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9C_601/2022 (f) du 06.06.2023 – Absence de mise en œuvre des débats publics sollicités – 6 par. 1 CEDH / Interpellation du recourant en cas de doute

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_601/2022 (f) du 06.06.2023

 

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Absence de mise en œuvre des débats publics sollicités / 6 par. 1 CEDH

Interpellation du recourant en cas de doute

 

Par décision du 08.04.2021, l’office AI a alloué à l’assurée une rente entière d’invalidité pour les périodes du 01.07.2017 au 31.03.2018, puis du 01.06.2018 au 31.05.2019.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 181/21 – 355/2022 – consultable ici)

Dans son recours, l’assurée a conclu principalement au versement d’une rente entière d’invalidité postérieurement au 31.03.2018, subsidiairement au renvoi de la cause à l’office AI pour instruction complémentaire au sens des considérants. Elle a sollicité la mise en œuvre de débats publics. Le recours a été rejeté par arrêt du 24.11.2022.

 

TF

Consid. 2.1
Dans un grief d’ordre formel, l’assurée se plaint d’une violation de l’art. 6 par. 1 CEDH, en tant que son droit à la tenue de débats publics aurait été violé. L’assurée fait à cet égard grief à la juridiction cantonale de n’avoir pas mis en œuvre des débats publics qu’elle avait clairement sollicités dans son recours du 11 mai 2021. Elle se réfère à l’arrêt 9C_349/2022 du 22 novembre 2022.

Consid. 2.2
Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a rappelé que l’art. 6 par. 1 CEDH donne à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil – comme c’est le cas en l’espèce (ATF 122 V 47 consid. 2a) -, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. La tenue de débats publics doit, sauf circonstances exceptionnelles, avoir lieu devant les instances judiciaires précédant le Tribunal fédéral. Il appartient à ce titre au recourant, sous peine de forclusion, de présenter une demande formulée de manière claire et indiscutable. Saisi d’une telle demande, le juge doit en principe y donner suite. Il peut cependant s’en abstenir dans les cas prévus par l’art. 6 par. 1, deuxième phrase, CEDH, lorsque la demande est abusive, chicanière, ou dilatoire, lorsqu’il apparaît clairement que le recours est infondé, irrecevable ou, au contraire, manifestement bien fondé ou encore lorsque l’objet du litige porte sur des questions hautement techniques (ATF 141 I 97 consid. 5.1; 136 I 279 consid. 1; 134 I 331 consid. 2.3; 122 V 47 précité consid. 3b). Enfin, la publicité des débats implique le droit pour le justiciable de plaider sa cause lui-même ou par l’intermédiaire de son mandataire (arrêt 8C_136/2018 du 20 novembre 2018 consid. 4.2 et les arrêts cités). En cas de doute sur la nature de la demande, il appartient au tribunal saisi d’interpeller la partie requérante (ATF 127 I 44 consid. 2e/bb; arrêt 8C_221/2020 du 2 juillet 2020 consid. 3.2 et la référence).

Consid. 2.3
En l’espèce,
la demande de tenue d’une audience publique au sens de la CEDH a été formulée en temps utile par l’assurée dans son recours cantonal. Bien que la dernière phrase de la motivation y relative figurant en p. 4 du recours cantonal « III. Moyens de preuve et audience publique » paraisse tronquée, la demande ne pouvait pas être rejetée au motif que l’assurée avait demandé la tenue d’une audience publique sans en préciser le but et sans invoquer l’art. 6 par. 1 CEDH et la jurisprudence y relative (cf. consid. 15 de l’arrêt attaqué, p. 22). En effet, la demande tendait non seulement à l’administration de preuves (la production complète du dossier de l’office AI intimé ainsi que la mise en œuvre d’expertises médicale et ergothérapeutique), mais aussi à « la mise en œuvre de débats publics, afin que les juges puissent se rendre compte de l’importance de ». Ainsi que la juridiction cantonale le relève à juste titre dans sa détermination du 28.04.2023, en se référant à l’arrêt 9C_349/2022 précité, il lui appartenait en pareilles circonstances d’interpeller l’assurée pour connaître la nature exacte de sa demande, ce qu’elle a omis de faire. Il est évident par ailleurs qu’aucune des exceptions au principe de la publicité mentionnée à l’art. 6 par. 1 CEDH n’est réalisée.

Consid. 2.4
En définitive, en l’absence d’un motif qui s’opposait d’emblée à la tenue d’une audience publique en instance cantonale et compte tenu de la demande de l’assurée, que celle-ci invoque avoir formulé pour plaider sa cause par l’intermédiaire de son conseil, il y a lieu d’admettre que la procédure cantonale est entachée d’un vice de procédure qui entraîne d’emblée l’annulation de l’arrêt entrepris, indépendamment des chances de succès du recours sur le fond (ATF 134 I 331 consid. 3.1).

Consid. 3
Compte tenu de ce qui précède, la cause doit être renvoyée à la juridiction cantonale afin qu’elle donne suite à la requête de débats publics conformément à ce qui précède et statue à nouveau.

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_601/2022 consultable ici

 

Liste des experts mandatés : première vue d’ensemble des expertises

Liste des experts mandatés : première vue d’ensemble des expertises

 

Liste publique des experts et centres d’expertises mandatés dans l’assurance-invalidité – 2022 (publication du 01.07.2023) consultable ici

Michela Messi/Daniel Salamanca, Expertises AI : la pénurie de médecins entraîne des temps d’attente, in Sécurité sociale CHSS, 03.07.2023, consultable ici

Ralf Kocher, Les listes d’attribution des expertises améliorent la transparence dans l’AI, in Sécurité sociale CHSS, 03.07.2023, consultable ici

 

En juillet 2023, l’AI a publié pour la première fois une liste des experts mandatés au cours de l’année précédente dans tout le pays, liste basée sur les données que chaque office AI a publiée en mars 2023. Il en découle une plus grande transparence pour les assurés. Ces données constituent également une source d’information intéressante pour la Commission fédérale d’assurance qualité des expertises médicales. . La publication des données est une prescription légale introduite par la réforme de l’AI entrée en vigueur en janvier 2022.

En 2022, les offices AI ont mandaté au total 11’293 expertises médicales. Dans près de 44% des cas, il s’agissait d’une expertise pluridisciplinaire et dans 39% des cas d’une expertise monodisciplinaire. Les expertises bidisciplinaires représentent moins de 18% du total.

La répartition par type de mandat (mono-, bi- ou pluridisciplinaire) diffère entre les régions linguistiques. En Suisse alémanique, la part des expertises pluridisciplinaires dans le total est plus élevée qu’en Suisse romande et qu’au Tessin. Dans ces deux régions, les offices AI attribuent principalement des expertises médicales monodisciplinaires. Les expertises les moins souvent mandatées, toutes régions confondues, sont les expertises médicales bidisciplinaires.

En 2022, plus de la moitié des experts ayant reçu des mandats d’expertise médicale monodisciplinaire sont des spécialistes en psychiatrie et psychothérapie et 86% des mandats d’expertise monodisciplinaire attribués avait pour discipline la psychiatrie et psychothérapie. Cette discipline est la plus demandée dans toutes les régions linguistiques.

En 2022, sur un total de 2’003 mandats d’expertise bidisciplinaire, 1’354 ont été attribués aux centres d’expertises et 649 aux binômes d’experts. Dans 97% des mandats attribués aux binômes d’experts, la psychiatrie et psychothérapie fait partie de l’une des deux disciplines demandées. Le plus souvent, la deuxième discipline demandée est la rhumatologie, la chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, la médecine interne générale ou la neurologie.

En ce qui concerne les expertises pluridisciplinaires, les disciplines les plus demandées sont la psychiatrie et psychothérapie, présente dans 94% des mandats déposés, la neurologie (57%) et la rhumatologie (44%). Suivent la chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur (36%) et la neuropsychologie (26%). La médecine interne générale, en revanche, est et doit, conformément à la convention tarifaire concernant la réalisation d’expertises médicales pluridisciplinaires, être toujours représentée.

La moitié des mandats d’expertise pluridisciplinaire attribués présente 4 disciplines, 28% des mandats 3 disciplines, 19% 5 disciplines et 3% 6 disciplines. Les mandats impliquant 7 disciplines ou plus sont très rares.

 

Majorité des mandats à une minorité d’experts

Sur les 386 experts monodisciplinaires, 76% ont reçu entre 1 et 9 mandats en 2022. Ils cumulent entre eux un total de 812 mandats, ce qui représente un peu moins de 20% de tous les mandats monodisciplinaires attribués cette année-là. La grande majorité des mandats est répartie parmi une minorité d’experts.

En 2022, 54% des binômes d’experts ont reçu entre 1 et 4 mandats ; 18% entre 5 et 9. 28% des binômes d’experts ont reçu entre 10 et 55. Les 4933 mandats d’expertises pluridisciplinaires ont été répartis entre 31 centres d’expertises médicales liés à l’OFAS par une convention.

On constate des différences importantes entre les centres d’expertises quant au nombre de mandats reçus. Cela s’explique par le fait que les capacités offertes sur la plateforme d’attribution varient d’un centre à l’autre. Comme déjà mentionné, la répartition des mandats bidisciplinaires et pluridisciplinaires se fait de manière aléatoire, en fonction des disciplines et de la langue du mandat.

Avec plus de 350 mandats chacun, 5 centres ont obtenu à eux seuls 43% des mandats d’expertises pluridisciplinaires. 15 centres ont obtenu entre 100 et 300 mandats et 11 centres moins de 100.

1’354 mandats d’expertise bidisciplinaire ont été attribués aux 22 centres d’expertises ayant conclu une convention avec l’OFAS. Deux d’entre eux ont obtenu plus de 250 mandats (BEM Riviera, Montreux et Swiss Expertises Médicales, Aigle). Les autres centres en ont obtenu une centaine ou moins. Ici aussi, les capacités offertes sur la plateforme d’attribution aléatoire ont une influence sur le nombre de mandats obtenus.

 

Les tribunaux suivent la plupart du temps les expertises

Trois-quarts des expertises médicales bidisciplinaires ayant fait l’objet d’une décision d’un tribunal ont été jugées probantes par celui-ci. La proportion est un peu plus faible pour les expertises mono- et pluridisciplinaires, mais il y a de grandes disparités cantonales.

En 2022, la rémunération globale des experts, des binômes et des centres d’expertises s’est élevée à plus de 87 millions de francs. Les expertises médicales pluridisciplinaires représentent près de 62% de ces coûts. Les centres d’expertises bi- et pluridisciplinaires récoltent trois quarts des revenus du marché des expertises médicales.

 

Une première étape est franchie

Pour cette première publication, les offices AI ont saisi manuellement les données durant l’année 2022 pour établir leur liste des experts. En parallèle, une solution informatique permettant une saisie centralisée des données a été développée. Cette solution doit permettre de faciliter la saisie des données, de diminuer le risque d’erreurs, d’automatiser les contrôles et d’améliorer ainsi la qualité des informations pour les listes publiques futures, notamment en ce qui concerne les jugements des tribunaux.

Cette amélioration des données permettra à l’avenir des analyses statistiques plus précises et des comparaisons annuelles.

