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8C_554/2018 (f) du 05.05.2020 – Détermination du caractère dépendant ou indépendant de l’activité déployée par un assuré – 5 al. 2 LAVS – 9 al. 1 LAVS / Chauffeurs de taxi rattachés à un central d’appel

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_554/2018 (f) du 05.05.2020

 

NB : Arrêt à 5 juges ; non destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Détermination du caractère dépendant ou indépendant de l’activité déployée par un assuré / 5 al. 2 LAVS – 9 al. 1 LAVS

Chauffeurs de taxi rattachés à un central d’appel

 

En 1964, plusieurs communes de la région lausannoise ont constitué le Service intercommunal de taxis de l’arrondissement de Lausanne (ci-après : le Service intercommunal ou SIT). Par la suite, les communes membres du Service intercommunal se sont regroupées en une Association de communes de la région lausannoise pour la réglementation du service des taxis (ci-après: l’Association).

Selon l’art. 15 RIT (Règlement intercommunal sur le service des taxis), nul ne peut exploiter un service de taxis sur le territoire de l’arrondissement sans en avoir obtenu l’autorisation (teneur du texte en vigueur dès le 01.11.2016). Il y a trois types d’autorisations. L’autorisation A (terme remplacé par « la concession » à partir du 01.07.2018) est celle qui permet le stationnement sur des emplacements désignés par les communes membres de l’Association (stations officielles de taxis).

Le 18.05.2006, le Conseil intercommunal de l’Association a adopté un règlement sur le central d’appel des taxis A (ci-après: RCAp), qui est entré en vigueur le 01.01.2008. Ce règlement a pour objet la création et l’exploitation, par le biais d’une concession accordée à une personne morale, d’un central d’appel unique chargé de recevoir et de diffuser toutes les commandes téléphoniques concernant les taxis A. Il prévoit notamment l’obligation, pour tous les titulaires d’une autorisation d’exploitation A, de souscrire un abonnement à ce central et de lui verser une contribution périodique pour le service de transmission des commandes (cf. art. 6), avec pour corollaire l’obligation du concessionnaire d’admettre tous les exploitants de taxis A à titre d’abonnés (cf. art. 4). Le 20.08.2008, l’Association a désigné la société T.__ Sàrl comme titulaire de la concession de l’exploitation du central d’appel des taxis A.

B.__ est chauffeur de taxi. Le 15.09.2015, il a été mis au bénéfice d’une autorisation d’exploiter un service de taxi avec permis de stationnement (autorisation A) valable dès le 01.01.2016. Il a pris un leasing pour un véhicule d’un prix de 35’688 fr. hors remise, dont les mensualités s’élèvent à 670 fr. 10. Il a également conclu un contrat d’abonnement avec T.__ Sàrl.

Par lettre du 16.11.2015, B.__ a demandé à la CNA de lui reconnaître un statut d’indépendant en tant que chauffeur professionnel au bénéfice d’une autorisation de type A à partir du 01.01.2016, en précisant qu’il avait trois sources de revenus dans cette activité, à savoir par le contact direct avec les clients, par le stationnement sur les stations officielles et, enfin, par le central d’appel T.__ Sàrl.

Par décision, la CNA a constaté que B.__ exerçait une activité dépendante en tant que chauffeur de taxi. La CNA a notifié cette décision à l’intéressé ainsi qu’à T.__ Sàrl à titre de partie prenante. Tous deux ont formé opposition. La CNA a confirmé que B.__ avait le statut d’un travailleur dépendant dans le cadre de ses relations avec T.__ Sàrl et a écarté les oppositions en conséquence.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 7/17 – 71/2018 – consultable ici)

B.__ et T.__ Sàrl ont recouru contre cette dernière décision.

La cour cantonale a relevé que, dans la région lausannoise, la réglementation en vigueur avait instauré, pour des motifs d’intérêt public, un monopole d’exploitation d’un central d’appel unique (voir l’arrêt 2C_71/2007 du 9 octobre 2007). Les rapports entre les chauffeurs de taxi et T.__ Sàrl étaient uniquement réglés par un contrat d’abonnement. Or ce contrat ne contenait aucune règle d’ordre organisationnel et se limitait principalement à fixer les conditions financières d’accès au central d’appel. En particulier, les chauffeurs de taxi n’étaient pas soumis à un régime de devoirs et obligations vis-à-vis de T.__ Sàrl. Cette dernière devait certes, selon le ch. 8.3 du contrat de concession, s’efforcer de planifier l’offre de taxis disponibles en fonction de la demande et, de manière générale, prendre toutes les mesures utiles en son pouvoir pour réduire sensiblement le nombre d’appels non quittancés et limiter les refus de courses. L’art. 21bis al. 2 RIT (en vigueur dès le 01.09.2016) précisait encore que seul le Comité de direction de l’Association était compétent, en cas de besoin, pour imposer aux compagnies la mise à disposition du public d’un nombre déterminé de véhicules à toute heure.

De manière générale, les chauffeurs de taxi A étaient soumis à un régime de devoirs et obligations à l’égard de l’Association, laquelle était – sous réserve du non-respect par les chauffeurs de taxi de leurs obligations financières à l’égard de T.__ Sàrl – la seule habilitée à sanctionner les chauffeurs de taxi (art. 96 RIT). Mais ce n’était pas le central d’appel qui imposait ces règles, lesquelles étaient au demeurant applicables à tous les chauffeurs titulaires d’une autorisation A, qu’ils fussent hélés dans la rue, sollicités à une station officielle de taxi ou contactés par le central d’appel. L’introduction, par le RCAp, d’un central unique et de l’obligation de s’y affilier ne constituait qu’une obligation supplémentaire – relevant du droit public communal – à charge des chauffeurs de taxi A, à laquelle ces derniers ne pouvaient pas se soustraire et qui venait s’ajouter aux nombreuses autres règles du RIT et des « Prescriptions d’application du Règlement intercommunal sur le service des taxis » (ci-après: PARIT). Selon la cour cantonale, on ne pouvait pas y voir des indices de l’exercice d’une activité salariée pour le compte de T.__ Sàrl.

A cela s’ajoutait que T.__ Sàrl n’était pas autorisée à poursuivre un but lucratif (art. 44 PARIT), ni à exploiter une entreprise de taxis ou à engager des chauffeurs. Les contributions qu’elle prélevait auprès des exploitants de taxis A étaient destinées à couvrir les frais de fonctionnement, d’amélioration du système et d’amortissement (art. 4 RCAp). L’abonnement constituait ainsi la contrepartie du matériel mis à disposition par T.__ Sàrl et embarqué dans les véhicules des chauffeurs, et finançait toute l’infrastructure du central d’appel des taxis A. Quant à la transmission gratuite de 100 courses mensuelles prévue à l’art. 3 du contrat d’abonnement, elle constituait une prestation incluse dans la contribution de base, à l’instar du nombre de Giga-octets inclus dans un abonnement de téléphonie mobile ; le contrat ne contenait cependant aucune garantie quant au nombre de courses. Par ailleurs, les recettes des courses étaient directement perçues par les chauffeurs de taxi qui assumaient aussi le risque de débiteur. Enfin, T.__ Sàrl ne disposait d’aucune compétence pour imposer des obligations particulières aux exploitants individuels, notamment concernant les heures de présence ou l’affichage du logo du central (ce point étant laissé au libre choix du chauffeur ; art. 8 du contrat d’abonnement).

En résumé, selon la cour cantonale, les éléments en faveur d’une activité indépendante des chauffeurs de taxis A l’emportaient sur ceux en faveur d’un rapport de subordination vis-à-vis de T.__ Sàrl. Celle-ci n’intervenait pas comme une société exploitant une entreprise de taxis mais comme une entreprise concessionnaire dont le seul but était d’exploiter un central téléphonique pour coordonner les taxis et qui était financée de manière exclusive par tous les exploitants de taxis A. Partant, c’était à tort que la CNA avait retenu que B.__ devait être considéré comme salarié de T.__ Sàrl lorsqu’il se voyait confier des courses par le biais du central d’appel.

Par jugement du 14.06.2018, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

D’une manière générale, est réputé salarié celui qui dépend d’un employeur quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise, et ne supporte pas le risque encouru par l’entrepreneur (ATF 123 V 161 consid. 1 p. 162; arrêt 9C_796/2014 du 27 avril 2015 consid. 3.2). Les principaux éléments qui permettent de déterminer le lien de dépendance quant à l’organisation du travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise sont le droit de l’employeur de donner des instructions, le rapport de subordination du travailleur à l’égard de celui-ci et son obligation d’exécuter personnellement la tâche qui lui est confiée (RCC 1989 p. 111 consid. 5a; 1986 p. 651 consid. 4c; 1982 p. 178 consid. 2b). Un autre élément est le fait qu’il s’agit d’une collaboration régulière, autrement dit que l’employé est régulièrement tenu de fournir ses prestations au même employeur (ATF 110 V 72 consid. 4b p. 78 s.). En outre, la possibilité pour le travailleur d’organiser son horaire de travail ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’une activité indépendante (ATF 122 V 169 consid. 6a/cc p. 176).

 

La jurisprudence procède à un examen de la situation de cas en cas qui consiste à rechercher dans les rapports de fait entre le chauffeur de taxi et le central d’appel des indices plaidant ou non en faveur d’un lien de dépendance et d’un risque économique.

