Archives par mot-clé : Rente d’invalidité

AI : Application de la méthode mixte après l’arrêt de la CrEDH du 02.02.2016 (Di Trizio c. Suisse)

AI : Application de la méthode mixte après l’arrêt de la CrEDH du 02.02.2016 (Di Trizio c. Suisse)

 

Lettre circulaire AI no 355 consultable ici : http://bit.ly/2fdO7Cs

 

Contexte

Le 2 février 2016, la Cour européenne des droits de l’homme (CrEDH) a rendu son arrêt dans l’affaire Di Trizio contre Suisse (requête no 7186/09). Lors d’un premier examen du droit à la rente, l’assurée s’était vue accorder une demi-rente du 1er juin 2003 au 31 août 2004 pour un taux d’invalidité de 50 %. À partir du 1er septembre 2004, le taux d’invalidité avait été fixé à 27 %, ce qui était inférieur au minimum requis pour avoir droit à une rente. L’assurance avait considéré qu’après la naissance de jumeaux le 6 février 2004, le taux d’activité hypothétique de l’assurée n’était plus que de 50 % et que la méthode mixte pour le calcul du taux d’invalidité devait s’appliquer.

La CrEDH a estimé dans son arrêt que l’annulation de la rente résultant de l’application de la méthode mixe constitue, dans le cas d’espèce, une violation du droit au respect de la vie familiale (art. 14 combiné avec l’art. 8 de la CEDH), puisque c’est la naissance des enfants qui a conduit à la perte du droit à la rente.

 

Conséquences

Dans son rapport du 1er juillet 2015 en réponse au postulat Jans (12.3960, « Assurance-invalidité. Les travailleurs à temps partiel sont désavantagés »), le Conseil fédéral a examiné en détail l’évaluation du taux d’invalidité des personnes travaillant à temps partiel. Il est arrivé à la conclusion que si la méthode mixte présente certaines faiblesses qui doivent être corrigées, le recours à des méthodes différentes pour évaluer le taux d’invalidité des personnes sans activité lucrative, de celles qui exercent une activité lucrative à plein temps et de celles qui travaillent à temps partiel devait être maintenu. Il a laissé ouverte la question de savoir si l’utilisation de la méthode mixte pour évaluer le taux d’invalidité constitue une discrimination indirecte et a annoncé qu’il réexaminerait sa position si la CrEDH devait accueillir le recours contre la Suisse.

Comme le Conseil fédéral l’a relevé dans son rapport, l’utilisation d’un mode de calcul adapté permettrait d’améliorer la situation des personnes travaillant à temps partiel. Le Conseil fédéral envisage désormais d’introduire un tel mode de calcul pour la méthode mixte. En attendant l’entrée en vigueur de cette réglementation générale et abstraite, il est nécessaire, pour garantir une unité et une égalité de traitement entre les assurés, que le droit actuel continue, dans la mesure du possible, de s’appliquer. Le droit en vigueur et le modèle actuel de calcul de la méthode mixte doivent notamment toujours être appliqués lors de la première attribution d’une rente à une personne qui exerçait une activité à temps partiel avant l’examen de son droit à la rente.

À l’inverse, dans les cas qui présentent une situation similaire à celle du cas Di Trizio, l’arrêt de la CrEDH a pour conséquence que le statut reconnu à l’assuré doit être préservé et que la méthode mixte ne doit plus être appliquée au nom du respect de la vie familiale.

 

Une situation (arrêt du TF 8C_633/2015 du 12.2.2016, consid. 4.3) est similaire à celle du cas Di Trizio lorsque les deux conditions suivantes sont remplies :

  • révision de la rente ou premier octroi de rente couplé avec une réduction ou une limitation dans le temps de la rente ; et
  • réduction du temps de travail pour des raisons familiales (obligations de garde d’enfants mineurs).

Dans des cas de ce genre, une réduction du temps de travail pour des raisons purement familiales liées à des obligations de garde d’enfants mineurs ne constitue, jusqu’à nouvel avis, pas un motif de révision. La personne assurée conserve son statut antérieur, puisqu’elle a ou aurait réduit son temps de travail pour des raisons familiales et qu’elle a ou aurait par conséquent commencé à travailler à temps partiel ou réduit davantage son taux d’occupation.

Les révisions consécutives à une modification de l’état de santé de l’assuré ou de ses revenus restent possibles, même dans les cas où l’évaluation reposait sur l’application de la méthode mixte.

 

 

Lettre circulaire AI no 355 consultable ici : http://bit.ly/2fdO7Cs

 

Voir également :

Arrêt de la Cour européenne des droits de l’homme du 02.02.2016 – Affaire Di Trizio c. Suisse – Evaluation du taux d’invalidité – Méthode mixte jugé comme discriminatoire 

Le jugement de la Cour européenne sur le caractère discriminatoire de la méthode mixte est définitif (Arrêt de la CrEDH du 02.02.2016, affaire Di Trizio c. Suisse)

 

 

9C_237/2016 (f) du 24.08.2016 – Méthode d’évaluation de l’invalidité – Comparaison en pourcent – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_237/2016 (f) du 24.08.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2eeQ1Ez

 

Méthode d’évaluation de l’invalidité – Comparaison en pourcent – 16 LPGA

Incapacité de travail se confondant avec l’incapacité de gain

 

