré avoir appris des éléments nouveaux justifiant une troisième dénonciation du contrat, toujours pour réticence. Il a été informé, à la lecture d’un rapport médical qui lui a été remis le 21.02.2008, que l’assuré a consulté son médecin à 41 reprises dans les cinq ans qui ont précédé la signature du questionnaire d’assurance.

 

Précédente procédure

Une précédente procédure auprès du Tribunal fédéral a été effectuée. Le TF a annulé la décision cantonale et renvoyé la cause à l’autorité précédente pour nouvelle décision. Il a en particulier considéré que l’état de fait contenu dans la décision cantonale était totalement insuffisant pour permettre de contrôler que les conditions légales d’une réticence étaient réunies (arrêt 4A_370/2012).

 

TF

La jurisprudence exige que la résiliation (comme conséquence de la réticence) soit motivée avec précision; la déclaration de résiliation doit mentionner la question qui a reçu une réponse inexacte et préciser de façon circonstanciée en quoi consiste le fait important non déclaré ou inexactement déclaré (cf. art. 6 al. 1 aLCA; ATF 129 III 713 consid. 2.1 p. 714; arrêt 4A_370/2012 déjà cité consid. 2.1). Une déclaration de résiliation qui ne mentionne pas la question précise à laquelle il a été répondu inexactement n’est pas suffisamment détaillée (ausführlich ) (ATF 129 III 713 ibidem; 110 II 499; arrêts 4A_289/2013 du 10 septembre 2013 consid. 4.1 et les auteurs cités; 4A_19/2013 du 30 avril 2013 consid. 3.1.2; 9C_199/2008 du 19 novembre 2008 consid. 5.1).

Il convient de se montrer strict lorsqu’il y a lieu de procéder à l’examen de la validité d’une déclaration de résiliation de contrat d’assurance, au vu des conséquences sévères qu’entraîne pour l’assuré la réticence. Si la loi impose au proposant de déclarer, suivant un questionnaire écrit, tous les faits qui sont importants pour l’appréciation du risque, il est conforme au droit d’attendre de l’assureur, qui invoque la réticence de l’assuré, qu’il précise à quelle interrogation celui-ci n’a pas répondu ou répondu de manière inexacte (arrêt 4A_289/2013 déjà cité consid. 4.2).

En l’espèce, si l’assureur a fait état, dans son courrier de résiliation du 07.06.2006, de troubles concernant un manque de sensibilité dans les membres inférieurs, il se borne à en conclure, de manière lapidaire, que l’assuré a menti lors de la conclusion du contrat en se déclarant en parfaite santé. Il ne désigne toutefois pas la question à laquelle il a été répondu inexactement. Le motif invoqué par l’assureur reste très général (les « troubles » évoqués pouvant être classés, selon leur origine, sous divers points du questionnaire) et l’assuré pouvait légitimement avoir un doute au sujet de la question à laquelle l’assureur faisait allusion et du motif pour lequel celui-ci résiliait son contrat.

Pour apprécier si l’assureur est déchu du droit de se départir du contrat parce qu’il connaissait ou devait connaître le fait qui n’a pas été déclaré ou l’a été inexactement (art. 8 ch. 3 et 4 LCA), il faut, comme pour apprécier s’il y a eu réticence de l’assuré (cf. art. 6 LCA), utiliser un critère objectif, dans l’application duquel on tiendra compte des circonstances du cas particulier (arrêt 5C.43/2004 du 9 août 2004 consid. 7.1 résumé in PJA 2005 p. 230 ss).

La formule « connaissait ou devait connaître » figurant à l’art. 8 ch. 3 et 4 LCA montre que l’assureur assume le devoir d’examiner de manière attentive et critique les réponses données aux questions qu’il a posées. On ne saurait cependant inverser les rôles. Il n’appartient pas à l’assureur de se renseigner et de rechercher par lui-même les réponses aux questions qu’il a posées (ATF 111 II 388 consid. 3c/bb et cc p. 396); il n’a pas davantage à vérifier par tous les moyens à sa disposition les réponses qui lui sont données (ATF 116 II 345 consid. 4 p. 350; arrêt 4A_579/2009 du 1er février 2010 consid. 2.5).