Dans l’arrêt RCC 1971 p. 27, le Tribunal fédéral a retenu l’existence d’un rapport de subordination entre la société exploitant un central d’appel et les chauffeurs de taxi rattachés à celui-ci en considération notamment du fait que ces derniers étaient soumis, outre aux prescriptions de droit public régissant l’activité des taxis, à des obligations de nature contractuelle imposées par la société (obligation d’exécuter toutes les courses transmises, suivi d’un plan de service, prescriptions sur le comportement des conducteurs et la couleur du taxi, application du tarif fixé par la société) et qu’ils pouvaient être sanctionnés par un blocage d’accès au central en cas de non-respect de ces obligations. Il y a également lieu de préciser que la société était titulaire à la fois d’une concession pour l’exploitation d’un central d’appel et d’une entreprise de taxis. Dans un autre arrêt (8C_357/2014 du 17 juin 2014), le Tribunal fédéral est parvenu à la même conclusion dans la mesure où la société exploitante du central d’appel avait un droit de regard notamment sur le volume des véhicules employés, l’exécution des courses et le comportement des chauffeurs (qu’elle pouvait sanctionner par la suspension), et s’occupait de louer les places de stationnement ; de plus, la société supportait le risque d’encaissement des cartes de crédit. L’arrêt le plus récent en la matière (8C_571/2017 du 9 novembre 2017) concerne une coopérative de chauffeurs de taxi détenant la totalité des parts d’une société anonyme exploitant un central d’appel. Les membres de la coopérative étaient liés au central par un contrat d’affiliation (Anschlussvertrag) qui prévoyait l’obligation de participer à des cours de formation ou de perfectionnement, d’afficher le nom du central sur leur véhicule et de respecter certaines règles avec les clients (règlement de service) ; il existait une interdiction de s’affilier à un autre central d’appel ; le contrat pouvait être résilié moyennant un délai de trois mois ; la société faisait de surcroît de la publicité pour le central sur internet et employait des collaborateurs afin de prospecter et acquérir la clientèle d’entreprise ; le risque d’encaissement des cartes de crédit était supporté par la société. Ici également, le Tribunal fédéral a admis que les éléments plaidant en faveur d’une activité dépendante étaient prépondérants même si, par ailleurs, les chauffeurs étaient libres d’accepter ou de refuser les courses transmises par le central. Dans tous ces arrêts, le fait que les chauffeurs de taxi exerçaient leur activité au moyen de leur propre véhicule et en assumaient tous les frais n’a pas été jugé comme étant un élément décisif dans l’appréciation globale par rapport aux autres indices caractéristiques relatifs au lien de dépendance.

 

En l’espèce, la présente situation a ceci de particulier qu’il existe pour tous les chauffeurs de taxi A une obligation d’affiliation, fondée sur le droit public, à un central d’appel unique dont l’exploitation a été concédée à un organisme privé (T.__ Sàrl) par l’autorité compétente. Que le caractère obligatoire de cette affiliation trouve appui sur la réglementation communale n’a cependant pas une portée décisive sur le point de savoir si B.__ exerce une activité dépendante ou indépendante lorsqu’il effectue des courses transmises par ce central. Pour répondre à cette question, il faut déterminer si les circonstances de fait dans lesquelles se déroulent les relations entre le prénommé et T.__ Sàrl font apparaître des éléments caractéristiques d’un lien de subordination.

Le central d’appel fonctionne sur le principe de la couverture des coûts et n’est pas autorisé à poursuivre un but lucratif (art. 4 al. 2 RCAp). C’est l’ensemble des exploitants de taxis A qui financent l’ensemble de l’infrastructure, dont l’achat et l’entretien du matériel nécessaire, au moyen de leur contribution mensuelle. Quand bien même ce matériel reste juridiquement la propriété de T.__ Sàrl, la charge économique en est assumée par chaque abonné, dont B.__. On ne peut dès lors pas en inférer que ce dernier dispose de l’infrastructure de « l’employeur », ce qui pourrait constituer un élément en faveur d’un lien de dépendance.

Le contrat d’abonnement que B.__ a conclu avec T.__ Sàrl ne comporte aucune obligation pour le prénommé quant à son temps de travail (celui-ci pouvant s’organiser librement), ni ne contient des instructions particulières sur la manière dont il doit se comporter avec la clientèle ainsi que sur l’aspect du véhicule (l’affichage du logo de T.__ Sàrl étant laissé à son libre choix); il n’y a pas d’exigence d’exécuter personnellement les courses transmises (le titulaire d’une autorisation A ayant la liberté d’engager des employés dont il doit simplement communiquer le nom au central pour enregistrement); B.__ a la possibilité de refuser des commandes diffusées par le central et de prendre d’autres clients en direct qui n’ont pas passé par celui-ci. On ne voit donc pas que T.__ Sàrl donnerait au prénommé des instructions sur la manière d’exécuter son activité et exercerait sur lui un contrôle comparable à celui d’un employeur sur ses salariés dans l’exécution de leur travail.

 

Il est vrai que pour pouvoir exercer une activité de chauffeur de taxi avec l’autorisation A dans l’agglomération lausannoise, il ne suffit pas de conclure un contrat d’abonnement avec T.__ Sàrl. L’exercice d’une telle activité est plus largement lié au respect d’un certain nombre de conditions énoncées dans le RIT et les PARIT. Ceux-ci contiennent des prescriptions détaillées en particulier sur les exigences personnelles requises pour conduire professionnellement un taxi et obtenir une autorisation A, sur les conditions auxquelles un véhicule peut être affecté à un service de taxis, sur la tenue et le comportement des conducteurs, ainsi que sur le tarif applicable. Dans la mesure où ce sont les circonstances économiques qui sont déterminantes pour décider de la qualification – indépendante ou salariée – d’une activité dans un cas donné, on pourrait certes se demander si, du fait des nombreuses prescriptions et obligations du RIT et PARIT imposées à l’exploitant de taxi A pour exercer son activité, celui-ci peut encore être considéré comme indépendant quant à l’organisation de son travail et du point de vue de l’économie de l’entreprise, étant précisé que le cadre restrictif rappelé ci-dessus est l’œuvre de l’Association et non pas de T.__ Sàrl qui n’a aucune compétence en la matière. La question de savoir quelle portée il faut donner au point de vue des circonstances économiques lorsqu’on a affaire à des domaines d’activité réglementés par une collectivité publique pour des motifs d’intérêt public et de police peut être laissée ouverte. En effet, il n’y a pas lieu de se déterminer sur cette problématique dès lors qu’elle dépasse le cadre du litige qui est circonscrit par la décision attaquée et qui concerne la relation entre B.__ et T.__ Sàrl et non pas entre le prénommé et l’Association. On peut néanmoins observer que dans l’arrêt RCC 1971 cité précédemment, le Tribunal fédéral des assurances ne voyait aucune contradiction entre la solution adoptée dans le cas de la société en cause qui exploitait un central téléphonique et la situation prévalant alors dans le canton de Zurich où les chauffeurs de taxis rattachés à un central d’appel étaient considérés sous l’angle de l’AVS comme indépendants; à cet égard, la cour fédérale a relevé qu’il était admissible que des obligations soient mises à la charge de bénéficiaires de concessions si l’intérêt public le commandait et que l’existence de prescriptions de droit public (telle par exemple l’obligation pour les pharmaciens d’assurer un service de garde ou de nuit) n’avait pas de portée décisive pour déterminer si une personne exerçant une activité commerciale était indépendante ou avait un statut de salarié.

 

On ne discerne pas d’inégalité de traitement injustifiée entre le cas de T.__ Sàrl et d’autres affaires concernant des centrals d’appel pour taxis. L’élément commun à tous les chauffeurs de taxi qui sont rattachés à un central d’appel est que leur activité est facilitée par le fait que les commandes de clients leur sont transmises par ce central. Mais la qualification du statut en matière d’assurances sociales d’un chauffeur de taxi compte tenu de son rattachement à un central d’appel déterminé ne s’épuise pas dans ce constat et nécessite un examen concret de la situation à l’aune des critères jurisprudentiels rappelés ci-avant.

Dans le présent cas, le rôle attribué à T.__ Sàrl par la réglementation communale se limite à la réception et la diffusion des commandes téléphoniques concernant les taxis A afin d’en assurer la coordination. Les commandes sont transmises au taxi A le plus proche et passées au suivant en cas de refus de course, en assurant une égalité de traitement entre tous les exploitants A. Par ailleurs, T.__ Sàrl n’a aucun droit de regard sur l’exécution des courses et n’a aucun intérêt propre à ce que les exploitants A en fassent le plus possible puisqu’elle a l’interdiction de poursuivre un but lucratif (art. 44 PARIT), que tous les abonnés financent son infrastructure par le biais de la contribution mensuelle, et que ce n’est pas elle qui encaisse les gains des chauffeurs de taxi A et leur verse une compensation pour leur activité. Enfin, T.__ Sàrl est tenue d’admettre tous les exploitants A à titre d’abonnés et ne peut pas résilier elle-même le contrat d’abonnement, ni prendre des sanctions contre eux. En d’autres termes, dans le contexte qui lui a été assigné, elle n’a pas les attributs caractéristiques d’un employeur.

 

Pour le surplus, il peut être renvoyé au considérant pertinent 7h du jugement attaqué en ce qui concerne le critère du risque économique d’entrepreneur et de sa moindre importance par rapport à celui de la dépendance économique et organisationnelle en présence de situations dans lesquelles l’activité n’exige pas, de par sa nature, des investissements importants (voir également l’arrêt 9C_364/2013 du 23 septembre 2013 consid. 2.2 et les références).

 

Le TF rejette le recours de la CNA.

 

 

Arrêt 8C_554/2018 consultable ici

 

 

Le Conseil fédéral veut améliorer la sécurité des travailleurs dans la construction

Le Conseil fédéral veut améliorer la sécurité des travailleurs dans la construction

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 27.05.2020 consultable ici

 

Le Conseil fédéral souhaite actualiser les règles concernant la protection des travailleurs lors de travaux de construction. Lors de sa séance du 27.05.2020, il a décidé d’envoyer en consultation un projet de révision totale de l’ordonnance sur la sécurité et la protection de la santé des travailleurs dans les travaux de construction (OTConst). L’objectif est d’améliorer la clarté et la sécurité juridique dans ce domaine. L’entrée en vigueur est prévue pour le 01.07.2021.

L’ordonnance actuelle date de 2005 et ne satisfait plus aux exigences actuelles, notamment en raison des importantes avancées technologiques de ces dernières années. Certaines formulations se révèlent par ailleurs trop vagues pour une mise en œuvre optimale.

Les modifications les plus importantes portent sur la hauteur de chute et sur les échafaudages. Des incohérences au niveau des prescriptions relatives aux protections contre les chutes dans différents chapitres de l’ordonnance sont en effet source d’incertitudes. La révision de l’ordonnance prévoit par exemple d’uniformiser à deux mètres la hauteur de chute à partir de laquelle il convient de prendre des mesures de protection. Le chapitre sur les échafaudages a aussi été entièrement revu, dans la mesure où de nombreuses prescriptions figurent désormais dans les normes européennes et ne doivent par conséquent plus être fixées dans une ordonnance fédérale.

La procédure de consultation est ouverte jusqu’au 18.09.2020.

