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9C_270/2024 (f) du 28.10.2025 – Conditions ouvrant droit aux prestations de l’AI / Domicile et résidence habituelle d’un mineur dont le père est en Suisse et la mère en France – 13 LPGA – 23 à 26 CC

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_270/2024 (f) du 28.10.2025

 

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Conditions ouvrant droit aux prestations de l’AI / 9 al. 3 LAI

Domicile et résidence habituelle d’un mineur dont le père est en Suisse et la mère en France / 13 LPGA – 23 à 26 CC

Evaluation des circonstances concrètes relatives au lieu où l’enfant a ses liens les plus étroits – Appréciation arbitraire des faits par le tribunal cantonal

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a examiné la question de la résidence habituelle d’un enfant présentant un trouble du spectre autistique dont les parents, mariés, vivaient séparément en Suisse et en France. Il a jugé que l’autorité cantonale avait établi les faits de manière arbitraire en retenant que l’enfant était domicilié à Genève, alors que sa vie familiale, sa scolarisation et la majeure partie de sa prise en charge se déroulaient en France. Dès lors, la résidence habituelle de l’enfant ne pouvait être considérée comme située en Suisse.

 

Faits
Assuré, ressortissant français né en 2016, présente un trouble du spectre autistique, est non verbal et souffre d’un trouble du comportement. Le 28.10.2022, par l’intermédiaire de son père, il a déposé une demande de mesures médicales et d’allocation pour impotence pour mineur auprès de l’office AI.

Par décisions du 13 septembre 2023, l’office AI a rejeté les demandes de prestations, au motif que la résidence habituelle et le centre des intérêts de l’enfant sont en France.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/206/2024 – consultable ici)

Par jugement du 25.03.2024, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2 [résumé]
Les juges cantonaux ont exposé de manière complète les dispositions applicables à la solution du litige. Selon l’art. 13 LPGA, le domicile se détermine conformément aux art. 23 à 26 CC. La résidence habituelle correspond au lieu où une personne séjourne un certain temps, même si la durée est limitée (art. 13 al. 2 LPGA). Le domicile au sens du code civil est celui de l’art. 23 al. 1 CC, soit le domicile volontaire, à l’exclusion du domicile dérivé des personnes sous tutelle selon l’art. 25 al. 2 CC (ATF 130 V 404 consid. 5 et 6). En vertu de l’art. 25 al. 1 CC, l’enfant sous autorité parentale partage le domicile de ses parents, ou, en cas d’absence de domicile commun, celui de ses parents qui détient la garde; subsidiairement, son domicile est déterminé par le lieu de sa résidence.

Lorsque le domicile ne peut être fixé sur la base de la garde, il doit l’être selon une « cascade de critères » (cf. OLIVIER GUILLOD, Droit des personnes, 5e éd. 2018, § 80) tels que le lieu de scolarisation, d’accueil parascolaire, d’activités sportives ou artistiques, et la présence d’autres personnes de référence, etc, le domicile étant celui où les liens sont les plus étroits (ATF 144 V 299 consid. 5.3.3).

Consid. 3 [résumé]
La cour cantonale a entendu séparément les parents de l’assuré ainsi que la représentante de l’office AI. Elle a constaté que depuis le 19.06.2022, l’enfant vit chez son père à Genève, où celui-ci travaille, tandis que la mère réside en France, dans une commune limitrophe du canton de Genève, avec le frère cadet. L’assuré, né de parents mariés exerçant l’autorité parentale conjointe, partage son temps entre les deux domiciles, mais séjourne auprès de son père à Genève du mardi midi au mercredi soir, du jeudi soir au vendredi midi et du samedi midi au dimanche midi, voire au dimanche soir.

Se référant sur l’arrêt 5A_712/2022, les juges cantonaux ont retenu que le père assume la « garde de fait », de sorte que, selon l’art. 25 al. 1 CC, le domicile de l’enfant suit celui de son père. Malgré sa scolarisation en France, l’enfant ne présente aucun lien social dans cet environnement en raison de son trouble du spectre autistique et de ses troubles relationnels, alors qu’il bénéficie à Genève d’un suivi thérapeutique spécialisé. Sur cette base, la cour cantonale a conclu que le domicile et la résidence habituelle de l’assuré se trouvent à Genève.

Consid. 5.2.1 [résumé]
Au moment des décisions administratives du 13.09.2023, les parents de l’assuré vivaient séparément, exerçaient l’autorité parentale conjointe et leur enfant séjournait alternativement chez chacun d’eux conjointe (à propos du droit conjoint des parents de déterminer le lieu de résidence de l’enfant et la notion de « garde », voir ATF 142 III 612).

L’assuré était scolarisé en France et passait, selon les constatations cantonales, six demi-journées par semaine à Genève et sept à huit en France, ainsi que trois nuits à Genève et quatre en France. La conclusion cantonale selon laquelle l’enfant séjournait « au moins la moitié du temps à Genève » est contradictoire et manifestement erronée. Il en va de même de l’affirmation selon laquelle le père était toujours présent lorsque l’enfant se trouvait chez sa mère, alors que celle-ci assumait la garde exclusive de l’enfant avant et après l’école le lundi et le jeudi après-midi. Le père avait d’ailleurs reconnu que la mère s’occupait davantage de leur fils en cas de maladie, tandis que lui prenait en charge l’enfant lorsqu’il était en bonne santé. La constatation des faits par l’instance précédente est dès lors incomplète dans la mesure où, selon le dossier, le père s’occupe aussi de l’enfant dans l’appartement familial en France, notamment lorsqu’il y passe ses nuits.

Consid. 5.2.2
Même si le tribunal cantonal dispose d’une large marge d’appréciation dans l’évaluation des circonstances concrètes relatives au lieu où l’enfant a ses liens les plus étroits (cf. ATF 142 III 545 consid. 2.3; arrêt 5A_210/2021 du 7 septembre 2021 consid. 4.2), le grief d’arbitraire invoqué par l’office recourant est bien fondé, car la juridiction précédente se fonde sur des faits qui sont en contradiction flagrante avec la situation réelle.

Cela vaut en particulier pour le temps que l’assuré passe en Suisse et en France, ainsi que pour les périodes pendant lesquelles il est élevé uniquement par sa mère. Si l’on tient compte du fait que le père travaille à plein temps ou au moins à un taux élevé, cela indique que l’assuré, qui a besoin d’une surveillance permanente, a effectivement été pris en charge en grande partie par sa mère. Selon les griefs pertinents de l’office recourant, le tribunal cantonal n’a absolument pas tenu compte du fait que la famille vivait en France dans un appartement de trois pièces (où la mère et le frère cadet résidaient en permanence), tandis que le père n’avait loué (pour des raisons professionnelles) qu’un appartement d’une pièce et demie à Genève.

L’instance cantonale n’a pas non plus tenu compte du fait que le père assumait une partie de la garde de son fils dans l’appartement familial (plus grand) en France, notamment pendant les nuits que l’enfant passait en France, dès lors que la mère, souffrant de dépression chronique, n’était plus en mesure de gérer les problèmes de sommeil de l’enfant.

En outre, l’autorité cantonale n’a pas davantage tenu compte, dans son appréciation du centre des relations sociales, de la relation de l’enfant avec sa mère (qui participe incontestablement à sa prise en charge) et son frère. Or ces relations revêtent d’autant plus d’importance dans le cas concret que l’assuré se trouve alors, en raison de sa maladie, largement incapable d’établir des relations sociales avec des personnes étrangères. À cet égard, c’est à tort que l’instance cantonale n’a accordé aucune importance aux relations familiales, alors qu’elle a en revanche pris en compte dans son appréciation les relations sociales de l’assuré avec des thérapeutes à Genève, omettant ainsi arbitrairement un aspect essentiel des faits.

La juridiction cantonale n’a pas non plus pris en considération le fait que la mère s’occupait seule des repas de la famille, ce qui permet de conclure que la vie familiale se déroulait essentiellement en France. Les efforts mentionnés par le père de l’assuré pour lui permettre de pratiquer des activités de loisirs à Genève n’ont pas pu être concrétisés pendant la période pertinente et ne sont donc pas pertinents en l’occurrence, tout comme les efforts mentionnés pour trouver un appartement familial à Genève. Le tribunal cantonal reprend du reste presque unilatéralement la version du père et ignore complètement celle de la mère.

Consid. 5.2.3
À l’instar de ce qui avait été jugé dans l’arrêt ATF 144 V 299 consid. 5.3.3.4, le critère du lieu de scolarisation prend ainsi une importance prépondérante pour déterminer le lieu de résidence avec lequel les liens de l’enfant sont les plus étroits. À cet égard, même si l’assuré soutient ne pas avoir de lien social à l’école en raison du trouble du spectre autistique, il n’en demeure pas moins qu’il fréquente régulièrement un établissement scolaire dans la commune de U.__ depuis la rentrée scolaire 2023, hormis les mercredis et les fins de semaine, soit dans une commune de France où son frère cadet est au demeurant aussi scolarisé. Sa scolarisation en Suisse en août 2022 avait rapidement été interrompue car elle était incompatible avec le taux d’occupation du père. À la suite de cette interruption, les parents avaient décidé de le scolariser à nouveau en France.

Vu ce qui précède, on doit admettre que le centre de vie de l’assuré et son lieu de résidence, au sens de l’art. 25 al. 1 in fine CC, se situent dans la commune de U.__, soit en France.

 

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_270/2024 consultable ici

 

 

8C_394/2025 (f) du 10.11.2025 – Aptitude au placement et autorisation de travail – Autorisation de séjour de courte durée (permis L) non renouvelée / 8 al. 1 LACI – 15 al. 1 LACI – 32 LEI – 38 al. 1 LEI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_394/2025 (f) du 10.11.2025

 

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Aptitude au placement et autorisation de travail – Autorisation de séjour de courte durée (permis L) non renouvelée / 8 al. 1 LACI – 15 al. 1 LACI – 32 LEI – 38 al. 1 LEI – 54 OASA – 59 al. 2 OASA

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé qu’en l’absence d’autorisation de séjour et de travail valable, et sans perspective concrète d’obtention d’un nouveau permis L, l’assuré ne pouvait être considéré comme apte au placement au sens de la LACI. Sa demande de prolongation de permis ne lui conférait aucun droit de séjour ni de travail, dès lors que l’art. 59 OASA ne s’applique pas aux titulaires d’un permis L.

 

Faits
Assuré, ressortissant étranger, titulaire d’un master en théologie obtenu à l’Université catholique de B.__, est arrivé en Suisse le 17.09.2017. Il y a obtenu en septembre 2021 un doctorat en théologie morale et science religieuse, avec une spécialisation en éthique et écologie. Après avoir travaillé de manière temporaire comme assistant pastoral de 2019 à 2021, il a été engagé dès le 01.12.2021 comme prêtre par la C.__ et a obtenu à ce titre une autorisation de séjour de courte durée (permis L) valable jusqu’au 19.12.2022. Le 26.09.2022, il a sollicité la prolongation de son permis auprès du Service de la population.

Le 25.01.2023, la C.__ a résilié son contrat de travail avec effet au 30.04.2023, le délai de congé ayant ensuite été prolongé jusqu’au 31.07.2023 en raison d’une incapacité de travail. L’assureur perte de gain de son employeur lui a versé des indemnités journalières jusqu’au 19.10.2023. Le 03.11.2023, il s’est inscrit à l’Office régional de placement (ORP) comme demandeur d’emploi et a demandé les indemnités de chômage à partir de cette date.

Le 04.12.2023, la Direction générale de l’emploi et du marché du travail (DGEM) a saisi la Direction de la surveillance du marché du travail (DISMAT) afin de déterminer si l’assuré disposait encore d’une autorisation de séjour et de travail en Suisse. La DISMAT a indiqué que le dossier était à l’examen, précisant qu’il n’avait plus le droit de travailler depuis le 20.12.2022, et a émis un préavis négatif à ce sujet.

