4A_463/2015 (f) du 17.03.2016 – Responsabilité civile du propriétaire d’ouvrage – 58 CO – Plaque de glace sur un parking

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_463/2015 (f) du 17.03.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1SDBWiB

 

Responsabilité civile du propriétaire d’ouvrage – 58 CO

Plaque de glace sur un parking

 

Le matin du vendredi 12.12.2008, le lésé, né en 1946, s’est rendu avec sa voiture à Z.________ (VD) où se tient le jour en question un marché. Il a garé son véhicule entre 7 h. et 7 h.15 sur le parking public du centre-ville, dont la Commune de Z.________ est propriétaire. En sortant de sa voiture, il a chuté sur une plaque de glace, ce qui a provoqué une flexion forcée et brutale de son genou droit, entraînant une rupture complète du tendon rotulien.

Il a été retenu que le 12.12.2008, il n’y avait pas de neige sur le parking, ni sur la chaussée, ni sur les accotements. Il y avait de la glace à certains endroits, qui n’était pas visible à l’heure de l’accident en raison de la nuit. La commune dispose d’un service de piquet durant toute l’année, 24 heures sur 24, prêt à réagir rapidement en cas de mauvaises conditions météorologiques. La décision de saler la ville appartient à la personne qui est de piquet.

Le 12.12.2008, l’employé au service de voirie de la commune a, ce jour-là, commencé le salage du parking du centre-ville à 6 h.35 étant donné qu’il s’agissait d’un jour de marché. Il a ainsi salé manuellement environ deux poignées par mètre carré, durant une trentaine de minutes. A 8 h. un salage mécanique a eu lieu. Le jour en question, il n’a pas effectué le salage sur tout le parking, en particulier sur les places de parc déjà occupées par les véhicules. Il avait salé seulement « un peu » entre les voitures, car « c’est trop serré pour saler partout », et il y a un risque de rayer les automobiles parquées avec le bidon contenant le sel.

 

Procédure cantonale (arrêt 188 – HC / 2015 / 473  – consultable ici : http://bit.ly/1r90rd0)

Par arrêt du 22.04.2015, la Cour d’appel civile du Tribunal cantonal vaudois a intégralement rejeté les conclusions de la demande. Elle a retenu que la Commune avait pris des mesures de sécurité pour l’entretien en saison hivernale du parking extérieur sur lequel le demandeur a glissé. Le salage manuel opéré permettait de parer aux conséquences prévisibles de la situation hivernale qui régnait le 12.12.2008. La pose d’un panneau d’avertissement, voire l’interdiction de l’accès au parking, ne se serait imposée que si la Commune avait un intérêt personnel à l’usage du parking par des tiers ou si un état de danger particulier avait existé (rupture d’une conduite, fort gel pendant plusieurs nuits consécutives).

 

TF

Responsabilité civile selon 58 CO

A teneur de l’art. 58 al. 1 CO, le propriétaire d’un bâtiment ou de tout autre ouvrage répond du dommage causé par des vices de construction ou le défaut d’entretien. Selon la jurisprudence, pour déterminer si un ouvrage est affecté d’un vice de construction initial ou d’un défaut subséquent d’entretien, il sied de prendre en compte le but qui lui est assigné. Un ouvrage est défectueux lorsqu’il n’offre pas de sécurité suffisante pour l’usage auquel il est destiné (ATF 130 III 736 consid. 1.3 p. 741 s.).

Une limite à l’obligation de sécurisation qui incombe au propriétaire d’un ouvrage réside dans la responsabilité propre dont doit faire preuve l’usager. Le propriétaire n’est pas tenu de parer à tous les dangers. Il peut laisser de côté les risques dont les utilisateurs de l’ouvrage ou les personnes qui entrent en contact avec celui-ci peuvent se protéger avec un minimum d’attention (ATF 130 III 736 consid. 1.3 p. 742; 123 III 306 consid. 3b/aa p. 311). Si les exigences de sécurité sont accrues pour le propriétaire de bâtiments publics ou de bâtiments privés accessibles au public (ATF 118 II 36 consid. 4a p. 38), un réseau routier, du fait de son étendue, ne peut pas être contrôlé dans la même mesure qu’un seul bâtiment (ATF 98 II 40 consid. 2 p. 43).

Une autre limite au devoir de sécurisation du propriétaire résulte du caractère raisonnablement exigible des mesures à prendre. Il faut examiner si l’élimination d’éventuels défauts ou la prise de mesures de sécurité est techniquement possible et si les dépenses ainsi engendrées demeurent dans un rapport raisonnable avec l’intérêt de protection des usagers et le but de l’ouvrage (ATF 130 III 736 ibidem).

La diligence requise du propriétaire s’apprécie concrètement, le juge devant tenir compte de toutes les circonstances du cas (FRANZ WERRO, La responsabilité civile, 2e éd. 2011, ch. 751 p. 216).

La preuve de l’existence d’un vice de construction ou d’un défaut d’entretien incombe à celui qui se prévaut de l’art. 58 CO (art. 8 CC; ATF 123 III 306 consid. 3b/aa p. 311 et l’arrêt cité).

 

A propos des accidents dus au verglas

Il ne peut pas être déduit de l’obligation d’entretien qui incombe à la collectivité un devoir général de prévenir immédiatement la présence de glace en procédant au salage de toutes les voies et de tous les espaces publics (ATF 129 III 65 consid. 1.2 p. 67; ROLAND BREHM, Berner Kommentar, 4e éd. 2013, n° 211 ad art. 58 CO; WERRO, op. cit., ch. 777 p. 224). On ne peut raisonnablement exiger de la collectivité publique qu’à défaut de disposer de suffisamment d’équipes d’entretien en hiver, elle bloque la circulation sur toutes les routes où du sel n’a pas pu être épandu (BREHM, op. cit., n° 212 in fine ad art. 58 CO).

 

Notion d’ouvrage d’un parking

Un parking constitue un ouvrage au sens de l’art. 58 CO (cf., implicitement, arrêt 4C.150/2003 du 1er octobre 2003 consid. 4; BREHM, op. cit., n° 162 ad art. 58 CO).

 

In casu

La Commune a à sa disposition toute l’année un service de piquet, prêt à intervenir à toute heure lorsqu’il y a de mauvaises conditions météorologiques.

Aux premières heures du 12.12.2008, de la glace est apparue sur le parking du centre-ville. La Commune n’est pas restée inactive devant le danger provoqué par le verglas, dès l’instant où un employé de son service de voirie a procédé au salage manuel du parking à 6 h.35, soit avant l’ouverture officielle du marché à 7 h.30. Cet employé a salé à la main environ deux poignées par mètre carré, durant une trentaine de minutes. Certes, il a reconnu qu’il n’a pas été en mesure d’épandre du sel sur tout le parking, notamment sur les places qui étaient occupées par des véhicules, et qu’il a salé seulement « un peu » sur les espaces entre deux véhicules, de crainte de rayer leur carrosserie avec le bidon contenant le sel.

Le Tribunal fédéral a jugé, dans l’arrêt 4A_114/2014 du 18 août 2014 consid. 7 in fine, qu’un lieu de circulation, pour être ouvert au public, n’a pas besoin de bénéficier d’une absolue sécurité contre le verglas vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

Il suit de là qu’aucun défaut d’entretien au sens de l’art. 58 CO ne peut être reproché à la Commune.

 

Le TF rejette le recours du lésé.

 

 

Arrêt 4A_463/2015 consultable ici : http://bit.ly/1SDBWiB

 

 

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