 

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 27.05.2020 consultable ici

Rapport explicatif de l’OFSP sur la révision de l’ordonnance sur les travaux de construction disponible ici

Ordonnance sur la sécurité et la protection de la santé des travailleurs dans les travaux de construction (Ordonnance sur les travaux de construction, OTConst), projet de modification, disponible ici

 

 

8C_828/2019 (d) du 17.04.2020 – Automutilation (Artefakt) – Trouble factice – 37 al. 1 LAA / Assuré subissant plusieurs amputations chirurgicales de la main / Examen du lien de causalité adéquate entre l’accident initial [moyen à la limite des cas de peu de gravité] et les troubles psychiques – 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_828/2019 (d) du 17.04.2020

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi.

 

Consultable ici

 

Automutilation (Artefakt) – Trouble factice / 37 al. 1 LAA

Assuré subissant plusieurs amputations chirurgicales de la main

Examen du lien de causalité adéquate entre l’accident initial [moyen à la limite des cas de peu de gravité] et les troubles psychiques / 48 OLAA

 

Assuré, né en 1971, employé par une entreprise d’horticulture, a glissé le 18.09.2012 avec une tronçonneuse pendant des travaux de jardinage et s’est coupé au niveau du majeur de la main gauche. Il a subi une coupure du tendon extenseur au niveau de l’articulation IPP, qui a été traitée chirurgicalement le même jour par une suture du tendon extenseur et une arthrodèse temporaire.

Six semaines après l’opération, une infection est apparue. Les 06.11.2012 et 16.11.2012, des révisions chirurgicales ont eu lieu à l’hôpital, qui ont rapidement conduit à une réduction des symptômes.

Dans la suite du traitement, l’assuré s’est plaint à plusieurs reprises de douleurs s’étendant aux autres doigts et jusqu’à l’épaule. A plusieurs reprises, des rougeurs et des tuméfactions ont été constatés ou des infections suspectées. Cela a donné lieu à de nombreuses autres interventions chirurgicales, qui n’ont toutefois apporté aucune amélioration des plaintes et des symptômes ou seulement à court terme. En particulier, le 08.08.2013, le majeur gauche de l’assuré a été amputé au niveau de la base de la phalange puis, en raison de la persistance des plaintes, il a été procédé le 22.11.2013 à une « désarticulation » de l’articulation métacarpo-phalangienne [MCP] du majeur.

Le 15.04.2014, l’assuré a subi une révision de plaie et une amputation du 3e métacarpien dans une clinique à Belgrade. L’assurance-accidents a pris en charge cette opération à titre exceptionnel et sans préjudice. Le 18.08.2014, l’assuré a été amputé de l’index gauche, y compris du métacarpien, à Belgrade. Le 25.04.2016, l’assuré a subi l’amputation du pouce de la main gauche, toujours à Belgrade.

L’assurance-accidents a mis en œuvre une expertise pluridisciplinaire. D’un point de vue psychiatrique, le diagnostic présumé est celui d’un trouble factice. Les experts ont considéré que l’automutilation de la part de l’assuré était vraisemblable.

Par décision confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a retenu que l’assuré s’était automutilé. En excluant cette automutilation, la stabilisation de l’état de santé avait été atteint à la mi-mars 2014 au plus tard. L’assurance-accidents a nié le droit aux prestations à compter du 01.04.2014. Une IPAI de 6% a été octroyée pour les seules séquelles de l’accident. Le droit à la rente a été refusé. L’assurance-accidents a, en outre, réclamé le remboursement des indemnités journalières indûment versées depuis le 01.04.2014, soit un total de de CHF 105’955.80.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a classifié l’accident, au cours duquel seul un doigt a été blessé, comme un événement de gravité moyenne à la limite des accidents de peu de gravité. Pour qu’on puisse admettre le caractère adéquat de l’atteinte psychique, il faut un cumul de quatre critères au moins parmi les sept consacrés par la jurisprudence ou que l’un des critères se manifeste avec une intensité particulière.

Les juges cantonaux ont estimé que la douleur prétendument persistante de l’assuré ne pouvait être attribuée à aucune cause organique. En particulier, un syndrome douloureux régional complexe (SDRC [complex regional pain syndrome – CRPS en anglais]) a été exclu. Le rapport sur le plan orthopédique et traumatologique énumère certaines majorations des symptômes et discrépances ; l’évolution des troubles est décrite comme étant caractérisée par une escalade difficile à expliquer, commençant par une lésion relativement simple et se terminant par de multiples mutilations de la main gauche. Le critère des douleurs physiques [organiques] persistantes n’ayant pu être déterminé de manière suffisamment objective, les critères de la durée anormalement longue du traitement médical, des difficultés apparues au cours de la guérison, des erreurs dans le traitement médical ou du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques ne pouvaient être liés aux prétendues persistantes douleurs. Tout au plus, les deux autres critères (circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident et la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques) pourraient être retenus, de sorte que le lien de causalité adéquate doit être nié.

La juridiction cantonale a relevé qu’un grand nombre de rapports de sortie (de l’hôpital helvétique et des cliniques de Belgrade) ont attesté que les lésions avaient guéri sans complications après les opérations respectives. Le processus de guérison initialement sans problème est plus susceptible d’indiquer que les complications qui se sont produites à plusieurs reprises par la suite étaient dues à la « sphère d’action » [Handlungssphäre] de l’assuré. L’expert en orthopédie-traumatologie s’est également référé à des photographies datant du 31.05.2015, sur la base desquelles un « œdème de choc/de coups » [Klopferödem] ou l’effet de substances nuisibles pour la peau ne pouvait être exclu. En outre, les médicaments prescrits (y compris les analgésiques) n’ont pas pu être détectés dans le sérum sanguin lors de l’expertise médicale, ce qui est en contradiction avec le niveau de souffrance déclaré. Dans l’ensemble, les experts n’ont pas prouvé l’automutilation mais l’ont retenu au degré de la vraisemblance prépondérante.

Par jugement du 29.10.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Si l’assuré a provoqué intentionnellement l’atteinte à la santé ou le décès, aucune prestation d’assurance n’est allouée, sauf l’indemnité pour frais funéraires (art. 37 al. 1 LAA). Même s’il est prouvé que l’assuré entendait se mutiler ou se donner la mort, l’art. 37 al. 1 LAA n’est pas applicable si, au moment où il a agi, l’assuré était, sans faute de sa part, totalement incapable de se comporter raisonnablement, ou si le suicide, la tentative de suicide ou l’automutilation est la conséquence évidente d’un accident couvert par l’assurance (art. 48 OLAA).

L’art. 48 OLAA présuppose un lien de causalité naturelle et adéquate entre l’accident et le suicide, la tentative de suicide ou l’automutilation, les critères relatifs aux suites psychogènes d’un accident (ATF 115 V 133) devant être appliqués pour l’examen de la causalité adéquate (ATF 120 V 352 consid. 5b p. 355 ss). Le caractère adéquat du lien de causalité suppose, par principe, que l’événement accidentel ait eu une importance déterminante dans le déclenchement des troubles psychiques. Il faut décider, sur la base de critères désignés comme pertinents par la jurisprudence, si le lien de causalité adéquate peut être retenu (ATF 120 V 352 consid. 4b p. 354 ; cf. également arrêt U 306/03 du 15 novembre 2004 consid. 2.4). Les critères du lien de causalité adéquate doivent être examinés abstraction faite des troubles psychiques (ATF 140 V 356 consid. 3.2 p. 359). Il n’est pas nécessaire que le comportement de l’assuré soit la seule cause déterminante du risque assuré, il suffit qu’il en soit la cause partielle (ATF 97 V 226 consid. 1c p. 230). Cela étant, il n’est pas nécessaire que l’accident ait été causé par l’assuré. Son comportement doit cependant avoir été à l’origine d’une aggravation des conséquences de l’accident (ATF 121 V 45 consid. 3c p. 50 ; 109 V 150 consid. 3b p. 153 s. ; KASPAR GEHRING, in: Hürzeler/Kieser [Hrsg.], UVG, 2018, N. 14 ad Art. 37 UVG).

Selon l’art. 37 al. 1 LAA, l’automutilation et le suicide supposent un acte intentionnel. Le dol éventuel suffit (ATF 143 V 285 consid. 4.2.4 p. 294). La preuve d’un acte volontaire est souvent difficile à rapporter et l’on appliquera à cet égard la règle de la vraisemblance prépondérante (arrêt 8C_663/2009 du 27 avril 2010 consid. 2.4 et les références). La présomption fondée sur l’instinct de survie de l’être humain selon laquelle, en cas de doute, la mort est due à un acte involontaire et donc à un accident ne vaut toutefois pas en cas d’automutilation (cf. arrêts 8C_591/2015 du 19 janvier 2016 consid. 3.1 ; 8C_663/2009 du 27 avril 2010 consid. 2.3 et 2.4).

Bien que l’expert psychiatre ait mentionné que l’assuré ne s’est pas ouvert à lui, de sorte qu’il n’a pas pu prouver le diagnostic d’un trouble factice, de nombreux éléments indiquent que tel est le cas. Selon l’expert psychiatre, la cause de l’automutilation peut non seulement être un trouble factice (c’est-à-dire un comportement pathologique, seulement partiellement conscient), mais aussi un comportement conscient et intentionnel. Selon l’expert, il n’y a pas non plus d’indices d’une restriction de la capacité de discernement qui pourrait éventuellement exclure l’application de l’art. 37 al. 1 LAA.

Bien que ne le disant pas expressément, le Tribunal fédéral retient comme vraisemblable l’automutilation.

S’agissant du lien de causalité adéquate entre l’accident et les troubles psychiques [examen en lien avec l’art. 48 OLAA], le Tribunal fédéral rejette les allégations et griefs de l’assuré à l’encontre du jugement cantonal.

Pour déterminer le moment à partir duquel la douleur évoquée ne doit plus être considérée comme suite de l’accident mais comme conséquence de l’automutilation, le tribunal cantonal a fondé sa décision sur l’évaluation du médecin-conseil, spécialiste en chirurgie. Ce dernier a déclaré qu’après le débridement des examens bactériologiques ont été effectués le 21.02.2014. Il n’y a eu aucune infection et aucun signe d’inflammation peropératoire n’avait été observé. La stabilisation de l’état de santé est donc atteinte deux à trois semaines après cette opération.