Il doit par contre rechercher des informations s’il est nécessaire d’écarter des incertitudes ou d’élucider des contradictions qui résulteraient des réponses apportées dans la proposition (arrêt 5C.43/2004 déjà cité consid. 7.1; entre autres auteurs: Urs Ch. Nef, in Basler Kommentar, Versicherungsvertragsgesetz, 2001, no 23 ad art. 8 LCA; Nef/von Zedwitz, in Basler Kommentar, Versicherungsvertragsgesetz, Nachführungsband, 2012, no 23 ad art. 8 LCA). Dans ces circonstances, il pourra notamment être amené à demander de plus amples informations à l’assuré (Nef, op. cit., no 22 ad art. 8 LCA). Une autre interprétation de l’art. 8 ch. 3 et 4 LCA (qui nierait toute obligation de l’assureur) ne peut être envisagée puisqu’elle aurait pour effet (non souhaitable) d’inciter celui-ci à se taire en cas de doutes ou de contradictions (même manifestes) dans les réponses du questionnaire, afin de pouvoir bénéficier de la réticence en cas de sinistre (cf. Frank Th. Petermann, Commentaire de l’arrêt 5C.43/2004, in PJA 2005 p. 233).

En l’espèce, il est établi que l’assureur savait, depuis la lecture du rapport du médecin traitant du 06.07.2004, que l’assuré avait eu un infarctus en 1999 et présentait une surcharge pondérale. Preuve en est que l’assureur a décidé, au moment de conclure le contrat d’assurance, d’exclure toute prestation en cas d’incapacité de travail due à une affection cardiaque ou respiratoire. La réponse fournie par l’assuré (« non ») en lien avec la question portant sur l’existence de consultations médicales sur une période de cinq ans et, le cas échéant, leur date, leur motif et leur durée, est en contradiction flagrante avec les graves problèmes cardiaques et circulatoires de l’assuré, connus de l’assureur. Celui-ci savait en outre, sur la base du rapport du 06.07.2004, que l’assuré avait consulté son médecin pour un lumbago en janvier 2001.

S’il existe une contradiction flagrante résultant de la proposition contenant les réponses de l’assuré (comme c’est le cas dans les circonstances de l’espèce), il appartient à l’assureur de l’élucider, en réclamant de plus amples informations à l’assuré ou en sollicitant les informations utiles au médecin traitant (celui-ci ayant déjà fourni un rapport à l’assureur le 06.07.2004).

S’il avait respecté cette incombance, l’assureur aurait été au courant de l’existence des consultations médicales – ainsi que de leur date, de leur motif et de leur durée (donc également de leur nombre) – auxquelles l’assuré a été soumis. A défaut d’avoir agi de la sorte, on doit conclure que l’assureur connaissait, ou qu’il devait connaître, l’information qui ne lui a pas été donnée dans le questionnaire rempli par l’assuré.

Le moyen pris de la violation de l’art. 8 ch. 3 et 4 LCA, soulevé par l’assuré, est dès lors fondé.

Le TF admet le recours de l’assuré, annule l’instance inférieure et constate que le contrat n’a pas été valablement résilié par l’assureur et que ce contrat est maintenu.

 

 

Arrêt 4A_376/2014 consultable ici : http://bit.ly/1HUaDXT

 

 

4A_644/2014 (f) du 27.04.2015 – Péremption et interprétation des CGA / 33 LCA – Prescription du capital d’invalidité / 46 LCA

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_644/2014 (f) du 27.04.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1GZzHki

 

Péremption et interprétation des CGA / 33 LCA

Prescription du capital d’invalidité / 46 LCA

Un assuré est victime d’un accident de motocyclette le 14.08.1996 ; une voiture conduite par une personne sous l’emprise de l’alcool lui a coupé la route. Il a été grièvement blessé, subissant notamment une fracture des poignets, un traumatisme cranio-cérébral, un traumatisme abdominal avec rupture de la vessie et brèche sigmoïdienne, une fracture du bassin et une fracture de l’omoplate gauche.

Son salaire annuel brut était en 1996 de 70’930 francs. L’employeur avait contracté en faveur de son personnel une police d’assurance-accidents obligatoire LAA, ainsi qu’une police d’assurance-accidents complémentaire LAA. Cette police d’assurance renvoyait expressément aux conditions générales pour l’assurance complémentaire (CGA) et aux conditions complémentaires à celles-ci (CCA).