TF

Selon la jurisprudence (cf. arrêt 9C_225/2016 du 14 juillet 2016 consid. 6.2.2 et 6.2.3), il est possible de fixer la perte de gain d’un assuré directement sur la base de son incapacité de travail en faisant une comparaison en pour-cent. Cette méthode constitue une variante admissible de la comparaison des revenus basée sur des données statistiques: le revenu hypothétique réalisable sans invalidité équivaut alors à 100%, tandis que le revenu d’invalide est estimé à un pourcentage plus bas, la différence en pour-cent entre les deux valeurs exprimant le taux d’invalidité (arrêts 8C_628/2015 du 6 avril 2016 consid. 5.3.5 et 8C_211/2013 du 3 octobre 2013 consid. 4.1 in SVR 2014 UV n° 1 p. 1; Meyer/Reichmuth, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 3ème éd. 2014, n. 35 s. ad art. 28a LAI). L’application de cette méthode se justifie lorsque le salaire sans invalidité et celui avec invalidité sont fixés sur la base des mêmes données statistiques, lorsque les salaires avant et/ou après invalidité ne peuvent pas être déterminés, lorsque l’activité exercée précédemment est encore possible (en raison par exemple du contrat de travail qui n’a pas été résilié), ou encore lorsque cette activité offre de meilleures possibilités de réintégration professionnelle (en raison par exemple d’un salaire sans invalidité supérieur à celui avec invalidité; arrêts 9C_100/2010 du 23 mars 2010 consid. 2.1, 9C_310/2009 du 14 avril 2010 consid. 3.2 et 8C_294/2008 du 2 décembre 2008 consid. 6.4.1).

Comme l’ont retenu les premiers juges ( arrêt AI 203/12 – 44/2016 du 2 février 2016), les conditions étaient réunies pour procéder à une comparaison en pour-cent. En effet, l’assurée était en mesure de reprendre l’activité qui était la sienne avant la survenance de l’atteinte à la santé – l’office AI ayant retenu une capacité de travail de 60% dès le 2 juin 2007 dans l’activité habituelle, puis de 100% dès le 11 mars 2009. L’assurée a par ailleurs effectivement repris cette activité après l’accident survenu le 25 mars 2007 à 60% dès le 1er juin 2007. Le fait que son employeur l’a ultérieurement licenciée (avec effet au 31 mai 2008) n’a pas d’incidence sur le choix de la méthode à appliquer pour calculer le taux d’invalidité puisque l’assurée avait déjà repris son ancienne activité en 2007. Elle a en outre conservé un éventail relativement large de possibilités de réintégration sur un marché du travail similaire à celui dans lequel se trouvait son activité de représentante et dont les revenus concernés auraient ainsi été fondés sur les mêmes données statistiques. En tout état de cause, il serait difficile de chiffrer les revenus de l’assurée avec et sans invalidité, le salaire de cette dernière se composant à raison de 50% d’une part fixe et de 50% d’une part variable en fonction des commissions perçues.

Dans la mesure où l’assurée était incapable de poursuivre son activité habituelle à raison de 40% mais a continué son activité à un taux de travail réduit, la perte de gain ne pouvait que correspondre à la diminution de rendement. L’incapacité de travail se confondait ainsi avec l’incapacité de gain. C’est dès lors à bon droit que la juridiction cantonale a fixé le taux d’invalidité à 40% sans analyse des revenus mais en procédant à la comparaison en pour-cent.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_237/2016 consultable ici : http://bit.ly/2eeQ1Ez

 

 

Qu’entend-on par « invalide » ?

Article paru in Jusletter, 3 octobre 2016

Dans le domaine du droit des assurances sociales, la détermination du degré d’invalidité donne régulièrement lieu à des conflits juridiques (voir à titre d’exemple Jörg Paul Müller, Zur medizinischen und sozialrechtlichen Beurteilung von Personen mit andauernden somatoformen Schmerzstörungen und ähnlichen Krankheiten im Verfahren der Invalidenversicherung, in : Jusletter 28 janvier 2013). David Ionta saisit cette occasion pour se pencher notamment sur la notion même de l’invalidité, les bases légales, les différentes méthodes d’évaluation de l’invalidité et de la comparaison des revenus, ainsi que sur la détermination du revenu sans invalidité.

 

Nous avons souvent tendance à comprendre le mot « invalide » comme « personne en situation d’handicap » ou « handicapé ». Qu’en est-il selon le droit suisse des assurances sociales ? Quand un assuré est-il considéré comme invalide ? Comment se calcule le taux d’invalidité d’une personne atteinte dans sa santé ?

Publication : david-ionta-quentend-on-par-invalide_-jusletter-2016-10-03

 

9C_760/2015 (f) du 21.06.2016 – Revenu de valide – 16 LPGA / Non prise en compte du revenu réalisé immédiatement avant invalidité exceptionnellement élevé pour des raisons conjoncturelles

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_760/2015 (f) du 21.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2bJ90GW

 

Revenu sans invalidité – 16 LPGA

Non prise en compte du revenu réalisé immédiatement avant invalidité exceptionnellement élevé pour des raisons conjoncturelles

 

TF

La constatation des revenus à comparer dans le cadre de la détermination du taux d’invalidité relève d’une question de fait dans la mesure où elle repose sur une appréciation concrète des preuves, mais d’une question de droit dans la mesure où elle se fonde sur l’expérience générale de la vie (parmi d’autres: arrêt 9C_502/2014 du 5 septembre 2014 consid. 3 et les arrêts cités).

 

Revenu sans invalidité

Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé à celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 28a al. 1 LAI et art. 16 LPGA). La comparaison des revenus s’effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l’un avec l’autre, la différence permettant de calculer le taux d’invalidité.

Le revenu sans invalidité se déduit, en règle générale, d’après le dernier salaire que l’assuré a obtenu avant l’atteinte à la santé, en tenant compte de l’évolution des circonstances à l’époque où est né le droit à la rente. Compte tenu des capacités professionnelles de l’assuré et des circonstances personnelles le concernant, on prend en considération ses chances réelles d’avancement compromises par le handicap, en posant la présomption que l’assuré aurait continué d’exercer son activité sans la survenance de son invalidité. Des exceptions ne sauraient être admises que si elles sont établies au degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 134 V 322 consid. 4.1 p. 325; 129 V 222 consid. 4.3.1 p. 224 et la référence; arrêt 9C_439/2009 du 30 décembre 2009 consid. 5.1).

