Archives par mot-clé : Valeur probante

9C_10/2017 (f) du 27.03.2017 – Valeur probante de l’avis du SMR – 59 al. 2bis LAI – 49 al. 1 RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_10/2017 (f) du 27.03.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2sXXPmr

 

Valeur probante de l’avis du SMR / 59 al. 2bis LAI – 49 al. 1 RAI

 

Assurée, conseillère en assurances indépendante, requérant le 24.01.2013 des prestations de l’assurance-invalidité en raison des suites d’un accident de la circulation routière survenu le 16.08.2009.

Après avoir examiné les informations médicales reçues, le médecin du Service médical régional de l’office AI (SMR), spécialiste en médecine interne générale, a retenu que l’activité habituelle était entièrement exigible. Un second médecin du SMR, également spécialiste en médecine interne générale, a de même conclu que les diagnostics évoqués par les médecins traitants étaient sans répercussion sur la capacité de travail; une incapacité de travail pouvait seulement être retenue entre août 2009 et, au maximum, juillet 2010.

L’office AI a rejeté la demande.

 

Procédure cantonale

Après avoir passé en revue l’avis des différents médecins s’étant prononcés sur l’état de santé de l’assurée, le tribunal cantonal a considéré que les conclusions du second médecin du SMR, consistantes et clairement étayées, démontraient de manière convaincante que l’assurée disposait d’une capacité de travail entière dans son activité habituelle, sous réserve des périodes qui avaient immédiatement suivi les interventions chirurgicales subies en 2009 et 2012.

Par jugement du 11.11.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Comme l’a relevé la juridiction cantonale, lorsque le second médecin du SMR s’est prononcé sur dossier en mai, juin 2014 et janvier 2016, elle a fourni un avis au sens de l’art. 59 al. 2bis LAI, en corrélation avec l’art. 49 al. 1 RAI. Dès lors qu’elle n’avait pas examiné l’assurée, son rapport ne contient aucune observation clinique. De tels rapports, qui se distinguent des expertises ou des examens médicaux auxquels le SMR peut également procéder (art. 49 al. 2 LAI), ont seulement pour fonction d’opérer la synthèse des renseignements médicaux recueillis, de prendre position à leur sujet et de prodiguer des recommandations quant à la suite à donner au dossier sur le plan médical (ATF 142 V 58 consid. 5.1 p. 66; arrêt 8C_756/2008 du 4 juin 2009 consid. 4.4 in SVR 2009 IV n° 50 p. 153). Ces rapports ne sont certes pas dénués de toute valeur probante et il est admissible que l’office AI, ou la juridiction cantonale, se fonde de manière déterminante sur leur contenu. Il convient toutefois de poser des exigences strictes en matière de preuve; une expertise devra être ordonnée si des doutes, même faibles, subsistent quant à la fiabilité ou à la pertinence des constatations effectuées par le SMR (ATF 135 V 465 consid. 4.6 p. 471; arrêt 9C_335/2015 du 1 er septembre 2015 consid. 3.2 et les références citées).

Si les rapports du SMR permettent de susciter des doutes quant à la validité des conclusions des médecins traitants et des experts, ils ne suffisent pas à les écarter, ni à déterminer de manière définitive l’état de santé de l’assurée. On relève en particulier que l’avis du SMR provient d’une spécialiste en médecine générale, qui n’a pas examiné elle-même l’assurée, et qu’un spécialiste en chirurgie orthopédique du SMR ne s’est pas non plus exprimé sur les résultats d’une expertise du 27.10.2015. Or les experts parviennent à des conclusions qui divergent nettement de celles retenues par le second médecin SMR.

Dans ces circonstances, la juridiction cantonale n’était pas en droit d’écarter les conclusions des experts médicaux sur la capacité de travail, qui s’opposaient à l’avis du SMR. A ce stade, les documents médicaux au dossier ne lui permettaient pas de se prononcer sur l’état de santé de l’assurée.

Le TF admet le recours de l’assurée et la cause est renvoyée à l’office AI pour complément d’instruction et nouvelle décision.