Le Tribunal fédéral rejette les griefs de l’assuré à l’encontre du jugement cantonal sur ce point également.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_828/2019 consultable ici

Proposition de citation : 8C_828/2019 (d) du 17.04.2020 – Automutilation (Artefakt) – Trouble factice, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/05/8c_828-2019)

 

8C_261/2019 (d) du 08.07.2019 – Troubles psychiques – Causalité naturelle et adéquate – 6 LPGA / Examen de l’invalidité – 8 al. 1 LPGA – 18 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_261/2019 (d) du 08.07.2019

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – Causalité naturelle et adéquate / 6 LPGA

Examen de l’invalidité / 8 al. 1 LPGA – 18 LAA

 

Assurée, née en 1963, employée de commerce dans une fondation, a été victime d’un accident de la circulation. La force de la collision lui a fait cogner la tête contre la vitre latérale de sa voiture. Après le remorquage de la voiture, l’assuré a pris le train pour se rendre au travail. Une première consultation médicale a eu lieu le jour suivant. Son médecin traitant, spécialiste en médecine générale, a diagnostiqué un TCC léger, une distorsion de la colonne cervicale et diverses contusions ; il a attesté une incapacité de travail à 50% à partir du 11.02.2015.

Le 14.11.2017, l’assurance-accidents a mis un terme à l’allocation des prestations rétroactivement au 01.09.2016, en se basant notamment sur l’évaluation du dossier par son médecin-conseil, spécialiste en neurologie. L’assurance-accidents a renoncé au remboursement des prestations octroyées au-delà du 22.08.2017. L’opposition de l’assurée a été rejetée.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a estimé qu’au 01.09.2016, date de la fin des prestations, aucune amélioration significative de l’état de santé ne devait être attendue par la poursuite du traitement médical, de sorte que l’assurance-accidents a eu raison de clore l’affaire. En ce qui concerne les troubles à la colonne cervicale, elle a nié, sur la base de la jurisprudence relative au coup du lapin (ATF 134 V 109), un lien de causalité adéquate entre l’accident et une (éventuelle) incapacité de travail pour les troubles évoqués au-delà du 01.09.2016.

En l’absence de lien de causalité adéquate, le tribunal cantonal aurait pu laisser ouverte la question d’un lien de causalité naturelle (ATF 135 V 465 consid. 5.1 p. 472). Néanmoins, les juges cantonaux l’ont examinée et ont constaté que les troubles n’étaient plus « accidentels », mais de nature dégénérative, à compter du 01.09.2016.

Par jugement du 14.03.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

En principe, l’octroi de prestations au titre de l’assurance accidents obligatoire présuppose un accident professionnel, un accident non professionnel ou une maladie professionnelle (art. 6 al. 1 LAA). Toutefois, l’assureur accidents n’est responsable des atteintes à la santé que dans la mesure où celles-ci présentent un lien de causalité non seulement naturelle mais aussi adéquat avec l’événement assuré (ATF 142 V 435 consid. 1 p. 438 ; 129 V 177 consid. 3 p. 181). L’adéquation – en tant que limitation légale de la responsabilité de l’assureur-accidents résultant du lien de causalité naturelle – est pratiquement sans importance dans le domaine des lésions traumatiques objectivables d’un point de vue organique, car ici la causalité adéquate coïncide largement avec la causalité naturelle (ATF 134 V 109 consid. 2 p. 111 s. ; 127 V 102 consid. 5b/bb p. 103).

Sont considérés comme objectivables les résultats de l’investigation (médicale) susceptibles d’être confirmés en cas de répétition de l’examen, lorsqu’ils sont indépendants de la personne de l’examinateur ainsi que des indications données par le patient. Ainsi, on ne peut parler de lésions traumatiques objectivables d’un point de vue organique que lorsque les résultats obtenus sont confirmés par des investigations réalisées au moyen d’appareils diagnostiques ou d’imagerie et que les méthodes utilisées sont reconnues scientifiquement (ATF 138 V 248 consid. 5.1 p. 251 ; arrêt 8C_387/2018 du 16 novembre 2018 consid. 3.3). Si les troubles en cause sont en lien de causalité naturelle avec l’accident, mais non objectivement prouvés, l’évaluation de l’adéquation doit se fonder sur le cours ordinaire des choses et, le cas échéant, d’autres critères liés à l’accident doivent être inclus (ATF 134 V 109 consid. 2.1 p. 111 s.).

Si la personne assurée a subi un accident qui justifie l’application de la juridiction du coup du lapin, les critères spécifiés par l’ATF 134 V 109 consid. 10 p. 126 ss sont déterminants à cet égard. Si cette jurisprudence n’est pas applicable, les critères d’adéquation développés pour les troubles psychiques consécutifs à un accident (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140) doivent être appliqués (ATF 134 V 109 consid. 2.1 p. 111 s.). Si le lien de causalité avec l’accident est retenu, les critères développés dans l’ATF 130 V 352 puis 141 V 281 doivent être appliqués par analogie pour évaluer l’effet invalidant d’une lésion spécifique de la colonne cervicale sans déficit fonctionnel organique objectivable (voir ATF 141 V 574 ; selon l’ancienne jurisprudence : ATF 136 V 279 consid. 3.2.3 p. 283 en lien avec 141 V 281 consid. 4.2 p. 298).

Tous les troubles à la santé psychiques doivent être soumis à une procédure structurée conformément à l’ATF 141 V 281 (ATF 143 V 418) en ce qui concerne leurs effets sur les capacités. Pour des raisons d’égalité juridique, cela s’applique également – et indépendamment de leur caractère éventuellement organique – à l’évaluation de l’effet invalidant d’une lésion spécifique de la colonne cervicale sans déficit fonctionnel organique objectivable (voir ATF 141 V 574 ; voir déjà 136 V 279 consid. 3.2.3 p. 283, toujours dans le cadre de la pratique alors en vigueur de la surmontabilité selon ATF 130 V 352).

Contrairement à l’assurance-invalidité, régie par principe de la finalité, qui est axée sur l’évaluation de l’impact des atteintes à la santé, l’assurance-accidents présuppose l’existence d’un lien de causalité naturelle (dans le cas d’atteinte à la santé organique non objectivable, cf. ATF 138 V 248 consid. 4 p. 251) et adéquate entre ces derniers et l’accident.

Le lien de causalité (art. 6 al. 1 LAA) et la limitation de gain ou l’invalidité (art. 8 al. 1 LPGA en lien avec l’art. 18 LAA) représentent des conditions « de qualification » [Anspruchsvoraussetzungen] différentes et impliquent des questions complètement différentes avec des besoins de clarification ou d’examen différents. Ainsi, le Tribunal fédéral a récemment jugé que la procédure d’examen selon l’ATF 141 V 281 n’est pas conçue pour apporter la preuve d’un lien de causalité naturelle (arrêt 8C_181/2019 du 2 mai 2019 consid. 5.2). Par conséquent, l’examen de l’adéquation purement normatif, fondé sur des critères, poursuit un objectif différent – à savoir celui de limiter la responsabilité – de l’évaluation des répercussions fonctionnelles fondée sur une évaluation normative et structurée. Cela ne change rien au fait que des éléments de fait partiellement identiques sont pris en compte et que certains chevauchements peuvent apparaître avec des critères et indicateurs individuels (voir Thomas Gächter, Funktion und Kriterien der Adäquanz im Sozialversicherungsrecht, Personen-Schaden-Forum 2016, p. 36 ss). Donc, si le fait de nier le lien de causalité naturelle et adéquate signifie que cette condition préalable essentielle aux prestations fait déjà défaut, il n’est pas nécessaire de procéder à l’évaluation des répercussions fonctionnelles (voir ATF 141 V 574 consid. 5.2 p. 582 ; Kaspar Gehring, in Frey/Mosimann/Bollinger [Hrsg.]: AHVG-IVG, 2018, N. 58 ad Art. 4 ATSG).

Dès lors que l’instance cantonale a nié à la fois le lien de causalité naturelle et le lien de causalité adéquate, on ne peut objecter qu’elle n’a pas examiné plus avant l’existence d’une invalidité.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_261/2019 consultable ici

Proposition de citation : 8C_261/2019 (d) du 08.07.2019 – Troubles psychiques – Causalité naturelle et adéquate, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/05/8c_261-2019)

 

8C_766/2018 (f) du 23.03.2020 – Gain assuré pour la rente – 15 LAA / Droit à la rente naissant plus de cinq ans après l’accident – Rappel de la notion issue de l’art. 24 al. 2 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2018 (f) du 23.03.2020

 

Consultable ici

 

Gain assuré pour la rente / 15 LAA

Droit à la rente naissant plus de cinq ans après l’accident – Rappel de la notion issue de l’art. 24 al. 2 OLAA

Adaptation du gain assuré déterminant ne doit pas se faire concrètement (évolution auprès du dernier employeur) mais en fonction de l’évolution des salaires nominaux dans le domaine d’activité antérieur – Pas de revirement de la jurisprudence

 

Assuré, agent de piste, a subi le 04.10.1995 une distorsion au genou droit en jouant au football, laquelle a nécessité une arthroscopie avec méniscectomie partielle du ménisque interne droit. Le 15.06.2008, l’assuré a été admis en urgence au service de neurochirurgie de l’hôpital C.__ où il a subi une laminectomie C4 pour tétraparésie sub C4 sur canal étroit décompensé. L’incapacité de travail de l’assuré a été totale depuis lors.

Rechute de l’accident du 04.10.1995 : douleurs et lâchages au niveau du genou droit. IRM le 10.03.2009 faisant état d’une chondrocalcinose sévère et d’une gonarthrose. Le 08.09.2009, l’assuré a subi une arthroscopie avec toilette articulaire. En raison d’une évolution difficile avec inflammation récidivante, une prothèse totale a été implantée au niveau de son genou droit le 06.05.2010.