Selon la jurisprudence, il est toutefois possible de s’écarter du dernier salaire perçu avant la survenance de l’atteinte à la santé lorsqu’on ne peut le déterminer sûrement (cf. ATF 128 V 29 consid. 1 p. 30), notamment lorsqu’il est soumis à des fluctuations importantes; il faut alors procéder à une moyenne des gains réalisés sur une période relativement longue (arrêts 9C_868/2009 du 22 avril 2010 consid. 2.3 et 2.4 et 9C_361/2008 du 9 février 2009 consid. 6.2). C’est notamment le cas si le dernier salaire obtenu avant la survenance de l’invalidité est nettement plus élevé que les salaires obtenus jusqu’alors. Il ne peut servir de référence pour le revenu sans invalidité que s’il est établi, selon la vraisemblance prépondérante, que l’assuré aurait continué à réaliser un tel salaire (arrêts 9C_751/2011 du 30 avril 2012 consid. 4.1, 9C_5/2009 du 16 juillet 2009 consid. 2.3, in SVR 2009 IV n° 58 p. 181).

En l’espèce, le revenu de l’assuré, qui avait fortement augmenté en 2008 par rapport aux années précédentes, ne constituait pas une rémunération durable mais résultait d’une situation exceptionnelle. Pour l’année 2008, on se trouvait apparemment en présence d’une rémunération rétroactive de résultats non répartis des années antérieures. L’assuré avait admis qu’il n’aurait pas forcément pu maintenir un revenu annuel de 200’000 fr. sur le long terme. En outre, la masse salariale de l’entreprise avait diminué en 2009, les revenus déclarés des associés actifs avaient nettement baissé et les activités avaient cessé au 31 décembre 2010.

Le TF a conclu que le dernier salaire avant la survenance de l’atteinte à la santé invalidante était nettement plus élevé que les revenus obtenus jusque-là, de sorte qu’il ne pouvait pas à lui seul servir de référence pour le revenu sans invalidité. L’office AI a procédé conformément à la jurisprudence en se fondant sur la moyenne des gains réalisés par l’assuré de 2004 à 2008 pour fixer le revenu sans invalidité, en même temps qu’il a mis l’assuré au bénéfice de mesure de réadaptation en vue de rétablir sa capacité de gain.

 

Le TF accepte le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_760/2015 consultable ici : http://bit.ly/2bJ90GW

 

 

9C_259/2016 (f) du 19.07.2016 – Droit à une rente extraordinaire AI – prestation spéciale à caractère non contributif – 39 al. 1 LAI – 42 al. 1 LAVS – ALCP / Condition d’assurance – Pas de discrimination indirecte – Confirmation de la jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_259/2016 (f) du 19.07.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2bCkaxQ

 

Droit à une rente extraordinaire AI – prestation spéciale à caractère non contributif / 39 al. 1 LAI – 42 al. 1 LAVS – ALCP

Condition d’assurance – Pas de discrimination indirecte – Confirmation de la jurisprudence

 

Assurée, ressortissante française née en 1981, souffre depuis l’enfance d’une déficience mentale légère, de troubles psychiques, de troubles autistiques et d’une psychose infantile. Elle a transféré son domicile en Suisse, en mai 2013, pour y suivre ses parents. Dépôt de la demande AI le 06.09.2013. L’office AI a octroyé une allocation pour impotent de faible degré à compter du 01.05.2013 mais a dénié le droit à des mesures d’ordre professionnel, à des indemnités journalières et à une rente de l’assurance-invalidité dans la mesure où elle ne remplissait pas les conditions d’assurance.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 26.02.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon la jurisprudence publiée aux ATF 141 V 530, la rente extraordinaire de l’assurance-invalidité remplit tous les critères pour qu’elle puisse être considérée comme une prestation spéciale à caractère non contributif au sens de l’art. 70 par. 2 let. a point i du règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.1; ci-après: règlement n° 883/2004). Cette prestation ne fait par conséquent pas partie de celles soumises au principe de la levée des clauses de résidence définie à l’art. 7 du règlement n° 883/2004 (art. 70 par. 1 et 3 du règlement n° 883/2004).

Le caractère non exportable de la rente extraordinaire de l’assurance-invalidité ne dispense cependant pas les Etats membres d’en garantir l’octroi aux personnes résidant sur leur territoire, et auxquelles les dispositions du règlement n° 883/2004 sont applicables, dans les mêmes conditions qu’à leurs propres ressortissants (cf. ATF 133 V 265 consid. 5.2 p. 271). A cet égard, le Tribunal fédéral a retenu que la réglementation suisse (art. 39 al. 1 LAI en liaison avec l’art. 42 al. 1 LAVS) est directement discriminatoire, en ce sens qu’elle réserve le droit à une rente extraordinaire d’invalidité aux ressortissants suisses. Dans la mesure où une rente extraordinaire serait octroyée à un ressortissant suisse, elle doit également pour éviter une discrimination directe fondée sur la nationalité, être accordée à une personne de nationalité étrangère pouvant se prévaloir du principe d’égalité de traitement, comme si cette personne possédait la nationalité suisse (ATF 131 V 390 consid. 7.2 p. 401).