 

Plusieurs défis

Les listes des expertises peuvent également être utilisées comme outil de travail : elles donnent par exemple une vue d’ensemble des experts et des centres d’expertise disponibles ainsi que de leur orientation spécifique et de leur charge de travail. Ces données montrent l’offre dont disposent les offices AI pour attribuer le plus rapidement possible les mandats d’expertise.

Différents défis se posent pour les expertises. Les offices AI doivent ainsi attribuer aussi vite que possible les nombreuses expertises aux experts et centres d’expertises disponibles afin d’éviter des retards dans la procédure, tout en sachant que le cercle d’experts entrant en ligne de compte en Suisse est très restreint et que l’on a déjà enregistré quelques défections en raison des nouveautés lourdes sur le plan administratif (enregistrements sonores et répartition selon le principe aléatoire). La pression des médias et de la politique sur les centres d’expertises et les experts, pression qui n’est pas toujours fondée sur des faits, joue probablement un rôle, comme les plaintes pénales déposées dans certains cas.

Pour terminer, on observe que les hôpitaux publics ne s’engagent guère dans le domaine des expertises médicales et que l’on accorde trop peu d’attention à la formation de nouveaux experts.

 

 

Liste publique des experts et centres d’expertises mandatés dans l’assurance-invalidité – 2022 (publication du 01.07.2023) consultable ici

Michela Messi/Daniel Salamanca, Expertises AI : la pénurie de médecins entraîne des temps d’attente, in Sécurité sociale CHSS, 03.07.2023, consultable ici

Ralf Kocher, Les listes d’attribution des expertises améliorent la transparence dans l’AI, in Sécurité sociale CHSS, 03.07.2023, consultable ici

 

9C_198/2022 (f) du 30.05.2023, destiné à la publication – Montant de la rente d’invalidité AI – Coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale / ALCP – Règl. (CE) n° 883/2004 – Convention de sécurité sociale entre la Suisse et le Portugal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_198/2022 (f) du 30.05.2023, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Montant de la rente d’invalidité AI – Coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale / ALCP – Règl. (CE) n° 883/2004 – Convention de sécurité sociale entre la Suisse et le Portugal

Prise en compte des périodes de cotisations accomplies au Portugal / art. 12 de la Convention entre la Suisse et le Portugal.

 

Assuré, ressortissant portugais, a travaillé dans son pays d’origine de 1973 à 1983 et en Suisse depuis 1985, où il s’est installé en mars 1989. L’office AI lui a octroyé une rente entière d’invalidité dès le 01.01.2018. Sa rente s’élevait à 1’592 fr. par mois (à partir du 01.09.2021). Elle était calculée en fonction d’un revenu annuel moyen déterminant de 48’756 fr., d’une durée de cotisations de 30 années et 8 mois, ainsi que de l’échelle de rente 37.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2021 173 – consultable ici)

Par jugement du 27.08.2015, rejet du recours de l’assuré – reprochait à l’office AI de ne pas avoir pris en compte ses périodes de cotisations accomplies au Portugal – par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
L’assuré est un ressortissant d’un Etat partie à l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP). Il a exercé des activités salariées en Suisse et est au bénéfice d’une rente de l’assurance-invalidité suisse. Le litige relève ainsi de la coordination européenne des systèmes nationaux de sécurité sociale.

Consid. 3.2
Jusqu’au 31 mars 2012, les Parties à l’ALCP appliquaient entre elles le Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (RO 2004 121; ci-après: le règlement n° 1408/71). Une décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31 mars 2012 (RO 2012 2345) a actualisé le contenu de l’Annexe II à l’ALCP avec effet au 1er avril 2012. Il a été prévu, en particulier, que les Parties appliqueraient désormais entre elles le Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, modifié par le Règlement (CE) n° 988/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 (ci-après: le règlement n° 883/2004; RS 0.831.109.268.1).

Consid. 3.3
Le droit de l’assuré à une rente d’invalidité est en l’espèce né le 01.01.2018, après l’entrée en vigueur du règlement n° 883/2004. Ratione temporis, le présent cas doit ainsi être tranché à la lumière de ce règlement.

Consid. 4.1
Au préalable, il convient de rappeler qu’avec l’entrée en vigueur simultanée de l’ALCP et du règlement n° 1408/71 le 1er juin 2002, la coordination des régimes de sécurité sociale entre la Suisse et le Portugal était passée d’un système de convention dite de type A à un système de convention dite de type B. Le premier système était celui dans lequel l’invalide qui en remplit les conditions reçoit une seule rente d’invalidité versée par l’assurance à laquelle il était affilié lors de la survenance de l’invalidité en fonction de la totalité des périodes de cotisations, y compris celles accomplies dans l’autre pays. Tel était le cas de la Convention de sécurité sociale du 11 septembre 1975 entre la Suisse et le Portugal (ci-après: la Convention entre la Suisse et le Portugal; RS 0.831.109.654.1). Le second système était celui dans lequel l’invalide qui a cotisé successivement dans les deux Etats perçoit une rente partielle de chacun des pays concernés calculée au pro rata des périodes d’assurance accomplies.

Consid. 4.2
Sous le titre « Relation entre le présent règlement et d’autres instruments de coordination », l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 prévoit: « Dans son champ d’application, le présent règlement se substitue à toute convention de sécurité sociale applicable entre les Etats membres. Toutefois, certaines dispositions de conventions de sécurité sociale que les Etats membres ont conclues avant la date d’application du présent règlement restent applicables, pour autant qu’elles soient plus favorables pour les bénéficiaires ou si elles découlent de circonstances historiques spécifiques et ont un effet limité dans le temps. Pour être maintenues en vigueur, ces dispositions doivent figurer dans l’annexe II. Il sera précisé également si, pour des raisons objectives, il n’est pas possible d’étendre certaines de ces dispositions à toutes les personnes auxquelles s’applique le présent règlement. »

Consid. 4.3
Sous le régime du règlement n° 1408/71, le Tribunal fédéral a rappelé que l’art. 20 ALCP prévoyait la suspension des conventions bilatérales entre la Suisse et les Etats parties. Selon cet article, sauf disposition contraire découlant de l’annexe II, les accords de sécurité sociale bilatéraux entre la Suisse et les Etats membres de la Communauté européenne étaient suspendus dès l’entrée en vigueur du présent accord, dans la mesure où la même matière était réglée par le présent accord. Le Tribunal fédéral a par ailleurs retenu que sa jurisprudence rendue sous le régime du règlement n° 1408/71 (ATF 133 V 329) n’excluait pas qu’un assuré fût mis au bénéfice d’une disposition plus favorable d’une convention bilatérale de sécurité sociale, pour autant qu’il eût exercé son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de l’ALCP (ATF 142 V 112).

Dans ce dernier cas, le Tribunal fédéral a examiné la situation d’un ressortissant portugais qui résidait en Suisse depuis 1989, avait bénéficié d’une rente entière de l’assurance-invalidité suisse pour la période du 01.10.1997 au 30.04.1999 et percevait une demi-rente de l’assurance-invalidité suisse depuis le 01.01.2009. Il a jugé que les périodes de cotisations accomplies par l’assuré au Portugal avant son arrivée en Suisse devaient être prises en compte dans le calcul de sa demi-rente pour autant que cette solution fût plus favorable à l’assuré. Il s’est fondé sur l’ATF 133 V 329 selon lequel il y avait lieu de reprendre le principe de l’application des dispositions plus favorables d’une convention bilatérale de sécurité sociale, tel que dégagé par la jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE; devenue entre-temps la Cour de justice de l’Union européenne [CJUE]; arrêt du 7 février 1991, Rönfeldt, C-227/89, Rec. 1989, p. I-323, précisé par l’arrêt du 9 novembre 1995, Thévenon, C-475/93, Rec. 1995, p. I-3813). Selon la CJCE, l’application du règlement n° 1408/71 ne devait pas conduire à la perte des avantages de sécurité sociale résultant de conventions de sécurité sociale en vigueur entre deux ou plusieurs Etats membres et intégrées à leur droit national. Autrement dit, le travailleur qui avait exercé son droit à la libre circulation des personnes ne devait pas être pénalisé du fait des règlements communautaires par rapport à la situation qui aurait été la sienne si elle avait été régie par la seule législation nationale. La jurisprudence européenne reposait aussi sur l’idée que l’intéressé était en droit, au moment où il avait exercé son droit à la libre circulation, d’avoir une confiance légitime dans le fait qu’il pourrait bénéficier des dispositions de la convention bilatérale (arrêt du 5 février 2002, Kaske, C-277/99, Rec. 2002 p. I-1261, point 27). Le principe selon lequel l’application de la réglementation européenne de coordination ne devait pas entraîner la diminution (ou la perte) des avantages de sécurité sociale prévus par des conventions de sécurité sociale a été développé à partir de l’arrêt Petroni (arrêt de la CJCE du 24 octobre 1975, Petroni, 24/75 Rec. p. 1149; cf. arrêt Röntfeldt précité, point 26). Dans cet arrêt, la CJCE a reconnu que les dispositions du règlement n° 1408/71 ne pouvaient pas être appliquées de manière à priver un travailleur migrant du bénéfice d’une prestation résultant de la seule législation nationale ou à réduire son montant. La doctrine parle à cet égard du « principe Petroni » (ARNO BOKELOH, Das Petroni-Prinzip des Europäischen Gerichtshofes, ZESAR 03/12 p. 121 ss; cf. aussi SEAN VAN RAEPENBUSCH, Les rapports entre le Règlement [CEE] n° 1408/71 et les conventions internationales dans le domaine de la sécurité sociale des travailleurs circulant à l’intérieur de la communauté, Cahiers de droit européen 1991, p. 449 ss).

Consid. 5.1
Dans l’ATF 142 V 112, le Tribunal fédéral a relevé que l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 reprenait le principe de l’application des conventions de sécurité sociale plus favorables (cf. art. 7 par. 2 let. c du règlement n° 1408/71), que les dispositions plus favorables de ces conventions devaient figurer à l’annexe II du règlement pour être maintenues en vigueur et que l’annexe II ne contenait aucune disposition concernant les relations entre la Suisse et le Portugal. Il a laissé ouverte la question de savoir si la jurisprudence de l’ATF 133 V 329 (cf. consid. 4.3 supra) et la jurisprudence européenne sur laquelle elle se fondait demeuraient applicables sous le régime du règlement n° 883/2004 dans la mesure où l’assuré avait droit quoi qu’il en soit au maintien de sa situation acquise au 31 mars 2012.

Consid. 5.2
L’assuré se prévaut de l’application des dispositions de la Convention entre la Suisse et le Portugal en vertu de la jurisprudence publiée aux ATF 142 V 112. Comme il est en l’occurrence un ressortissant portugais qui a exercé son droit à la libre circulation en travaillant en Suisse dès 1985 (avant l’entrée en vigueur de l’ALCP) et dont le droit à une rente entière de l’assurance-invalidité suisse est né le 01.01.2018 (après l’entrée en vigueur du règlement n° 883/2004), il convient de répondre à la question laissée ouverte dans l’ATF 142 V 112.

Il s’agit donc de déterminer s’il y a lieu de tenir compte, ou non, des périodes de cotisations accomplies au Portugal conformément à l’art. 12 de la Convention entre la Suisse et le Portugal.

