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8C_202/2019 (f) du 09.03.2020 – Unique associé gérant d’une Sàrl avec signature individuelle – Délimitation de l’activité lucrative indépendante avec l’activité lucrative dépendante / 1a LAA – 1 OLAA – 5 LAVS – 9 LAVS – 6 ss RAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_202/2019 (f) du 09.03.2020

 

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Unique associé gérant d’une Sàrl avec signature individuelle – Délimitation de l’activité lucrative indépendante avec l’activité lucrative dépendante / 1a LAA – 1 OLAA – 5 LAVS – 9 LAVS – 6 ss RAVS

 

Selon le registre du commerce, B.__ exploite depuis novembre 1996, sous la raison de commerce C.__, une entreprise individuelle ayant pour buts le commerce et la réparation de motos et vélomoteurs. En 2009, il a fondé, seul, la société A.__ Sàrl (ci-après : la Sàrl), dont il est l’unique associé gérant avec signature individuelle et qui a pour but le commerce, l’achat, la vente, la réparation, la location de motos, cycles, accessoires et pièces.

Le 30.03.2009, B.__ a indiqué à l’assurance-accidents qu’il avait récemment fondé la Sàrl, laquelle reprendrait dès le 01.04.2009 l’entreprise individuelle ; dès cette date, cette dernière n’emploierait plus d’ouvrier, tandis que la Sàrl aurait trois employés. L’assurance-accidents ayant demandé si B.__, associé gérant, était salarié de la Sàrl, il lui a été répondu par la négative. Selon les factures de primes définitives 2009 et 2010 établies par l’assurance-accidents, trois tierces personnes étaient employées de la Sàrl. Par la suite, cette dernière a régulièrement informé l’assurance-accidents des changements intervenus dans son personnel et des factures de primes définitives ont été établies pour les années 2011, 2012 et 2013.

Ayant appris que B.__ était, selon ses dires, indépendant dans le domaine de la vente et la réparation de motos, l’assurance-accidents, après avoir pris des renseignements, a indiqué en juillet 2014 à la Sàrl que l’intéressé ne remplissait pas les conditions requises pour que son activité puisse être qualifiée d’indépendante ; il devait ainsi être considéré comme salarié de la Sàrl et bénéficiait à ce titre de la couverture contre les accidents conformément à la loi ; en tant qu’associé de la Sàrl travaillant dans l’entreprise, il était assuré sur la base du salaire déterminant réalisé, mais au minimum du salaire correspondant aux usages professionnels et locaux.

Par décision adressée à B.__, l’assurance-accidents a constaté que celui-ci exerçait une activité dépendante dès le 01.01.2014.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/107/2019 – consultable ici)

La cour cantonale a retenu que B.__ était titulaire depuis 1996 d’une entreprise individuelle ayant pour but le commerce et la réparation de motos et vélomoteurs et qu’en 2009, il avait fondé, seul, une Sàrl ayant pour but le commerce, l’achat, la vente, la réparation, la location de motos, cycles, accessoires et pièces, dont il était l’unique ayant droit économique depuis sa création. Il était ainsi à la tête d’une exploitation commerciale, au sens économique du terme, existant pour partie sous la forme d’une raison individuelle et pour partie sous la forme d’une Sàrl, et exerçait son activité commerciale selon sa propre organisation librement choisie. Il possédait sa propre infrastructure, soit des locaux commerciaux qu’il louait au nom de la Sàrl depuis le 01.01.2012, et avait depuis la création de la Sàrl occupé du personnel qu’il avait dûment déclaré auprès de la CNA notamment. L’exercice de son activité, selon sa propre organisation librement choisie, était reconnaissable de l’extérieur puisqu’il apparaissait au registre du commerce comme l’unique propriétaire et associé gérant de la Sàrl avec signature individuelle, de sorte qu’il agissait en son propre nom et pour son propre compte lorsqu’il concluait les contrats avec la clientèle. En tant qu’unique associé de la Sàrl, il était financièrement intéressé à son rendement, encourait les pertes et assumait seul les dettes de celle-ci (cf. art. 794 CO) et endossait ainsi le risque économique de l’entreprise. S’agissant du lien de subordination, en sa qualité de propriétaire de l’intégralité du capital social de la Sàrl et d’unique associé gérant, il définissait de manière autonome la politique commerciale, la gestion et l’exploitation de la Sàrl. Il ne dépendait ainsi pas d’un employeur du point de vue économique ou dans l’organisation de son travail, mais gérait seul la Sàrl, sans lien de subordination envers quiconque.

Par jugement du 13.02.2019, admission du recours par le tribunal cantonal et annulation de la décision sur opposition.

 

TF

Selon l’art. 1a LAA, les travailleurs occupés en Suisse sont assurés à titre obligatoire contre le risque d’accident. Est réputé travailleur au sens de cette disposition quiconque exerce une activité lucrative dépendante au sens de la législation sur l’AVS (art. 1 OLAA). Chez une personne qui exerce une activité lucrative, l’obligation de payer des cotisations dépend, notamment, de la qualification du revenu touché dans un certain laps de temps ; il faut se demander si cette rétribution est due pour une activité indépendante ou pour une activité salariée (cf. art. 5 et 9 LAVS, art. 6 ss RAVS). Selon l’art. 5 al. 2 LAVS, on considère comme salaire déterminant toute rétribution pour un travail dépendant effectué dans un temps déterminé ou indéterminé ; quant au revenu provenant d’une activité indépendante, il comprend tout revenu du travail autre que la rémunération pour un travail accompli dans une situation dépendante (art. 9 al. 1 LAVS).

Le point de savoir si l’on a affaire, dans un cas donné, à une activité indépendante ou salariée ne doit pas être tranché d’après la nature juridique du rapport contractuel entre les partenaires. Ce qui est déterminant, bien plutôt, ce sont les circonstances économiques (ATF 140 V 241 consid. 4.2 p. 245). Les rapports de droit civil peuvent certes fournir, éventuellement, quelques indices, mais ils ne sont pas déterminants. D’une manière générale, est réputé salarié celui qui dépend d’un employeur quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise, et ne supporte pas le risque encouru par l’entrepreneur. Ces principes ne conduisent cependant pas, à eux seuls, à des solutions uniformes, applicables schématiquement. Les manifestations de la vie économique revêtent en effet des formes si diverses qu’il faut décider dans chaque cas particulier si l’on est en présence d’une activité dépendante ou d’une activité indépendante en considérant toutes les circonstances de ce cas. Souvent, on trouvera des caractéristiques appartenant à ces deux genres d’activité ; pour trancher la question, on se demandera quels éléments sont prédominants dans le cas considéré (ATF 144 V 111 consid. 4.2 p. 112 s.; 123 V 161 consid. 1 p. 163; 122 V 169 consid. 3a p. 171; 119 V 161 consid. 2 p. 162 et les références; arrêt 9C_796/2014 du 27 avril 2015 consid. 3.2). Si l’assuré exerce simultanément plusieurs activités lucratives, il faut examiner pour chacune d’elles si le revenu en découlant est celui d’une activité indépendante ou salariée, même si les travaux sont exécutés pour une seule et même entreprise (ATF 122 V 169 consid. 3b p. 172 précité; 104 V 126 consid. 3b p. 127).

Selon la jurisprudence, le gérant ou le dirigeant d’une entreprise employé par cette dernière est, même s’il a dans les faits une position d’actionnaire unique ou majoritaire et a une influence déterminante sur la marche des affaires, formellement un travailleur salarié de la société. Cependant, ce ne sont pas les rapports de droit civil qui sont déterminants pour déterminer le statut d’une personne du point de vue des assurances sociales, mais bien la position économique. La question de savoir si une personne a une influence déterminante sur la politique de l’entreprise et le développement de celle-ci – et doit ainsi être considérée comme tirant ses revenus d’une activité indépendante – doit être examinée sur la base de critères tels que le cercle des actionnaires, la participation au capital social, la composition du conseil d’administration, le taux d’activité des actionnaires et leur fonction dans la société (arrêts 8C_121/2017 du 5 juillet 2018, publié in SVR 2019 UV n° 3 p. 9, consid. 7.1; 9C_453/2014 du 17 février 2015 consid. 4.1; I 185/02 du 29 janvier 2003 consid. 3.1).

 

On peut certes donner acte à l’assurance-accidents recourante que certains des arrêts cités par la cour cantonale – qui concernent la question de savoir si une personne n’a pas droit aux prestations de l’assurance-chômage parce qu’elle a au sein d’une personne morale une situation professionnelle comparable à celle d’un employeur (arrêt 8C_331/2017 du 8 mars 2018; ATF 126 V 212 consid. 2b p. 213), respectivement parce qu’elle n’est pas apte au placement du fait qu’elle n’a pas l’intention ou n’est pas à même d’exercer une activité salariée (arrêts 8C_435/2010 du 25 janvier 2011 et C 224/01 du 13 décembre 2002) – ne sont pas pertinents pour examiner la question du statut indépendant ou dépendant de B.__ au sens de l’art. 1a LAA.

