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8C_154/2025 (f) du 11.08.2025 – Activité accessoire à temps partiel en sus d’une activité à 100% – Prise en compte du revenu de l’activité accessoire dans le revenu sans invalidité et le revenu d’invalide

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_154/2025 (f) du 11.08.2025

 

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Activité accessoire à temps partiel en sus d’une activité à 100% – Prise en compte du revenu de l’activité accessoire dans le revenu sans invalidité et le revenu d’invalide / 16 LPGA

 

Résumé
Le Tribunal fédéral rappelle qu’un revenu provenant d’une activité accessoire ne peut être intégré au calcul du degré d’invalidité que si l’on peut admettre que l’assuré aurait continué à le percevoir sans atteinte à la santé et s’il dispose médicalement de la capacité d’exercer une activité accessoire adaptée.

Faits
Assuré, né en 1991, au bénéfice d’un CFC de micro-mécanicien et d’une formation de technicien (ES), a été engagé en qualité de chef de secteur, à plein temps, par la société B.__ SA, à compter du 1er mars 2017. Depuis 2020, il exerçait en sus, à titre indépendant, une activité accessoire de mécanicien/serrurier à un taux de 20%. Pour ces deux activités, il était assuré contre le risque d’accident auprès du même assureur-accidents.

Le 05.01.2021, alors qu’il effectuait des travaux de bûcheronnage, l’assuré s’est pris la main gauche (dominante) dans la poulie d’un treuil, laquelle a été écrasée.

L’assuré a repris progressivement son activité salariée jusqu’à retrouver un plein temps au 04.01.2023. L’assurance-accidents a mis fin au versement des indemnités journalières et à la prise en charge des soins médicaux dès le 31.01.2023. Par décision du 25.07.2023, confirmée sur opposition, elle a refusé l’octroi d’une rente d’invalidité en retenant que le taux d’invalidité établi par comparaison des revenus restait inférieur au seuil de 10% ouvrant droit à la prestation, tout en lui reconnaissant une IPAI de 10%.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 12.02.2025, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3 [résumé]
La cour cantonale a constaté que l’évaluation médicale relative à la stabilisation, à l’activité adaptée et aux limitations fonctionnelles n’était pas contestée et qu’elle reposait sur l’avis probant du médecin-conseil. Elle a retenu que l’assuré n’était plus en mesure d’exercer son activité accessoire antérieure de mécanicien/serrurier indépendant à 20%, mais qu’il existait toutefois des motifs suffisants d’admettre qu’il aurait continué à percevoir un revenu complémentaire sans atteinte à la santé. Ce revenu devait donc être pris en compte dans le calcul tant du revenu sans invalidité que du revenu d’invalide. L’état de santé de l’assuré ne s’opposait pas à l’exercice d’une activité accessoire adaptée à 20%. Partant, l’assureur avait correctement intégré un revenu hypothétique accessoire de 20% selon les données de l’ESS pour déterminer le revenu sans invalidité.

Consid. 5.1
Selon la jurisprudence, le revenu obtenu avant l’atteinte à la santé doit être calculé compte tenu de tous ses éléments constitutifs, y compris ceux qui proviennent d’une activité accessoire, lorsque l’on peut admettre, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré aurait continué de percevoir de tels revenus sans l’atteinte à la santé. Ceux-ci doivent également être pris en considération dans le revenu d’invalide lorsqu’il est établi que l’assuré est toujours en mesure, sur le plan médical, de réaliser des revenus d’appoint (arrêts 8C_922/2012 du 26 février 2013 consid. 5.2; 8C_671/2010 du 25 février 2011 consid. 4.5 et 5, in: SVR 2011 IV n° 55 p. 163). De même qu’en ce qui concerne l’activité principale, il convient d’examiner sur la base des avis médicaux quelle activité accessoire est exigible au regard de l’état de santé et dans quelle mesure (arrêts 8C_765/2016 du 13 septembre 2017 consid. 4.5, in SVR 2018 UV n° 12 p. 29; 9C_883/2007 du 18 février 2008 consid. 2.3; U 130/02 du 29 novembre 2002 consid. 3.2.1, in RAMA 2003 n° U 476 p. 107).

Consid. 5.2
Il s’ensuit que la prise en considération, dans le revenu d’invalide, d’un revenu provenant d’une activité accessoire se justifie – pour autant que celle-ci soit exigible sur le plan médical – lorsque la personne assurée aurait continué de percevoir un tel revenu sans l’atteinte à la santé, à savoir lorsque le revenu sans invalidité en tient compte.

Comme pour l’assuré qui n’exerçait qu’une seule activité, devenue inadaptée après un accident, il convient également lorsqu’il s’agit d’une activité accessoire désormais inadaptée, de prendre en considération un revenu d’invalide correspondant à ce que pourrait réaliser l’assuré en exerçant une activité (accessoire) raisonnablement exigible. L’assuré ne peut donc pas se prévaloir du fait que son activité accessoire constituait un projet bien précis dans son domaine de compétences, respectivement qu’il n’aurait pas d’intérêt personnel à exercer une autre activité accessoire si l’ancienne n’est plus exigible. Cet aspect n’est pas déterminant lorsqu’il s’agit de déterminer le revenu d’invalide. Par ailleurs, si l’on admettait que le cumul des deux activités était temporaire et que l’assuré n’entendait pas travailler à plus de 100%, il faudrait également en tenir compte dans la détermination du revenu sans invalidité, en ne se fondant que sur une source de revenu. En effet, si le revenu sans invalidité se déduit en principe du salaire réalisé en dernier lieu par l’intéressé avant l’atteinte à la santé, on prend également en considération l’évolution du revenu réel en raison des circonstances personnelles (comme un changement de profession) lorsque ces circonstances apparaissent dûment établies (arrêt 8C_290/2013 du 11 mars 2014 consid. 6). De simples déclarations d’intention de la personne assurée ne suffisent toutefois pas (arrêts 8C_145/2012 du 9 novembre 2012 consid. 3.2; 9C_486/2011 du 12 octobre 2011 consid. 4.1 et les arrêts cités).

Consid. 5.3 [résumé]
La prise en considération d’un revenu d’appoint exercé en sus d’une activité principale suppose encore la capacité sur le plan médical d’exercer une activité accessoire. Le médecin-conseil conclut à une pleine capacité de travail dans une activité parfaitement adaptée, excluant toutefois la manipulation répétée de charges de plus de 5 kg avec la main gauche, ainsi que les travaux nécessitant de la dextérité, de la rapidité ou exposant à des chocs, vibrations ou variations de température. Le médecin n’a pas expressément reconnu une capacité à exercer une activité adaptée à un taux de 120% et il est peu probable qu’en retenant une pleine capacité de travail dans une activité adaptée, le médecin envisageait également l’exercice d’une activité accessoire supplémentaire de 20%.

On ne peut pas déduire une capacité de travail de 120% du fait que l’assuré a repris son poste de chef de secteur à plein temps, cette reprise s’inscrivant dans le cadre d’une mesure de réentraînement au travail prise en charge par l’AI et après un aménagement de son cahier des charges pour respecter ses limitations. Le médecin-conseil mentionne en outre l’apparition d’une tendinite au bras droit liée à la modification du niveau d’activité. On ne saurait retenir que les séquelles accidentelles n’ont aucune répercussion sur le retour au travail de l’assuré. Quoi qu’il en soit, c’est au médecin qu’il appartient de se prononcer sur le point de savoir si l’exercice d’une activité supplémentaire de 20% est exigible d’un point de vue médical.

Dans cette mesure, le grief est bien fondé. La cause devra dès lors être renvoyée à l’assurance-accidents pour qu’elle complète l’instruction sur cette question, par exemple en sollicitant à nouveau son médecin-conseil.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_154/2025 consultable ici

 

 

 

9C_343/2025 (d) du 08.08.2025 – Allocation pour mineur impotent – Notion de « soins particulièrement astreignants » – Allergie alimentaire et acte ordinaire « manger »

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_343/2025 (d) du 08.08.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Allocation pour mineur impotent – Notion de « soins particulièrement astreignants » / 9 LPGA – 42 LAI – 37 al. 3 RAI

Allergie alimentaire et acte ordinaire « manger »

 

Résumé
Un enfant de trois ans souffrant de dermatite atopique et d’allergies alimentaires a demandé une allocation pour impotent. L’office AI a refusé la prestation, décision confirmée par le tribunal cantonal. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours : il a considéré que ni les soins liés aux affections cutanées, ni le respect du régime alimentaire, ni le port de couches ne révélaient un besoin d’aide supérieur à celui d’un enfant du même âge sans atteinte à la santé.

 

Faits
Assuré, né en octobre 2020, souffre de dermatite atopique et de diverses allergies alimentaires. Sa mère a déposé, en février 2024, une demande d’allocation pour impotent destinée aux mineurs. Par décision du 09.07.2024, l’office AI a refusé le droit à une telle prestation.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 09.05.2025, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.1
Est réputée impotente toute personne qui, en raison d’une atteinte à sa santé, a besoin de façon permanente de l’aide d’autrui ou d’une surveillance personnelle pour accomplir des actes élémentaires de la vie quotidienne (art. 9 LPGA).

Les assurés impotents qui ont leur domicile et leur résidence habituelle en Suisse ont droit à une allocation pour impotent. (art. 42, al. 1, LAI ; les conditions particulières applicables aux mineurs selon l’art. 42bis al. 3 LAI ne jouent aucun rôle en l’espèce). Il convient de distinguer entre l’impotence grave, moyenne et légère (art. 42 al. 2 LAI). Le montant de l’allocation pour impotent dépend du degré de l’impotence personnelle (art. 42ter al. 1, première phrase, LAI). Selon l’art. 42ter al. 3 LAI, l’allocation pour impotent destinée aux mineurs qui nécessitent en outre des soins particulièrement intensifs – ce qui suppose un besoin d’assistance d’au moins quatre heures par jour (cf. art. 39 RAI) – est majorée d’un supplément pour soins intensifs.

Consid. 2.1
Selon l’art. 37 al. 3 RAI, l’impotence est faible si l’assuré, même avec des moyens auxiliaires, a besoin de façon régulière et importante, de l’aide d’autrui pour accomplir au moins deux actes ordinaires de la vie (let. a), a besoin d’une surveillance personnelle permanente (let. b), ou a besoin de façon permanente, de soins particulièrement astreignants, exigés par l’infirmité de l’assuré (let. c). Les autres hypothèses de l’art. 37 al. 3 RAI (let. d et e) ne sont pas pertinentes en l’espèce.

Dans le cas des mineurs, seul est pris en considération le surcroît d’aide et de surveillance que le mineur handicapé nécessite par rapport à un mineur du même âge et en bonne santé (art. 37 al. 4 RAI).

Consid. 2.3.1
Les actes ordinaires de la vie se répartissent en six domaines : « se vêtir, se dévêtir », « se lever, s’asseoir, se coucher », « manger », « faire sa toilette », « aller aux toilettes » ainsi que « se déplacer (dans l’appartement, à l’extérieur) et entretenir les contacts sociaux » (cf. ATF 133 V 450 consid. 7.2 ; ch. 2020 de la Circulaire de l’Office fédéral des assurances sociales sur l’impotence, en vigueur depuis le 1er janvier 2022 [CSI ; sur la valeur des directives administratives, cf. arrêt 8C_669/2023 du 1er avril 2025 consid. 6.2, destiné à la publication ; ATF 148 V 385 consid. 5.2 ; 147 V 79 consid. 7.3.2]).

Consid. 2.3.2
Le besoin, de façon permanente, de soins particulièrement astreignants au sens de l’art. 37 al. 3 let. c RAI ne se rapportent pas aux actes ordinaires de la vie. Au contraire, tout comme l’exigence d’une surveillance personnelle permanente (art. 37 al. 2 let. b et al. 3 let. b RAI), il s’agit d’une aide médicale ou infirmière rendue nécessaire par l’état physique ou psychique de la personne assurée.

Ces soins peuvent être astreignants pour diverses raisons : ils le sont selon un critère quantitatif lorsqu’ils exigent beaucoup de temps ou entraînent des coûts particulièrement élevés. D’un point de vue qualitatif, ils peuvent l’être lorsque les soins doivent être prodigués dans des conditions difficiles, par exemple parce qu’ils sont particulièrement pénibles ou qu’ils doivent être prodigués à des heures inhabituelles (par exemple vers minuit) (SVR 2017 IV n° 43 p. 128, 8C_663/2016 E. 2.2.2 et les nombreuses références).

