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4A_94/2019 (f) du 17.06.2019 – Réticence – 4 al. 1 LCA / Réponse du preneur d’assurance à une question floue et évasive

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_94/2019 (f) du 17.06.2019

 

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Réticence / 4 al. 1 LCA

Réponse du preneur d’assurance à une question floue et évasive

 

Dès le 15.07.2015, l’assurée a consulté son médecin traitant et s’est fait examiner aux urgences des HUG par suite de troubles respiratoires et digestifs. Les investigations alors entreprises n’ont mis en évidence aucun état pathologique. Les symptômes ont toutefois persisté et conduit la patiente à consulter un médecin spécialiste en gastroentérologie. Celui-ci a accompli de nouvelles investigations de janvier 2016 à juillet 2016 ; celles-ci n’ont révélé aucune atteinte organique permanente. Selon le médecin traitant, la patiente n’a souffert que de troubles fonctionnels passagers.

L’assurée a souscrit une couverture d’assurance-maladie complémentaire à l’assurance-maladie sociale. Elle a, à cette fin, répondu le 22.02.2016 à un questionnaire concernant sa santé, libellé en anglais. Elle a répondu « non » à une question n° 2 qui se traduit comme suit : « Souffrez-vous ou avez-vous souffert au cours des cinq dernières années d’une maladie ou d’une autre atteinte à la santé ? Par exemple : système respiratoire, cœur, système cardiovasculaire, système nerveux ou trouble mental, appareil digestif, appareil urinaire ou organes génitaux, troubles gynécologiques, troubles cutanés, maladies musculo-squelettiques, troubles métaboliques ou glandulaires, troubles sanguins ou maladies infectieuses, organes sensoriels (yeux, oreilles, nez), tumeurs, maladies congénitales ou autres maladie, blessure ou trouble non mentionné ci-dessus ? »

La compagnie d’assurance a résilié le contrat le 12.10.2016 avec effet au lendemain. L’assurée avait prétendument commis une réticence en répondant de manière incorrecte à la question n° 2.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/21/2019 – consultable ici)

L’assurée a ouvert action contre la compagnie d’assurance.

Par jugement du 16.01.2019, rejet de l’action par la cour cantonale, déclarant irrecevables les conclusions préalables tendant à la production de factures ainsi que les conclusions concernant la validité de la résiliation.

 

TF

A teneur de l’art. 4 al. 1 LCA, celui qui présente une proposition d’assurance doit déclarer par écrit à l’assureur, suivant un questionnaire ou en réponse à toutes autres questions écrites, tous les faits qui sont importants pour l’appréciation du risque, tels qu’ils lui sont ou doivent être connus lors de la conclusion du contrat. Selon l’art. 6 al. 1 à 3 LCA, l’assureur est en droit de résilier le contrat en cas de réticence, c’est-à-dire lorsque les déclarations du proposant se révèlent inexactes ou incomplètes (al. 1) ; il est autorisé à refuser sa prestation aussi pour les sinistres déjà survenus, si le fait qui a été l’objet de la réticence a influé sur leur survenance ou leur étendue (al. 3). Ce droit de résiliation s’éteint quatre semaines après que l’assureur a eu connaissance de la réticence (al. 2).

Lorsque l’assureur se prévaut de la réticence et que celle-ci est contestée par le preneur d’assurance, le juge doit examiner si et dans quelle mesure le preneur pouvait donner de bonne foi une réponse négative à une question de l’assureur, selon la connaissance qu’il avait de sa situation et, le cas échéant, selon les renseignements qu’il avait reçus de personnes qualifiées. L’art. 4 al. 1 LCA exige du preneur qu’il se demande sérieusement s’il existe un fait appréhendé par la question de l’assureur. Le preneur satisfait à son devoir s’il déclare, outre les faits qui lui sont connus sans autre réflexion, ceux qui ne peuvent pas lui échapper s’il réfléchit sérieusement aux questions de l’assureur. Il est fondé à attribuer aux termes techniques employés dans ces questions, dont il ne connaît pas le sens et qui ne lui sont pas expliqués, le sens qu’il leur est en général prêté dans le milieu où il vit, en particulier le sens que le langage usuel attribue à ces termes (ATF 116 II 338 consid. 1c p. 341; voir aussi ATF 134 III 511 consid. 3.3.3 p. 514; 136 III 334 consid. 2.3 p. 337).

La réticence suppose que la réponse donnée à la question ne soit pas conforme à la vérité, par omission ou inexactitude. La réticence résulte de la divergence entre la vérité et ce qui a été déclaré. Elle peut consister à affirmer un fait faux, à taire un fait vrai ou à présenter une vision déformée de la vérité. Selon l’art. 4 al. 3 LCA, il incombe à l’assureur de poser des questions précises et non équivoques. Il n’y a pas de réticence si l’assureur a posé une question ambiguë et que la réponse apparaît véridique selon la manière dont le preneur pouvait de bonne foi comprendre la question (ATF 136 III 334 consid. 2.3 p. 337).

 

En l’espèce, la cour cantonale retient à tort que la question n° 2 soumise à la preneuse d’assurance était précise et non équivoque ; cette question était au contraire floue et évasive (arrêt 4A_134/2013 du 11 septembre 2013, consid. 4.2.2, concernant une question semblable). Néanmoins, la preneuse d’assurance ne pouvait pas de bonne foi répondre « non ». Précisément à l’époque où elle répondait, soit au mois de février 2016, elle consultait un médecin spécialiste en gastroentérologie par suite de symptômes qui avaient débuté au mois de juillet précédent et qui avaient persisté. Par le fait même que ces symptômes déterminaient la preneuse d’assurance à consulter un spécialiste, ils étaient indéniablement une « atteinte à la santé » ou un « trouble » visé par la question, et la preneuse d’assurance devait s’en rendre compte à l’instar de toute personne normalement capable de discernement. Il est à cet égard sans importance que les investigations du spécialiste n’aient finalement mis en évidence aucune « maladie » selon le texte de la question. Il n’est pas non plus contestable que la survenance de symptômes pareillement alarmants et persistants fût, aux termes de l’art. 4 al. 1 LCA, un fait important pour l’appréciation du risque à assurer.

En instance fédérale, il n’est plus mis en doute que la compagnie d’assurance ait observé le délai de quatre semaines prévu par l’art. 6 al. 2 LCA. Cette partie a donc valablement résilié le contrat d’assurance sur la base de l’art. 6 al. 1 LCA.

 

Le TF rejette – sur le point de la réticence – le recours de la preneuse d’assurance.

 

 

Arrêt 4A_94/2019 consultable ici

 

 

4A_273/2018 (f) du 11.06.2019 – Prétention frauduleuse – 40 LCA / Surveillance de l’assuré par un détective privé non soumise à une nouvelle évaluation médicale acceptée

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2018 (f) du 11.06.2019

 

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Prétention frauduleuse / 40 LCA

Surveillance de l’assuré par un détective privé (licite) non soumise à une nouvelle évaluation médicale acceptée

 

Assuré, président des gérants d’une Sàrl, avec signature individuelle, avec un salaire, en 2015, de 156’000 fr. Le fils de l’assuré détient les parts sociales de la Sàrl depuis juin 2012.

Le 14.09.2015, l’assuré s’est plaint de dysphonie avec quelques périodes d’aphonie de courte durée dans le cadre d’un tabagisme chronique. Une laryngite subaiguë a été diagnostiquée. Le 03.11.2015, il a subi une laryngoscopie, une bronchoscopie et une œsophagoscopie sous anesthésie totale. La laryngoscopie indirecte a montré une laryngite chronique avec des zones leucoplasiques. Cette opération a été suivie d’une période de repos vocal. Le spécialiste FMH en ORL et chirurgie cervico-faciale a attesté d’une incapacité de travail totale du 14.09.2015 au 29.11.2015.

L’assuré a consulté également son médecin généraliste à sept reprises, entre le 14.09.2015 et le 26.02.2016. Ce praticien a également établi des certificats médicaux d’incapacité de travail pour la période du 14.09.2015 au 31.03.2016. En date du 15.04.2016, l’assuré a également vu un psychiatre, Dr N.__, lequel a diagnostiqué un épisode dépressif moyen.

L’assuré a annoncé la survenance de son cas de maladie par déclaration datée du 18.11.2015 et reçue par l’assureur le 26.11.2015. Lors de l’entretien téléphonique du 30.11.2015, l’interlocuteur de l’assuré auprès de l’assureur a relevé que l’assuré semblait en pleine forme « au téléphone en tout cas » et qu’il ne semblait souffrir d’aucun problème d’élocution. Lors d’un second entretien téléphonique en date du 21.01.2016, l’assuré a fait savoir que, depuis septembre 2015, il n’avait plus travaillé bien qu’il fût directeur et n’eût pas à se déplacer sur les chantiers ; parfois, sa gorge se coinçait et il ne pouvait plus parler. Le gestionnaire de sinistre qui s’entretenait avec lui a fait remarquer qu’il s’exprimait parfaitement bien, ce à quoi l’assuré a rétorqué qu’il n’était pas médecin.

A la suite de ces contacts, l’assureur a mandaté un détective privé afin de surveiller l’assuré. Cette mesure est intervenue pendant six jours, entre le 01.02.2016 et le 25.02.2016. En résumé, il apparaît que l’assuré s’est rendu à l’entreprise le matin et l’après-midi – son heure d’arrivée au bureau se situant entre 08h30 et 10h45 le matin -, qu’il y a retrouvé des personnes et notamment consulté des plans et qu’il s’est rendu sur des chantiers ainsi que chez des fournisseurs. A de nombreuses reprises, il a été vu en train de téléphoner.

Le 09.03.2016, un inspecteur de sinistres de l’assureur s’est entretenu avec l’assuré. Ce dernier a refusé que cet entretien soit enregistré. Selon le procès-verbal dressé par l’assureur que l’assuré a refusé de signer, l’assuré avait initialement conçu des craintes quant à la découverte d’une tumeur et malgré la biopsie qui s’était révélée négative, il n’avait pas été en mesure de se calmer et sa tension était restée très élevée; il a par ailleurs décrit ses activités quotidiennes en déclarant qu’il restait à la maison et regardait la télévision; il ne se rendait pas à son travail et ne s’occupait plus du tout des affaires de la société; avant son arrêt de travail, ses activités au sein de l’entreprise consistaient principalement à chercher des chantiers, contacter des clients et diriger les employés. Confronté aux résultats de la surveillance, l’assuré a reconnu avoir un peu menti, s’être rendu à son bureau pour voir les employés, les fournisseurs et les clients afin d’aider son fils qui avait beaucoup de travail ; finalement, il a expliqué qu’au bureau, il ne savait rien faire et qu’il s’y était rendu sans rien y faire, sinon donner un coup de main à son fils. A l’issue de cet entretien, l’assureur a avisé l’assuré qu’il entendait faire application de l’art. 40 LCA.

Par courrier du 29.03.2016, l’assureur a refusé d’entrer en matière sur le sinistre annoncé et a résilié immédiatement la police d’assurance en cause sur la base de la disposition légale précitée.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a donné raison à l’assureur en distinguant deux périodes. Certes, l’assuré avait été empêché de travailler du 14.09.2015 au 29.11.2015, ensuite d’une aphonie et d’une laryngite subaiguë ayant nécessité une opération suivie d’une période de repos vocal. Tel n’avait toutefois plus été le cas ultérieurement, contrairement à ce que l’assuré avait déclaré en particulier lors de l’entrevue du 09.03.2016 avec l’assureur et à ce que le médecin généraliste avait indiqué. Les certificats médicaux établis par ce dernier n’étaient pas suffisamment convaincants, d’autant qu’aucun autre praticien – et en particulier aucun psychiatre – n’avait confirmé la rémanence d’une incapacité de travail dont le motif serait lié à des causes essentiellement psychiques. Enfin, le diagnostic du médecin généraliste était contredit par les activités et l’attitude générale visibles sur les vidéos établies lors de la surveillance et dans le rapport d’activité du détective privé mandaté par l’assureur ; l’assuré y apparaissait actif, vif, souriant, attentif, sans fatigue apparente, se déplaçant fréquemment, y compris sur les chantiers, souvent au téléphone et en discussion avec des tiers, parfois avec des plans en mains, ceci à plusieurs moments différents de la journée. Même si l’assuré eût été fondé à réclamer des indemnités journalières pour la première période, le fait de les avoir sollicitées pour la seconde alors qu’il était rétabli autorisait la compagnie d’assurances à se départir du contrat et à refuser ses prestations.