Cela étant, la qualification de l’activité déployée par B.__ au sein de la Sàrl comme activité indépendante au sens des art. 1a LAA et 1 OLAA échappe à la critique. Selon les constatations de fait de la juridiction cantonale, B.__ détenait l’entier du capital social de la Sàrl et prenait seul, étant l’unique associé gérant de la Sàrl avec signature individuelle, toutes les décisions relatives à la marche de l’entreprise. Dans ces conditions, il doit être considéré comme indépendant du point de vue des assurances sociales, conformément à la jurisprudence rappelée ci-dessus (cf. en particulier arrêt 8C_121/2017 du 5 juillet 2018 consid. 7.1), à laquelle ni la cour cantonale ni l’assurance-accidents ne se sont référées.

Le TF rejette le recours de l’assureur-accidents.

 

 

Arrêt 8C_202/2019 consultable ici

 

 

8C_554/2018 (f) du 05.05.2020 – Détermination du caractère dépendant ou indépendant de l’activité déployée par un assuré – 5 al. 2 LAVS – 9 al. 1 LAVS / Chauffeurs de taxi rattachés à un central d’appel

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_554/2018 (f) du 05.05.2020

 

NB : Arrêt à 5 juges ; non destiné à la publication

 

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Détermination du caractère dépendant ou indépendant de l’activité déployée par un assuré / 5 al. 2 LAVS – 9 al. 1 LAVS

Chauffeurs de taxi rattachés à un central d’appel

 

En 1964, plusieurs communes de la région lausannoise ont constitué le Service intercommunal de taxis de l’arrondissement de Lausanne (ci-après : le Service intercommunal ou SIT). Par la suite, les communes membres du Service intercommunal se sont regroupées en une Association de communes de la région lausannoise pour la réglementation du service des taxis (ci-après: l’Association).

Selon l’art. 15 RIT (Règlement intercommunal sur le service des taxis), nul ne peut exploiter un service de taxis sur le territoire de l’arrondissement sans en avoir obtenu l’autorisation (teneur du texte en vigueur dès le 01.11.2016). Il y a trois types d’autorisations. L’autorisation A (terme remplacé par « la concession » à partir du 01.07.2018) est celle qui permet le stationnement sur des emplacements désignés par les communes membres de l’Association (stations officielles de taxis).

Le 18.05.2006, le Conseil intercommunal de l’Association a adopté un règlement sur le central d’appel des taxis A (ci-après: RCAp), qui est entré en vigueur le 01.01.2008. Ce règlement a pour objet la création et l’exploitation, par le biais d’une concession accordée à une personne morale, d’un central d’appel unique chargé de recevoir et de diffuser toutes les commandes téléphoniques concernant les taxis A. Il prévoit notamment l’obligation, pour tous les titulaires d’une autorisation d’exploitation A, de souscrire un abonnement à ce central et de lui verser une contribution périodique pour le service de transmission des commandes (cf. art. 6), avec pour corollaire l’obligation du concessionnaire d’admettre tous les exploitants de taxis A à titre d’abonnés (cf. art. 4). Le 20.08.2008, l’Association a désigné la société T.__ Sàrl comme titulaire de la concession de l’exploitation du central d’appel des taxis A.

B.__ est chauffeur de taxi. Le 15.09.2015, il a été mis au bénéfice d’une autorisation d’exploiter un service de taxi avec permis de stationnement (autorisation A) valable dès le 01.01.2016. Il a pris un leasing pour un véhicule d’un prix de 35’688 fr. hors remise, dont les mensualités s’élèvent à 670 fr. 10. Il a également conclu un contrat d’abonnement avec T.__ Sàrl.

Par lettre du 16.11.2015, B.__ a demandé à la CNA de lui reconnaître un statut d’indépendant en tant que chauffeur professionnel au bénéfice d’une autorisation de type A à partir du 01.01.2016, en précisant qu’il avait trois sources de revenus dans cette activité, à savoir par le contact direct avec les clients, par le stationnement sur les stations officielles et, enfin, par le central d’appel T.__ Sàrl.

Par décision, la CNA a constaté que B.__ exerçait une activité dépendante en tant que chauffeur de taxi. La CNA a notifié cette décision à l’intéressé ainsi qu’à T.__ Sàrl à titre de partie prenante. Tous deux ont formé opposition. La CNA a confirmé que B.__ avait le statut d’un travailleur dépendant dans le cadre de ses relations avec T.__ Sàrl et a écarté les oppositions en conséquence.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 7/17 – 71/2018 – consultable ici)

B.__ et T.__ Sàrl ont recouru contre cette dernière décision.

La cour cantonale a relevé que, dans la région lausannoise, la réglementation en vigueur avait instauré, pour des motifs d’intérêt public, un monopole d’exploitation d’un central d’appel unique (voir l’arrêt 2C_71/2007 du 9 octobre 2007). Les rapports entre les chauffeurs de taxi et T.__ Sàrl étaient uniquement réglés par un contrat d’abonnement. Or ce contrat ne contenait aucune règle d’ordre organisationnel et se limitait principalement à fixer les conditions financières d’accès au central d’appel. En particulier, les chauffeurs de taxi n’étaient pas soumis à un régime de devoirs et obligations vis-à-vis de T.__ Sàrl. Cette dernière devait certes, selon le ch. 8.3 du contrat de concession, s’efforcer de planifier l’offre de taxis disponibles en fonction de la demande et, de manière générale, prendre toutes les mesures utiles en son pouvoir pour réduire sensiblement le nombre d’appels non quittancés et limiter les refus de courses. L’art. 21bis al. 2 RIT (en vigueur dès le 01.09.2016) précisait encore que seul le Comité de direction de l’Association était compétent, en cas de besoin, pour imposer aux compagnies la mise à disposition du public d’un nombre déterminé de véhicules à toute heure.

De manière générale, les chauffeurs de taxi A étaient soumis à un régime de devoirs et obligations à l’égard de l’Association, laquelle était – sous réserve du non-respect par les chauffeurs de taxi de leurs obligations financières à l’égard de T.__ Sàrl – la seule habilitée à sanctionner les chauffeurs de taxi (art. 96 RIT). Mais ce n’était pas le central d’appel qui imposait ces règles, lesquelles étaient au demeurant applicables à tous les chauffeurs titulaires d’une autorisation A, qu’ils fussent hélés dans la rue, sollicités à une station officielle de taxi ou contactés par le central d’appel. L’introduction, par le RCAp, d’un central unique et de l’obligation de s’y affilier ne constituait qu’une obligation supplémentaire – relevant du droit public communal – à charge des chauffeurs de taxi A, à laquelle ces derniers ne pouvaient pas se soustraire et qui venait s’ajouter aux nombreuses autres règles du RIT et des « Prescriptions d’application du Règlement intercommunal sur le service des taxis » (ci-après: PARIT). Selon la cour cantonale, on ne pouvait pas y voir des indices de l’exercice d’une activité salariée pour le compte de T.__ Sàrl.

A cela s’ajoutait que T.__ Sàrl n’était pas autorisée à poursuivre un but lucratif (art. 44 PARIT), ni à exploiter une entreprise de taxis ou à engager des chauffeurs. Les contributions qu’elle prélevait auprès des exploitants de taxis A étaient destinées à couvrir les frais de fonctionnement, d’amélioration du système et d’amortissement (art. 4 RCAp). L’abonnement constituait ainsi la contrepartie du matériel mis à disposition par T.__ Sàrl et embarqué dans les véhicules des chauffeurs, et finançait toute l’infrastructure du central d’appel des taxis A. Quant à la transmission gratuite de 100 courses mensuelles prévue à l’art. 3 du contrat d’abonnement, elle constituait une prestation incluse dans la contribution de base, à l’instar du nombre de Giga-octets inclus dans un abonnement de téléphonie mobile ; le contrat ne contenait cependant aucune garantie quant au nombre de courses. Par ailleurs, les recettes des courses étaient directement perçues par les chauffeurs de taxi qui assumaient aussi le risque de débiteur. Enfin, T.__ Sàrl ne disposait d’aucune compétence pour imposer des obligations particulières aux exploitants individuels, notamment concernant les heures de présence ou l’affichage du logo du central (ce point étant laissé au libre choix du chauffeur ; art. 8 du contrat d’abonnement).