 

 

Arrêt 9C_10/2017 consultable ici : http://bit.ly/2sXXPmr

 

 

8C_453/2016 (f) du 01.05.2017 – Suicide – 37 al. 1 LAA / Valeur probante de l’expertise psychiatrique post-mortem – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_453/2016 (f) du 01.05.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2pOP5iA

 

Suicide – 37 al. 1 LAA

Valeur probante de l’expertise psychiatrique post-mortem – 44 LPGA

 

Assuré, responsable informatique, père de deux enfants, divorcé de son épouse depuis le 29.03.2011, consulte depuis 2011 plusieurs médecins en raison d’un état dépressif. Le 25.05.2012, vers 01h00, l’assuré a été retrouvé sans vie sur la voie publique, gisant au pied de son immeuble. Des premiers éléments de l’enquête policière, il ressort que le défunt était tombé du balcon de son domicile, au 4e étage. La porte de son appartement était fermée, mais pas verrouillée. Toutes les lumières de l’appartement étaient éteintes. Le défunt était probablement en train de manger un yaourt juste avant de chuter, ce yaourt et son contenu partiel ayant été retrouvés au sol à côté de lui. Aucune trace de lutte, de fouille ou de vol n’a été constatée dans l’appartement. Aucun message d’adieu n’a été trouvé. La présence de médicaments antidépresseurs et anxiolytiques a été constatée.

D’après le rapport d’expertise toxicologique, les analyses des échantillons biologiques indiquaient la présence dans le sang et l’urine d’antidépresseurs et de caféine. Toutefois les concentrations des antidépresseurs déterminées dans le sang se situaient en dessous de la fourchette des valeurs thérapeutiques. Les analyses n’avaient pas révélé la présence d’autres toxiques, stupéfiants ou médicaments courants en concentrations considérées comme significatives sur le plan toxicologique.

Le rapport d’autopsie revient plus précisément sur les constatations faites sur place. La porte-fenêtre de la cuisine était ouverte sur le balcon qui était bordé par une rambarde haute de 90 cm. Sur la droite de la rambarde, dans la direction du corps en contrebas qui se trouvait plusieurs mètres en avant de la rambarde, il a été observé une trace de ripage sous la forme d’un décollement de peinture. Au 1er étage, il y avait une marquise située juste en-dessous des balcons. Un skateboard se trouvait sur le sol juste à côté de la rambarde. Sur la table de nuit, il y avait des emballages de deux hypnotiques (Stilnox® et Zolpidem®) et d’une benzodiazépine (Temesta®), ainsi qu’une ordonnance pour du Cipralex® (antidépresseur). Dans la salle de bains, se trouvait du Tranxilium® (benzodiazépine). Les médecins légistes ont conclu à un décès consécutif à un polytraumatisme sévère. L’ensemble des lésions constatées était compatible avec une chute d’une hauteur du 4e étage.

Des investigations de l’assureur-accidents, il s’avère qu’un des psychiatres ayant suivi l’assuré a posé le diagnostic d’épisode dépressif sévère sans symptômes psychotiques (F32.2).

L’assureur-accidents a confié un mandat d’expertise à un spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie. L’expert s’est entretenu avec le psychiatre-traitant ainsi qu’avec la mère du défunt. La mère considérait comme hautement improbable que son fils se fût suicidé. Dans un rapport dûment motivé, l’expert retient un épisode dépressif sévère, sans symptômes psychotiques (F32.2). Au regard des circonstances du décès et de la nature de la pathologie psychiatrique, il considère que le suicide demeure l’hypothèse la plus probable et ce, avec une vraisemblance prépondérante (> 50 %). Il se déclare convaincu, pour le cas où le suicide serait retenu, que l’assuré n’était pas totalement incapable d’agir raisonnablement au moment de l’acte.

Par décision confirmée sur opposition, l’assureur-accidents a statué qu’aucune prestation d’assurance ne pouvait être allouée, à l’exception de l’indemnité pour frais funéraires.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/437/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2pZRnGI)

Les premiers juges n’ont pas suivi les conclusions de l’expert et retiennent que les indices en faveur d’un suicide ne sont pas suffisamment convaincants pour exclure toute autre explication résultant des circonstances et renverser la présomption que la mort a été causée par un accident.

Par jugement du 01.06.2016, acceptation du recours par le tribunal cantonal et octroi de la rente d’orphelin dès le 01.06.2012.

 

TF

Selon l’art. 37 al. 1 LAA, si l’assuré a provoqué intentionnellement l’atteinte à la santé ou le décès, aucune prestation d’assurance n’est allouée, sauf l’indemnité pour frais funéraires. Même s’il est prouvé que l’assuré entendait se mutiler ou se donner la mort, l’art. 37 al. 1 LAA n’est pas applicable si, au moment où il a agi, l’assuré était, sans faute de sa part, totalement incapable de se comporter raisonnablement, ou si le suicide, la tentative de suicide ou l’automutilation est la conséquence évidente d’un accident couvert par l’assurance (art. 48 OLAA; voir à ce propos ATF 140 V 220 consid. 3 p. 222; 129 V 95).

