Arrêt du Tribunal fédéral 8C_688/2015 (f) du 21.03.2016
Consultable ici : http://bit.ly/1SX06qw
Lésion assimilée – Rupture de la coiffe des rotateurs – 9 al. 2 OLAA
Motivation insuffisante du rapport du médecin-conseil et des rapports du médecin-traitant
Assuré, né en 1945, agent de sécurité, est victime d’une chute dans les escaliers d’un parking souterrain le 22.12.2013. Consulté le jour suivant, le médecin-traitant, spécialiste en médecine interne générale, a posé les diagnostics provisoires de plaie au coude gauche et lésion de la coiffe des rotateurs de l’épaule gauche. IRM du 20.02.2014 : déchirure partielle du tendon du sus-épineux de l’épaule gauche, bursite sous-acromiale et status post plaie du coude gauche.
Décision du 11.06.2014, confirmée sur opposition le 28.08.2014 : suppression du droit aux prestations d’assurance avec effet au 21.02.2014. L’assurance-accidents a nié l’existence d’un rapport de causalité naturelle entre l’accident et la lésion de l’épaule gauche et a fixé la fin du droit aux prestations à la date de l’IRM, dans la mesure où celle-ci avait permis d’exclure la nature traumatique de la lésion.
Procédure cantonale
Par jugement du 17.08.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.
TF
Les ruptures de la coiffe des rotateurs figurent dans la liste exhaustive des lésions corporelles assimilées à un accident de l’art. 9 al. 2 OLAA (RS 832.202; cf. let. f [déchirures de tendons]; ATF 123 V 43).
La notion de lésion assimilée à un accident a pour but d’éviter, au profit de l’assuré, la distinction souvent difficile entre maladie et accident. Aussi les assureurs-accidents LAA doivent-ils assumer un risque qui, en raison de la distinction précitée, devrait en principe être couvert par l’assurance-maladie. Les lésions mentionnées à l’art. 9 al. 2 OLAA sont assimilées à un accident même si elles ont, pour l’essentiel, une origine vraisemblablement maladive ou dégénérative, pour autant qu’une cause extérieure ait, au moins, déclenché les symptômes dont souffre l’assuré (ATF 139 V 327 consid. 3.1 p. 328; 129 V 466; 123 V 43 consid. 2b p. 44 s.; 116 V 145 consid. 2c p. 147 s.; 114 V 298 consid. 3c p. 301).
Les lésions mentionnées à l’art. 9 al. 2 OLAA sont assimilées à un accident tant et aussi longtemps que leur origine maladive ou dégénérative, à l’exclusion d’une origine accidentelle, n’est pas clairement établie. On ne se fondera donc pas simplement sur le degré de vraisemblance prépondérante pour admettre l’évolution d’une telle atteinte vers un statu quo sine, sans quoi l’on se trouverait à nouveau confronté, immédiatement après avoir admis l’existence d’une lésion assimilée à un accident, à la difficulté de distinguer entre l’origine accidentelle et maladive de cette lésion (cf. arrêt 8C_698/2007 du 27 octobre 2008 consid. 4.2 et les références).
De l’avis du médecin-traitant, la lésion à l’épaule gauche de l’assuré est d’origine accidentelle. A ce sujet, ce médecin indique que les examens radiologiques et l’IRM ont montré une lésion traumatique du tendon du sus-épineux, en sus des troubles dégénératifs. En outre, son patient, qu’il suit depuis 1993, ne s’était jamais plaint de gênes ou de douleurs à l’épaule avant l’accident et il présentait désormais une nette limitation fonctionnelle à ce niveau.
Le médecin-conseil estime, quant à lui que le lien de causalité naturelle entre l’accident et la lésion de l’épaule est peu probable. Il fonde son appréciation sur les éléments suivants :
– l’âge du patient où les lésions dégénératives de la coiffe des rotateurs sont fréquentes et les lésions purement traumatiques rares;
– l’action vulnérante (« contusion avec plaie au coude sans notion de violent mouvement d’abduction contre résistance ou de mouvement passif extrême de l’épaule ») inappropriée pour solliciter un tendon de la coiffe des rotateurs au-delà du point de rupture d’une partie de ses fibres, alors qu’une contusion du coude avec un choc axial à travers le bras est tout à fait susceptible de provoquer un pincement de l’espace sous-acromial et y révéler des lésions dégénératives préexistantes;
– la lésion interstitielle étendue du sus-épineux » avec amyotrophie graisseuse de son corps musculaire […] » révélée par l’IRM, laquelle est une lésion manifestement dégénérative fréquente dans la tranche d’âge du patient;
– le fait qu’une infiltration de cortisone a été pratiquée en mars 2014, laquelle est caractéristique des traitements pour les affections dégénératives.
Selon le Tribunal fédéral, les rapports du médecin-traitant ne sont pas suffisamment motivés sur la question de la causalité – et que l’on ne saurait retenir l’existence d’un tel lien du seul fait de l’absence de plaintes avant l’accident (cf. ATF 119 V 335 consid. 2b/bb p. 341 s.) -, il n’en demeure pas moins que l’avis du médecin-conseil ne permet pas d’exclure l’origine accidentelle des troubles de l’épaule dont souffre l’assuré.
En effet, selon la jurisprudence, une rupture de la coiffe des rotateurs est assimilée à un accident même si elle a une origine maladive ou dégénérative, pour autant qu’une cause extérieure ait, au moins, déclenché les symptômes dont souffre l’assuré. En l’espèce, on ne peut pas déduire des éléments avancés par le médecin-conseil, en particulier de l’âge de l’assuré et de l’infiltration de cortisone, que l’accident n’a pas joué de rôle sur l’atteinte de la coiffe des rotateurs. Il semble plutôt que tel a été le cas, en ce sens que la chute a déclenché une impotence fonctionnelle ainsi que des douleurs. D’ailleurs le médecin-conseil indique lui-même que l’action vulnérante était « appropriée » pour provoquer un pincement de l’espace sous-acromial et y révéler les lésions dégénératives préexistantes. Dans ces conditions, l’assureur-accidents ne pouvait d’emblée nier l’existence d’un rapport de cause à effet entre l’accident et l’atteinte à l’épaule gauche en se fondant sur l’avis du médecin-conseil. A l’inverse, on ne peut pas non plus admettre son existence sur la base des rapports du médecin-traitant.
Le TF admet partiellement le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à l’assureur-accidents pour mise en œuvre d’une expertise et nouvelle décision.
Arrêt 8C_688/2015 consultable ici : http://bit.ly/1SX06qw