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9C_283/2015 (f) du 11.09.2015 – Résidence habituelle en Suisse – 13 LPGA / Rente extraordinaire de l’AI non exportable – ALCP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2015 (f) du 11.09.2015, publié 141 V 530

 

ATF 141 V 530 consultable ici : http://bit.ly/1TlPqkv

 

Résidence habituelle en Suisse – 13 LPGA

Rente extraordinaire de l’AI non exportable – ALCP

 

Assurée, ressortissante suisse, présentant à la suite une hémorragie survenue à la naissance une hémiplégie congénitale gauche, un drainage ventriculo-péritonéal ainsi qu’une épilepsie partielle, associés à un déficit intellectuel modéré et une autonomie limitée. Vivant avec ses parents en France, elle a fréquenté à compter du mois de septembre 1998 différentes écoles spécialisées situées à Genève. L’Office AI pour les assurés résidant à l’étranger a contribué aux frais de formation scolaire spéciale jusqu’au 31.12.2007. De même a-t-il pris en charge les mesures médicales liées à l’infirmité congénitale, l’octroi de moyens auxiliaires ainsi que les frais de transport entre le domicile et les écoles fréquentées par l’assurée.

L’assurée est domiciliée dans le canton de Genève depuis le 01.02.2012, à l’adresse de F.__ (qui n’est pas un des parents). Interdiction prononcée et désignation, en qualité de co-tuteurs, d’une part, ses parents, BB. __ et CB. __, pour les aspects personnel, social et médical de la mesure et, d’autre part, F.__ pour les aspects administratifs et financiers de la mesure.

L’assurée a été admise à compter du 05.11.2012 au Centre de jour du foyer G.__ en qualité d’externe (avec deux nuits de dépannage par semaine).

Décision de l’office AI : octroi, en raison d’une impotence grave, d’une allocation pour mineur dès le 01.02.2012 puis d’une allocation pour adulte à compter du 01.11.2012.

Dépôt demande MOP ou rente AI le 06.09.2013. Projet de décision du 11.03.2014 : information à l’assurée que le droit à une rente (extraordinaire) de l’AI était nié, faute pour elle de s’être constituée un domicile en Suisse. Par courrier du 01.04.2014, l’office AI a précisé que, malgré l’absence de domicile en Suisse, il n’allait pas revenir sur les décisions qu’il avait rendues en matière d’allocation pour impotent, ajoutant que le déménagement de parents résidant en France à Genève pourrait suffire à admettre que leur enfant est domicilié en Suisse et, partant, ouvrir un droit aux prestations de l’assurance-invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/201/2015 – consultable ici : http://bit.ly/1TlNEzG)

Par jugement du 16.03.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Résidence habituelle en Suisse

En vertu de l’art. 13 LPGA, le domicile correspond au domicile civil selon les art. 23 à 26 CC (al. 1), tandis que la résidence habituelle correspond au lieu où la personne concernée séjourne un certain temps même si la durée de ce séjour est d’emblée limitée (al. 2; sur le caractère autonome de ces deux notions, voir Ueli Kieser, ATSG-Kommentar, 2e éd. 2009, n° 13 ss ad art. 13 LPGA; voir également le Rapport du 27 septembre 1990 de la Commission du Conseil des Etats sur l’initiative parlementaire « Partie générale du droit des assurances sociales » [FF 1991 II 181, 245 ch. 41] et le Rapport du 26 mars 1999 de la Commission du Conseil national de la sécurité sociale et de la santé sur l’initiative parlementaire « Droit des assurances sociales » [FF 1999 4168, 4198 ch. 52]).

Au sens des art. 13 al. 1 LPGA et 23 al. 1, 1ère phrase, CC, le domicile civil de toute personne est au lieu où elle réside avec l’intention de s’y établir. La notion de domicile contient deux éléments: d’une part, la résidence, soit un séjour d’une certaine durée dans un endroit donné et la création en ce lieu de rapports assez étroits et, d’autre part, l’intention de se fixer pour une certaine durée au lieu de sa résidence qui doit être reconnaissable pour les tiers et donc ressortir de circonstances extérieures et objectives. Cette intention implique la volonté manifestée de faire d’un lieu le centre de ses relations personnelles et professionnelles. L’intention de se constituer un domicile volontaire suppose que l’intéressé soit capable de discernement au sens de l’art. 16 CC. Cette exigence ne doit pas être appréciée de manière trop sévère (ATF 127 V 237 consid. 2c p. 240) et peut être remplie par des personnes présentant une maladie mentale, dans la mesure où leur état leur permet de se former une volonté (arrêt du Tribunal fédéral des assurances I 282/91 du 21 octobre 1992 consid. 2a). Le domicile d’une personne se trouve ainsi au lieu avec lequel elle a les relations les plus étroites, compte tenu de l’ensemble des circonstances. Le lieu où les papiers d’identité ont été déposés ou celui figurant dans des documents administratifs, comme des attestations de la police des étrangers, des autorités fiscales ou des assurances sociales constituent des indices qui ne sauraient toutefois l’emporter sur le lieu où se focalise un maximum d’éléments concernant la vie personnelle, sociale et professionnelle de l’intéressé (ATF 136 II 405 consid. 4.3 p. 409 et les références).

Aux termes de l’art. 23 al. 1, 2ème phrase, CC, le séjour dans une institution de formation ou le placement dans un établissement d’éducation, un home, un hôpital ou une maison de détention ne constitue en soi pas le domicile. Lors du placement dans un établissement par des tiers, on devra donc exclure régulièrement la création d’un domicile à cet endroit, l’installation dans l’établissement relevant de la volonté de tiers et non de celle de l’intéressé. Il en va en revanche autrement lorsqu’une personne majeure et capable de discernement décide de son plein gré, c’est-à-dire librement et volontairement, d’entrer dans un établissement pour une durée illimitée et choisit par ailleurs librement l’établissement ainsi que le lieu de séjour. Dans la mesure où, lors de l’entrée dans un établissement qui survient dans ces circonstances, le centre de l’existence est déplacé en ce lieu, un nouveau domicile y est constitué. L’entrée dans un établissement doit aussi être considérée comme le résultat d’une décision volontaire et libre lorsqu’elle est dictée par « la force des choses » (Zwang der Umstände), tel le fait de dépendre d’une assistance ou d’avoir des difficultés financières (ATF 134 V 236 consid. 2.1 p. 239 et la référence).