Le Tribunal fédéral s’est déjà prononcé sur la portée du principe d’égalité de traitement lorsqu’il s’agit, comme en l’espèce, d’examiner si les conditions d’octroi d’une rente extraordinaire de l’assurance-invalidité peuvent être remplies plus facilement par des ressortissants suisses que par des étrangers (ATF 131 V 390). Il a conclu que la réglementation suisse n’était pas constitutive d’une discrimination indirecte prohibée au sens de l’art. 3 par. 1 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil du 14 juin 1971 relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (RO 2004 121; ci-après: règlement n° 1408/71), lequel était applicable jusqu’au 31 mars 2012 dans les relations entre la Suisse et les Etats membres de l’Union européenne. La règle d’égalité de traitement de l’art. 9 al. 2 de l’Annexe I de l’ALCP relative aux avantages sociaux, comme l’interdiction générale de discrimination de l’art. 2 ALCP, rappelée à l’art. 1 let. d ALCP, ne conduisait par ailleurs pas à un résultat plus favorable (cf. ATF 131 V 390 consid. 5.1 p. 397 et 9 p. 405).

Le Tribunal fédéral a déjà retenu le fait que les conditions de la réglementation suisse peuvent être remplies plus facilement par des ressortissants suisses que par des étrangers. Le désavantage pour une personne ne comptant pas le même nombre d’années d’assurance que les personnes de sa classe d’âge de ne pas pouvoir bénéficier d’une rente extraordinaire doit cependant être considéré comme objectivement justifié et conforme au principe de proportionnalité en vertu de la solution choisie par le législateur de l’Union européenne lui-même, de sorte qu’il ne conduit pas à une discrimination indirecte prohibée (ATF 131 V 390 consid. 7.3 p. 402). Sous l’angle du principe d’égalité de traitement, cette jurisprudence conserve toute sa pertinence au regard de l’art. 4 du règlement n° 883/2004, lequel correspond à l’art. 3 par. 1 du règlement n° 1408/71 (en ce sens, MAXIMILIAN FUCHS, in Europäisches Sozialrecht, 6 e éd. 2013, n° 2 ad art. 4 du règlement n° 883/2004).

Il s’ensuit que le principe d’égalité de traitement, tel que prévu par l’ALCP et le règlement de l’Union européenne auquel il renvoie, ne confère pas à l’assurée un droit à une rente (extraordinaire) de l’assurance-invalidité.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_259/2016 consultable ici : http://bit.ly/2bCkaxQ

 

 

8C_800/2015 (f) du 07.07.2016 – Revenu d’invalide – ESS vs DPT – 16 LPGA / Taux d’abattement de 10% pour une atteinte au membre inférieur gauche

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_800/2015 (f) du 07.07.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2btzWKq

 

Revenu d’invalide – ESS vs DPT / 16 LPGA

Taux d’abattement de 10% pour une atteinte au membre inférieur gauche

 

Assuré, sans formation professionnelle, peintre en bâtiment, est victime d’une chute dans les escaliers le 21.02.2005, il a subi une grave entorse du genou droit, avec déchirure complète du ligament croisé antérieur (LCA) et probable atteinte du ligament latéral interne.

Expertise rhumatologique et orthopédique le 07.03.2011 : capacité de travail exigible entière dans une activité qui n’exigeait pas de charge pour le genou gauche et qui pouvait s’effectuer dans des positions variées et alternées, principalement assises. Expertise orthopédique du 24.04.2012 demandé par l’office AI : capacité résiduelle de travail de 50% sur un plan purement physique et de 50% également pour des raisons psychiatriques, ce qui rendait selon lui toute activité professionnelle aléatoire. Décision de l’assureur-accidents : octroi d’une rente d’invalidité de 19% et d’une IPAI de 15%.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a constaté que l’assuré disposait d’une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Elle a écarté les descriptions des postes de travail (DPT) utilisées par l’assurance-accidents pour calculer le revenu d’invalide et s’est référée aux statistiques salariales issues de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS). Les premiers juges ont procédé à un abattement de 20% sur le revenu d’invalide. Par arrêt du 28.09.2015, le tribunal cantonal a partiellement admis (rente d’invalidité de 27% et IPAI de 30%).

 

TF

ESS vs DPT

Selon l’assurance-accidents, les limitations fonctionnelles décrites dans les deux expertises étaient compatibles avec les cinq DPT qu’elle avait retenues dans sa décision sur opposition. Un des postes retenus (DPT n° 5202 ; praticien en logistique) n’était pas adapté au handicap de l’assuré (part non négligeable du temps de travail – 30% – en position debout). Dans ces conditions, les premiers juges n’ont pas violé le droit fédéral en se référant aux statistiques salariales.

 

Taux d’abattement sur le salaire statistique

En ce qui concerne le taux d’abattement, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.).

L’étendue de l’abattement (justifié dans un cas concret) constitue une question typique relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif (« Ermessens-überschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 s.; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (cf. ATF 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).

Les divers experts médicaux ne retiennent pas que l’assuré se déplace en cannes anglaises, qu’il doit impérativement travailler en position assise avec la jambe droite allongée et qu’il ne peut transporter aucune charge, même minime. Dans ces circonstances, on constate que la juridiction cantonale a fixé l’abattement de 20% en se fondant sur des éléments qui ne sont pas pertinents. En revanche, un abattement en raison des limitations fonctionnelles retenues par les experts apparaît justifié en l’espèce. A lui seul, ce critère ne justifie toutefois pas une déduction supérieure à 10%.

En procédant à un abattement de 10% sur le revenu d’invalide, on obtient un taux d’invalidité de 17,5%, soit un taux très proche de celui retenu par l’assurance-accidents dans sa décision sur opposition.