Expertise réalisée par des médecins du service de neurologie de l’hôpital D.__ (rapport du 07.08.2015). Les experts ont constaté qu’au moment de la rechute annoncée le 10.03.2009, la capacité de travail de l’assuré dans sa profession habituelle était entière, compte tenu de la seule problématique au genou droit. Entre le 10.03.2009 et le 06.05.2010, l’évolution sur le plan neurologique avait été favorable tandis que la pathologie arthrosique de genou était devenue prépondérante par rapport aux séquelles de myélopathie cervicale. La reprise des activités n’avait pas été possible jusqu’à l’arthroplastie du genou droit le 06.05.2010. Postérieurement à ladite intervention, les experts ont retenu qu’en faisant abstraction des autres pathologies, les douleurs persistantes au niveau du genou associées à un épanchement et à une pseudolaxité empêchaient l’exercice de l’activité d’agent de sûreté à 100%. En revanche, l’exercice d’une activité adaptée était possible à 100%, à condition d’éviter l’usage intensif des escaliers, le port de charges de plus de 20 kilos, la station debout prolongée et la marche rapide ou la course.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a alloué à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur une incapacité de gain de 40% dès le 01.06.2010 2010 et calculée sur la base d’un gain assuré de 68’686 fr. Elle lui a en outre accordé une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 25%.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/886/2018 – consultable ici)

Le droit à la rente de l’assuré étant né le 01.06.2010, soit plus de cinq ans après l’accident du 04.10.1995, l’assurance-accidents a fait application de l’art. 24 al. 2 OLAA et retenu que le salaire déterminant était celui que l’assuré aurait réalisé du 01.06.2009 au 31.05.2010 s’il n’avait pas été victime de l’accident. Pour calculer ce revenu, elle a pris en compte les données salariales de l’assuré pour la période courant du 04.10.1994 au 03.10.1995 (année précédant l’accident initial). Selon l’extrait du livre de paie transmis par l’Office du personnel de l’Etat de Genève, la rémunération de l’assuré s’élevait alors à 58’203 fr. 90. Ce montant a ensuite été adapté à la période de calcul déterminante, soit à celle allant du 01.06.2009 au 31.05.2010. La juridiction cantonale a confirmé le montant du gain assuré de 68’686 fr.

Par jugement du 04.10.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 15 LAA, les indemnités journalières et les rentes sont calculées d’après le gain assuré (al. 1); est déterminant pour le calcul des rentes le salaire que l’assuré a gagné durant l’année qui a précédé l’accident (al. 2, deuxième phrase ; cf. également l’art. 22 al. 4, première phrase OLAA). Le Conseil fédéral édicte des prescriptions sur le gain assuré pris en considération dans des cas spéciaux (al. 3). Faisant usage de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a édicté l’art. 24 OLAA sous le titre marginal « Salaire déterminant pour les rentes dans des cas spéciaux ». Lorsque le droit à la rente naît plus de cinq ans après l’accident ou l’apparition de la maladie professionnelle, le salaire déterminant est celui que l’assuré aurait reçu, pendant l’année qui précède l’ouverture du droit à la rente, s’il n’avait pas été victime de l’accident ou de la maladie professionnelle, à condition toutefois que ce salaire soit plus élevé que celui qu’il touchait juste avant la survenance de l’accident ou l’apparition de la maladie professionnelle (art. 24 al. 2 OLAA).

Selon la jurisprudence, l’art. 24 al. 2 OLAA n’est pas seulement applicable lorsque la naissance du droit à la rente est différée en raison de la prolongation du processus de guérison après un accident, mais également lorsqu’on procède pour la première fois à la fixation de la rente après plusieurs accidents invalidants et que le droit à la rente naît plus de cinq ans après le premier accident (ATF 123 V 45 consid. 3c p. 50 s.). De même, le gain assuré doit aussi être déterminé conformément à l’art. 24 al. 2 OLAA lorsqu’on procède pour la première fois à la fixation de la rente après une rechute (ou des séquelles tardives) survenue (s) plus de cinq ans après l’accident (ATF 140 V 41 consid. 6.1.2 p. 44; arrêt U 427/99 du 10 décembre 2001 consid. 3a, non publié in ATF 127 V 456; SVR 2012 UV n° 3 p. 9 consid. 3.1.2, arrêt 8C_237/2011 du 19 août 2011; arrêt U 286/01 du 8 mars 2002 consid. 2b).

Il résulte de ce qui précède que le salaire déterminant pour le droit à la rente de l’assuré est celui qu’il aurait reçu pendant l’année qui précède l’ouverture du droit à la rente (le 01.06.2010), s’il n’avait pas été victime de l’accident et de la rechute, à condition que ce salaire soit plus élevé que celui qu’il touchait avant la survenance de l’accident (le 04.10.1995). Il convient dès lors d’examiner le montant du gain assuré contesté par l’assuré.

Selon la jurisprudence, l’art. 24 al. 2 OLAA a uniquement pour but de ne pas désavantager les assurés dont le droit à la rente naît plusieurs années après l’événement accidentel par rapport à ceux qui se voient octroyer la rente plus tôt, quand une forte augmentation des salaires s’est produite dans l’intervalle (ATF 127 V 165 consid. 3b p. 173; arrêt U 308/04 du 16 janvier 2006 consid. 3.1). En revanche, il n’y a pas lieu de placer l’assuré dans la situation qui serait la sienne si l’accident était survenu immédiatement avant l’ouverture du droit à la rente. La prise en compte, au moment de la fixation du droit à la rente, de l’évolution des salaires auprès du dernier employeur irait en substance au-delà du but réglementaire. Celui-ci consiste dans l’adaptation du gain assuré à l’évolution générale des salaires, c’est-à-dire à l’évolution normale du salaire dans le domaine d’activité habituelle. Aussi faut-il écarter tout autre changement dans les conditions salariales survenu depuis l’accident ou qui aurait pu se produire si l’accident n’avait pas eu lieu, comme une promotion professionnelle ou un changement d’employeur (ATF 127 V 165 consid. 3b p. 173, 118 V 298 consid. 3b p. 303) et considérer avec retenue toute évolution du salaire dans l’entreprise qui pourrait être influencée par l’assuré ou dépendre de lui. Or la prise en compte de l’évolution des salaires nominaux dans le domaine d’activité antérieur tient compte précisément de l’évolution intervenue, tout en écartant les facteurs étrangers au but visé à l’art. 24 al. 2 OLAA. C’est pourquoi elle est le mieux à même de mettre en œuvre cette disposition réglementaire, en conformité avec le principe de l’égalité de traitement (arrêt 8C_760/2014 du 15 octobre 2015, consid. 5.3.2 et les références).

En outre, contrairement à ce que prétend l’assuré, il convient de rappeler que les bases de calcul dans le temps du gain assuré sont différentes pour l’indemnité journalière et pour la rente (art. 15 al. 2 LAA). En effet, l’indemnité journalière est calculée sur la base du salaire que l’assuré a reçu en dernier lieu avant l’accident, y compris les éléments de salaire non encore perçus et auxquels il a droit (art. 22 al. 3 OLAA). En principe, on ne tient pas compte de ce que l’assuré aurait gagné après l’accident. L’indemnité journalière ne se fonde donc pas sur un salaire hypothétique mais sur le revenu dont l’assuré victime d’un accident est effectivement privé en raison de la réalisation du risque assuré (méthode de calcul concrète ; ATF 117 V 170 consid. 5b p. 173; SVR 2006 UV n° 6 p. 20, U 357/04 du 22 septembre 2005 consid. 1.5.4; JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], 3 e éd., 2016, n° 179 p. 956). Les rentes sont calculées quant à elles sur la base du salaire que l’assuré a reçu d’un ou de plusieurs employeurs durant l’année qui a précédé l’accident, y compris les éléments de salaire non encore perçus auxquels il a droit (art. 22 al. 4, première phrase, OLAA). Sont déterminants pour fixer le gain assuré le rapport de travail et les circonstances salariales qui existaient au moment de l’événement accidentel assuré, sans tenir compte des modifications du salaire qui seraient éventuellement intervenues sans l’accident (méthode de calcul abstraite; SVR 2006 UV n° 6 p. 20 consid. 1.5.4 déjà cité; JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, op. cit., n° 182 p. 956). Le Conseil fédéral a cependant apporté certains correctifs à la règle du dernier salaire obtenu avant l’accident, tant pour l’indemnité journalière que pour les rentes. C’est ainsi que selon l’art. 23 al. 8 OLAA, le salaire déterminant en cas de rechute n’est pas le dernier salaire obtenu avant l’accident mais le salaire que l’assuré recevait juste avant la rechute. Le gain assuré déterminant pour la rente peut ainsi être nettement inférieur à celui déterminant pour l’indemnité journalière dans le cas où, comme en l’espèce, il s’agit de statuer pour la première fois sur la rente en cas de rechute survenue plus de cinq ans après l’accident (DOROTHEA RIEDI HUNOLD, in: Hürzeler/Kieser [éd.], UVG, Bundesgesetz über die Unfallversicherung, 2018, n° 33 ad art. 15 LAA).

Par ailleurs, l’assuré ne saurait pas non plus se fonder sur le principe d’équivalence (cf. à cet égard ATF 127 V 165 consid. 4a p. 173) pour voir son gain assuré déterminant ajusté au-dessus de l’évolution du salaire nominal. En effet, il a déjà été jugé que le principe d’équivalence n’est pas enfreint si la rente est calculée sur la base du gain assuré au moment de l’accident et adapté à l’évolution nominale des salaires jusqu’à l’ouverture du droit à la rente (arrêt U 286/01 du 8 mars 2002 consid. 3b/cc). De même, le principe d’équivalence n’est pas non plus remis en cause lorsque l’assuré a payé des primes sur un revenu plus élevé après l’accident dès lors qu’en cas de nouvel accident, c’est le salaire reçu durant l’année précédant ce dernier qui serait alors déterminant (art. 24 al. 4 OLAA; ATF 123 V 45 consid. 3a p. 49; arrêt U 286/01 précité consid. 3b/cc).

Vu ce qui précède, il n’y a pas lieu de revenir sur la jurisprudence selon laquelle l’adaptation du gain assuré déterminant pour la fixation de la rente née plus de cinq ans après l’accident (art. 24 al. 2 OLAA) ne doit pas se faire concrètement selon l’évolution des salaires auprès du dernier employeur mais en fonction de l’évolution des salaires nominaux dans le domaine d’activité antérieur.