Par arrêt du 29.03.2018, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

En l’espèce, la cour cantonale a jugé qu’une expertise ne permettrait pas d’établir quel était l’état de santé de l’assuré plusieurs années plus tôt, alors que l’incapacité alléguée était essentiellement imputable à des troubles psychiques. Ce faisant, elle a écarté la requête de l’assuré tendant à la mise en œuvre d’une expertise à la suite d’une appréciation anticipée des preuves. Comme l’art. 8 CC ne régit pas cette question, le grief tiré d’une violation de cette disposition tombe à faux.

 

L’autorité cantonale a jugé que la surveillance par le détective privé mandaté par l’assureur était licite, ce que l’assuré ne remet pas en cause. Elle a ensuite rappelé que les résultats de cette surveillance devaient en principe faire l’objet d’une évaluation médicale, tout en estimant que cette exigence était superflue dans le cas présent, puisque des certificats médicaux – ceux du médecin généraliste – figuraient déjà au dossier. Elle a poursuivi son raisonnement en expliquant les raisons pour lesquelles elle tenait ces certificats médicaux pour insuffisamment probants et en a conclu que l’assuré avait affirmé fallacieusement qu’après le 29.11.2015. Les motifs invoqués à cet égard dans l’arrêt cantonal sont multiples: tout d’abord, le médecin généraliste n’avait préconisé aucun arrêt de travail après la consultation du 14.09.2015; c’est uniquement le 17.11.2015 qu’il avait attesté, avec effet rétroactif, d’une incapacité de travail ayant débuté plus de deux mois auparavant et d’une durée indéterminée; la nature de la maladie n’avait pas été précisée initialement; c’est le 02.02.2016 seulement qu’il l’avait décrite en ces termes: « épuisement psycho-physique, début de dépression, décompensation, crise d’hyperglycémie, respiratoire, (détresse) « ; le médecin généraliste n’était pas psychiatre mais généraliste; aucune thérapie ciblée n’avait été mise en œuvre (mis à part la prescription de Cipralex, Temesta, Glivazide 30 Voscort 40/5/12.5); le praticien avait constaté une incapacité de travail de 80% dès le 01.02.2016, alors qu’il n’avait pas revu son patient entre le 26.12.2015 et le 26.02.2016; aucun certificat médical attestant de l’incapacité de travail alléguée pour mars 2016 n’avait été produit, hormis le courrier du médecin généraliste du 17.01.2018 adressé au mandataire de l’assuré après l’introduction de la demande, faisant état d’une dépression qualifiée désormais de majeure; au surplus, le médecin prénommé certifiait dans ledit courrier que l’assuré avait consulté le Dr N.__, psychiatre, à plusieurs reprises en urgence, puis en suivi régulier et qu’il continuait à se rendre chez celui-ci, alors qu’auditionné à ce sujet, l’assuré avait tout d’abord déclaré ne pas connaître le Dr N.__, avant de préciser qu’il n’avait pu le consulter qu’une seule fois; or, cette unique consultation était intervenue le 15.04.2016, soit postérieurement à la fin de l’incapacité de travail alléguée.

 

En droit des assurances sociales, la jurisprudence a dégagé le principe selon lequel un rapport de surveillance ne constitue pas, à lui seul, un fondement sûr pour constater les faits relatifs à l’état de santé ou la capacité de travail de la personne assurée. Il peut tout au plus fournir des points de repère ou entraîner certaines présomptions. Seule l’évaluation par un médecin du matériel d’observation peut apporter une connaissance certaine des faits pertinents (ATF 137 I 327 consid. 7.1 p. 337; arrêts 8C_779/2012 du 25 juin 2013 consid. 2.3; 8C_434/2011 du 8 décembre 2011 consid. 4.2). Cette exigence d’une appréciation médicale sur le résultat de l’observation permet d’éviter une évaluation superficielle et hâtive de la documentation fournie par le détective privé (arrêt 8C_779/2012 précité consid. 2.3; MARGIT MOSER-SZELESS, La surveillance comme moyen de preuve en assurance sociale, in RSAS 57/2013 p. 129 ss, plus spécialement p. 152). L’évaluation du médecin est faite sur la base du résultat des mesures de surveillance, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner dans tous les cas une expertise médicale. En effet, il appartient à l’assureur social ou au juge d’apprécier la portée du produit d’une surveillance en fonction du principe de la libre appréciation des preuves (arrêt 8C_779/2012 précité consid. 2.3; MOSER-SZELESS, op. cit., p. 153). Dans un arrêt récent, tout en se référant à l’ATF 137 I 327, le Tribunal fédéral a encore souligné que le matériel d’observation ne constituait en principe pas une base suffisante pour mettre fin définitivement à des prestations; il faut au surplus une évaluation médicale de l’état de santé et une appréciation de la capacité de travail (cf. arrêt 9C_483/2018 du 21 novembre 2018 consid. 4.1.2).

Si l’on s’en tient rigoureusement à ce principe, les résultats de la surveillance dont l’assuré a fait l’objet, du 01.02.2016 au 25.02.2016, auraient dû être soumis à un médecin. La tâche de celui-ci eût été d’évaluer si les activités de l’assuré, visibles sur les prises de vue ou rapportées par le détective privé, étaient cohérentes par rapport au degré d’incapacité de travail allégué. Pour ce faire, faute pour lui d’avoir reçu l’assuré en consultation à l’époque des faits, il n’aurait eu d’autre choix que de se fonder sur les documents médicaux remontant à la période litigieuse. En l’occurrence, il s’agirait exclusivement des certificats médicaux établis par le médecin généraliste. Or, celui-ci a posé un diagnostic à ce point vague qu’il n’est pas possible d’en tirer des déductions concrètes, s’agissant des activités que l’assuré pouvait ou non déployer. Il décrit en effet la maladie prétendue en ces termes: « épuisement psycho-physique, début de dépression, décompensation, crise d’hyperglycémie, respiratoire (détresse) « . On peut en déduire à peu près tout et n’importe quoi. Dans ces conditions, on ne voit guère comment un médecin aurait pu a posteriori apprécier, sur la base des prises de vue et du rapport du détective privé, si l’assuré avait franchi ou non les limitations qu’une telle affection lui imposait censément.

Certes, on pourrait argumenter que l’assureur aurait dû mandater un médecin afin de procéder à cette évaluation à l’époque des faits, soit en mars 2016. Ledit médecin aurait, le cas échéant, pu recevoir l’assuré en consultation pour établir lui-même un diagnostic. En principe, l’état de santé d’une personne n’évolue pas si vite qu’il ne subsiste pas le temps nécessaire pour procéder à une telle démarche. L’assuré fait toutefois exception à la règle puisque, de son propre aveu, il était totalement rétabli à la fin mars 2016. Dans ces conditions, on ne saurait exiger davantage de l’assureur. Ce d’autant que l’assuré s’est dispensé, à l’époque, de fournir un certificat médical attestant son incapacité de travail pour le mois en question. Il a attendu près de deux ans, soit le 17.01.2018, pour produire un document émanant du même médecin généraliste, dont il ressort qu’il aurait été incapable de travailler à 80% jusqu’au 15.03.2016, puis à 50% jusqu’au 31.03.2016. Dans le présent contexte, un tel procédé ne va pas de soi.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que la cour cantonale a apprécié les preuves à disposition en les confrontant les unes aux autres, sans soumettre les résultats de la surveillance à une nouvelle évaluation médicale. Ce grief de l’assuré est également mal fondé.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 4A_273/2018 consultable ici

 

 

4A_152/2017 (f) du 02.11.2017 – Interprétation des termes figurant dans des conditions générales (CGA) – 18 CO – 33 LCA / Pas d’application de la règle « in dubio contra assicuratorem », la clause litigieuse étant dépourvue d’ambiguïté

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_152/2017 (f) du 02.11.2017

 

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Interprétation des termes figurant dans des conditions générales (CGA) / 18 CO – 33 LCA

Pas d’application de la règle « in dubio contra assicuratorem » (clause litigieuse dépourvue d’ambiguïté)

 

En 2005, A.__, ingénieur civil de formation, a commencé à développer des activités immobilières par le biais de X.__ SA (ci-après: X.__), dont il a été l’administrateur unique jusqu’au 25 juin 2010. Selon les déclarations de A.__, cette société exerce une activité de direction des travaux dans le cadre de la construction de maisons ou de travaux de rénovation; elle s’occupe de la coordination et de la surveillance des travaux qu’elle fait intégralement exécuter par des sous-traitants, dans la mesure où elle n’emploie elle-même aucun ouvrier.

A.__ s’est adressé à Z.__ SA (ci-après: Z.__ ou l’assureur) afin d’être couvert pour ces activités.

Le 30.11.2005, le contrat d’assurance responsabilité civile professionnelle a été conclu avec Z.__. Le preneur d’assurance est « X.__ et A.__ SA». A.__ a déclaré ne pas avoir lu les CGA à l’époque de la conclusion du contrat.

Au début 2008, X.__ – sous la dénomination « X.__ SA Entreprise générale » – s’est engagée à édifier les habitations décrites dans une autorisation de construire délivrée en août 2007, en concluant des contrats de construction avec chacun des acquéreurs d’une promotion immobilière de neuf habitations contiguës. Elle a confié les travaux d’étanchéité de ce chantier à l’entreprise M.__. Dès 2010, en raison d’une mauvaise exécution de son travail par cette entreprise, des infiltrations d’eau, des taches d’humidité et de la moisissure sont progressivement apparues dans toutes les maisons. Après s’être adressée à M.__ – laquelle a minimisé le problème -, X.__ s’est tournée vers la société N.__ SA, qui a procédé aux travaux de réfection. Elle a ensuite tenté de faire intervenir l’assureur responsabilité civile de M.__, en vain, puisque l’assurance en cause était alors suspendue en raison du défaut de paiement des primes. La faillite de M.__ a été prononcée le 04.09.2007.

En juillet 2012, A.__ a rempli une déclaration de sinistre auprès de Z.__, en indiquant la référence d’une police établie en janvier 2008 en vue de la promotion immobilière précitée, laquelle regroupait à la fois une assurance travaux de construction et une assurance responsabilité civile du maître de l’ouvrage. L’assureur a refusé toute prise en charge, car, d’une part, les dégâts d’eau avaient pour origine des malfaçons dans l’exécution de la toiture par l’entreprise chargée de ces travaux, sans qu’aucun accident de construction n’apparaisse et, d’autre part, la police précitée avait pris fin le 02.07.2009.

En juillet 2013, X.__ a invité Z.__ à examiner la prise en charge du sinistre sur la base de la police d’assurance responsabilité civile du 30.11.2005. L’assureur n’est pas entré en matière, dès lors que le responsable du sinistre était l’exécutant, et non le preneur d’assurance. X.__ est revenue à la charge, en se référant notamment à l’extension de l’assurance responsabilité civile. En février 2014, Z.__ a maintenu son refus de couvrir le sinistre, au motif que la responsabilité de X.__ n’était pas engagée au titre de direction des travaux.

 

Procédures cantonales

X.__ a saisi le Tribunal de première instance d’une requête de conciliation puis, devant l’échec de celle-ci, d’une demande tendant à ce que Z.__ soit condamnée à lui payer la somme de 108’179 fr.80 avec intérêts. Le tribunal a débouté X.__ de ses conclusions.

Statuant sur appel de X.__, la Chambre civile de la Cour de justice a confirmé le jugement de première instance. En substance, elle a considéré que les CGA excluaient la couverture des activités de l’architecte ou de l’ingénieur liées à la direction des travaux dans les cas où il intervenait en qualité d’entrepreneur général ou total. Dans la mesure où il ne ressortait pas de la procédure que le défaut d’étanchéité serait imputable aux travaux de planification – seule activité couverte par la police d’assurance dans ce cas de figure -, le sinistre n’était pas couvert (jugement du 10.02.2017).

 

TF

Selon la jurisprudence, les dispositions d’un contrat d’assurance, de même que les conditions générales qui y ont été expressément incorporées, doivent être interprétées selon les principes qui gouvernent l’interprétation des contrats (ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 412).

En présence d’un litige sur l’interprétation d’une clause contractuelle, le juge doit tout d’abord s’efforcer de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s’arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté – écrites ou orales -, mais aussi le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu’il s’agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat, des projets de contrat, de la correspondance échangée ou encore de l’attitude des parties après la conclusion du contrat, établissant quelles étaient à l’époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 140 III 86 consid. 4.1; 125 III 263 consid. 4c; 118 II 365 consid. 1; arrêts 4A_200/2015 du 3 septembre 2015 consid. 4.1.1; 4A_65/2012 du 21 mai 2012 consid. 10.2). La recherche de la volonté réelle des parties est qualifiée d’interprétation subjective (ATF 131 III 606 consid. 4.1 p. 611; 125 III 305 consid. 2b p. 308). Déterminer ce qu’un cocontractant savait et voulait au moment de conclure relève des constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral conformément à l’art. 105 LTF (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; 131 III 606 consid. 4.1 p. 611; 128 III 419 consid. 2.2 p. 422).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties – parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes – ou s’il constate qu’une partie n’a pas compris la volonté exprimée par l’autre à l’époque de la conclusion du contrat (ATF 131 III 280 consid. 3.1 p. 286) – ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu’elle l’affirme en procédure, mais doit résulter de l’administration des preuves (arrêts 5C.252/2004 du 30 mai 2005 consid. 4.3; 4A_210/2015 du 2 octobre 2015 consid. 6.2.1) -, il doit recourir à l’interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d’après les règles de la bonne foi, chacune d’elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l’autre (application du principe de la confiance; ATF 135 III 140 consid. 3.2; 133 III 61 consid. 2.2.1; 132 III 268 consid. 2.3.2 p. 274/275, 626 consid. 3.1 p. 632). Ce principe permet d’imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 130 III 417 consid. 3.2 p. 424 et les arrêts cités).