 

Le TF accepte partiellement le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_800/2015 consultable ici : http://bit.ly/2btzWKq

 

 

9C_790/2015 (f) du 22.06.2016 – Evaluation du degré d’invalidité / 16 LPGA – Avis médicaux priment sur les constatations faites lors d’un stage d’observation professionnel – rappel de la jurisprudence

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_790/2015 (f) du 22.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2bEKEg1

 

Evaluation du degré d’invalidité / 16 LPGA

Avis médicaux priment sur les constatations faites lors d’un stage d’observation professionnel – rappel de la jurisprudence

 

TF

Selon la jurisprudence (ATF 125 V 256 consid. 4 p. 261s; 115 V 133 consid. 2 p. 134), l’administration ou le juge, en cas de recours, se fonderont sur les avis des médecins pour calculer le degré d’invalidité. Les données médicales permettent généralement une appréciation objective du cas et l’emportent sur les constatations qui peuvent être faites à l’occasion d’un stage d’observation professionnelle (arrêt 8C_214/2014 du 8 avril 2015 consid. 5.2).

En l’espèce, l’office AI avait ordonné la mise en œuvre d’une expertise bidisciplinaire afin de faire la lumière sur le volet médical du dossier, après avoir pris connaissance des conclusions du stage professionnel. L’assuré ne s’était pas opposé au principe d’une telle expertise qui s’est déroulée conformément à la procédure prévue à l’art. 44 LPGA, ni à la désignation des experts qui devaient la conduire et aux questions qui devaient leur être posées.

Devant le Tribunal fédéral, l’assuré soutient implicitement que la règle de preuve qu’il rappelle (cf. arrêt 8C_214/2014) n’aurait pas dû être appliquée, dans la mesure où il estime que l’avis des médecins aurait dû céder le pas à celui des responsables du stage professionnel. Ce point de vue, qui revient à suivre les conclusions d’un stage professionnel lorsqu’elles sont contredites par une expertise médicale, est contraire à la jurisprudence ; il ne peut donc être suivi.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_790/2015 consultable ici : http://bit.ly/2bEKEg1

 

 

9C_82/2016 (f) du 09.06.2016 – Choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité / 28a LAI – 27bis RAI – 16 LPGA / Assuré atteint d’une sclérose en plaque ayant réduit son taux d’activité professionnelle

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_82/2016 (f) du 09.06.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2b176BN

 

Choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité / 28a LAI – 27bis RAI – 16 LPGA

Assuré atteint d’une sclérose en plaque ayant réduit son taux d’activité professionnelle

 

Assuré travaillant à 100% depuis le 01.11.1999 en qualité de socio-éducateur, réduit son taux d’activité professionnelle à 90% dès le 01.01.2004, puis à 60% à partir du 01.04.2007, avant de l’augmenter à 75 % à compter du 01.06.2008.

Dépôt d’une demande AI le 25.05.2010 en raison d’une sclérose en plaque. Octroi d’une mesure de reclassement professionnel sous la forme d’une formation intensive en coaching professionnel. A l’issue de cette mesure, l’assuré a repris une activité à 75 % au sein de son employeur.

Nouvelle demande AI déposée le 16.09.2014, en raison d’une aggravation de l’état de santé. Selon les médecins de l’assuré, ce dernier ne disposait plus que d’une capacité résiduelle de travail d’environ 56% dans son activité habituelle. De l’enquête économique sur le ménage, une incapacité de 26% dans l’accomplissement de ses travaux habituels a été constatée.

Décision AI du 04.05.2015 : rejet de la demande de prestations, le degré d’invalidité (26 %), calculé d’après la méthode mixte d’évaluation de l’invalidité, étant insuffisant pour ouvrir le droit à une rente de l’assurance-invalidité.

 

Procédure cantonale

Par arrêt du 15.12.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assuré conteste le choix de la méthode d’évaluation de l’invalidité opéré par la juridiction cantonale (statut d’une personne exerçant une activité lucrative à temps partiel en lieu et place du statut d’une personne exerçant une activité lucrative à plein temps).

Lors de l’examen initial du droit à la rente, il convient d’examiner quelle est la méthode d’évaluation de l’invalidité qu’il s’agit d’appliquer. Le choix de l’une des trois méthodes reconnues (méthode générale de comparaison des revenus [art. 28a al. 1 LAI en corrélation avec l’art. 16 LPGA], méthode spécifique [art. 28a al. 2 LAI en corrélation avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA], méthode mixte [art. 28a al. 3 LAI en corrélation avec l’art. 27bis RAI, ainsi que les art. 16 LPGA et 28a al. 2 LAI en corrélation avec les art. 27 RAI et 8 al. 3 LPGA]) dépendra du statut du bénéficiaire potentiel de la rente : assuré exerçant une activité lucrative à temps complet, assuré non actif, assuré exerçant une activité lucrative à temps partiel. Pour déterminer la méthode applicable au cas particulier, il faut à chaque fois se demander ce que l’assuré aurait fait si l’atteinte à la santé n’était pas survenue. Lorsqu’il accomplit ses travaux habituels, il convient d’examiner, à la lumière de sa situation personnelle, familiale, sociale et professionnelle, s’il aurait consacré, étant valide, l’essentiel de son activité à son ménage ou s’il aurait vaqué à une occupation lucrative. Pour déterminer voire circonscrire le champ d’activité probable de l’assuré, il faut notamment tenir compte d’éléments tels que la situation financière du ménage, l’éducation des enfants, l’âge de l’assuré, ses qualifications professionnelles, sa formation ainsi que ses affinités et talents personnels. Selon la pratique, la question du statut doit être tranchée sur la base de l’évolution de la situation jusqu’au prononcé de la décision administrative litigieuse, encore que, pour admettre l’éventualité de l’exercice d’une activité lucrative partielle ou complète, il faut que la force probatoire reconnue habituellement en droit des assurances sociales atteigne le degré de la vraisemblance prépondérante (ATF 137 V 334 consid. 3.2 p. 338 et les références).