 

Consid. 5.3.1
Comme mentionné (cf. consid. 4.2 et 5.1 supra), l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 reprend le principe de l’applicabilité des dispositions plus favorables des conventions bilatérales de sécurité sociale sous réserve que ces dispositions figurent à l’annexe II. Cette annexe ne contient aucune disposition maintenue en vigueur dans les relations entre la Suisse et le Portugal. Le fait que le règlement n° 883/2004 est une convention de type B (cf. consid. 4.1 supra) et que l’annexe II ne maintient pas en vigueur des dispositions entre la Suisse et le Portugal a conduit les premiers juges à exclure l’application de la Convention entre la Suisse et le Portugal et la prise en considération des périodes de cotisations accomplies au Portugal dans le calcul de la rente de l’assurance-invalidité suisse.

Consid. 5.3.2
L’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 remplace l’art. 6 du règlement n° 1408/71 qui, en relation avec l’art. 7 par. 2 let. c dudit règlement, prévoyait que nonobstant la substitution du règlement n° 1408/71 à toute convention de sécurité liant exclusivement deux ou plusieurs Etats membres (let. a), les dispositions de conventions de sécurité sociale mentionnées à l’annexe III restaient applicables. L’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 prend en considération la jurisprudence de la CJCE rendue sous l’empire du règlement précédent, puisqu’il prévoit expressément la condition (alternative) selon laquelle, pour rester applicables, les dispositions de conventions de sécurité sociale doivent être « plus favorables pour les bénéficiaires » (Heinz-Dietrich Steinmeyer, in Europäisches Sozialrecht, 8e éd. 2022, n° 5 ad art. 8 du règlement n° 883/2004, p. 188).

Les principes dégagés dans l’arrêt Rönfeldt ont été résumés par la CJUE de la manière suivante (arrêt du 22 janvier 2015, Balazs, C-401/13 et C-432/13, points 34 s. et 38) : nonobstant les termes des art. 6 et 7 par. 2 sous c) du règlement n° 1408/71 – dont l’exigence selon laquelle les dispositions conventionnelles restant en vigueur doivent figurer à l’annexe III de ce règlement -, les conventions bilatérales de sécurité sociale continuent à s’appliquer à certaines conditions, même en l’absence de mention à ladite annexe. Ainsi, les dispositions des conventions bilatérales continuent à s’appliquer dans le cas de travailleurs migrants après l’entrée en vigueur du règlement n° 1408/71, indépendamment du point de savoir si elles figurent ou non à l’annexe III de ce règlement, lorsque cette application est plus favorable au travailleur, pour autant que celui-ci ait fait usage de son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de ce règlement (arrêt du 9 novembre 1995, Thévenon, C-475/93, Rec. 1995, p. I-3813). A l’inverse, la CJUE a nié l’application de ces principes lorsque le ressortissant d’un Etat membre a quitté le territoire de celui-ci pour un autre Etat membre plusieurs années avant que l’accord bilatéral de sécurité sociale ait été conclu, la personne concernée ne pouvant avoir de confiance légitime dans le fait qu’elle pourrait bénéficier des dispositions de l’accord bilatéral, celui-ci n’ayant pas encore été conclu à la date de leur retour dans son pays d’origine (arrêt Balazs cité, point 42).

L’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 comprend la même exigence relative aux dispositions conventionnelles devant figurer à l’annexe II du règlement que l’art. 7 par. 2 let. c du règlement n° 1408/71, à laquelle la CJUE – et à sa suite le Tribunal fédéral – a jugé qu’il y avait lieu de déroger dans les circonstances particulières précisées dans l’arrêt Rönfeldt. L’entrée en vigueur de l’art. 8 par. 1 du règlement n° 883/2004 n’a donc rien changé au principe de l’applicabilité des conventions de sécurité sociale plus favorables dans un cas concret, pour autant que les conditions précitées soient réalisées. Les principes dégagés dans l’arrêt Rönfeldt restent applicables sous l’empire du règlement n° 883/2004 (Bernhard Spiegel, in Europäisches Sozialrecht, 8e éd. 2022, n° 4 ad art. 87 et 87a du règlement n° 883/2004, p. 657; dans ce sens, Heinz-Dietrich Steinmeyer, op. cit., n° 11 ad art. 8 du règlement n° 883/2004, p. 189; BOKELOH, op. cit., p. 127; TIMO ZEISKE, Das Statut sozialer Sicherheit bei grenzüberschreitender Arbeitnehmerentsendung, Münster 2016, éd. MV Wissenschaft, p. 117 s.).

Consid. 5.3.3
Cette solution s’appuie également, de manière plus générale, sur l’objectif de l’adoption du règlement n° 883/2004. Celui-ci a remplacé le règlement n° 1408/71 à partir du 1er avril 2012 (cf. consid. 3.2 supra). Les motifs qui ont conduit à son adoption montrent qu’il trouve également sa source dans l’art. 42 du Traité instituant la Communauté européenne et vise donc toujours à éliminer les obstacles à la libre circulation des personnes pouvant résulter de l’absence de coordination des régimes nationaux de sécurité sociale (cf. ATF 133 V 329 consid. 8.6). Cet objectif a en outre été confirmé, voire renforcé. Il ressort effectivement du considérant 3 du préambule du règlement n° 883/2004 que ce dernier a été édicté et adopté en vue de remplacer le règlement n° 1408/71 (dont les nombreuses modifications et mises à jour, qui visaient à tenir compte non seulement des développements intervenus au niveau communautaire, y compris des arrêts de la CJCE, mais également des modifications apportées aux législations nationales, avaient contribué à rendre les règles communautaires de coordination complexes et lourdes) en le modernisant et en le simplifiant. Cela était essentiel à la réalisation de l’objectif de la libre circulation des personnes.

Dans ces circonstances, la jurisprudence développée sous le régime du règlement n° 1408/71 concernant l’applicabilité des dispositions des conventions bilatérales plus favorables reste applicable sous le régime du règlement n° 883/2004. Le remplacement des art. 6 et 7 du premier règlement par l’art. 8 du second n’a en effet entraîné aucune modification substantielle. L’objectif poursuivi par la réglementation, à savoir l’élimination la plus complète possible des obstacles à la libre circulation des personnes pouvant résulter de l’absence de coordination des régimes nationaux de sécurité sociale, n’a pas été modifié avec l’entrée en vigueur du nouveau règlement. Par conséquent, un assuré, qui a exercé son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de l’ALCP et dont le droit à une rente de l’assurance-invalidité suisse est né après l’entrée en vigueur du règlement n° 883/2004, peut bénéficier d’une disposition plus favorable d’une convention bilatérale de sécurité sociale aussi sous le régime du règlement n° 883/2004.

Consid. 5.4
Ni l’office AI ni la juridiction cantonale n’ont examiné le point de savoir si le système de la Convention entre la Suisse et le Portugal est plus favorable à l’assuré que le système du règlement n° 883/2004. A cet égard, le Tribunal fédéral a considéré que le point de savoir quel système était plus favorable à l’assuré nécessitait un calcul comparatif fondé sur des informations dont l’obtention ne soulevait guère de difficultés pratiques pour les autorités compétentes suisses qui pouvaient s’appuyer sur l’entraide administrative prévue dans les relations transfrontalières dans le domaine de la sécurité sociale (art. 7 de l’Arrangement administratif du 24 septembre 1976 fixant les modalités d’application de la Convention de sécurité sociale du 11 septembre 1975 entre la Suisse et le Portugal [RS 0.831.109.654.12]; art. 84 du règlement n° 1408/71; art. 76 ss du règlement n° 883/2004; art. 2 ss du Règlement [CE] n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale [RS 0.831.109.268.11]; ATF 142 V 112 consid. 4.5). En conséquence, il convient d’annuler l’arrêt attaqué ainsi que la décision administrative litigieuse et de renvoyer la cause à l’administration pour qu’elle complète l’instruction sur ce point et rende une nouvelle décision.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et la décision, renvoyant la cause à l’office AI pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.

 

Arrêt 9C_198/2022 consultable ici

 

9C_303/2022 (f) du 31.05.2023 – Rente d’invalidité AI limitée dans le temps pour un assuré âgé de plus de 55 ans – 16 LPGA – 17 LPGA / Examen du besoin de mesures d’ordre professionnel

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_303/2022 (f) du 31.05.2023

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité AI limitée dans le temps pour un assuré âgé de plus de 55 ans / 16 LPGA – 17 LPGA

Examen du besoin de mesures d’ordre professionnel

 

Assuré, né en 1965, a travaillé en dernier lieu comme vendeur dans un grand centre commercial (du 01.07.2008 au 31.08.2019). En arrêt de travail depuis le 18.06.2018, il s’est soumis à une intervention chirurgicale en août 2018 (arthrodèse L4-L5) et en mars 2019 (reprise d’arthrodèse avec ablation et remplacement d’une vis du pédicule L5 droit). Le 19.10.2018, il a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité.

L’office AI a pris en charge les frais d’une mesure d’orientation professionnelle (évaluation des compétences et du potentiel). L’office AI a ensuite versé à son dossier l’expertise médicale réalisée à la demande de l’assureur perte de gain en cas de maladie. Dans un rapport rendu le 30.09.2019, le spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur a conclu que l’assuré ne pouvait plus exercer son activité habituelle, mais disposait d’une capacité de travail entière dans une activité adaptée. Par décision du 20.07.2021, l’office AI a octroyé à l’assuré une rente entière de l’assurance-invalidité du 01.06.2019 au 30.11.2019.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 333/21 – 148/2022 – consultable ici)

Par jugement du 10.05.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2
Le bien-fondé d’une décision d’octroi, à titre rétroactif, d’une rente limitée dans le temps doit être examiné à la lumière des conditions de révision du droit à la rente (ATF 148 V 321 consid. 7.3.1; 125 V 413 consid. 2d et les références). Aux termes de l’art. 17 al. 1 LPGA, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2021, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée.

 

Consid. 4.2
A l’inverse de ce que prétend tout d’abord l’assuré, les conclusions du médecin-expert, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur mandaté par l’assurance perte de gain maladie, sont tout à fait compréhensibles, l’expert ayant dûment motivé les diagnostics retenus et leur répercussion sur la capacité de travail. Quant aux algies des membres inférieurs, la juridiction cantonale a constaté sans arbitraire que ces douleurs ne pouvaient pas être expliquées sur un plan objectif, l’expert indiquant qu’il n’y avait aucun signe clinique en faveur d’une souffrance radiculaire aiguë ou d’une compression radiculaire. De plus, si l’expert a certes mentionné que ces douleurs pouvaient être « le reflet d’une certaine surcharge psychogène », la juridiction cantonale a considéré à juste titre que cette seule hypothèse ne suffisait pas à rendre nécessaire une expertise psychiatrique. Les médecins traitants ne suggéraient en effet aucune atteinte à la santé psychique à caractère invalidant dans leurs différents avis et l’assuré n’avait de son côté débuté aucun suivi psychiatrique.