Après avoir invité l’assuré à se déterminer, la DGEM a rendu une décision le 14.12.2023, le déclarant inapte au placement dès le 03.11.2023 en raison de l’absence d’autorisation de travail. L’assuré a formé opposition, considérant que son permis aurait dû être prolongé jusqu’au 19.12.2023 au moins, dès lors qu’il en remplissait les conditions et qu’une procédure restait pendante auprès du Service de la population. L’opposition a été rejetée le 15.03.2024.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 62/24 – 79/2025 – consultable ici)

Par jugement du 26.05.2025, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3
L’assuré n’a droit à l’indemnité de chômage que s’il est apte au placement (art. 8 al. 1 let. f LACI). Selon l’art. 15 al. 1 LACI, est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d’intégration et qui est en mesure et en droit de le faire.

L’aptitude au placement suppose, logiquement, que l’intéressé soit au bénéfice d’une autorisation de travail qui lui permette, le cas échéant, d’accepter l’offre d’un employeur potentiel. À défaut d’une telle autorisation, il s’agit de déterminer – de manière prospective, sur la base des faits tels qu’ils se sont déroulés jusqu’au moment de la décision sur opposition (ATF 143 V 168 consid. 2; 120 V 385 consid. 2) – si l’assuré, ressortissant étranger, pouvait ou non compter sur l’obtention d’une autorisation de travail eu égard à sa situation concrète (voir arrêt 8C_581/2018 du 25 janvier 2019 consid. 2.2; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3e éd. 2016, p. 2347 n° 269; BORIS RUBIN, Assurance-chômage et service public de l’emploi, 2019, p. 51 n° 234).

Consid. 4 [résumé]
Les juges cantonaux ont examiné la situation de l’assuré à l’aune des dispositions de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration (RS 142.20; LEI), l’assuré n’étant ressortissant ni de l’UE ni de l’AELE et que son statut n’était pas réglé par d’autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 2 LEI).

Ils ont retenu que son autorisation de séjour de courte durée (permis L), valable jusqu’au 19.12.2022 et liée à son emploi de prêtre auprès de la C.__, avait perdu effet après la résiliation de son contrat, conformément à l’art. 38 al. 1 LEI. La C.__ avait d’ailleurs retiré la demande de prolongation du permis.

Compte tenu de sa situation personnelle et des conditions légales d’admission prévues par l’art. 21 al. 1 LEI, les juges cantonaux ont considéré que l’assuré ne pouvait raisonnablement compter sur l’octroi d’une nouvelle autorisation. La DISMAT avait en outre rendu un avis négatif quant à son droit de travailler, et le Service de la population avait refusé toute autorisation de séjour par décision du 08.01.2024, confirmée sur opposition.

Consid. 5 [résumé]
L’assuré invoque de l’art. 59 al. 2 de l’ordonnance relative à l’admission, au séjour et à l’exercice d’une activité lucrative (RS 142.201; OASA), selon lequel une personne ayant déposé une demande de prolongation de son autorisation de séjour est autorisée à demeurer en Suisse pendant la procédure, tant qu’aucune autre décision n’a été rendue. Selon l’assuré, qui se réfère également à la jurisprudence rendue en relation avec cette disposition (arrêts 9C_522/2020 du 15 janvier 2021 consid. 5.2.1 et 2C_1154/2016 du 25 août 2017 consid. 2.3), l’étranger dispose d’un « droit procédural » de demeurer en Suisse pendant l’examen de sa demande.

Ayant déposé sa demande de prolongation le 26.09.2022 alors qu’il disposait encore d’un permis valable jusqu’au 19.12.2022 et d’un contrat de travail en vigueur, il estime être dans la situation visée par l’art. 59 al. 2 OASA et avoir pu légalement séjourner et travailler jusqu’à la décision du Service de la population. Selon lui, si l’autorité avait statué dans un délai raisonnable, une prolongation jusqu’au 19.12.2023 lui aurait été accordée, de sorte que son aptitude au placement aurait dû être reconnue.

Consid. 6
En l’occurrence, l’assuré méconnaît le fait que selon le renvoi contenu dans l’art. 59 OASA, cette disposition concerne uniquement la demande de prolongation de l’autorisation de séjour selon l’art. 33 LEI (permis B) et non pas celle de l’autorisation de courte durée selon l’art. 32 LEI (permis L). Or, il est constant que l’assuré a été mis au bénéfice d’un permis L. Il ne saurait donc déduire un droit de séjourner et de travailler en Suisse sur la base l’art. 59 al. 2 OASA en relation avec sa demande de prolongation du 26.09.2022.

Cela étant, c’est sans violation du droit fédéral que les juges cantonaux ont considéré que l’assuré ne pouvait pas s’attendre à obtenir un titre de séjour lui permettant de travailler au moment de son inscription au chômage jusqu’à la décision sur opposition du 15.03.2024. L’autorisation de courte durée, prolongeable jusqu’à une durée totale de deux ans, est accordée pour un séjour dont le but est déterminé (art. 32 LEI). Une nouvelle autorisation est requise si le but du séjour change (cf. art. 54 OASA). En outre, si les ressortissants de l’UE et de l’AELE conservent la qualité de travailleur et un droit de séjour en cas de perte involontaire de leur emploi pendant un certain temps (cf. art. 61a LEI), tel n’est pas le cas pour les ressortissants d’un État tiers. Ceux-ci n’ont pas un droit d’exercer une activité en Suisse, mais peuvent bénéficier d’une autorisation de travail sur demande de l’employeur aux conditions des art. 18 ss LEI. Or l’assuré, qui avait perdu son emploi auprès de la C.__, n’avait aucune autre perspective concrète d’emploi pour lequel il aurait pu être admis à séjourner et travailler en Suisse, étant souligné qu’il ne remplit pas les conditions permettant de bénéficier de la dérogation à l’ordre de priorité prévue à l’art. 21 al. 1 LEI.

Il s’ensuit que les juges cantonaux étaient fondés à confirmer l’inaptitude au placement de l’assuré dès le 03.11.2023, ce qui conduit au rejet du recours.

Consid. 7 (assistance judiciaire gratuite)
Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci apparaissait d’emblée dénué de chances de succès et la requête d’assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. Le recourant doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocat.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_394/2025 consultable ici

 

 

8C_221/2025 (f) du 10.11.2025 – Causalité naturelle d’une méniscopathie et d’une gonarthrose / Valeur probante du rapport d’expertise judiciaire vs du rapport d’une expertise privée / Frais de l’instruction à charge de l’assureur social

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_221/2025 (f) du 10.11.2025

 

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Indemnité pour atteinte à l’intégrité – Causalité naturelle d’une méniscopathie et d’une gonarthrose / 24 LAA – 25 LAA – 6 LAA

Valeur probante du rapport d’expertise judiciaire vs du rapport d’une expertise privée

Frais de l’instruction à charge de l’assureur social / 45 LPGA

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé l’appréciation de la cour cantonale selon laquelle l’arthrose du genou gauche présentée par l’assuré était d’origine dégénérative et non la conséquence d’un accident. Il a jugé l’expertise judiciaire complète et convaincante, estimant que ce dernier avait procédé à une analyse rigoureuse des données cliniques et radiologiques, en démontrant notamment l’absence de lésion traumatique durable. Les conclusions contraires de l’expert privé ont été écartées, car elles reposaient sur une interprétation personnelle et non étayée du mécanisme de l’accident et des imageries médicales.

En revanche, le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours de l’assuré concernant les frais d’instruction. Si l’expertise privée n’a pas été jugée nécessaire à la résolution du litige, le rapport médical du chirurgien orthopédique traitant a, lui, contribué au renvoi de la cause et à la mise en œuvre de l’expertise judiciaire. Le droit au remboursement de ses frais, d’un montant de 250 francs, a dès lors été reconnu.

 

Faits
Assuré, né en 1966, a été victime d’un accident le 21.03.2005, entraînant une fracture-tassement de la vertèbre L1.

Le 06.10.2015, il est tombé d’un escabeau et s’est heurté le genou gauche contre un meuble. Une IRM du 10 février 2016 a révélé une méniscopathie interne de grade II et externe de grade I, sans déchirure. Le 13.06.2016, il a subi une méniscectomie sélective antéro-externe et une chondroplastie du genou gauche, prises en charge par l’assurance-accidents à titre de frais d’éclaircissement.

L’assurance-accidents a soumis le dossier de l’assuré à ses médecins-conseils. Par décision du 14.05.2020, elle a reconnu une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 15% (10% pour l’atteinte lombaire de 2005 et 5% pour le genou de 2015). L’assuré a formé opposition, produisant un rapport du Dr B.__, chirurgien orthopédique, concluant à 15% pour le seul genou. La médecin-conseil a estimé que la contusion du genou, sur fond dégénératif, ne justifiait aucune atteinte à l’intégrité. L’assurance-accidents a alors annoncé son intention de reconsidérer sa décision en défaveur de l’assuré, lequel a maintenu son opposition. Par décision sur opposition du 12.02.2021, elle a ramené l’indemnité pour atteinte à l’intégrité à 10%, en lien uniquement avec l’accident de 2005.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 27.02.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal (cause AA 37/21 – 27/2023).

Par arrêt du 19 mars 2024 (8C_208/2023), le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours de l’assuré, annulé le jugement cantonal et renvoyé la cause pour une expertise médicale et une nouvelle décision, invitant aussi la cour cantonale à statuer sur le remboursement du rapport du Dr B.__.

Une expertise judiciaire a été confiée au Dr E.__. L’assuré a versé au dossier une expertise privée du Prof F.__, dont il a demandé le remboursement pour 400 francs.

Par arrêt du 13 mars 2025 (arrêt AA 38/24 ap. TF – 38/2025), la cour cantonale a confirmé la décision sur opposition du 12 février 2021 et rejeté tant le recours que les demandes de remboursement des rapports médicaux du Dr B.__ et du Prof F.__.

 

TF

Consid. 6.1 [résumé]
Dans son rapport, l’expert judiciaire a retenu que la chute du 6 octobre 2015 avait entraîné un choc direct au genou gauche, responsable d’une simple contusion ayant provoqué une décompensation transitoire d’un état dégénératif préexistant. Il a expliqué qu’une lésion chondrale post-traumatique se traduirait habituellement par un important épanchement articulaire et la présence de fragments cartilagineux ou ostéo-cartilagineux, absents tant lors de l’arthroscopie du 13.06.2016 que sur les examens d’imagerie des 07.10.2015, 01.05.2017 et 25.10.2017.

Concernant la lésion méniscale antéro-externe, l’expert a relevé, sur la base de l’arthroscopie pratiquée par le Dr B.__, que l’intervention s’était limitée à une résection périphérique minime assimilable à une régularisation du bord libre du ménisque, sans trace de déchirure radiaire post-traumatique. Compte tenu du caractère limité de l’opération et de l’arthrose externe confirmée par la suite, il a mis en évidence une discrépance entre la localisation de la lésion méniscale (antérieure) et celle de l’arthrose (postérieure). Selon lui, si l’arthrose avait été consécutive à la résection méniscale, elle se serait développée sur la partie antérieure du compartiment externe. Ces critères permettaient de retenir que l’arthrose du genou gauche était probablement d’origine dégénérative, plutôt que la conséquence de la résection réalisée le 13.06.2016. Enfin, lors de l’arthroscopie, le Dr B.__ avait identifié un ligament croisé antérieur intact.

Selon l’expert, il était surprenant que le Dr B.__ termine son rapport en mentionnant une atteinte à l’intégrité au taux de 15%, ce qui signifiait implicitement que ce dernier considérait l’arthrose du genou gauche comme post-traumatique, ce qui était en contradiction avec ses propres propos. Cela étant, au-delà des trois mois de récupération du geste chirurgical réalisé le 13.06.2016, l’expert a, au degré de la vraisemblance prépondérante, imputé les douleurs persistantes au genou gauche à l’état dégénératif de ce genou, aux douleurs liées aux radiculalgies gauches causées par les discopathies lombaires et à celles référées de la coxarthrose gauche, attestées tant par la clinique que par la radiologie. Il en a conclu que l’accident du 6 octobre 2015 n’avait pas provoqué d’atteinte durable et importante à l’intégrité physique de l’assuré.