Par résidence habituelle au sens de l’art. 13 al. 2 LPGA, il convient de comprendre la résidence effective en Suisse (« der tatsächliche Aufenthalt ») et la volonté de conserver cette résidence; le centre de toutes les relations de l’intéressé doit en outre se situer en Suisse (ATF 119 V 111 consid. 7b p. 117 et la référence). La notion de résidence doit être comprise dans un sens objectif, de sorte que la condition de la résidence effective en Suisse n’est en principe plus remplie à la suite d’un départ à l’étranger. En cas de séjour temporaire à l’étranger sans volonté de quitter définitivement la Suisse, le principe de la résidence tolère deux exceptions. La première concerne les séjours de courte durée à l’étranger, lorsque ils ne dépassent pas le cadre de ce qui est généralement admis et qu’ils reposent sur des raisons valables (visite, vacances, affaires, cure, formation); leur durée ne saurait dépasser une année, étant précisé qu’une telle durée ne peut se justifier que dans des circonstances très particulières. La seconde concerne les séjours de longue durée à l’étranger, lorsque le séjour, prévu initialement pour une courte durée, doit être prolongé au-delà d’une année en raison de circonstances imprévues telles que la maladie ou un accident, ou lorsque des motifs contraignants (tâches d’assistance, formation, traitement d’une maladie) imposent d’emblée un séjour d’une durée prévisible supérieure à une année (ATF 111 V 180 consid. 4 p. 182; voir également arrêt 9C_729/2014 du 16 avril 2015 consid. 3).

In casu, il n’y a pas lieu de considérer que l’assurée a son domicile civil et sa résidence habituelle en Suisse. Les démarches entreprises par les parents de l’assurée afin de lui constituer un nouveau domicile civil en Suisse n’y changent rien. Le dépôt des papiers le 01.02.2012 auprès de l’Office cantonal de la population ne constitue toutefois qu’un indice (cf. ATF 125 III 100 consid. 3 p. 102), insuffisant en l’espèce à établir la volonté de l’assurée de faire de la Suisse le centre de ses relations personnelles. Le lieu de résidence effective de ses parents, lieu où l’assurée dormait, passait son temps libre et laissait ses effets personnels (arrêt K 34/04 du 2 août 2005 consid. 3, in SVR 2006 KV n° 12 p. 38; voir également Christian Brückner, Das Personenrecht des ZGB, 2000, n. 319 ss p. 92), demeurait l’endroit avec lequel ses liens personnels étaient les plus intenses. Il importe à cet égard peu que l’assurée passait la majeure partie de son temps éveillé au Centre de jour du foyer. C’est également pour les mêmes raisons qu’il faut considérer que la résidence habituelle de l’assurée se situait en France.

La jurisprudence a précisé que la mise sous tutelle ne crée pas un domicile au siège de l’autorité tutélaire, s’il n’en existait pas déjà un avant la mesure tutélaire (ATF 135 V 249 consid. 4.4 p. 253). Ce principe continue à s’appliquer après l’entrée en vigueur, au 01.01.2013, des nouvelles dispositions sur la protection de l’adulte, singulièrement lorsqu’est instituée une curatelle de portée générale.

 

Dispositions de l’ALCP et des règlements communautaires

Sous le titre « Levée des clauses de résidence », l’art. 7 du règlement n° 883/2004 prévoit que les prestations en espèces dues en vertu de la législation d’un ou de plusieurs Etats membres ou du présent règlement ne peuvent faire l’objet, à moins que le présent règlement n’en dispose autrement, d’aucune réduction, modification, suspension, suppression ou confiscation du fait que le bénéficiaire ou les membres de sa famille résident dans un Etat membre autre que celui où se trouve l’institution débitrice.

Selon l’art. 70 par. 1 et 3 du règlement n° 883/2004, l’art. 7 du règlement n° 883/2004 et les autres chapitres du Titre III du règlement n° 883/2004 ne s’appliquent pas aux « prestations spéciales en espèces à caractère non contributif » relevant d’une législation qui, de par son champ d’application personnel, ses objectifs et/ou ses conditions d’éligibilité, possède les caractéristiques à la fois de la législation en matière de sécurité sociale (art. 3 par. 1 du règlement n° 883/2004) et d’une assistance sociale. En vertu de l’art. 70 par. 4 du règlement n° 883/2004, ces prestations sont octroyées exclusivement dans l’Etat membre dans lequel la personne intéressée réside et conformément à sa législation; ces prestations sont servies par l’institution du lieu de résidence et à sa charge.

A teneur de la let. d de l’inscription de la Suisse à l’Annexe X du règlement n° 883/2004, constituent des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif les rentes extraordinaires non contributives en faveur d’invalides qui n’ont pas été soumis, avant leur incapacité de travail, à la législation suisse sur la base d’une activité salariée ou non salariée (au sens de l’art. 39 LAI).

La mention des rentes extraordinaires de l’assurance-invalidité au titre de prestations spéciales en espèces à caractère non contributif est nouvelle, puisqu’elle ne figurait pas dans l’annexe correspondante du règlement n° 1408/71 (Annexe IIbis). Dans le cadre de la mise à jour de l’Annexe II ALCP, la Confédération suisse a expressément demandé que les rentes extraordinaires de l’assurance-invalidité soient incluses dans la liste des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif (Proposition de la Commission européenne, du 28 juin 2010, de décision du Conseil relative à la position à adopter au nom de l’Union européenne au sein du comité mixte institué par l’accord du 21 juin 1999 entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes en ce qui concerne le remplacement de l’annexe II sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, p. 5 ss, document consultable à l’adresse: http://www.eur-lex.europa.eu [n° CELEX 52010PC0333]).

Afin de justifier sa position auprès des institutions européennes, la Confédération suisse a d’abord rappelé que pour pouvoir bénéficier d’une rente ordinaire de l’assurance-invalidité suisse, les personnes assurées devaient avoir versé des contributions pendant au moins trois ans au moment de la survenance de l’incapacité de travail. Les personnes handicapées depuis la naissance ou l’enfance ne pouvaient remplir cette condition, étant donné qu’elles étaient incapables de travailler avant d’atteindre l’âge à partir duquel les contributions étaient perçues. C’est pourquoi ces personnes avaient droit à une rente spéciale correspondant au montant de la rente d’invalidité ordinaire minimale. Cette rente était octroyée aux personnes de plus de 18 ans tant qu’elles vivaient en Suisse (proposition du 28 juin 2010 précitée, p. 8 et 9).