Un besoin de soins de plus de deux heures par jour est qualifié de particulièrement astreignants si des critères qualitatifs aggravants doivent aussi être pris en compte (SVR 2017 IV n° 43 p. 128, 8C_663/2016 consid. 2.2.3, avec renvoi aux arrêts I 314/92 du 28 janvier 1993 et I 142/86 du 25 mai 1987 ; cf. aussi ch. 2065 CSI). Selon la pratique administrative (cf. ch. 2066 ss CSI), si le besoin de soins est supérieur à trois heures par jour, l’aide peut être qualifiée d’astreignante si au moins un critère qualitatif (par ex. soins pendant la nuit) s’y ajoute. Un besoin de soins de quatre heures par jour ou plus est par principe considéré comme astreignant, même sans critère qualitatif supplémentaire.

Consid. 4.1
Il est établi et incontesté que l’assuré souffre de dermatite atopique et de diverses allergies alimentaires. En lien avec son impotence, aucune autre atteinte à la santé n’a été et n’est évoquée.

Consid. 4.2
Même si le recourant mentionne un « supplément d’efforts dans la prise en charge » ou un surcroît d’efforts pour la « surveillance personnelle », il ne fait pas valoir (de manière fondée) un besoin de surveillance personnelle permanente au sens de l’art. 37 al. 3 let. b RAI. Un tel besoin n’apparaît d’ailleurs pas.

Consid. 4.3
L’assuré ne soutient pas non plus que les soins supplémentaires liés à l’utilisation de bains à l’huile et de crèmes relipidantes (ainsi que le temps supplémentaire consacré à l’accompagnement lors des rendez-vous médicaux et thérapeutiques) constitueraient des soins constants et particulièrement astreignants au sens de l’art. 37 al. 3 let. c RAI (cf. consid. 2.3.2 supra). De tels soins ne ressortent pas non plus du dossier, aucun problème cutané grave ou complexe n’étant attestée.

Par conséquent, les critiques de l’assuré relatives à l’augmentation des soins corporels – consistant essentiellement en une violation alléguée du principe d’instruction et du droit d’être entendu, au motif que la personne chargée de l’évaluation de l’office AI aurait insuffisamment pris en compte le besoin accru de soins et que la juridiction cantonale n’aurait pas ordonné une nouvelle enquête sur place – sont dénuées de fondement.

Consid. 4.4.1
Il reste donc à examiner une impotence (légère) au sens de l’art. 37 al. 3 let. a RAI, et plus particulièrement le besoin accru d’aide dans l’acte ordinaire de la vie « manger ».

Consid. 4.4.2
Selon le ch. 2038 CSI, la nécessité d’un régime alimentaire (par ex. chez les personnes atteintes de diabète ou de maladie cœliaque) ne fonde pas une impotence. Toutefois, selon l’arrêt 8C_912/2008 du 5 mars 2009, consid. 9.2, un besoin d’aide pertinent pour la fonction « manger » existe lorsqu’une alimentation spéciale ou un régime particulier est nécessaire pour des raisons médicales et que la personne assurée, pour des raisons de santé, n’est pas en mesure de s’y conformer.

Cette interprétation est conforme au raisonnement de la juridiction cantonale, selon lequel le refus d’admettre un besoin accru d’aide pour l’acte ordinaire de la vie « manger » reposait sur le constat que des enfants du même âge (environ trois ans) sans restriction alimentaire particulière nécessitaient eux aussi une aide comparable pour manger.

Consid. 4.4.3
L’assuré soutient essentiellement que le respect d’un régime alimentaire (ou l’éviction de certains aliments) implique, par rapport aux enfants en bonne santé, un besoin accru d’aide, intrinsèquement et indépendamment de l’âge. Il relève en outre que l’alimentation par sonde est reconnue comme générant un surcroît d’efforts dès son instauration.

Cependant, l’assuré n’explique pas en quoi le surcroît d’efforts qu’il allègue pour le respect d’un régime alimentaire serait important et comparable à celui que suppose une alimentation par sonde. Son argumentation ne contient aucun motif valable justifiant de s’écarter du principe figurant au ch. 2038 CSI (cf. les remarques en fin du consid. 2.3.1 précédent), ni de modifier la jurisprudence mentionnée au consid. 4.4.2 ci-dessus (cf. ATF 149 II 381, consid. 7.3.1 ; 149 II 354, consid. 2.3 ; 149 V 177, consid. 4.5). Il n’y a donc pas lieu d’aller plus avant sur ce point.

Consid. 4.4.4
Dans ce contexte, on ne voit pas pour quelle raison la décision de l’instance cantonale de renoncer à de nouvelles investigations violerait la maxime inquisitoire ou le droit d’être entendu (cf. sur l’appréciation anticipée des preuves : ATF 144 V 361, consid. 6.5 ; 136 I 229, consid. 5.3 ; arrêt 9C_298/2024 du 14 août 2024, consid. 5.2). Les arguments contestant la force probante de divers documents (en particulier la prise de position du SMR et le rapport d’enquête à domicile) ne portent pas sur les éléments décisifs (cf. consid. 4.2, 4.3 et 4.4.3 ci‑dessus) ; il n’y a pas lieu de les examiner plus avant.

Consid. 4.4.5
La question du besoin d’aide pour l’acte ordinaire de la vie « manger » n’est en définitive pas déterminante, car il convient de tenir compte d’un autre élément d’office dans l’application du droit.

Consid. 4.4.6
S’agissant d’un droit à une allocation pour impotent, un besoin d’aide pour l’acte ordinaire de la vie « aller aux toilettes » ne peut être pris en considération que dans la mesure où il est, au degré de la vraisemblance prépondérante, imputable à une atteinte à la santé. Cela ressort déjà du texte clair de l’art. 9 LPGA (dans ses versions allemande, française et italienne).

Le fait que l’assuré, lors de l’enquête sur place (à l’âge de trois ans et trois mois), portait des couches de jour comme de nuit et nécessitait une aide à cet égard n’a rien d’inhabituel, et encore moins de valeur pathologique en soi (cf. SVR 2012 KV n° 15 p. 57, arrêt 9C_567/2011, consid. 4.2.1, et les références), même si le chiffre 5 de l’annexe 2 de la CSI indique qu’un enfant de trois ans n’a généralement plus besoin de couches durant la journée. Ce fait n’a manifestement aucun lien de causalité avec la dermatite, une allergie alimentaire ou toute autre atteinte à la santé de l’assuré. Dès lors, la juridiction cantonale (comme l’office AI avant elle) a à tort admis un besoin d’aide important (supplémentaire) pour cet acte ordinaire de la vie.

Par conséquent, même si un besoin d’aide pour l’acte ordinaire « manger » devait être reconnu, il n’existerait de toute manière aucun droit à une allocation pour impotent, y compris au titre de l’art. 37 al. 3 let. a RAI. Le recours est infondé.

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_343/2025 consultable ici

 

Proposition de citation : 9C_343/2025 (d) du 08.08.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/10/9c_343-2025)

 

 

 

8C_411/2024 (d) du 11.08.2025, destiné à la publication – Infirmités congénitales « latentes » – Dysplasie congénitale des dents / 13 LAI – 3 al. 1 RAI – ch. 205 OIC-DFI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_411/2024 (d) du 11.08.2025, destiné à la publication

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Infirmité congénitale – Dysplasie congénitale des dents / 13 LAI – 3 al. 1 RAI – ch. 205 OIC-DFI

Infirmités congénitales dites « latentes »

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a jugé qu’une amélogenèse imparfaite causée par une mutation génétique constitue une infirmité congénitale au sens du ch. 205 OIC-DFI, même si toutes les dents atteintes ne sont pas encore sorties. Il a précisé que la limite des douze dents gravement touchées vise seulement à définir un degré minimal de gravité ouvrant droit aux prestations, et non à différer la reconnaissance du droit. Les infirmités congénitales dites « latentes », existant déjà à la naissance mais non encore visibles, peuvent également ouvrir droit à des mesures médicales dès qu’il est établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, qu’elles atteignent le degré requis.

 

Faits
Assuré, né en 2012, a fait une première demande à l’AI en 2014, en invoquant des troubles dentaires dus à une dysplasie congénitale des dents. L’office AI a rejeté cette demande par décisions en 2015, décisions confirmées par le tribunal cantonal le 10.02.2016.

À la suite d’une nouvelle demande, l’office AI a, par décision du 23.05.2018, refusé à nouveau le droit à des prestations. Après une troisième demande, l’office AI est entré en matière mais l’a rejetée par décision du 21.07.2023.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 30.05.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Aux termes de l’art. 13 al. 1 LAI, les assurés ont droit jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de 20 ans à des mesures médicales pour le traitement des infirmités congénitales. Est réputée infirmité congénitale, selon l’art. 3 al. 2 LPGA, toute maladie présente à la naissance accomplie de l’enfant.

Conformément à l’art. 13 al. 2 LAI, les mesures médicales au sens de l’art. 13 al. 1 LAI sont accordées pour le traitement des malformations congénitales, des maladies génétiques ainsi que des affections prénatales et périnatales qui font l’objet d’un diagnostic posé par un médecin spécialiste (let. a), engendrent une atteinte à la santé (let. b), présentent un certain degré de gravité (let. c), nécessitent un traitement de longue durée ou complexe (let. d), et peuvent être traitées par des mesures médicales au sens de l’art. 14 LAI (let. e).

Selon l’article 3, alinéa 1, lettre e, du RAI, une affection qui présente un certain degré de gravité – au sens de l’art. 13 al. 2 let. c LAI – est une affection qui, sans traitement, entraîne des limitations fonctionnelles durables ne pouvant plus être complètement corrigées.

Consid. 3.2
Selon l’art. 14ter al. 1 let. b LAI, le Conseil fédéral détermine les infirmités congénitales donnant droit à des mesures médicales en vertu de l’art. 13 LAI. Le Conseil fédéral a délégué cette compétence, à l’art. 3bis al. 1 RAI, au Département fédéral de l’intérieur (DFI). Sur la base de cette subdélégation, le Département a édicté l’ordonnance du DFI du 3 novembre 2021 concernant les infirmités congénitales (OIC-DFI ; RS 831.232.211) ; les infirmités congénitales sont énumérées dans l’annexe de cette ordonnance.

Consid. 3.3
La dysplasie dentaire congénitale est mentionnée au ch. 205 de l’annexe OIC-DFI, pour autant qu’au moins 12 dents de la seconde dentition après éruption sont très fortement atteintes. En cas d’odontodysplasie (dents fantômes), il suffit qu’au moins deux dents dans un quadrant soient atteintes. Le diagnostic doit être contrôlé par un représentant de la Société suisse des médecins-dentistes (SSO) reconnu par l’AI pour cet examen spécifique.

Selon le chiffre 205.2 de la circulaire sur les mesures médicales de réadaptation de l’AI (CMRM), entrent par exemple dans la catégorie visée sous le ch. 205 OIC-DFI l’amelogenesis imperfecta, la dentinogenesis imperfecta et la dysplasie dentaire. L’absence d’ébauches de dents permanentes compte comme dents atteintes (ch. 205.5 CMRM).

Consid. 4.1
Selon les constatations de fait de l’instance cantonale, l’assuré souffre, entre autres, d’une amélogenèse imparfaite causée par une mutation homozygote du gène LTBP3, et donc d’une affection dentaire pouvant, en principe, être rattachée à la notion de dysplasie dentaire congénitale au sens du chiffre 205 de l’annexe OIC-DFI. En raison de cette mutation génétique, il présente également une éruption dentaire fortement retardée ; au moment de la décision, seules six dents de la seconde dentition avaient percé. Comme le relève le tribunal cantonal, les radiographies orthopantomographiques montrent désormais que les dents retenues présentent elles aussi des altérations hypoplasiques. Les dents en train de percer devraient être traitées de manière conservatrice immédiatement après leur éruption afin d’éviter une dévitalisation.

Selon le chiffre 205 de l’annexe OIC-DFI, une dysplasie dentaire congénitale ne peut être reconnue comme une infirmité congénitale ouvrant droit à des mesures médicales au sens de l’art. 13 al. 1 LAI, que si au moins douze dents de la seconde dentition, après leur éruption, sont gravement atteintes. Étant donné qu’au moment de la décision, seules six dents avaient poussé, l’instance cantonale et l’office AI ont nié l’existence d’un tel droit.

Consid. 4.2
Le sens et le but de la restriction prévue au ch. 205 de l’annexe OIC-DFI, selon laquelle au moins douze dents de la seconde dentition doivent être très fortement atteintes après leur éruption, consistent à fixer un certain seuil minimal de gravité de l’infirmité congénitale à partir duquel les prestations de l’assurance-invalidité sont dues (cf. également arrêt I 173/97 du 6 novembre 1998, consid. 3c).