La juridiction cantonale se fonde essentiellement sur le constat – succinct et, pour ce motif, à la valeur probante relative – opéré par l’enquêtrice de l’assurance-invalidité au sujet de l’activité que l’assuré exercerait s’il n’était pas atteint dans sa santé. Ce constat n’est corroboré par aucun autre élément figurant au dossier. Il ressort du rapport d’enquête économique sur le ménage que, d’une part, la compagne de l’assuré était en recherche d’emploi et ne gagnait pas de revenus stables et que, d’autre part, le salaire de l’assuré permettait au couple de tout juste tourner.

La juridiction cantonale a clairement éludé le contexte médical dans lequel s’inscrivait la fatigue permanente invoquée par l’assuré pour justifier la diminution de sa capacité de travail dès avril 2007. En l’absence d’autre explication plausible, il ne fait guère de doute que les restrictions à la capacité de travail survenues en 2007 étaient dues aux premiers symptômes de la sclérose en plaques. En l’absence d’éléments propres à justifier un taux d’activité de 75 %, il convenait d’admettre que l’assuré aurait consacré l’entier de son temps à l’exercice d’une activité lucrative s’il n’avait pas été atteint dans sa santé.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause au Tribunal cantonal.

 

 

Arrêt 9C_82/2016 consultable ici : http://bit.ly/2b176BN

 

 

9C_915/2015 (f) du 02.06.2016 – proposé à la publication – Droit à la rente complémentaire pour enfant d’invalide / 35 LAI – 25 LAVS – 49bis RAVS / Enfant en formation et obtenant un revenu d’une activité lucrative

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_915/2015 (f) du 02.06.2016, proposé à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/2aNo72o

 

Droit à la rente complémentaire pour enfant d’invalide / 35 LAI – 25 LAVS – 49bis RAVS

Enfant en formation et obtenant un revenu d’une activité lucrative

 

Assuré, père de quatre enfants, au bénéfice d’une rente entière d’invalidité depuis le 01.01.2000 ainsi que de rentes complémentaires pour enfants.

Son fils a débuté une formation en économie d’entreprise au mois de septembre 2012. En raison de cette formation, la rente complémentaire pour enfant a été maintenue. Après avoir découvert que ledit fils exerçait une activité lucrative en parallèle de ses études qui lui avait procuré un revenu de 70’616 fr. en 2012, de 76’859 fr. en 2013 et de 79’643 fr. en 2014, l’office AI a, par décision du 04.11.2014, réclamé à l’assuré (bénéficiaire de la rente entière d’invalidité) la restitution de la somme de 21’496 fr. correspondant aux rentes complémentaires pour enfant indûment perçues au cours de la période courant de septembre 2012 à juillet 2014.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/835/2015 – consultable ici : http://bit.ly/2avOyIM)

Par arrêt du 04.11.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le système des rentes complémentaires a été introduit lors de la création de l’assurance-invalidité. Afin de remédier « aux conséquences économiques fâcheuses de l’invalidité du chef de famille pour la femme et les enfants », le législateur avait prévu de compléter la rente principale qui lui était allouée par des rentes complémentaires pour ses proches parents. Ces rentes devaient dépendre de l’existence d’un droit à une rente principale et revenir au même ayant droit; les proches parents n’avaient pas un droit propre aux rentes complémentaires (Message relatif à un projet de loi sur l’assurance-invalidité ainsi qu’à un projet de loi modifiant celle sur l’assurance-vieillesse et survivants du 24 octobre 1958, FF 1958 II 1225 ss, 2e partie, chapitre F, III, 2). Les rentes complémentaires devaient s’ajouter à la rente principale et constituer un revenu de substitution pour l’assuré invalide en vue de lui permettre de subvenir à l’entretien de sa famille (ATF 136 V 313 consid. 5.3.3.1 p. 318 et les références).

Selon l’art. 35 al. 1 LAI, les hommes et les femmes qui peuvent prétendre une rente d’invalidité ont droit à une rente pour chacun des enfants qui, au décès de ces personnes, auraient droit à la rente d’orphelin de l’assurance-vieillesse et survivants. Ont droit à une rente d’orphelin au sens de l’assurance-vieillesse et survivants les enfants dont le père ou la mère est décédé (art. 25 al. 1 LAVS). Le droit à une rente d’orphelin prend naissance le premier jour du mois suivant le décès du père ou de la mère; il s’éteint au 18e anniversaire ou au décès de l’orphelin (art. 25 al. 4 LAVS). Pour les enfants qui accomplissent une formation, le droit à la rente s’étend jusqu’au terme de cette formation, mais au plus jusqu’à l’âge de 25 ans révolus; le Conseil fédéral peut définir ce que l’on entend par formation (art. 25 al. 5 LAVS).

Aux termes de l’art. 49bis RAVS, un enfant est réputé en formation s’il suit une formation régulière reconnue de jure ou de facto à laquelle il consacre la majeure partie de son temps et se prépare systématiquement à un diplôme professionnel ou obtient une formation générale qui sert de base en vue de différentes professions (al. 1). L’enfant n’est pas considéré en formation si son revenu d’activité lucrative mensuel moyen est supérieur à la rente de vieillesse complète maximale de l’assurance-vieillesse et survivants (al. 3).

Avant l’entrée en vigueur le 1er janvier 2011 de cette disposition réglementaire, il n’existait aucune disposition matérielle relative au droit à la rente d’orphelin ou à la rente complémentaire pour enfant pour les enfants qui accomplissaient une formation. La jurisprudence et la pratique administrative avaient développé des principes qui avaient trouvé leur assise au sein des directives (de l’OFAS) concernant les rentes (DR) de l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité fédérale (ch. 3358 ss.).