L’assurance complémentaire prévoyait notamment la prestation suivante: « invalidité: 4 x le salaire annuel LAA en capital constant – progression B ». Selon l’art. 28 let. b ch. 3 CGA, la somme d’invalidité était calculée selon la variante de progression choisie et selon le tableau intitulé « prestations en % de la somme d’assurance »; celui-ci indiquait que pour un taux d’invalidité de 85% dans la variante B, la somme d’invalidité correspondait à 275% de la somme assurée. Sous le titre « Paiement des prestations », l’art. 28 let. b ch. 5 CGA énonçait la règle suivante: « La somme d’invalidité ou la rente est payée dès que l’importance de l’invalidité permanente peut être déterminée, mais au plus tard cinq ans après le jour de l’accident ».

Par décision du 08.12.2003, octroi d’une demi-rente AI à partir du 28.04.2003 (date de la demande de révision) et une rente entière à partir du 01.08.2003.

En LAA, l’assureur a rendu une décision sur opposition le 30.12.2003 : octroi d’une rente d’invalidité dès le 01.01.2005. Par décision du 14 juin 2005, la compagnie d’assurance a alloué à l’employé une IPAI de 85%.

Le 04.08.2005, l’employé a fait notifier à la compagnie d’assurance un commandement de payer pour la somme de 1’092’000 fr. plus intérêts. Sous rubrique « cause de l’obligation », il était mentionné « contrat d’assurance LAA complémentaire ».

Refus de toute indemnisation, par la compagnie, se référant à l’art. 28 CGA ; la prétention de l’employé était périmée faute d’avoir été réclamée dans les cinq ans (art. 28 let. b ch. 5 CGA) et, au surplus, prescrite (art. 46 LCA).

L’action ouverte devant la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois par l’assuré a été rejetée, la Cour retenant que le délai de péremption (art. 28 let. b ch. 5 CGA) était arrivé à échéance le 14 août 2001. Quant à la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal vaudois, elle a rejeté l’appel de l’employé et a admis que la péremption était intervenue à l’échéance du délai légal de prescription de deux ans à dater du fait d’où naît l’obligation (art. 46 LCA), soit le 23.09.2006.

 

Péremption

L’art. 28 let. b ch. 5 CGA applicable au cas d’espèce précise ce qui suit: « La somme d’invalidité ou la rente est payée dès que l’importance de l’invalidité permanente peut être déterminée, mais au plus tard cinq ans après le jour de l’accident ».

Lorsque l’assureur, au moment de conclure, présente des conditions générales, il manifeste la volonté de s’engager selon les termes de ces conditions. Si une volonté réelle concordante n’a pas été constatée, il faut se demander comment le destinataire de cette manifestation de volonté pouvait la comprendre de bonne foi; il faut donc procéder à une interprétation objective des termes contenus dans les conditions générales, qui peut ne pas correspondre à la volonté intime de l’assureur. Dans le domaine particulier du contrat d’assurance, l’art. 33 LCA précise d’ailleurs que l’assureur répond de tous les événements qui présentent le caractère du risque contre les conséquences duquel l’assurance a été conclue, à moins que le contrat n’exclue certains événements d’une manière précise, non équivoque; il en résulte que le preneur d’assurance est couvert contre le risque tel qu’il peut le comprendre de bonne foi à la lecture du contrat et des conditions générales incorporées à celui-ci. Si l’assureur entend apporter des restrictions ou des exceptions, il lui incombe de le dire clairement. Conformément au principe de la confiance, c’est à l’assureur qu’il appartient de délimiter la portée de l’engagement qu’il entend prendre et le preneur n’a pas à supposer des restrictions qui ne lui ont pas été clairement présentées (ATF 133 III 675 consid. 3.3; 135 III 410 consid. 3.2).