Les infirmités congénitales qui, même sans traitement, n’entraînent pas de limitations fonctionnelles durables ou qui ne peuvent plus être complètement corrigées ne donnent pas droit à des mesures médicales au sens de l’art. 13 LAI (cf. art. 13 al. 2 let. c LAI, en relation avec l’art. 3bis al. 1 RAI, a contrario ; cf. également Erwin Murer, Invalidenversicherungsgesetz [Art. 1–27 bis IVG], 2014, n° 130 s. ad art. 13 LAI). En revanche, cette restriction n’a pas pour but de reporter dans le temps le droit aux prestations pour des infirmités congénitales qui atteignent le degré minimal de gravité requis. Il est ainsi reconnu que les infirmités congénitales dites « latentes », c’est-à-dire celles qui étaient déjà présentes à la naissance mais qui n’étaient pas encore visibles de l’extérieur, peuvent également donner droit à une prestation.

En conséquence, le moment où une infirmité congénitale est reconnue comme telle n’a en principe pas d’importance (cf. Ulrich Meyer/Marco Reichmuth, Rechtsprechung des Bundesgerichts zum Bundesgesetz über die Invalidenversicherung, 4e éd. 2022, n° 5 ad art. 13 LAI ; Michel Valterio, Commentaire de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité (LAI), 2018, n° 7 ad art. 13 LAI). Ni l’assurance-invalidité ni la personne assurée n’ont intérêt à retarder le traitement d’une infirmité congénitale grave, ce qui rendrait ultérieurement le traitement plus difficile, voire compromettrait son succès.

Il s’ensuit, contrairement à ce qu’a retenu l’instance cantonale, qu’un droit à des mesures médicales ne naît pas seulement lorsque douze dents au moins de la seconde dentition ont percé et sont gravement atteintes, mais déjà à partir du moment où il est établi, selon le degré de preuve usuel en droit des assurances sociales – celui de la vraisemblance prépondérante (cf. ATF 150 II 321, consid. 3.6.3 ; 144 V 427, consid. 3.2 ; 139 V 176, consid. 5.3 ; 126 V 353, consid. 5b) –, qu’au moins douze dents de la seconde dentition seront gravement atteintes après leur éruption.

Consid. 4.3
Selon les constatations de fait de l’autorité cantonale, seules six dents de la seconde dentition avait poussé et étaient gravement atteintes au moment de la décision. Toutefois, il avait été démontré par orthopantomogramme que les dents incluses présentaient elles aussi des altérations hypoplasiques. Ainsi, au moment de la décision, une infirmité congénitale au sens du chiffre 205 de l’annexe OIC-DFI était établie. En conséquence, le recours doit être admis, le jugement entrepris et la décision de l’office AI doivent être annulés, et la cause renvoyée à l’office AI pour qu’il statue à nouveau, après examen des autres conditions du droit, sur le droit de l’assuré aux mesures médicales.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_411/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_411/2024 (d) du 11.08.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/10/8c_411-2024)

 

 

8C_183/2025 (f) du 12.06.2025 – Compétence ratione loci des tribunaux cantonaux / 58 LPGA – 119 al. 1 let. a OACI – 128 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_183/2025 (f) du 12.06.2025

 

Consultable ici

 

Compétence ratione loci des tribunaux cantonaux / 58 LPGA – 119 al. 1 let. a OACI – 128 OACI

 

Résumé
Dans le domaine de l’assurance-chômage, la compétence ratione loci se détermine selon le lieu où l’assuré se soumet au contrôle obligatoire auprès de l’ORP au moment de la décision attaquée, et non selon son domicile. Ainsi, lorsque la personne assurée réside dans un canton mais est contrôlée par un ORP situé dans un autre, le tribunal compétent est celui de ce second canton. En l’espèce, la compétence revenait au Tribunal cantonal fribourgeois, dès lors que la recourante – domiciliée en Valais – faisait l’objet du contrôle du chômage dans le canton de Fribourg au moment pertinent.

 

Faits
Par décision du 19.02.2024, la caisse de chômage à Sion a prononcé à l’encontre de l’assurée, domiciliée dans le canton du Valais, une suspension du droit à l’indemnité de chômage d’une durée de 31 jours, au motif qu’elle était sans travail par sa propre faute. L’assurée ayant contesté cette décision, la caisse de chômage l’a confirmée par décision sur opposition du 04.11.2024, laquelle a été notifiée à la résidence secondaire de l’assurée dans le canton de Fribourg.

 

Procédures cantonales

L’assuré a recouru contre la décision sur opposition devant le tribunal cantonal du canton de Fribourg. Estimant être incompétent ratione loci, ce dernier a déclaré le recours manifestement irrecevable et l’a transmis au tribunal cantonal du canton du Valais comme objet de sa compétence (jugement du 19.12.2024). Celui-ci s’est également déclaré incompétent à raison du lieu et n’est pas entré en matière sur le recours de l’assurée (jugement du 26.02.2025).

 

TF

Consid. 1
En recourant (en temps utile) contre la décision de non-entrée en matière du Tribunal cantonal du Valais du 26.02.2025, l’assurée a également respecté le délai de recours contre la décision du Tribunal du canton de Fribourg du 19.12.2024, par laquelle celui-ci a décliné sa compétence (art. 100 al. 1 et 5 LTF; ATF 148 I 104 consid. 1.1; 143 V 363 consid. 2; 139 V 127 consid. 5.3). Lorsque le second tribunal saisi n’entre pas en matière sur un recours en déclinant sa compétence à raison du lieu, le Tribunal fédéral doit examiner, dans le cadre de la procédure de recours introduite contre cette dernière décision, la compétence des deux tribunaux en question, sans être lié par la décision de non-entrée en matière du premier tribunal cantonal. Étant donné qu’en l’absence de compétence du second tribunal, il n’y aurait pas d’autre instance compétente, la décision de non-entrée en matière du premier tribunal cantonal ne peut pas entrer en force dans une telle situation procédurale (cf. ATF 143 V 363 consid. 2; 135 V 153 consid. 1.2 et les références).

Consid. 2.1
Dans les procédures en matière d’assurances sociales, l’art. 58 al. 1 LPGA prévoit, en ce qui concerne la compétence ratione loci des tribunaux cantonaux, la règle selon laquelle le tribunal des assurances compétent est celui du canton de domicile de l’assuré ou d’une autre partie au moment du dépôt du recours. Il convient toutefois de tenir compte d’éventuelles dérogations dans les dispositions spéciales de certaines branches d’assurances sociales (cf. ATF 136 V 106 consid. 3.2.3; arrêt 9C_738/2020 du 7 juin 2021 consid. 2.2).

Consid. 2.2
Dans le domaine de l’assurance-chômage, l’art. 100 al. 3 LACI confère au Conseil fédéral la compétence d’édicter des règles particulières de compétence dérogeant à l’art. 58 LPGA. Le Conseil fédéral a fait usage de cette compétence en édictant l’art. 128 OACI. Selon l’alinéa 1 de cette disposition, lorsque la décision attaquée a été rendue par une caisse de chômage, la détermination du tribunal cantonal des assurances s’opère selon les critères de l’art. 119 OACI. D’après l’art. 119 al. 1 let. a OACI, la compétence de l’autorité cantonale à raison du lieu se détermine d’après le lieu où l’assuré se soumet au contrôle obligatoire, pour l’indemnité de chômage (art. 18). L’art. 119 al. 2 OACI fixe comme moment déterminant celui où la décision est prise. Si, au moment où la décision est prise, l’assuré ne se soumet plus au contrôle, le tribunal compétent sera celui du lieu du domicile de l’assuré (art. 119 al. 1 let. e OACI; voir aussi BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 35 ad art. 100 LACI).

Consid. 2.3
En l’espèce, les juges cantonaux fribourgeois ont constaté, après s’être renseignés auprès du contrôle des habitants de la commune de U.__, que l’assurée avait une résidence secondaire dans le canton de Fribourg, depuis le 1er janvier 2024. Son domicile principal se trouvait dans le canton du Valais. Les juges cantonaux valaisans ont pour leur part constaté qu’il ressortait des dossiers de la caisse de chômage ainsi que de l’OORP de Morat que, depuis février 2024, l’assurée était contrôlée par l’ORP de Morat, région où elle séjournait la majeure partie de son temps et y recherchait un nouvel emploi. Dans sa prise de position concernant le recours de l’assurée devant le Tribunal fédéral, le Tribunal cantonal fribourgeois admet sa compétence à raison du lieu fondée sur l’art. 119 al. 1 let. a OACI en lien avec l’art. 128 al. 1 OACI.

Il résulte des constatations cantonales précitées, lesquelles ne sont au demeurant pas contestées, que l’assurée est certes domiciliée en Valais mais qu’au moment où la caisse de chômage a rendu sa décision sur opposition le 4 novembre 2024, l’assurée séjournait pendant la semaine dans le canton de Fribourg et faisait contrôler son chômage à l’ORP de Morat. Conformément à l’art. 119 al. 1 let. a OACI, c’est donc le tribunal cantonal des assurances du canton de Fribourg qui est compétent ratione loci pour statuer sur le recours de l’assurée contre la décision sur opposition litigieuse de la caisse de chômage.

Consid. 2.4
Vu ce qui précède, la décision de non-entrée en matière du Tribunal cantonal fribourgeois doit être annulée et l’affaire renvoyée à ce tribunal pour qu’il statue sur le fond du recours de première instance.

Consid. 3
L’assurée, qui a été contrainte de recourir à la fois contre la décision du 19 décembre 2024 et celle du 25 février 2025 pour sauvegarder ses droits, obtient gain de cause et ne peut donc pas se voir imputer des frais judiciaires. Il en va de même de l’intimée, qui a renoncé à se déterminer sur le recours et ne voit pas sa décision du 4 novembre 2024 annulée ou réformée. Conformément à l’art. 66 al. 4 LTF, des frais judiciaires ne peuvent pas non plus être mis à la charge du Tribunal cantonal fribourgeois, et encore moins à la charge du Tribunal cantonal du Valais. Par conséquent, on renoncera à percevoir des frais judiciaires. L’assurée a droit à des dépens à la charge de l’État de Fribourg (art. 68 al. 4 en lien avec l’art. 66 al. 3 LTF; cf. arrêt 8C_750/2018 du 6 mai 2019 consid. 6, non publié in: ATF 145 V 247; 9C_18/2017 consid. 6, non publié in: ATF 143 V 363 et les arrêts cités).

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

Arrêt 8C_183/2025 consultable ici

 

 

Un rapport met en lumière le potentiel d’amélioration dans le 2e pilier pour les personnes au service de plusieurs employeurs

Un rapport met en lumière le potentiel d’amélioration dans le 2e pilier pour les personnes au service de plusieurs employeurs

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 22.10.2025 consultable ici

Arianna Lüscher/Astrid von Wyl, Comment améliorer la prévoyance professionnelle des personnes travaillant pour plusieurs employeurs ?, in Sécurité Sociale CHSS du 22.10.2025 disponible ici

 

Les personnes cumulant plusieurs emplois sont généralement moins bien assurées dans la prévoyance professionnelle que celles n’ayant qu’un seul employeur. La solution la plus efficace à ce problème serait d’abaisser le seuil d’entrée et la déduction de coordination, et de rendre obligatoire l’assurance de l’activité lucrative accessoire. Cet ensemble de modifications permettrait d’améliorer la prévoyance des personnes touchant un bas salaire, ainsi que celle des personnes travaillant à temps partiel ou cumulant plusieurs emplois. Tel est le constat que dresse le Conseil fédéral dans un rapport adopté lors de sa séance du 22 octobre 2025.

À revenu égal, les personnes travaillant pour le compte d’un seul employeur sont mieux assurées dans le 2e pilier que celles ayant plusieurs employeurs. En effet, pour la majorité des travailleurs occupant plusieurs postes, seule l’activité principale est couverte par l’assurance obligatoire. Les autres revenus sont considérés comme provenant d’une activité accessoire et ne sont assurés que sur une base volontaire. Les institutions de prévoyance peuvent appliquer aux bas salaires des conditions d’assurance particulières, comme par exemple une déduction de coordination moins élevée que celle prescrite par la loi, ou encore la couverture de salaires inférieurs au seuil d’entrée du 2e pilier.

Dans son postulat 23.4168 (« Améliorer la situation vis-à-vis du deuxième pilier des personnes cumulant plusieurs emplois »), le conseiller national Thomas Rechsteiner a chargé le Conseil fédéral de présenter un rapport indiquant comment améliorer la prévoyance professionnelle des personnes travaillant pour le compte de plusieurs employeurs.

Dans ce rapport, le Conseil fédéral analyse divers modèles visant à améliorer dans le 2e pilier la situation des travailleurs cumulant plusieurs emplois. Cette question avait déjà été abordée dans le cadre de la première réforme de la LPP, de la réforme Prévoyance vieillesse 2020 et de la réforme LPP ; elle a également suscité plusieurs interventions parlementaires. Le rapport relève que la prévoyance professionnelle obligatoire offre peu de possibilités d’améliorer la situation actuellement peu satisfaisante des personnes cumulant plusieurs emplois.