Cela étant, le montant annuel du gain assuré fixé par l’assurance-accidents et confirmé par la cour cantonale ne prête pas le flanc à la critique, de sorte que le recours doit être rejeté.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_766/2018 consultable ici

 

 

8C_26/2019 (f) du 11.09.2019 – Lumbago à la suite d’un effort (soulèvement d’un sac de 15 kg) – Notion d’accident niée – 4 LPGA / Preuve de l’existence d’une cause extérieure prétendument à l’origine de l’atteinte à la santé – Premières déclarations font foi

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_26/2019 (f) du 11.09.2019

 

Consultable ici

 

Lumbago à la suite d’un effort (soulèvement d’un sac de 15 kg) – Notion d’accident niée / 4 LPGA

Preuve de l’existence d’une cause extérieure prétendument à l’origine de l’atteinte à la santé – Premières déclarations font foi

Préférence donnée aux déclarations rapportées par les médecins (anamnèse) et dans la déclaration d’accident qu’aux descriptions écrites ultérieures de l’assuré

 

Assuré, né en 1955, directeur, annonce par son employeur un accident survenu le 05.09.2016. L’assuré « s’est tourné et a ressenti une vive douleur dans le dos » alors qu’il soulevait un sac lourd avec ses deux mains. Lors de la consultation à la Permanence C.__ le 06.09.2016, le docteur D.__, médecin-assistant, a diagnostiqué un lumbago et a indiqué dans l’anamnèse : « la veille, en ramassant un sac de 15 kg par terre (en le levant et tournant), douleur aiguë en bas du dos à gauche ». Ce praticien a certifié une incapacité de travail entière jusqu’au 08.09.2016. Le 09.09.2016, l’assuré s’est à nouveau rendu à la Permanence C.__ et a été ausculté par la doctoresse E.__, médecin-assistante, qui a prolongé son incapacité de travail jusqu’au 12.09.2016.

L’assuré a décrit l’événement du 05.09.2016 comme suit : « alors que je transportais un sac de terreau d’une quinzaine de kilos de ma voiture à mon balcon, au moment de franchir la porte du balcon, un courant d’air a fait se rabattre la porte sur moi au moment où je franchissais le seuil. Cela m’a fait trébucher et échapper le sac de terreau et en voulant le rattraper je suis tombé et j’ai senti une vive douleur dans le bas du dos côté gauche ». Par la suite, le docteur F.__, spécialiste en médecine interne et médecin traitant, a fait état de douleurs lombaires après une chute. Le 08.11.2016, l’assuré a répondu à une première prise de position de l’assurance-accidents. Il a notamment réitéré ses explications sur le déroulement de l’événement du 05.09.2016.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé d’allouer ses prestations. Elle a considéré que les explications fournies par l’assuré n’étaient pas vraisemblables. Partant, elle s’est référée aux premières déclarations de l’assuré et a considéré que l’événement du 05.09.2016 ne pouvait pas être qualifié d’accident, la condition du caractère extraordinaire faisant manifestement défaut. Au surplus, l’assurance-accidents a précisé que le lumbago ne faisait pas partie de la liste des lésions assimilées à un accident.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 34/17 – 143/2018 – consultable ici)

Dans un premier temps, la cour cantonale a considéré comme invraisemblable la chute décrite par l’assuré. Celle-ci ne correspondait pas à ses premières déclarations déduites des rapports médicaux des docteurs D.__ et E.__ et de la déclaration d’accident établie par son employeur. Or il était peu vraisemblable que l’assuré eût oublié de mentionner un tel fait caractéristique au moins lors de la première des deux consultations médicales. Le docteur D.__ avait en outre relevé l’absence de traumatisme, ce qui n’était guère compatible avec une chute. Seul le docteur F.__ en avait fait mention, mais a posteriori, en se fondant sur les dires de l’assuré. La juridiction cantonale est arrivée à la conclusion que le reste de la description de l’événement faite par l’assuré ne pouvait pas non plus bénéficier de la présomption de vraisemblance qu’ont usuellement les premières déclarations de l’assuré, d’autant moins que l’assuré avait déclaré avoir donné des détails précis de ce qui lui était arrivé « après avoir saisi les subtilités visant à […] dédouaner [l’assureur] de toutes prises en charge » (courrier du 08.11.2016). Dans un deuxième temps, en se référant à la première version de l’assuré, à savoir une atteinte consécutive à une rotation en portant un sac, la cour cantonale a nié l’existence d’un facteur extérieur extraordinaire. D’après les juges cantonaux, le port d’un poids d’une quinzaine de kilos et la rotation avec un tel poids ne nécessitaient pas un effort extraordinaire pour une personne adulte normalement constituée. Il n’y avait pas non plus de mouvement non coordonné.

Par jugement du 12.11.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assurance-accidents est en principe tenue d’allouer ses prestations en cas d’accident professionnel ou non professionnel (art. 6 al. 1 LAA). Est réputé accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). La notion d’accident se décompose ainsi en cinq éléments ou conditions, qui doivent être cumulativement réalisés : une atteinte dommageable, le caractère soudain de l’atteinte, le caractère involontaire de l’atteinte, le facteur extérieur de l’atteinte et, enfin, le caractère extraordinaire du facteur extérieur. Il suffit que l’un d’entre eux fasse défaut pour que l’événement ne puisse pas être qualifié d’accident (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221 ; 129 V 402 consid. 2.1 p. 404 et les références).

Suivant la définition même de l’accident, le caractère extraordinaire de l’atteinte ne concerne pas les effets du facteur extérieur, mais seulement ce facteur lui-même. Dès lors, il importe peu que le facteur extérieur ait entraîné des conséquences graves ou inattendues. Le facteur extérieur est considéré comme extraordinaire lorsqu’il excède le cadre des événements et des situations que l’on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d’habituels, autrement dit des incidents et péripéties de la vie courante (ATF 142 V 219 consid. 4.3.1 p. 221 et les références). Pour des lésions dues à l’effort (soulèvement, déplacement de charges notamment), il faut examiner de cas en cas si l’effort doit être considéré comme extraordinaire, en tenant compte de la constitution physique et des habitudes professionnelles ou autres de l’intéressé (arrêt 8C_292/2014 du 18 août 2014 consid. 5.1 et la référence).

L’existence d’un facteur extérieur est en principe admise en cas de « mouvement non coordonné », à savoir lorsque le déroulement habituel et normal d’un mouvement corporel est interrompu par un empêchement non programmé, lié à l’environnement extérieur, tel le fait de glisser, de trébucher, de se heurter à un objet ou d’éviter une chute; le facteur extérieur – modification entre le corps et l’environnement extérieur – constitue alors en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1 p. 118).

Au sujet de la preuve de l’existence d’une cause extérieure prétendument à l’origine de l’atteinte à la santé, on rappellera que les explications d’un assuré sur le déroulement d’un fait allégué sont au bénéfice d’une présomption de vraisemblance. Il peut néanmoins arriver que les déclarations successives de l’intéressé soient contradictoires entre elles. En pareilles circonstances, selon la jurisprudence, il convient de retenir la première explication, qui correspond généralement à celle que l’assuré a faite alors qu’il n’était pas encore conscient des conséquences juridiques qu’elle aurait, les nouvelles explications pouvant être – consciemment ou non – le produit de réflexions ultérieures (ATF 121 V 45 consid. 2a p. 47 et les références ; RAMA 2004 n° U 515 p. 420 consid. 1.2; VSI 2000 p. 201 consid. 2d).

 

En l’espèce, les médecins de la Permanence C.__ et l’employeur de l’assuré se sont inévitablement fondés sur les déclarations de ce dernier pour décrire l’événement en cause. Or, aussi concise que soit leur description, ils n’auraient pas omis de faire état d’une chute si l’assuré en avait fait mention. A cet égard, on peine à suivre l’assuré lorsqu’il soutient qu’un patient ne s’attacherait pas à renseigner son médecin sur l’événement à l’origine de ses douleurs alors qu’il a lui-même décrit ce qui avait provoqué les siennes, sans toutefois indiquer qu’il était tombé. La mention d’une chute n’est apparue pour la première fois que près d’un mois après l’événement, dans une version des faits différente de celle donnée immédiatement après la survenance de celui-ci. La cour cantonale pouvait dès lors considérer comme invraisemblable la chute alléguée dans l’écrit de l’assuré et remettre en cause la plausibilité du reste de la description de l’événement figurant dans ce même document. Elle n’a au demeurant pas omis de tenir compte du rapport médical du docteur F.__, mais a constaté que ce dernier avait fait état d’une chute a posteriori en se fondant sur les seules déclarations de l’assuré. Dans ces conditions, l’autorité cantonale était fondée à se référer aux premières déclarations de l’assuré pour déterminer si l’événement du 05.09.2016 était constitutif d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_26/2019 consultable ici

 

 

Heures de travail en 2019 / Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique 1990-2019

Heures de travail en 2019 / Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique 1990-2019

 

Communiqué de presse de l’OFS du 12.05.2020 consultable ici

Fichier Excel de l’OFS « Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique 1990-2019 » disponible ici

 

NB : nous rappelons que la durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique est une donnée nécessaire pour le calcul des revenus tirés de l’ESS.

 

En 2019, 7,929 milliards d’heures de travail ont été dénombrées dans le cadre professionnel. Entre 2014 et 2019, la durée hebdomadaire effective de travail des salariés à plein temps s’est réduite en moyenne de 15 minutes pour s’établir à 41 heures et 2 minutes. Dans le même temps, le nombre annuel de semaines de vacances a poursuivi sa progression régulière pour s’élever à 5,2 semaines, selon les derniers résultats de l’Office fédéral de la statistique (OFS).

Les résultats du présent communiqué de presse portent sur les heures de travail en 2019. Les effets de la pandémie de coronavirus (COVID-19) sur les résultats au 1er semestre 2020 seront analysés dès que les données seront disponibles. Un communiqué de presse de l’OFS est prévu en septembre 2020.

Selon la statistique du volume du travail (SVOLTA), le nombre d’heures travaillées par l’ensemble des actifs occupés en Suisse a augmenté de 0,5% en 2019 par rapport à l’année précédente. L’augmentation est due à la hausse du nombre d’emplois (+1,0%), compensée en partie par une baisse de la durée annuelle effective de travail par emploi (–0,5%). Tout comme la durée annuelle, la durée hebdomadaire effective de travail par emploi a baissé de 0,5%. Cette baisse est effective, car il n’y a pas eu d’effet spécifique à des jours fériés entre 2018 et 2019 ; les deux années ayant vu le même nombre de jours fériés coïncider avec des jours ouvrables.

 

Recul de la durée effective de travail des salariés

Entre 2014 et 2019, la durée hebdomadaire effective de travail des salariés à plein temps (sans les salariés propriétaires de leur entreprise) s’est contractée de 15 minutes à 41 heures et 2 minutes en 2019. Ceci s’explique par une diminution de la durée hebdomadaire contractuelle de travail (–1 minute à 41 heures et 52 minutes), une baisse de la durée hebdomadaire d’heures supplémentaires (–8 minutes à 50 minutes) et une augmentation de la durée hebdomadaire d’absences (+6 minutes à 1 heure et 41 minutes).