Selon les explications données par la Confédération suisse, il se justifiait d’inclure la rente extraordinaire de l’assurance-invalidité dans la liste des prestations spéciales en espèces à caractère non contributif, parce qu’elle remplissait tous les critères requis pour être considérée comme une prestation spéciale à caractère non contributif au sens de l’art. 4 par. 2bis du règlement n° 1408/71 et de la jurisprudence de la CJCE y relative. Il s’agissait tout d’abord d’une prestation hybride (à caractère mixte) : d’une part, elle présentait des caractéristiques propres à la sécurité sociale en ce sens que les intéressés avaient un droit clairement défini à cette prestation et qu’elle couvrait le risque d’invalidité; d’autre part, elle s’apparentait à l’assistance sociale, en ce qu’elle ne reposait pas sur des périodes d’activité ou de cotisation et qu’elle visait à atténuer un état de besoin en assurant un revenu minimal vital à un groupe socialement défavorisé (jeunes handicapés). La rente extraordinaire était ensuite une prestation spéciale, puisqu’elle constituait une allocation de remplacement destinée aux personnes qui ne remplissaient pas les conditions d’assurance pour obtenir une rente d’invalidité ordinaire; elle était étroitement liée au contexte socio-économique en Suisse, puisqu’elle correspondait à la pension minimale dans cet Etat. Enfin, la rente extraordinaire avait un caractère non contributif, parce qu’elle n’était pas financée par des contributions, mais exclusivement par la Confédération (proposition du 28 juin 2010 précitée, p. 8).

La proposition de modification de l’Annexe II ALCP a été entérinée par le Conseil de l’Union européenne le 6 décembre 2010 (JO L 209/1 du 17 août 2011). La modification a formellement été adoptée par la décision n° 1/2012 du 31.03.2012 du Comité mixte (institué par l’accord entre la Communauté européenne et ses Etats membres, d’une part, et la Confédération suisse, d’autre part, sur la libre circulation des personnes) remplaçant l’annexe II dudit accord sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RO 2012 2345 et JO L 103/51 du 13.04.2012).

In casu, il n’existe aucun motif de s’écarter des considérations émises par la Suisse au cours des travaux préparatoires qui ont conduit à l’adoption de la décision n° 1/2012 du Comité mixte du 31.03.2012 quant à la qualification de prestation spéciale en espèces à caractère non contributif de la rente extraordinaire d’invalidité non contributive en faveur d’invalides qui n’ont pas été soumis, avant leur incapacité de travail, à la législation suisse sur la base d’une activité salariée.

La rente extraordinaire de l’assurance-invalidité remplit tous les critères pour qu’elle puisse être considérée comme une prestation spéciale à caractère non contributif au sens de l’art. 70 par. 2 let. a point i du règlement n° 883/2004. Dans la mesure où elle n’est allouée que lorsque le droit à une rente ordinaire de l’assurance-invalidité n’est pas ouvert faute pour la condition de la durée minimale de cotisation d’être remplie (Meyer/Reichmuth, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 3e éd. 2014, n° 1 ad art. 39 LAI), elle couvre, à titre de remplacement, le risque de l’invalidité (art. 3 par. 1 let. c du règlement n° 883/2004; sur la notion de remplacement, voir aussi Maximilian Fuchs, in Europäisches Sozialrecht, 6e éd. 2013, n° 11 ad art. 70 du règlement n° 883/2004), en permettant d’assurer, pour des considérations de nature économique et sociale, un revenu minimum aux personnes invalides de naissance ou depuis l’enfance qui n’ont jamais eu l’occasion de verser des cotisations jusqu’à l’ouverture du droit à la rente.

Le TF arrive à la conclusion que la rente extraordinaire de l’assurance-invalidité ne fait pas partie des prestations soumises au principe de la levée des clauses de résidence définie à l’art. 7 du règlement n° 883/2004.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

ATF 141 V 530 consultable ici : http://bit.ly/1TlPqkv

Arrêt 9C_283/2015 consultable ici : http://bit.ly/1StP769

 

 

8C_499/2014 (f) du 12.08.2015 – Rente d’invalidité LAA / Accidents successifs – Mesures de reclassement AI interrompu pour des accidents – fixation du revenu d’invalide – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_499/2014 (f) du 12.08.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1QFzvri

 

Rente d’invalidité LAA

Accidents successifs – Mesures de reclassement AI interrompu pour des accidents – fixation du revenu d’invalide / 16 LPGA

Revenu d’invalide selon ESS – niveau de qualification 3

 

Assuré, né en 1967, titulaire d’un certificat d’aptitude professionnelle (CAP) et d’un brevet d’études professionnelles (BEP) en électromécanique, obtenus en France. Il travaille en suisse en qualité de monteur en piscines. L’assuré a été victime de trois accidents : déchirure du ligament luno-pyramidal lors de la pratique de jiu-jitsu (16.03.1999) ; entorse de la cheville gauche (stade I à II) à la suite d’une chute (29.05.2005) ; rupture complète du LCA en retenant sa moto (31.07.2006). Axa a pris en charge les suites de ces accidents et a confié une expertise au Dr C.__, spécialiste en chirurgie orthopédique.

Mise en œuvre par l’office AI d’une mesure de reclassement professionnel d’une durée de deux ans sous la forme d’une formation de technicien du bâtiment et d’un stage pratique en entreprise (1ère phase de la mesure : du 09.04.2008 au 31.03.2009). Interruption de cette mesure en raison de quatre nouveaux accidents : entorse de la cheville droite (26.06.2008) ; torsion de la cheville droite et traumatisme de l’épaule droite (26.03.2009) ; contusions cervico-claviculaires (26.07.2009) ; contusions dorsales (04.01.2010).

Décision d’Axa LAA : allocation d’une rente d’invalidité de 30% dès le 01.11.2010.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/673/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1ROJVaz)

Complément d’expertise confié au spécialiste en chirurgie orthopédique, Dr C.__.

Par jugement du 30.05.2014, admission du recours par le tribunal cantonal et octroi d’une rente d’invalidité de 40% dès le 01.11.2010.

 

TF

Selon l’art. 18 al. 1 LAA, l’assuré a droit à une rente d’invalidité s’il est invalide (art. 8 LPGA) à 10% au moins par suite d’un accident. Est réputée invalidité l’incapacité de gain totale ou partielle qui est présumée permanente ou de longue durée (art. 8 al. 1 LPGA).

Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). La comparaison des revenus s’effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l’un avec l’autre, la différence permettant de calculer le taux d’invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1 p. 30; voir également SVR 2010 IV n° 11 p. 35 [9C_236/2009] consid. 3.1).