Par ailleurs, la juridiction cantonale n’a pas négligé l’avis des médecins traitants, mais a expliqué les raisons pour lesquelles les constatations des médecins traitants ne commandaient pas de s’écarter de l’évaluation de l’expert. A cet égard, mise à part la référence à la divergence d’opinions entre ses médecins traitants, d’une part, et le médecin-expert, d’autre part, l’assuré ne fait état d’aucun élément concret susceptible de remettre en cause les conclusions médicales suivies par les juges cantonaux, ni de motifs susceptibles d’établir le caractère arbitraire de leur appréciation. De plus, en se limitant à citer des extraits des rapports des médecins traitants, qui mettraient selon lui en évidence une aggravation de son état de santé, l’assuré ne s’en prend pas de manière suffisante à l’appréciation des juges cantonaux sur l’absence de péjoration. En l’absence d’éléments objectifs en faveur d’une telle péjoration, la juridiction cantonale n’avait pas à ordonner une nouvelle expertise orthopédique. Enfin, en ce qui concerne les limitations fonctionnelles, la juridiction cantonale a, quoi qu’en dise l’assuré, tenu compte de l’ensemble des restrictions mises en évidence sur un plan objectif par l’expert et confirmées par le médecin auprès du Service médical régional ; tant l’absence de marche que la position fixe prolongées dont se prévaut l’assuré font partie des limitations retenues.

 

Consid. 5.1
L’assuré reproche ensuite à la juridiction cantonale de ne pas s’être assurée qu’il pouvait se réadapter par lui-même, compte tenu de son âge (plus de 55 ans), avant l’examen de son droit à une rente d’invalidité. Il en déduit qu’il aurait droit à un abattement de 20% sur le revenu avec invalidité.

Consid. 5.2
Selon la jurisprudence, il existe des situations dans lesquelles il convient d’admettre que des mesures d’ordre professionnel sont nécessaires, malgré l’existence d’une capacité de travail médico-théorique. Il s’agit des cas dans lesquels la réduction ou la suppression, par révision (art. 17 al. 1 LPGA) ou reconsidération (art. 53 al. 2 LPGA), du droit à la rente concerne une personne assurée qui est âgée de 55 ans révolus ou qui a bénéficié d’une rente pendant quinze ans au moins. Cette jurisprudence qui est également applicable lorsque l’on statue sur la limitation et/ou l’échelonnement en même temps que sur l’octroi de la rente (ATF 145 V 209 consid. 5), ne signifie pas que la personne assurée peut se prévaloir d’un droit acquis; il est seulement admis qu’une réadaptation par soi-même ne peut, sauf exception, être exigée d’elle en raison de son âge ou de la durée du versement de la rente. Dans de telles situations, les organes de l’assurance-invalidité doivent vérifier dans quelle mesure l’assuré a besoin de la mise en oeuvre de mesures d’ordre professionnel, même si ce dernier a recouvré une capacité de travail et indépendamment du taux d’invalidité qui subsiste (cf. arrêts 9C_211/2021 du 5 novembre 2021 consid. 3.1; 9C_276/2020 du 18 décembre 2020 consid. 6 et les arrêts cités).

Dans un arrêt postérieur à la décision entreprise, le Tribunal fédéral a précisé qu’en cas d’allocation à titre rétroactif d’une rente limitée dans le temps – tout comme lors de la révision selon l’art. 17 LPGA du droit à une rente existante (cf. ATF 141 V 5) -, les organes de l’assurance-invalidité doivent se fonder sur le moment du prononcé de la décision de l’office AI pour déterminer si l’âge de référence de 55 ans est atteint (ATF 148 V 321 consid. 7.3).

Consid. 5.3
Dans la mesure où l’assuré, né en 1965, avait plus de 55 ans au moment où l’office AI s’est prononcé le 20 juillet 2021, il avait droit à ce que le besoin de mesures de réadaptation soit examiné.

A cet égard, selon les faits constatés par la juridiction cantonale, l’office AI a mis en place une mesure d’orientation avec évaluation des compétences et du potentiel (du 05.02.2019 au 07.03.2019). Il en ressortait que l’assuré disposait de ressources pour sa réadaptation professionnelle, laquelle ne nécessitait pas d’exigences particulières au vu des cibles professionnelles adaptées à ses limitations fonctionnelles. De plus, par communication du 19.10.2020, l’office AI avait pris en charge le coût d’une mesure d’aide au placement, afin de tenir compte du besoin de l’assuré d’être accompagné dans sa reconversion professionnelle. Dès lors que l’assuré ne conteste pas les faits établis et les déductions de la juridiction cantonale, il n’y a pas lieu de revenir sur l’appréciation selon laquelle l’assuré était en mesure de se réadapter par soi-même compte tenu de son âge. En tant que celui-ci entend en déduire un abattement sur son revenu avec invalidité, il se prévaut d’une circonstance étrangère aux conditions prévues par la jurisprudence sur ce point (cf. sur les motifs de l’abattement, ATF 148 V 174 consid. 6.3; 126 V 75 consid. 5b/bb). Mal fondé, le grief doit être rejeté.

 

Consid. 6.2
Le revenu avec invalidité doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible -, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant notamment de l’ESS (ATF 139 V 592 consid. 2.3). Il convient alors de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table TA1 de l’ESS, à la ligne « total secteur privé » (ATF 124 V 321 consid. 3b), étant précisé que, depuis l’ESS 2012, il y a lieu d’appliquer le tableau TA1_skill_ level (ATF 142 V 178).

Consid. 6.3
En l’espèce, l’assuré fait valoir que son revenu avec invalidité aurait dû être déterminé en se référant aux données de l’ESS relative à une activité dans l’industrie alimentaire. Ce faisant, il ne met en évidence aucun élément qui justifierait de s’écarter du salaire de référence auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des tâches physiques ou manuelles simples, tous secteurs confondus, de la table TA1_tirage_skill_level de l’ESS. Cette valeur statistique s’applique en effet à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu’elle est trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers (arrêts 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_692/2015 du 23 février 2016 consid. 3.1 et la référence).

Par ailleurs, le marché équilibré du travail pris en considération dans le domaine de l’assurance-invalidité (à ce sujet, voir arrêt 9C_659/2014 du 13 mars 2015 consid. 5.3 et les références) offre un éventail suffisamment large d’activités légères, dont on doit admettre qu’un nombre significatif d’entre elles sont accessibles à l’assuré sans aucune formation préalable particulière et compatibles avec les limitations fonctionnelles décrites par l’expert.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_303/2022 consultable ici

 

9C_260/2022 (f) du 15.05.2023 – Revenu sans invalidité et d’invalide selon ESS – Niveau de compétences 4 pour un assuré ayant obtenu un bachelor de design graphique – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_260/2022 (f) du 15.05.2023

 

Consultable ici

 

Revenu sans invalidité et d’invalide selon ESS – Niveau de compétences 4 pour un assuré ayant obtenu un bachelor de design graphique / 16 LPGA

 

Assuré suivait des études en design. Il a subi un traumatisme crânien à la suite d’une chute survenue le 02.06.2017. Arguant souffrir des séquelles de ce traumatisme, il a requis des prestations de l’assurance-invalidité le 06.12.2017.

Entre autres mesures de réadaptation, l’office AI a pris à sa charge les coûts de formation supplémentaires occasionnés par les suites de l’atteinte à la santé. Il a alloué à l’assuré des indemnités journalières pour la période courant du 01.07.2018 au 11.09.2020. L’assuré a obtenu un Bachelor de Design graphique le 04.09.2020.

Au terme de la procédure administrative, se référant principalement au rapport d’expertise pluridisciplinaire du 11.11.2020, l’office AI a reconnu le droit de l’assuré à une rente entière d’invalidité pour le mois de juin 2018 et à trois quarts de rente à partir du 01.09.2020.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2021 153-154 – consultable ici)

Par jugement du 13.04.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.1
Les juges cantonaux ont considéré que les revenus avec et sans invalidité de l’assuré devaient être évalués sur la base du tableau TA1_skill_level de l’ESS, groupe d’activités no 73-75, total homme, niveau de compétence 4 dans la mesure où celui-ci venait d’obtenir un Bachelor dans le domaine du design et où une activité exercée dans ce secteur était jugée adaptée par les médecins-experts. Ils en ont dès lors inféré que le taux d’invalidité équivalait au taux d’incapacité de travail retenu par les experts et l’ont arrêté à 60%. Vu les circonstances (assuré suisse, âgé de moins de 35 ans, dont les limitations fonctionnelles avaient déjà été prises en compte dans l’évaluation de la capacité résiduelle de travail), ils ont aussi exclu toute réduction supplémentaire du revenu d’invalide. Ils ont toutefois relevé que l’abattement de 15% requis par l’assuré n’influençait pas le droit à la rente, dans la mesure où un désavantage salarial de 15% correspondait en l’espèce à une perte de gain de 6% (15% de 40%) et, partant, entraînait un taux d’invalidité de 66% inférieur aux 70% exigés pour ouvrir le droit à une rente entière d’invalidité. Ils ont donc entériné les décisions litigieuses en tant qu’elles allouaient à l’assuré trois quarts de rente à partir du 1er septembre 2020.

 

Consid. 5.2.2
Grâce aux mesures mises en œuvre par l’office AI, l’assuré a obtenu un Bachelor dans le secteur du design. Dès lors que celui-ci n’avait jamais travaillé dans le secteur pour lequel il avait été formé, la juridiction cantonale a déterminé son revenu sans invalidité sur la base de l’ESS. Elle a constaté à cet égard que, d’après la Nomenclature générale des activités professionnelles (NOGA 2008), le diplôme de designer (cf. ch. 741007 NOGA 2008) plaçait l’assuré dans le groupe des professions n° 73-75 de l’ESS (autres activités spécialisées, scientifiques et techniques) et, selon la Classification internationale type des professions (CITP 08), dans le groupe 21 (spécialistes des sciences techniques inclus dans le groupe 2 des professions intellectuelles et scientifiques), auquel un niveau de compétence 4 était attribué. L’assuré ne critique pas ces différents éléments. Dans la mesure où le diplôme obtenu récemment atteste que celui-ci a les connaissances et les compétences nécessaires pour travailler dans le domaine d’activité dans lequel il a été formé, il n’y a en principe pas de motif, pour fixer le revenu d’invalide, de se fonder sur un autre groupe d’activités de l’ESS ni un autre niveau de compétence que ceux retenus pour déterminer le revenu sans invalidité.