A cet égard, le juge part en premier lieu de la lettre du contrat. En principe, les expressions et termes choisis par les cocontractants doivent être compris dans leur sens objectif (ATF 131 III 606 consid. 4.2 p. 611). Toutefois, il ressort de l’art. 18 al. 1 CO que le sens d’un texte, même clair, n’est pas forcément déterminant. Même si la teneur d’une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut résulter d’autres circonstances que le texte de la clause litigieuse ne restitue pas exactement le sens de l’accord conclu (ATF 136 III 86 consid. 3.2.1 p. 188). Ainsi, cette interprétation s’effectue non seulement d’après le texte et le contexte des déclarations, mais également sur le vu des circonstances qui les ont précédées et accompagnées (ATF 135 III 295 consid. 5.2 p. 302; 132 III 626 consid. 3.1. in fine; 131 III 377 consid. 4.2.1), à l’exclusion des circonstances postérieures (ATF 135 III 295 consid. 5.2 p. 302; 133 III 61 consid. 2.2.1 p. 67; 132 III 626 consid. 3.1). Cela étant, il n’y a pas lieu de s’écarter du sens littéral du texte adopté par les cocontractants lorsqu’il n’existe aucune raison sérieuse de penser qu’il ne correspond pas à leur volonté (ATF 136 III 186 consid. 3.2.1). L’application du principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral peut examiner d’office (art. 106 al. 1 LTF); cependant, pour trancher cette question, il doit se fonder sur le contenu des manifestations de volonté et sur les circonstances, dont la constatation relève du fait (ATF 135 III 410 consid. 3.2).

Lorsqu’il présente des conditions générales au moment de conclure, l’assureur manifeste la volonté de s’engager selon la teneur de ces conditions. Si une volonté réelle et commune des parties contractantes n’a pas été constatée, comme c’est le cas en l’espèce, il convient de vérifier comment les destinataires de ces déclarations de volonté pouvaient les comprendre de bonne foi, en recourant à l’interprétation objective des termes figurant dans les conditions générales (ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 413 et l’arrêt cité).

Si l’interprétation selon le principe de la confiance ne permet pas de dégager le sens de clauses ambiguës, celles-ci sont à interpréter contre l’assureur qui les a rédigées, en vertu de la règle « in dubio contra assicuratorem » (ATF 133 III 61 consid. 2.2.2.3 p. 69; 126 V 499 consid. 3b; 124 III 155 consid. 1b p. 158; 122 III 118 consid. 2a p. 121; 119 II 368 consid. 4b p. 373). L’art. 33 LCA, en tant qu’il prévoit que les clauses d’exclusion sont opposables à l’assuré uniquement si elles sont rédigées de façon précise et non équivoque, en est une concrétisation (ATF 115 II 264 consid. 5a p. 269; arrêt 5C.134/2002 du 17 septembre 2002 consid. 3.1). Ainsi, quand l’assureur entend apporter des restrictions ou des exceptions, il lui appartient de le dire clairement (ATF 133 III 675 consid. 3.3 p. 682). Conformément au principe de la confiance, c’est à l’assureur qu’il incombe de délimiter la portée de l’engagement qu’il entend prendre et le preneur n’a pas à supposer des restrictions qui ne lui ont pas été clairement présentées (ATF 133 III 675 consid. 3.3 p. 682; sous une forme résumée: ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 413). Pour que cette règle trouve à s’appliquer, il ne suffit pas que les parties soient en litige sur la signification à donner à une déclaration; encore faut-il que celle-ci puisse de bonne foi être comprise de différentes façons (« zweideutig ») et qu’il soit impossible de lever autrement le doute créé, faute d’autres moyens d’interprétation (ATF 122 III 118 consid. 2d; 118 II 342 consid. 1a p. 344; 100 II 144 consid. 4c p. 153).

Par ailleurs, la validité des conditions générales préformulées est limitée par la règle de la clause insolite. Sont ainsi soustraites de l’adhésion censée donnée globalement à des conditions générales toutes les clauses insolites sur lesquelles l’attention de la partie la plus faible ou la moins expérimentée en affaires n’a pas été spécialement attirée. Le rédacteur de conditions générales doit partir de l’idée, en vertu du principe de la confiance, qu’un partenaire contractuel inexpérimenté n’accepte pas des clauses insolites. Le caractère insolite d’une clause se détermine d’après la perception de celui qui l’accepte au moment de la conclusion du contrat. La règle dite de l’insolite ne trouve application que si, hormis la condition subjective du défaut d’expérience du domaine concerné, la clause a objectivement un contenu qui déroge à la nature de l’affaire. C’est le cas si la clause conduit à un changement essentiel du caractère du contrat ou si elle s’écarte de manière importante du cadre légal du type de contrat concerné. Plus une clause porte préjudice à la position juridique du partenaire contractuel, plus elle sera susceptible d’être qualifiée d’insolite (ATF 138 III 411 consid. 3.1 p. 412 s.; 135 III 1 consid. 2.1 p. 7, 225 consid. 1.3 p. 227 s.). En particulier, la règle de la clause insolite peut trouver application lorsque la clause a pour effet de réduire drastiquement la couverture d’assurance de telle sorte que les risques les plus fréquents ne sont plus couverts, lorsque le sens et la portée d’une disposition sont travestis par une formulation compliquée ou lorsque, par son emplacement dans les conditions générales, elle apparaît surprenante et inattendue à l’assuré (cf. arrêt 5C.53/2002 du 6 juin 2002 consid. 3.1; CHRISTOPH BÜRGI, Allgemeine Versicherungsbedingungen im Lichte der neuesten Entwicklung auf dem Gebiet der Allgemeinen Geschäftsbedingungen, 1985, p. 162).

 

En l’espèce, X.__ soutient qu’ayant exposé à l’assureur sa volonté de faire assurer son activité d’entreprise générale, en tant que notamment directrice des travaux, responsable de la planification, de la coordination et de la surveillance de ceux-ci, elle pouvait légitimement partir de l’idée, selon le principe de la confiance, que l’ensemble de ces activités serait couvert par la police d’assurance responsabilité civile. Ce raisonnement ne convainc pas à cet égard. Si telle était la volonté qu’elle a exprimée, encore aurait-il fallu – pour que celle-ci soit commune – que l’assureur manifeste une volonté concordante.

L’assureur avait, en présentant les CGA, manifesté sa volonté de s’engager selon les termes de ces conditions générales, lesquelles prévoient une limitation de la couverture d’assurance aux dommages et défauts aux ouvrages imputables à des activités liées à la planification des travaux – à l’exclusion de celles liées à la direction des travaux – lorsque l’assuré intervient comme entrepreneur général ou entrepreneur total (article 1 let. b ch. 7 CGA).

La réelle et commune intention des parties n’étant ainsi pas établie, c’est à juste titre que la cour cantonale a eu recours à l’interprétation objective.

 

Selon le tribunal cantonal, l’article 1 let. b ch. 7 CGA déroge à l’article 3 CGA en ce sens que si, selon cette dernière disposition, l’assurance s’étend aux ouvrages réalisés sur la base des travaux de planification de l’assuré ou sous sa direction, la première disposition citée restreint la couverture d’assurance aux dommages imputables aux travaux de planification de l’assuré, dans le cas où celui-ci intervient en qualité d’entrepreneur général ou d’entrepreneur total. Cette exclusion ressort explicitement et de manière non équivoque de la disposition querellée, à telle enseigne que X.__ SA ne pouvait pas comprendre que les activités de direction des travaux qu’elle était amenée à déployer en qualité d’entrepreneur général seraient couvertes.

L’article 1 let. b ch. 7 CGA ne pouvait être compris d’une autre manière que celle retenue par l’autorité cantonale. Cet article n’a rien d’ambigu. Il n’est pas non plus contradictoire par rapport à l’article 3 CGA, auquel il fait expressément référence: il lui déroge dans un cas bien précis, celui où l’assuré intervient en tant qu’entrepreneur général ou total. Quant à la notion d’entrepreneur général, X.__ SA ne saurait de bonne foi prétendre méconnaître cette notion puisqu’elle déploie ses activités dans le domaine de la construction de maisons ou des travaux de rénovation et qu’elle est même désignée comme telle ( «X.__ SA Entreprise générale ») dans les contrats de construction qu’elle a conclus avec les acquéreurs de la promotion immobilière. Comme la clause litigieuse est dépourvue d’ambiguïté, il n’y a pas lieu d’appliquer la règle complémentaire d’interprétation « in dubio contra assicuratorem ».

 

On doit concéder que les deux clauses auraient pu être regroupées sous une seule et même disposition, pour en faciliter la compréhension. Le fait que la disposition dérogatoire précède celle à laquelle elle déroge ne concourt pas non plus à cet objectif. Si la clause ne s’avère pas insolite pour autant, il y aurait encore lieu d’examiner si elle a pour effet de réduire drastiquement la couverture d’assurance, de telle sorte que les risques les plus fréquents ne seraient plus couverts. Cet examen se révèle toutefois superflu. En effet, X.__ SA ne saurait être qualifiée de partenaire contractuel inexpérimenté, qu’il s’agirait de rendre attentive à toute clause insolite. Si elle avait lu les CGA, elle n’aurait certainement pas manqué de déceler la restriction litigieuse.

Au surplus, il convient de préciser que l’art. 8 LCD (RS 241), relatif à l’utilisation de conditions commerciales abusives, ne peut s’appliquer en l’espèce dès lors que X.__ SA ne rentre pas dans le cercle des consommateurs (cf. KRAMER/PROBST/PERRIG, Schweizerisches Recht der Allgemeinen Geschäftsbedingungen, 2016, n° 515 p. 325 s.; TERCIER/PICHONNAZ, Le droit des obligations, 5 e éd. 2012, n° 886 p. 196 s.).

Il s’ensuit que la cour cantonale n’a enfreint ni l’art. 18 al. 1 CO ni l’art. 33 LCA en interprétant la clause querellée.

 

Le TF rejette le recours de X.__ SA.

 

 

Arrêt 4A_152/2017 consultable ici

 

 

Révision de la LCA : Une révision équilibrée / Qu’est-ce qui change avec la LCA révisée ? / Synopsis de la révision partielle LCA avec modifications

Révision de la LCA – Une révision équilibrée

 

Article de Franziska Streich du 29.06.2020, site de l’ASA : consultable ici

LCA modifiée publiée à la FF 2020 5495

 

Le 19.06.2020, le Parlement a approuvé la révision partielle de la loi sur le contrat d’assurance adaptant ainsi cette dernière à notre monde moderne.

Et la crise du coronavirus est arrivée. Du fait du confinement, la votation finale relative à l’approbation de la révision partielle de la loi fédérale sur le contrat d’assurance LCA a dû être repoussée, elle était initialement prévue le 19.03.2020.

Le projet d’adapter cette loi de 1908 aux nouvelles exigences de notre monde moderne est lancé il y a près de 20 ans. La loi fédérale sur le contrat d’assurance LCA est l’une des lois essentielles à la bonne marche du secteur de l’assurance. Elle régit les relations contractuelles entre le client et l’assureur dans le domaine des assurances privées. Une première révision partielle en 2006/2007 a permis d’apporter des réponses aux requêtes les plus urgentes en matière de protection des consommateurs. Il s’agit notamment du devoir d’information de l’assureur – ce dernier doit renseigner l’assuré sur les principaux éléments constitutifs du contrat – ainsi que d’une atténuation des conséquences pour l’assuré en cas de réticence de sa part. Le Conseil fédéral a ensuite voulu renouveler la loi en procédant à une révision totale. Or, le Parlement rejette cette proposition en 2013. Il se contente de mandater le Conseil fédéral d’élaborer une révision partielle allégée. Celle-ci doit se limiter aux points les plus importants. Le Conseil fédéral lance la procédure de consultation trois années plus tard, en 2016. Le projet prévoit des adaptations de près des trois quarts des dispositions de la LCA et ressemble donc plus à une révision totale qu’à une révision partielle.