Selon la jurisprudence, la diminution de la capacité de gain doit être déterminée de la manière la plus concrète possible. Aussi, le revenu d’invalide doit-il être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301; 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475). En l’absence d’un revenu effectivement réalisé, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base des statistiques salariales (ATF 126 V 75 consid. 3b/bb p. 76 ss).

Le point de savoir si les tables de salaires statistiques sont applicables et, le cas échéant, quelle table est déterminante est une question de droit (ATF 132 V 393 consid. 3.3 p. 399; SVR 2009 IV n° 34 p. 95 [9C_24/2009] consid. 1.2) que le Tribunal fédéral examine d’office (art. 106 al. 1 LTF). En effet, le choix du niveau de qualification professionnelle (1+2, 3 ou 4), en tant que facteur entrant dans la détermination du gain d’invalide sur la base des statistiques salariales (cf. ATF 124 V 321), se fonde sur l’expérience générale de la vie et constitue dès lors une question de droit que le Tribunal fédéral peut revoir librement (SVR 2009 IV n° 34 p. 95, déjà cité; arrêt 9C_110/2009 du 23 décembre 2009 consid. 4.2).

In casu, le reclassement professionnel en qualité de technicien en bâtiment qui aurait dû se dérouler sur une période totale d’environ deux ans a été interrompu (du 26 juin jusqu’à l’automne 2008), puis abandonné définitivement au mois de mars 2009, soit après onze mois. Toutefois, les événements à l’origine de l’interruption puis de l’abandon définitif de ce reclassement ne sont pas en relation avec les suites des accidents (survenus en 1999, 2005 et 2006) dont Axa LAA doit répondre. Il y a donc lieu d’établir le niveau de qualification professionnelle déterminant pour fixer le taux d’invalidité de l’assuré en se fondant sur la situation qui eût été la sienne si la mesure professionnelle avait été menée à terme. Il apparaît que sa formation et son expérience professionnelles lui conféraient dans le secteur administratif de la gestion d’immeubles des connaissances préalables, sur le vu desquelles on ne saurait considérer que l’intéressé, dans ce domaine, ne pourrait exercer que des tâches non qualifiées, n’impliquant pas de formation particulière (cf. arrêts 9C_444/2010 du 20 décembre 2010 consid. 2.3 et 9C_963/2008 du 27 mai 2009 consid. 3.5).

L’assureur LAA était fondée à tenir compte d’un niveau de qualification 3 (connaissances professionnelles spécialisées) pour fixer le revenu d’invalide déterminant pour la comparaison des revenus.

 

Le TF admet le recours de l’assureur-accidents.

 

 

Arrêt 8C_499/2014 consultable ici : http://bit.ly/1QFzvri

 

 

8C_562/2014 (f) du 29.09.2015 – Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA / Evaluation de la capacité de travail en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables – Exagération des symptômes

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_562/2014 (f) du 29.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1RwkYy9

 

Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA

Evaluation de la capacité de travail en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables – Exagération des symptômes

 

Assurée travaillant en qualité d’ouvrière agricole. Le 17.03.1997, se blesse l’auriculaire de la main droite avec une trancheuse à oignons (sub-amputation avec fracture comminutive de la phalange distale de l’auriculaire droit). Les suites de l’opération ont été compliquées d’intenses algies remontant le long de l’avant-bras puis, progressivement, jusqu’à l’épaule et la nuque. Un état dépressif s’est surajouté au tableau clinique. Le médecin de l’office AI a retenu un état dépressif majeur et un syndrome douloureux, et conclu à une incapacité de travail totale, principalement en raison d’un état dépressif majeur et, accessoirement, d’un syndrome douloureux. Aucune atteinte somatique, hormis l’amputation elle-même, n’a été retenue. Octroi d’une rente d’invalidité entière dès le 01.03.1998. Le droit à la rente entière a été maintenu à l’issue de plusieurs procédures de révision (communications des 05.07.2001, 10.06.2003 et 18.10.2006).

Nouvelle procédure de révision initiée en octobre 2009. Le médecin traitant de l’assurée rapporte qu’une réadaptation professionnelle dans une activité adaptée à raison de 10 à 12 heures par semaine était envisageable depuis début 2010. Expertise psychiatrique, mettant en évidence les diagnostics suivants : Majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques et sociales, processus d’invalidation très avancé (F68.0) ; Fluctuations dysthymiques (F34.1) ; Fluctuations anxieuses légères (F41.1) ; Syndrome douloureux somatoforme persistant sans comorbidité psychiatrique majeure (F45.4). Il n’a retenu aucune incapacité de travail ou diminution de rendement au plan psychiatrique et fait état de très importantes auto-limitations. Sur le plan somatique, un médecin du SMR s’est prononcé et a constaté de nombreuses discordances et n’a posé aucun diagnostic ayant une répercussion sur la capacité de travail de l’assurée; en considération néanmoins d’un déconditionnement général, il a fixé la capacité de travail à 50 %. Décision : suppression de la rente entière au 31.05.2013, considérant que l’atteinte psychiatrique invalidante qui avait motivé l’octroi de la rente initiale avait disparu.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale n’a pas pris en considération l’incapacité de travail de 50% fixée en raison du déconditionnement physique de l’assurée, celle-ci ne découlant pas d’une atteinte à la santé proprement dite. Par jugement du 16.06.2014, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Révision – 17 LPGA

Aux termes de l’art. 17 LPGA, si le taux d’invalidité du bénéficiaire de rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée. Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision selon l’art. 17 LPGA. En revanche, une simple appréciation différente d’un état de fait, qui, pour l’essentiel, est demeuré inchangé n’appelle pas à une révision au sens de l’art. 17 LPGA (ATF 112 V 371 consid. 2b p. 372; 387 consid. 1b p. 390). Le point de savoir si un tel changement s’est produit doit être tranché en comparant les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit, et les circonstances régnant à l’époque de la décision litigieuse (ATF 133 V 108 consid. 5 p. 110 ss).

En outre, lorsque les faits déterminants pour le droit à la rente se sont modifiés au point de faire apparaître un changement important de l’état de santé motivant une révision, le degré d’invalidité doit être fixé à nouveau sur la base d’un état de fait correct et complet, sans référence à des évaluations d’invalidité antérieures (ATF 141 V 9 consid. 2.3 p. 13; 117 V 198 consid. 4b p. 200; arrêts 9C_378/2014 du 21 octobre 2014 consid. 4.2; 9C_226/2013 du 4 septembre 2013).