 

Abaisser le seuil d’entrée et réduire la déduction de coordination

Dans son rapport, le Conseil fédéral parvient à la conclusion que le meilleur moyen d’améliorer la prévoyance professionnelle des personnes cumulant plusieurs emplois est d’abaisser le seuil d’entrée, de diminuer la déduction de coordination et d’éliminer la distinction entre activité principale et activité accessoire. Cet ensemble de mesures permettrait d’augmenter tant le nombre des assurés que le salaire assuré.

Le rapport avertit également sur les conséquences d’un tel élargissement de l’obligation d’assurance : si le taux de conversion minimal, actuellement déjà trop élevé, n’est pas simultanément abaissé, le défaut de financement déjà présent dans l’assurance obligatoire est appelé à s’accentuer encore. Le taux de conversion est le paramètre qui sert à déterminer la rente de vieillesse dans le 2e pilier. S’il est trop élevé, cela crée un déséquilibre entre la prestation à verser et son financement. Une des conséquences de ce déséquilibre est l’apparition, au sein des institutions de prévoyance proches du minimum légal, de subventionnements croisés, c’est-à-dire que les assurés actifs financent les rentes des retraités, ce qui réduit leurs propres futures rentes.

Les solutions alternatives ne modifiant ni le seuil d’entrée ni la déduction de coordination sont difficiles à mettre en œuvre. Elles entraîneraient en outre un coût et une charge administrative supplémentaires élevés, mais n’amélioreraient que de façon marginale la prévoyance professionnelle des personnes concernées.

 

Résumé du rapport du Conseil fédéral du 22.10.2025 donnant suite au postulat 23.4168 Rechsteiner

Le projet répond au constat que le système actuel de prévoyance professionnelle obligatoire ne tient pas suffisamment compte des évolutions du marché du travail, notamment la diversification des formes d’emploi avec un recours accru au travail à temps partiel et au cumul d’emplois. La loi datant de 1985 a été conçue pour un salarié unique travaillant à plein temps, ce qui crée des inégalités pour les personnes cumulant plusieurs emplois ou travaillant à temps partiel, majoritairement des femmes.

Aujourd’hui, en Suisse, environ 8,2% des actifs déclarent avoir plus d’un emploi, et un nombre important parmi eux ne bénéficie pas d’une couverture adéquate dans le deuxième pilier (LPP). En effet, pour être assuré, le salaire perçu auprès d’un même employeur doit dépasser un seuil d’entrée fixé à 22 680 francs (2025). Par ailleurs, la prévoyance professionnelle obligatoire n’assure pas la totalité du salaire annuel, mais seulement le salaire coordonné, obtenu par application d’une déduction de coordination. Cette déduction de coordination s’élève dans la LPP à 26 460 francs (montant de 2025) et elle est indépendante du taux d’occupation. Un autre élément important est que le salaire annuel assuré obligatoirement est limité à 90 720 francs (limite supérieure du salaire annuel, montant de 2025). Le salaire coordonné maximal est par conséquent de 64 260 francs (différence entre la limite supérieure du salaire annuel de 90 720 francs et la déduction de coordination de 26 460 francs).

Les conséquences du régime légal actuel dans la prévoyance professionnelle obligatoire peuvent être démontrées à l’aide des exemples suivants :

 

Salarié 1

Salarié 2

Salarié 3

Salaire annuel – employeur 1

CHF 60’000

CHF 40’000

CHF 20’000

Salaire annuel – employeur 2

CHF 20’000

CHF 20’000

Salaire annuel – employeur 3

CHF 20’000

Assujettissement à la prévoyance professionnelle

Oui
(salaire complet)

Oui
(pour CHF 40’000)

Non

Salaire coordonné – employeur 1

CHF 33’540
(60’000 – 26’460)

CHF 13’540
(40’000 – 26’460)

Salaire coordonné total

CHF 33’540

CHF 13’540

Le cumul des salaires de plusieurs employeurs n’est donc pas pris en compte pour l’assurance obligatoire et seule une activité principale est assurée, les revenus accessoires restent souvent non couverts ou assurés sur une base volontaire. Ce traitement différencié crée un traitement inégal pour des salariés percevant un revenu global identique selon qu’ils ont un ou plusieurs employeurs.

Le rapport du Conseil fédéral analyse plusieurs modèles d’amélioration de la couverture du deuxième pilier pour ces personnes. Une modification du seuil d’entrée et des mesures concernant la déduction de coordination produisent le meilleur effet positif sur la prévoyance pour les bas salaires et également en cas de temps partiel et de cumul d’emplois. Ces modèles seraient la plupart du temps réalisables moyennant de faibles charges (ou un faible surcroît de charges) pour les employeurs et les institutions de prévoyance.

Ces changements permettraient à davantage de salariés cumulant plusieurs emplois, à temps partiel, ou ayant des bas salaires d’être assurés dans le cadre obligatoire, avec une meilleure couverture. Cela garantirait une égalité de traitement quel que soit le nombre d’employeurs et supprimerait les lacunes actuelles liées aux critères rigides de seuil et de distinction des activités.

Toutefois, le rapport souligne aussi les risques liés à un élargissement de l’obligation d’assurance sans réformes du taux de conversion minimal, déjà considéré comme trop élevé, ce qui aggraverait le déficit de financement du régime obligatoire. Cela pourrait accentuer des subventionnements croisés entre assurés actifs et bénéficiaires de rentes.

L’étude examine aussi diverses autres propositions, notamment l’extension de l’assurance facultative obligatoire, la totalisation des salaires pour un seul assujettissement, l’introduction d’un plan de prévoyance simplifié pour les bas salaires, ou encore l’intégration du modèle spécifique « Swissstaffing » pour les travailleurs flexibles. Ces alternatives présentent diverses limites, charges administratives accrues et gains moindres.

Le rapport constate que si rien n’est fait, la responsabilité d’une meilleure couverture des personnes concernées reste à la charge des institutions de prévoyance, des employeurs et des partenaires sociaux via des solutions surobligatoires.

Enfin, la réforme s’inscrit dans un contexte de nombreuses interventions parlementaires appelant à une mise à jour législative qui tienne compte des nouvelles réalités du marché du travail et des attentes en matière de prévoyance professionnelle, notamment pour les femmes, majoritairement concernées par la flexibilité et la pluriactivité.

Ce projet législatif représente donc un pas important vers une adaptation nécessaire du deuxième pilier qui puisse mieux couvrir les besoins des travailleurs cumulant plusieurs emplois, à temps partiel ou avec des bas salaires, et offrir ainsi une plus grande équité et sécurité sociale pour ces catégories professionnelles.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 22.10.2025 consultable ici

Arianna Lüscher/Astrid von Wyl, Comment améliorer la prévoyance professionnelle des personnes travaillant pour plusieurs employeurs ?, in Sécurité Sociale CHSS du 22.10.2025 disponible ici

Rapport du Conseil fédéral du 22.10.2025 donnant suite au postulat 23.4168 Rechsteiner disponible ici

Postulat Rechsteiner 23.4168 « Améliorer la situation vis-à-vis du deuxième pilier des personnes cumulant plusieurs emplois » consultable ici

 

 

8C_289/2024 (d) du 28.07.2025 – Violation de l’obligation de tenue de dossier et obstruction à la preuve – 46 LPGA / Refus de l’assurance-accidents de transmettre au tribunal et à l’assuré le dossier que lui a remis l’office AI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_289/2024 (d) du 28.07.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Maxime inquisitoire / 43 LPGA – 61 LPGA

Violation de l’obligation de tenue de dossier et obstruction à la preuve / 46 LPGA

Refus de l’assurance-accidents de transmettre au tribunal et à l’assuré le dossier que lui a remis l’office AI

L’art. 33 LPGA ne vise ni la personne assurée ni les tribunaux

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a admis le recours d’un assuré contre la suppression de sa rente d’invalidité par son assureur-accidents. Notre Haute Cour a jugé que l’assureur-accidents avait violé son obligation de produire l’intégralité du dossier, en particulier les documents provenant de l’assurance-invalidité, qu’il avait conservés sans les transmettre au tribunal cantonal. Ni le fait de ne pouvoir garantir l’exhaustivité de ces dossiers ni l’indication de l’office AI de ne pas communiquer les pièces à des tiers (art. 33 LPGA) ne justifiaient un tel refus.

 

Faits
Le 22.04.1994, l’assuré, né en 1963, a subi un accident de la circulation. Pour les séquelles permanentes de cet accident, l’assurance-accidents lui a alloué, par décision du 16.04.1998, une IPAI de 35%. Par décision du 22.09.1998, l’assureur lui a en outre octroyé, dès le 01.10.1998, une rente fondée sur un taux d’invalidité de 46%. Ces deux décisions sont entrées en force.

En janvier 2021, l’assurance-accidents a ouvert une procédure de révision de la rente. La rente a été supprimée avec effet au 28.02.2022, par décision du 03.02.2022, confirmée sur opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2023.00032 – consultable ici)

Par jugement du 29.02.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 43 al. 1 LPGA, l’assureur (et, conformément à l’art. 61 let. c LPGA, également le tribunal des assurances sociales) doit – selon la maxime inquisitoire – établir d’office les faits déterminants de manière correcte et complète afin que la décision concernant la prestation litigieuse puisse être rendue sur cette base (art. 49 LPGA ; ATF 136 V 376 consid. 4.1.1). Le devoir d’instruction s’étend jusqu’à ce que les faits nécessaires à l’examen des prétentions en cause soient suffisamment élucidés. Le principe inquisitoire est étroitement lié au principe de la libre appréciation des preuves, applicable tant au niveau administratif qu’au niveau judiciaire.

Si l’assureur ou le tribunal, se fondant sur une appréciation consciencieuse des preuves fournies par les investigations auxquelles il doit procéder d’office, est convaincu que certains faits présentent un degré de vraisemblance prépondérante (ATF 126 V 353 consid. 5b ; 125 V 193 consid. 2) et que d’autres mesures probatoires ne pourraient plus modifier cette appréciation, il est superflu de rechercher d’autres preuves. Une telle manière de procéder ne viole pas le droit d’être entendu (appréciation anticipée des preuves ; ATF 146 V 240 consid. 8.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 124 V 90 consid. 4b).

En cas de doute important quant à l’exactitude et/ou à l’exhaustivité des faits, il convient de compléter l’instruction, pour autant que l’on peut encore attendre un résultat probant des mesures d’instruction supplémentaires (arrêt 8C_594/2024 du 20 juin 2025 consid. 4.1 ; SVR 2010 AlV Nr. 2 p. 3 consid. 2.2 et la référence, 8C_269/2009).

Consid. 3.2
Il ne dépend pas du bon vouloir de l’autorité, dans le cadre d’une procédure de recours, de ne transmettre au tribunal que les pièces qu’elle considère comme nécessaires et déterminantes pour l’appréciation du cas (arrêt 8C_616/2013 du 28 janvier 2014 consid. 2.1). Autrement, les principes de preuve exposés ci-dessus seraient vidés de leur substance (SVR 2010 AlV n° 2 p. 3 consid. 5.2.2, 8C_269/2009 ; arrêt 8C_751/2009 du 24 février 2010 consid. 4.3.2). Le droit constitutionnel à une tenue de dossier ordonnée et claire impose aux autorités et aux tribunaux de garantir l’exhaustivité des pièces produites ou établies au cours de la procédure (ATF 138 V 218 consid. 8.1.2 ; SVR 2011 IV n° 44 p. 131 consid. 2.2.1, 8C_319/2010 ; arrêt 5A_341/2009 du 30 juin 2009 consid. 5.2).

Pour les assureurs soumis à la partie générale du droit des assurances sociales, l’obligation de tenue de dossier a été concrétisée au niveau légal à l’art. 46 LPGA. Selon cette disposition, lors de chaque procédure relevant des assurances sociales, l’assureur enregistre de manière systématique tous les documents qui peuvent être déterminants (ATF 138 V 218 consid. 8.1.2 ; voir aussi arrêt 9C_171/2024 du 8 novembre 2024 consid. 4.3.2).

En outre, les documents doivent être classés dès le début dans l’ordre chronologique ; en cas de demande de consultation du dossier et au plus tard au moment de la décision, le dossier doit également être paginé dans son intégralité (SVR 2011 IV n° 44 p. 131 consid. 2.2.2, 8C_319/2010). En règle générale, il convient également d’établir un répertoire des pièces contenant une liste chronologique de toutes les écritures produites dans le cadre d’une procédure (arrêt 2C_327/2010 du 19 mai 2011 consid. 3.2, non publié in ATF 137 I 247 ; SVR 2011 IV n° 44 p. 131 consid. 2.2.2, 8C_319/2010).