En 2017, le Conseil fédéral présente le message relatif à la révision partielle. Le projet s’appuie sur les remarques et les requêtes formulées lors du renvoi de la révision totale en mars 2013. Il prévoit des adaptations pertinentes. Sur la forme, l’articulation de la loi est plus claire. La révision partielle se retrouve néanmoins sous le feu des critiques. Le débat public occulte le caractère indiscutable de différentes améliorations de la couverture d’assurance. Il s’agit notamment d’un droit de résiliation, lequel met un terme aux « contrats léonins », ou de la suppression de l’approbation tacite, pénalisante pour le preneur d’assurance.

Le Conseil national traite cet objet en qualité de première chambre en mai 2019 lors d’une session extraordinaire. Il reprend de larges pans de la proposition du Conseil fédéral. Mais il procède aussi à diverses modifications réclamées par les associations de consommateurs. Dans les médias, la discussion porte surtout sur l’article 35 qui prévoit un droit de résiliation en cas d’adaptations des conditions d’assurance. Les opposants craignent que ce nouvel article de loi ne permette des adaptations contractuelles qui ne sont actuellement pas autorisées selon le droit en vigueur. Le Conseil national biffe alors l’article, le droit en vigueur est donc maintenu. En septembre 2019, le Conseil des États suit l’essentiel des travaux préparatoires de la première chambre et introduit quelques différences importantes. Parmi les points controversés entre les deux chambres, il y a notamment la question des sanctions en cas de réticence ou celle de la prolongation de la couverture en assurance-maladie complémentaire. Le Parlement nouvellement élu supprime ces deux points rejetés par l’ASA lors de la procédure d’élimination des divergences. Il conserve cependant deux nouvelles dispositions relevant du domaine de la responsabilité civile que l’association sectorielle aurait souhaité voir disparaître : restriction de l’exception en assurance responsabilité civile et droit général d’action directe en assurance de la responsabilité civile. Le Conseil des États et le Conseil national ont éliminé les dernières différences lors de la session de printemps, juste avant qu’elle ne soit suspendue. Ils sont ainsi parvenus à une loi équilibrée et adaptée à notre monde contemporain.

Lors de la votation finale de la session d’été le 19.06.2020, le Parlement approuve finalement la révision partielle de la LCA. Elle comporte des nouveautés importantes :

  • Introduction d’un droit de révocation : les clients disposent d’un délai de réflexion de quatorze jours pour dénoncer leur contrat.
  • Droit de résiliation ordinaire : les assurés peuvent également mettre un terme aux contrats longue durée à la fin de la troisième année d’assurance. Cela marque la suppression des contrats dits « léonins ».
  • Renonciation de l’assureur-maladie au droit de résiliation. Seuls les assurés disposent du droit ordinaire de résiliation et du droit de résiliation en cas de sinistre.
  • Prolongation du délai de prescription (cinq ans désormais) : les prétentions découlant de contrats d’assurance se prescrivent désormais par cinq ans après le sinistre.
  • Suppression de l’approbation tacite : en vertu de celle-ci, une police est considérée comme acceptée par le client si ce dernier ne signale pas dans les quatre semaines suivant la réception de la police que sa teneur ne concorde pas avec ce qui a été convenu.
  • Numérisation : la LCA pose les fondements légaux du commerce électronique.

 

 

Qu’est-ce qui change avec la LCA révisée ?

Article du site de l’ASA, consultable ici

 

La révision partielle de la loi sur le contrat d’assurance LCA a été approuvée le 19 juin 2020 par le Parlement lors de la votation finale. La loi est ainsi adaptée au contexte actuel. Elle renforce les droits des assurés en de nombreux points et permet des relations contractuelles adaptées aux potentialités offertes par le numérique. Revue des nouvelles dispositions :

  1. Introduction d’un droit de révocation de 14 jours pour les preneurs d’assurance

Les assurés disposent d’un délai de réflexion de quatorze jours pour dénoncer leur contrat.

Ce que cela signifie dans la pratique…

Une personne assurée souscrit une assurance automobile. Quelques jours plus tard, elle change d’avis. Elle peut dénoncer le contrat sans engagement.

 

  1. Droit de résiliation ordinaire après trois ans pour les deux parties au contrat

Les assurés peuvent également mettre un terme aux contrats longue durée à la fin de la troisième année d’assurance. Les « contrats léonins » sont ainsi supprimés.

Ce que cela signifie dans la pratique…

Un assuré conclut un contrat pour cinq ans. Après trois ans, il peut quand même dénoncer le contrat. Il n’a pas besoin d’attendre la fin de la durée de cinq ans convenue contractuellement.

 

  1. Renonciation de l’assureur-maladie au droit de résiliation

Seuls les assurés disposent de ce nouveau droit ordinaire de résiliation et du droit de résiliation en cas de sinistre. Cette disposition reflète la pratique actuelle des compagnies d’assurances.

Ce que cela signifie dans la pratique…

L’assureur en maladie complémentaire n’a pas le droit de dénoncer le contrat après un cas donnant droit au versement de prestations.

 

  1. Prolongation du délai de prescription de deux à cinq ans

Les prétentions découlant de contrats d’assurance se prescrivent désormais par cinq ans après le sinistre, au lieu de deux ans jusqu’ici.

Ce que cela signifie dans la pratique…

L’assuré peut élever des prétentions en assurance jusqu’à cinq ans après la survenance de l’événement fondant le droit aux prestations (bris de vitre par exemple).

 

  1. Compatibilité de la LCA avec le commerce électronique

L’e-commerce est possible tout au long de la chaîne de création de valeur. Les résiliations aussi peuvent donc être signifiées sous forme de texte (par exemple par courriel).

Ce que cela signifie dans la pratique…

Désormais, outre la forme manuscrite (signature), une résiliation peut également être signifiée sous forme de texte (par exemple un courriel).

 

  1. Introduction d’un droit d’action directe général à l’encontre de toutes les assurances de responsabilité civile

Un lésé peut ainsi élever ses prétentions directement auprès de l’assurance du responsable du dommage, même si ce n’est pas lui qui a conclu le contrat avec l’assurance, mais la personne dont la responsabilité est engagée.

Ce que cela signifie dans la pratique…

Le lésé peut demander réparation directement à l’assureur responsabilité civile de la personne responsable du dommage. L’assuré brise la vitre de son voisin avec un ballon de football ; le voisin peut élever ses prétentions en dommages-intérêts directement à l’encontre de l’assurance.

 

 

Loi sur le contrat d’assurance LCA avec modifications du 19.06.2020

L’ensemble des adaptations contenues dans cette révision de loi peuvent être consultées dans le synopsis à télécharger.

 

 

 

 

4A_328/2018 (f) du 27.08.2019 – IJ maladie LCA et notion de « maladie » / Rappel des notions de causalité naturelle, symptômes de pont et rechute, propres à l’assurance sociale / Caractère post-traumatique d’une arthrose de la cheville 45 ans après un accident et références de la littérature scientifique idoine

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_328/2018 (f) du 27.08.2019

 

Consultable ici

 

IJ maladie LCA et notion de « maladie »

Rappel des notions de causalité naturelle, symptômes de pont et rechute, propres à l’assurance sociale

Caractère post-traumatique d’une arthrose de la cheville 45 ans après un accident et références de la littérature scientifique idoine

 

En 2006, l’assuré a conclu auprès d’une société d’assurances une assurance contre le risque de perte de gain en cas de maladie, prévoyant le versement d’indemnités journalières correspondant à la totalité du salaire assuré, fixé à 60’000 fr. par an, durant 730 jours, après un délai d’attente de 30 jours. L’article 3 CGA définissait la maladie comme « toute atteinte involontaire à la santé qui requiert un traitement médical et qui n’est pas la conséquence d’un accident ou des suites d’un accident ».

En février 2010, la société d’assurances a sommé l’assuré de payer sa prime 2010. Celui-ci s’est finalement exécuté le 01.09.2010.

Le 06.11.2010, l’assuré a annoncé à la société d’assurances qu’il avait subi, le 29.10.2010, une arthrodèse tibio-astragalienne suite à une arthrose de la cheville droite. Il a joint à son envoi une déclaration de maladie faisant état d’une cessation d’activité au 13.09.2010 et deux certificats médicaux établis par le Dr M1.__, spécialiste FMH en médecine interne et rhumatologie, attestant d’une incapacité de travail totale à compter du 13.09.2010.

Le 30.08.2010, le Dr M2.__, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et en traumatologie de l’appareil locomoteur, rapporte que le 26.08.2010, il a examiné pour la première fois l’assuré qui lui était adressé par son médecin traitant, soit le Dr M1.__. Le patient présentait depuis plusieurs années des douleurs de la cheville droite de type mécanique ; il avait été victime d’une fracture de cette cheville à la suite d’un accident de sport (football), fracture qui avait été traitée conservativement. Le patient marchait avec une canne depuis 2 ans. Depuis quelques mois, les douleurs étaient devenues invalidantes, en particulier en station debout et lors de marches en terrain irrégulier ou à la montée. Le médecin a posé le diagnostic de troubles dégénératifs de la cheville droite d’origine post-traumatique après légère antéposition et varisation du talus et fracture de la cheville à l’âge de 19 ans.

Le 14.12.2010, le Dr M1.__ a adressé un nouveau rapport à la société d’assurances indiquant que la cause des troubles était « maladive et accidentelle», les douleurs à caractère mécanique étant localisées à la cheville droite, depuis plusieurs années, à la suite d’un accident de sport.

Le Dr M2.__ a établi deux certificats de travail attestant d’une incapacité de travail jusqu’au 01.03.2011 ; le premier faisait remonter le départ de l’incapacité au 26.08.2010, le second au 09.09.2010.

Dans le cadre du suivi post-opératoire, le Dr M2.__ a réexaminé le patient le 26.10.2011. Dans son rapport, le chirurgien orthopédiste a indiqué comme diagnostic «S/p arthrodèse redressante tibio-astragalienne D dans le cadre d’une arthrose post-traumatique».

Par courrier du 10.02.2011, la société d’assurances a refusé ses prestations en raison d’une problématique de prime impayée. Des échanges de correspondances s’en sont suivis. Le 13.07.2012, la société d’assurances a annoncé à l’assuré que son dossier allait être transmis au service de sinistres afin que son « cas de maladie» puisse être traité normalement. La société d’assurances a versé à l’assuré la somme de 27’452 fr. représentant 167 indemnités journalières à 164 fr. 38 le jour, pour la période du 13.10.2010 au 28.03.2011.

Par courrier du 10.06.2013, l’assuré a vainement réclamé le paiement du solde des indemnités journalières par 92’548 fr. (soit 120’000 fr. – 27’452 fr.).

 

Procédure cantonale

A la suite d’un arrêt du Tribunal fédéral (ATF 141 III 479 consid. 2), le dossier a été transmis au Tribunal cantonal valaisan, en sa qualité d’instance cantonale unique en matière d’assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale.

Par jugement du 26.04.2018, le Tribunal cantonal a rejeté la demande. En substance, il a retenu que la couverture d’assurance, suspendue en février 2010 par la sommation de payer la prime 2010, était à nouveau en vigueur depuis quelques jours lorsque l’incapacité de travail de l’assuré avait débuté le 13.09.2010. Cela étant, la police d’assurance ne couvrait que les cas de maladie. Or, le Tribunal cantonal s’était convaincu que les troubles ayant occasionné l’incapacité de travail dès septembre 2010 étaient d’origine post-traumatique. Le Dr M2.__ avait «toujours affirmé de manière constante et cohérente que les troubles de la cheville droite étaient dus à une arthrose post-traumatique, au contraire du Dr M1.__ dont les appréciations sur ce point [avaie]nt constamment varié». L’avis selon lequel les douleurs de l’assuré étaient la conséquence de l’accident subi au football à l’âge de 19 ans était corroboré par le fait que l’intéressé souffrait de la cheville droite depuis plusieurs années, comme l’attestaient les deux médecins dans leurs rapports. En bref, l’atteinte à la santé était accidentelle et n’était pas couverte par la police en question. Les renseignements fournis par les Drs M1.__ et M2.__ étaient suffisants pour se forger une opinion, qu’un nouvel avis médical ne pourrait pas modifier; aussi convenait-il de rejeter la requête d’expertise médicale.