Invoquer les limitations fonctionnelles causées par les affections dont il souffre depuis sa chute du 02.06.2017 n’est par ailleurs d’aucune utilité à l’assuré. Ces limitations ne l’ont effectivement nullement empêché d’obtenir un diplôme de designer ni d’acquérir les connaissances et les compétences indispensables afin d’exercer une activité professionnelle dans ce secteur. Des limitations fonctionnelles ne sont de surcroît pas de nature à modifier les connaissances et les compétences acquises, d’autant moins lorsqu’elles étaient déjà présentes tout au long de cette formation spécialisée comme en l’occurrence. Elles servent notamment à évaluer la proportion dans laquelle la personne concernée peut encore réaliser les tâches inhérentes à l’activité dans laquelle elle vient d’être formée, comme en l’espèce. Concrètement, la prise en considération d’une capacité résiduelle de travail de 40% attestée par les experts et retenue par les autorités administrative et judiciaire signifie qu’il est exigible de la part de l’assuré qu’il assume toutes les tâches inhérentes à la profession de designer, comme son diplôme l’atteste, mais à un taux d’activité réduit. On ajoutera que l’expression utilisée afin de décrire le niveau de compétence 4 (tâches nécessitant une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions basées sur de vastes connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé) est une formule générale censée caractériser le type de compétences nécessaires pour réaliser les activités nombreuses et diverses comprises dans les deux groupes de professions de la CITP qui constituent le niveau de compétence 4 (les directeurs/trices, cadres de direction, gérant (e) s; les professions intellectuelles et scientifiques). De plus, le fait qu’un emploi adapté aux limitations fonctionnelles de l’assuré ne doit notamment pas impliquer la capacité à prendre des décisions immédiates, à traiter des informations simultanées, à s’adapter rapidement ou à planifier ne signifie pas que celui-ci est incapable de prendre des décisions ou de s’adapter, mais uniquement qu’il a besoin de plus de temps ou de plus de soutien pour mettre à profit les vastes connaissances théoriques et factuelles acquises grâce à sa formation supérieure dans le domaine spécialisé qu’est le design.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_260/2022 consultable ici

 

9C_388/2022 (f) du 27.04.2023 – Devoir de collaborer de l’assuré durant la procédure d’instruction – Conséquences d’une violation de ce devoir – 43 LPGA / Refus de l’assuré de se rendre à l’expertise en raison de troubles psychiques

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_388/2022 (f) du 27.04.2023

 

Consultable ici

 

Devoir de collaborer de l’assuré durant la procédure d’instruction – Conséquences d’une violation de ce devoir / 43 LPGA

Refus de l’assuré de se rendre à l’expertise en raison de troubles psychiques

Libre choix de l’office AI de rendre une décision de non-entrée en matière au lieu d’examiner la demande de l’assuré en l’état du dossier / 43 al. 3 LPGA

Conséquence en cas de nouvelle demande ou lorsque l’assuré se déclare après coup prêt à se soumettre à l’expertise envisagée

 

Dépôt de la demande AI en février 2018 par l’assuré, né en 1973. Entre autres mesures d’instruction, l’office AI a ordonné une expertise bidisciplinaire (psychiatrie et médecine interne-cardiologie) et en a informé l’assuré par courrier du 20.01.2020. L’intéressé ne s’étant pas présenté à l’expertise, l’administration l’a mis en demeure de respecter son devoir de collaborer, en lui indiquant qu’un défaut de collaboration pouvait conduire à une décision en l’état du dossier ou à un refus d’entrer en matière sur la demande (courrier du 19.05.2020). Après que l’assuré a produit un certificat médical d’un médecin praticien, du 20.05.2020, attestant de son appartenance à un groupe à risque et lui déconseillant d’emprunter les transports publics en raison de la pandémie de maladie à coronavirus 2019, l’office AI l’a sommé de collaborer activement à la procédure, en lui rappelant les conséquences d’un défaut de collaboration (courrier du 12.10.2020).

A la suite d’un courriel de l’assuré, par lequel il expliquait notamment souffrir de phobies sociales aiguës et d’agoraphobie l’empêchant de prendre les transports publics, l’administration a confirmé la nécessité d’une expertise, en lui rappelant également son obligation de collaborer; elle l’a convoqué auprès d’un centre d’expertises (courrier du 22.04.2021). L’assuré a ensuite produit une attestation de son médecin traitant, spécialiste en médecine interne générale et en psychiatrie et psychothérapie d’enfants et d’adolescents, datée du 17.08.2021. Par décision incidente du 30.09.2021, l’office AI a maintenu la nécessité de l’expertise; il a également informé l’assuré de la prise en charge des frais pour un transport individuel. Après que le centre d’expertises lui a fait savoir, le 15.10.2021, que l’assuré avait déclaré refuser de donner suite à la convocation pour l’expertise prévue, l’administration a refusé d’entrer en matière sur la demande de prestations, par décision du 11.01.2022.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 24.06.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Il n’y a violation de l’obligation de collaborer par l’assuré au sens de l’art. 43 al. 3 LPGA que si elle a été commise de manière inexcusable. En ce sens, elle doit être fautive, ce qui est le cas lorsqu’aucun motif justificatif n’est reconnaissable ou que le comportement de la personne assurée s’avère totalement incompréhensible (arrêt I 166/06 du 30 janvier 2007 consid. 5.1 et les références; sur les motifs rendant le défaut de collaboration excusable, cf. arrêt 8C_733/2010 du 10 décembre 2010 consid. 5.3 et les références).

Consid. 5.1
C’est en vain que l’assuré allègue d’abord, en se référant aux avis de son médecin traitant, que son refus de se rendre au centre d’expertises médicales mandaté par l’office AI est excusable. Contrairement à ce qu’il affirme, le psychiatre traitant s’est référé à la question des déplacements lorsqu’il a mentionné qu’une éventuelle convocation pour une expertise en Suisse allemande n’était pas envisageable pour le moment. Le médecin a mis en lien l’incapacité de son patient de se soumettre à l’expertise avec son impossibilité à utiliser les transports publics (« Concernant une éventuelle convocation de l’AI pour une évaluation en Suisse allemande, je pense qu’une telle intervention n’est pas envisageable pour le moment et devrait être reportée ultérieurement. En effet, l’idée d’utiliser les transports publics n’est pas envisageable pour le moment »). Si le psychiatre traitant a certes mentionné que la confrontation avec le monde extérieur, le stress ou les conflits font rapidement apparaître des attitudes de fuite et de replis, aggravant ainsi les symptômes dépressifs, il n’a cependant pas indiqué que l’assuré était dans l’impossibilité totale de se déplacer ou de se soumettre à une évaluation médicale. La constatation de la juridiction cantonale selon laquelle le psychiatre traitant n’a pas exclu expressément tout déplacement en véhicule privé, n’est donc pas manifestement inexacte et le Tribunal cantonal pouvait en inférer sans arbitraire qu’il était exigible de l’assuré de se rendre au centre d’expertises en transport individuel, par un service de transport pour personnes handicapées, comme l’avait proposé l’office AI.

Consid. 5.2
A l’inverse de ce que soutient ensuite l’assuré, sa situation n’est pas comparable à celle décrite dans l’arrêt 8C_396/2012 du 16 octobre 2012, dès lors déjà que l’assurée n’avait pas refusé de se soumettre à l’expertise ordonnée, mais simplement informé le centre d’expertises, puis l’assureur social compétent, que les dates d’examen proposées ne lui convenaient pas, en sollicitant un report de celles-ci. En l’espèce, selon les informations que le centre d’expertises a données à l’office AI – que l’assuré n’a jamais contestées – l’assuré a en revanche indiqué au centre qu’il ne donnerait pas suite à la convocation, pour des raisons personnelles, quelle que soit la date choisie, en précisant être conscient des conséquences de son refus.

L’assuré ne saurait rien déduire non plus en sa faveur de l’arrêt I 166/06 du 30 janvier 2007. Il s’agissait alors d’une assurée qui avait demandé, par l’intermédiaire de son médecin traitant, que l’expertise ordonnée par l’office AI ne soit pas effectuée à Bâle, mais à Zurich, où elle était domiciliée. Le Tribunal fédéral a considéré que l’intéressée n’avait pas violé de manière inexcusable son obligation de collaborer au sens de l’art. 43 al. 3 LPGA, car son médecin traitant avait attesté qu’un voyage à Bâle eût amené sa patiente aux limites de sa capacité de coopération et qu’en raison de ses atteintes à la santé, elle n’eût probablement pas été en mesure d’honorer les rendez-vous à Bâle (arrêt I 166/06 précité consid. 5.2). Or tel n’est pas le cas en l’occurrence, puisque le psychiatre traitant n’a pas exclu que son patient pût se rendre au centre d’expertises suisse allemand par le biais d’un service de transport pour personnes handicapées.

 

Consid. 5.3
L’assuré ne peut pas davantage être suivi lorsqu’il reproche à l’office AI de s’être « obstiné » à le faire examiner dans un centre d’expertises en Suisse allemande, sans avoir tenté de trouver une solution consensuelle, alors même qu’il avait demandé à plusieurs reprises d’être examiné par des experts francophones dans un centre d’expertises en Suisse romande. Si l’assuré a certes demandé à être examiné par des experts francophones dans un courriel du 13.10.2020, il n’a par la suite pas réitéré sa demande. Une fois informé de l’identité des experts du centre suisse allemand (courriers de l’office AI du 10.09.2021 et du centre d’expertise du 13.09.2021), l’assuré s’est en effet contenté de requérir que les informations relatives à l’expertise lui soient transmises en français (courriel du 20.09.2021). Après avoir reçu les informations demandées dans sa langue maternelle (courriel du centre d’expertises du 21.09.2021), l’assuré ne s’est plus manifesté. Dans ces conditions, l’office AI pouvait inférer de l’absence de réaction de l’assuré qu’il avait renoncé à une expertise en langue française dans le cadre du nouveau centre désigné. On rappellera au demeurant que lorsque l’administration ne donne pas suite à la demande d’un assuré de désigner un centre d’expertise où l’on s’exprime dans l’une des langues officielles de la Confédération qu’il maîtrise, l’intéressé a le droit non seulement d’être assisté par un interprète lors des examens médicaux mais encore d’obtenir gratuitement une traduction du rapport d’expertise (ATF 127 V 219 consid. 2b/bb; cf. aussi arrêt 9C_259/2022 du 20 septembre 2022 consid. 5.2 et les arrêts cités). Or en l’espèce, l’assuré ne prétend pas que la compréhension linguistique entre lui et les experts ne serait pas suffisante, en présence d’un interprète, pour garantir une expertise revêtant un caractère à la fois complet, compréhensible et concluant.

 

Consid. 5.4
L’assuré ne peut finalement rien tirer en sa faveur du fait que le refus de l’office AI d’entrer en matière sur sa demande de prestations a des conséquences financières importantes pour lui. Il soutient à cet égard que le refus de prestations ne devait pas « être décidé à la légère » et reproche à la juridiction cantonale de ne pas avoir examiné si la décision litigieuse était correcte à la lumière des pièces du dossier, que l’office AI aurait dû apprécier sous l’angle matériel.

Consid. 5.4.1
Le grief de l’assuré est mal fondé, dans la mesure où il est soulevé en lien avec l’affirmation que le caractère excusable du comportement de l’assuré est établi. Dès lors que tel n’est pas le cas en l’espèce, la juridiction cantonale – pas plus du reste que l’office AI – n’avait pas à examiner la demande « en l’état du dossier », l’art. 43 al. 3 LPGA prévoyant une alternative à cet égard. Conformément à cette disposition, lorsque l’assuré refuse de manière inexcusable de se conformer à son obligation de renseigner ou de collaborer à l’instruction, l’assureur peut en effet se prononcer en l’état du dossier ou clore l’instruction et décider de ne pas entrer en matière.