En résumé, selon la cour cantonale, les éléments en faveur d’une activité indépendante des chauffeurs de taxis A l’emportaient sur ceux en faveur d’un rapport de subordination vis-à-vis de T.__ Sàrl. Celle-ci n’intervenait pas comme une société exploitant une entreprise de taxis mais comme une entreprise concessionnaire dont le seul but était d’exploiter un central téléphonique pour coordonner les taxis et qui était financée de manière exclusive par tous les exploitants de taxis A. Partant, c’était à tort que la CNA avait retenu que B.__ devait être considéré comme salarié de T.__ Sàrl lorsqu’il se voyait confier des courses par le biais du central d’appel.

Par jugement du 14.06.2018, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

D’une manière générale, est réputé salarié celui qui dépend d’un employeur quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise, et ne supporte pas le risque encouru par l’entrepreneur (ATF 123 V 161 consid. 1 p. 162; arrêt 9C_796/2014 du 27 avril 2015 consid. 3.2). Les principaux éléments qui permettent de déterminer le lien de dépendance quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise sont le droit de l’employeur de donner des instructions, le rapport de subordination du travailleur à l’égard de celui-ci et son obligation d’exécuter personnellement la tâche qui lui est confiée (RCC 1989 p. 111 consid. 5a; 1986 p. 651 consid. 4c; 1982 p. 178 consid. 2b). Un autre élément est le fait qu’il s’agit d’une collaboration régulière, autrement dit que l’employé est régulièrement tenu de fournir ses prestations au même employeur (ATF 110 V 72 consid. 4b p. 78 s.). En outre, la possibilité pour le travailleur d’organiser son horaire de travail ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’une activité indépendante (ATF 122 V 169 consid. 6a/cc p. 176).

 

La jurisprudence procède à un examen de la situation de cas en cas qui consiste à rechercher dans les rapports de fait entre le chauffeur de taxi et le central d’appel des indices plaidant ou non en faveur d’un lien de dépendance et d’un risque économique.

Dans l’arrêt RCC 1971 p. 27, le Tribunal fédéral a retenu l’existence d’un rapport de subordination entre la société exploitant un central d’appel et les chauffeurs de taxi rattachés à celui-ci en considération notamment du fait que ces derniers étaient soumis, outre aux prescriptions de droit public régissant l’activité des taxis, à des obligations de nature contractuelle imposées par la société (obligation d’exécuter toutes les courses transmises, suivi d’un plan de service, prescriptions sur le comportement des conducteurs et la couleur du taxi, application du tarif fixé par la société) et qu’ils pouvaient être sanctionnés par un blocage d’accès au central en cas de non-respect de ces obligations. Il y a également lieu de préciser que la société était titulaire à la fois d’une concession pour l’exploitation d’un central d’appel et d’une entreprise de taxis. Dans un autre arrêt (8C_357/2014 du 17 juin 2014), le Tribunal fédéral est parvenu à la même conclusion dans la mesure où la société exploitante du central d’appel avait un droit de regard notamment sur le volume des véhicules employés, l’exécution des courses et le comportement des chauffeurs (qu’elle pouvait sanctionner par la suspension), et s’occupait de louer les places de stationnement ; de plus, la société supportait le risque d’encaissement des cartes de crédit. L’arrêt le plus récent en la matière (8C_571/2017 du 9 novembre 2017) concerne une coopérative de chauffeurs de taxi détenant la totalité des parts d’une société anonyme exploitant un central d’appel. Les membres de la coopérative étaient liés au central par un contrat d’affiliation (Anschlussvertrag) qui prévoyait l’obligation de participer à des cours de formation ou de perfectionnement, d’afficher le nom du central sur leur véhicule et de respecter certaines règles avec les clients (règlement de service) ; il existait une interdiction de s’affilier à un autre central d’appel ; le contrat pouvait être résilié moyennant un délai de trois mois ; la société faisait de surcroît de la publicité pour le central sur internet et employait des collaborateurs afin de prospecter et acquérir la clientèle d’entreprise ; le risque d’encaissement des cartes de crédit était supporté par la société. Ici également, le Tribunal fédéral a admis que les éléments plaidant en faveur d’une activité dépendante étaient prépondérants même si, par ailleurs, les chauffeurs étaient libres d’accepter ou de refuser les courses transmises par le central. Dans tous ces arrêts, le fait que les chauffeurs de taxi exerçaient leur activité au moyen de leur propre véhicule et en assumaient tous les frais n’a pas été jugé comme étant un élément décisif dans l’appréciation globale par rapport aux autres indices caractéristiques relatifs au lien de dépendance.

 

En l’espèce, la présente situation a ceci de particulier qu’il existe pour tous les chauffeurs de taxi A une obligation d’affiliation, fondée sur le droit public, à un central d’appel unique dont l’exploitation a été concédée à un organisme privé (T.__ Sàrl) par l’autorité compétente. Que le caractère obligatoire de cette affiliation trouve appui sur la réglementation communale n’a cependant pas une portée décisive sur le point de savoir si B.__ exerce une activité dépendante ou indépendante lorsqu’il effectue des courses transmises par ce central. Pour répondre à cette question, il faut déterminer si les circonstances de fait dans lesquelles se déroulent les relations entre le prénommé et T.__ Sàrl font apparaître des éléments caractéristiques d’un lien de subordination.

Le central d’appel fonctionne sur le principe de la couverture des coûts et n’est pas autorisé à poursuivre un but lucratif (art. 4 al. 2 RCAp). C’est l’ensemble des exploitants de taxis A qui financent l’ensemble de l’infrastructure, dont l’achat et l’entretien du matériel nécessaire, au moyen de leur contribution mensuelle. Quand bien même ce matériel reste juridiquement la propriété de T.__ Sàrl, la charge économique en est assumée par chaque abonné, dont B.__. On ne peut dès lors pas en inférer que ce dernier dispose de l’infrastructure de « l’employeur », ce qui pourrait constituer un élément en faveur d’un lien de dépendance.

Le contrat d’abonnement que B.__ a conclu avec T.__ Sàrl ne comporte aucune obligation pour le prénommé quant à son temps de travail (celui-ci pouvant s’organiser librement), ni ne contient des instructions particulières sur la manière dont il doit se comporter avec la clientèle ainsi que sur l’aspect du véhicule (l’affichage du logo de T.__ Sàrl étant laissé à son libre choix); il n’y a pas d’exigence d’exécuter personnellement les courses transmises (le titulaire d’une autorisation A ayant la liberté d’engager des employés dont il doit simplement communiquer le nom au central pour enregistrement); B.__ a la possibilité de refuser des commandes diffusées par le central et de prendre d’autres clients en direct qui n’ont pas passé par celui-ci. On ne voit donc pas que T.__ Sàrl donnerait au prénommé des instructions sur la manière d’exécuter son activité et exercerait sur lui un contrôle comparable à celui d’un employeur sur ses salariés dans l’exécution de leur travail.

 

Il est vrai que pour pouvoir exercer une activité de chauffeur de taxi avec l’autorisation A dans l’agglomération lausannoise, il ne suffit pas de conclure un contrat d’abonnement avec T.__ Sàrl. L’exercice d’une telle activité est plus largement lié au respect d’un certain nombre de conditions énoncées dans le RIT et les PARIT. Ceux-ci contiennent des prescriptions détaillées en particulier sur les exigences personnelles requises pour conduire professionnellement un taxi et obtenir une autorisation A, sur les conditions auxquelles un véhicule peut être affecté à un service de taxis, sur la tenue et le comportement des conducteurs, ainsi que sur le tarif applicable. Dans la mesure où ce sont les circonstances économiques qui sont déterminantes pour décider de la qualification – indépendante ou salariée – d’une activité dans un cas donné, on pourrait certes se demander si, du fait des nombreuses prescriptions et obligations du RIT et PARIT imposées à l’exploitant de taxi A pour exercer son activité, celui-ci peut encore être considéré comme indépendant quant à l’organisation de son travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise, étant précisé que le cadre restrictif rappelé ci-dessus est l’œuvre de l’Association et non pas de T.__ Sàrl qui n’a aucune compétence en la matière. La question de savoir quelle portée il faut donner au point de vue des circonstances économiques lorsqu’on a affaire à des domaines d’activité réglementés par une collectivité publique pour des motifs d’intérêt public et de police peut être laissée ouverte. En effet, il n’y a pas lieu de se déterminer sur cette problématique dès lors qu’elle dépasse le cadre du litige qui est circonscrit par la décision attaquée et qui concerne la relation entre B.__ et T.__ Sàrl et non pas entre le prénommé et l’Association. On peut néanmoins observer que dans l’arrêt RCC 1971 cité précédemment, le Tribunal fédéral des assurances ne voyait aucune contradiction entre la solution adoptée dans le cas de la société en cause qui exploitait un central téléphonique et la situation prévalant alors dans le canton de Zurich où les chauffeurs de taxis rattachés à un central d’appel étaient considérés sous l’angle de l’AVS comme indépendants; à cet égard, la cour fédérale a relevé qu’il était admissible que des obligations soient mises à la charge de bénéficiaires de concessions si l’intérêt public le commandait et que l’existence de prescriptions de droit public (telle par exemple l’obligation pour les pharmaciens d’assurer un service de garde ou de nuit) n’avait pas de portée décisive pour déterminer si une personne exerçant une activité commerciale était indépendante ou avait un statut de salarié.