In casu, il y a bien eu une évolution favorable de l’état psychique de l’assurée puisque les symptômes dépressifs, qui dominaient le tableau clinique initial, ne sont plus présents. Il s’agit d’une modification notable des faits déterminants par rapport à la situation au moment de l’octroi de la rente, de sorte qu’il existe bien un motif de révision de la rente d’invalidité au sens de l’art. 17 LPGA. Il s’ensuit que le degré d’invalidité de l’assurée peut être fixé à nouveau sans référence à des évaluations d’invalidité antérieures (voir consid. 3 supra).

 

Evaluation de la capacité de travail en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables

Dans un récent arrêt de principe (9C_492/2014 du 3 juin 2015 publié aux ATF 141 V 281), le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d’évaluation de la capacité de travail, respectivement de l’incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables.

Si, dans l’arrêt précité, le Tribunal fédéral a notamment abandonné la présomption du caractère surmontable d’un syndrome douloureux somatoforme, il a en revanche maintenu, voire renforcé la portée des motifs d’exclusion définis dans l’ATF 131 V 49, aux termes desquels il y a lieu de conclure à l’absence d’une atteinte à la santé ouvrant le droit aux prestations d’assurance, si les limitations liées à l’exercice d’une activité résultent d’une exagération des symptômes ou d’une constellation semblable, et ce même si les caractéristiques d’un trouble somatoforme douloureux au sens de la classification sont réalisées (voir le consid. 2.2. de l’arrêt 9C_492/2014). Des indices d’une telle exagération apparaissent notamment en cas de discordance entre les douleurs décrites et le comportement observé, l’allégation d’intenses douleurs dont les caractéristiques demeurent vagues, l’absence de demande de soins, de grandes divergences entre les informations fournies par le patient et celles ressortant de l’anamnèse, le fait que des plaintes très démonstratives laissent insensible l’expert, ainsi que l’allégation de lourds handicaps malgré un environnement psycho-social intact.

In casu, le médecin-expert psychiatre a posé le diagnostic principal de majoration de symptômes physiques pour des raisons psychologiques et sociales. Il a étayé son diagnostic par de nombreuses observations allant clairement dans le sens d’une exagération. On peut mentionner notamment: une tendance à l’accentuation et à la démonstration (l’assurée fait des grimaces et des mouvements d’étirement lorsqu’elle parle de ses douleurs qui n’épargnent aucun endroit anatomique de son corps); une mobilité plus grande que prétendue (durant une partie de l’examen l’assurée maintien son bras droit pendu ou sur ses genoux alors que elle l’utilise normalement pour prendre un verre d’eau ou donner sa poignée de main); l’existence de divergences dans les informations données (l’assurée déclare prendre régulièrement ses médicaments contre la douleur et consulter son médecin traitant deux fois par semaine ce qui est contredit par les analyses sanguines et les déclarations du médecin-traitant); un comportement revendicateur; des relations sociales intactes. L’expert a également noté que l’assurée tirait des bénéfices secondaires bien réels de son comportement d’invalide en ce sens que celle-ci avait réussi à organiser sa famille autour de ses handicaps (ses deux fils majeurs dont l’un était marié habitaient toujours chez elle et étaient à son service), laissant clairement entendre « qu’elle a donné pour la vie et la société et qu’elle est en droit de recevoir ». Enfin, l’assurée était totalement opposée à toute idée de reprise d’activité.

Ces éléments justifient d’admettre l’existence d’un motif d’exclusion au sens de la jurisprudence (pour des cas similaires voir les arrêts 9C_899/2014 et 9C_173/2015 des 29 juin 2015).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_562/2014 consultable ici : http://bit.ly/1RwkYy9

 

 

8C_308/2015 (f) du 08.10.2015 – Nouvelle demande AI après un refus de rente – 87 al. 2 et al. 3 RAI / Plausibilité de l’aggravation de l’état de santé

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_308/2015 (f) du 08.10.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/21QkyKc

 

Nouvelle demande AI après un refus de rente – 87 al. 2 et al. 3 RAI

Plausibilité de l’aggravation de l’état de santé

Violation du principe de la libre appréciation des preuves – argumentation à apporter dans le recours au TF

 

Assurée, née en 1956, travaillant en qualité d’aide de cuisine à compter du 15.08.2001. Dès le 01.05.2007, incapacité totale de travail pour cause de maladie. Dépôt demande AI le 06.12.2007.

Expertise réalisée sur mandat de l’assureur-maladie perte de gain : diagnostics de lombo-pseudo-sciatalgies chroniques, troubles dégénératifs sévères du rachis lombaire, obésité, hypothyroïdie et syndrome d’apnée du sommeil. Capacité de travail nulle dans l’activité habituelle et capacité de travail à 85% dans une activité légère, sédentaire, autorisant l’alternance des positions assise et debout, et excluant le port de charges de plus de 15 kilos et les mouvements répétitifs du rachis en porte-à-faux. Expertise psychiatrique réalisée sur demande de l’Office AI. Diagnostic de dysthymie sans aucune répercussion sur la capacité de travail de l’assurée. Décision de l’OAI : pas de droit à une rente d’invalidité (invalidité de 5,2%).

Annonce de l’aggravation de l’état de santé le 11.07.2012. Le 21.03.2013, l’OAI a rendu deux décisions, par lesquelles il a refusé, d’une part, d’entrer en matière sur la nouvelle demande de prestations et, d’autre part, de désigner un avocat d’office à l’assurée.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 90/13 – 52/2015 – consultable ici : http://bit.ly/1QsHz0V)

Les premiers juges ont expliqué de manière circonstanciée et convaincante les raisons pour lesquelles ils ont considéré que les rapports médicaux produits par l’assurée ne permettaient pas de rendre vraisemblable une aggravation significative de l’état de santé de celle-ci. Par jugement du 09.03.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 87 al. 2 et al. 3 RAI, lorsque une rente a été refusée parce que le degré d’invalidité était insuffisant, la nouvelle demande ne peut être examinée que si l’assuré établit de façon plausible que son invalidité s’est modifiée de manière à influencer ses droits.