Selon le TF, l’art. 28 let. b ch. 5 CGA détermine simplement le moment auquel la somme d’invalidité est payée par l’assureur, et rien d’autre. Le terme « péremption » ne s’y trouve pas, et il n’y est d’aucune façon dit que l’assuré serait déchu de ses droits cinq ans après l’accident. On ne saurait dès lors soutenir que le lecteur de cette clause devait de bonne foi en déduire que les droits de l’assuré s’éteignaient automatiquement après cinq ans; l’on ne comprend du reste pas pourquoi l’assuré devrait perdre ses droits à une somme d’invalidité du simple fait que son état de santé met plus de cinq ans à se stabiliser ou que l’assureur tarde à payer son dû. Si la clause avait le sens que lui donne l’intimée, la péremption pourrait intervenir même après l’ouverture d’une éventuelle procédure en paiement de la somme d’invalidité. La règle des cinq ans doit dès lors être comprise dans le sens qu’elle détermine le moment à partir duquel l’assureur a la possibilité de régler le cas même si l’importance de l’invalidité permanente de l’assuré ne peut pas encore être définitivement déterminée. Elle permet à l’assureur de ne pas devoir garder un dossier indéfiniment ouvert en lui ménageant la possibilité de liquider le cas après cinq ans, sur la base de l’état de fait tel qu’il se présente à ce moment-là, et à l’assuré ou au tiers bénéficiaire d’exiger le versement des prestations cinq ans après l’accident. L’art. 28 let. b ch. 5 CGA ne fixe pas de délai de péremption.

Dans sa réponse, l’assureur évoque divers arrêts où la péremption de créances de l’assuré a été admise. Le TF précise que, dans les clauses dont il était question dans les arrêts évoqués exprimaient sans aucune ambiguïté la péremption du droit à l’indemnité [« Les droits contre l’assureur s’éteignent si on ne les fait pas valoir en justice dans les deux ans qui suivent la survenance du sinistre » (ATF 126 III 278 consid. 7c p. 282); « Entschädigungsansprüche, die von der Gesellschaft abgelehnt und nicht binnen zwei Jahren, vom Eintritt des Schadens an gerechnet, durch Klageerhebung gerichtlich geltend gemacht werden, sind erloschen » (ATF 74 II 97); « Les demandes d’indemnité qui ont été rejetées et qui n’ont pas fait l’objet d’une action en justice dans les deux ans qui suivent le sinistre sont frappées de déchéance » (arrêt 4A_200/2008 du 18 août 2008)], contrairement à ce que l’on trouve dans le cas d’espèce, à l’art. 28 let. b ch. 5 CGA.

 

Prescription d’un capital d’invalidité

Dans l’assurance privée contre les accidents, l’invalidité se définit, si les parties n’ont rien convenu d’autre, comme une atteinte définitive à l’intégrité corporelle diminuant la capacité de travail, sans qu’il soit nécessaire que l’assuré éprouve effectivement un préjudice économique ensuite de l’accident (cf. art. 88 LCA; ATF 118 II 447 consid. 2b p. 455; arrêt 5C.61/2003 du 23 octobre 2003 consid. 3.5). L’invalidité correspond, sauf clauses contractuelles particulières, à une incapacité de travail théorique et abstraite, établie pour la moyenne des cas, sans tenir compte de la profession de l’assuré et des circonstances du cas concret (arrêt 5C.19/2006 du 21 avril 2006 consid. 2.2 et les réf. citées; arrêt C.457/1982 du 2 juin 1983 consid. 3b/aa in RBA XV n° 96 p. 516 s.); c’est bel et bien la notion d’invalidité médico-théorique, indépendante de la perte de gain effective, qui trouve application dans le cas d’espèce.

Aux termes de l’art. 46 al. 1 LCA, les créances qui dérivent du contrat d’assurance se prescrivent par deux ans à dater du fait d’où naît l’obligation. La LCA renvoie par ailleurs au Code des obligations pour toutes les questions qu’elle ne règle pas (art. 100 al. 1 LCA).