 

On ne discerne pas d’inégalité de traitement injustifiée entre le cas de T.__ Sàrl et d’autres affaires concernant des centrals d’appel pour taxis. L’élément commun à tous les chauffeurs de taxi qui sont rattachés à un central d’appel est que leur activité est facilitée par le fait que les commandes de clients leur sont transmises par ce central. Mais la qualification du statut en matière d’assurances sociales d’un chauffeur de taxi compte tenu de son rattachement à un central d’appel déterminé ne s’épuise pas dans ce constat et nécessite un examen concret de la situation à l’aune des critères jurisprudentiels rappelés ci-avant.

Dans le présent cas, le rôle attribué à T.__ Sàrl par la réglementation communale se limite à la réception et la diffusion des commandes téléphoniques concernant les taxis A afin d’en assurer la coordination. Les commandes sont transmises au taxi A le plus proche et passées au suivant en cas de refus de course, en assurant une égalité de traitement entre tous les exploitants A. Par ailleurs, T.__ Sàrl n’a aucun droit de regard sur l’exécution des courses et n’a aucun intérêt propre à ce que les exploitants A en fassent le plus possible puisqu’elle a l’interdiction de poursuivre un but lucratif (art. 44 PARIT), que tous les abonnés financent son infrastructure par le biais de la contribution mensuelle, et que ce n’est pas elle qui encaisse les gains des chauffeurs de taxi A et leur verse une compensation pour leur activité. Enfin, T.__ Sàrl est tenue d’admettre tous les exploitants A à titre d’abonnés et ne peut pas résilier elle-même le contrat d’abonnement, ni prendre des sanctions contre eux. En d’autres termes, dans le contexte qui lui a été assigné, elle n’a pas les attributs caractéristiques d’un employeur.

 

Pour le surplus, il peut être renvoyé au considérant pertinent 7h du jugement attaqué en ce qui concerne le critère du risque économique d’entrepreneur et de sa moindre importance par rapport à celui de la dépendance économique et organisationnelle en présence de situations dans lesquelles l’activité n’exige pas, de par sa nature, des investissements importants (voir également l’arrêt 9C_364/2013 du 23 septembre 2013 consid. 2.2 et les références).

 

Le TF rejette le recours de la CNA.

 

 

Arrêt 8C_554/2018 consultable ici

 

 

Coronavirus : suspension temporaire des intérêts moratoires sur les arriérés de cotisation

Coronavirus : suspension temporaire des intérêts moratoires sur les arriérés de cotisation

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 29.04.2020 consultable ici

 

Lors de sa séance du 29.04.2020, le Conseil fédéral a décidé que, pendant la situation extraordinaire due au coronavirus, les intérêts moratoires sur les arriérés de cotisations AVS/AI/APG et AC ne seraient pas exigés. Cette réglementation temporaire complète la mesure déjà prise en matière de suspension des intérêts lors de sursis de paiement accordés aux entreprises manquant de liquidités.

Les assurances sociales AVS/AI/APG ainsi que l’assurance-chômage (AC) sont financées par répartition. Les employeurs sont en principe tenus de verser mensuellement les cotisations salariales aux caisses de compensation, les indépendants les versant quant à eux trimestriellement. Les caisses de compensation utilisent directement les cotisations encaissées pour financer les prestations en cours, raison pour laquelle elles établissent des factures de mensuelles, même pendant la crise liée au coronavirus. Si les cotisations ne sont pas versées dans le délai imparti, des intérêts moratoires sont normalement exigibles.

Afin d’alléger la charge des entreprises et des indépendants dans cette situation extraordinaire, les assurances sociales (AVS, AI, APG, AC) renoncent de manière générale, jusqu’au 30.06.2020, à la perception d’intérêts moratoires sur les arriérés de cotisation. La mesure s’applique rétroactivement à compter du 21.03.2020. Les cotisations demeurent néanmoins dues et devront être intégralement versées. À partir du 01.07.2020, les caisses de compensation présenteront à nouveau des sommations en cas de non-paiement des cotisations et pourront, le cas échéant, ouvrir des poursuites.

Depuis le 20.03.2020, les entreprises qui rencontrent des difficultés financières à cause de la crise due au coronavirus ont la possibilité de demander un sursis au paiement des cotisations exempt d’intérêts moratoires. Elles doivent alors s’engager à effectuer des versements par acomptes réguliers. La possibilité d’un paiement échelonné des cotisations dues demeure valable et ce paiement sera exempt d’intérêt jusqu’au 20.09.2020.

 

 

Communiqué de presse du Conseil fédéral du 29.04.2020 consultable ici

Modification du RAVS publié au RO 2020 1407

Commentaire sur la modification du RAVS disponible ici (3e page)

 

 

9C_546/2019 (f) du 13.01.2020 – Responsabilité de l’employeur – Comportement fautif de l’employeur – Négligence grave / 52 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_546/2019 (f) du 13.01.2020

 

Consultable ici

 

Responsabilité de l’employeur – Comportement fautif de l’employeur – Négligence grave / 52 LAVS

 

B.__ Sàrl (ci-après : la société), inscrite au registre du commerce de Genève en novembre 2008, a été dissoute par suite de faillite prononcée par jugement du 24.08.2017 et radiée du registre du commerce en janvier 2018. A.__ en était l’associée gérante, avec signature individuelle.

Par décision, confirmée sur opposition, la caisse de compensation a réclamé à A.__, en sa qualité d’associée gérante de la société, la somme de 107’882 fr. 96 à titre de réparation pour le dommage subi à la suite du non-paiement de cotisations sociales entre le 01.01.2016 et le 30.11.2016.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/570/2019 – consultable ici)

Par jugement du 25.06.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon la jurisprudence, commet notamment une faute ou une négligence grave au sens de l’art. 52 al. 1 LAVS, l’employeur qui verse des salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlent de par la loi ne sont pas couvertes (cf. arrêts 9C_848/2018 du 21 janvier 2019 consid. 4.2; 9C_713/2013 du 30 mai 2014 consid. 4.2.3 et les références). En conséquence, si les ressources financières de la société ne lui permettaient pas de payer les cotisations paritaires dans leur intégralité, il eût appartenu à l’employeur – soit à A.__ en sa qualité d’associée gérante de la société – de ne verser que les salaires pour lesquels les créances de cotisations qui en découlaient de par la loi pouvaient être couvertes.

 

Selon la jurisprudence, il existe certains motifs de nature à justifier ou à excuser le comportement fautif de l’employeur au sens de l’art. 52 LAVS (ATF 108 V 183 consid. 1b p. 186; arrêts H 28/88 du 21 août 1985 consid. 2, in RCC 1985 p. 603 et H 8/85 du 30 mai 1985 consid. 3a, in RCC 1985 p. 647). Cependant, s’il peut arriver qu’un employeur parvienne à maintenir son entreprise en vie, par exemple lors d’une passe délicate dans la trésorerie, en retardant le paiement de cotisations, il faut encore, pour qu’un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup de l’art. 52 LAVS, que l’on puisse admettre que celui-ci avait, au moment où il a pris sa décision, des raisons sérieuses et objectives de penser qu’il pourrait s’acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable (ATF 108 V 183 consid. 2 p. 188, confirmé dans ATF 121 V 243; cf. aussi arrêt 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). En l’occurrence, ces conditions ne sont pas remplies.

Le fait d’avoir procédé à des restructurations, en réduisant le nombre d’employés de 31 en début 2015 à 19 en 2016, ne constitue pas un motif d’exculpation suffisant. Si ces démarches étaient susceptibles de conduire à l’assainissement de la société, il n’en demeure pas moins, au vu de l’importance du retard accumulé par la société dans le versement des cotisations sociales, qu’elles ne constituent pas des éléments suffisamment concrets et objectifs pour admettre que la situation économique de la société allait se stabiliser dans un laps de temps déterminé. L’associée gérante ne prétend par ailleurs pas qu’au moment où elle a pris la décision de retarder le paiement des cotisations sociales dues, elle avait des raisons sérieuses et objectives de penser qu’elle pourrait s’acquitter de celles-ci dans un délai raisonnable. Les difficultés financières rencontrées par la société n’étaient du reste pas passagères, dès lors qu’il ressort des constatations cantonales que B.__ Sàrl a fait l’objet de divers rappels, sommations et poursuites s’agissant du paiement des cotisations sociales depuis 2012.