Consid. 6.2.1
L’appréciation de l’expert judiciaire n’apparaît pas critiquable. On doit admettre que l’expert judiciaire a traité et analysé les unes après les autres l’ensemble des problématiques mises en évidence à l’imagerie. Ses conclusions reposent sur une analyse convaincante de l’ensemble des pièces médicales figurant au dossier et des investigations complémentaires réalisées lors de l’expertise. Elles sont en outre corroborées par l’analyse de cas effectuée par la médecin-conseil.

Consid. 6.2.2 [résumé]
Contrairement à ce que soutient l’assuré, l’expertise de l’expert judiciaire ne saurait être écartée sous prétexte d’une description imprécise du mécanisme de l’accident. L’expert a indiqué que l’assuré s’était tapé le genou gauche en descendant d’un escabeau, contre un meuble ou une table, ce qui concorde avec le rapport du Service des urgences de l’Hôpital G.__ du 06.10.2015 et le rapport médical initial LAA du 16.11.2015, qui mentionnent une contusion du genou gauche après avoir glissé d’un escabeau.

L’assuré, en référence à la description faite par le Prof F.__, invoque une chute plus violente, majorée par sa corpulence, le genou heurtant fortement un bord métallique, ce qui, selon lui, aurait causé une lésion cartilagineuse au condyle externe du fémur et à la rotule. Cependant, en insistant sur la violence supposée du choc pour contester l’évaluation de l’expert judiciaire, le Prof F.__ procède en réalité à sa propre interprétation de l’accident. En tout état de cause, l’expert judiciaire a retenu que l’assuré a subi un choc direct contre un meuble le 06.10.2015 sous la forme d’une contusion du genou gauche, ce qui est établi et non contesté, avant de se prononcer sur les effets de ce choc au regard de l’ensemble des pièces médicales figurant au dossier. Les constatations de l’expert judiciaire sur ce point sont convaincantes.

Le Prof F.__ accorde une importance déterminante à son appréciation de la gravité du choc subi par l’assuré et néglige largement l’analyse précise, par l’expert judiciaire, des constatations radiologiques ainsi que du geste opératoire pratiqué par le Dr B.__. À la lecture des deux expertises, on constate que l’expert judiciaire s’est prononcé après un examen des images radiologiques alors que le Prof F.__ n’a fait que rapporter ce que le radiologue décrivait à l’IRM du 13 juin 2016, sans mention d’un examen personnel des clichés radiologiques ni des autres imageries. Quant au fait que le ligament croisé antérieur était « susceptible d’avoir été lésé » lors de la chute, de l’avis du Prof F.__, on rappellera qu’il était décrit comme intact lors de l’arthroscopie du 13 juin 2016.

Consid. 6.3
En définitive, on ne peut que confirmer le point de vue de la cour cantonale dans la mesure où l’avis du Prof F.__ procède essentiellement d’une appréciation divergente d’un état de fait clairement posé sur le plan médical. L’assuré échoue à mettre en doute les constatations des juges cantonaux reposant sur l’expertise du Dr E.__, sans qu’il y ait lieu d’ordonner une instruction complémentaire à ce sujet comme le voudrait l’assuré.

Consid. 7.1 [résumé]
L’assuré invoque une violation de l’art. 45 LPGA, reprochant à la cour cantonale d’avoir refusé de mettre à la charge de l’assurance-accidents les frais liés à l’expertise privée du Prof F.__ ainsi qu’au rapport médical du Dr B.__ du 19.08.2020.

Consid. 7.2
Aux termes de l’art. 45 al. 1 LPGA, les frais de l’instruction sont pris en charge par l’assureur qui a ordonné les mesures; à défaut, l’assureur rembourse les frais occasionnés par les mesures indispensables à l’appréciation du cas ou comprises dans les prestations accordées ultérieurement. Ainsi, le droit à la prise en charge des frais au sens de l’art. 45 LPGA est reconnu lorsque ces frais sont rendus nécessaires par un défaut de mesures d’instruction de la part de l’assureur social (ANNE-SYLVIE DUPONT, in Commentaire romand de la LPGA, 2e éd. 2025, n° 12 ss ad art. 45).

Consid. 7.3
En l’occurrence, la décision prise par la cour cantonale de ne pas mettre les frais de l’expertise du Prof F.__ à la charge de l’assurance-accidents n’est pas critiquable, dès lors que ce document n’était pas nécessaire à la résolution du litige. Comme on l’a vu, il ne remet pas en cause la valeur probante de l’expertise de l’expert judiciaire.

Quant au rapport du Dr B.__ du 19 août 2020, on doit reconnaître à l’aune de l’arrêt du 19 mars 2024 qu’il a donné lieu à des investigations supplémentaires qui n’auraient pas été ordonnées en son absence (cf. arrêt 9C_395/2023 du 11 décembre 2023 consid. 6.3). Son avis a contribué au renvoi de la cause aux juges cantonaux et à la mise en œuvre de l’expertise judiciaire, de sorte que le droit au remboursement des frais d’établissement dudit rapport (pour un montant de 250 fr.) doit être admis. En conséquence, l’arrêt entrepris doit être réformé en ce sens, ce qui conduit à l’admission très partielle du recours.

 

Le TF admet très partiellement le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_221/2025 consultable ici

 

 

8C_160/2025 (f) du 27.10.2025 – Nouvelle demande AI après un précédant refus / Evaluation de l’invalidité – Limitations fonctionnelles similaires – Valeur probante de l’avis du SMR rendu sans examen médical

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_160/2025 (f) du 27.10.2025

 

Consultable ici

 

Nouvelle demande AI après un précédant refus / 87 RAI – 17 LPGA

Evaluation de l’invalidité – Limitations fonctionnelles similaires – Valeur probante de l’avis du SMR rendu sans examen médical / 16 LPGA

 

Résumé
L’assuré, qui avait déjà vu une première demande de prestations AI rejetée, a sollicité à nouveau ces prestations après une seconde opération du genou droit. L’OAIE et le TAF ont considéré que son état de santé s’était stabilisé et qu’il disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée. Le Tribunal fédéral a confirmé le rejet de cette demande, retenant que son état s’était stabilisé et que les limitations fonctionnelles restaient similaires à celles constatées lors de la première demande, permettant toujours une activité professionnelle adaptée à plein temps.

 

Faits
Assuré, né en 1985, a exercé la profession de centraliste béton pour des agences de placement. À la suite d’un accident survenu en juillet 2018 (chute sur le genou droit avec lésion méniscale interne), il a déposé le 25 janvier 2019 une demande AI. Par décision du 28.02.2020, l’office AI a rejeté la demande, considérant qu’il existait une incapacité totale dans l’activité habituelle, mais une pleine capacité de travail dans une activité adaptée, ce qui correspondait à un taux d’invalidité de 12.75%, insuffisant pour ouvrir droit à une rente.

Depuis le 29.09.2021, l’assuré a été à nouveau en arrêt de travail et a déposé une nouvelle demande de prestations le 20.10.2023. Selon les rapports du chirurgien orthopédiste traitant, l’assuré avait subi une torsion du genou le 29.09.2021, suivie d’une méniscectomie partielle le 03.11.2021 en raison du lâchage d’une suture effectuée en 2018. Le médecin généraliste traitant a retenu une capacité de travail de 50% dans une activité sédentaire et un risque d’aggravation nécessitant une prothèse du genou. Par décision du 24.04.2024, l’office AI a rejeté cette seconde demande, estimant que l’état de santé n’avait pas évolué de manière significative depuis la précédente décision.

 

Procédure au TAF (arrêt C-3327/2024 – consultable ici)

Par jugement du 11.02.2025, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4 [résumé]
La juridiction précédente (TAF) a retenu que la nouvelle demande se fondait sur une aggravation de l’état de santé de l’assuré en septembre 2021, en lien avec l’accident de juillet 2018, ayant conduit à une méniscectomie interne partielle le 03.11.2021. Elle a toutefois constaté, sur la base du dossier médical, qu’aucune modification significative de l’état de santé n’était survenue depuis la décision du 28.02.2020 justifiant une rente dès octobre 2023. Le médecin-conseil de l’assureur-accidents avait admis une stabilisation au 06.09.2023 et une pleine capacité de travail dans une activité adaptée aux mêmes limitations que celles retenues en 2019. Selon l’avis du SMR, les documents médicaux ne démontraient pas d’aggravation de l’état de santé lors du dépôt de la nouvelle demande. Le TAF a relevé l’absence de rapport médical probant confirmant une dégradation et a jugé les conclusions du médecin généraliste traitant, fondées sur un simple « risque d’évolution péjorative », dénuées de fondement objectif, relevé que ni le chirurgien traitant ni le médecin-conseil de l’assureur-accidents n’avaient évoqué un tel risque. Enfin, considérant que l’activité habituelle n’était plus adaptée depuis 2018, le TAF a estimé que le marché du travail équilibré offrait un large éventail d’activités légères et répétitives compatibles avec la capacité de travail entière de l’assuré.

Consid. 5.1 [résumé]
L’assuré invoque une violation des art. 28 LAI et 48 LPGA. Il reproche au TAF de s’être fondé sur l’avis du médecin du SMR., rendu sans examen clinique, et de ne pas avoir reconnu l’aggravation de son état de santé attestée par son médecin traitant. Selon lui, le médecin généraliste traitant avait décrit des douleurs et limitations incompatibles avec une activité supérieure à 50%, toute reprise risquant d’entraîner une détérioration du genou et la nécessité d’une prothèse. Il soutient qu’une méniscectomie devrait influer sur le taux d’invalidité, initialement fixé à 13%, et qu’il est désormais totalement incapable d’exercer son métier de centraliste béton, seule activité pour laquelle il était formé et qu’il sache pratiquer.

Consid. 5.2
Premièrement, le fait que le médecin du SMR n’a pas examiné l’assuré ne suffit pas pour considérer que son rapport est dépourvu de valeur probante. On rappellera à ce propos que le médecin du SMR n’a pas l’obligation de procéder lui-même à un examen médical sur la personne de l’assuré (cf. art. 49 al. 2 RAI) mais peut, selon les circonstances, fonder son avis en évaluant les éléments médicaux au dossier. Cette appréciation en l’absence d’examen n’est pas dénuée d’emblée de toute valeur probante et est soumise aux mêmes exigences en matière de preuve que les autres rapports médicaux (ATF 136 V 376 consid. 4.1; arrêt 9C_25/2015 du 1er mai 2015 consid. 4.1). En l’espèce, les premiers juges ont privilégié les conclusions du médecin du SMR, du fait que son avis reposait sur les éléments médicaux ressortant de la nouvelle demande et les rapports figurant au dossier de l’assurance-accidents. Ils ont considéré en particulier que ce médecin se référait à l’examen du 1er mars 2023 et aux appréciations subséquentes du médecin-conseil de l’assureur-accidents, lesquelles satisfaisaient aux exigences jurisprudentielles en matière de valeur probante. L’assuré ne prétend pas avoir contesté la valeur probante des appréciations du médecin de l’assureur-accidents.