Selon l’OFAS, il apparaissait indiqué de fixer des critères de distinction dans les dispositions réglementaires, face à la diversification des filières de formation et à la recrudescence des cas où il semblait légitime de se demander si l’on se trouvait véritablement en présence d’une formation. Cette modification législative avait pour but de permettre l’émergence d’une pratique plus simple et plus uniforme, eu égard notamment aux ambiguïtés observées dans le traitement des interruptions de formation, en particulier pour raisons de service militaire ou de service civil. C’était également l’occasion de reconnaître en tant que formation des semestres de motivations ou des pré-apprentissages, mais aussi, à l’inverse, de retirer le qualificatif « en formation » aux stagiaires et étudiants qui, au cours de leur stage pratique ou de leurs études, réalisaient un revenu supérieur à la rente de vieillesse complète maximale de l’assurance-vieillesse et survivants. Aucune prestation de sécurité sociale ne devait en effet être versée lorsque l’enfant réalisait un revenu qui lui permettait de subvenir entièrement ou partiellement à ses besoins.

Dans une jurisprudence antérieure à l’entrée en vigueur le 1er janvier 2011 de l’art. 49bis al. 3 RAVS rendue en matière de rente d’orphelin, le Tribunal fédéral des assurances avait admis que le fait que l’enfant réalise au cours de sa formation un revenu lui permettant de subvenir à son entretien ne faisait pas obstacle à l’octroi d’une rente complémentaire pour enfant. Il avait en particulier souligné que les étudiants et les apprentis qui subvenaient eux-mêmes à leur entretien ne devaient pas être moins bien traités que ceux qui n’avaient pas besoin de gagner leur vie parce qu’ils avaient de la fortune ou étaient entretenus par leurs parents. Même si cette pratique aboutissait à des résultats peu satisfaisants, puisque la rente devait être également versée à des orphelins qui disposaient de revenus élevés permettant de couvrir leurs besoins, il n’en demeurait pas moins que les rentes ordinaires de l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité étaient allouées indépendamment de la situation financière des bénéficiaires. Il incombait au législateur d’adopter une autre réglementation au cas où cela devait être jugé nécessaire pour des motifs de politique sociale (ATF 106 V 147 consid. 3 p. 151; en dernier lieu, arrêt 9C_674/2008 du 18 juin 2009 consid. 2.2, in SVR 2010 IV n° 1 p. 1, rendu en matière de rente complémentaire pour enfant).

La jurisprudence a précisé que la rente complémentaire pour enfant n’a, à la différence de la rente d’orphelin, pas pour fonction de compenser les difficultés financières liées à la disparition d’un parent, mais de faciliter l’obligation d’entretien de la personne invalide ou au bénéfice d’une rente de l’assurance-vieillesse et survivants, singulièrement de compenser les éléments du revenu perdus à la suite de la survenance du risque assuré (âge ou invalidité) et destinés à l’entretien de l’enfant. Autrement dit, elle doit permettre au parent invalide ou au bénéfice d’une rente de l’assurance-vieillesse et survivants d’honorer son obligation d’entretien. Elle n’a en revanche pas vocation à enrichir le bénéficiaire de l’entretien (ATF 134 V 15 consid. 2.3.3 p. 17 et les références; voir également ATF 136 V 313 consid. 5.3.4 p. 319).

La volonté du législateur était de lier l’octroi d’une rente complémentaire pour enfant à l’obligation du parent bénéficiaire de contribuer à l’entretien de celui-ci. Sur le plan civil, le soutien financier des père et mère à un enfant majeur ne peut d’ailleurs se justifier que dans le cas où l’enfant ne dispose pas lui-même des ressources nécessaires pour assumer ses besoins courants et les frais engendrés par sa formation (cf. art. 277 al. 2 CC en corrélation avec l’art. 276 al. 3 CC; arrêt 5C.150/2005 du 11 octobre 2005 consid. 4.4, in FamPra.ch 2006 p. 480; voir également MEIER/STETTLER, Droit de la filiation, 4ème éd. 2009, n. 1092 p. 628).

 

La limite de revenu fixée à l’art. 49bis al. 3 RAVS ne présente pas de lien direct avec la notion de « formation ». La délégation législative de l’art. 25 al. 5 LAVS doit néanmoins être comprise de façon large et être interprétée à la lumière du but assigné par le législateur à la rente complémentaire pour enfant (voir le Message du 5 mars 1990 concernant la dixième révision de l’assurance-vieillesse et survivants, FF 1990 II 1, ch. 51 ad art. 25 p. 93 s.). Or un enfant qui réalise à côté de sa formation un revenu mensuel moyen au cours d’une année civile au moins équivalent à la rente maximale de l’assurance-vieillesse et survivants est en mesure de subvenir dans une large mesure, si ce n’est totalement, à ses besoins et n’est plus tributaire du soutien financier de ses parents. Dans ces conditions, il n’est pas arbitraire de considérer que le parent bénéficiaire de la rente n’a plus d’obligation d’entretien à l’égard de son enfant et que, de ce fait, la rente complémentaire pour enfant perd sa justification au regard du droit des assurances sociales (MYRIAM LENDFERS, Junge Erwachsene in Ausbildung, JaSo 2014 p. 131; voir également arrêt 8C_875/2013 du 29 avril 2014 consid. 3.3, in SVR 2014 IV n° 24 p. 84).