En conséquence, il n’y a pas lieu de s’écarter des conclusions des juges cantonaux selon lesquelles, en laissant en souffrance, pendant plus d’une année, les créances de la caisse de compensation, A.__ a commis une négligence qui doit, sous l’angle de l’art. 52 LAVS, être qualifiée de grave.

 

Le TF rejette le recours de l’employeur.

 

 

Arrêt 9C_546/2019 consultable ici

 

 

Suicide et assurances sociales

Suicide et assurances sociales

 

Article paru in Jusletter, 30 mars 2020

 

En Suisse, le suicide constitue la quatrième cause de mort précoce en termes d’années de vie potentielles perdues, après le cancer, les maladies cardiovasculaires et les accidents. Des actes suicidaires existent dans toutes les classes d’âge, chez les hommes comme chez les femmes et dans toutes les catégories socio-économiques. Face à cette réalité sociétale, comment les principales branches de l’assurance sociale abordent-elles le problème du suicide ?

 

Publication : Suicide et assurances sociales – David Ionta – Jusletter 2020-03-30

 

 

Stabilisation du système de prévoyance : un défi qui reste à relever

Stabilisation du système de prévoyance : un défi qui reste à relever

 

Article de Katharina Mauerhofer paru in Sécurité sociale CHSS 1/2020, disponible ici

 

La stabilisation de notre système de prévoyance sera une tâche centrale de la nouvelle légis­lature. L’évolution démographique et les mutations profondes des structures économiques et sociales n’ont pas disparu avec l’échec du projet de réforme Prévoyance vieillesse 2020. Au contraire, ces problèmes ne cessent de s’accentuer et appellent une solution bénéficiant d’un large soutien.

Le système de prévoyance est actuellement un vaste chantier. En proposant la réforme AVS 21, le Conseil fédéral a soumis à la discussion, en août dernier, des mesures visant à maintenir le niveau des prestations de l’AVS et à assurer l’équilibre financier de l’assurance jusqu’en 2030. Il espère ainsi gagner du temps pour pouvoir s’attaquer ultérieurement aux défis structurels. Il en va de même de la réforme du 2e pilier, qui a fait l’objet d’un compromis entre les partenaires sociaux en été 2019 et pour laquelle le processus de décision politique a été lancé à la fin de l’année 2019.

La réforme des prestations complémentaires (PC) a, quant à elle, déjà été votée et elle entrera en vigueur le 1er janvier 2021. Des autres optimisations lancées ces dernières années, à savoir la loi sur les fonds de compensation, l’utilisation systématique du numéro AVS par les autorités et la modernisation de la surveillance, seule la première a été votée et mise en œuvre. Les autres se trouvent encore à divers stades du processus de décision. C’est aussi le cas des propositions du Conseil fédéral visant à mieux concilier activité professionnelle et prise en charge de proches, ainsi que de son modèle de prestations transitoires pour les chômeurs âgés, qui vise à éviter que les personnes arrivant en fin de droit dans l’assurance-chômage après 60 ans soient contraintes de recourir à l’aide sociale et d’épuiser leur capital de prévoyance.

 

Prévoyance vieillesse

L’initiative populaire du 17 décembre 2013 intitulée « AVSplus : pour une AVS forte » proposait de relever toutes les rentes AVS de 10 %. Son objectif était de mieux réaliser le principe constitutionnel selon lequel le cumul des rentes du 1er et du 2e pilier doit permettre aux assurés de maintenir de manière appropriée leur niveau de vie antérieur. Une adoption de l’initiative aurait entraîné une augmentation des dépenses de l’AVS d’environ 4 milliards de francs par année, et même de 5,5 milliards de francs d’ici à fin 2030. Le peuple et les cantons ont toutefois nettement rejeté ce texte lors de la votation populaire du 25 septembre 2016.

La réforme Prévoyance vieillesse 2020 s’attaquait de manière coordonnée aux déficits annuels de l’AVS et aux problèmes de la prévoyance professionnelle. Deux textes étaient prévus : l’arrêté fédéral sur le financement additionnel de l’AVS par le biais d’un relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée et la loi fédérale sur la réforme de la prévoyance vieillesse 2020 (Conseil fédéral 2014).

La réforme proposait de remplacer l’âge ordinaire de la retraite, qui est actuellement de 64 ans pour les femmes et de 65 ans pour les hommes, par un âge de référence unique. Ce dernier devait servir, dans l’AVS comme dans la prévoyance professionnelle, de valeur de référence pour un départ flexible à la retraite entre 62 et 70 ans. Les besoins en financement supplémentaire de l’AVS liés au départ à la retraite des personnes nées durant les années à forte natalité auraient été couverts par une réaffectation du produit de la TVA. En outre, les cotisations salariales à l’AVS auraient été relevées de 0,3 point, tandis que le taux de conversion dans la prévoyance professionnelle aurait été progressivement réduit de 6,8 à 6,0 %. Une augmentation des nouvelles rentes AVS de 840 francs par an et une compensation dans la prévoyance professionnelle devaient garantir le maintien du niveau des rentes de vieillesse (CHSS 2/2015).

Lors de la votation populaire du 24 septembre 2017, l’arrêté fédéral sur le financement additionnel de l’AVS par le biais d’un relèvement de la taxe sur la valeur ajoutée a été rejeté par la population à une courte majorité de 2357 voix et par les cantons à une majorité de 13½ cantons contre 9½. La loi sur la réforme de la prévoyance vieillesse 2020 a, quant à elle, été rejetée par 52,7 % des votants.

Après cet échec, le Conseil fédéral a décidé de dissocier les réformes de l’AVS et du 2e pilier. En décembre 2017, il a présenté les nouvelles orientations de la réforme de la prévoyance vieillesse. Après avoir analysé les résultats de la votation ratée et mené des discussions avec des représentants des partis politiques, des partenaires sociaux et de diverses organisations, il est arrivé à la conclusion que l’échec s’expliquait par une conjonction de facteurs particuliers plutôt que par des raisons fondamentales. C’est pourquoi le nouveau projet de stabilisation de l’AVS, baptisé AVS 21, reprend les éléments de base du projet précédent.

La loi fédérale relative à la réforme fiscale et au financement de l’AVS (RFFA) a ensuite établi un lien entre l’AVS et la réforme fiscale. À l’avenir, toutes les entreprises seront fondamentalement soumises aux mêmes règles fiscales. Les privilèges fiscaux accordés aux entreprises actives surtout à l’échelle internationale sont supprimés (RO 2019 2395), ce qui représente pour elles une augmentation globale de la charge fiscale. Les cantons et les communes auront désormais la possibilité d’encourager fiscalement les entreprises innovatrices. Ces mesures visent à préserver la compétitivité du pôle d’innovation suisse et à garantir des emplois attrayants. En compensation de cet allégement fiscal pour les entreprises, 2 milliards de francs supplémentaires seront versés chaque année à l’AVS. Le projet a été adopté par 66,4 % des voix contre 33,6 % lors de la votation du 19 mai 2019.

En prévoyant un financement additionnel pour l’AVS, le projet RFFA apporte une contribution importante à la garantie des rentes. La Confédération y participera à hauteur de 800 millions de francs environ. Le reste sera à la charge des entreprises et des assurés : ainsi, pour la première fois depuis plus de 40 ans, les cotisations à l’AVS augmenteront légèrement. Le taux de cotisation des employeurs et des employés sera relevé de 0,15 point chacun. Grâce à ces mesures, le besoin financier de l’AVS sera certes réduit, mais il ne sera pas comblé. Une réforme structurelle de l’assurance reste donc inévitable.

Le 28 août 2019, le Conseil fédéral a adopté le message relatif à la réforme AVS 21 (Conseil fédéral 2019a). Cette réforme prévoit de relever progressivement de 64 à 65 ans l’âge de référence pour les femmes, dans l’AVS comme dans la prévoyance professionnelle. Le rythme de ce relèvement devrait être de trois mois par an à partir de l’année qui suit celle de l’entrée en vigueur de la réforme. Des mesures compensatoires viendront atténuer les conséquences pour les femmes qui seront sur le point de prendre leur retraite lorsque la réforme entrera en vigueur.

Les assurés devraient pouvoir choisir plus librement le moment de leur départ à la retraite : ce départ pourra se faire progressivement entre 62 et 70 ans grâce à l’anticipation ou à l’ajournement du versement d’une partie de la rente, y compris dans la prévoyance professionnelle. La poursuite d’une activité lucrative au-delà de l’âge de référence permettra, grâce aux cotisations versées, d’augmenter le montant de la rente. Les mesures d’incitation visent à encourager les personnes à travailler jusqu’à l’âge de référence ou plus longtemps. Il sera aussi possible d’ajourner jusqu’à 70 ans la perception de toutes les prestations de la prévoyance professionnelle, même en cas de réduction du taux d’occupation.