D’après la jurisprudence, le principe inquisitoire, selon lequel les faits pertinents de la cause doivent être constatés d’office par l’autorité (cf. art. 43 al. 1 LPGA), ne s’applique pas à la présente procédure. Lorsqu’un assuré introduit une nouvelle demande de prestations ou une procédure de révision sans rendre plausible que son invalidité s’est modifiée, notamment en se bornant à renvoyer à des pièces médicales qu’il propose de produire ultérieurement ou à des avis médicaux qui devraient selon lui être recueillis d’office, l’administration doit lui impartir un délai raisonnable pour déposer ses moyens de preuve, en l’avertissant qu’elle n’entrera pas en matière sur sa demande pour le cas où il ne se plierait pas à ses injonctions. Enfin, cela présuppose que les moyens proposés soient pertinents, en d’autres termes qu’ils soient de nature à rendre plausibles les faits allégués. Si cette procédure est respectée, le juge doit examiner la situation d’après l’état de fait tel qu’il se présentait à l’administration au moment où celle-ci a statué (ATF 130 V 64 consid. 5.2.5 p. 68; arrêt 9C_683/2013 du 2 avril 2014 consid. 3.3.1).

Compte tenu de son pouvoir d’examen restreint, il n’appartient pas au Tribunal fédéral de procéder une nouvelle fois à l’appréciation des preuves administrées, mais à la partie recourante d’établir en quoi celle opérée par l’autorité cantonale serait manifestement inexacte ou incomplète, ou en quoi les faits constatés auraient été établis au mépris de règles essentielles de procédure. A l’appui de ses griefs, l’assurée se limite pour l’essentiel à substituer sa propre appréciation à celle des premiers juges, ce qui ne suffit pas à en démontrer le caractère arbitraire.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_308/2015 consultable ici : http://bit.ly/21QkyKc

 

 

9C_785/2014 (f) du 30.09.2015 – Evaluation de l’invalidité pour une ménagère – 8 al. 3 LPGA – 28a al. 3 LAI / Obligation de réduire le dommage – aide des membres de la famille dans les activités ménagère – Tension au sein du couple

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_785/2014 (f) du 30.09.2015

 

Consultable ici : http://bit.ly/1U6m2gL

 

Evaluation de l’invalidité pour une ménagère – 8 al. 3 LPGA – 28a al. 3 LAI

Obligation de réduire le dommage – aide des membres de la famille dans les activités ménagère – Tension au sein du couple

 

Dépôt demande AI le 01.03.2004 en raison de limitation dans les tâches ménagères ou sa vie quotidienne par des pathologies vertébrales. L’assurée travaillait comme maman de jour ou de famille d’accueil à la journée agréée par l’Office genevois de la jeunesse. Après instruction, assurée considérée comme ménagère. Octroi d’une demi-rente d’invalidité dès le 01.03.2003. Les résultats d’une enquête économique sur le ménage intégraient, sous le poste « divers », les empêchements liés à l’accomplissement de l’activité de maman de jour ou de famille d’accueil.

Demande de révision du droit à la rente le 05.11.2008. Expertise confiée Centre d’expertise médicale. Péjoration de l’état de santé reconnue. Nouvelle enquête ménagère. L’enquête différenciait plusieurs périodes en fonction de l’évolution de la capacité de travail décrite par le SMR et prenait en compte la situation professionnelle des membres de la famille, le départ des deux filles du domicile familial, ainsi que la séparation du couple. Octroi par l’office AI d’un trois quarts de rente, puis d’une demi-rente, puis d’un trois quarts de rente et enfin d’une rente entière.

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1033/2014)

Les deux filles de l’assurée et l’infirmière-enquêtrice ont été entendues durant la procédure. Invitées à se déterminer une dernière fois, les parties n’ont pas modifié leurs conclusions. Les filles de l’assurée ont admis qu’elles donnaient des coups de main à leur mère dans une moindre mesure même après leur départ de la maison. Par jugement du 30.09.2014, admission très partielle du recours par le tribunal cantonal. Il a modifié le taux d’aide que les membres de la famille étaient susceptibles d’apporter dans la tenue du ménage au cours de la période considérée.

 

TF

Il existe dans l’assurance-invalidité – ainsi que dans les autres assurances sociales – un principe général selon lequel l’assuré qui demande des prestations doit d’abord entreprendre tout ce que l’on peut raisonnablement attendre de lui pour atténuer les conséquences de son invalidité (cf. ATF 138 I 205 consid. 3.2 p. 209). Dans le cas d’une personne rencontrant des difficultés à accomplir ses travaux ménagers à cause de son handicap, le principe évoqué se concrétise notamment par l’obligation de solliciter l’aide des membres de la famille. Un empêchement dû à l’invalidité ne peut être admis chez les personnes qui consacrent leur temps aux activités ménagères que dans la mesure où les tâches qui ne peuvent plus être accomplies sont exécutées par des tiers contre rémunération ou par des proches qui encourent de ce fait une perte de gain démontrée ou subissent une charge excessive. L’aide apportée par les membres de la famille à prendre en considération dans l’évaluation de l’invalidité de l’assuré au foyer va plus loin que celle à laquelle on peut s’attendre sans atteinte à la santé. Il s’agit en particulier de se demander comment se comporterait une famille raisonnable, si aucune prestation d’assurance ne devait être octroyée. Cela ne signifie toutefois pas qu’au titre de l’obligation de diminuer le dommage, l’accomplissement des activités ménagères selon chaque fonction particulière ou dans leur ensemble soit répercuté sur les autres membres de la famille, avec la conséquence qu’il faille se demander pour chaque empêchement constaté s’il y a un proche qui pourrait le cas échéant entrer en ligne de compte pour exécuter en remplacement la fonction partielle correspondante (ATF 133 V 504 consid. 4.2 p. 509 ss et les arrêts cités).

Or, en l’espèce, même si les premiers juges ont été bien au-delà de ce qu’exigeait la jurisprudence en quantifiant minutieusement l’aide individuelle de chaque membre de la famille selon chaque fonction particulière, on ne peut toutefois leur reprocher d’avoir violé le droit en ne respectant pas les principes relatifs à l’aide exigible de la part des membres de la famille, ni d’avoir arbitrairement apprécié les éléments de preuve. Ainsi, s’il peut certes sembler insoutenable de retenir une aide exigible de la part d’un membre de la famille qui ne vit plus sous le même toit que l’invalide, cela n’est néanmoins pas décisif, du moment que les divers travaux ménagers accomplis précédemment par cette personne peuvent être reportés sur une autre, voire plusieurs autres personnes, sans que cela ne constitue pour celles-ci une charge excessive.