Le nombre de semaines de vacances a poursuivi sa progression régulière, passant de 5,1 à 5,2 semaines par année entre 2014 et 2019, soit un gain de 0,3 jour. Les salariés âgés de 20 à 49 ans disposent de 4,9 semaines de vacances, contre 5,4 semaines pour les 15-19 ans et 5,6 semaines pour les 50-64 ans.

 

Secteur primaire : plus de 45 heures hebdomadaires

Ce sont les salariés à plein temps du secteur primaire qui ont accompli la charge de travail la plus élevée par semaine (durée effective de 47 heures et 28 minutes en 2019). Suivent, dans l’ordre, les branches «Activités financières et d’assurances» (41 heures et 55 minutes), «Activités spécialisées, scientifiques et techniques» (41 heures et 46 minutes), et «Autres activités de services» (41 heures et 32 minutes).

 

Des comparaisons internationales très variées

À des fins de comparaisons internationales, la méthode de calcul de la durée de travail doit être légèrement adaptée (cf. annexe méthodologique). Ainsi calculée, la durée hebdomadaire effective de travail des salariés à plein temps s’élève en Suisse à 42 heures et 24 minutes, ce qui la positionne en tête des pays de l’UE28/AELE devant l’Islande (42 heures et 6 minutes). Le Danemark, la France et la Norvège enregistrent la durée la moins élevée (37 heures et 30 minutes). La durée au sein de l’UE28 s’élevait en moyenne à 39 heures et 12 minutes.

En considérant l’ensemble des actifs occupés, la Suisse (35 heures et 36 minutes) se situe toutefois parmi les pays dont les durées hebdomadaires effectives de travail sont les moins élevées en 2019. Cela s’explique par la forte proportion de personnes occupées à temps partiel. La durée la plus haute et la plus basse ont été enregistrées respectivement en Grèce (40 heures et 18 minutes) et aux Pays-Bas (31 heures et 36 minutes), la moyenne de l’UE28 s’établissant à 36 heures et 18 minutes.

Enfin, en rapportant le volume total d’heures hebdomadaires travaillées à l’ensemble de la population de 15 ans et plus, l’Islande (30 heures et 12 minutes) et la Suisse (23 heures et 12 minutes) se situent à nouveau en tête des pays de l’UE28/AELE. La position de la Suisse s’explique par la part élevée de personnes participant au marché du travail. Les durées les moins élevées ont été relevées en Italie (16 heures et 24 minutes) et en Grèce (17 heures et 18 minutes). La moyenne de l’UE28 s’établit à 19 heures et 48 minutes.

 

 

Communiqué de presse de l’OFS du 12.05.2020 consultable ici

Fichier Excel de l’OFS « Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique 1990-2019 » disponible ici

 

 

8C_164/2019 (f) du 06.03.2020 – Rente d’invalidité – Capacité de travail exigible pour les seules suites de l’accident – 16 LPGA / Troubles dégénératifs préexistants au niveau de la colonne lombaire / Atteinte à la santé partiellement imputable à l’accident / 36 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_164/2019 (f) du 06.03.2020

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité – Capacité de travail exigible pour les seules suites de l’accident / 16 LPGA

Troubles dégénératifs préexistants au niveau de la colonne lombaire

Atteinte à la santé partiellement imputable à l’accident / 36 LAA

 

Assuré, né en 1962, chef d’équipe (maçon), s’est blessé à la cheville droite le 08.05.2012 (multiples fractures ouvertes du pilon tibial).

L’assuré s’est soumis à des interventions chirurgicales à son membre inférieur droit les 08.05.2012, 21.05.2012, 11.03.2013 et 17.09.2015. Il a également séjourné à la Clinique romande de réadaptation (CRR) du 25.06.2014 au 22.07.2014 et du 02.11.2016 au 30.11.2016. En se fondant sur l’avis de son médecin-conseil, l’assurance-accidents a mis fin à la prise en charge du cas avec effet au 30.11.2017. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a octroyé à l’assuré une rente d’invalidité de 23% avec effet au 01.12.2017 ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 20%.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 65/18 – 12/2019 – consultable ici)

Par jugement du 31.01.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Aux termes de l’art. 36 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident (al. 1) ; les rentes d’invalidité, les indemnités pour atteinte à l’intégrité ainsi que les rentes de survivants sont réduites de manière équitable lorsque l’atteinte à la santé ou le décès ne sont que partiellement imputables à l’accident (al. 2, 1ère phrase) ; toutefois, en réduisant les rentes, on ne tiendra pas compte des états antérieurs qui ne portaient pas atteinte à la capacité de gain (al. 2, 2ème phrase).

L’art. 36 al. 2 LAA repose sur l’idée qu’une atteinte à la santé peut ne pas avoir été causée uniquement par un accident mais conjointement à d’autres facteurs étrangers à celui-ci. Partant du principe que l’assurance-accidents n’intervient que pour les conséquences des accidents, l’art. 36 al. 2, 1ère phrase, LAA prévoit une réduction possible des rentes d’invalidité en cas de lésions causées par des facteurs extérieurs à l’accident. L’art. 36 al. 2, 2ème phrase, LAA a pour but de faciliter la liquidation d’un dommage dû à un accident lorsqu’il existe un état préexistant – somatique ou psychique – étranger à l’accident et d’éviter que l’assuré ne doive, pour le même accident, se retourner contre plusieurs assureurs différents (ATF 121 V 326 consid. 3c p. 333 et les références). L’art. 36 al. 2 LAA trouve application lorsque l’accident et l’événement non assuré ont causé conjointement une atteinte à la santé et si les troubles résultant des facteurs assurés et non assurés coïncident (ATF 126 V 116 consid. 3a p. 116; 121 V 326 consid. 3c p. 333 et les références). L’art. 36 LAA n’est pas applicable, en revanche, lorsque les deux facteurs ont causé des lésions sans corrélation entre elles, par exemple des atteintes portées à des parties différentes du corps ; dans ce cas, les suites de l’accident doivent être considérées pour elles-mêmes (ATF 126 V 116 consid. 3a p. 116; 121 V 326 consid. 3c p. 333; arrêt 8C_696/2014 du 23 novembre 2015 consid. 2.3).

Selon la jurisprudence, lorsque des troubles dégénératifs préexistants au niveau de la colonne lombaire, qui étaient asymptomatiques, sont décompensés à cause d’un accident, l’aggravation doit être considérée comme terminée en règle générale après six à neuf mois, mais au plus tard après une année (arrêts 8C_755/2018 du 11 février 2019 consid. 4.4.2; 8C_326/2008 du 24 juin 2008 consid. 3.3 et les références).

 

En l’espèce, l’assuré n’établit nullement que l’accident du 08.05.2012 a influencé d’une quelconque manière ses lombalgies chroniques préexistantes. Il ne prétend en particulier pas qu’une lésion structurelle due à l’accident aurait été confirmée par des examens radiologiques. Au contraire, les médecins traitants se sont limités à relever qu’au niveau lombaire, l’assuré était actuellement plutôt asymptomatique en raison de la faible intensité de ses activités. Dans la mesure où les troubles résultant de facteurs assurés (multiples fractures ouvertes du pilon tibial) et non assurés (lombalgie chronique sur status après diagnostic d’une hernie discale L4-L5 et discopathie L3-S1, premier diagnostic en 2005) ne coïncident pas, l’art. 36 al. 2 LAA ne trouve pas application. L’auteur que cite l’assuré à l’appui de son argumentation le rappelle du reste expressément (HARDY LANDOLT, in: Hürzeler/Kieser [éd.], Kommentar zum schweizerischen Sozialversicherungsrecht, UVG, 2018, n° 17 ad art. 36 LAA). Les premiers juges pouvaient par conséquent, à la suite d’une appréciation anticipée des preuves (ATF 141 I 60 consid. 3.3 p. 64; 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 298), renoncer à mettre en œuvre l’expertise médicale requise par l’assuré.

Ensuite des considérations qui précèdent, il n’y a pas lieu de s’écarter de l’appréciation des juges cantonaux selon laquelle les seules séquelles (physiques) laissées par l’accident survenu le 08.05.2012 n’étaient pas de nature à fonder une incapacité de travail dans le cadre d’une activité adaptée à compter du 30.11.2017.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_164/2019 consultable ici

 

 

8C_462/2014 (d) du 18.11.2014 – Rente d’invalidité – Comparaison des revenus – 18 LAA – 16 LPGA / Revenu sans invalidité calculé sur la base de la CCT (Convention nationale du secteur principal de la construction en Suisse)

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_462/2014 (d) du 18.11.2014

NB : traduction personnelle ; seul le texte de l’arrêt fait foi.

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité – Comparaison des revenus / 18 LAA – 16 LPGA

Revenu sans invalidité calculé sur la base de la CCT (Convention nationale du secteur principal de la construction en Suisse)

 

Assuré, né en 1979, ouvrier dans le coffrage, s’est blessé à l’annulaire de la main gauche le 22.05.2008. Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a octroyé une IPAI de 5% et a refusé le droit à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 24.03.2014, admission partielle du recours par le tribunal cantonal. La cause est renvoyée à l’assurance-accidents pour instruction complémentaire pour l’IPAI. Le refus de rente d’invalidité a, en revanche, été confirmé.

 

TF

Si l’assuré est invalide à 10% au moins par suite d’un accident, il a droit à une rente d’invalidité, au sens de l’art. 18 al. 1 LAA. Pour évaluer le taux d’invalidité conformément à l’art. 16 LPGA, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide (appelé revenu sans invalidité) est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (appelé revenu d’invalide).

Pour déterminer le revenu sans invalidité, il faut établir ce que l’assuré aurait, au degré de la vraisemblance prépondérante, réellement pu obtenir au moment déterminant s’il n’était pas devenu invalide.

En règle générale, le revenu sans invalidité s’évalue d’après le dernier salaire que l’assuré a obtenu avant l’atteinte à la santé, en tenant compte de l’évolution des salaires, car il correspond au principe selon lequel l’activité précédente aurait été poursuivie sans l’atteinte à la santé (ATF 129 V 224 consid. 4.3.1 et les références). Des exceptions existent, par exemple, si la personne assurée perd son emploi à la suite de la fermeture d’une entreprise pour cause de faillite (arrêt 9C_501/2013 du 28 novembre 2013 consid. 4.2 et les références).