Après l’adoption du projet RFFA, 26 milliards de francs doivent encore être trouvés pour couvrir les besoins de financement de l’AVS jusqu’en 2030. Afin de garantir un financement suffisant du fonds de compensation AVS, le projet AVS 21 prévoit de relever la TVA de 0,7 point. Ce relèvement doit intervenir en une fois lors de l’entrée en vigueur de la réforme et ne doit pas être limité dans le temps.

 

Loi sur les fonds de compensation 

L’AVS, l’AI et le régime des APG sont financés par répartition. Pour contrebalancer les fluctuations des flux financiers et garantir que les caisses de compensation disposent en tout temps des fonds nécessaires au versement des prestations dues, chaque assurance doit disposer d’une réserve. Les fonds de compensation ont précisément pour tâche d’assurer ces réserves. Compenswiss, auquel la loi du 16 juin 2017 sur les fonds de compensation (RS 830.2) a conféré la forme d’établissement de droit public de la Confédération, en assure la gestion. Compenswiss doit garantir en tout temps les liquidités nécessaires à l’exécution des trois assurances. Il doit investir la fortune de manière à garantir un rapport optimal entre la sécurité et l’obtention d’un rendement conforme aux conditions du marché.

La création d’un établissement de droit public de la Confédération doté de la personnalité juridique – et la suppression simultanée de la personnalité juridique jusqu’alors reconnue aux trois fonds de compensation – était devenue nécessaire en raison de la difficulté croissante des opérations de placement sur les marchés internationaux. Lorsque Compenswiss cherchait à placer des fonds sur des marchés financiers étrangers, les partenaires commerciaux ne comprenaient généralement pas la structure atypique d’une organisation travaillant pour plusieurs fonds de compensation, et des questions de responsabilité pouvaient se poser. Il était donc difficile pour Compenswiss d’exercer ses activités de manière efficace et d’obtenir un rendement adéquat. Le transfert à un établissement autonome de droit public inscrit au registre du commerce a permis de résoudre ce problème. En outre, l’adaptation des normes organisationnelles permet de respecter les principes de transparence et d’une gestion efficace des affaires de l’État et de l’administration (bonne gouvernance). En dépit de leur nouvelle structure faîtière, les trois fonds de compensation doivent demeurer des fortunes indépendantes sur le plan comptable. Aucun financement croisé n’est admis entre les fonds de compensation ni entre les assurances.

La loi sur les fonds de compensation est entrée en vigueur de manière échelonnée à partir du 1er janvier 2018. Le 1er janvier 2019, l’établissement a démarré ses activités et a acquis sa personnalité juridique, tandis que les trois fonds de compensation ont simultanément perdu la leur. L’ordonnance concernant l’administration des fonds de compensation de l’AVS, de l’AI et des APG a été abrogée. À la fin du premier semestre 2019, le Conseil fédéral a approuvé le bilan définitif d’opération et d’ouverture établi par Compenswiss, concluant ainsi le transfert des fonds de compensation (Luck 2017).

 

Réforme des PC

La réforme de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité (LPC ; RS 831.30) a été adoptée le 22 mars 2019. Il entrera en vigueur le 1er janvier 2021 (Réforme des PC 2019). Les mesures les plus importantes sont l’adaptation des montants maximaux reconnus au titre du loyer à la hausse du niveau des loyers, une meilleure utilisation de la fortune propre et une réduction des effets de seuil. Parallèlement, le niveau des prestations doit être maintenu.

Pour déterminer le montant maximal reconnu au titre du loyer, on tiendra compte désormais de la taille des ménages jusqu’à quatre personnes et des différences régionales en matière de loyers. Grâce à cet ajustement des bases de calcul, les montants maximaux permettront de couvrir le loyer de 90 % des bénéficiaires de PC. La réforme permet également de mieux tenir compte de la fortune : seules les personnes dont la fortune ne dépasse pas 100 000 francs (200 000 francs pour les couples mariés ; les biens immobiliers qui servent d’habitation à leur propriétaire n’étant pas pris en compte) auront droit aux PC. Une fortune d’un montant inférieur au seuil susmentionné est compatible avec le droit aux PC, mais est prise en compte en tant que revenu après déduction d’une franchise. Une obligation de restitution pour les héritiers si la succession est supérieure à 40 000 francs a en outre été introduite. Par ailleurs, le revenu provenant de l’activité lucrative d’un conjoint dont la capacité de gain n’est pas réduite sera à l’avenir pris en compte dans le calcul de la PC à hauteur de 80 % (au lieu des deux tiers actuellement). Le montant destiné à assurer la couverture des besoins vitaux diminuera pour les ménages dans lesquels vivent des enfants de moins de 11 ans. En contrepartie, les frais de prise en charge extrafamiliale de ces enfants seront reconnus comme des dépenses dans le calcul de la PC, pour autant que cette prise en charge soit rendue nécessaire par l’état de santé des parents.

La réduction du montant minimal de la PC vise à atténuer les effets de seuil par rapport aux personnes à revenus modestes qui ne bénéficient pas de PC. Les personnes qui perdent leur emploi après avoir atteint l’âge de 58 ans pourront rester affiliées auprès de leur ancienne institution de prévoyance et conserver ainsi leurs droits à la rémunération de leur avoir de vieillesse, au taux de conversion et à la rente. Pour cela, elles seront uniquement tenues de verser des contributions aux frais administratifs et les cotisations couvrant les risques de décès et d’invalidité.

Les modifications des dispositions légales entraînent aussi des adaptations dans l’ordonnance correspondante qui concernent surtout la répartition des communes dans les trois régions déterminantes pour la prise en compte du loyer, l’adaptation des forfaits pour frais accessoires et frais de chauffage, la renonciation à des revenus et parts de fortune, la prise en compte de la prime d’assurance-maladie dans le calcul de la PC, les frais de prise en charge extrafamiliale d’enfants, l’interruption de la résidence habituelle en Suisse et la durée de traitement des demandes de PC.

 

Activité professionnelle et prise en charge de proches

L’exercice d’une activité professionnelle est difficilement conciliable avec la prise en charge de proches, que celle-ci implique de courtes absences pour s’occuper d’un membre de la famille ou d’un proche ou qu’elle amène des parents à s’occuper d’un enfant atteint gravement dans sa santé en raison d’une maladie ou d’un accident. Ces parents n’ont pas d’autre choix que de prendre des congés non payés, de se déclarer eux-mêmes malades ou d’arrêter temporairement de travailler.

Le 22 mai 2019, le Conseil fédéral a transmis au Parlement le message concernant la loi fédérale sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches (Conseil fédéral 2019b). Le projet de loi contient diverses mesures visant à faciliter la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches. L’employeur sera tenu de continuer à verser le salaire de l’employé si celui-ci est absent du travail trois jours au plus par cas, mais dix jours au plus par année, pour l’organisation de la prise en charge nécessaire d’un membre de la famille ou du partenaire atteints dans leur santé en raison d’une maladie ou d’un accident. Les parents qui prennent en charge un enfant atteint gravement dans sa santé en raison d’une maladie ou d’un accident percevront une allocation de prise en charge et bénéficieront d’un congé de prise en charge d’une durée maximale de 14 semaines à prendre dans un délai-cadre de 18 mois. Ce délai-cadre commencera à courir le jour pour lequel la première indemnité journalière est versée. Dès la naissance du droit, les parents bénéficieront d’une protection contre le licenciement pendant 6 mois et ne pourront pas voir leurs vacances réduites. Le droit à une bonification pour tâches d’assistance de l’AVS sera étendu au proche aidant pour la prise en charge d’une personne atteinte d’impotence faible, mais aussi pour la prise en charge du partenaire dans le cas des couples formant une communauté de vie. Le versement de l’allocation pour impotent et du supplément pour soins intenses de l’AI à un enfant sera interrompu uniquement après que celui-ci aura passé un mois civil entier à l’hôpital (CHSS 4/2019).

 

Prestations transitoires 

Afin d’améliorer la compétitivité des seniors sur le marché du travail et d’encourager le potentiel de main-d’œuvre indigène, le Conseil fédéral et les partenaires sociaux se sont mis d’accord sur une série de mesures concernant le marché du travail. Les chômeurs âgés qui, malgré ces mesures, arrivent en fin de droit après avoir atteint l’âge de 60 ans devraient toucher des prestations transitoires s’ils remplissent certaines conditions. Le 30 octobre 2019, le Conseil fédéral a adopté le message concernant la loi fédérale sur les prestations transitoires pour les chômeurs âgés (Conseil fédéral 2019c).