Ensuite, en soutenant que son état de santé s’est aggravé après la période de convalescence relative à la seconde opération ou encore que cette opération doit avoir des conséquences sur sa capacité de gain, l’assuré ne convainc pas. Le médecin-conseil de l’assureur-accidents a conclu, au regard de l’IRM du genou droit du 12.05.2023, qu’il n’y avait pas d’anomalie expliquant les douleurs, en particulier pas de liquide, pas d’anomalie morphologique ou de signal du ménisque restant, ni d’anomalie des cartilages. L’état de santé était stabilisé et les limitations fonctionnelles étaient identiques à celles énoncées lors de l’examen de 2019 (pas de travail à genoux ni en position accroupie de façon prolongée, limitation de la montée et descente d’escaliers et d’échelles, mouvements rapides et fréquents accroupis ou en relèvement, port de charge limité à 20-25 kilos). En 2019 comme en 2023, les médecins-conseil de l’assureur-accidents ont conclu à une incapacité de travail totale de l’assuré dans son activité habituelle et à une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée respectant les limitations fonctionnelles. Selon le médecin du SMR, ces éléments médicaux démontraient certes une aggravation de l’état de santé en septembre 2021, en raison de la lésion méniscale ayant nécessité une nouvelle méniscectomie partielle, avec dans un premier temps une totale incapacité de travail dans toute activité professionnelle. Toutefois, dès le 06.09.2023, soit au moment de l’appréciation du médecin-conseil de l’assureur-accidents, une reprise de travail dans une activité adaptée était possible à 100%, de sorte que l’aggravation de l’état de santé de l’assuré au jour du dépôt de la nouvelle demande en octobre 2023 n’était pas établie. Comme l’a retenu la juridiction précédente, aucun indice ne permet de confirmer les allégations de l’assuré en lien avec l’aggravation de son état de santé au moment du dépôt de sa nouvelle demande. En particulier, le médecin généraliste traitant ne fournissait aucun élément médical objectif laissant penser que la lésion méniscale allait inéluctablement s’aggraver. L’implantation d’une prothèse du genou apparaissait purement hypothétique et n’était par ailleurs mentionnée par aucun des spécialistes en orthopédie ayant examiné l’assuré. En soutenant que l’ablation totale du ménisque (recte: méniscectomie partielle) a forcément des conséquences sur l’évaluation de son invalidité, l’assuré procède à sa propre appréciation de la situation médicale sans s’appuyer sur un avis médical probant au dossier concluant à une aggravation durable de son état de santé pour ce motif. Par ailleurs, il est établi depuis 2019 – et non contesté – que l’assuré présente une totale incapacité à travailler dans son ancienne activité, ce qui ne suffit pas à lui ouvrir le droit à une rente d’invalidité.

Consid. 5.3
L’assuré reproche encore à l’office AI d’avoir constaté les faits de façon sommaire et à la juridiction précédente de s’en être accommodée. Selon lui, l’absence d’examen complémentaire ensuite du second accident (sic) et l’absence de certificat médical à jour auraient dû mener le Tribunal administratif fédéral à ordonner une expertise, comme il l’aurait fait dans un autre arrêt.

Ce grief est mal fondé. D’une part, il ne suffit pas de citer un arrêt de l’autorité précédente, portant sur un état de fait qui paraîtrait vaguement similaire (rechute d’un accident de travail, nouvelle opération en lien avec une lésion méniscale du genou droit) et renvoyant la cause à l’assureur, pour prétendre dans le cas d’espèce à une appréciation lacunaire des preuves par les premiers juges. D’autre part, en tant que la nouvelle demande a été déposée le 20.10.2023 et que l’office AI s’est prononcé au regard des rapports médicaux recueillis dans le cadre de cette demande, on peine à saisir en quoi ces rapports ne seraient pas « à jour ».

Consid. 6
Vu ce qui précède, l’assuré ne fait état d’aucun élément de nature à mettre en cause les conclusions médicales suivies par les premiers juges, ni de motifs propres à établir le caractère arbitraire de leur appréciation. Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.

L’assuré, qui succombe, a demandé à bénéficier de l’assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l’assistance judiciaire que si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l’échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci paraissait d’emblée dénué de chances de succès et la requête d’assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. L’assuré doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocate.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_160/2025 consultable ici

 

 

8C_229/2024 (f) du 24.09.2025, destiné à la publication – Allocation pour impotent et accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie – Trouble du spectre de l’autisme – Définitions de l’atteinte psychique et de l’atteinte mentale

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_229/2024 (f) du 24.09.2025, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Allocation pour impotent – Besoin d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie / 9 LPGA – 42 LAI – 38 al. 1 RAI

Infirmité congénitale – Trouble du spectre de l’autisme (TSA) – ch. 405 OIC-DFI – Définitions de l’atteinte psychique et de l’atteinte mentale

Critère de troubles du développement intellectuel pour une atteinte à la santé mentale

 

Résumé
Un jeune assuré atteint d’un trouble du spectre de l’autisme (TSA) depuis l’enfance bénéficiait d’une allocation pour impotent. À sa majorité, l’assurance-invalidité a supprimé cette prestation au motif que l’accompagnement dont il avait besoin ne suffisait pas à ouvrir le droit à une allocation en l’absence de rente, le TSA étant qualifié d’atteinte à la santé psychique. La cour cantonale a annulé cette décision, estimant que le TSA constituait une atteinte à la santé mentale, et non psychique, de sorte que la condition du droit à la rente ne s’appliquait pas.

Saisi d’un recours de l’OFAS, le Tribunal fédéral confirme que cette condition ne concerne que les atteintes psychiques, mais juge que le critère déterminant pour distinguer les atteintes à la santé mentale des atteintes psychiques réside dans la présence d’un trouble du développement intellectuel. Comme la cour cantonale n’avait pas établi si tel était le cas de l’assuré, la cause est renvoyée à l’office AI pour qu’il ordonne une expertise médicale destinée à clarifier ce point.

 

Faits
A., né en décembre 2005, a été annoncé à l’AI en octobre 2011 par ses parents en raison de troubles envahissants du développement (TED; CIM-10 F84)

Sur avis de son SMR, l’office AI vaudois a admis l’existence d’une infirmité congénitale selon le ch. 405 OIC (trouble (s) du spectre de l’autisme [TSA]) et a pris en charge des mesures médicales dès juillet 2011. Il a en outre accordé une allocation pour impotent de degré faible dès le 01.06.2011, portée à un degré moyen dès le 01.03.2012.

Au terme de sa scolarité obligatoire, l’assuré a intégré le Centre de formation TEM (Transition École Métier), puis a bénéficié d’une orientation professionnelle d’une durée de trois mois, dans le cadre de mesures d’ordre professionnel accordées par l’AI.

Le 28.02.2022, l’assuré, par l’intermédiaire de ses parents, a déposé deux nouvelles demandes de prestations AI pour adultes, visant une allocation pour impotent et des mesures professionnelles et de rente. Selon l’enquête à domicile du 23.08.2023, il était autonome dans les actes ordinaires de la vie, mais nécessitait un accompagnement hebdomadaire de 2 h 50 pour faire face aux nécessités de la vie. Par décision du 04.12.2023, l’office AI a pris en charge une formation pratique INSOS dans l’industrie légère (novembre 2023 à novembre 2025).

Dans l’intervalle, par décision du 26.10.2023, l’office AI a supprimé le droit à l’allocation pour impotent à partir du 01.01.2024 (18 ans révolus de l’assuré), au motif que l’accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie ne donnait droit à la prestation que pour les personnes atteintes psychiquement bénéficiant aussi d’une rente, ce qui n’était pas le cas de l’assuré. Dans cette décision, l’office AI a qualifié le TSA d’atteinte à la santé psychique.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 353/23 – 72/2024 – consultable ici)

Par jugement du 04.03.2024, admission du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assuré à une API de degré faible dès le 01.01.2024.

 

TF

Consid. 5
En l’occurrence, il est établi dans l’arrêt entrepris que l’assuré présente une infirmité congénitale sous la forme d’un TSA (ch. 405 OIC-DFI), qu’il a besoin d’un accompagnement pour faire face aux nécessités de la vie en raison de cette atteinte au sens de l’art. 38 RAI, et qu’il n’est pas au bénéfice d’une rente d’invalidité dès lors qu’il suit une formation professionnelle initiale donnant droit à des indemnités journalières. Ces points sont admis par l’OFAS. La seule question litigieuse est de savoir si la condition restrictive prévue par l’art. 42 al. 3 LAI – c’est-à-dire avoir droit à une rente pour les personnes souffrant d’une atteinte à la santé uniquement psychique – est applicable à l’assuré, ce qui a été nié par la cour cantonale, mais qui est invoqué par l’OFAS recourant.

Consid. 6 [résumé]
La cour cantonale a considéré que le TSA dont souffrait l’assuré constituait une atteinte à la santé mentale par opposition à une atteinte à la santé psychique, dès lors qu’il s’agissait d’une infirmité congénitale inscrite au ch. 405 OIC‑DFI ayant affecté le développement de l’assuré depuis son plus jeune âge. Elle s’est appuyée sur la circulaire de l’OFAS concernant la statistique des infirmités et des prestations faisant figurer les TSA sous le chapitre XVI intitulé « Maladies mentales et retards graves du développement ».

Interprétant l’art. 42 al. 3 LAI à la lumière de la 4e révision de la LAI et du Message du Conseil fédéral (FF 2001 IV 3107), l’instance cantonale a relevé que l’introduction de cette distinction en même temps que celle de l’art. 42 al. 3 LAI permettait de déduire que le législateur n’avait pas entendu étendre aux personnes souffrant d’un handicap mental la condition restrictive d’être au bénéfice d’une rente posée pour celles souffrant d’une atteinte psychique.

Les travaux préparatoires (BO 2002 E 760) confirmaient que cette restriction visait à limiter les risques d’évaluation subjective du besoin d’accompagnement et tenait compte des fluctuations typiques des troubles psychiques, lesquelles ne s’observaient pas dans les atteintes mentales, notamment congénitales, qui ne pouvait être guérie. Dès lors, la cour cantonale a conclu que, bien qu’il ne perçoive pas de rente, l’assuré pouvait bénéficier d’une allocation pour impotent de degré faible dès le 01.01.2024, son TSA relevant d’une atteinte à la santé mentale.

Consid. 7 [résumé]
L’OFAS recourant se plaint d’une violation de l’art. 42 al. 3 LAI.

Il soutient que les troubles du spectre de l’autisme peuvent se manifester avec ou sans déficience intellectuelle, cette dernière étant déterminante pour qualifier l’atteinte de mentale ou de psychique selon le message du Conseil fédéral relatif à la 4e révision de la LAI. Selon ce message, « il y a atteinte à la santé mentale au sens propre lorsque le développement intellectuel est insuffisant et découle d’atteintes congénitales ou acquises (p. ex. débilité, déficience mentale); il y a par contre atteinte à la santé psychique lorsque les troubles sont d’ordre émotionnel ou cognitif (troubles de la perception), comme cela est le cas pour les personnes atteintes de schizophrénie, de dépression ou de troubles de la personnalité » (FF 2001 IV 3107)

L’OFAS relève qu’en l’espèce, l’assuré ne présente aucune déficience intellectuelle, de sorte que son TSA constitue une atteinte uniquement psychique. Le classement du ch. 405 OIC‑DFI sous le chapitre XVI « Maladies mentales congénitales et profonds retards du développement » ne permettrait pas d’exclure cette qualification, d’autant que la version allemande parle de « Angeborene psychische Erkrankungen und tiefgreifende Entwicklungsrückstände ». Il cite également la version allemande de la nouvelle CIM-11, qui regroupe les TSA au sein du chapitre « Psychische Störungen, Verhaltensstörungen oder neuronale Entwicklungstörungen » (en français: « Troubles mentaux, comportementaux ou neurodéveloppementaux »).

L’OFAS ajoute que les TSA se caractérisent par des troubles émotionnels et cognitifs ainsi que par des particularités sensorielles, caractéristiques des atteintes à la santé psychique. Il souligne la difficulté du diagnostic, parfois posé à l’âge adulte, et renvoie à l’arrêt 9C_566/2019 du 19 mai 2020, où le Tribunal fédéral avait considéré qu’un syndrome d’Asperger constituait une atteinte uniquement psychique excluant le droit à l’allocation pour impotent faute de rente. En conclusion, l’OFAS soutient que le TSA de l’assuré relève d’une atteinte à la santé uniquement psychique.

Consid. 9.1
À juste titre, l’OFAS ne critique pas l’interprétation que la cour cantonale a faite de l’art. 42 al. 3 LAI, selon laquelle la condition restrictive prévue à la 2e phrase de cette disposition ne s’applique pas à tous les assurés mais seulement à ceux qui souffrent d’une atteinte à la santé de nature uniquement psychique. Cette conclusion s’impose tant au regard d’une interprétation littérale et systématique, que téléologique de cette disposition pour les raisons pertinentes exposées par la cour cantonale. Elle trouve également appui dans les débats parlementaires où la discussion s’est focalisée sur les malades psychiques par rapport aux autres malades (BO 2002 E 760), l’obligation d’avoir une rente pour pouvoir obtenir la prestation en cas d’atteinte psychique répondant à la crainte de la minorité I (Egerszegi) d’élargir sans cadre les prestations aux personnes avec un handicap psychique (BO 2001 N 1960).