Une procédure de faillite ayant été ouverte contre l’ancien employeur de l’assuré, le tribunal cantonale et l’assurance-accidents ont calculé le revenu sans invalidité de l’assuré à CHF 59’172 sur la base de la Convention nationale du secteur principal de la construction en Suisse. En principe, il est permis de calculer le revenu de valide sur la base d’une convention collective de travail (voir les arrêts 8C_71/2014 du 12 juin 2014 consid. 4.1 et 8C_90/2010 du 23 juillet 2010 consid. 6.2.1.2). Comme l’a correctement considéré la juridiction cantonale, avec un compte rendu détaillé de la biographie professionnelle de l’assuré, on ne peut pas supposer qu’il aurait obtenu sans l’accident un revenu sensiblement plus élevé en 2011. L’employeur précédant ayant fait faillite, la question de savoir si, contrairement à ce qu’elle a déclaré dans la déclaration d’accident, un 13e salaire a été versé avant l’accident peut finalement rester ouverte.

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. Si l’activité exercée après la survenance de l’atteinte à la santé repose sur des rapports de travail particulièrement stables, qu’elle met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et encore que le gain obtenu correspond au travail effectivement fourni et ne contient pas d’éléments de salaire social, c’est le revenu effectivement réalisé qui doit être pris en compte pour fixer le revenu d’invalide. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible –, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) ou sur les données salariales résultant des DPT (ATF 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475 et les références). Ces principes ont été confirmés par le Tribunal fédéral (voir ATF 139 V 592).

Le revenu sans invalidité de CHF 59’172 a été comparé à un revenu d’invalidité de CHF 55’155, calculé sur la base des chiffres des DPT, par les juges cantonaux et l’assurance-accidents. Dans la mesure où l’assuré s’oppose à cette approche et demande que le revenu d’invalidité soit évalué sur la base des chiffres de l’ESS, il convient de noter que l’utilisation des chiffres de l’ESS entraînerait un revenu d’invalidité plus élevé et donc un degré d’invalidité plus faible. L’évaluation du revenu d’invalidité sur la base des DPT est en faveur de l’assuré.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_462/2014 consultable ici

 

 

Enquête suisse sur la structure des salaires en 2018: premiers résultats

Enquête suisse sur la structure des salaires en 2018: premiers résultats

 

Communiqué de presse de l’OFS du 21.04.2020 consultable ici

Tableau TA1_skill_level (utilisé dans le domaine des assurances sociales) de l’ESS 2018 est disponible ici

 

Pour l’ensemble de l’économie (secteurs privé et public ensemble), le salaire médian était en 2018 de 6538 francs bruts par mois pour un poste à plein temps. Les écarts salariaux sont toujours marqués entre les branches économiques et aussi selon les régions. Entre le haut et le bas de la pyramide des salaires, les différences sont restées relativement stables entre 2008 et 2018. En Suisse, près d’un tiers des salariés touche des boni. C’est ce qu’indiquent les premiers résultats de l’enquête suisse sur la structure des salaires de l’Office fédéral de la statistique (OFS).

Le salaire médian en 2018 s’est élevé à 6538 francs bruts par mois. Les 10% des salariés les moins bien rémunérés ont tous gagné moins de 4302 francs par mois alors que les 10% les mieux payés gagnent tous plus que 11 698 francs.

En Suisse, le paysage salarial présente de fortes disparités selon les branches économiques. Les niveaux de rémunération sont clairement supérieurs au salaire médian dans les activités économiques à forte valeur ajoutée telles que les activités informatiques et services d’information (9000 francs), l’industrie pharmaceutique (9747 francs) ou encore les services financiers (9921 francs). Au bas de l’échelle des salaires, on retrouve l’industrie textile et de l’habillement (5095 francs), le commerce de détail (4875 francs), l’hébergement et la restauration (4412 francs) et les services personnels (4144 francs).

 

Les écarts salariaux restent relativement stables entre 2008 et 2018

La fourchette générale des salaires, à savoir l’écart global entre les salaires les plus élevés et ceux les plus bas, est restée relativement stable entre 2008 et 2018. Durant cette même période, les 10% des personnes les mieux payées ont vu leur rémunération augmenter de 9,1%. Les salariés appartenant à la « classe moyenne » ont connu une augmentation salariale de 7,3% alors que la hausse des salaires pour les 10% des personnes les moins bien payées s’est montée à 9,6%.

 

La valeur des boni a continué d’augmenter en 2018

En 2018, près de 1 salarié sur 3 (32,8%) a reçu des boni, c’est-à-dire un paiement irrégulier annuel qui vient s’ajouter au salaire de base. De 2008 à 2014, la valeur monétaire moyenne des boni attribués a diminué, passant de 11 698 francs en 2008 à 7939 francs en 2014. La valeur moyenne annuelle des boni a connu une première hausse en 2016 (9033 francs). En 2018, le montant des boni a continué à augmenter pour s’établir à 9913 francs. La valeur des boni varie considérablement selon les branches économiques et selon le niveau de responsabilité occupé au sein de l’entreprise. Ainsi, pour les cadres supérieurs, la valeur monétaire des boni atteint par exemple 16 138 francs en moyenne annuelle dans le commerce de détail, 21 432 francs dans la construction, 79 989 francs dans l’industrie pharmaceutique, 89 028 francs dans les services financiers. Les personnes n’occupant pas de fonction dirigeante perçoivent également des boni mais leur valeur monétaire moyenne sur une année est bien plus basse (4137 francs). Dans la grande majorité des branches économiques, les boni représentent une composante à la fois flexible et pleinement intégrée au système global de rémunération du travail salarié.

 

La part des postes à bas salaires a légèrement augmenté entre 2016 et 2018

En Suisse, le nombre de postes à bas salaires (équivalent à un niveau de rémunération inférieur à 4359 francs bruts par mois pour un temps plein) a légèrement augmenté en 2018 pour atteindre 353 000 contre 329 000 en 2016. Les branches économiques qui présentent un taux élevé de postes à bas salaires sont les suivantes : le commerce de détail (24,4%), la restauration (44,7%), l’industrie de l’habillement (56%) ou encore les services personnels (57,3%). En 2018, plus de 480 000 personnes perçoivent un bas salaire, soit 12,1% des salariés. Parmi ces salariés 64,4% sont des femmes (2016: 66,4%).

 

Les inégalités salariales entre les femmes et les hommes diminuent progressivement

Dans l’ensemble de l’économie, l’écart de salaire entre les femmes et les hommes a atteint 11,5% en 2018 contre 12,0% en 2016 et 12,5% en 2014. Dans le secteur privé, les femmes ont gagné en 2018 14,4% de moins que les hommes alors que dans le secteur public, cette différence globale est de 11,4%. Ce différentiel des niveaux de rémunération entre les sexes s’explique en partie par des profils structurels et des activités exercées différentes (notamment le niveau de responsabilité du poste occupé ou la branche économique). Ces écarts salariaux mettent en évidence l’insertion professionnelle inégale qui existe entre le personnel féminin et masculin sur le marché du travail.

Le différentiel salarial entre les sexes est d’autant plus marqué que la position dans la hiérarchie est élevée. Ainsi, les femmes occupant les postes à haute responsabilité gagnent 8872 francs bruts alors que la rémunération de leurs collègues masculins – occupant le même niveau de responsabilité – se monte à 10 893 francs, soit une différence de 18,6%. L’écart salarial en défaveur du personnel féminin est moins marqué pour les postes de travail exigeant des niveaux plus bas de responsabilité (9,4%) et de 7,6% pour les femmes sans fonction de cadre.

En 2018, la répartition des femmes et des hommes en fonction des classes salariales était la suivante: 58,3% des postes dont le niveau de salaire est inférieur à 4500 francs bruts par mois sont occupés par des femmes. A l’inverse, 82,4% des emplois dont la rémunération dépasse 16 000 francs bruts mensuels sont occupés par des hommes.

 

Main-d’œuvre étrangère: disparités salariales selon les permis de séjour

Au niveau de l’ensemble de l’économie, on constate que la rémunération des personnes salariées de nationalité suisse reste en moyenne plus élevée que celle versée à leurs collègues de nationalité étrangère, soit respectivement 6873 francs contre 5886 francs. Globalement, ce différentiel salarial en faveur des salariés suisses par rapport au personnel étranger se retrouve quelle que soit la catégorie de permis de séjour.

En revanche, pour les postes exigeant un haut niveau de responsabilité, la main-d’œuvre étrangère gagne des salaires plus élevés que ceux versés aux salariés de nationalité suisse. Ainsi, les frontaliers occupant des postes à haut niveau de responsabilité gagnent 10 750 francs, les bénéficiaires d’une autorisation de séjour 12 510 francs contre 10 138 francs pour les salariés suisses.

Cette situation s’inverse lorsque l’on considère les postes de travail n’exigeant pas de responsabilité hiérarchique. Avec 6260 francs, la rémunération des salariés de nationalité suisse n’occupant pas de fonction de cadre est supérieure aux salaires versés à la main-d’œuvre étrangère, soit 5699 francs pour les frontaliers et 5189 francs pour les salariés disposant d’une autorisation de séjour.

 

Hiérarchie régionale des salaires: Zürich toujours en tête

Le paysage des salaires en Suisse diffère significativement selon les espaces considérés. Pour les emplois les plus qualifiés, les niveaux de rémunération sont régulièrement plus élevés dans les régions de Zürich (9221 francs) et du Nord-Ouest (BS, BL, AG) avec 8874 francs. A l’autre bout de l’échelle régionale des salaires, on retrouve le Tessin, qui connaît les plus bas niveaux de rémunération, que ce soit pour les emplois les plus qualifiés (7367 francs) ou pour ceux qui exigent le moins de qualification (4222 francs). Cette hiérarchie régionale des salaires s’explique en grande partie par la concentration de branches économiques à forte valeur ajoutée dans certains espaces ainsi qu’aux spécificités structurelles des marchés régionaux du travail.

 

 

Commentaire/Remarques

Pro memoria, pour fixer le revenu d’invalide, il y a lieu de se fonder au moment de la décision sur les données les plus récentes (arrêts du Tribunal fédéral 8C_520/2016 du 14 août 2017 consid. 4.3.1 et la référence ; 9C_767/2015 du 19 avril 2016 consid. 3.4).

S’agissant de l’indexation des salaires nominaux, les chiffres pour 2019 paraîtront normalement d’ici une à deux semaines.

 

 

Communiqué de presse de l’OFS du 21.04.2020 consultable ici

Tableau TA1_skill_level (utilisé dans le domaine des assurances sociales) de l’ESS 2018 en français, italien et allemand

Les autres tableaux de l’ESS 2018 parfois utilisés dans le domaine des assurances sociales :