Les personnes qui arrivent en fin de droit dans l’assurance-chômage après l’âge de 60 ans ne devraient pas être contraintes de recourir à l’aide sociale et d’épuiser leur capital de prévoyance. Elles devraient toucher une prestation transitoire jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite, à condition qu’elles aient été assurées à l’AVS pendant au moins 20 ans et qu’elles aient réalisé chaque année un revenu d’au moins 21 330 francs. Elles devront avoir réalisé ce revenu pendant au moins 10 des 15 ans précédant immédiatement leur arrivée en fin de droit. Les personnes seules ne devront pas disposer d’une fortune supérieure à 100 000 francs et les couples mariés, d’une fortune supérieure à 200 000 francs. Sur le modèle des PC, les prestations transitoires correspondront à la différence entre les dépenses reconnues et les revenus déterminants. Elles seront toutefois plafonnées à 58 350 francs pour une personne seule et à 87 525 francs pour un couple marié (Sauvain 2019).

 

Utilisation systématique du numéro AVS par les autorités

L’utilisation systématique du numéro AVS comme identifiant permettra de mettre à jour de manière automatique, précise et rapide les attributs personnels tels que le nom de famille, le prénom ou l’état civil. Le travail administratif en lien avec les banques de données s’en trouvera réduit. Un seul attribut d’identification suffira en effet pour saisir correctement les données associées à un titulaire, même si, par exemple, il porte le même nom et prénom qu’une autre personne ou que son nom est orthographié de plusieurs manières. Cela évitera des corrections coûteuses ainsi que les conséquences fâcheuses d’une confusion.

Le Conseil fédéral entend ainsi répondre aux attentes des services fédéraux, des cantons et des communes, qui souhaitent pouvoir utiliser de façon plus systématique le numéro AVS dans l’accomplissement de leurs tâches administratives. À cette fin, il a adopté le message relatif à une modification de la LAVS (Conseil fédéral 2019d). Cette modification prévoit que les autorités pourront utiliser systématiquement le numéro AVS pour leurs tâches légales. Par contre, les institutions qui, sans avoir le caractère d’une autorité, sont chargées d’un mandat public ne pourront l’utiliser que si une loi les y autorise.

Quiconque sera autorisé à utiliser le numéro AVS devra garantir la protection des données et la sécurité de l’information. L’accès aux banques de données devra être sécurisé de manière optimale (en particulier par une limitation des droits d’accès, l’authentification des personnes, la sécurisation des modes de transmission, un cryptage, des protections antivirus et des pare-feu). Les principaux processus des systèmes informatiques devront être documentés et évalués. Ces mesures visent à garantir qu’une utilisation à plus large échelle du numéro AVS ne menace pas la protection des données et la sécurité de l’information (Mauerhofer 2018).

 

Modernisation de la surveillance

Alors que la surveillance des institutions du 2e pilier a été réorganisée en 2012, celle de l’AVS, du régime des APG, des PC et des allocations familiales dans l’agriculture est restée pratiquement inchangée depuis leur introduction. Pour continuer à garantir la stabilité du système de prévoyance, il est nécessaire de moderniser la surveillance et de l’axer davantage sur les risques. Il convient aussi de renforcer la gouvernance et de veiller au pilotage approprié des systèmes d’information dans le 1er pilier. Seules quelques optimisations ciblées doivent être apportées dans le 2e pilier. Le 20 novembre 2019, le Conseil fédéral a adopté le message concernant une adaptation de la LAVS (Conseil fédéral 2019e).

Il est prévu de soumettre les organes d’exécution à l’obligation légale d’introduire des instruments modernes de gestion et de contrôle. En outre, de nouvelles bases légales sont nécessaires pour préciser les tâches et les responsabilités de l’autorité de surveillance. Les principes de bonne gouvernance doivent également être inscrits dans la loi. Afin de garantir la sécurité de l’information et la protection des données, l’autorité de surveillance doit être habilitée à édicter des exigences minimales à ce sujet. Puis, le financement du développement et de l’exploitation de systèmes d’information utilisables à l’échelle suisse sera réglementé. Enfin, le Conseil fédéral acquiert la compétence de régler l’échange électronique de données entre les assureurs suisses et entre ceux-ci et les autorités fédérales. Pour qu’elle s’applique à toutes les branches de la sécurité sociale, cette disposition sera intégrée dans la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA ; RS 830.1) (Baumann 2019).

 

Réforme de la LPP

Comme l’AVS, le 2e pilier est confronté au défi que posent l’augmentation de l’espérance de vie et l’insuffisance du rendement des placements. Un abaissement du taux de conversion minimal est indispensable dans ce contexte, même si des propositions en ce sens ont déjà été rejetées en 2010 et en 2017. Le projet actuel s’appuie sur un compromis auquel sont parvenus les partenaires sociaux (Travail Suisse, Union syndicale suisse et Union patronale suisse). Il comprend des mesures qui permettraient de maintenir le niveau des rentes dans le régime obligatoire de la prévoyance professionnelle malgré l’abaissement du taux de conversion. Le 13 décembre 2019, le Conseil fédéral a ouvert la procédure de consultation sur ce projet (DFI 2019).

 

 

Article de Katharina Mauerhofer paru in Sécurité sociale CHSS 1/2020, disponible ici

 

 

Lettre circulaire AI no 400 – Moyens auxiliaires – Expertises ORL dans le cadre du remplacement d’appareils auditifs pour les personnes en âge AVS

Lettre circulaire AI no 400 – Moyens auxiliaires – Expertises ORL dans le cadre du remplacement d’appareils auditifs pour les personnes en âge AVS

 

Lettre circulaire AI no 400 du 23.03.2020 consultable ici

 

En décembre 2019, le Conseil des États a traité la motion 19.4175 « Mettre fin aux expertises AI superflues ». La motion a été retirée et, en contrepartie, la gestion des expertises de suivi se déroulera de façon plus pragmatique.

Dès à présent, le principe suivant s’applique pour le remplacement d’appareils auditifs (les premiers appareillages ne sont pas concernés) :

Les personnes en âge AVS (dès 64/65 ans) qui ont besoin de remplacer leurs appareils auditifs sont libres de demander une (nouvelle) expertise ORL, mais n’y sont pas tenues. L’OFAS recommande une consultation chez un expert ORL, mais laisse les personnes concernées prendre leur décision. L’AVS continuera de financer la consultation chez l’expert ORL.

Pour les personnes en âge AI, rien ne change fondamentalement par rapport à la pratique actuelle.

L’OFAS considère que des expertises médicales sont utiles environ tous les six ans, en particulier pour :

  • évaluer si, au lieu de la fourniture d’appareils auditifs, une opération ou une autre thérapie pourrait être utile ;
  • déterminer s’il faut opter pour la pose d’un implant cochléaire ou d’un appareil auditif à ancrage osseux ;
  • procéder à un nettoyage médical des oreilles

En théorie, il peut arriver qu’un appareil auditif ne soit plus utilisable avant l’expiration du délai de six ans, qu’une réparation ne soit plus possible et que l’assuré n’ait pas violé son devoir de diligence, mais que l’acousticien/le fabricant ne montre aucune souplesse et que l’assurance pour appareils auditifs ne prenne pas en charge le remplacement. L’OFAS n’a pas connaissance de telles situations. Si un tel cas devait tout de même se présenter, l’OFAS plaide, à titre d’exception, pour une approche pragmatique : accorder le financement pour la fourniture d’appareils auditifs avant l’expiration du délai de six ans (versement du forfait), sans nouvelle expertise ORL obligatoire.

Les circulaires concernant la remise des moyens auxiliaires par l’assurance-invalidité ou par l’assurance vieillesse (ch. 2037 CMAI et ch. 2009 CMAV) ainsi que les directives à l’intention des médecins-experts ORL seront modifiées en conséquence avec effet au 1er janvier 2021.

 

 

Lettre circulaire AI no 400 du 23.03.2020 consultable ici

Lettera circolare AI n. 400 – Mezzi ausiliari – Perizie ORL in caso di ulteriore protesizzazione con apparecchi acustici per le persone in età AVS

IV-Rundschreiben Nr. 400 – Hilfsmittel – ORL-Expertisen im Rahmen von Hörgeräte-Wiederversorgungen bei Personen im AHV-Alter

 

 

Révision de la LPGA : mise en consultation des dispositions d’exécution

Révision de la LPGA : mise en consultation des dispositions d’exécution

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 19.02.2020 consultable ici

 

Suite à la révision de la loi sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) par le Parlement en été 2019, les dispositions d’exécution doivent être adaptées. Lors de sa séance du 19.02.2020, le Conseil fédéral a décidé de les mettre en consultation. Les principales modifications de l’ordonnance (OPGA) concernent l’exécution des traités internationaux en matière de sécurité sociale.