Consid. 9.2
La LPGA ne contient pas de définition des notions d’atteinte à la santé mentale et d’atteinte à la santé psychique. Au cours des débats relatifs à l’art. 42 LAI, la Conseillère fédérale Ruth Dreifuss a rappelé ce qu’il fallait entendre par atteinte à la santé psychique. Elle a souligné qu’il ne s’agissait pas de modifier la jurisprudence qui avait eu cours jusque-là lorsque les termes de « santé physique ou mentale » étaient les seuls points retenus. Elle a également indiqué qu’il fallait qu’une maladie psychique soit définie médicalement et répertoriée pour pouvoir être à l’origine d’une invalidité au sens de la loi sur l’invalidité et que c’était la classification internationale CIM-10 (en anglais ICD-10) de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) qui était déterminante à cet égard (BO N 2001 1960). Cela correspond à la jurisprudence constante du Tribunal fédéral.

Or la classification CIM-10 ne fait pas de distinction entre fonction mentale et fonction psychique. L’OMS définit le trouble mental comme une altération majeure, sur le plan clinique, de l’état cognitif, de la régulation des émotions ou du comportement d’un individu. Tous les troubles mentaux au sens général de troubles de la santé mentale, quel que soit leur type, figurent au chapitre 5 de la CIM-10 (F00 à F99).

D’après ANDREAS TRAUB (cf. ANDREAS TRAUB, in Basler Kommentar, ATSG, 2020, n. 30 ad art. 3 LPGA), sont des atteintes à la santé de nature psychique au sens de l’art. 3 LPGA celles répertoriées dans la CIM-10 aux chapitres « Troubles mentaux et du comportement liés à des substances psycho-actives » (F10-19), « Troubles de l’humeur (affectifs) (F30-39), « Troubles névrotiques, troubles liés à des facteurs de stress et troubles somatoformes (F40-F48), « Syndromes comportementaux associés à des perturbations physiologiques ou à des facteurs physiques » (F50-F59), « Troubles de la personnalité et du comportement chez l’adulte » (F60-F69), « Troubles du comportement et troubles émotionnels apparaissant habituellement durant l’enfance et l’adolescence (F90-F98) et « Trouble mental sans autre indication » (F99), alors que les atteintes à la santé mentale se trouvent aux chapitres suivants: « Troubles mentaux organiques y compris les troubles symptomatiques » (F00-F09), « Schizophrénie, troubles schizotypiques et troubles délirants (F20-F29), « Retard mental (F70-F79) et « Troubles mentaux et du comportement » (F80-F89). Pour sa part, STÉPHANIE PERRENOUD cite notamment comme exemples d’atteintes à la santé psychique la dépression névrotique ou réactionnelle, l’anorexie nerveuse et la boulimie, l’alcoolisme, la dépendance à la nicotine ou la toxicomanie (cf. STÉPHANIE PERRENOUD, Commentaire romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n. 17 ad art. 3 LPGA).

Dans l’ATF 150 V 273, le Tribunal fédéral a qualifié un trouble du spectre autistique accompagné de déficits cognitifs importants d’atteinte à la santé psychique ayant valeur de maladie au sens de l’art. 7 al. 2 let. c ch. 2 OPAS. La distinction entre troubles psychiques et mentaux ne revêtait dans ce contexte aucune portée, de sorte que le Tribunal fédéral n’en a pas traité dans l’arrêt cité. On ne peut donc pas déduire de cet arrêt que le trouble du spectre autistique, accompagné ou non de troubles du développement intellectuel, devrait être qualifié d’atteinte à la santé psychique plutôt que d’atteinte à la santé mentale.

Consid. 9.3
L’autisme est classé dans la catégorie « F Troubles mentaux et du comportement », dans la section « 80 Troubles du développement psychologique » et dans la sous-section « 84 Troubles Envahissants du Développement (TED) « . La CIM-10 distingue des sous-diagnostics tels que notamment l’autisme infantile (F84.0), le syndrome d’Asperger (F84.5) et ou l’autisme atypique (F84.5). L’autisme est un trouble du développement (ou du neurodéveloppement), qui se caractérise par des déficits dans les interactions sociales (difficultés dans la réciprocité sociale ou émotionnelle) ainsi que dans la communication (verbale et non verbale) combinés avec un répertoire de comportements, d’intérêts et d’activités restreint et répétitif (PR NADIA CHABANE ET DR SABINE MANIFICAT, Diagnostic des troubles du spectre autistique, un enjeu pour un meilleur accompagnement des personnes, in Revue médicale suisse 2016, p. 1566; NATHALIE POIRIER ET CATHERINE DES RIVIÈRES-PIGEON, Le trouble du spectre de l’autisme: État des connaissances, Presse de l’Université du Québec, 2013, p. 16; voir aussi le code 299.00 Trouble du spectre de l’autisme dans le DSM-5).

Il existe parfois aussi une sensibilité sensorielle trop grande (à la lumière, aux bruits, aux odeurs ou aux contacts corporels) ou au contraire trop faible. Les symptômes de l’autisme sont toujours présents depuis la petite enfance même si, dans certains cas, ces symptômes ne sont pas très prononcés jusqu’à la préadolescence ou l’adolescence, période où les exigences sociales deviennent plus complexes (MARIE SCHAER/NADA KOJOVIC, Comprendre l’autisme: l’apport des neurosciences, in Sécurité sociale CHSS, 2/2019). Selon un consensus scientifique, l’autisme est considéré comme l’expression d’un dysfonctionnement cérébral d’origine multifactorielle impliquant des facteurs génétiques (gènes intervenant sur le développement cérébral) et des facteurs environnementaux (infections, intoxications, souffrance foetale) (NADIA CHABANE/CHLOÉ PETER, Le Trouble du Spectre de l’Autisme, Repérage, diagnostic et interventions précoces, in Revue Suisse de Pédagogie Spécialisée, vol. 13, 01/2023). L’autisme peut ou non être associé à un déficit intellectuel ainsi qu’à d’autres pathologies neurologiques ou psychologiques.

Il recouvre des tableaux cliniques très hétérogènes avec un handicap plus ou moins sévère, si bien qu’on parle de « troubles du spectre de l’autisme ». La onzième version de la CIM, entrée en vigueur le 1er janvier 2022, reprend d’ailleurs cette terminologie. Les manifestations du TSA ne sont pas fixes mais varient au cours de la trajectoire de vie; selon l’âge, certains symptômes fluctuent en intensité et en modalité ou disparaissent pour laisser la place à d’autres particularités comportementales (NADIA CHABANE/CHLOÉ PETER, op. cit). Aussi les experts en pédopsychiatrie préconisent-ils une intervention précoce intensive dès l’âge préscolaire afin d’atténuer les signes distinctifs de l’autisme du fait de la plasticité cérébrale élevée des enfants en bas âge (voir le rapport sur les troubles du spectre de l’autisme du Conseil fédéral du 17 octobre 2018, consultable sous www.news.admin.ch > news > attachements Rapport sur les troubles du spectre de l’autisme Mesures à prendre en Suisse pour améliorer la pose de diagnostic, le traitement et l’accompagnement des personnes présentant des troubles du spectre de l’autisme). Cependant, un TSA persiste toute la vie et il n’existe pas de thérapie curative.

Consid. 9.4
Au regard de l’hétérogénéité de la symptomatologie autistique ainsi que de ses niveaux de sévérité divers aussi en cours de parcours de vie, il apparaît difficile de désigner toutes les formes de TSA soit comme atteinte à la santé mentale, soit comme atteinte à la santé psychique, même si un TSA est reconnu comme infirmité congénitale. La terminologie employée dans l’OIC-DFI et la CIM-11, différente dans la version allemande par rapport à celle française, n’apporte rien de déterminant à cet égard.

Force est de constater que la distinction entre troubles mentaux et troubles psychiques ne se laisse pas définir de manière univoque à partir de catégories médicales ou diagnostiques, nonobstant le fait qu’il existe, pour un certain nombre de troubles, un consensus sur ce point dans la littérature et la science médicales. On voit bien que cette question – à laquelle le Tribunal fédéral n’a pas répondu jusqu’ici à l’inverse de ce que prétend l’OFAS – soulève d’importantes difficultés de délimitation dans la pratique, qui ne se posent d’ailleurs pas seulement pour les TSA, mais également pour d’autres troubles classés dans la même catégorie (par exemple le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité [code 6A05 dans la CIM-11]). Dans ces conditions, un diagnostic associé de déficience intellectuelle (ou trouble dans le développement intellectuel selon la CIM-11) comme critère déterminant pour considérer qu’une atteinte à la santé fait partie de la catégorie des atteintes à la santé mentale au sens de la loi, à l’instar de ce que soutient l’OFAS recourant sur la base du message du Conseil fédéral (FF 2001 IV 3107 et 3125), échappe à la critique et mérite d’être validé.

Selon la CIM-11 [code 6A00], les troubles du développement intellectuel sont un groupe d’affections étiologiques diverses qui apparaissent au cours de la période de développement et qui se caractérisent par un fonctionnement intellectuel et un comportement adaptatif significativement inférieurs à la moyenne, d’environ deux écarts-types ou plus en dessous de la moyenne (inférieurs au 2,3e percentile environ), sur la base de tests convenablement normalisés et administrés individuellement. Il existe plusieurs niveaux de sévérité dans les troubles du développement intellectuel (léger/modéré/sévère/profond). Ces troubles correspondent dans la CIM-10 aux différentes formes de retard mental [F70-F79], au demeurant historiquement considéré comme le marqueur caractéristique des atteintes à la santé mentale. Dans de plus rares cas, la déficience intellectuelle peut être acquise, c’est-à-dire résulter d’une lésion ou d’une pathologie cérébrale post-natale.

La présence d’un trouble du développement intellectuel (ou d’une déficience intellectuelle) constitue un critère de délimitation clair, adéquat et objectif, puisqu’il se rattache à la pose d’un diagnostic médical précis et répertorié qui met en exergue, chez la personne concernée, des compétences diminuées tant sur le plan intellectuel que comportemental. Par ailleurs, un tel trouble est identifié au moyen de tests normés et reconnus, si bien que ce critère permet également d’assurer une égalité de traitement entre personnes assurées sans qu’il soit lié, a priori, à des difficultés importantes en matière de preuve. Enfin, quoi qu’en pense l’assuré, un diagnostic associé de ce type, même dans sa forme légère, est indicateur d’un état durable d’une certaine gravité – soit d’un fonctionnement intellectuel et d’un comportement adaptatif significativement inférieurs à la moyenne (environ deux à trois écarts-types en dessous de la moyenne selon la définition du trouble développement intellectuel léger donné par la CIM-11) -, éléments qui ont leur pertinence dans le domaine des assurances sociales, comme cela se voit en particulier pour l’application de l’art. 42 al. 3 LAI.

Sur ce point, le recours est bien fondé et la juridiction cantonale ne pouvait pas, en l’état de l’instruction, constater l’existence d’un trouble mental ouvrait droit aux prestations litigieuses.

Consid. 9.5
En revanche, contrairement à ce que soutient l’OFAS, il est contesté que l’assuré ne présente aucun trouble du développement intellectuel associé au TSA. Ce point n’a pas fait l’objet d’une constatation par la cour cantonale. Bien qu’il ressorte du dossier que le TSA de l’assuré s’est manifesté de manière suffisamment distinctive et sévère dans son enfance pour que celui-ci ait été mis au bénéfice de mesures médicales ainsi que d’une allocation pour impotent dès l’âge de cinq ans jusqu’à l’accession de sa majorité, on ne saurait se prononcer à cet égard sans l’aide d’un expert. Il convient donc de renvoyer la cause à l’office AI pour qu’il mette en oeuvre une expertise médicale en vue de déterminer si l’assuré présente un trouble du développement intellectuel associé au TSA, auquel cas la condition restrictive de l’art. 42 al. 3 LAI ne lui est pas applicable.