Consid. 5.4.2
Le dépôt d’une nouvelle demande ensuite de la décision de non-entrée en matière a certes pour conséquence que le droit à d’éventuelles prestations d’assurance ne pourra effectivement prendre naissance au plus tôt qu’à l’échéance d’une période de six mois à compter de la date à laquelle cette nouvelle demande a été présentée (cf. art. 29 al. 1 LAI). Cela étant, cette situation est la conséquence juridique de la violation, par l’assuré, de son devoir de collaborer à l’instruction (art. 43 al. 3 LPGA). Selon la jurisprudence, en effet, l’assureur social peut, conformément au principe de proportionnalité, suspendre ses prestations, respectivement ne pas entrer en matière sur la demande, jusqu’à ce que l’assuré se déclare prêt à se soumettre sans réserve à l’expertise ordonnée par une décision entrée en force. Mais l’accord de l’assuré à la mesure d’instruction ordonnée, exprimé postérieurement au prononcé de la décision fondée sur l’art. 43 al. 3 LPGA, ne rend pas sans effet le refus initial ayant entraîné la non-entrée en matière. C’est pourquoi un recours dans lequel l’assuré se déclare après coup prêt à se soumettre à l’expertise envisagée doit, cas échéant, être considéré comme une nouvelle demande. Ce nouvel examen du droit à la prestation pour le futur permet, sous l’angle du principe de la proportionnalité, de prendre en considération le fait que la sanction décidée (en l’espèce, non-entrée en matière) ne concerne que la période pendant laquelle l’assuré refuse de collaborer (ATF 139 V 585 consid. 6.3.7.5; arrêt 9C_477/2018 du 28 août 2018 consid. 5.1 et les arrêts cités). L’arrêt 9C_961/2008 du 30 novembre 2009, auquel l’assuré se réfère, ne lui est d’aucun secours, dès lors déjà qu’il s’agissait d’un cas de révision (art. 17 LPGA) et que l’alternative du refus d’entrer en matière n’était donc pas pertinente (cf. arrêt 9C_961/2008 précité consid. 6.3.2). Conformément aux éventualités prévues par l’art. 43 al. 3 LPGA, l’office AI était en droit de choisir de rendre une décision de non-entrée en matière au lieu d’examiner la demande de l’assuré en l’état du dossier. Le reproche soulevé à ce sujet n’est pas pertinent. La juridiction cantonale n’avait pas à examiner la décision de l’office AI « sous l’angle matériel ».

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_388/2022 consultable ici

 

9C_226/2022 (f) du 02.05.2023 – Moyens auxiliaires d’un bénéficiaire de rente de vieillesse / Maintien des droits acquis lors de l’accession à l’âge de la retraite – 4 OMAV / Prothèse de type C-Leg

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_226/2022 (f) du 02.05.2023

 

Consultable ici

 

Moyens auxiliaires d’un bénéficiaire de rente de vieillesse / OMAV

Maintien des droits acquis lors de l’accession à l’âge de la retraite / 4 OMAV

Prothèse de type C-Leg

 

Assuré a été amputé de sa jambe droite à la suite d’un accident survenu le 08.07.1981. Il a bénéficié de la prise en charge des frais d’entretien et de renouvellement de la prothèse standard qui lui avait été remise à titre de moyen auxiliaire de l’assurance-invalidité. Dans le cadre d’une précédente procédure, le tribunal cantonal a confirmé le refus de l’office AI de remettre à l’assuré une prothèse équipée d’un genou articulé contrôlé par microprocesseur de type C-Leg. L’administration a par la suite pris en charge les frais d’acquisition d’un nouveau genre de prothèse mécanique avec un pied Echelon.

Le 06.04.2020, l’intéressé a présenté une nouvelle demande de moyen auxiliaire, sous forme de prothèse de type C-Leg, au motif que celle-ci était nécessaire à l’exercice de l’activité poursuivie après l’âge de la retraite. Entre autres mesures d’instruction, l’office AI a confié une expertise à la Fédération suisse de consultation en moyens auxiliaires (FSCMA). Considérant que seule la prothèse accordée avant l’âge de la retraite pouvait être maintenue à titre de moyen auxiliaire de l’assurance-vieillesse et survivants, la caisse de compensation (ci-après: la caisse) a rejeté la demande (décision du 21.12.2020, confirmée sur opposition le 02.06.2021).

 

Procédure cantonale

Par jugement du 15.03.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.2.1
L’assuré fait grief à la juridiction cantonale d’avoir nié son droit à la remise d’une prothèse de type C-Leg au motif que les prothèses de jambe ne figuraient pas dans la liste exhaustive de l’annexe à l’OMAV. Il rappelle que l’art. 43quater LAVS vise à permettre aux rentiers AVS d’obtenir des moyens auxiliaires nécessaires à l’exercice d’une activité lucrative ou à la réalisation de leurs travaux habituels (al. 2). Il soutient en substance que la liste évoquée – qui avait été édictée sur la base des délégations de compétence au Conseil fédéral (art. 43quater al. 1 LAVS) et au Département fédéral de l’intérieur (art. 66ter al. 1 RAVS) – est à ce point restrictive qu’elle irait contre la volonté du législateur en ne déterminant pas de manière adéquate les moyens auxiliaires qui peuvent être remis aux rentiers AVS, ce qui aurait pour conséquence de les priver des droits ou garanties que la loi entendait leur octroyer.

Consid. 5.2.2
Cette argumentation est infondée. Contrairement à ce que veut faire accroire l’assuré, les juges cantonaux n’ont pas nié son droit à la remise d’une prothèse de jambe de type C-Leg au seul motif que la liste exhaustive de l’annexe à l’OMAV ne mentionnait pas ce genre de moyen auxiliaire. S’ils ont certes expressément relevé ce point, ils ont toutefois considéré que, compte tenu de l’âge de l’assuré lors du dépôt de sa dernière demande, seules les dispositions de la LAVS pouvaient trouver application en l’espèce (à l’exclusion de celles de la LAI). C’est pourquoi, dès lors que les prothèses de jambe ne figuraient pas dans la liste de l’annexe à l’OMAV, ce qui excluait la remise automatique de toute prothèse, ils ont examiné s’ils pouvaient faire droit aux prétentions de l’assuré sous l’angle du maintien des droits que celui-ci avait acquis sous le régime de la LAI prévu à l’art. 4 OMAV. Ils sont parvenus à la conclusion que l’assuré ne pouvait prétendre l’octroi d’une prothèse plus perfectionnée que celle obtenue sous le régime de la LAI. Puisque l’assuré ne s’est nullement vu refuser l’octroi d’une prothèse de jambe en raison de l’absence d’un tel moyen dans la liste de l’annexe à l’OMAV et qu’il ne se retrouve pas dans la situation où, ayant atteint l’âge de la retraite, il est pour la première fois confronté à la nécessité de porter une prothèse de jambe, mais qu’il bénéficie d’une telle prothèse depuis 1981, il n’a pas d’intérêt digne de protection à ce que le Tribunal fédéral détermine de manière générale si l’absence de mention du moyen auxiliaire en question dans la liste exhaustive de l’annexe à l’OMAV est contraire ou non à la volonté du législateur. 

 

Consid. 5.3.2
Contrairement à ce que veut faire accroire l’assuré une fois encore, le tribunal cantonal n’a pas nié son droit à une prothèse de jambe à cause du fait qu’il avait atteint l’âge de l’AVS et que la liste de l’annexe à l’OMAV ne prévoyait pas la remise d’un tel moyen. Il a concrètement considéré que l’assuré avait toujours droit à une prothèse mais qu’il ne pouvait prétendre un moyen auxiliaire plus perfectionné que celui qui lui avait été accordé depuis 1981, sous peine d’étendre la garantie des droits acquis d’une manière contraire au sens et au but de la loi. On précisera que le droit à l’octroi d’une prothèse de type C-Leg avait déjà été nié au motif que ce moyen auxiliaire ne pouvait pas être considéré comme simple, adéquat et économique dans la situation de l’assuré. Dans ces circonstances, il n’y a pas de discrimination en raison de l’âge dès lors que l’assuré a bénéficié et continue de bénéficier depuis 1981 d’un modèle de moyen auxiliaire jugé simple et adéquat pour atteindre les buts fixés par la loi. Par ailleurs, dans la mesure où l’assuré ne se retrouve pas dans la situation où il est pour la première fois confronté à la nécessité de porter une prothèse de jambe, il n’a pas d’intérêt digne de protection à ce que le Tribunal fédéral détermine de manière générale si l’absence de mention du moyen auxiliaire en question dans la liste exhaustive de l’annexe à l’OMAV discrimine les bénéficiaires de rentes AVS par rapport aux bénéficiaires de rentes AI.

 

Consid. 5.4.2
L’analogie entre semelles ou chaussures orthopédiques et prothèses mécaniques ou électroniques effectuée par le tribunal cantonal n’est pas pertinente. Les deux premiers moyens auxiliaires évoqués sont en effet clairement différenciés dans l’annexe de l’ordonnance du Département fédéral de l’intérieur concernant la remise des moyens auxiliaires par l’assurance-invalidité (OMAI), tandis que les deux seconds y sont désignés par le terme générique de prothèse fonctionnelle définitive pour les jambes. Une prothèse C-Leg ne saurait donc être considérée comme un moyen auxiliaire d’un genre différent d’une prothèse mécanique. Le Tribunal fédéral n’a d’ailleurs jamais nié le droit d’un assuré au motif qu’une prothèse électronique constituerait un moyen auxiliaire « luxueux » n’entrant – par principe – pas en compte dans une liste des moyens auxiliaires susceptibles d’être accordés. Au contraire, il s’est généralement attaché à examiner le caractère simple, adéquat et économique d’une telle prothèse dans les cas particuliers qui lui étaient soumis (à cet égard, cf. p. ex. ATF 143 V 190 consid. 7.3.2; 141 V 30 consid. 3.2.3; 132 V 215; voir aussi arrêts 8C_279/2014 du 10 juillet 2015 in: SVR 2016 UV n° 3 p. 5; I 502/05 du 9 juin 2006 in: SVR 2006 IV n° 53 p. 201). Cela n’est cependant d’aucune utilité à l’assuré dans la mesure où son droit à la prothèse en question doit être examiné à l’aune des droits acquis garantis par l’art. 4 OMAV.

Consid. 5.4.3
Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de se prononcer sur la portée de l’art. 4 OMAV. Il a considéré que les organes chargés de l’application de la LAVS étaient tenus de fournir seulement les moyens auxiliaires que les organes chargés de l’application de la LAI avaient accordés auparavant et qui n’étaient pas cités dans la liste de l’annexe à l’OMAV. Il a plus particulièrement indiqué que le but de l’art. 4 OMAV était de maintenir les droits acquis avant l’âge de retraite, mais pas de conférer à l’assuré un droit à l’octroi d’un moyen auxiliaire s’adaptant à l’atteinte à la santé. Il a précisé qu’admettre que la garantie des droit acquis inclue des prestations dont l’assuré n’aurait besoin qu’en raison d’une détérioration de sa situation médicale une fois atteint l’âge de la retraite outrepasserait le sens de l’art. 4 OMAV (arrêts 9C_598/2016 du 11 avril 2017 consid. 3.1; 9C_317/2009 du 19 avril 2010 consid. 4 et les références). Or, en suggérant que la prothèse mécanique qui lui avait été accordée peu avant son accession à l’âge de la retraite était devenue inadaptée et que la remise d’une prothèse C-Leg répondrait à des besoins impérieux, l’assuré tente de justifier ses nouvelles prétentions par l’évolution de son état de santé. Même si la juridiction cantonale a admis que les propriétés des exoprothèses contrôlées par microprocesseur amélioreraient le quotidien de l’assuré, elle pouvait donc légitimement nier son droit à l’octroi d’un tel moyen auxiliaire en application de la garantie des droits acquis de l’art. 4 OMAV.