Les tensions régnant au sein du couple depuis la retraite du mari jusqu’à la séparation ne peuvent nullement justifier du point de vue de l’assurance-invalidité d’écarter l’exigibilité de la participation de l’époux aux travaux ménagers.

 

Le TF rejette le recours.

 

 

Arrêt 9C_785/2014 consultable ici : http://bit.ly/1U6m2gL

 

 

Une perspective plutôt qu’une rente

Grâce à l’initiative « Réintégration professionnelle » de la Suva, 180 travailleurs victimes d’un accident ont bénéficié d’une nouvelle perspective professionnelle au cours des cinq dernières années. La Suva a recherché des entreprises prêtes à leur proposer un poste de travail approprié, épargnant ainsi jusqu’ici 30 millions de francs de rentes.

 

Article paru in Sécurité sociale CHSS 1/2016, p. 8 ss, de Gabriela Hübscher

 

Sécurité sociale CHSS 2016-1 – Une perspective plutôt qu’une rente

 

L’importance de l’assurance-chômage face au risque de chômage de longue durée

Le chômage est un risque qui a une portée considérable sur le plan économique. Or, l’assurance-chômage joue un rôle capital pour éviter que les pertes de gain dues au chômage perdurent et pour favoriser la réinsertion rapide et durable des demandeurs d’emploi sur le marché du travail.

 

Article paru in Sécurité sociale CHSS 1/2016, p. 11 ss, de Janka Serena Wegmüller et Daniel Keller

 

Sécurité sociale CHSS 2016-1 – assurance-chômage – chômage longue durée

 

Evaluation de la réadaptation dans l’assurance-invalidité

Un tri rapide et sans tracasseries administratives semble avoir un effet positif sur le succès de la réadaptation et permettre d’éviter l’octroi de rentes. S’il est recommandé d’y recourir largement pour les mesures d’intervention précoce, il semble qu’on ne puisse pas en dire autant pour les mesures d’ordre professionnel.

  

Article paru in Sécurité sociale CHSS 1/2016, p. 32 ss, de Jürg Guggisberg

 

Sécurité sociale CHSS 2016-1 – Evaluation réa AI

 

8C_195/2015 (f) du 10.02.2016 – Suicide par arme à feu (fusil) – 37 al. 1 LAA / Erreur de traitement constitutive d’un accident – non-hospitalisation du patient – 4 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_195/2015 (f) du 10.02.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1R9sSNn

 

Suicide par arme à feu (fusil) – 37 al. 1 LAA

Erreur de traitement constitutive d’un accident – non-hospitalisation du patient – 4 LPGA

 

Assuré travaillant au service d’une banque privée pendant douze ans en qualité d’analyste financier et gestionnaire. A la fin de l’année 2011, son employeur a résilié les rapports de travail avec effet au 31.03.2012, en raison de difficultés économiques. L’assuré a été libéré de son obligation de travailler à compter du 31.12.2011. Il s’est toutefois rendu à la banque pour travailler jusqu’à la fin du mois de février 2012.

Consultation en janvier 2012 auprès de son médecin traitant, spécialiste en médecine interne générale, en raison d’un état anxio-dépressif. Introduction d’un traitement anxiolytique (Lexotanil) et anti-dépresseur (Cymbalta). Consultations auprès d’un spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie dès le 25.02.2012. Prescription de Citalopram en remplacement du Cymbalta. Lors de la dernière consultation du 14.03.2012, une hospitalisation à prévoir à brève échéance a été discutée en raison de la péjoration de son état de santé au cours des jours précédents, marqué par une importante fatigue et des sentiments d’impuissance liés à cet état, une fluctuation de l’humeur et la présence plus marquée d’idées suicidaires. Le 15.03.2012, en rentrant, l’épouse de l’assuré a constaté que la voiture de son mari n’était pas dans le garage, mais que son « blackberry » son « palm » et ses lunettes étaient là, ce qui était inhabituel. Elle a ensuite appelé le psychiatre pour lui expliquer la situation. Ce dernier lui a répondu qu’elle devait impérativement retrouver son mari et appeler la police, ajoutant que ce dernier avait des idées suicidaires et qu’il avait parlé d’un fusil. L’épouse est allée voir dans l’armoire où son époux rangeait son arme désassemblée. Les portes de l’armoire étaient entrouvertes, l’arme ne s’y trouvait plus et les habits étaient renversés, comme si l’arme avait été prise à la hâte. Les recherches effectuées par la police lui ont permis de retrouver le corps sans vie de l’assuré à côté de la cabane, à 200 mètres de son véhicule stationné au bord de la route en contrebas. Il a été constaté qu’il s’était suicidé au moyen de son arme à feu.

L’assureur-accidents a refusé d’allouer les prestations, à l’exception de l’indemnité pour frais funéraires, par décision du 24.09.2012, confirmée sur opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 8/13 – 10/2015 – consultable ici : http://bit.ly/1UhQNQ0)

Les premiers juges ont relevé que l’assuré a eu un comportement relativement cohérent le 15.03.2012. Son attitude traduisait la volonté, déjà manifestée auprès de son médecin traitant, de préserver ses proches autant que possible. En effet, il avait emporté son arme démontée, encore emballée dans des sachets en plastique, et avait quitté le domicile familial en voiture jusqu’à un lieu isolé. Là, il y avait monté son arme et mis fin à ses jours en se couchant sur son fusil. Cette manière de procéder dénotait le souci d’épargner à sa famille la découverte de son corps en rentrant du travail ou de l’école. La position du corps comme celle du fusil, soit une arme proche de la tête, avaient probablement été dictées par la volonté de garantir que le tir fût précis, pour être sûr d’être mortellement atteint. Pour la juridiction cantonale, ces éléments sont difficilement compatibles avec l’hypothèse d’une incapacité de discernement. Dans ce contexte également, le fait que l’assuré n’avait pas annulé des rendez-vous qu’il avait dans la journée du 15.03.2012 ou dans les jours suivants, ou encore le fait d’avoir planifié des vacances et acheté des billets d’avion ainsi que réservé une voiture de location pour ces vacances, le 06.03.2012, reflétaient le caractère fluctuant de l’humeur de l’assuré pendant la période ayant précédé son décès, mais ne traduisaient pas une incohérence indiquant que son suicide eût été commis en l’absence de capacité de discernement. L’envoi de son CV à deux employeurs entre 7h et 8h le matin même du 15.03.2012 permettait tout au plus de conclure qu’il n’avait pas encore, à ce moment-là, alors qu’il était encore entouré des siens ou que ces derniers venaient de partir, d’idées suicidaires. Qu’il ait ensuite subi, dans la matinée, une baisse de moral qui l’a conduit à mettre fin à ses jours ne permettait pas de conclure à un acte commis en l’absence de toute capacité de discernement.