 

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

Arrêt 8C_229/2024 consultable ici

 

 

9C_55/2024 (f) du 11.10.2025 – Prestations d’invalidité après la dissolution du rapport de prévoyance – Connexité matérielle et temporelle – Interruption du rapport de connexité / 23 LPP

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_55/2024 (f) du 11.10.2025

 

Consultable ici

 

Prestations d’invalidité après la dissolution du rapport de prévoyance – Connexité matérielle et temporelle – Interruption du rapport de connexité / 23 LPP

Attestations médicales établies « en temps réel » – Valeur probante d’une expertise psychiatrique judiciaire

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé que la rente d’invalidité LPP devait être calculée sur la base du salaire perçu en tant que juge, retenant que l’incapacité de travail de l’assurée, survenue en 2007, n’avait jamais été interrompue par une reprise durable d’activité. Tant les juges cantonaux que fédéraux ont estimé que la réduction du taux d’occupation dans son emploi d’enseignante découlait de motifs de santé et non de convenance personnelle. L’expertise psychiatrique judiciaire, jugée complète et convaincante, a confirmé une capacité de travail n’excédant jamais 50%. En conséquence, la caisse de pensions a été condamnée à verser la rente entière d’invalidité calculée sur l’ancien traitement de magistrate.

 

Faits
L’assurée a travaillé au service de son employeur dès le 01.09.1992, occupant en dernier lieu la fonction de juge à plein temps jusqu’au 31.07.2008.  Elle était assurée en prévoyance professionnelle auprès de la Caisse de pensions de l’État de Vaud (CPEV). Le 01.04.2008, sa psychiatre traitante a posé les diagnostics de trouble de l’adaptation avec réaction mixte anxieuse et dépressive (F43.22) et de trouble du sommeil non organiques (F51), précisant qu’elle était en arrêt de travail depuis le 04.09.2007. L’assurée a présenté sa démission pour le 31.07.2008.

Dès le 01.08.2008, elle a travaillé à temps partiel comme enseignante au Centre d’enseignement professionnel de U.__, avec un taux d’occupation variable entre 48% et 64%, tout en restant affiliée à la CPEV. Elle a parallèlement entrepris une formation pédagogique qu’elle n’a pas achevée. Dans un rapport du 05.03.2009, la psychiatre traitante a confirmé un trouble de l’adaptation avec réaction anxieuse et dépressive (F43.22) et un trouble de la personnalité anxieuse (F60.6), relevant une impasse professionnelle qui avait motivé une reconversion. Dès le 16.09.2010, l’assurée s’est trouvée en incapacité totale de travail, et son contrat a pris fin le 31.07.2011.

Le 28.09.2011, la CPEV lui a octroyé une pension mensuelle d’invalidité dès le 01.08.2011. Le 13.10.2011, l’assurée a déposé une demande AI. Son psychiatre a alors diagnostiqué une anxiété généralisée (F41.1) depuis 2007, un état dépressif d’épuisement depuis 2011, ainsi qu’un trouble spécifique de la personnalité (narcissique) (F60.8) depuis l’enfance, attestant plusieurs périodes d’incapacité totale ou partielle de travail depuis 2007. Une expertise psychiatrique du 10.11.2014 a conclu à une incapacité totale de travail depuis 2007 en raison d’un état dépressif sévère avec idéation suicidaire et hospitalisations répétées.

Par décision du 24.04.2015, l’office AI a accordé une rente entière d’invalidité dès le 01.04.2012, décision notifiée à la CPEV et non contestée. Par la suite, les 18.08.2015 et 26.05.2016, la CPEV a confirmé le calcul de la rente sur le dernier salaire cotisant en qualité d’enseignante au 31.07.2011, estimant qu’il n’existait pas d’incapacité de travail antérieure susceptible de justifier une référence au salaire de juge.

 

Procédure cantonale

Le 03.08.2016, l’assurée a saisi le tribunal cantonal d’une action contre la CPEV.

L’assurée est décédée en septembre 2017. La procédure s’est poursuivie entre son époux (A.__), qui s’était fait céder les droits des héritiers, et la CPEV.

La Cour cantonale a ordonné une expertise psychiatrique judiciaire. Le mandat visait à retracer l’évolution de l’état de santé de l’assurée entre 2007 et 2011, à préciser les diagnostics, les incapacités de travail psychiatriques justifiées et à examiner les divergences d’interprétation relatives aux rapports de la psychiatre traitante. L’expert psychiatre a diagnostiqué un trouble anxieux généralisé (F41.1), un trouble dépressif récurrent (F33.xx) d’intensité variable et un trouble mixte de la personnalité (F61.0). Il a conclu à une incapacité de travail totale du 04.09.2007 au 31.07.2008 dans la profession de juge et à une capacité de travail n’excédant jamais 50% d’un 100% dans l’activité d’enseignante.

Estimant que l’invalidité permanente était survenue en 2007, la juridiction cantonale a admis la demande par arrêt du 21.07.2023. Elle a condamné la CPEV à verser à A.__, en qualité d’héritier de l’assurée, une rente entière d’invalidité de 6’741 fr. 90 par mois du 01.08.2011 au 30.09.2017, ainsi qu’un supplément temporaire de 1’321 fr. 80 par mois du 01.08.2011 au 31.03.2012. La rente de veuf a été fixée à 4’045 fr. 10 dès le 01.10.2017.

 

TF

Consid. 3.1
D’après l’art. 23 LPP, les prestations sont dues par l’institution de prévoyance à laquelle l’intéressé est – ou était – affilié au moment de la survenance de l’événement assuré. Dans la prévoyance obligatoire, ce moment ne coïncide pas avec la naissance du droit à la rente de l’assurance-invalidité, mais correspond à la survenance de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité.

Consid. 3.2
Pour qu’une institution de prévoyance reste tenue à prestations après la dissolution du rapport de prévoyance, il faut non seulement que l’incapacité de travail ait débuté à une époque où l’assuré lui était affilié, mais encore qu’il existe entre cette incapacité de travail et l’invalidité une relation d’étroite connexité. La connexité doit être à la fois matérielle et temporelle (ATF 130 V 270 consid. 4.1).

Il y a connexité matérielle si l’affection à l’origine de l’invalidité est la même que celle qui s’est déjà manifestée durant le rapport de prévoyance (et qui a entraîné une incapacité de travail; ATF 138 V 409 consid. 6.2). La relation de connexité temporelle suppose qu’après la survenance de l’incapacité de travail dont la cause est à l’origine de l’invalidité, la personne assurée n’ait pas à nouveau été capable de travailler pendant une longue période. L’existence d’un tel lien temporel doit être examinée au regard de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, tels la nature de l’atteinte à la santé, le pronostic médical, ainsi que les motifs qui ont conduit la personne assurée à reprendre ou ne pas reprendre une activité lucrative. Il peut également être tenu compte du comportement de la personne assurée dans le monde du travail.

En ce qui concerne la durée de la capacité de travail interrompant le rapport de connexité temporelle, il est possible de s’inspirer de la règle de l’art. 88a al. 1 RAI comme principe directeur. Conformément à cette disposition, il y a lieu de prendre en compte une amélioration de la capacité de gain ayant une influence sur le droit à des prestations lorsqu’elle a duré trois mois, sans interruption notable, et sans qu’une complication prochaine soit à craindre. Lorsque la personne assurée dispose à nouveau d’une pleine capacité de travail pendant au moins trois mois et qu’il apparaît ainsi probable que la capacité de gain s’est rétablie de manière durable, il existe un indice important en faveur de l’interruption du rapport de connexité temporelle. Il en va différemment lorsque l’activité en question, d’une durée éventuellement plus longue que trois mois, doit être considérée comme une tentative de réinsertion ou repose de manière déterminante sur des considérations sociales de l’employeur et qu’une réadaptation durable apparaissait peu probable (ATF 134 V 20 consid. 3.2.1 et les références).

Consid. 3.3
Le Tribunal fédéral examine librement la connexité temporelle fondée sur la question de savoir si, malgré la perception d’un salaire, la personne assurée présentait une incapacité de travail notable, singulièrement si elle était encore capable de fournir les prestations requises, que ce soit dans son domaine d’activité ou dans un autre domaine d’activité pouvant être raisonnablement exigé de sa part. D’après la jurisprudence, il est décisif que l’incapacité de travail se soit effectivement manifestée de manière défavorable dans le cadre des rapports de travail. Une altération des performances de la personne assurée doit ressortir des circonstances du cas concret, que cela soit au travers d’une baisse marquée de rendement, d’avertissements répétés de l’employeur ou d’absences fréquentes pour cause de maladie. La fixation rétroactive d’une incapacité de travail médico-théorique, sans que celle-ci ne soit corrélée par des observations similaires rapportées par l’employeur de l’époque, ne saurait suffire. En principe, doivent être considérés comme correspondant à la réalité l’engagement à fournir la prestation de travail conformément aux conditions définies contractuellement et le montant du salaire versé en contrepartie ainsi que la teneur des autres accords passés dans le cadre des rapports de travail. Ce n’est qu’en présence de circonstances particulières que peut être envisagée l’éventualité que la situation contractuelle déroge à la réalité. De telles circonstances doivent être admises avec une extrême réserve, sinon quoi le danger existe que la situation du travailleur devienne l’objet de spéculations dans le but de déjouer la couverture d’assurance de celui-ci en le renvoyant systématiquement à l’institution de prévoyance de son précédant employeur (arrêt 9C_76/2015 du 18 décembre 2015 consid. 2.4).

Consid. 3.4
L’exercice d’une activité permettant de réaliser un revenu excluant le droit à une rente ne suffit pas encore à interrompre la relation de connexité temporelle. Pour admettre l’existence d’une telle interruption, il faut avant tout que la personne concernée ait retrouvé une capacité de travail significative de 80% au moins (en référence au taux de 20% de la diminution de la capacité fonctionnelle de rendement dans la profession exercée jusque-là). Le fait que la personne concernée est en mesure de réaliser un revenu excluant le droit à une rente n’apparaît déterminant que si elle dispose dans une activité raisonnablement exigible (autre que sa profession habituelle) d’une capacité de travail (presque) entière. En d’autres termes, la relation de connexité temporelle est interrompue pour autant que la personne concernée dispose d’une capacité de travail dans une activité adaptée de 80% au moins et que celle-ci lui permette de réaliser un revenu excluant le droit à une rente (ATF 144 V 58 consid. 4.4 et les arrêts cités; arrêts 9C_76/2015 précité consid. 2.5; 9C_98/2013 du 4 juillet 2013 consid. 4.1 et les références, in SVR 2014 BVG n° 1 p. 1).

Consid. 3.5
Les constatations de la juridiction cantonale relatives à l’incapacité de travail résultant d’une atteinte à la santé relèvent d’une question de fait et ne peuvent être examinées par le Tribunal fédéral que sous un angle restreint, dans la mesure où elles reposent sur une appréciation concrète des circonstances du cas d’espèce. Les conséquences que tire l’autorité précédente des constatations de fait quant à la connexité temporelle sont en revanche soumises, en tant que question de droit, au plein pouvoir d’examen du Tribunal fédéral (arrêt 9C_333/2020 du 23 février 2021 consid. 5.2 et la référence).

Consid. 3.6
La preuve suffisante d’une limitation de la capacité fonctionnelle de travail déterminante sous l’angle du droit de la prévoyance professionnelle (ATF 134 V 20 consid. 3.2.2) ne suppose pas forcément l’attestation médicale d’une incapacité de travail « en temps réel » (« echtzeitlich »). Toutefois, des considérations subséquentes et des suppositions spéculatives, comme une incapacité médico-théorique établie rétroactivement après bien des années, ne suffisent pas. L’atteinte à la santé doit avoir eu des effets significatifs sur les rapports de travail; en d’autres termes, la diminution de la capacité fonctionnelle de travail doit s’être manifestée sous l’angle du droit du travail, notamment par une baisse des prestations dûment constatée, un avertissement de l’employeur ou une accumulation d’absences du travail liées à l’état de santé (cf. arrêt 9C_107/2024 du 24 juin 2025 consid. 2.2).