On précisera encore que, comme le souligne l’assuré, le Tribunal fédéral a certes admis que le moyen auxiliaire remis sur la base de la garantie des droits acquis pouvait parfois être d’une meilleure qualité que celui accordé sous le régime de la LAI (arrêts 9C_598/2016 du 11 avril 2017 consid. 3.1; 9C_474/2012 du 6 mai 2013 consid. 3 et les références). L’octroi d’un tel moyen a toutefois toujours été justifié par des motifs techniques foncièrement indépendants de la seule qualité intrinsèque du moyen en question. Ainsi, par exemple, dans l’ATF 106 V 10, la remise d’un appareil binaural à un assuré ayant bénéficié d’un appareil monaural était motivée par le fait qu’il s’agissait d’un appareil simple, adéquat, du même genre que celui accordé précédemment et qui, étant donné l’évolution technologique, ne représentait désormais plus une mesure luxueuse mais simplement appropriée (consid. 2 in fine). Dans l’arrêt 9C_474/2012 du 6 mai 2013, la prise en charge d’un siège élévateur à l’occasion du remplacement d’un fauteuil roulant par un nouveau modèle plus perfectionné était motivée par le fait que sa conception ne permettait plus de réaliser tous les actes autorisés par l’ancien (consid. 3.4). Dans l’arrêt 9C_598/2016 du 11 avril 2017, le remplacement d’un appareil auditif par un modèle plus coûteux était motivé par le fait que les modifications ne pouvaient être distinguées conceptuellement de la prestation allouée jusqu’alors dans la mesure où il s’agissait du même moyen auxiliaire (consid. 4). Le fait qu’une prothèse de type C-Leg soit d’une meilleure qualité qu’une prothèse mécanique ne suffit dès lors pas en soi à justifier sa remise.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_226/2022 consultable ici

 

Estimation trimestrielle de l’évolution des salaires nominaux – 1e estimation basée sur les données du premier trimestre 2023

Estimation trimestrielle de l’évolution des salaires nominaux – 1e estimation basée sur les données du premier trimestre 2023

 

L’Office fédéral de la statistique (OFS) a publié le 31.05.2023 la 1e estimation basée sur les données du premier trimestre 2023. Le tableau se trouve ici :

  • en français (estimation trimestrielle de l’évolution des salaires nominaux)
  • en italien (stima trimestrale dell’evoluzione dei salari nominali)
  • en allemand (Quartalschätzungen der Nominallohnentwicklung)

L’estimation de l’évolution des salaires est nécessaire afin d’indexer un revenu (sans invalidité / d’invalide) à 2023 (arrêt du Tribunal fédéral 8C_659/2022+8C_707/2022 du 2 mai 2023 consid. 7.2).

 

9C_248/2022 (f) du 25.04.2023 – Détermination du statut mixte – Première version des propos de l’assurée / Obligation de réduire le dommage – Aide apportée par les proches de la personne assurée

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_248/2022 (f) du 25.04.2023

 

Consultable ici

 

Détermination du statut mixte – Première version des propos de l’assurée – « expérience générale de la vie » vs appréciation des preuves concrètes / 28a al. 3 LAI – 27bis RAI

Obligation de réduire le dommage dans la partie « ménagère » – Aide apportée par les proches de la personne assurée – Examen en détail par le TF – Pas de changement de jurisprudence

Pas de discrimination directe ou indirecte des femmes s’occupant de leur ménage

 

Souffrant d’une sclérose en plaques, l’assurée, née en 1971, a travaillé à 80% comme responsable des services courriers et économat. En arrêt de travail à 100% depuis le 26.11.2018, puis à 40% (de son taux d’activité de 80%) depuis le 22.12.2018, elle a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 13.05.2019. Depuis le 01.11.2019, elle travaille à 50% (de son taux d’activité de 80%).

L’office AI a recueilli l’avis des médecins-traitants puis soumis le dossier à son Service médical régional (SMR). Il a ensuite réalisé le 05.08.2020 une évaluation économique sur le ménage (rapport du 12.08.2020, complété le 20.05.2021). Par décisions des 16.06.2021 et 06.07.2021, l’office AI a, en application de la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité, alloué à l’assurée une demi-rente de l’assurance-invalidité à compter du 01.11.2019.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 275/21 – 94/2022 – consultable ici)

Par jugement du 22.03.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
L’assurée reproche tout d’abord à la juridiction cantonale d’avoir retenu qu’elle aurait exercé – sans atteinte à la santé – une activité lucrative à 80% et consacré le 20% de temps restant à ses tâches ménagères. Elle soutient que la juridiction cantonale a arbitrairement omis de prendre en considération le fait qu’elle avait été contrainte de réduire son taux d’activité à 80% lors de la naissance de son fils. Or, selon l’expérience générale de la vie, elle aurait exercé une activité à plein temps dès le seizième anniversaire de celui-ci.

Consid. 4.3
En l’espèce, l’assurée ne conteste nullement avoir indiqué les 18.06.2019 et 05.08.2020 qu’elle aurait travaillé – sans atteinte à la santé – à temps partiel (80%) pour des raisons financières et par intérêt personnel. En se limitant à indiquer que la juridiction cantonale a omis de constater qu’elle avait réduit son taux d’activité à la naissance de son fils, elle n’établit en outre pas en quoi il serait arbitraire de se fonder sur ses déclarations initiales pour retenir qu’elle aurait maintenu son taux d’activité de 80% au-delà du seizième anniversaire de celui-ci, afin de conserver un équilibre entre sa vie professionnelle et sa vie privée. En présence de deux versions différentes et contradictoires d’un fait, la juridiction cantonale ne tombe en particulier pas dans l’arbitraire en accordant la préférence à celle que la personne assurée a donnée alors qu’elle en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être consciemment ou non le fruit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 45 consid. 2a; arrêt 9C_926/2015 du 17 octobre 2016 consid. 4.2.4). En d’autres termes, en se bornant à opposer « l’expérience générale de la vie » à l’appréciation des preuves concrètes opérée par la juridiction cantonale, l’assurée n’établit pas l’arbitraire de l’appréciation des premiers juges. Mal fondé, le grief doit être rejeté.

 

Consid. 5.1
Invoquant une violation des art. 8 et 9 Cst., l’assurée demande ensuite la modification de la jurisprudence consacrée à l’obligation de diminuer le dommage en ce sens qu’il soit fait abstraction de l’aide apportée par les proches de la personne assurée dans le calcul du degré d’invalidité pour la part consacrée aux activités ménagères. De par son statut d’étudiant au gymnase, elle fait valoir tout d’abord que son fils se trouve dans une situation chronophage, où les cours et la préparation des évaluations et examens exigent un investissement temporel conséquent. Elle soutient ensuite que l’art. 7 LAI, qui prévoit que l’assuré doit entreprendre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui pour réduire la durée et l’étendue de l’incapacité de travail (art. 6 LPGA) et pour empêcher la survenance d’une invalidité (art. 8 LPGA), n’impose aucune obligation à d’autres personnes que la personne assurée, fussent-elles des proches vivant sous le même toit. Faute de base légale dans la LAI ou dans la LPGA, et compte tenu des critiques de la doctrine, il serait ainsi insoutenable d’imputer au degré d’invalidité de la personne assurée la potentielle aide des proches de celle-ci, de même que d’imposer une quelconque obligation de réduire un dommage à des proches qui n’en sont pas responsables. L’assurée affirme enfin que les femmes qui feraient le « choix de vivre en famille » seraient indirectement discriminées par l’obligation de diminuer le dommage à l’égard des tiers, car elles seraient majoritairement actives dans le domaine des tâches ménagères et subiraient des degrés d’invalidité plus faibles en raison de la prise en compte des prestations accrues de leurs proches.

Consid. 5.2
Un changement de jurisprudence ne se justifie, en principe, que lorsque la nouvelle solution procède d’une meilleure compréhension de la ratio legis, repose sur des circonstances de fait modifiées ou répond à l’évolution des conceptions juridiques; sinon, la pratique en cours doit être maintenue. Un changement doit par conséquent reposer sur des motifs sérieux et objectifs qui, dans l’intérêt de la sécurité du droit, doivent être d’autant plus importants que la pratique considérée comme erronée, ou désormais inadaptée aux circonstances, est ancienne (ATF 148 V 174 consid. 7 et les références).

Consid. 5.3
En l’espèce, quoi qu’en dise l’assurée, il n’y a pas de motif de revenir sur le principe de l’obligation de diminuer le dommage tel que dégagé par la jurisprudence du Tribunal fédéral.

Consid. 5.3.1
Dans l’assurance-invalidité, ainsi que dans les autres assurances sociales, on applique de manière générale le principe selon lequel un assuré doit, avant de requérir des prestations, entreprendre de son propre chef tout ce qu’on peut raisonnablement attendre d’une personne raisonnable dans la même situation, pour atténuer le mieux possible les conséquences de son invalidité (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2; 140 V 267 consid. 5.2.1; 133 V 504 consid. 4.2). Dans le cas d’une personne rencontrant des difficultés à accomplir ses travaux ménagers à cause de son handicap, le principe évoqué se concrétise notamment par l’obligation d’organiser son travail et de solliciter l’aide des membres de la famille dans une mesure convenable. Un empêchement dû à l’invalidité ne peut être admis chez les personnes qui consacrent leur temps aux activités ménagères que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies sont exécutées par des tiers contre rémunération ou par des proches qui encourent de ce fait une perte de gain démontrée ou subissent une charge excessive. L’aide apportée par les membres de la famille à prendre en considération dans l’évaluation de l’invalidité de l’assuré au foyer va plus loin que celle à laquelle on peut s’attendre sans atteinte à la santé. Il s’agit en particulier de se demander comment se comporterait une cellule familiale raisonnable si elle ne pouvait pas s’attendre à recevoir des prestations d’assurance (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références). La jurisprudence ne pose pas de grandeur limite au-delà de laquelle l’aide des membres de la famille ne serait plus possible (arrêts 8C_748/2019 du 7 janvier 2020 consid. 6.6; 9C_716/2012 du 11 avril 2013 consid. 4.4). L’aide exigible de tiers ne doit cependant pas devenir excessive ou disproportionnée (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2; cf. arrêt 9C_410/2009 du 1 er avril 2010 consid. 5.5, in SVR 2011 IV n° 11 p. 29).

Consid. 5.3.2
A l’inverse de ce que semble tout d’abord croire l’assurée, la jurisprudence ne répercute pas sur un membre de sa famille l’accomplissement de certaines activités ménagères, avec la conséquence qu’il faudrait se demander pour chaque empêchement si cette personne entre effectivement en ligne de compte pour l’exécuter en remplacement (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2; 133 V 504 consid. 4.2; arrêts 8C_748/2019 du 7 janvier 2020 consid. 6.6; 8C_225/2014 du 21 novembre 2014 consid. 8.3.1; I 681/02 du 11 août 2003 consid. 4.4). Au contraire, la possibilité pour la personne assurée d’obtenir concrètement de l’aide de la part d’un tiers n’est pas décisive dans le cadre de l’évaluation de son obligation de réduire le dommage (arrêt 8C_879/2012 du 17 janvier 2013 consid. 4.2; cf. ATF 133 V 504 consid. 4.2; cf. aussi Circulaire de l’OFAS sur l’invalidité et les rentes dans l’assurance-invalidité [CIRAI] du 1er janvier 2022, ch. 3612 et 3614).