Au terme d’une évolution, la jurisprudence a précisé que le « fait d’où naît l’obligation » ne se confond pas nécessairement avec la survenance du sinistre, même s’il s’agit de la cause première de l’obligation d’indemnisation. Selon le type d’assurance envisagée, la prestation de l’assureur n’est due que si le sinistre engendre un autre fait précis. Ainsi, en matière d’assurance-accidents, le contrat peut prévoir une couverture en cas d’invalidité; ce n’est alors pas l’accident comme tel, mais la survenance de l’invalidité qui donne lieu à l’obligation de payer des prestations. La prescription commence donc à courir avec le fait qui donne naissance à l’obligation de base (grundsätzliche Leistungspflicht) de l’assureur de verser des prestations. S’agissant d’une indemnité pour invalidité, la prescription court dès le jour où il est acquis qu’il existe une invalidité, à savoir généralement lorsqu’il faut admettre que les mesures thérapeutiques destinées à conjurer le mal ou, du moins, à limiter les effets de l’atteinte dommageable ont échoué. Par contre, il n’est pas nécessaire que le taux d’invalidité soit définitivement déterminé; c’est l’invalidité dans son principe, et non dans son ampleur, qui doit être acquise, à moins que le contrat d’assurance ne prévoie par exemple qu’un taux minimal d’invalidité doit être atteint pour que le cas d’assurance soit réalisé. Peu importe, enfin, le moment où l’assuré a eu connaissance de son invalidité; contrairement aux art. 60 CO et 83 al. 1 LCR, le point de départ du délai de prescription de l’art. 46 al. 1 LCA est fixé de manière objective (ATF 139 III 263 consid. 1.2; 127 III 268 consid. 2b p. 270 et 2c p. 272; 118 II 447 consid. 3b et 4c; arrêt 5C.61/2003 précité consid. 3.3 et 3.5; Commentaire bâlois, Versicherungsvertragsgesetz, Nachführungsband, 2012, p. 163 [ CHRISTOPH K. GRABER ] et p. 259 [ ILERI/SCHMID, critiques]).

Le point de départ de la prescription n’est pas lié à l’exigibilité de la créance. En effet, dans la LCA, l’exigibilité dépend des renseignements donnés par l’assuré (art. 41 LCA), et le législateur ne voulait pas que celui-ci puisse influer sur le départ de la prescription. La prescription peut ainsi courir avant que la prestation ne soit devenue exigible (ATF 139 III 263 consid. 1.2; arrêt 4A_122/2014 du 16 décembre 2014 consid. 3.4.2). En revanche, une fois la prestation d’assurance devenue exigible, la prescription, bien évidemment, court (art. 130 al. 1 CO).

In casu, en vertu de l’art. 28 let. b ch. 5 CGA, la somme d’invalidité est payée au plus tard cinq ans après le jour de l’accident, en l’espèce donc le 14.08.2001; en vertu de cette clause, la prestation est ainsi devenue exigible à cette date et la prescription a commencé à courir. Le délai de deux ans est dès lors venu à terme le 14.08.2003. A défaut de l’art. 28 CGA, il faudrait retenir que l’invalidité permanente était acquise au plus tard le 14.05.2003, jour où le recourant a cessé toute activité professionnelle et s’est trouvé en incapacité de travail totale, selon l’Office de l’assurance-invalidité. Le délai de prescription de deux ans serait alors venu à terme le 14.05.2005. Dans les deux cas, le délai était échu avant le premier acte interruptif de prescription, intervenu le 04.08.2005 par notification d’un commandement de payer.

Le TF a laissé la question ouverte de savoir si la clause 28 let. B ch. 5 CGA est compatible avec les règles semi-impératives (art. 98 LCA) que sont l’art. 46 LCA et l’art. 88 al. 1 LCA, en vertu duquel l’indemnité d’invalidité sous forme de capital doit être calculée et payée, d’après la somme assurée, dès que les conséquences probablement permanentes de l’accident ont été définitivement constatées (sur l’art. 88 LCA, cf. ROLAND BREHM, L’assurance privée contre les accidents, 2001, n os 436 s., 442-444 et 782 s.).

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 4A_644/2014 consultable ici : http://bit.ly/1GZzHki

 

4A_574/2014 (f) du 15.01.2015 – Indemnités journalières LCA – Obligation de restreindre le dommage – Prétention frauduleuse

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_574/2014 (f) du 15.01.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1L6oy4j

Indemnités journalières LCA – Obligation de restreindre le dommage – Prétention frauduleuse niée par le TF / 40 LCA – 61 LCA

 

Un assuré, né en 1950, travaille comme mécanicien de précision depuis le 05.10.1998. Son employeur bénéficie de la couverture pour perte de gain en cas de maladie (80% du salaire du 61e au 780e jour de maladie). A partir du 10.02.2011, l’assuré est en incapacité de travail totale en raison d’un état dépressif et de lombalgies récidivantes. Sur la base de rapports médicaux, l’assureur lui a versé des indemnités perte de gain s’élevant à 192 fr.47 par jour.

Après expertise, les médecins-experts ont conclu, d’une part, que l’incapacité de travail de l’assuré dans sa fonction habituelle était totale et définitive et, d’autre part, que l’assuré, dans une activité adaptée, avait une capacité de travail totale dès le 09.11.2011.