La révision de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales, adoptée par le Parlement, prévoit que le Conseil fédéral fixe au niveau de l’ordonnance les organismes nationaux responsables des échanges internationaux. Le Conseil fédéral doit également édicter les dispositions relatives à l’échange électronique de données dans le contexte international. La communication concernant les cas d’assurance sociale transfrontaliers passera par le système Electronic Exchange of Social Security Information (EESSI) mis à disposition par la Commission européenne. Comme tous les autres pays participants, la Suisse est tenue de mettre en place l’infrastructure informatique nécessaire au plan national.

Les dispositions de loi relatives à la mise sur pied, à l’exploitation et au financement de cette infrastructure ont été édictées dans le cadre de la révision de la LPGA. La compétence d’édicter les dispositions d’exécution nécessaires a été déléguée au Conseil fédéral. Ces dispositions portent notamment sur les modalités de la perception des émoluments, étant donné que les coûts d’exploitation de l’infrastructure doivent être imputés aux utilisateurs, responsables de ces coûts. Les organismes concernés ont été consultés au préalable. Néanmoins, comme les adaptations d’ordonnance proposées concernent en particulier les organes d’exécution, une procédure de consultation est tout de même organisée. Elle dure jusqu’au 26.05.2020. Le Conseil fédéral prévoit de mettre en vigueur simultanément, en 2021, les modifications de la loi et de l’ordonnance.

 

Contexte

Révision de la LPGA

Le 21 juin 2019, le Parlement a adopté une modification de la loi fédérale du 6 octobre 2000 sur la partie générale du droit des assurances sociales (révision de la LPGA). Le délai référendaire a expiré sans qu’un référendum ait été lancé. Outre la LPGA, la modification concerne diverses lois sur les assurances sociales.

La révision de la LPGA apporte notamment une série d’adaptations dans le contexte international (concernant l’exécution de traités internationaux en matière de sécurité sociale) et dans la perspective de l’optimisation de l’application de cette loi (par ex. dans le domaine du recours).

La mise en œuvre des nouvelles dispositions de loi requiert des adaptations au niveau réglementaire.

 

Dispositions d’exécution nécessaires et autres adaptations d’ordonnance

Étant donné les modifications apportées à la LPGA concernant l’exécution de traités internationaux en matière de sécurité sociale, diverses dispositions d’exécution doivent être adaptées ou introduites au niveau réglementaire. Les deux textes concernés sont l’ordonnance du 11 septembre 2002 sur la partie générale du droit des assurances sociales (OPGA) et le règlement du 31 octobre 1947 sur l’assurance-vieillesse et survivants (RAVS).

En outre, la jurisprudence du Tribunal fédéral et la pratique organisationnelle requièrent d’apporter des modifications ponctuelles à deux dispositions dans le domaine du recours. Deux modifications de l’OPGA et une adaptation (similaire) de l’ordonnance du 18 avril 1984 sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (OPP 2) sont requises à ce sujet.

Enfin, certains termes correspondant à l’ancien droit de la tutelle figurent encore dans l’OPGA et doivent être adaptés à la terminologie du nouveau droit de la protection de l’adulte que l’on trouve dans le code civil suisse (CC). La présente révision offre l’occasion de procéder à ces adaptations.

Les modifications d’ordonnance proposées visent à mettre en œuvre la révision de la LPGA et à actualiser l’OPGA sur certains points spécifiques. Elles devraient entrer en vigueur en même temps que les modifications de loi.

 

Entrée en vigueur

Il est prévu que le Conseil fédéral fixe au 01.01.2021 l’entrée en vigueur de la révision de la LPGA et de l’OPGA. Cette date d’entrée en vigueur est impérative compte tenu des dispositions du contexte international, car l’OFAS a été chargé par arrêté du Conseil fédéral de prélever dès 2021 auprès des assureurs sociaux concernés les émoluments nécessaires au financement de l’infrastructure pour l’échange électronique de données.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 19.02.2020 consultable ici

Rapport explicatif du 19.02.2020 pour la procédure de consultation – Révision de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales (OPGA) disponible ici

Modification de l’ordonnance sur la partie générale du droit des assurances sociales (projet) consultable ici

 

 

Les parents auront 14 semaines pour s’occuper d’enfants malades

Les parents auront 14 semaines pour s’occuper d’enfants malades

 

Communiqué de presse du Parlement du 04.12.2019 consultable ici

 

Les parents bénéficieront d’un congé indemnisé de quatorze semaines pour s’occuper d’un enfant gravement malade. Et un employé pourra s’absenter pour soigner un proche. Après le National, le Conseil des Etats a accepté mercredi sans opposition un projet en ce sens. Il propose toutefois un ajout.

Environ 1,9 million de personnes accompagnent un enfant ou un adulte chaque jour en Suisse. En 2016, cela a représenté 80 millions d’heures de travail, soit 3,7 milliards de francs. Or, seuls deux tiers des entreprises accordent actuellement des congés à leurs employés, en partie rémunérés, en cas d’absence de courte durée pour prodiguer des soins à un proche.

Le projet vise à mieux concilier l’activité professionnelle et la prise en charge d’un proche malade, et permettra d’octroyer des conditions identiques à tous les employés. « Il éclaircira la situation aussi bien pour l’employeur que l’employé », a souligné Paul Rechsteiner (PS/SG) au nom de la commission.

 

Conjoint pris en compte

La mesure-phare concerne les parents, dont l’enfant est gravement malade ou accidenté. Ils pourront bénéficier d’un congé de quatorze semaines au plus. Le coût du projet est estimé à 30 millions de francs pour les entreprises et 75 millions pour les allocations perte de gain.

Une personne, qui prend soin d’un membre de la famille ou d’un partenaire avec lequel elle habite depuis au moins cinq ans, pourra également prétendre à un congé payé. Celui-ci sera toutefois limité à trois jours par cas et dix jours par année. Les coûts de cette mesure sont estimés entre 90 et 150 millions de francs par an.

L’allocation pour impotent et le supplément pour soins intenses de l’AI continueront en outre à être versé lorsque l’enfant est hospitalisé. Mais le versement sera limité à un mois d’hospitalisation. Et le droit aux bonifications pour tâches d’assistance sera étendu aux personnes avec une allocation pour impotence faible. Ces deux dernières mesures coûteront respectivement 2,5 et un million de francs.

 

Mesure sur les loyers

A ce projet déjà adopté par les députés, les sénateurs ont ajouté une mesure sur les loyers. Ils veulent adapter les montants maximaux pris en compte au titre de loyer et y introduire un loyer maximal garanti pour les bénéficiaires de prestations complémentaires vivant en communauté d’habitation. Ils entendent ainsi garantir que ces personnes ne soient pas obligées de changer d’hébergement.

Le texte repasse à la Chambre du peuple.

Le Conseil des Etats a par ailleurs tacitement classé une initiative du canton de Berne, demandant l’introduction d’un congé rémunéré par les parents d’enfants gravement malades. Il estime que l’objectif de ce texte est atteint par le projet du Conseil fédéral. Le National avait déjà classé l’objet en juin.

 

 

Communiqué de presse du Parlement du 04.12.2019 consultable ici

 

 

Pour une meilleure prise en charge des prothèses

Pour une meilleure prise en charge des prothèses

 

Communiqué de presse du Parlement du 04.12.2019 consultable ici

 

Les prothèses et autres moyens auxiliaires destinés aux personnes handicapées devraient être conformes aux progrès technologiques tout en étant économiques. Le Conseil des Etats a adopté mercredi tacitement un postulat chargeant le Conseil fédéral d’examiner les adaptations nécessaires.

Le texte qui émane de sa commission de la sécurité sociale vise à garantir l’accès « le plus complet possible » aux moyens modernes. Afin d’éviter que les assurances sociales doivent prendre en charge des coûts déraisonnables, le gouvernement devra étudier si l’Office fédéral des assurances sociales ne peut pas fixer lui-même les prix des moyens auxiliaires comme le fait l’Office de la santé publique pour les médicaments remboursés sur ordonnance.

Les sénateurs ont en revanche enterré deux motions du National. Déposées par Balthasar Glättli (Verts/ZH) et l’ancien conseiller national Roger Golay (MCG/GE), les textes exigeaient que les assurances sociales prennent en charge les prothèses et autres moyens « optimaux », et pas seulement ceux qui remplissent les critères de simplicité, d’adéquation et d’économie.

« Ces critères sont clairs et n’empêchent pas la prise en compte des progrès techniques », a relevé le conseiller fédéral Alain Berset. Avec les motions, les fabricants pourraient fixer des prix et les assurances sociales ne pourraient que les accepter, cela tirerait l’ensemble des prix vers le haut et n’est pas judicieux. Il y a toutefois matière à optimisation sur le sujet, a-t-il estimé en soutenant le postulat.

 

Communiqué de presse du Parlement du 04.12.2019 consultable ici