En outre, une attention particulière doit être réservée aux cas dans lesquels la personne assurée a réduit son taux d’occupation pour des raisons de santé durant le rapport de prévoyance et où il manque régulièrement des attestations médicales « en temps réel ». Il peut toutefois être renoncé à une telle attestation « en temps réel » lorsque d’autres circonstances suggèrent objectivement que la réduction du taux d’occupation a eu lieu pour des raisons de santé (cf. arrêt 9C_394/2012 du 18 juillet 2012 consid. 3.1.2).

Consid. 3.7
Le juge ne s’écarte pas sans motifs impératifs des conclusions d’une expertise médicale judiciaire, la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné (ATF 135 V 465 consid. 4.4 et les références). Selon la jurisprudence, peut constituer une raison de s’écarter d’une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou qu’une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante.

Enfin, s’agissant de la maxime d’instruction, il incombe au tribunal de la prévoyance compétent au niveau cantonal de compléter l’instruction pour ce qui est des circonstances ayant conduit à la dissolution des rapports de travail entre l’assurée et son ancien employeur et pour ce qui est de l’état de santé de la personne assurée. C’est le cas, en particulier, lorsqu’il s’agit de qualifier l’évaluation a posteriori de l’incapacité de travail faite par des médecins qui avaient suivi l’assuré pendant de nombreuses années (cf. arrêt 9C_433/2012 du 13 février 2013 consid. 4).

Consid. 5.1 [résumé]
Le refus de l’expert psychiatre de faire assister à son entretien avec A.__ la CPEV n’a pas violé le droit d’être entendu de cette dernière. L’expert a précisé que l’entretien portait sur des éléments relevant de la sphère privée de A.__ et non sur sa participation en tant que partie, ce qui rendait le grief infondé. Par ailleurs, la CPEV avait eu accès à l’intégralité du dossier et avait pu s’exprimer à ce sujet.

Consid. 5.2
Il convient ensuite de reprendre les termes du certificat médical de la psychiatre traitante du 30.06.2008. Il y est exposé en substance que: « Le médecin soussigné certifie que [l’assurée] présente une capacité de travail de 100% à partir du 27.06.2008 dans une activité professionnelle adaptée et dans un environnement approprié, ceci pour des raisons médicales. »

Consid. 5.3 [résumé]
Le grief tiré d’une prétendue méconnaissance de ce certificat par l’expert judiciaire est infondé. L’arrêt cantonal constate expressément que l’expert psychiatre en avait tenu compte, et la CPEV ne démontre pas que cette appréciation serait arbitraire.

Le document du 30.06.2008 n’apporte de surcroît aucun élément déterminant pour l’évaluation rétrospective de la capacité de travail de l’assurée dans sa fonction de juge, la psychiatre traitante s’étant uniquement prononcée sur une activité adaptée, sans en préciser la nature. L’expert judiciaire a expliqué les raisons l’ayant conduit à conclure que l’incapacité de travail était totale dès 2007 sur le plan psychiatrique dans l’activité de magistrate. Sur cette base, la constatation selon laquelle l’assurée avait été totalement incapable de travailler du 04.09.2007 au 31.07.2008 n’était pas arbitraire. De plus, dans un certificat postérieur du 08.11.2011, la psychiatre traitante – qui avait régulièrement suivi sa patiente dans l’intervalle – a confirmé que l’incapacité de travail était restée totale jusqu’au 31.07.2008. L’expert disposait ainsi d’attestations médicales établies « en temps réel » (« echtzeitlich »), attestant que l’atteinte à la santé avait eu des effets significatifs sur les rapports de travail, se traduisant notamment par une longue absence professionnelle pour raisons de santé.

Consid. 5.4 [résumé]
À partir d’août 2008, l’assurée a exercé une activité d’enseignante à temps partiel, avec un taux d’occupation variant entre 48% et 64%, soit en moyenne 59,55% selon l’expert psychiatre. Bien qu’aucune attestation médicale n’ait été établie « en temps réel » entre juin 2008 et août 2010, l’expert pouvait en évaluer rétrospectivement la capacité de travail. Un rapport de la psychiatre traitante du 05.03.2009 attestait un suivi psychiatrique hebdomadaire en raison d’un trouble de l’adaptation avec réaction anxieuse et dépressive (F43.22) et d’un trouble de la personnalité anxieuse (F60.6). Ces éléments démontraient que la réduction du taux d’activité résultait de raisons médicales et non de convenance personnelle, contrairement à ce que soutenait la caisse de pension.

L’expert a conclu que la capacité de travail de l’assurée dans l’activité d’enseignante n’avait jamais dépassé 50% d’un plein temps, en relevant que les troubles psychiques, présents depuis l’enfance, s’étaient aggravés avec le temps et n’avaient jamais connu de rémission complète. L’embellie de 2008-2009 pouvait expliquer une fuite en avant dans la guérison d’une assurée qui ne se donnait plus le droit à l’échec. L’assurée restait symptomatique, nécessitant une prise en soins psychiatrique conséquente et continue. Elle avait pu tenir au prix d’une grande souffrance et avait effectivement travaillé davantage que ce qui était raisonnablement exigible, compte tenu de son état de santé.

La CPEV se borne à opposer sa propre appréciation à celle des juges cantonaux sans démontrer de violation de la jurisprudence sur les évaluations rétrospectives en l’absence de certificats médicaux établis « en temps réel », ni d’erreur manifeste dans l’établissement des faits. De plus, son argument selon lequel il faudrait tenir compte non seulement du taux d’activité entre 48% et 64% mais aussi du temps consacré à la préparation pédagogique contredisait l’évaluation médicale de l’expert, lequel avait estimé cette activité incompatible avec l’état de santé de l’assurée. Le taux de capacité de travail de 83% à 85% avancé par la caisse de pension relève ainsi d’une simple affirmation de sa part et n’est corroborée par aucun élément du dossier.

Consid. 5.5
La caisse de pension recourante ne soulève pas de griefs pertinents à l’encontre du rapport d’expertise judiciaire qui permettraient d’en infirmer toute force probante. Singulièrement, elle n’a mis en évidence aucun motif impératif qui pourrait amener le juge à s’écarter de l’expertise (cf. consid. 3.7 supra).

Consid. 5.6
En résumé, les constatations de faits de l’instance cantonale ne sont pas arbitraires en tant qu’elle a retenu d’une part que l’assurée avait été totalement incapable de travailler du 04.09.2007 au 31.07.2008 comme juge, d’autre part qu’elle n’avait depuis lors jamais recouvré une capacité de travail de 80% (au moins) dans toute autre activité durant le rapport de prévoyance. Elle pouvait l’admettre malgré l’absence d’attestation « en temps réel » de juin 2008 à août 2010 relative à la capacité de travail, dès lors que d’autres circonstances retenues par l’expert indiquaient que la réduction du taux d’occupation avait eu lieu pour des raisons de santé. La juridiction cantonale a donc correctement appliqué l’art. 23 LPP.

Consid. 6
S’agissant du calcul des prestations d’invalidité et de survivant, leurs montants ne sont ni contestés ni litigieux. Dès lors, les conclusions du recours – tant principale, fondée sur la thèse rejetée d’un calcul selon le salaire d’enseignante, que subsidiaire, tendant au renvoi de la cause – doivent être rejetées.

Le TF rejette le recours de la caisse de pension.

 

Arrêt 9C_55/2024 consultable ici

 

 

8C_536/2024 (d) du 24.10.2025 – Trébuché ou glissé en marchant dans une rue pavée en tongs (Flip-Flop) est un accident – 4 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_536/2024 (d) du 24.10.2025

 

Consultable ici

 

Trébuché ou glissé en marchant dans une rue pavée en tongs (Flip-Flop) est un accident / 4 LPGA

Facteur extérieur de caractère extraordinaire – Mouvement non coordonné

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé l’existence d’un accident dans le cas d’une assurée qui, en traversant une rue en tongs, a trébuché ou glissé, entraînant une perturbation du mouvement et un faux pas. La cour cantonale puis le Tribunal fédéral ont jugé qu’une glissade ou un trébuchement dans une situation de la vie quotidienne constitue un mouvement non coordonné et une perturbation non programmée du déroulement du mouvement, remplissant ainsi le critère du facteur extérieur extraordinaire.

 

Faits
Assurée, née en 1969, a trébuché ou glissé le 21.06.2023 alors qu’elle traversait une rue pavée en tongs [« Flip-Flop »]. Les jours suivants, un gonflement et des douleurs à la marche se sont développés à l’avant-pied gauche. Consulté le 26.06.2023, un médecin a d’abord pensé à une piqûre de tique à la cheville gauche. Un examen radiologique du 29.06.2023 a mis en évidence une fracture de fatigue diaphysaire du troisième métatarsien.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a considéré que l’événement ne constituait pas un accident au sens juridique et que l’atteinte corporelle assimilée à un accident était due de manière prépondérante à l’usure.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 15.07.2024, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4
Selon l’art. 6 al. 1 LAA, l’assureur-accidents fournit les prestations d’assurance notamment en cas d’accidents. Un accident est l’atteinte dommageable, soudaine et non intentionnelle, d’un facteur extérieur extraordinaire, qui cause une atteinte à la santé physique, mentale ou psychique ou la mort (art. 4 LPGA).

Le facteur extérieur est extraordinaire lorsqu’il excède le cadre des événements et des situations que l’on peut objectivement qualifier de quotidiens ou d’habituels dans le domaine de vie concerné (ATF 134 V 72 consid. 4.1). Un besoin accru de délimitation existe lorsque, de par sa nature, l’atteinte à la santé peut avoir d’autres causes qu’une atteinte dommageable soudaine, c’est-à-dire lorsqu’il n’est pas possible de l’attribuer avec certitude à un facteur exogène.

Selon la jurisprudence, cela vaut en particulier lorsque l’atteinte à la santé peut, selon l’expérience, survenir comme la conséquence unique d’une maladie, notamment de modifications dégénératives préexistantes d’une partie du corps, dans le cadre d’un déroulement tout à fait normal des événements. Dans de tels cas, la cause immédiate de l’atteinte doit avoir été présente dans des circonstances particulièrement « évidentes ». Ainsi, une atteinte sans tendance manifeste à causer des dommages ne devient un facteur extérieur extraordinaire qu’avec la survenance d’un événement supplémentaire. Outre les forces habituelles agissant sur le corps, un événement supplémentaire spécifique au dommage est nécessaire pour qu’un accident puisse être admis (ATF 134 V 72 consid. 4.3.2.1).

Le critère du facteur extérieur extraordinaire peut aussi consister en un mouvement non coordonné. Tel est le cas lorsque le déroulement habituel et normal d’un mouvement corporel est interrompu par un empêchement non programmé, lié à l’environnement extérieur. Le facteur extérieur – modification entre le corps et l’environnement extérieur – constitue alors en même temps le facteur extraordinaire en raison du déroulement non programmé du mouvement (ATF 130 V 117 consid. 2.1). C’est le cas par exemple lorsque la personne assurée trébuche, glisse ou se heurte à un objet, ou lorsqu’elle exécute ou tente d’exécuter un mouvement réflexe de défense pour empêcher une glissade (cf. arrêt 8C_24/2022 du 20 septembre 2022 consid. 3.2 et les références).

Consid. 5.1 [résumé]
L’instance cantonale a retenu que, bien qu’il y ait de légères variations (faux pas selon le rapport médical du 30.06.2023 ; trébuché selon la déclaration d’accident du 04.07.2023 ; glissé/dérapé selon le questionnaire du 22.08.2023) sans aucune mention de chute, les descriptions de l’événement du 21.06.2023 étaient cohérentes dans leurs éléments essentiels. Le faux pas n’est pas concevable sans un mouvement non coordonné préalable – comme trébucher ou glisser. Contrairement à l’opinion de l’assurance-accidents, le facteur extérieur extraordinaire peut consister en un mouvement non coordonné. Une telle perturbation étant établie (l’assurée a trébuché ou glissé, faisant un faux pas), la notion d’accident selon l’art. 4 LPGA est remplie et le cas doit être examiné sous l’angle de l’art. 6 al. 1 LAA. La cause est renvoyée à l’assurance-accidents pour instruction complémentaire quant à la causalité.