Une violation de l’obligation de tenue de dossier, par omission ou suppression de documents, peut – sous réserve de simples irrégularités mineures dans la gestion du dossier – constituer une obstruction à la preuve et entraîner un renversement du fardeau objectif de la preuve (arrêt 8C_545/2021 du 4 mai 2022 consid. 5.2.2 et la référence à l’ATF 138 V 218 consid. 8.1 et 8.3).

Consid. 3.3
Conformément à l’art. 32 al. 1 LPGA, les autorités administratives et judiciaires de la Confédération, des cantons, des districts, des circonscriptions et des communes fournissent gratuitement aux organes des assurances sociales, dans des cas particuliers et sur demande écrite et motivée, les données qui leur sont nécessaires pour fixer ou modifier des prestations, ou encore en réclamer la restitution, pour prévenir des versements indus, pour fixer et percevoir les cotisations ainsi que pour faire valoir une prétention récursoire contre le tiers responsable.

Les organes des assurances sociales se prêtent mutuellement assistance aux mêmes conditions (art. 32 al. 2 LPGA).

Les personnes qui participent à l’application des lois sur les assurances sociales ainsi qu’à son contrôle ou à sa surveillance sont tenues, conformément à l’art. 33 LPGA, de garder le secret à l’égard des tiers.

Consid. 4
Dans sa prise de position du 28 juin 2024, l’assurance-accidents reconnaît être en possession de dossiers de l’office AI qu’elle n’a pas transmis au tribunal cantonal. À cet égard, elle fait valoir, d’une part, qu’elle ne peut garantir l’exhaustivité de ces dossiers et, d’autre part, que ceux-ci lui ont été remis par l’office AI sous la condition de ne pas les communiquer à des tiers. Ces deux motifs ne constituent toutefois pas des raisons suffisantes pour refuser à l’assuré la consultation de ces dossiers et pour ne pas les soumettre au tribunal.

Si l’office AI a, lors de la transmission des dossiers, fait référence à l’art. 33 LPGA selon lequel les dossiers ne peuvent être communiqués à des tiers, cette mention ne saurait viser ni la personne assurée ni les tribunaux chargés d’examiner la légalité des décisions de l’assurance-accidents. De même, la question de savoir comment la personne assurée doit procéder lorsqu’elle constate que les dossiers AI sont incomplets – et s’elle doit s’en prévaloir auprès de l’assurance-accidents ou de l’office AI – doit être séparée de la question de la consultation et de la communication des dossiers dans le cadre de la procédure judiciaire.

Aucun autre intérêt public ou privé prépondérant susceptible de s’opposer à la production de ces dossiers (sur la justification d’un refus du droit de consulter le dossier : arrêt 9C_171/2024 du 8 novembre 2024 consid. 4.3.2 et les références) n’a été allégué ni n’apparaît manifeste. En l’espèce, rien ne justifie donc de retenir ces dossiers et de ne pas les communiquer au tribunal cantonal.

Par conséquent, le recours doit être admis, le jugement cantonal annulé, et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu’elle statue à nouveau sur le recours contre la décision sur opposition du 18 janvier 2023, après production de l’ensemble du dossier – notamment des dossiers AI disponibles. Ce faisant, elle devra tenir compte de la jurisprudence récente du Tribunal fédéral, selon laquelle l’octroi d’une prestation par l’assurance-accidents implique toujours un examen au moins implicite du lien de causalité adéquate et qu’une reconsidération n’est admissible que si cet examen implicite du caractère adéquat était manifestement erroné au regard de la situation de fait et de droit prévalant au moment de la décision initiale (arrêt 8C_698/2023 du 27 novembre 2024 consid. 5 et 6 ; voir également arrêt 8C_325/2024 du 20 février 2025 consid. 5.2).

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_289/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_289/2024 (d) du 28.07.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/10/8c_289-2024)

 

 

9C_577/2024 (f) du 09.07.2025, destiné à la publication – Qualité de bénéficiaires en cas de décès – 15 OLP / Droit aux prestations décès d’une concubine vs de l’ex-épouse

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_577/2024 (f) du 09.07.2025, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Qualité de bénéficiaires en cas de décès / 15 OLP – 19 LPP – 20 OPP 2

Droit aux prestations décès d’une concubine vs de l’ex-épouse – Conditions pour assimiler l’ex-épouse à une veuve / 20 al. 1 OPP 2

Cercle prioritaire des bénéficiaires en vertu des art. 15 al. 1 let. b ch. 1 OLP

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a précisé les conditions dans lesquelles une ex-conjointe peut être assimilée à une veuve pour prétendre à une prestation de libre passage après le décès de son ancien époux. Il précise également que l’ordre des bénéficiaires prévu par l’art. 15 OLP doit être respecté : même si l’assuré dispose de la faculté de préciser les droits de chacun et d’inclure d’autres personnes dans le cercle bénéficiaire, il ne peut exclure totalement un bénéficiaire prioritaire. Enfin, la délégation légale permettant au Conseil fédéral de fixer les conditions du droit du conjoint divorcé à des prestations pour survivants ne l’autorise pas à restreindre ou supprimer ce droit par voie réglementaire.

Ainsi, l’ex-épouse et la compagne du défunt appartiennent toutes deux au cercle prioritaire des bénéficiaires au sens de l’ordonnance sur le libre passage et du règlement de la fondation concernée. La cause a été renvoyée à la juridiction cantonale afin qu’elle répartisse entre elles le capital de libre passage contesté.

 

Faits
Assuré, né en 1954, et son épouse, née en 1949, se sont mariés en 1976 et ont eu deux enfants, nés en 1977 et 1980. Leur mariage a été dissous par jugement de divorce du 20 mai 1998, la convention homologuée prévoyant le versement d’une pension mensuelle de 1’800 fr. à l’épouse, augmentée de 500 fr. dès que les enfants auraient acquis leur indépendance financière.

Le 25 juin 2015, l’assuré a demandé à la Banque cantonale de Fribourg (BCF) que le capital de son compte de libre passage soit mis à disposition de sa compagne, avec qui il faisait ménage commun depuis 10 ans, et a désigné celle-ci comme bénéficiaire pour le versement de prestations en cas de décès à 100% du capital-décès auprès de la Fondation de prévoyance de son dernier employeur, la Fondation D.__. Par testament olographe du 20 janvier 2016, il a institué héritiers ses deux enfants pour trois quarts et sa compagne pour un quart.

À la suite du décès de l’assuré survenu le 1er février 2016, ses enfants et sa compagne ont conclu une convention le 26 juin 2016, par laquelle la compagne s’engageait à répudier la succession et à renoncer à ses droits successoraux en faveur des enfants, lesquels renonçaient, en sa faveur, à leurs prétentions relatives au compte auprès de la Fondation de libre passage. La compagne a perçu des prestations de la Fondation D.__, en qualité de bénéficiaire des avoirs, conformément au formulaire transmis par le défunt en juin 2015.

En août et septembre 2016, la BCF l’a informée que l’ex-épouse de l’assuré faisait valoir des prétentions sur le compte de libre passage du défunt, non manifestement injustifiées, de sorte qu’en l’absence de décision judiciaire définitive et exécutoire ou d’un accord écrit entre les intéressées, elle ne pouvait libérer les avoirs litigieux. Malgré les échanges ultérieurs, la BCF a maintenu sa position.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2023 161 – consultable ici)

La compagne a ouvert action contre la Fondation de libre passage. L’ex-épouse a été intégrée à la procédure comme intervenante. Par arrêt du 04.09.2024, la juridiction cantonale a partiellement admis l’action et ordonné à la Fondation de verser la totalité du capital sur le compte indiqué par la compagne, avec intérêts.

 

TF

Consid. 1.2.2
Dans le domaine des assurances sociales, l’institution de l’intervention vise à éviter que des décisions contradictoires ne soient rendues dans la même affaire et vise également une fonction de coordination du droit matériel (arrêts 9C_627/2023 du 25 juin 2024 consid. 6.3.2; 9C_198/2017 et 9C_199/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.1; cf. aussi arrêt 9C_717/2023 du 7 août 2024 consid. 4.4, non publié in ATF 151 III 143). L’intervention de partie n’a pas d’autres effets (ATF 130 V 501 consid. 1.2). Dès lors, les personnes intégrées dans la procédure par le biais de l’intervention n’ont aucune obligation qui découlerait de l’issue de la première procédure; celles-ci devront en revanche se laisser opposer les effets de cette décision dans d’autres procédures ultérieures (cf. arrêt 9C_198/2017 et 9C_199/2017 du 29 août 2017 consid. 3.2.2).

Consid. 1.2.3
En l’espèce, l’ex-épouse a pris part à la procédure en question, certes pas en tant que partie principale, mais en qualité d’intervenante. Comme elle le fait valoir, lui dénier la qualité pour recourir reviendrait à lui opposer les effets de l’arrêt cantonal, en ce que la juridiction cantonale a nié ses prétentions sur le capital litigieux, sans lui laisser la possibilité de faire valoir ses droits dans une autre procédure distincte, ce qui n’est pas compatible avec les garanties de procédure (cf. art. 29 à 30 Cst., art. 6 CEDH; cf. également FLORIAN BRUNNER, Verfahren mit mehreren Parteien im öffentlichen Recht, 2021, n° 460). Par ailleurs, les conclusions de l’ex-épouse ont été rejetées devant la juridiction cantonale, ce qui est une condition supplémentaire pour qu’elle puisse recourir devant le Tribunal fédéral (art. 89 al. 1 let. b et c LTF). Partant, quoi qu’en dise la compagne à cet égard, la recevabilité du recours déposé par l’ex-épouse ne prête pas le flanc à la critique sous l’angle de l’art. 89 al. 1 LTF.

Consid. 3.1
Selon l’art. 15 al. 1 let. b ch. 1 et 2 OLP, ont qualité de bénéficiaires s’agissant du maintien de la prévoyance, en cas de décès, les personnes ci-après dans l’ordre suivant : les survivants au sens des art. 19, 19a et 20 LPP (ch. 1), ainsi que les personnes à l’entretien desquelles l’assuré subvenait de façon substantielle, ou la personne qui avait formé avec lui une communauté de vie ininterrompue d’au moins cinq ans immédiatement avant le décès ou qui doit subvenir à l’entretien d’un ou de plusieurs enfants communs (ch. 2). L’assuré peut préciser dans le contrat les droits de chacun des bénéficiaires et inclure dans le cercle des personnes défini à l’al. 1, let. b, ch. 1, celles qui sont mentionnées au ch. 2 (art. 15 al. 2 OLP).

Consid. 3.2
Conformément à l’art. 19 al. 1 LPP, le conjoint survivant a droit à une rente si, au décès de son conjoint, il remplit l’une ou l’autre des conditions suivantes : il a au moins un enfant à charge (let. a) ; il a atteint l’âge de 45 ans et le mariage a duré au moins cinq ans (let. b). L’art. 19 al. 3 LPP précise que le Conseil fédéral définit le droit du conjoint divorcé à des prestations pour survivants. Faisant usage de cette délégation de compétence, le Conseil fédéral a adopté l’art. 20 OPP 2.

Aux termes de l’art. 20 al. 1 OPP 2, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016 (RO 2004 4279 et 4653), applicable en l’espèce (ATF 148 V 174 consid. 4.1 et les références), le conjoint divorcé est assimilé au veuf ou à la veuve en cas de décès de son ancien conjoint à la condition que son mariage ait duré dix ans au moins (let. a) et qu’il ait bénéficié, en vertu du jugement de divorce, d’une rente ou d’une indemnité en capital en lieu et place d’une rente viagère (let. b).

Consid. 3.3 [résumé]
Selon l’art. 6 du règlement de la Fondation de libre passage, en vigueur au moment du décès, sont bénéficiaires (art. 15 OLP), dans l’ordre, les survivants visés par les art. 19, 19a et 20 LPP, puis les personnes à l’entretien desquelles le preneur subvenait de manière substantielle ou celles ayant formé avec lui une communauté de vie d’au moins cinq ans avant le décès, ou encore celles chargées de subvenir à l’entretien d’enfants communs. L’assuré peut, par écrit et par courrier recommandé, préciser les droits de chacun et inclure dans le premier cercle les personnes du second. À défaut d’une déclaration écrite reçue par la fondation, le capital est réparti proportionnellement entre les ayants droit selon l’ordre établi.

La version postérieure du règlement (état au 1er septembre 2023) consacre ces principes dans l’art. 8, qui maintient l’ordre de priorité et la faculté d’aménagement des droits des bénéficiaires (art. 8 al. 1 et 2). Elle introduit l’usage d’un formulaire pour modifier cet ordre ou définir plus précisément les droits en cas de décès (art. 8 al. 3) et autorise la fondation à exiger des compléments d’information ou des documents pour vérifier le droit aux prestations (art. 8 al. 8).