L’assurance perte de gain maladie a, par courrier du 23.01.2012, admis que l’activité de mécanicien de précision n’était plus adaptée à l’état de santé de l’assuré, tout en observant que celui-ci disposait d’une capacité de travail à 100 % dans un poste respectant ses limitations fonctionnelles; elle demandait à l’assuré de mettre en valeur sa pleine capacité de travail dans une activité adaptée et lui octroyait un délai au 30.04.2012 pour chercher un emploi.

 

Procédure cantonale (ATAS/938/2014 – http://bit.ly/1CbRZMN)

En cours de procédure cantonal, il est apparu qu’entre les 10.02.2011 et 24.01.2013, l’assuré avait siégé à 21 reprises en qualité de président de tribunal de la juridiction des prud’hommes, activité qui lui rapportait environ 350 fr. par mois. De 2008 à 2011, il était par ailleurs conseiller municipal de la commune de X.________ (membre du parlement communal).

Par arrêt du 27.08.2014, la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice du canton de Genève a admis la demande et condamné l’assureur à payer à la somme de 54’853 fr.95 avec intérêts à 5% dès le 01.10.2012. La cour cantonale a relevé que les experts s’étaient limités à affirmer que l’assuré avait une capacité de travail totale dans une activité adaptée, sans fournir d’indication sur ses chances concrètes de pouvoir exercer une telle activité et sans mentionner quelle activité serait envisageable. Quant à l’assureur, il se serait fondé exclusivement sur cette appréciation médico-théorique. Il n’aurait pas démontré les chances réelles de l’assuré de trouver un emploi tenant compte de ses limitations fonctionnelles; il n’aurait pas établi non plus qu’un tel changement d’activité pouvait réellement être exigé de l’assuré. En ce qui concerne les activités exercées comme président des prud’hommes et conseiller municipal, les juges genevois rappellent que l’assureur devait couvrir l’inaptitude de l’assuré à accomplir son travail dans sa profession de mécanicien de précision; or, cette inaptitude ne pouvait pas être mise en doute par le simple fait que le demandeur avait poursuivi ses activités accessoires, puisque l’exercice occasionnel de celles-ci n’était pas entravé par les limitations fonctionnelles constatées par les experts.

 

TF

S’agissant de l’obligation de restreindre le dommage (art. 61 LCA), le TF relève que les chances, pour un mécanicien de 62 ans atteint dans sa santé physique, de trouver un emploi régulier dans une activité très différente de celle exercée jusqu’alors et pour laquelle il n’a pas de formation particulière, paraissent objectivement très réduites (consid. 4.2).

Les activités judiciaires et politiques exercées par l’assuré montrent certes que ce dernier était en état d’accomplir certaines tâches non manuelles, à tout le moins à titre occasionnel. Mais on ne peut rien en déduire quant à ses chances de trouver un emploi régulier.

Le TF rejette le grief quant à la fausse application de l’art. 40 LCA (prétention frauduleuse ; consid. 5). Les activités judiciaires et politiques de l’assuré n’étaient pas déterminantes pour juger de ses chances de trouver un emploi régulier dans une fonction adaptée à son état de santé. L’absence de communication de sa part à ce sujet est dès lors un fait dénué de toute pertinence. Ces activités étaient également sans pertinence pour fixer le montant des indemnités journalières. L’assuré étant bénéficiant de la couverture contre la perte du gain obtenu chez son employeur, l’indemnité sert à compenser la perte de ce revenu professionnel. L’assuré n’avait pas à se laisser imputer la rétribution obtenue pour des activités accessoires déjà exercées durant son activité professionnelle

 

Arrêt 4A_574/2014 consultable ici : http://bit.ly/1L6oy4j

 

 

14.3861 Motion Humbel : Pour une assurance d’indemnités journalières efficace en cas de maladie

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de soumettre au Parlement un projet de révision des bases légales qui garantisse à toutes les personnes exerçant une activité lucrative une couverture d’assurance efficace en cas de perte de gain dû à une maladie.