Lorsqu’il y a doute sur le point de savoir si la mort est due à un accident ou à un suicide, il faut se fonder sur la force de l’instinct de conservation de l’être humain et poser comme règle générale la présomption naturelle du caractère involontaire de la mort, ce qui conduit à admettre la thèse de l’accident. Le fait que l’assuré s’est volontairement enlevé la vie ne sera considéré comme prouvé que s’il existe des indices sérieux excluant toute autre explication qui soit conforme aux circonstances. Il convient donc d’examiner dans de tels cas si les circonstances sont suffisamment convaincantes pour que soit renversée la présomption du caractère involontaire de la mort. Lorsque les indices parlant en faveur d’un suicide ne sont pas suffisamment convaincants pour renverser objectivement la présomption qu’il s’est agi d’un accident, c’est à l’assureur-accidents d’en supporter les conséquences (voir les arrêts 8C_773/2016 du 20 mars 2017 consid. 3.3; 8C_591/2015 du 19 janvier 2016 consid. 3.1; 8C_324/2010 du 16 mars 2011 consid. 3.2; 8C_550/2010 du 6 septembre 2010 consid. 2.3; RAMA 1996 n° U 247 p. 168 [U 21/95] consid. 2b).

Selon le TF

L’intervention d’une tierce personne est exclue, de même qu’une chute accidentelle sous l’emprise de médicaments ou de l’alcool.

En ce qui concerne le diagnostic, on ne saurait guère nier l’existence d’un état dépressif sévère clairement attesté par le psychiatre-traitant, lequel a encore vu son patient quelques heures avant son décès. Sur le plan personnel, l’assuré avait vécu et vivait une situation pénible. S’agissant des difficultés professionnelles, leur existence doit être considérée comme établie.

La présence d’un pot de yaourt et d’une cuillère au côté du cadavre était un fait connu de l’expert et discuté dans son rapport. Lors de son audition, l’expert psychiatre a précisé que l’on « ne pouvait rien en tirer ». La circonstance que le défunt avait préparé l’anniversaire de son fils n’apparaît pas non plus décisive. A ce propos l’expert a expliqué que l’assuré avait probablement des projets suicidaires « depuis pas mal de temps » et qu’il y a eu une conjonction d’événements qui ont fait qu’il a passé à l’acte « ce soir-là ». L’absence de signes de dépression ou de mal-être constatée par la mère la veille du drame, de même que l’absence d’un message d’adieu ou d’une lettre d’explications, ne sont pas des éléments de nature à exclure la thèse du suicide ni même à l’affaiblir. Il n’est pas rare qu’un suicide apparaisse aux yeux des membres de la famille ou des proches comme un événement totalement imprévisible et inexplicable (arrêt 8C_773/2016 du 20 mars 2017 consid. 4.2.3).

Les thèses retenues par la juridiction cantonale relèvent de la pure conjecture ou sont de simples suppositions. On peut penser qu’en cas de malaise, l’homme se serait affaissé et le corps, à supposer qu’il ait basculé par-dessus la rambarde, aurait vraisemblablement heurté la marquise en tombant. Le fait que le corps n’a pas heurté cet obstacle donne au contraire à penser que l’assuré s’est élancé de son propre mouvement dans le vide.

Il n’existe pas d’éléments suffisamment concrets en faveur d’un acte non intentionnel. Dans ces conditions, la juridiction cantonale n’avait pas de raison de s’écarter des conclusions de l’expert. Le fait que l’expertise contient certaines imprécisions, au demeurant sans importance pour l’appréciation du cas, n’est pas de nature à en amoindrir la valeur probante. De même, l’expert, qui n’avait pas une mission d’enquête, n’était pas tenu d’entendre les médecins qui ont successivement traité l’assuré. Le plus important était d’entendre le psychiatre qui avait soigné en dernier lieu le patient et qui l’avait vu en consultation peu de temps avant le décès. Enfin, le dossier contenait des renseignements qui étaient aussi de nature à permettre à l’expert d’éclairer l’assureur, respectivement le juge, sur des points pour lesquels le mandat d’expertise lui avait été confié. On notera, dans ce contexte, que le psychiatre-traitant n’a d’aucune manière infirmé les conclusions de l’expert.

A l’aune du degré de vraisemblance prépondérante qui est requis (cf. ATF 137 V 334 consid. 3.2 p. 338; 117 V 194 consid. 3b p. 194), la thèse du suicide doit être retenue.

On peut par ailleurs tenir pour établi, au vu des explications convaincantes fournies par l’expert que l’assuré n’était pas privé de sa capacité de discernement au moment de l’acte.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_453/2016 consultable ici : http://bit.ly/2pOP5iA