En ce qui concerne le droit à une rente complémentaire pour enfant, ce n’est toutefois pas au regard de la situation de l’enfant qu’il convient d’examiner s’il y a violation du principe de l’égalité de traitement, mais au regard de la situation du parent bénéficiaire de la rente principale et de la rente complémentaire pour enfant, singulièrement au regard de l’obligation d’entretien que celui-ci a à l’égard de son enfant qui accomplit une formation. Si le parent est libéré de son obligation d’entretien parce que son enfant est en mesure de subvenir à ses besoins par ses propres moyens, il est justifié de ne pas verser de rente complémentaire pour enfant et le défaut de prestations ne saurait par conséquent être source d’inégalité (sur la question, voir également LENDFERS, op. cit., p. 133).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_915/2015 consultable ici : http://bit.ly/2aNo72o

 

 

9C_372/2015 (f) du 19.02.2016 – Suppression rétroactive de la rente AI suite à une violation de l’obligation de renseigner – 88 bis al. 2 let. b RAI – 43 al. 3 LPGA / Non communication d’un changement de domicile

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_372/2015 (f) du 19.02.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1VpQcx5

 

Suppression rétroactive de la rente AI suite à une violation de l’obligation de renseigner – 88 bis al. 2 let. b RAI – 43 al. 3 LPGA

Non communication d’un changement de domicile

 

Assuré au bénéfice d’une rente entière d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 70%, depuis le 01.05.1998, ainsi que deux rentes ordinaires pour enfants d’invalide. Dans les décisions, l’assuré était expressément rendu attentif à son obligation d’informer, singulièrement d’annoncer immédiatement à l’office AI un séjour à l’étranger excédant trois mois ou un transfert du domicile à l’étranger.

L’assuré étant parti sans laisser d’adresse et le compte bancaire sur lequel la rente d’invalidité était versée ayant été clôturé, l’office AI a supprimé la rente d’invalidité ainsi que les deux rentes pour enfants avec effet au 31.10.2004, au motif que le domicile de l’assuré était inconnu.

 

Procédure cantonale (arrêt C-5829/2013 – consultable ici : http://bit.ly/1sWSEjX)

Par jugement du 09.04.2015, rejet du recours par le Tribunal administratif fédéral.

 

TF

Le Tribunal administratif fédéral a rappelé que les assurés ont l’obligation d’annoncer tout changement de situation qui, potentiellement, peut avoir des répercussions sur leur droit aux prestations. Un changement de domicile n’est pas un événement anodin. En effet, pour être en mesure d’accomplir ses tâches, l’office AI doit pouvoir contacter l’assuré, aussi bien dans le cadre du versement des prestations accordées qu’à l’occasion des révisions périodiques.

 

Suppression rétroactive de la rente AI suite à une violation de l’obligation de renseigner

Selon la jurisprudence, une violation de l’obligation de renseigner susceptible de justifier une suppression rétroactive de la rente AI, selon l’art. 88 bis al. 2 let. b RAI, est commise lorsqu’un assuré disparaît sans laisser d’adresse et complique ainsi – voire empêche – le déroulement normal d’une procédure de révision, ce qui, bien entendu, peut se produire aussi bien en Suisse qu’à l’étranger (arrêt I 172/83 du 23 décembre 1983 consid. 3c, in RCC 1984 p. 373).

Dans le cas d’espèce, les propos de l’assuré permettent de constater qu’il avait intentionnellement manqué à son devoir d’informer afin de se soustraire à ses obligations alimentaires. Il avait justifié son attitude par le fait qu’il n’avait pas envie de « recevoir de l’argent d’un côté pour qu’il ressorte directement de l’autre pour les pensions alimentaires », ajoutant qu’il s’engageait à « verser de l’argent au SPAS » s’il touchait le rétroactif de l’AI.

 

Violation de l’obligation de renseigner ou de collaborer à l’instruction

Selon la jurisprudence, l’application de l’art. 43 al. 3 LPGA dans un cas où des prestations sont en cours et où l’assuré qui les perçoit refuse de manière inexcusable de se conformer à son devoir de renseigner ou de collaborer à l’instruction de la procédure de révision, empêchant par-là que l’organe d’exécution de l’assurance-invalidité établisse les faits pertinents, suppose que le fardeau de la preuve soit renversé. En principe, il incombe bien à l’administration d’établir une modification notable des circonstances influençant le degré d’invalidité de l’assuré, si elle entend réduire ou supprimer la rente. Toutefois, lorsque l’assuré refuse de façon inexcusable de la renseigner, il lui est impossible de démontrer les faits conduisant à une modification du taux d’invalidité. Dans un tel cas, lorsque l’assuré empêche fautivement que l’office AI administre les preuves nécessaires, il convient d’admettre un renversement du fardeau de la preuve (cf. consid. 2.2 non publié de l’ATF 129 III 181; HANS PETER WALTER, Beweis und Beweislast im Haftpflichtprozessrecht, in Haftpflichtprozess 2009, p. 47 ss, p. 58). Il appartient alors à l’assuré d’établir que son état de santé, ou d’autres circonstances déterminantes, n’ont pas subi de modifications susceptibles de changer le taux d’invalidité qu’il présente (arrêt 9C_961/2008 du 30 novembre 2009 consid. 6.3.3, in SVR 2010 IV n° 30 p. 94).

Dans le cas d’espèce, la violation intentionnelle, par l’assuré, de son obligation d’annoncer son changement de domicile a placé l’organe d’exécution de l’AI dans l’impossibilité d’assumer ses tâches puisqu’il ne pouvait plus le contacter. Concrètement, l’office AI n’était plus en mesure de s’assurer du bien-fondé du maintien de la rente et n’aurait, en particulier, pas pu procéder à la révision périodique du droit à cette prestation qui avait été prévue au plus tard en mai 2006 lors de son octroi. Par son silence, l’assuré aurait aussi évité la mise en œuvre de mesures de précaution que l’administration doit prendre lorsque des rentes sont servies à l’étranger (cf. art. 74 RAVS et 83 RAI). La suppression de la rente ne constituait donc pas, en pareilles circonstances, une mesure disproportionnée, à tout le moins à compter du moment où devait intervenir la révision d’office de la rente en mai 2006 et où l’assuré aurait manqué de manière inexcusable à son devoir de collaborer à l’instruction. Le non versement des prestations à partir de septembre 2006 n’est donc pas contraire au principe de la proportionnalité.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_372/2015 consultable ici : http://bit.ly/1VpQcx5