 

TF

En matière d’assurances sociales, la jurisprudence a développé les principes suivants :

  • La définition légale de la maladie englobe toutes les atteintes à la santé qui ne sont pas dues à un accident (cf. art. 3 al. 1 LPGA). Il s’ensuit qu’une atteinte à la santé est en principe imputable soit à une maladie, soit à un accident (arrêts 9C_537/2007 du 29 août 2008 consid. 3.3; 4C.230/2000 du 10 novembre 2000 consid. 3). Pour répondre à la notion juridique d’ «accident » (art. 4 LPGA), l’atteinte à la santé doit notamment trouver son origine dans un facteur extérieur, c’est-à-dire résulter d’une cause exogène au corps humain (arrêt 8C_235/2018 du 16 avril 2019 consid. 6.2). L’assurance-maladie sociale est tenue de provisoirement prendre en charge certaines prestations qui pourraient relever de l’assurance-accident, notamment lorsqu’est litigieuse la causalité de l’atteinte à la santé (art. 70 al. 2 let. a LPGA; cf. aussi art. 112 al. 1 OAMal; ATF 131 V 78 consid. 3; arrêt 8C_236/2008 du 14 octobre 2008 consid. 3.1). Dans ce contexte, l’assureur-maladie qui ne veut pas fournir de prestations doit ainsi prouver que la cause de l’atteinte est accidentelle (arrêt précité 4C.230/2000 consid. 3, cité par UELI KIESER, ATSG-Kommentar, 3e éd. 2015, n° 38 ad art. 3 LPGA).
  • La responsabilité de l’assureur-accident s’étend, en principe, à toutes les conséquences dommageables – y compris les rechutes et séquelles tardives – qui se trouvent dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec l’événement assuré. Les rechutes et les séquelles tardives ont ceci en commun qu’elles sont attribuables à une atteinte à la santé qui, en apparence seulement, mais non dans les faits, était considérée comme guérie. Il y a rechute lorsque c’est la même affection qui se manifeste à nouveau. On parle de séquelles tardives lorsqu’une atteinte apparemment guérie produit, au cours d’un laps de temps prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF 118 V 293 consid. 2c p. 296; arrêt 8C_249/2018 du 12 mars 2019 consid. 4.1). Comme le souligne un auteur, sur le plan dogmatique les rechutes et séquelles tardives ne sont rien d’autre que les suites directes d’un accident. Elles se distinguent toutefois par le facteur temporel qui complique la preuve (THOMAS ACKERMANN, Kausalität, in Unfall und Unfallversicherung, 2009, p. 41). A cet égard, la jurisprudence en matière d’assurances sociales considère que plus le temps écoulé entre l’accident et la manifestation de l’affection est long, plus les exigences quant à la preuve du rapport de causalité naturelle, selon le degré de vraisemblance prépondérante, doivent être sévères (arrêts 8C_589/2017 du 21 février 2018 consid. 3.2.2; 8C_61/2016 du 19 décembre 2016 consid. 3.2).
  • La preuve de la causalité peut nécessiter d’établir des « symptômes de pont » (Brückensymptome), soit des signes (symptômes ou plaintes) du patient permettant d’opérer un lien (« pont ») entre l’événement dommageable et l’atteinte à la santé qui survient longtemps après (cf. arrêt 4A_432/2011 du 18 octobre 2011 consid. 3.1; GEORG GAHN, Neurologische Begutachtung: Schwierige Rechtsbegriffe, in Der medizinische Sachverständige 2017 p. 212 [accessible sur le site Internet www.medsach.de]). Pour illustrer le rôle des symptômes de pont, un neurologue cite l’exemple suivant : une épilepsie structurelle peut se manifester des années après une lésion neurologique substantielle causée par un accident, mais elle peut aussi apparaître chez des patients âgés comme cause primaire, non liée à un épisode traumatique. Il incombe à un expert de se prononcer sur le lien de causalité (GAHN, ibidem).
  • Dans ses considérants relatifs aux rechutes et séquelles tardives, la Ire Cour de droit social relève que lorsqu’un assuré émet des plaintes en les motivant par un accident, l’assureur-accident prend en charge les dommages causés par l’événement accidentel, mais couvre les atteintes à la santé ultérieures uniquement en présence de clairs symptômes de pont (eindeutige Brückensymptome, cf. par ex. arrêt précité 8C_589/2017 consid. 3.2.2; arrêts 8C_331/2015 du 21 août 2015 consid. 2.2.2; 8C_113/2010 du 7 juillet 2010 consid. 2.3).
  • Ladite Cour s’appuie également sur des règles d’expérience et des formes de présomption. On admet par exemple que la hernie discale est normalement due à un processus dégénératif des disques et ne découle qu’exceptionnellement d’un accident (arrêt 8C_614/2007 du 10 juillet 2008 consid. 4.1.1). Si l’assureur-accident doit prendre en charge la complication temporaire due à un accident, il ne couvre en principe pas les rechutes tardives, sauf s’il existe de clairs symptômes de pont entre l’accident et la rechute (arrêt 8C_755/2018 du 11 février 2019 consid. 4.4).
  • Cela étant, il faut garder à l’esprit que la preuve de la causalité naturelle dépend avant tout des renseignements donnés par les médecins (arrêt précité 8C_589/2017 consid. 3.2.4; arrêt 8C_571/2016 du 24 mars 2017 consid. 3 in fine; arrêt précité 8C_331/2015 consid. 2.2.3.1). Selon les circonstances d’espèce, l’absence de symptômes de pont n’exclut pas nécessairement la causalité naturelle (arrêt 8C_175/2009 du 26 juin 2009 consid. 3.2).

Il paraît pertinent de s’inspirer des principes précités développés en matière d’assurances sociales, tout en gardant à l’esprit qu’il est ici question d’une assurance privée. Il appartient à l’assuré d’établir son droit à la prestation, ce qui suppose notamment d’établir un cas de maladie. Cela étant, il est « aidé » par la définition y relative, en ce sens qu’une atteinte établie à la santé est une maladie du moment qu’elle ne résulte pas d’un accident.

En l’occurrence, dans tous ses rapports, au contraire des deux laconiques attestations d’incapacité, le spécialiste en orthopédie a attribué l’arthrose de la cheville droite à l’évolution post-traumatique, en évoquant la fracture subie à ce membre inférieur à l’âge de 19 ans.

L’assuré insiste sur l’écoulement du temps, en soulignant que près de 45 ans se sont écoulés entre la fracture et la survenance de l’incapacité de travail. Il précise avoir pu travailler et pratiquer de nombreux sports pendant ce laps de temps.

Le facteur temps n’a pas échappé aux deux médecins. Cela étant, sous réserve du cas marginal des deux attestations de février 2011, le spécialiste en orthopédie a toujours imputé l’arthrose à la fracture de la cheville droite.

Cette analyse va clairement dans le sens de la littérature scientifique, qui peut aisément être trouvée sur Internet (PubMed, US National Library of Medicine, à l’adresse https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed. Cf. notamment DELCO, KENNEDY ET ALII, Post-Traumatic Osteoarthritis of the Ankle: A Distinct Clinical Entity Requiring New Research Approaches,  in Journal of Orthopaedic Research 2017 440 ss; THOMAS, HUBBARD-TURNER ET ALII, Epidemiology of Posttraumatic Osteoarthritis,  in Journal of Athletic Training 2017 491 ss; BARG, PAGENSTERT ET ALII, Ankle Osteoarthritis, Etiology, Diagnostics, and Classification,  in Foot and Ankle Clinics 2013 411 ss; LÜBBEKE, SALVO ET ALII, Risk factors for post-traumatic osteoarthritis of the ankle: an eighteen year follow-up study,  in International Orthopaedics 2012 1403 ss; VALDERRABANO, HORISBERGER ET ALII, Etiology of Ankle Osteoarthritis,  in Clinical Orthopaedics and Related Research 2009 1800 ss; HORISBERGER ET ALII, Posttraumatic Ankle Osteoarthritis After Ankle-Related Fractures – Abstract,  in Journal of Orthopaedic Trauma 2009 60 ss; PATRICK VIENNE, Arthrose de la cheville: Possibilités de traitement chirurgical visant à conserver l’articulation,  in Schweizerische Zeitschrift für Sportmedizin und Sporttraumatologie 2008 13 ss; SALTZMAN, SALAMON ET ALII, Epidemiology of Ankle Arthritis: Report of A Consecutive Series of 639 Patients From a Tertiary Orthopaedic Center,  in The Iowa Orthopaedic Journal 2005 44 ss).

Il en ressort de façon consensuelle que l’arthrose de la cheville, au contraire de celle de la hanche ou du genou, est le plus fréquemment d’origine post-traumatique ; des taux de l’ordre de 70% à 80%, voire 90% sont avancés (cf. notamment DELCO, KENNEDY ET ALII, op. cit., p. 2 et 3; VIENNE, op. cit., p. 13; SALTZMAN, SALAMON ET ALII, op. cit., p. 44 et 46). Les fractures sont mentionnées au premier chef, ainsi que les entorses et déchirures ligamentaires. Le temps de latence entre la blessure et l’ultime degré de l’arthrose est généralement long; il est de plusieurs années, et même de décennies. Une étude retient un temps de latence moyen de 20,9 ans, dans une fourchette comprise entre 1 et 52 ans (HORISBERGER ET ALII, op. cit. [Abstract], cités par BARG, PAGENSTERT ET ALII, op. cit., p. 412). Cet élément dépend de facteurs tels que le type de fracture, les complications pendant la phase de guérison, l’âge au moment de la blessure, un mauvais alignement du varus ainsi qu’un indice de masse corporelle élevé (BARG, PAGENSTERT ET ALII, op. cit., p. 412 s. et les réf. citées); l’impact sur le cartilage lors du traumatisme initial semble être un facteur important (DELCO, KENNEDY ET ALII, op. cit., p. 3; cf. aussi BARG, PAGENSTERT ET ALII, op. cit., p. 413 et 415). Pour expliquer les singularités de l’arthrose de la cheville par rapport à celle de la hanche ou du genou (laquelle est généralement idiopathique), les chercheurs mettent en avant les caractéristiques anatomiques, biomécaniques et cartilagineuses de la cheville.

Dans le cas concret, les deux médecins soulignent que le patient souffrait depuis des années de douleurs localisées à la cheville droite, lesquelles se sont exacerbées et sont devenues invalidantes en 2010. L’assuré marchait déjà avec une canne depuis deux ans.

De l’arrêt attaqué, des rapports médicaux, certificats et autres renseignements écrits auxquels il se réfère, respectivement des explications de l’assuré, il ne ressort pas que celui-ci aurait eu les mêmes douleurs, symptômes et anomalies à la cheville gauche. Il n’apparaît pas non plus qu’une arthrose aiguë aurait également frappé d’autres régions de son corps, ni qu’il aurait souffert de polyarthrite rhumatoïde ou d’autres affections associées à une arthrose secondaire de la cheville (cf. BARG, PAGENSTERT ET ALII, op. cit., p. 412; VALDERRABANO, HORISBERGER ET ALII, op. cit., p. 1802).

Eu égard aux circonstances d’espèce et aux particularités de l’arthrose de la cheville, il n’était pas nécessaire d’exiger des symptômes de pont plus étayés et reculés. On ne discerne par ailleurs aucun arbitraire dans l’appréciation ayant conduit la cour cantonale à être convaincue par les conclusions du Dr M2.__, fondées sur les mêmes observations cliniques que le Dr M1.__ et qui s’inscrivent dans la droite ligne de la littérature scientifique.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 4A_328/2018 consultable ici

 

 

4A_427/2019+4A_435/2019 (f) du 28.01.2020 – Indemnité journalière LCA – Somme de salaire fixe pour un indépendant – Assurance de sommes / Versement de rentes d’invalidité et concours avec les IJ LCA

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_427/2019+4A_435/2019 (f) du 28.01.2020

 

Consultable ici

 

Indemnité journalière LCA – Somme de salaire fixe pour un indépendant – Assurance de sommes

Versement de rentes d’invalidité et concours avec les IJ LCA

 

En 2011, l’assuré, conseiller indépendant en environnement intérieur de bâtiments, a souscrit auprès de A.__ SA (ci-après : l’assureur ou la compagnie d’assurance) une assurance contre le risque de perte de gain en cas de maladie et d’accident, soumise à la loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA). En cas de maladie, la police prévoit le droit à des indemnités journalières correspondant à 100% de la « somme de salaire fixe » (48’000 fr. par an) pendant « 730 jours par cas sous déduction du délai d’attente », celui-ci étant de 30 jours.

Le 21.07.2014, l’assuré a informé la compagnie d’assurance qu’il était totalement incapable de travailler depuis le 01.07.2014 en raison d’une maladie. Le 29.07.2014, il a subi une intervention chirurgicale en vue de l’ablation d’une tumeur nerveuse bénigne en dehors de la moelle épinière. A partir du 31.07.2014, soit à l’échéance du délai d’attente de trente jours, l’assureur a versé à l’assuré des indemnités journalières de 131 fr. 50 (48’000 fr. / 365 jours).