Consid. 6.1
Conformément à l’art. 15 al. 1 let. b OLP, les bénéficiaires prioritaires s’agissant du maintien de la prévoyance sont les survivants au sens des art. 19, 19a et 20 LPP. Ces bénéficiaires, qui disposent d’un droit originaire qui leur est conféré par la loi (art. 15 OLP qui renvoie aux art. 19 à 20 LPP; arrêts 9C_52/2024 du 6 mars 2025 consid. 4.2.2; 9C_124/2015 du 19 octobre 2015 consid. 3.3), sont donc identiques aux bénéficiaires de prestations de la prévoyance obligatoire (art. 19, 19a et 20 LPP). Pour les autres rangs (art. 15 al. 1 let. b ch. 2-4 OLP), le cercle des bénéficiaires est exhaustif et correspond à celui de l’art. 20a LPP (cf. Rapport du Conseil fédéral « Analyse de la flexibilisation de l’ordre des bénéficiaires du pilier 3a » du 7 juin 2024 donnant suite au postulat 22.3220 Nantermod du 17 mars 2022, ch. 3.3.2; cf. aussi Message relatif à la révision de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité [LPP] [1 re révision LPP] du 1er mars 2000, FF 2000 2495, 2541, ch. 2.9.6.3).

Il résulte de l’art. 15 al. 1 let. b ch. 1 et 2 OLP que si le concubin (au sens défini par la disposition) peut se voir reconnaître le droit à la prestation de libre passage, son droit est en principe subordonné à la condition que le défunt n’ait pas de survivants au sens des art. 19, 19a et 20 LPP. Dans la mesure où les fondations de libre passage n’accordent pas de prestations aux survivants selon les art. 19, 19a et 20 LPP, ceux-ci sont en effet des ayants droit prioritaires à la prestation de libre passage (art. 15 al. 1 let. b ch. 1 OLP). Ainsi, lorsque le défunt était marié ou lié par un partenariat enregistré, ou s’il avait des enfants, le concubin n’a droit à la prestation de libre passage que si le défunt l’a inclus dans le cercle des ayants droit prioritaires selon l’art. 15 al. 1 let. b ch. 1 OLP, comme l’y autorise l’art. 15 al. 2 OLP (cf. STÉPHANIE PERRENOUD, Familles et sécurité sociale en Suisse: l’état civil, un critère pertinent ?, 2022, n° 1750; cf. aussi MARC HÜRZELER, Berufliche Vorsorge, Ein Grundriss für Studium und Praxis, 2020, n° 288). Le but de cette dernière disposition est de conférer à l’assuré la possibilité de tenir compte de l’objectif de prévoyance, par exemple en prenant en considération la situation personnelle et financière particulière des bénéficiaires (HÜRZELER, op. cit., n° 289). Cela étant, l’ordre des bénéficiaires prévu par l’art. 15 OLP doit être respecté. Cela signifie que si l’assuré fait usage de la possibilité prévue à l’art. 15 al. 2 OLP – à savoir qu’il peut préciser dans le contrat les droits de chacun des bénéficiaires et inclure dans le cercle des personnes défini à l’art. 15 al. 1 let. b ch. 1 OLP celles qui sont mentionnées à l’art. 15 al. 1 let. b ch. 2 OLP -, il ne peut exclure totalement un des bénéficiaires du ch. 1 de l’art. 15 al. 1 let. b OLP en réduisant sa part à néant (cf. Rapport du Conseil fédéral du 7 juin 2024 précité, ch. 3.3.2; cf. aussi OFAS, Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 79 du 27 janvier 2005, ch. 472 p. 9; cf. également HÜRZELER, op. cit., n° 289).

On rappellera au demeurant que selon la jurisprudence, les règles applicables aux bénéficiaires de prestations pour survivants des institutions de prévoyance selon l’art. 20a LPP et aux prestations de libre passage selon l’art. 15 OLP concernent des états de fait différents. L’exclusion du versement de prestations pour survivants aux bénéficiaires de prestations selon l’art. 20a al. 1 LPP (catégorie au sein de laquelle s’inscrit en particulier la personne qui a formé avec le défunt une communauté de vie ininterrompue d’au moins cinq ans immédiatement avant le décès ou qui doit subvenir à l’entretien d’un ou de plusieurs enfants communs) en raison de la perception d’une rente de veuf ou de veuve, comme le prévoit l’art. 20a al. 2 LPP, ne s’applique pas aux prestations de libre passage (ATF 135 V 80 consid. 3.4).

Consid. 6.2
Dans la prévoyance obligatoire, les bénéficiaires de prestations de survivants, qui sont désignés de manière impérative par la loi (cf. art. 19, 19a et 20 LPP), comprennent le conjoint et le partenaire enregistré survivants (art. 19 et 19a LPP), l’ex-conjoint et l’ex-partenaire enregistré survivants (art. 19 al. 3 et 19a LPP et 20 OPP 2), ainsi que les orphelins (art. 20 LPP; cf. PERRENOUD, op. cit., n os 1659 et 1718; de cet avis également, notamment: ESTHER AMSTUTZ, in Basler Kommentar, Berufliche Vorsorge, 2021, n° 1 ad art. 20a LPP; MARC HÜRZELER/ GUSTAVO SCARTAZZINI, in Commentaire LPP et LFLP, 2e éd. 2020, n os 1 et 37 ad art. 20a LPP).

Ainsi, le principe selon lequel le conjoint divorcé a droit à une rente de survivant de la prévoyance professionnelle obligatoire est prévu dans la loi, à l’art. 19 al. 3 LPP. La délégation de compétence que contient cette disposition (consid. 3.2 supra), dont le Conseil fédéral a fait usage en adoptant l’art. 20 OPP 2, ne porte que sur les conditions du droit du conjoint divorcé à des prestations pour survivants; elle n’autorise pas le Conseil fédéral à supprimer, par la voie réglementaire, le droit du conjoint divorcé à de telles prestations (cf. Message à l’appui d’un projet de loi sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité du 19 décembre 1975, FF 1976 I 117, 199, ch. 521.32; cf. aussi Message relatif à la 1re révision LPP précité, FF 2002 2495, 2549, ch. 4.1, selon lequel la nouvelle formulation de l’al. 3 [de l’art. 19] rend possible que l’ex-mari ait droit à une rente de veuf aux mêmes conditions que la femme survivante divorcée).

Consid. 6.3
En définitive, en considérant que les conjoints divorcés ne sont pas inclus dans le cercle des conjoints survivants selon l’art. 19 LPP, auquel renvoient les art. 15 al. 1 let. b ch. 1 OLP et 8 du règlement de la Fondation de libre passage, la juridiction cantonale a violé le droit. Un conjoint divorcé fait partie du cercle prioritaire des ayants droit selon les dispositions précitées, pour autant que soient remplies les conditions auxquelles l’art. 20 OPP 2 subordonne l’assimilation du conjoint divorcé au veuf ou à la veuve.

Consid. 7.1
Il reste à examiner si les conditions posées par l’art. 20 al. 1 OPP 2 sont en l’occurrence réalisées, ce qui permettrait dans l’affirmative à l’ex-épouse d’être assimilée à une veuve et donc, d’être considérée comme un conjoint survivant au sens de l’art. 19 LPP et de faire partie, à ce titre, du cercle prioritaire des ayants droit selon les art. 15 al. 1 let. b ch. 1 OLP et 8 du règlement de la Fondation de libre passage.

Consid. 7.2
Concernant d’abord la condition afférente à la durée du mariage (art. 20 al. 1 let. a OPP 2), il est constant que l’ex-épouse et feu l’assuré se sont mariés le 12 mars 1976 et que la dissolution de leur mariage par le divorce a été prononcée le 20 mai 1998. Ils ont donc été mariés pendant plus de dix ans, comme l’exige l’art. 20 al. 1 let. a OPP 2.

Consid. 7.3 [résumé]

Quant à la seconde condition (art. 20 al. 1 let. b OPP 2, dans sa version applicable jusqu’au 31 décembre 2016; cf. consid. 3.2 supra), la convention de divorce du 20 mai 1998 prévoyait que l’assuré devait verser à son ex-épouse la moitié de sa prestation de sortie LPP acquise pendant le mariage (104’735 fr. 90) et une pension mensuelle de 1’800 fr., augmentée de 500 fr. dès que chaque enfant aurait acquis son indépendance financière. Selon la convention, l’assuré avait renoncé à demander une réduction de la pension tant que les revenus de son ex-épouse restaient inférieurs à 1’500 fr. nets par mois, sous réserve d’une baisse importante et durable de ses propres revenus en dessous de 7’200 fr. nets. A cet égard, la compagne n’allègue pas que feu l’assuré ne versait plus de pension à son ex-épouse au moment de son décès.

En ce qui concerne l’ex-épouse, le décès de son ex-conjoint a ainsi eu pour conséquence la fin du versement de contributions d’entretien, alors qu’elle avait déjà atteint l’âge de la retraite. La condition relative à l’octroi d’une rente, en vertu du jugement de divorce (art. 20 al. 1 let. b OPP 2) est donc remplie. On rappellera à cet égard que la rente, prévue comme condition de l’assimilation du conjoint divorcé au veuf ou à la veuve par l’art. 20 al. 1 let. b OPP 2, peut également être une rente limitée dans le temps (ATF 137 V 373 consid. 2-6). Ce qui importe, c’est que l’obligation alimentaire existe encore au moment du décès de l’ex-conjoint tenu à aliments (cf. OFAS, Bulletin de la prévoyance professionnelle n° 1 du 24 octobre 1986, ch. 2 p. 4 s.; cf. aussi HÜRZELER/SCARTAZZINI, op. cit., n os 18 et 31 ad art. 19 LPP). L’art. 20 OPP 2 vise en effet à indemniser le conjoint divorcé pour la perte de soutien qu’il subit ensuite du décès de son ancien conjoint (ATF 137 V 373 consid. 6.2 et les arrêts cités; cf. aussi arrêts 9C_33/2011 du 14 septembre 2011 consid. 5.2; B 135/06 du 9 novembre 2007 consid. 3.6). Il n’y a dès lors pas lieu d’examiner plus avant le grief de l’ex-épouse recourante tiré de la violation de la maxime inquisitoire par les juges cantonaux, en relation avec la fonction de soutien de la contribution d’entretien.

Consid. 8 [résumé]
En conséquence de ce qui précède, la cause doit être renvoyée à la juridiction cantonale afin qu’elle répartisse le capital litigieux entre l’ex-épouse et la compagne, qui appartiennent toutes deux au cercle prioritaire des bénéficiaires selon les art. 15 al. 1 let. b ch. 1 OLP et 8 du règlement de la Fondation de libre passage (correspondant à l’art. 6 de l’ancien règlement).

 

Le TF admet le recours de l’ex-épouse.

 

Arrêt 9C_577/2024 consultable ici

 

 

 

9C_283/2024 (f) du 27.06.2025 – Notion d’invalidité et d’incapacité de travail – Syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables / Valeur probante des expertises judiciaires

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_283/2024 (f) du 27.06.2025

 

Consultable ici

 

Notion d’invalidité et d’incapacité de travail – Syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables / 7 LPGA – 8 LPGA – 16 LPGA – 4 al. 1 LAI

Valeur probante des expertises judiciaires – Un diagnostic ne suffit pas à déterminer une incapacité de travail

 

Résumé
Assurée ayant obtenu une demi-rente d’invalidité en raison de troubles psychiques et physiques, puis à qui la cour cantonale a reconnu une rente entière sur la base d’expertises judiciaires. Le Tribunal fédéral a relevé que les constatations médicales n’étaient pas suffisamment détaillées pour évaluer objectivement la gravité des atteintes invoquées ni pour apprécier leur impact réel sur la capacité de travail. Les juges cantonaux ont donc, selon lui, accordé une valeur probante excessive à une expertise lacunaire.

Le Tribunal fédéral rappelle que la nature d’un diagnostic ne suffit pas à déterminer une incapacité de travail. Ce qui importe, ce sont les limitations fonctionnelles concrètes qui en découlent, lesquelles doivent être examinées de manière structurée et cohérente au regard des exigences professionnelles. Constatant l’insuffisance de l’évaluation médicale respectant pleinement les exigences en la matière (cf. ATF 141 V 281), il renvoie la cause à la juridiction cantonale afin qu’elle complète l’instruction et statue à nouveau sur le droit de l’assurée à une rente supérieure à une demi-rente.