Développement

Dans son rapport du 16 janvier 2004 « Evaluation du système d’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie et propositions de réforme », le Conseil fédéral avait déjà constaté que le domaine de l’assurance perte de gains comportait des lacunes. Les assurances d’indemnités journalières régies par la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal) et la loi sur le contrat d’assurance (LCA) sont des assurances facultatives. Les caisses-maladie doivent certes toutes proposer une assurance d’indemnités journalières et elles sont tenues d’admettre toutes les personnes qui en font la demande, mais la protection offerte est ridicule puisque l’indemnité journalière proposée par les grandes caisses est de 6 à 40 francs par jour. Si les employés bénéficient en général d’une assurance collective d’indemnités journalières, les indépendants n’ont souvent pas de couverture en cas de maladie: l’assurance d’indemnités journalières régie par la LAMal n’offre pas une couverture suffisante tandis que le contrat est généralement résilié en cas de maladie dans les solutions régies par la LCA. Les personnes sans assurance d’indemnités journalières en cas de maladie sont donc poussées vers l’assurance-invalidité. Les gens n’occupent plus aujourd’hui un emploi à vie: de plus en plus souvent, ils alternent entre activité dépendante et activité indépendante. Aussi, seule une assurance obligatoire pour toutes les personnes exerçant une activité lucrative peut-elle garantir une couverture suffisante. Une telle mesure permettrait de combler une lacune dans la couverture d’assurance en cas de maladie, éviterait des cas d’invalidité et jetterait de meilleures bases pour la collaboration interinstitutionnelle au sens de l’article 68bis de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité. Dans le rapport précité, le Conseil fédéral a fait une proposition concrète pour réformer le système. Elle consiste à rendre l’assurance perte de gain obligatoire pour toute personne exerçant une activité lucrative au sens de la loi fédérale sur l’assurance-vieillesse et survivants, en définissant le moment à partir duquel les prestations sont versées, la durée du versement des indemnités et le montant de l’indemnité journalière en pourcentage du gain assuré, de même que le montant maximal du gain assuré au titre de l’assurance obligatoire (environ la moitié du montant prévu par la loi fédérale sur l’assurance-accidents, selon le Conseil fédéral). Des assurances complémentaires permettraient de compléter la couverture. La question est de savoir s’il faut développer une solution fondée sur la LAMal ou sur la LCA pour l’assurance obligatoire. Une solution fondée sur la LAMal réunirait sous la même structure les coûts des traitements et l’indemnité journalière: les coûts et les indemnités pourraient donc être analysés globalement, comme dans l’assurance-accidents, ce qui semble judicieux du point de vue économique.

Avis du Conseil fédéral du 05.12.2014

La perte de gain en cas de maladie peut être assurée à titre facultatif tant sous le régime de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LAMal; RS 832.10) que sous celui de la loi sur le contrat d’assurance (LCA; RS 221.229.1). Dans son rapport de 2009 « Evaluation du système d’assurance d’indemnités journalières en cas de maladie et propositions de réforme », le Conseil fédéral avait évalué la législation en vigueur. Constatant que la perte de gain en cas de maladie temporaire était largement couverte par les assurances d’indemnités journalières même sans une assurance obligatoire, et que la réglementation en vigueur, fondée notamment sur des solutions trouvées entre les partenaires sociaux, avait fait ses preuves pour la grande majorité des salariés, il avait estimé que l’assurance d’indemnités journalières devait être maintenue dans le cadre existant, notamment pour limiter les coûts. Il a confirmé cette position en dernier lieu dans sa réponse à la motion Poggia 12.3072, qui prévoyait une protection obligatoire et uniforme contre la perte de gain en cas de maladie pour tous les salariés, et auparavant dans sa réponse à la motion Humbel 10.3821, qui demandait pour tous les actifs une couverture d’assurance obligatoire contre le même risque. Le Conseil fédéral est toutefois conscient que des lacunes subsistent dans le domaine des assurances perte de gain.

Dans sa réponse au postulat Nordmann 12.3087, le Conseil fédéral s’est ainsi déclaré prêt à étudier la coordination des assurances d’indemnités journalières avec les règlements pour invalidité des premier et deuxième piliers, puis de faire rapport sur ce point. Il est donc disposé à aborder aussi dans ce rapport la question de la lacune qui existe, dans le cas de l’intervention précoce de l’assurance-invalidité, quant à la couverture de la perte de gain en cas de maladie.

Proposition du Conseil fédéral du 05.12.2014

Le Conseil fédéral propose de rejeter la motion.

 

Référence : page du Parlement suisse : http://bit.ly/1DWHPPd