Le 12.11.2014, l’assuré a déposé une demande AI. Par la suite, plusieurs médecins se sont prononcés sur l’état de santé de l’assuré et sa capacité de travail.

Le 21.01.2016, la compagnie d’assurance, se référant à deux projets de décisions de l’office AI refusant l’octroi d’une rente en faveur de l’assuré, a indiqué qu’elle cesserait le paiement des indemnités journalières à partir du 01.02.2016. Par lettre du 05.02.2016, l’assuré a vainement réclamé le maintien du versement des indemnités journalières.

Le 02.06.2016, l’assuré a indiqué à la compagnie d’assurance qu’il remplissait les conditions prévues pour prétendre à des indemnités journalières puisque, selon le rapport établi par le Prof. C.__, il était incapable d’exercer son activité habituelle. L’assureur lui a répondu, par pli du 17.06.2016, qu’il partageait l’avis du Prof. C.__ quant au fait que l’activité habituelle n’était plus exigible. Cependant, il estimait que l’assuré était pleinement capable d’exercer une activité légère et adaptée.

Le 26.07.2017, l’Office AI pour les assurés résidant à l’étranger (OAIE), qui avait repris la gestion du dossier AI compte tenu du nouveau domicile à l’étranger de l’assuré, a octroyé à l’assuré une demi-rente d’invalidité d’un montant mensuel de 912 fr. à compter du 01.07.2015.

 

Procédure cantonale

L’assuré a conclu au paiement de la somme de 18’198 fr., intérêts en sus, après prise en compte des prestations AI perçues entre le 01.02.2016 et le 31.07.2016 (23’670 – 5’472 [6 x 912]).

La cour cantonale, en procédant à l’interprétation des CGA, a constaté que le contrat d’assurance prévoit le versement d’indemnités journalières en faveur de l’assuré même lorsque celui-ci ne subit aucune perte effective sur le plan économique, puisque le montant de l’indemnité journalière varie exclusivement en fonction du degré d’incapacité de travail de l’assuré. Elle en a conclu qu’il s’agissait d’une assurance de sommes.

Les juges cantonaux ont considéré que l’assuré était totalement incapable d’exercer son activité habituelle d’indépendant. A cet égard, ils ont souligné que la compagnie d’assurance avait elle-même reconnu que l’assuré n’était plus apte à poursuivre son activité habituelle. Dans la mesure où elle n’avait pas formellement sommé l’assuré de reprendre une activité adaptée dans un délai approprié, la compagnie d’assurance ne pouvait pas interrompre le versement des indemnités journalières. L’assuré avait dès lors droit, après le délai d’attente de 30 jours, à 730 indemnités journalières de 131 fr. 50 chacune. L’assuré ayant déjà perçu 550 indemnités journalières entre le 31.07.2014 et le 31.01.2016, le montant encore dû s’élevait à 23’670 fr. (180 [730 – 550] x 131 fr. 50). Toutefois, la cour cantonale a estimé qu’il y avait lieu, selon les CGA, d’imputer sur ledit montant les demi-rentes d’invalidité versées à l’assuré, non pas à partir du 01.02.2016 comme le réclamait l’assuré, mais dès juillet 2015 – date du début du droit à la demi-rente d’invalidité – et ce jusqu’au 30.07.2016, date d’échéance du droit aux indemnités journalières. Le demandeur avait ainsi droit à 11’814 fr. (23’670 – 11’856 fr. [13 x 912 fr.]).

Par jugement du 10.07.2019, la cour cantonale a partiellement admis la demande et condamné l’assurance à verser à l’assuré la somme de 11’814 fr., avec intérêts à 5% l’an dès le 01.05.2016. Elle a fixé l’indemnité pour les dépens à 1’800 fr. dans la mesure où le demandeur avait partiellement obtenu gain de cause.

 

TF

La compagnie d’assurance fait valoir que l’autorité cantonale aurait violé les CGA en considérant qu’elle devait des indemnités journalières entières du 01.02.2016 au 30.07.2016, sous déduction de la demi-rente d’invalidité. A l’en croire, l’indemnité journalière due s’élèverait en réalité à 65 fr. 75 (131 fr. 50 / 2).

En l’espèce, l’autorité cantonale a retenu que le droit à une indemnité journalière ne suppose pas que l’assuré subisse une perte effective sur le plan économique, dès l’instant où un montant journalier forfaitaire est prévu en fonction du seul degré de l’incapacité de travail de l’assuré, celle-ci étant définie comme l’impossibilité d’exercer sa profession actuelle (art. 12, 13 et 16 CGA). Il s’agit dès lors d’une assurance de sommes. La cour cantonale a constaté que l’assuré présentait une incapacité totale d’exercer son activité habituelle. Aussi, est-ce à juste titre que l’autorité cantonale a considéré que l’assuré pouvait prétendre à des indemnités journalières entières soit de 131 fr. 50 chacune.

 

L’assuré reproche à la cour cantonale d’avoir imputé les demi-rentes d’invalidité dues pour la période du 01.07.2015 au 31.01.2016 sur le montant des indemnités journalières dues pour la période du 01.02.2016 au 31.07.2016.

Dans le cas d’une assurance de personnes conçue comme une assurance de sommes, l’assuré peut cumuler les prétentions en versement des indemnités journalières prévues par le contrat d’assurance avec d’autres prétentions en raison du même événement dommageable; la prestation de l’assureur de sommes est due indépendamment du point de savoir si l’ayant droit reçoit des prestations de la part d’autres assureurs ou d’un tiers responsable; la surindemnisation de l’ayant droit est possible et, conformément à l’art. 96 LCA, les droits que l’ayant droit aurait contre des tiers en raison du sinistre ne passent pas à l’assureur. Les prestations versées par un assureur social ne peuvent pas être imputées sur les allocations journalières dues par l’assureur privé à moins, évidemment, que les conditions générales d’assurance ne prévoient une telle imputation (ATF 133 III 527 consid. 3.2.5).

En l’espèce, l’art. 28 CGA prévoit certes la possibilité pour l’assureur d’exiger le remboursement des indemnités journalières versées à l’assuré lorsque celui-ci a aussi perçu des prestations d’un assureur social. Cependant, à teneur de ladite clause, le « remboursement porte sur un montant correspondant à la rente due au cours de la même période. » Or, dans sa demande en paiement, le recourant a réclamé le paiement des indemnités journalières dues pour la période comprise entre le 01.02.2016 et le 29.07.2016. Aussi est-ce à tort que la cour cantonale a tenu compte des demi-rentes d’invalidité se rapportant à la période comprise entre le 01.07.2015 et le 31.01.2016.

Au surplus, lorsqu’elle a été invitée à se déterminer sur le contenu du dossier AI de l’assuré, la compagnie d’assurance n’a jamais déclaré compenser les montants dus avec la prétention en remboursement des demi-rentes d’invalidité perçues par l’assuré entre le 01.07.2015 et le 31.01.2016, ni a fortiori chiffré sa créance compensante. Dans ces conditions, la cour cantonale a erré en déduisant du montant dû à l’assuré les rentes d’invalidité relatives à la période comprise entre le 01.07.2015 et le 31.01.2016.

En conclusion, le recours déposé par l’assuré doit être admis et le jugement attaqué réformé en ce sens que la compagnie d’assurance est condamnée à payer à l’assuré la somme de 18’198 fr., avec intérêts à 5% l’an dès le 01.05.2016, ce montant correspondant aux indemnités journalières dues entre le 01.02.2016 et le 29.07.2016 (23’670 [180 jours x 131 fr. 50]), sous déduction des demi-rentes d’invalidité versées au cours de cette même période (5’472 fr. [6 x 912 fr.]).

 

Le TF admet le recours de l’assuré et rejette le recours de l’assurance.

 

 

Arrêt 4A_427/2019+4A_435/2019 consultable ici

 

 

4A_58/2019 (f) du 13.01.2020 – Dies a quo de l’intérêt moratoire – 41 LCA – 100 LCA – 102 ss CO / Exigibilité de la créance

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_58/2019 (f) du 13.01.2020

 

Consultable ici

 

Dies a quo de l’intérêt moratoire / 41 LCA – 100 LCA – 102 ss CO

Exigibilité de la créance

 

L’employeur de l’assurée avait contracté pour cette dernière une assurance d’indemnités journalières en cas de maladie auprès de B.__ SA. Le 25.01.2016, il a annoncé à cette société d’assurances que l’assurée était en incapacité de travail totale depuis le 21.01.2016. L’incapacité a tout d’abord été attestée par un spécialiste FMH en médecine interne générale puis par un spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. Ces derniers ont, dans leurs rapports respectifs, diagnostiqué un état anxio-dépressif sévère.

La société d’assurances a chargé la Clinique X.__ d’établir une expertise qui a été effectuée par une psychiatre auprès de cet établissement. Le 18.06.2016, ce médecin a indiqué à la société d’assurances que l’assurée disposait d’une pleine capacité de travail. Elle a diagnostiqué un trouble de l’adaptation avec une prédominance de la perturbation d’autres émotions, en cours de rémission.

La société d’assurances, qui avait commencé à verser des indemnités journalières dès le 21.03.2016, a interrompu ses prestations après le 21.06.2016. Par courrier du 20.07.2016, elle a informé l’assurée que, vu le rapport du médecin-expert, les conditions pour la prise en charge de son cas n’étaient plus remplies.

Le médecin généraliste traitant a attesté d’une totale incapacité de travail pour une durée d’un mois dès le 28.06.2016 en raison de douleurs lombaires et cervicales, avec des difficultés à se mobiliser. Mandaté par la compagnie d’assurances, un spécialiste en médecine interne et pneumologie auprès de la Clinique X.__ a pour sa part retenu une incapacité de travail de dix jours pour cet épisode de cervico-dorso-lombalgies, tout en soulignant que l’examen clinique était strictement normal.

Le psychiatre traitant a confirmé son premier diagnostic, non sans relever une péjoration de l’état de l’assurée, contestant les conclusions de l’expert psychiatre.

Le médecin généraliste traitant a également confirmé son diagnostic et répété que l’assurée était en totale incapacité de travail. Il a joint un rapport d’imagerie par résonance magnétique.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1216/2018 – consultable ici)

Le 15.11.2016, l’assurée a saisi la Cour de justice d’une demande contre la compagnie d’assurances. En dernier lieu, elle a conclu au paiement de 206’770 fr. 20 avec intérêts à 5% l’an dès le 20.03.2017, date moyenne.

Le 29.03.2017, l’assurée a informé la Cour que l’office AI lui avait reconnu une incapacité de travail totale dès le 01.01.2016. Une rente entière d’invalidité devait lui être octroyée dès le 01.01.2017.

La Cour de justice a chargé une spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie de réaliser une expertise judiciaire. Cette dernière a retenu les diagnostics de dépression sévère sans symptômes psychotiques et de personnalité anankastique. Elle a notamment procédé à un examen neuropsychologique. Elle s’est ralliée à l’avis du psychiatre traitant quant à la capacité de travail de l’assurée, jugeant que celle-ci avait été réduite à néant depuis le mois de janvier 2016. Elle a également exposé les raisons pour lesquelles les conclusions de la première expert psychiatre ne pouvaient à son sens être suivies.

La société d’assurances a indiqué qu’elle se ralliait aux conclusions de l’expertise judiciaire et reconnaissait ainsi le droit de l’assurée aux indemnités journalières querellées.

Par arrêt du 20.12.2018, la Cour de justice a admis la demande. Elle a retenu que l’assurée était incapable de travailler dès le 21.01.2016 et en tout cas jusqu’au 19.01.2018, terme de la couverture de 730 jours prévue par l’assurance. Elle a condamné la société d’assurances à verser un montant de 170’885 fr. à l’assurée, portant intérêts dès le 06.11.2018.

 

TF

Devant l’autorité précédente, l’assurée avait indiqué comme point de départ le 20.03.2017 (échéance moyenne). Les juges cantonaux ont retenu le 06.11.2018 en articulant les raisons suivantes : c’était seulement à réception du rapport d’expertise judiciaire que la société d’assurances avait pu se convaincre du droit de l’assurée à toucher des indemnités journalières au-delà du 21.06.2016 – date à laquelle les versements avaient été interrompus. Après cette date, différents certificats d’arrêt de travail avaient été établis ; toutefois, leurs conclusions étaient diamétralement opposées à celles des experts de la Clinique X.__. La société d’assurances pouvait ainsi concevoir des doutes sur l’étendue de ses obligations et ce, jusqu’à l’obtention du rapport d’expertise judiciaire, dont on pouvait admettre qu’il avait été reçu le 09.10.2018. La créance était échue quatre semaines plus tard par l’effet de l’art. 41 al. 1 LCA, soit le 06.11.2018.