Consid. 5.2.2
Dans les cas où l’atteinte à la santé peut être, comme ici, la seule conséquence de modifications dégénératives préexistantes d’une partie du corps, la cause immédiate doit avoir été établie dans des circonstances particulièrement évidentes (cf. consid. 4 supra).

Selon le dossier, l’assurée a soit trébuché, soit glissé, soit fait un pas en avant en traversant la route. La question de savoir si le pas en avant mentionné par le médecin traitant doit être considéré à lui seul comme un mouvement non coordonné au sens de la jurisprudence peut rester ouverte. Ce qui est déterminant, c’est que l’assurée elle-même a systématiquement décrit avoir glissé ou trébuché, ce que l’assurance-accidents n’a pas contesté et ne conteste pas.

Il est donc établi, au degré de la vraisemblance prépondérante (cf. ATF 138 V 218 consid. 6), qu’il y a eu un mouvement non coordonné, lors duquel une circonstance extérieure a influencé le déroulement naturel du mouvement de manière non programmé et (suffisamment) évidente, qui était apte à conduire à une sollicitation non physiologique (cf. arrêt U 277/99 du 30 août 2001 consid. 3c). Le critère du facteur extérieur extraordinaire est donc rempli.

L’arrêt 8C_978/2010 du 3 mars 2011, invoqué à nouveau u moins implicitement par l’assurance-accidents en dernière instance, dans lequel le Tribunal fédéral a nié l’existence d’un accident, ne conduit à aucun autre résultat. Comme l’a correctement reconnu la cour cantonale, cet arrêt concernait un trébuchement sans chute lors d’une activité sportive (« marche »/jogging) en pleine nature, où ce risque est inhérent à l’activité (cf. consid. 4.2 de l’arrêt précité). En l’espèce, il s’agit en revanche d’une situation de la vie quotidienne, dans laquelle une glissade constitue une perturbation évidente et non programmée du mouvement.

Enfin, l’argument de l’assurance-accidents selon lequel le mouvement non programmé pourrait n’être que la manifestation de la blessure ne trouve aucun appui dans les pièces du dossier. Au contraire, il ressort clairement des documents que l’assurée n’a ressenti les troubles ou les douleurs qu’après avoir trébuché ou glissé.

Consid. 6
Le tribunal cantonal n’a pas violé le droit fédéral en confirmant l’existence d’un accident. Comme elle l’a ordonné, l’assurance-accidents devra en particulier clarifier si l’événement constituait une cause partielle (justifiant l’octroi des prestations) de la fracture de fatigue ou s’il n’était qu’une cause occasionnelle ou fortuite (empêchant l’octroi des prestations). Sur la base du résultat de ces investigations, elle devra statuer à nouveau sur le droit aux prestations de l’assurée.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_536/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_536/2024 (d) du 24.10.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/11/8c_536-2024)

 

 

Le Conseil fédéral définit les lignes directrices de la réforme AVS2030

Le Conseil fédéral définit les lignes directrices de la réforme AVS2030

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 26.11.2025 consultable ici

 

Le Conseil fédéral veut stabiliser à long terme, pour la période 2030-2040, la situation financière de l’AVS et adapter celle-ci à l’évolution de la société. Lors de sa séance du 26 novembre 2025, il a décidé des lignes directrices qu’il entend poursuivre pour la réforme AVS2030 et chargé le Département fédéral de l’intérieur (DFI) de présenter un avant-projet d’ici au printemps 2026. Le Conseil fédéral a défini des mesures visant, d’une part, à rendre le système plus équitable, d’autre part, à prolonger la vie active. Le Conseil fédéral a également fixé des orientations afin de consolider financièrement l’AVS. Celles-ci dépendent des décisions que prendra le Parlement pour financer la 13e rente de vieillesse AVS. Une augmentation de l’âge de la référence n’est pas envisagée.

Afin de stabiliser l’AVS à long terme et de l’adapter à l’évolution de la société, le Conseil fédéral a adopté, lors de sa séance du 26 novembre 2025, les lignes directrices de la réforme de l’AVS (AVS2030). Celles-ci ont pour objectifs de rendre le système plus équitable en comblant des lacunes de cotisation et de favoriser le maintien d’une activité lucrative jusqu’à et après l’âge de référence. Des mesures pour consolider financièrement l’AVS durant la période 2030-2040 ont également été prises. Selon les perspectives actuelles, un financement supplémentaire ne sera toutefois pas nécessaire si le Parlement adopte une solution durable pour financer la 13e rente de vieillesse.

 

Cotisations plus équitables, moins de lacunes

Le système actuel présente des failles qui peuvent entraîner des lacunes de cotisation et une baisse des rentes. Ces lacunes doivent ensuite être compensées par d’autres institutions sociales, par exemple les prestations complémentaires. Les mesures envisagées par le Conseil fédéral dans le domaine des cotisations visent à rendre le prélèvement des cotisations plus équitable, à éviter les lacunes de cotisation et à améliorer la protection sociale des personnes âgées.

La réforme prévoit ainsi d’aligner, pour les tranches de revenus supérieurs, le taux de cotisation des indépendants (en moyenne 8,1%) sur celui des salariés (8,7%). Sur le principe, le barème dégressif pour les indépendants qui ont un faible revenu sera toutefois maintenu afin de leur éviter une trop forte hausse des cotisations.

Les indemnités journalières en cas de maladie et d’accident ne seront plus exemptées de cotisations AVS, comme c’est déjà le cas pour les indemnités journalières de l’assurance chômage, de l’assurance perte de gain fédérale, de l’assurance-invalidité ou de l’assurance militaire. Cette mesure permettra d’éviter aux personnes malades ou accidentées de payer elles-mêmes leurs cotisations AVS. Leurs droits aux prestations seront donc également améliorés.

Le Conseil fédéral propose également de soumettre à cotisation les dividendes inhabituellement élevés que versent certaines entreprises à leurs salariés actionnaires. Les dividendes ne sont pas soumis aux cotisations AVS ce qui peut inciter à privilégier les dividendes au salaire. Avec cette mesure, le Conseil fédéral entend lutter contre les abus et rendre le système plus équitable entre les salariés actionnaires et les autres salariés.

Ces mesures concernant le domaine des cotisations devraient générer des recettes supplémentaires pour l’AVS d’environ 700 millions de francs d’ici 2040.

 

Mesures pour favoriser le maintien à l’emploi

Le Conseil fédéral souhaite également encourager la poursuite de l’activité professionnelle jusqu’à et après l’âge de référence. Pour ce faire, il envisage de relever la franchise de cotisation (le montant à partir duquel les cotisations AVS sont prélevées) de 16 800 francs par an à 21 800 francs et d’adapter ce montant régulièrement à l’évolution des salaires et des prix. Les revenus sur lesquels des cotisations sont versées après l’âge de référence seront multipliés par un facteur de 1,4 point, permettant ainsi d’améliorer le niveau de la rente jusqu’à l’obtention de la rente maximale. De plus, les taux d’anticipation et d’ajournement seront modulés sur la base de principes désincitatifs ou incitatifs et ne dépendront donc plus de l’espérance de vie.

La réforme prévoit aussi de supprimer l’âge maximal dans l’AVS (70 ans). Au-delà de cet âge, il n’est aujourd’hui pas possible d’améliorer sa rente alors que le travailleur doit continuer à payer des cotisations au-delà de 70 ans.

Des mesures complémentaires dans les 2e et 3e piliers sont également prévues, par exemple une harmonisation avec l’AVS de l’âge minimal auquel les assurés peuvent retirer leur prestation de vieillesse.

Le Conseil fédéral propose également d’adapter les bonifications pour tâches éducatives et d’assistance. Celles-ci visent à valoriser les tâches sociales liées à l’éducation des enfants et la prise en charge d’un proche. Dorénavant, elles seront attribuées individuellement et plus en fonction de l’état civil.

 

Etude de modèles alternatifs

En mai 2025, le Conseil fédéral a décidé de renoncer à relever l’âge de référence de manière générale mais de renforcer les mesures afin de favoriser le maintien à l’emploi. En vue d’une prochaine réforme, il entend toutefois créer les bases pour flexibiliser l’âge de référence en examinant des modèles alternatifs, qui prennent par exemple en considération la pénibilité du travail, la profession ou le niveau de formation. La réalisation de tels modèles nécessite cependant des informations individuelles complémentaires, comme le taux d’occupation ou la profession exercée par les assurés, dont l’AVS ne dispose actuellement pas. AVS2030 prévoit donc que les employeurs déclarent ces informations complémentaires.

 

Financement : trois scénarios

Le besoin de financement de l’AVS pour la période 2030-2040 dépend du financement de la 13e rente de vieillesse. Cette rente sera versée pour la première fois en décembre 2026. Son mode de financement devra être décidé ces prochains mois par le Parlement. Le Conseil fédéral estime toutefois primordial d’aller de l’avant avec différents scénarios, afin de garantir à temps la consolidation financière de l’AVS et sa modernisation. Si le Parlement décide d’un financement durable de la 13e rente de vieillesse, la réforme AVS2030 ne prévoira aucun financement additionnel. Si le Parlement opte pour un financement limité dans le temps, le Conseil fédéral entend combler le besoin de financement restant par une augmentation de la TVA de 0,7 point, en plus des mesures préconisées. Si aucun financement additionnel ne devait être décidé par le Parlement et à condition que les mesures présentées dans le domaine des cotisations et des prestations soient poursuivies, une augmentation de 0,7 point de TVA combinée à 0,2 point de cotisation ou une augmentation de 0,9 point de TVA serait nécessaire pour garantir la stabilité financière de l’AVS. Le Conseil fédéral adaptera le scénario de financement en fonction des décisions définitives du Parlement.

Le Conseil fédéral envisage également l’introduction d’un mécanisme d’intervention politique pour stabiliser l’AVS si la situation du fonds devait se détériorer et qu’une baisse à long terme du niveau du fonds en dessous de 90% se profilait.

Sur la base des lignes directrices adoptées par le Conseil fédéral, le DFI préparera un avant-projet de réforme à soumettre en consultation publique d’ici au printemps 2026.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 26.11.2025 consultable ici

 

 

Le Tribunal fédéral face aux violences sexuelles sous substances : à propos de l’arrêt 8C_548/2023 et des limites du Schreckereignis

Le Tribunal fédéral face aux violences sexuelles sous substances : à propos de l’arrêt 8C_548/2023 et des limites du Schreckereignis

 

Vous trouverez dans l’édition 6/2025 de la Revue suisse des assurances sociales et de la prévoyance professionnelle ma contribution relative à l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_548/2023 et à la notion de Schreckereignis pour les victimes de violences sexuelles sous soumission chimique ou en état de dissociation.

Résumé

L’arrêt 8C_548/2023 du Tribunal fédéral met en évidence les limites de la jurisprudence sur les traumatismes psychiques : en exigeant une perception consciente et sensorielle immédiate de l’événement, il exclut les victimes de violences sexuelles sous soumission chimique ou en état de dissociation. Cet article analyse les tensions entre le cadre juridique actuel et les réalités neurobiologiques (mémoire implicite, amnésie antérograde) et sociales post-MeToo. Il démontre que l’absence de souvenir explicite, loin d’invalider le vécu traumatique, en est souvent un indice de gravité. Face à ce paradoxe, l’article invite à repenser la jurisprudence pour l’adapter aux réalités cliniques et à l’évolution sociale.

Article consultable ici

 

NB : en raison d’une restriction de la part de l’éditeur, seule la première page peut être mise pour l’instant sur le site.

 

DOSSIER Assurances sociales 2026 – la référence suisse actualisée

DOSSIER Assurances sociales 2026 – la référence suisse actualisée

 

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