Par arrêt du 22.01.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Suicide et (in)capacité de discernement

Selon l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Est réputé accident toute atteinte dommageable, soudaine et involontaire, portée au corps humain par une cause extérieure extraordinaire qui compromet la santé physique, mentale ou psychique ou qui entraîne la mort (art. 4 LPGA). Si l’assuré a provoqué intentionnellement l’atteinte à la santé ou le décès, aucune prestation d’assurance n’est allouée, sauf l’indemnité pour frais funéraires (art. 37 al. 1 LAA). Même s’il est prouvé que l’assuré entendait se mutiler ou se donner la mort, l’art. 37 al. 1 LAA n’est pas applicable si, au moment où il a agi, l’assuré était, sans faute de sa part, totalement incapable de se comporter raisonnablement, ou si le suicide, la tentative de suicide ou l’automutilation est la conséquence évidente d’un accident couvert par l’assurance (art. 48 OLAA).

Le suicide comme tel n’est un accident assuré que s’il a été commis dans un état d’incapacité de discernement. Cette règle, qui découle de la jurisprudence, est exprimée à l’art. 48 OLAA. Par conséquent, il faut, pour entraîner la responsabilité de l’assureur-accidents, que, au moment de l’acte et compte tenu de l’ensemble des circonstances objectives et subjectives, en relation aussi avec l’acte en question, l’intéressé ait été privé de toute possibilité de se déterminer raisonnablement en raison notamment d’une déficience mentale ou de troubles psychiques (ATF 140 V 220 consid. 3 p. 222; 129 V 95; 113 V 61 consid. 2a p. 62 ss; RAMA 1990 n° U 96 p. 182 consid. 2). L’incapacité de discernement n’est donc pas appréciée dans l’abstrait, mais concrètement, par rapport à un acte déterminé, en fonction de sa nature et de son importance, les facultés requises devant exister au moment de l’acte (principe de la relativité du discernement; voir par exemple ATF 134 II 235 consid. 4.3.2 p. 239). Le suicide doit avoir pour origine une maladie mentale symptomatique. En principe, l’acte doit être insensé. Un simple geste disproportionné, au cours duquel le suicidaire apprécie unilatéralement et précipitamment sa situation dans un moment de dépression ou de désespoir ne suffit pas (voir par exemple arrêt 8C_916/2011 du 8 janvier 2013 consid. 2.2 et les références).

Savoir si le suicide ou la tentative de suicide a été commis dans un état d’incapacité de discernement doit être résolu selon la règle du degré de la vraisemblance prépondérante généralement appliquée en matière d’assurances sociales. Le juge retiendra alors, parmi plusieurs présentations des faits, celle qui lui apparaît comme la plus vraisemblable (arrêt 8C_916/2011 du 8 du janvier 2013 consid. 2.2 et les références). Il n’existe donc pas un principe selon lequel l’administration ou le juge devrait statuer, dans le doute, en faveur de l’assuré; le défaut de preuve va au détriment de la partie qui entendait tirer un droit du fait non prouvé (ATF 126 V 319 consid. 5a p. 322).

In casu, la modalité du suicide – à savoir le fait d’avoir emporté une arme démontée, encore emballée dans des sachets en plastique, d’avoir quitté le domicile en voiture jusqu’à un lieu isolé, d’y avoir ensuite monté son arme et mis fin à ses jours en se couchant sur son fusil – parle plutôt en faveur de la présence du discernement au moment du passage à l’acte. Au vu de ce qui précède, on peut considérer avec les premiers juges, qu’il n’est pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante que l’assuré était privé, au moment déterminant, de sa capacité de discernement.

 

Erreur de traitement constitutive d’un accident

Selon la jurisprudence, les erreurs de traitement peuvent être constitutives d’un accident (art. 4 LPGA) dès lors qu’il s’agit de confusions ou de maladresses grossières et extraordinaires, voire d’un préjudice intentionnel avec lequel personne ne comptait ni ne devait compter. Il s’agit en principe d’atteintes survenues à l’occasion d’actes médicaux: l’acte médical comme tel ou le traitement médicamenteux est la cause directe de l’atteinte à la santé (pour une casuistique, voir Ghislaine Frésard-Fellay, in: Droit suisse de la sécurité sociale, Volume II, 2015, p. 344; Alexandra Rumo-Jungo/André Pierre Holzer, Bundesgesetz über die Unfallversicherung [UVG], 4ème éd. 2012, p. 34 s.; André Largier, Schädigende medizinische Behandlung als Unfall, Zurich 2002, p. 99 ss).

Il est pour le moins douteux que l’omission d’ordonner une hospitalisation pour des motifs psychiatriques, même si elle résulte d’une grossière erreur d’appréciation, puisse être constitutive d’un accident en cas de suicide ultérieur du patient.

Le psychiatre a proposé une hospitalisation à son patient pour le protéger en cas de réapparition de ses idées suicidaires. Devant le refus de ce dernier, il a dû procéder à une appréciation des risques encourus et l’a laissé rentrer chez lui, non sans avoir convenu au préalable de certaines mesures de précaution (consigne donnée au patient d’appeler le service des urgences en cas de réapparition des idées suicidaires sans attendre une prochaine consultation médicale; consigne donnée à l’assuré de lui téléphoner le vendredi 16.03.2012 dans tous les cas et consigne donnée au patient de l’appeler dans une plage horaire convenue, le 15 mars 2012, en cas de besoin). Au vu de ce qui précède, on ne saurait quoi qu’il en soit pas parler d’une erreur grossière d’appréciation du psychiatre traitant.

 

Le TF rejette le recours de la veuve.

 

 

Arrêt 8C_195/2015 consultable ici : http://bit.ly/1R9sSNn

 

 

Jeunesse, santé mentale et rentes AI

Ces vingt dernières années, le nombre de jeunes rentiers AI souffrant de troubles psychiques a continuellement progressé. L’étude décrite dans le présent article met en lumière certaines défaillances des systèmes d’éducation, de santé et de l’AI et pose la question de savoir si une minorité significative de jeunes n’a pas été mise en invalidité trop hâtivement.

 

Article paru in Sécurité sociale CHSS 1/2016, p. 49 ss

 

Sécurité sociale CHSS 2016-1 – Jeunesse, santé mentale et rentes AI