 

Aux termes de l’art. 41 al. 1 LCA, la créance qui résulte du contrat d’assurance est échue quatre semaines après le moment où l’assureur a reçu les renseignements de nature à lui permettre de se convaincre du bien-fondé de la prétention. Les « renseignements » au sens de l’art. 41 LCA visent des questions de fait, qui doivent permettre à l’assureur de se convaincre du bien-fondé de la prétention de l’assuré (cf. l’intitulé de l’art. 39 LCA). Ils correspondent aux devoirs de déclaration et de renseignement institués par les art. 38 et 39 LCA (cf. ATF 129 III 510 consid. 3 p. 512 ; arrêts 4A_489/2017 du 26 mars 2018 consid. 4.3; 4A_122/2014 du 16 décembre 2014 consid. 3.5; ROLAND BREHM, Le contrat d’assurance RC, 1997, nos 512 et 515 s.). Le délai de délibération de quatre semaines laissé à l’assureur ne court pas tant que l’ayant droit n’a pas suffisamment fondé sa prétention ; tel est par exemple le cas lorsque, dans l’assurance contre les accidents, l’état de santé véritable de l’ayant droit n’est pas éclairci parce que ce dernier empêche le travail des médecins (ARRÊT 4A_307/2008 DU 27 NOVEMBRE 2008 CONSID. 6.3.1; JÜRG NEF, in Basler Kommentar, Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, 2001, n° 15 ad art. 41 LCA).

Le débiteur d’une obligation exigible est mis en demeure par l’interpellation du créancier (art. 102 al. 1 CO en lien avec l’art. 100 al. 1 LCA). L’intérêt moratoire de 5% l’an (art. 104 al. 1 CO) est dû à partir du jour suivant celui où le débiteur a reçu l’interpellation, ou, en cas d’ouverture d’une action en justice, dès le lendemain du jour où la demande en justice a été notifiée au débiteur (arrêt 5C.177/2005 du 25 février 2006 consid. 6.1). Toutefois, lorsque l’assureur refuse définitivement, à tort, d’allouer des prestations, on admet, par analogie avec l’art. 108 ch. 1 CO, qu’une interpellation n’est pas nécessaire ; l’exigibilité et la demeure sont alors immédiatement réalisées (arrêt 4A_16/2017 du 8 mai 2017 consid. 3.1; arrêt précité 4A_122/2014 consid. 3.5; arrêts 4A_206/2007 du 29 octobre 2007 consid. 6.3; 5C.18/2006 du 18 octobre 2006 consid. 6.1 in fine ; cf. NEF, op. cit., n° 20 in fine ad art. 41 LCA, et GROLIMUND/VILLARD, in Basler Kommentar, Nachführungsband 2012, n° 20 ad art. 41 LCA).

Est donc litigieux le moment à compter duquel l’assureur a reçu les renseignements de nature à lui permettre de se convaincre du bien-fondé des prétentions de l’assurée.

Les rapports des médecins traitants attestaient d’un état anxio-dépressif sévère et d’une incapacité de travail totale. Qui plus est, dans son exposé du 27.04.2016, le psychiatre traitant a effectué une anamnèse précise du contexte dans lequel a surgi l’état maladif, décrit les symptômes et le traitement en cours. L’assurée s’est soumise sans discuter à l’ « expertise » requise par la société d’assurances en juin 2016. Ses médecins traitants ont encore confirmé leur premier diagnostic et l’incapacité de travail totale. Force est d’admettre que ce faisant, l’assurée s’est acquittée à satisfaction du devoir de transmettre à la compagnie d’assurances tous les renseignements de nature à lui permettre de se convaincre du bien-fondé de ses prétentions. Si cette dernière a choisi de mandater une psychiatre expert afin de réaliser un contre-rapport, on ignore tout des motifs ayant déterminé ce choix. En particulier, il n’apparaît pas que les rapports produits par l’assurée aient été incomplets ou contradictoires, que l’anamnèse fondée sur les renseignements de l’intéressée ait été lacunaire ou inexacte. On ne tiendra pas rigueur à la société d’assurances de s’être tournée vers un établissement auquel de graves manquements ont ensuite été reprochés (cf. ATF 144 V 258 consid. 2.3), puisque la médiatisation de cette affaire est intervenue ultérieurement. Il n’en demeure pas moins que l’ « expertise » psychiatrique banalisait voire occultait certains signes cliniques et anamnésiques, selon l’experte judiciaire, reproches qui avaient déjà été formulés par le psychiatre traitant. La compagnie d’assurances s’est du reste enferrée dans sa position même après que l’office AI eut décidé d’octroyer une rente AI. Or, l’assureur ne peut pas retarder à loisir l’exigibilité de la créance en prétextant qu’il n’est lui-même pas convaincu du bien-fondé des prétentions émises par l’assuré (cf. arrêt 5C.97/1989 du 22 novembre 1990 consid. 4, in RBA XVIII no 7 p. 35 litt. b; cf. ROELLI/KELLER, Kommentar zum Schweizerischen Bundesgesetz über den Versicherungsvertrag, t. I, 2e éd. 1968, p. 588).

On ne saurait suivre la thèse de la société d’assurances selon laquelle l’expertise judiciaire aurait apporté des éléments nouveaux qui seuls lui auraient permis d’acquérir une conviction. En effet, l’experte judiciaire n’a fait que confirmer le diagnostic du psychiatre traitant. Certes, elle a étayé ce diagnostic par les résultats d’un examen neuropsychologique. Toutefois, si elle considérait vraiment que la réalisation d’un tel examen était cruciale, la société d’assurances aurait dû le requérir d’emblée, ce qu’elle n’a pas fait (cf. NEF, op. cit., n° 13 ad art. 41 LCA; ROELLI/KELLER, op. cit., p. 566 in fine et s.). Elle a beau jeu, a posteriori, d’invoquer qu’il serait prétendument incontournable, de sorte qu’elle ne saurait être suivie sur ce point. Partant, dans cette constellation particulière, la juridiction cantonale ne pouvait pas inférer que les renseignements propres à convaincre du bien-fondé de la prétention auraient été obtenus à réception seulement du rapport d’expertise judiciaire en octobre 2018. Il faut bien plutôt retenir que la société d’assurances était déjà en demeure avant d’en prendre connaissance.

S’agissant des indemnités journalières afférentes à la période du 22.06.2016 au 15.11.2016, l’assurée estime que le dies a quo des intérêts moratoires correspond au lendemain de la réception par la société d’assurances de la demande en justice, soit le 19.11.2016. L’on pourrait se demander s’ils ne courent pas à partir d’une date antérieure, mais ce débat n’a pas lieu d’être puisque le Tribunal fédéral est lié par les conclusions de la recourante.

Quant aux indemnités journalières relatives à la période du 16.11.2016 au 19.01.2018, l’assurée conclut au versement d’intérêts moratoires à compter d’une date moyenne, soit le 20.06.2017. La société d’assurances ne s’y oppose pas en soi, puisque son unique argument tient au rapport d’expertise judiciaire qui, seul, lui aurait permis de se forger une conviction. Cette date peut donc également être retenue.

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 4A_58/2019 consultable ici

 

 

Assurance-maladie : réglementation plus stricte des activités des intermédiaires / Avant-projet et rapport explicatif relatif à la loi sur réglementation de l’activité des intermédiaires d’assurance

Assurance-maladie : réglementation plus stricte des activités des intermédiaires / Assurance-maladie : réglementation plus stricte des activités des intermédiaires / Avant-projet et rapport explicatif relatif à la loi sur réglementation de l’activité des intermédiaires d’assurance

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 13.05.2020 consultable ici

 

Les activités des intermédiaires doivent être davantage réglementées dans le domaine de l’assurance-maladie. Lors de sa séance du 13.05.2020, le Conseil fédéral a envoyé en consultation un projet de loi qui lui donne la compétence de rendre obligatoire l’accord entre assureurs qui réglemente ce type d’activités. Le démarchage téléphonique à froid sera ainsi interdit et la rémunération des intermédiaires limitée.

Actuellement, les assureurs règlent eux-mêmes, et de manière volontaire, le cadre des activités de leurs intermédiaires. Alors que les règles fixées par les assureurs n’engagent pour l’instant que ceux qui y souscrivent, les modifications législatives donneront au Conseil fédéral la compétence de rendre ces règles obligatoires pour tous les assureurs, tant dans le domaine de l’assurance-maladie obligatoire que de l’assurance-maladie complémentaire. Sont concernés la limitation de l’indemnisation des intermédiaires, la formation de ces derniers, l’interdiction du démarchage téléphonique à froid, ainsi que l’établissement et la signature d’un procès-verbal d’entretien avec le client. Des sanctions sont prévues en cas de non-respect.

Le projet requiert une modification de la loi sur la surveillance des assurances (LSA) et de la loi sur la surveillance de l’assurance-maladie sociale (LSAMal). La procédure de consultation durera jusqu’au 03.09.2020.

 

Avant-projet et rapport explicatif relatif à la loi sur réglementation de l’activité des intermédiaires d’assurance

Condensé

Le présent projet vise à réguler l’activité des intermédiaires dans l’assurance-maladie sociale et dans l’assurance-maladie complémentaire en rendant contraignantes les règles que se fixent les assureurs en la matière et à améliorer la qualité de leurs services. Il a également pour objectif de mettre un terme aux appels téléphoniques non désirés dans la branche de l’assurance-maladie.

 

Contexte

Les appels téléphoniques non désirés sont une source importante d’agacement pour la population. Par ailleurs, les commissions versées aux intermédiaires occupent le Parlement depuis quelques années. Lors de l’adoption de la loi sur la surveillance de l’assurance-maladie, le législateur a décidé de laisser les assureurs régler ces deux questions par convention. Chacune des deux associations faîtières a établi une convention en 2015. Il s’est cependant avéré par la suite que tous les assureurs ne se conformaient pas aux termes de la convention de leur organe faîtier.

En automne 2017, le Parlement s’est à nouveau saisi du problème. Une motion identique déposée dans chaque conseil demandait d’attribuer au Conseil fédéral la compétence de régler l’indemnisation des intermédiaires dans l’assurance-maladie sociale. Les deux associations d’assureurs ont annoncé qu’elles étaient en train d’élaborer ensemble une nouvelle convention valant pour l’assurance-maladie sociale et pour l’assurance-maladie complémentaire. La commission compétente a intégré leur projet de convention dans la suite de ses travaux et a considéré deux points comme essentiels : des mesures contraignantes pour les assureurs et des sanctions en cas de non-respect des dispositions prévues.

En automne 2018, la commission du Conseil des États a déposé une motion par laquelle elle demande que le Conseil fédéral reçoive la compétence de déclarer obligatoires certains points de la convention des assureurs. Cette motion a été adoptée par le Parlement.

 

Contenu du projet

Le présent acte modificateur unique prévoit de modifier la loi sur la surveillance de l’assurance-maladie et la loi sur la surveillance des assurances afin de conférer au Conseil fédéral la compétence de donner force obligatoire à la réglementation des points de la convention des assureurs concernant l’interdiction du démarchage téléphonique des personnes qui n’ont jamais été assurées auprès de l’assureur concerné ou qui ne le sont plus depuis un certain temps, la formation des intermédiaires, la limitation de leur indemnisation et l’établissement et la signature d’un procès-verbal d’entretien avec le client. Ce projet est conforme à la volonté du législateur de favoriser l’autorégulation dans ces domaines, puisque les assureurs conservent la compétence de régler ces points dans leur convention. L’ordonnance édictée par le Conseil fédéral leur donne force obligatoire pour tous les assureurs, même ceux qui n’auraient pas adhéré à la convention.

 

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 13.05.2020 consultable ici

Rapport explicatif relatif à l’ouverture de la procédure de consultation disponible ici

Loi fédérale sur la réglementation de l’activité des intermédiaires d’assurance – Projet de loi (modification) disponible ici

 

 

4A_578/2018 (f) du 25.11.2019 – Indemnité journalière maladie LCA / Incapacité de travail de nature psychique – Expertise médicale mandatée par l’assureur avec tests psychométriques

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_578/2018 (f) du 25.11.2019

 

Consultable ici

 

Indemnité journalière maladie LCA

Incapacité de travail de nature psychique – Expertise médicale mandatée par l’assureur avec tests psychométriques

 

Assuré, né en 1961, titulaire d’une licence en chimie, a travaillé dès septembre 1989 au service d’une société genevoise en qualité de directeur exécutif, puis de directeur général.

Comme l’ensemble du personnel, il était couvert par l’assurance collective d’indemnités journalières en cas de maladie que son employeuse avait souscrite auprès de la compagnie Z.__ SA. La police d’assurance prévoyait le versement d’indemnités pendant 730 jours, après un délai d’attente de 60 jours. L’indemnité équivalait à 80% du salaire assuré, plafonné à 250’000 fr. par an. Les conditions générales d’assurance (CGA) excluaient tout versement en cas d’incapacité de travail inférieure à 25%.