 

Faits
Assurée, née en 1968, a exercé comme secrétaire médicale à plein temps dès août 2000 puis à 80% dès septembre 2009. En arrêt de travail complet depuis le 10.11.2015, puis partiel dans le cadre de reprises thérapeutiques, elle a déposé le 22.02.2017 une demande de prestations AI en raison d’un syndrome d’épuisement professionnel. L’assurée a tenté une reprise de son travail à 50% en avril 2017 puis a séjourné dans une institution de réadaptation psychosomatique en juillet-août 2017.

L’office AI a recueilli divers rapports médicaux, organisé des mesures préparatoires – interrompues prématurément – et mis en œuvre une expertise psychiatrique. L’expert, dans un rapport du 17 juin 2019, a diagnostiqué des troubles dépressifs récurrents moyens avec syndrome somatique et des troubles paniques, limitant la capacité de travail dans son activité habituelle ou toute autre activité également adaptée à 50% depuis 2016.

Sur le plan somatique, le médecin du SMR a convoqué l’assurée pour une évaluation et a retenu un syndrome polyalgique compatible avec un syndrome d’Ehlers-Danlos hypermobile, une hypermobilité bénigne ou une fibromyalgie. L’assurée disposait d’une capacité de travail de 70% dans son activité habituelle ou toute autre activité adaptée depuis le 10.11.2015. Après une enquête économique sur ménage, l’office AI a octroyé une demi-rente dès le 01.08.2017 (décision du 23.02.2021).

Procédure cantonale (arrêt ATAS/204/2024 – consultable ici)

L’assurée a produit de nouveaux rapports psychiatriques. La cour cantonale a procédé à l’audition des parties, puis a ordonné une expertise judiciaire (psychiatrie et rhumatologie). L’expert rhumatologue a retenu un syndrome douloureux chronique, tandis que l’expert psychiatre a diagnostiqué des troubles envahissants du développement, notamment un syndrome d’Asperger, un trouble de l’anxiété généralisée et un trouble dépressif récurrent (actuellement en rémission). Selon lui, l’assurée est incapable d’exercer son activité depuis 2015 et ne peut envisager qu’une activité protégée à très faible taux.

Par jugement du 27.03.2024, admission du recours par le tribunal cantonal, octroyant une rente entière d’invalidité dès le 01.08.2017.

 

TF

Consid. 2.2
Comme l’ont rappelé les premiers juges, le Tribunal fédéral a revu et modifié en profondeur le schéma d’évaluation de la capacité de travail, respectivement de l’incapacité de travail, en cas de syndrome douloureux somatoforme et d’affections psychosomatiques comparables. Il a notamment abandonné la présomption selon laquelle les troubles somatoformes douloureux ou leurs effets pouvaient être surmontés par un effort de volonté raisonnablement exigible (ATF 141 V 281 consid. 3.4 et 3.5) et introduit un nouveau schéma d’évaluation au moyen d’un catalogue d’indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 4). Le Tribunal fédéral a ensuite étendu ce nouveau schéma d’évaluation aux autres affections psychiques ou psychosomatiques (ATF 143 V 409 et 418; 145 V 215). Aussi, le caractère invalidant d’atteintes à la santé psychique doit être établi dans le cadre d’un examen global, en tenant compte de différents indicateurs, dont notamment les limitations fonctionnelles et les ressources de la personne assurée, de même que le critère de la résistance du trouble psychique à un traitement conduit dans les règles de l’art (ATF 143 V 409 consid. 4.4).

Consid. 3.1 [résumé]
L’office recourant soutient que la cour cantonale a arbitrairement accordé pleine valeur probante à l’expertise de l’expert judiciaire psychiatre. Il reproche à ce dernier un diagnostic insuffisamment motivé de trouble du spectre autistique, fondé principalement sur le test « Quotient du spectre de l’autisme (AQ-10) » sans corroboration clinique, anamnestique ni référence aux critères diagnostiques reconnus. Selon l’office AI, l’assurée, âgée de 56 ans, présentait un parcours social et professionnel sans altération significative, et les restrictions décrites relevaient d’un trouble anxieux. Il souligne l’absence d’éléments cliniques pertinents (troubles cognitifs, perceptifs ou du moi) et conteste les conclusions rétrospectives de l’expert depuis 2015.

Consid. 3.2 [résumé]
L’assurée soutient au contraire que l’expert judiciaire psychiatre a fondé son diagnostic sur une analyse détaillée de l’anamnèse et sur les critères internationaux du syndrome d’Asperger, en reliant les symptômes observés à ceux-ci. L’expert avait décrit une évolution marquée par des épisodes d’épuisement et de dépression depuis 2011, avec une incapacité totale de travail dès 2015, en expliquant que son niveau d’intelligence – évalué de manière objective à l’aide d’un test reconnu – avait masqué les signes autistiques depuis l’enfance. Il avait en outre observé des particularités gestuelles et mimiques confirmant le diagnostic, de sorte que l’examen de l’impact d’une éventuelle fibromyalgie était superflu face à une incapacité totale due au syndrome d’Asperger.

Consid. 4.1
En l’occurrence, comme le relève l’office recourant, le diagnostic de troubles envahissants du développement, même s’il était posé de manière fondée (question qui peut être laissée ouverte, voir infra consid. 4.3), ne peut pas à lui seul justifier une incapacité de travail totale dans toute activité. Ce qui importe dans l’évaluation de la capacité de travail, ce n’est pas uniquement la nature du diagnostic, mais les limitations fonctionnelles qui en résultent. Les déficits fonctionnels, qui du point de vue conceptuel font partie du diagnostic posé selon les règles de l’art, doivent être comparés aux exigences de la vie professionnelle et convertis en une éventuelle diminution de la capacité de travail à l’aide d’une grille d’évaluation normative et structurée (notamment des indicateurs du degré de gravité fonctionnel et de cohérence). De cette manière, les limitations fonctionnelles mises en évidence par l’expert peuvent être confirmées ou écartées par les organes de l’assurance-invalidité après un soigneux examen de plausibilité en fonction des circonstances du cas particulier (ATF 141 V 281 consid. 2.1.2 et les références).

Consid. 4.2
À cet égard, en se contentant d’affirmer que l’expertise judiciaire psychiatrique répondait aux « réquisits » nécessaires à la reconnaissance de sa pleine valeur probante, et qu’elle était détaillée et convaincante, la juridiction cantonale n’a pas constaté les éléments de fait suffisants pour que le Tribunal fédéral puisse juger des griefs soulevés par l’office recourant (art. 112 al. 1 let. b LTF). Cette appréciation est de plus arbitraire dans son résultat.

À l’inverse de ce que soutient implicitement la juridiction cantonale, l’expert psychiatre ne s’est pas exprimé sur le caractère prononcé des éléments et des symptômes pertinents pour les différents diagnostics, en particulier ceux de troubles envahissants du développement et d’anxiété généralisée. Au contraire, il s’est fondé essentiellement sur la manière dont l’assurée elle-même ressentait et assumait ses facultés de travail depuis 2015, pour recommander son intégration dans un atelier spécialisé, alors qu’il aurait été tenu d’établir, au moyen d’une évaluation fonctionnelle rigoureuse conforme aux exigences de l’ATF 141 V 281, la mesure de ce qui était raisonnablement exigible le plus objectivement possible. Au regard du parcours de l’assurée, qui a travaillé durant plus de trente ans, en dernier lieu en qualité de secrétaire dans un service de psychiatrie hospitalière, l’expert n’a en particulier pas apporté d’éléments suffisants pour apprécier la gravité de l’atteinte à la santé à l’aide de tous les éléments à disposition provenant de l’étiologie et de la pathogenèse déterminante pour le diagnostic en tant qu’échelle de mesure pour voir si elle prive l’assurée de ses ressources.

De plus, il manque dans l’expertise une discussion approfondie du « contexte social » de l’assurée, l’office recourant soutenant à juste titre que les interactions sociales de celle-ci étaient limitées selon l’anamnèse principalement en raison du trouble anxieux. Or, alors qu’il retient que l’anxiété généralisée était de « gravité légère » selon les tests psychométriques et que les vulnérabilités psychologiques liées aux émotions et au dynamisme ne justifiaient pas une incapacité de travail, l’expert judiciaire n’a pas discuté le niveau d’activité de l’assurée avant et après 2015. Il n’a donc pas considéré le niveau d’activité de l’assurée dans son environnement habituel par rapport à l’incapacité de travail invoquée concrètement. L’expertise judiciaire ne permet dès lors pas d’examiner si ces comorbidités psychiatriques, en tant qu’échelle de mesure, privent l’assurée de certaines ressources. En d’autres termes, l’expertise judiciaire ne fournit manifestement pas les éléments cliniques et documentaires nécessaires permettant d’évaluer de manière objective la gravité de l’atteinte à la santé et l’étendue de la diminution de la capacité de travail qu’elle entraîne pour l’assurée.

Consid. 4.3
Ensuite des éléments qui précèdent, alors que les conclusions de l’expertise se heurtent à la réalité concrète et observable de la vie professionnelle de l’assurée pendant plus de trente ans, l’expert judiciaire n’a pas exposé d’éléments détaillés et convaincants susceptibles de permettre de comprendre ou de suivre ses conclusions. Dans ces circonstances, la question de savoir si les troubles envahissants du développement, notamment de type syndrome d’Asperger, ont été diagnostiqués selon les règles de l’art peut rester ouverte. Il appartiendra au nouvel expert psychiatrique d’examiner cette problématique ab novo, puis de se prononcer avec l’expert rhumatologue au terme d’une discussion interdisciplinaire.

Consid. 5
En conclusion, en l’absence d’une évaluation médicale qui satisfasse pleinement aux exigences en la matière (cf. ATF 141 V 281) et permette de se prononcer sur le droit de l’assurée à une rente supérieure à une demi-rente dès le 1 er août 2017, il convient de renvoyer la cause à l’autorité précédente (art. 107 al. 2 LTF) pour qu’elle mette en oeuvre les mesures d’instruction qui s’imposent sur le plan médical, puis statue à nouveau.

 

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_283/2024 consultable ici

 

 

 

Le Conseil fédéral juge inadéquate la mise en place d’expertises communes dans l’assurance-invalidité

Le Conseil fédéral juge inadéquate la mise en place d’expertises communes dans l’assurance-invalidité

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 15.10.2025 consultable ici

 

Les expertises médicales sont un élément central de l’assurance-invalidité (AI) et figurent parmi les instruments permettant de rendre des décisions fondées pour accorder ou non une rente. Lors de sa séance du 15 octobre 2025, le Conseil fédéral s’est prononcé contre le projet législatif de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (CSSS-N). Celui-ci vise, dans le cas d’expertises monodisciplinaires, l’introduction d’une expertise faite en commun par l’expert désigné par l’office AI et celui désigné par l’assuré si aucun consensus n’est trouvé au préalable sur le choix de l’expert. Le Conseil fédéral estime que les préoccupations soulevées par la CSSS-N sont légitimes mais que la procédure actuelle permet déjà d’atteindre le but visé. La proposition de la CSSS-N alourdirait en outre les procédures sans garantir une meilleure acceptation des résultats des expertises par les assurés.

 

Selon le droit en vigueur, lorsqu’une expertise médicale monodisciplinaire est nécessaire pour accorder une rente ou non, l’office AI désigne un expert. Si la personne assurée conteste ce choix, elle peut proposer un autre spécialiste. Dans la quasi-totalité des cas, un accord est trouvé entre l’office AI et l’assuré. En 2024, sur un volume de 3802 expertises monodisciplinaires mandatées, un accord sur le choix de l’expert n’a pas été trouvé dans 12 cas seulement.

La CSSS-N souhaite toutefois qu’un véritable consensus soit favorisé dès le début de la procédure. Afin de concrétiser l’initiative parlementaire 21.498 «Mettre en œuvre le rapport d’évaluation relatif aux expertises médicales dans l’AI», elle a adopté un projet législatif visant la mise en place d’une expertise commune lorsqu’aucune entente n’intervient sur le choix d’un expert. Elle estime que, dans ces situations-là, l’expertise devrait être réalisée par deux experts, celui désigné par l’office et celui choisi par la personne assurée.

Pour le Conseil fédéral, les préoccupations soulevées par la CSSS-N sont légitimes, mais les instruments légaux existants permettent d’atteindre les objectifs visés. Les recommandations issues du rapport d’évaluation de la qualité des expertises médicales dans l’AI, sur lequel se base le projet de la CSSS-N, ont déjà été prises en compte dans la dernière révision de l’AI (Développement continu) ou reprises dans les directives AI. Dans ces conditions, une modification législative n’apporterait pas les améliorations voulues. La procédure proposée par la CSSS-N aurait en outre plusieurs effets négatifs. Les délais de traitement des dossiers seraient ainsi allongés alors que, dans le cadre du développement continu de l’AI, le législateur a souhaité garantir une procédure rapide pour les assurés. Par ailleurs, les expertises seraient plus compliquées à organiser, notamment eu égard au manque d’experts. Les coûts augmenteraient également, sans garantie d’une meilleure acceptation des résultats des expertises par les assurés. Pour toutes ces raisons, le Conseil fédéral rejette le projet de la CSSS-N.