Ce qui est déterminant, c’est le point de savoir comment se comporterait une cellule familiale raisonnable, soumise à la même réalité sociale, si elle ne pouvait pas s’attendre à recevoir des prestations d’assurance (THOMAS ACKERMANN, Gedanken zu Mitwirkungspflicht, Schadenminderungspflicht und Untersuchungsgrundsatz, JaSo 2022 101 ss, p. 112 s.). Dans le cadre de son obligation de réduire le dommage (art. 7 al. 1 LAI), la personne qui requiert des prestations de l’assurance-invalidité doit par conséquent se laisser opposer le fait que des tiers – par exemple son conjoint (art. 159 al. 2 et 3 CC) ou ses enfants (art. 272 CC) – sont censés remplir les devoirs qui leur incombent en vertu du droit de la famille (MARCO REICHMUTH, Wie weit geht die Schadenminderungspflicht? Mit Blick auf die Rechtsprechung zur 1. Säule, Sozialversicherungsrechtstagung 2019, 2020, p. 112).

Consid. 5.3.3
Le Tribunal fédéral a en outre confirmé sa jurisprudence de manière constante (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2; 140 V 267 consid. 5.2.1; 133 V 504 consid. 4.2). Il a donc examiné si une modification de la jurisprudence s’imposait pour conclure, à l’issue de son analyse, que tel n’était pas le cas (ATF 133 V 504 consid. 4.2 et les références). La jurisprudence continue certes de susciter des critiques d’une partie de la doctrine (parmi d’autres, voir HARDY LANDOLT, Sozialversicherungsrechtliche Schadenminderungspflicht von Angehörigen, JaSo 2021, ch. 2.1.2 p. 122; JEAN-LOUIS DUC, De l’obligation des assurés non-actifs de diminuer le dommage dans l’assurance-invalidité, PJA 2014, p. 1035). Les auteurs cités par l’assurée n’apportent cependant aucun élément nouveau qui n’aurait pas déjà été discuté et écarté par le Tribunal fédéral. De même, mise à part son désaccord avec la jurisprudence, l’assurée ne met pas en évidence de motifs sérieux et objectifs qui, dans l’intérêt de la sécurité du droit, imposeraient de procéder à un changement de jurisprudence. Singulièrement, elle n’établit nullement que l’obligation de réduire le dommage, en tant que principe général ancré à l’art. 7 al. 1 LAI, entraînerait une discrimination directe ou indirecte des femmes s’occupant de leur ménage. Elle omet en particulier le fait que la jurisprudence exige des organes de l’assurance-invalidité que ce principe ne soit pas appliqué de manière trop stricte, voire excessive ou disproportionnée (ATF 141 V 642 consid. 4.3.2; BRUNNER/VOLLENWEIDER, in Commentaire bâlois, Allgemeiner Teil des Sozialversicherungsrechts, 2020, n° 65 ad art. 21 LPGA; BÉATRICE DESPLAND, L’obligation de diminuer le dommage en cas d’atteinte à la santé, 2012, p. 102 ch. 3.2.2.2).

Consid. 5.4
Dans le cas présent, quoi qu’en dise l’assurée, la juridiction cantonale n’a pas attribué les tâches effectuées par sa mère à la charge de son fils, mais considéré que ce dernier – âgé de plus de seize ans et qui vit sous le même toit – pouvait apporter une contribution raisonnable aux tâches ménagères. Par ailleurs, sans minimiser la charge de travail d’un enfant en formation, on rappellera que selon l’Enquête suisse sur la population active (ESPA), effectuée périodiquement par l’Office fédéral de la statistique, un adolescent en formation de l’âge du fils de l’assurée consacre en moyenne 12.4 heures par semaine au travail domestique et familial (table T 03.06.02.01, Population résidante permanente âgée de 15 ans et plus, pour l’année 2020). On ne saisit dès lors pas, à la lecture du recours, en quoi il serait insoutenable de considérer que, dans le cadre d’une cellule familiale raisonnable, le fils d’une personne atteinte dans sa santé ferait son propre lit et aiderait notamment à acheminer les déchets au point de collecte une fois par semaine et à nettoyer les vitres, ainsi qu’à étendre, à ramasser « si nécessaire » les « grosses pièces » de linge et à plier une partie du linge. Les considérations des premiers juges ne prêtent pas le flanc à la critique. Le grief doit être rejeté.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_248/2022 consultable ici

 

9C_533/2022 (f) du 10.02.2023 – Demande par le tribunal cantonal d’une procuration actualisée en faveur de l’avocat – Pas de formalisme excessif / 29 al. 1 Cst.

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_533/2022 (f) du 10.02.2023

 

Consultable ici

 

Demande par le tribunal cantonal d’une procuration actualisée en faveur de l’avocat – Pas de formalisme excessif / 29 al. 1 Cst.

 

Le 25.08.2022, l’office AI n’est pas entré en matière sur la nouvelle demande de prestations de l’assurance-invalidité déposée par l’assurée le 26.09.2019.

 

Procédure cantonale

Le 26.09.2022, l’avocat, déclarant agir pour l’assuré, a formé un recours contre cette décision devant le Tribunal administratif.

Par ordonnance du 27.09.2022, le juge instructeur du Tribunal administratif a constaté que le recours était accompagné d’une procuration datée du 22.11.2010 et a invité l’assuré à lui faire parvenir une nouvelle procuration actualisée et se référant au litige jusqu’au 11.10.2022. Il a attiré l’attention de l’intéressée que le recours serait déclaré irrecevable, sans réponse dans le délai imparti ou en cas de réponse ne satisfaisant pas aux exigences de l’art. 15 al. 1 et 3 de la loi bernoise du 23 mai 1989 sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA/BE; RSB 155.21).

Statuant le 14.10.2022, le juge unique du Tribunal administratif a déclaré le recours irrecevable, au motif que la procuration requise n’avait pas été produite jusqu’alors.

 

TF

Le litige porte sur le point de savoir si le Tribunal administratif pouvait déclarer le recours irrecevable au motif que l’avocat qui déclarait agir au nom de l’assurée n’avait pas produit de procuration écrite actualisée dans le délai imparti à cet effet par la cour cantonale.

Consid. 4
Invoquant une violation du principe de l’interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst.), l’assurée fait valoir que son avocat la défendait « depuis des années » et que l’office AI avait adressé et notifié la décision de première instance à son avocat directement. Comme le Tribunal administratif n’avait pas exigé une nouvelle procuration ou une procuration « actuelle », mais seulement une « procuration actualisée », elle soutient que l’autorité précédente ne doutait pas que son avocat agissait pour son compte. L’absence de procuration « actualisée » ne pouvait dès lors pas entraîner l’irrecevabilité du recours. Qui plus est, l’avance des frais de procédure avait été versée en temps utile.

Consid. 5.1
Le formalisme excessif est un aspect particulier du déni de justice prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst. Il est réalisé lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi, complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 145 I 201 consid. 4.2.1 et les références). Selon la jurisprudence, commet un déni de justice formel et viole l’art. 29 al. 1 Cst. l’autorité qui n’entre pas en matière dans une cause qui lui est soumise dans les formes et délai prescrits, alors qu’elle devrait s’en saisir (ATF 142 II 154 consid. 4.2 et les références). Il peut en résulter une violation de la garantie de l’accès au juge ancrée à l’art. 29a Cst. Cette disposition donne en effet le droit d’accès à une autorité judiciaire exerçant un pouvoir d’examen complet sur les faits et le droit (arrêt 1C_515/2020 du 10 février 2021 consid. 2.1 et les références). Cette garantie ne s’oppose cependant pas aux conditions de recevabilité habituelles d’un recours ou d’une action (ATF 143 I 344 consid. 8.2 et les références). De manière générale, la seule application stricte des règles de forme n’est pas constitutive de formalisme excessif (arrêt 9C_354/2022 du 26 septembre 2022 consid. 3.1 et les références).

Consid. 5.2
De l’interdiction du formalisme excessif, la jurisprudence a déduit l’obligation pour l’autorité, en présence d’un mémoire signé d’un mandataire ne justifiant pas de ses pouvoirs, d’accorder un délai convenable pour réparer le vice; l’autorité ne saurait refuser d’emblée d’entrer en matière (ATF 104 Ia 403 consid. 4e; 94 I 523; 92 I 13 consid. 2; arrêts 2C_545/2021 du 10 août 2021 consid. 2.1; 1B_65/2021 du 12 mars 2021 consid. 3 et les références).

Le Tribunal fédéral considère en revanche qu’une autorité judiciaire ne tombe pas dans le formalisme excessif lorsqu’après avoir invité la partie recourante, par l’intermédiaire de son mandataire, à transmettre une procuration et l’avoir informée des conséquences du défaut de production sur l’issue de son recours, elle prononce une décision d’irrecevabilité (arrêts 2C_55/2014 du 6 juin 2014 consid. 5.3.1; 5A_812/2011 du 21 janvier 2013 consid. 3.2).

Consid. 5.3
En l’espèce, le juge instructeur du Tribunal administratif a avisé par écrit l’assurée le 27.09. 2022, par l’entremise de l’avocat qui avait formé recours à son nom, qu’il lui fallait déposer une procuration écrite actualisée d’ici au 11.10.2022, à défaut de quoi le recours serait déclaré irrecevable. Comme il le relève devant le Tribunal fédéral et à l’inverse de ce que soutient l’assurée, il pouvait requérir, s’il l’estimait nécessaire compte tenu de l’ancienneté de la procuration annexée au recours cantonal (datée du 22.11.2010), une telle procuration actualisée, sans pour autant que sa demande relève dans le cas présent du formalisme excessif (cf. arrêt 9C_793/2013 du 27 mars 2014 consid. 1.2 et les références). Le simple fait que l’avocat avait déjà produit un tel document devant cette autorité ne dispensait par ailleurs pas l’assurée de répondre à cette invitation expresse – conforme aux règles de la procédure cantonale (cf. art. 15 et 32 s. LPJA/BE) – dans le délai imparti (arrêt 1C_237/2019 du 17 mai 2019 consid. 2.2 et les références). Il n’appartient pas à la partie requise de ne pas obtempérer au motif que, de son point de vue, la requête serait trop formaliste parce que le pouvoir de représentation ne ferait pas de doute. Dans la mesure où l’assurée n’a pas donné suite à cette invitation, ni demandé une prolongation dudit délai, il y a lieu de considérer, sur le vu de la jurisprudence (consid. 5.2), que l’instance précédente n’a pas fait preuve de formalisme excessif en déclarant le recours irrecevable.

Quoi qu’en pense l’assurée, le fait qu’elle a payé à temps l’avance de frais ne permet enfin pas une autre appréciation. L’autorité précédente a en effet expressément exigé, par ordonnance du 27.09.2022, une procuration actualisée. Elle a ainsi clairement indiqué qu’elle n’accepterait pas d’autorisation de représentation implicite (à ce sujet, voir arrêt 5A_561/2016 du 22 septembre 2016 consid. 2). L’appréciation de l’autorité précédente ne prête par conséquent pas le flanc à la critique.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_533/2022 consultable ici