Le 21.04.2016, l’employeur l’a licencié pour le 31.07.2016 en le libérant immédiatement de son obligation de travailler.

En juin 2016, l’assuré a annoncé un cas de maladie à la compagnie d’assurances précitée en lui transmettant deux certificats établis par son médecin traitant, spécialiste FMH en cardiologie et médecine interne, attestant d’une incapacité de travail totale à compter du 25.05.2016.

Après l’écoulement du délai d’attente, la compagnie d’assurances a versé à l’assuré dès le 24.07.2016 des indemnités journalières calculées sur la base d’une incapacité de travail à 100%. A compter de la mi-août 2016, l’assuré a été suivi par une spécialiste FMH en psychiatrie, qui a attesté d’une incapacité de travail à 100%.

A la demande de la compagnie d’assurances, le médecin traitant a établi le 21.09.2016 un rapport faisant état d’un épisode dépressif de nature réactionnelle, induisant une incapacité de travail à 100% ; le pronostic était bon avec un suivi psychologique (psychothérapie).

Le 29.09.2016, la compagnie d’assurances a invité l’assuré, conformément aux CGA, à se présenter à la consultation d’un spécialiste FMH en neurologie, psychiatrie et psychothérapie. Ce dernier a procédé à l’examen psychiatrique de l’assuré le 18.10.2016. Le médecin-expert a retenu un trouble de l’adaptation avec prédominance de la perturbation d’autres émotions (F 42.23 CIM-10), consécutif à des conflits répétés sur le lieu de travail et à un licenciement signifié à la fin du mois d’avril 2016, chez un sujet dépourvu de tout antécédent psychiatrique. Sur les deux tests psychométriques effectués, l’échelle de Hamilton n’indique qu’un état dépressif léger, tandis que l’échelle de dépression M.A.D.R.S [Montgomery-Åsberg Depression Rating Scale, réd.] exclut même tout état dépressif. Dans son rapport, le médecin a conclu que l’assuré était capable de reprendre immédiatement une activité professionnelle à 50%, puis à 80% dès le 15.11.2016, et enfin à 100% dès le 01.12.2016.

Sur la base de cette analyse, la compagnie d’assurances a informé l’assuré par courrier du 03.11.2016 qu’elle mettrait fin à sa participation financière le 14.11.2016. L’intéressé a contesté la position de l’assurance par courrier du 07.11.2016.

Dans le courant du même mois, il a débuté une psychothérapie auprès d’une autre spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie.

La psychiatre traitant a attesté mensuellement d’une incapacité de travail à 100% dès le mois de décembre 2016 jusqu’à la fin mai 2017, puis d’une incapacité de 50% dès juin 2017, ayant pris fin le 31.08.2017.

Parallèlement, l’office AI a été saisi d’une demande de prestations signée par l’assuré le 10.10.2016. Par décision du 13.11.2017, il a refusé toute rente d’invalidité, de même que des mesures professionnelles.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/834/2018 – consultable ici)

L’assuré a déposé une demande en paiement contre la compagnie d’assurances auprès de la Chambre des assurances sociales de la Cour de justice genevoise.

La première psychiatre traitant a vu l’assuré neuf fois entre le 11.08.2016 et le 17.11.2016. Ce médecin a contesté l’appréciation portée par le médecin-expert quant à la capacité de travail de l’assuré. La seconde psychiatre a commencé à suivre l’assuré dans le courant du mois de novembre 2016, à raison d’une fois par semaine, puis d’une fois tous les quinze jours. Selon ce médecin, l’assuré a initialement souffert d’un trouble de l’adaptation, qui s’est cependant accompagné de réactions anxieuses et dépressives de façon suffisamment durable pour engendrer un épisode dépressif d’intensité même sévère.

Le médecin-expert a notamment reproché à ses consoeurs d’avoir répété avec peu de recul critique les plaintes que l’assuré avait également présentées lors de l’examen d’expertise, en s’abstenant d’appliquer des échelles psychométriques standardisées pour objectiver la symptomatologie. Or, l’assuré avait pu maintenir un bon rythme journalier durant son arrêt de travail et avait même pu partir une semaine aux Etats-Unis, voyage peu compatible avec une symptomatologie dépressive moyenne à sévère, tout comme le fait de jouer au tennis une fois par semaine. Eu égard à son niveau d’activités dès la fin de l’année 2016, il était évident que sa symptomatologie anxio-dépressive n’était que d’intensité légère à moyenne au maximum, avec au demeurant un soutien pharmacologique minimal.

La cour cantonale a jugé que la preuve d’une incapacité de travail d’au moins 25% dès le 15.11.2016 n’était pas rapportée. Tous les médecins s’accordaient à dire que la symptomatologie était uniquement imputable aux conflits professionnels et au licenciement de l’assuré, et partant de nature purement réactionnelle. A cet élément, qui plaidait en faveur du diagnostic du médecin-expert, s’ajoutaient trois éléments. Premièrement, l’assuré – nonobstant quelques problèmes de motivation, notamment pour se lever le matin et sortir de chez lui – avait été capable de respecter une bonne structure journalière, d’assumer certaines tâches administratives, d’entretenir des contacts sociaux et de se lancer dans des activités (recherches d’emploi ; voyage aux Etats-Unis ; pratique du tennis, etc.). Deuxièmement, les tests psychométriques n’attestaient au pire que d’une symptomatologie anxio-dépressive d’intensité légère. Troisièmement, l’assuré présentait une blessure narcissique importante, le tout alors qu’il n’était au bénéfice que d’un soutien psychopharmaceutique minimal. Les deux psychiatres traitants n’avaient pas étayé leurs dires sur des tests psychométriques et n’avaient pas décrit de symptômes qui n’aient déjà été pris en compte par le médecin-expert. Dans l’intervalle avait été établi le rapport médical de ce dernier, ressenti négativement par l’assuré en tant qu’il le privait de l’assise médicale requise pour obtenir le versement des indemnités journalières. Qui plus est, les deux doctoresses avaient qualité de médecins traitants ; par la relation de confiance qui s’était tissée avec l’assuré, elles étaient enclines à soutenir peu objectivement les démarches visant à bénéficier de prestations au-delà de l’échéance retenue par la défenderesse.

Par jugement du 25.09.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assuré, qui prétend au versement d’indemnités journalières, doit établir la persistance d’une telle incapacité de travail à l’aune de la vraisemblance prépondérante (ATF 141 III 241 consid. 3.1; arrêt 4A_516/2014 du 11 mars 2015 consid. 4.1). Sa position est facilitée dans la mesure où il n’est pas contesté qu’il s’est trouvé en incapacité de travail jusqu’à une certaine date. Cela étant, ce n’est pas à la compagnie d’assurances de prouver un recouvrement total ou partiel de la capacité de travail. Dans le cadre de son droit à la contre-preuve, elle doit tout au plus apporter des éléments propres à instiller des doutes et à ébranler la vraisemblance prépondérante que l’assuré s’efforce d’établir ; ce genre de doutes peut découler déjà d’allégations de partie, respectivement d’expertises privées (ATF 130 III 321 consid. 3.4; arrêt 4A_85/2017 du 4 septembre 2017 consid. 2.3).

 

L’assuré tente de tirer argument du fait que le médecin-expert ne l’a reçu qu’une seule fois, tandis que ses deux psychiatres l’ont suivi régulièrement et ont ainsi pu attester d’une péjoration de son état de santé, qui se serait produite après la consultation du médecin précité.

La consultation en question s’est tenue le 18.10.2016. Or, la première psychiatre traitant a situé l’aggravation de son état au mois d’octobre 2016, respectivement à la mi-septembre 2016. Le rapport du médecin-expert évoque une augmentation de la dose d’antidépresseurs deux semaines avant la consultation précitée. L’argument d’une aggravation postérieure à la consultation du médecin-expert apparaît ainsi privé d’assise. Qui plus est, l’arrêt attaqué retient que les deux psychiatres n’ont mis en avant aucun nouveau symptôme qui n’aurait pas déjà été décrit par le médecin-expert.

 

L’assuré objecte en outre que la Cour de justice n’avait pas les connaissances nécessaires pour apprécier la pertinence de l’argument tiré des deux tests psychométriques et qu’elle aurait même dû ordonner une expertise. C’est toutefois méconnaître que ni les deux doctoresses, ni le médecin du service régional de l’AI n’ont critiqué la pertinence de ces tests, dont la littérature scientifique accessible sur Internet semble au demeurant admettre qu’ils restent très répandus, nonobstant les critiques qu’appellent immanquablement les tentatives de mesurer une affection psychique (cf. par ex. HELLEM, SCHOLL ET AL., Preliminary Psychometric Evaluation of the Hamilton Depression Rating Scale in Methamphetamine Dependence, in Journal of Dual Diagnosis 2017 p. 305 ss; CARNEIRO ET AL., Hamilton Depression Rating Scale and Montgomery-Åsberg Depression Rating Scale in Depressed and Bipolar I Patients […], in Health and Quality of Life Outcomes 2015 13:42; RACHEL SHARP, The Hamilton Rating Scale for Depression, in Occupational Medicine 2015 65:340).

 

En définitive, la cour cantonale pouvait clairement exclure sans arbitraire la haute vraisemblance d’une incapacité de travail supérieure à 25%, des doutes suffisants s’opposant à un tel constat.

Dans ce cas de figure, le demandeur a encore la possibilité de rapporter la preuve par la mise en oeuvre d’une expertise judiciaire. Toutefois, dans sa réplique, l’intéressé concède avoir renoncé à requérir une telle expertise qui lui paraissait dépourvue de pertinence plus de deux ans après les faits (sur cette problématique, cf. arrêt 4A_66/2018 du 15 mai 2019 consid. 2.6.2). Cela suffit à clore toute discussion.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 4A_578/2018 consultable ici

 

 

Le Parlement souscrit à la modernisation des contrats d’assurance

Le Parlement souscrit à la modernisation des contrats d’assurance

 

Communiqué de presse du Parlement du 12.03.2020 consultable ici

 

Le Conseil des Etats a mis jeudi le point final à la réforme de la loi sur le contrat d’assurance. Grâce à la modernisation du cadre légal, les assurés ne seront plus piégés par des contrats se renouvelant automatiquement.

Un délai ordinaire de résiliation au bout de trois ans sera introduit. Afin d’éviter les abus, seul l’assuré pourra résilier une assurance maladie complémentaire. Dans l’assurance collective d’indemnités journalières, les deux parties pourront en revanche mettre fin au contrat.

 

Révocation

La réforme donne également aux assurés deux semaines pour révoquer une nouvelle assurance. Mais ils ne pourront pas revenir sur leur parole pour une modification essentielle de la police.

Assureur et assurés mals informés pourront résilier le contrat dans les quatre semaines, nouvellement aussi par voie électronique. L’assureur ne sera pas obligé d’accorder sa prestation pour les sinistres déjà survenus dans la mesure où la violation de l’obligation de déclarer un fait important a influé sur la survenance du sinistre.

 

Couverture étendue

Les Chambres se sont longuement disputées sur la durée de la couverture. Le National a insisté pour prolonger la couverture en matière d’assurance-maladie complémentaire de cinq ans après la fin du contrat afin de protéger les personnes atteintes d’un cancer par exemple. Le Conseil des Etats a réussi à biffer cette disposition.

Les clients verront leur position renforcée ailleurs grâce à un nouveau droit à une réduction de la prime en cas de diminution importante du risque. Si l’assureur refuse ou ne baisse pas la note suffisamment aux yeux de l’assuré, ce dernier pourra résilier sa police dans les quatre semaines.

En cas de litige sur le versement de prestations, le client pourra également exiger des acomptes jusqu’à un montant équivalant au montant non contesté.

Pas question en revanche de renverser le fardeau de la preuve en cas de violation d’un contrat par l’ayant-droit. L’assuré devra continuer à prouver que ce n’est pas de sa faute pour échapper à la sanction prévue.

 

Responsabilité civile

En matière d’assurance responsabilité civile obligatoire, la partie lésée sera protégée même si l’assuré a violé ses obligations contractuelles vis-à-vis de l’assureur.

Un tiers lésé pourra s’adresser directement à l’assurance. Se ralliant au National, le Conseil des Etats a renoncé jeudi à vouloir restreindre ce nouveau droit à certains cas précis.

Contrairement à ce que proposait le gouvernement, la réforme ne donnera pas aux assureurs plus de latitude pour adapter les conditions d’assurance. Les Chambres ont corrigé le tir pour éviter un référendum. Les modifications unilatérales de contrat resteront possibles, mais il appartiendra toujours aux juges de déterminer si elles sont adéquates.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 12.03.2020 consultable ici