Le Conseil fédéral souligne toutefois l’importance d’impliquer les assurés dès le début de la procédure d’expertise médicale et du choix de l’expert. Cela permet de mieux tenir compte de la dimension humaine et de renforcer la confiance de la population dans le système de sécurité sociale. Dans le cadre de la future réforme de l’AI, le Conseil fédéral examinera de nouvelles pistes pour améliorer la qualité des expertises et renforcer les droits et les moyens d’action des assurés lorsqu’une insuffisance dans ce domaine est constatée. Il entend également améliorer la formation des experts et la surveillance pour garantir une pratique uniforme de la part des offices AI.

 

Résumé du rapport du Conseil fédéral

Le Conseil fédéral rejette la proposition de la CSSS-N d’introduire, en cas de désaccord sur le choix d’un expert pour une expertise monodisciplinaire AI, une « expertise commune » réalisée par deux experts, l’un désigné par l’office AI, l’autre par l’assuré. Il juge la mesure inopportune car les instruments actuels atteignent déjà l’objectif d’une meilleure participation des assurés et d’une désignation consensuelle des experts.

Selon le Conseil fédéral, la procédure de conciliation prévue par l’art. 7j OPGA en lien avec l’art. 44 al. 2 LPGA fonctionne et conduit quasi toujours à un accord sur l’expert. Les chiffres disponibles montrent un nombre infime de cas sans consensus : 12 sur 3802 expertises monodisciplinaires en 2024, et 4 cas recensés jusqu’au 30 juin 2025. Modifier la loi pour ces cas résiduels ne se justifie pas.

Le projet de la CSSS-N visait à reprendre la recommandation n° 5 du rapport d’évaluation de 2020 en imposant une véritable recherche de consensus dès le début puis, à défaut, une expertise commune avec possibilité d’exposer les divergences et intervention au SMR pour trancher les points litigieux. Le Conseil fédéral reconnaît la légitimité des préoccupations mais estime que ces objectifs sont déjà atteignables dans le cadre légal actuel.

Sur le fond, le Conseil fédéral craint que l’expertise commune allonge les délais, complique l’organisation et renforce la pénurie d’experts, particulièrement en psychiatrie, domaine qui représente la grande majorité des expertises AI. Il note qu’on ne peut contraindre deux experts à un consensus et qu’un dispositif de « troisième expertise » pour départager des avis divergents ferait exploser coûts et délais.

Il souligne par ailleurs, en se ralliant à la prise de position de la Swiss Insurance Medicine (SIM), qu’aucune garantie n’existe quant à une meilleure acceptation des résultats par les assurés avec une expertise commune, notamment en cas de troubles psychiques où des divergences d’appréciation subsistent malgré des qualifications comparables. L’objectif de procédures plus rapides et proportionnées, voulu par le Développement continu de l’AI, risquerait d’être contrarié.

Le Conseil fédéral met en garde contre une fragmentation du droit des assurances sociales : limiter cette innovation à la seule LAI créerait des écarts de procédure avec les autres assurances régies par la LPGA et compliquerait la coordination, comme relevé par la Suva durant la consultation.

Le Conseil fédéral insiste néanmoins sur l’importance d’associer les assurés dès l’ouverture de la procédure d’expertise et dans le choix de l’expert, afin de mieux tenir compte de la dimension humaine et de renforcer la confiance. Il annonce que la thématique des expertises sera traitée dans la prochaine réforme de l’AI, avec un accent sur la qualité, la formation des experts et les moyens d’action lorsque la COQEM constate des insuffisances.

 

Commentaire

La proposition de la CSSS-N offrant à l’assuré la possibilité de désigner trois experts au sein d’une liste d’experts reconnus au sens de l’art. 7m OPGA me paraît particulièrement bienvenue. Elle est pragmatique, peu onéreuse et immédiatement applicable dans l’AI grâce aux listes déjà tenues par les offices AI. En renforçant l’implication de l’assuré dans le choix de l’expert, elle favorise l’adhésion au processus et, partant, une meilleure acceptation des résultats, en atténuant la sensation d’un expert « imposé » (cf. mon commentaire du 29.09.2025).

Je regrette que le Conseil fédéral n’ait pas choisi d’inscrire cette solution minimale dans la LPGA. Facile à mettre en œuvre et à coût marginal, elle aurait constitué un pas mesuré mais utile vers davantage de transparence et de confiance, sans alourdir la procédure ni bouleverser l’équilibre du système.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 15.10.2025 consultable ici

Rapport du Conseil fédéral du 15.10.2025 publié dans la FF 2025 3073

Rapport de la CSSS-N du 27.08.2025 publié dans la FF 2025 2664

Projet de loi fédérale sur l’assurance-invalidité (Renforcement de la procédure de conciliation pour les expertises AI monodisciplinaires) paru dans la FF 2025 2665

Initiative parlementaire Roduit 21.498 « Mettre en oeuvre le rapport d’évaluation relatif aux expertises médicales dans l’Al » consultable ici

 

Le droit en vigueur suffit pour lutter contre les certificats médicaux de complaisance

Le droit en vigueur suffit pour lutter contre les certificats médicaux de complaisance

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 15.10.2025 consultable ici

 

Il est rare que des médecins délivrent des certificats de complaisance. Le Conseil fédéral considère par conséquent que le droit existant est suffisant pour contrer ce phénomène. À sa séance du 15 octobre 2025, il a adopté le rapport « Quelles mesures pour lutter contre les certificats médicaux de complaisance ? », rédigé en réponse à un postulat (22.3196).

 

Selon les spécialistes consultés dans le cadre de l’élaboration du rapport, les « certificats de complaisance » sont un phénomène isolé. Ce terme désigne les certificats médicaux dans lesquels un médecin atteste délibérément une incapacité de travail inexistante.

S’il est vrai que les employeurs sont souvent confrontés à des documents dont ils mettent en doute la teneur, il faut que le médecin ait sciemment attesté des faits inexacts pour qu’il s’agisse de certificats de complaisance. En règle générale, aucune faute délibérée de la part du professionnel de la santé n’est prouvée ou même présumée, raison pour laquelle ces attestations ne sont pas considérées comme des certificats de complaisance.

Ces conclusions sont tirées du rapport du Conseil fédéral rédigé en réponse au postulat 22.3196 Nantermod « Quelles mesures pour lutter contre les certificats médicaux de complaisance ? ». Dans le cadre de l’élaboration de ce rapport, l’Office fédéral de la santé publique, chargé du dossier, s’est entretenu en 2024 avec des spécialistes du droit du travail et du droit des assurances, ainsi qu’avec des représentants des milieux professionnels et de l’économie afin de recueillir leurs analyses sur cette question.

Le Conseil fédéral partage l’avis de l’auteur du postulat, selon lequel la fiabilité et la confiance dans le contenu des certificats médicaux doivent être maintenues à un niveau élevé et que l’établissement de certificats de complaisance doit être sanctionné. Cependant, il considère que la législation est suffisante, dans la mesure où elle prévoit déjà des sanctions. Il estime que la création de nouvelles dispositions légales, à l’instar d’une obligation de fournir des certificats plus détaillés, serait inutile.

En revanche, le Conseil fédéral soutient une sensibilisation accrue des employeurs et des médecins sur cette question, une tâche qui relève de la compétence des associations professionnelles et des responsables des formations universitaires et postgrades.

 

Résumé du rapport du Conseil fédéral

Le 17 mars 2022, le conseiller national Philippe Nantermod a déposé au Conseil national le postulat 22.3196 « Quelles mesures pour lutter contre les certificats médicaux de complaisance ? ». Le texte porte sur les cas de fraude liés aux certificats médicaux et aux charges financières qui en découlent pour les employeurs et le système de santé (augmentation des coûts de la santé). Le postulat demande au Conseil fédéral de présenter dans un rapport les mesures essentielles susceptibles de limiter et de freiner l’établissement de certificats médicaux de complaisance.

Dans son rapport du 15 octobre 2025, le Conseil fédéral retient la définition du certificat de complaisance suivante : Lorsqu’un médecin atteste l’incapacité de travail d’un patient tout en sachant que cette incapacité n’existe pas ou pas dans la mesure attestée, on parle généralement de certificat de complaisance. Pour qu’un certificat médical puisse être considéré comme un certificat de complaisance, il faut que le médecin ait sciemment attesté de faits inexacts.

À l’inverse, un certificat médical « ordinaire » doit contenir les mentions usuelles relatives à la capacité de travail en lien avec l’emploi, le tout sous le sceau du secret professionnel pour les éléments sensibles.

Sur la méthode, l’OFSP a privilégié une approche qualitative. Faute de pouvoir prouver et quantifier de manière fiable des comportements intentionnels, deux tables rondes ont été organisées en juin et en octobre 2024, réunissant notamment l’OFSP, l’Office fédéral de la justice (OFJ), le SECO, l’Union syndicale suisse, l’Association suisse d’assurances et l’Association des médecins cantonaux. La FMH n’ayant pu participer aux tables rondes, elle a remis une prise de position écrite fondée sur les procès-verbaux.

Les participants ont convergé sur un constat central : les « véritables » certificats de complaisance – c’est-à-dire de faux certificats établis en toute connaissance de cause – existent, mais ils sont rares au regard du volume total de certificats. Dans la pratique, les acteurs rencontrent plus souvent des certificats dont la teneur est mise en doute sans que l’intention frauduleuse du médecin puisse être démontrée. Des tensions sont parfois mentionnées autour d’interruptions d’activité liées à la grossesse, mais, là aussi, il s’agit le plus souvent de certificats incorrects sur le plan purement technique, et non de véritables certificats de complaisance établis à la suite d’une évaluation volontairement erronée.

Le rapport aborde ensuite un état des lieux des outils juridiques existants. Sur le plan déontologique, le code de la FMH prohibe l’établissement de certificats contraires aux règles professionnelles et prévoit un éventail de sanctions internes. Sur le plan pénal, l’art. 318 CP réprime la rédaction intentionnellement inexacte d’un certificat médical. L’ensemble forme, selon les experts consultés, un arsenal suffisant pour prévenir et sanctionner la complaisance.

Interrogés sur l’opportunité de nouvelles prescriptions, les participants aux tables rondes ont clairement écarté l’idée d’introduire des exigences légales supplémentaires, telles que des certificats plus détaillés. Ils doutent qu’un surcroît d’informations – de toute façon circonscrit par le secret professionnel – améliore effectivement la vérification a posteriori d’affections passagères ou empêche, par nature, un acte délibérément mensonger. En revanche, ils soulignent l’utilité, dans le cadre juridique actuel, de la consultation d’un médecin-conseil lorsque des doutes concrets existent.

La question statistique a également été examinée. Si la volonté de mesurer l’ampleur du phénomène est compréhensible, une statistique exhaustive serait lacunaire par construction, car ne seraient saisies que les affaires qualifiées et sanctionnées comme « complaisance » par des voies pénales ou déontologiques. Les cas non découverts ou non établis au degré de preuve requis échapperaient à la quantification, biaisant la perception globale. La majorité des participants s’est donc opposée au lancement d’une collecte chiffrée nationale.

Des pistes non législatives ont néanmoins recueilli un accueil favorable. D’une part, une meilleure information des employeurs sur leurs possibilités, notamment la sollicitation d’un deuxième avis, pourrait réduire l’usage inapproprié de certificats douteux. D’autre part, des actions de sensibilisation à destination des médecins – sous forme de formation continue, de rappels sur le cadre légal et déontologique et sur les conséquences d’une complaisance avérée – pourraient diminuer les erreurs d’appréciation et renforcer la qualité des attestations.

Au terme de son analyse, le Conseil fédéral reprend ces conclusions. Il confirme que la fiabilité et la confiance dans le certificat médical doivent demeurer élevées et que la complaisance doit être sanctionnée lorsque la preuve de l’intention existe, mais il considère le droit en vigueur suffisant. Il juge inutiles de nouvelles prescriptions légales, y compris l’obligation de délivrer des certificats plus détaillés, et renvoie la mise en œuvre des mesures de sensibilisation aux associations professionnelles et aux responsables des formations universitaires et postgrades.

 

Communiqué de presse de l’OFSP du 15.10.2025 consultable ici

Rapport du Conseil fédéral du 15.10.2025 disponible ici

Postulat 22.3196 Nantermod « Quelles mesures pour lutter contre les certificats médicaux de complaisance ? » consultable ici