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Étude sur l’impact des différentes sanctions appliquées par l’assurance-chômage

Étude sur l’impact des différentes sanctions appliquées par l’assurance-chômage

 

Etude «Wirkung unterschiedlicher Sanktionen der Arbeitslosenversicherung» consultable ici

 

L’assurance-chômage soutient les personnes en cas de perte d’emploi et exige en contrepartie une participation active à la recherche d’un nouvel emploi. Les personnes qui manquent à cette obligation peuvent se voir infliger des sanctions (réductions du nombre d’indemnités journalières). L’impact de ces sanctions a été examiné dans le cadre d’une étude mandatée par la Confédération. Environ un tiers des périodes de chômage font l’objet d’au moins une sanction. Les personnes sanctionnées sont en moyenne plus jeunes, plus souvent des hommes, et disposent plus rarement d’une formation du degré tertiaire. En moyenne, elles réintègrent le marché du travail légèrement plus rapidement que les personnes non sanctionnées. Toutefois, certains éléments indiquent que les personnes sanctionnées occupent ensuite des rapports de travail un peu moins stables et perçoivent des revenus légèrement inférieurs. Ces différences tendent toutefois à s’atténuer nettement au cours des trois premières années suivant la période de chômage.

 

Résumé (issu de l’étude)

Les sanctions sont un instrument important de l’assurance-chômage (AC) pour amener les demandeurs d’emploi à respecter leurs obligations. Les sanctions infligées en cas de manquement total ou partiel aux obligations peuvent aller jusqu’à 60 jours de suspension, les sanctions légères (jusqu’à 15 jours de suspension) étant les plus fréquentes dans la pratique. La présente étude examine en détail le recours aux différentes sanctions de l’assurance-chômage et leur impact en se fondant sur les données des années 2009 à 2022. Elle distingue les sanctions selon leur type, leur sévérité et le moment où elles sont appliquées et considère un large éventail de résultats.

Dans un premier temps, l’étude dresse un état des lieux du recours aux différentes sanctions en Suisse en procédant à des analyses descriptives. Cet état des lieux est axé sur la question suivante : qui est sanctionné pour quoi, quand et à quelle fréquence ? La suite de l’étude est consacrée aux analyses d’impact. Celles-ci évaluent les effets des différentes sanctions sur la rapidité de la réinsertion et sur les indicateurs relatifs au parcours professionnel jusqu’à trois ans après le chômage. En outre, l’étude analyse pour la première fois les effets des sanctions sur les recherches d’emploi ainsi que sur l’activité de recherche sur la plateforme Job-Room.

Les résultats de l’analyse descriptive montrent qu’environ un tiers des périodes de chômage font au moins une fois l’objet de sanctions. Cette proportion est étonnamment élevée, même en comparaison internationale. Les demandeurs d’emploi sanctionnés sont plus souvent des hommes ; ils sont en moyenne plus jeunes et disposent plus rarement d’une formation du degré tertiaire que les personnes non sanctionnées. Les infractions commises avant le chômage contribuent dans une large mesure au volume des sanctions prononcées. De manière générale, on constate que les sanctions interviennent relativement tôt, en particulier en cas d’infractions mineures et d’infractions qui se sont produites avant le chômage.

L’analyse des effets sur la rapidité de la réinsertion montre que les sanctions exercent globalement un impact positif sur les sorties vers l’emploi : la durée attendue du chômage est réduite de 6,5 jours en moyenne et de 15 jours en cas de sanctions légères (qui sont clairement les plus fréquentes). S’agissant des sanctions sévères et des sanctions prononcées en cas de chômage résultant de la faute de la personne assurée, l’impact mesuré est négatif, autrement dit on constate un allongement de la durée du chômage. En outre, les sanctions, indépendamment de leur type et de leur sévérité, contribuent pratiquement toutes à augmenter les taux de transition vers la non-activité.

Du point de vue de la durabilité de la réinsertion, l’analyse montre que les sanctions ont un impact légèrement négatif sur la stabilité de l’emploi et sur le revenu professionnel après la sortie du chômage. Si l’impact négatif s’atténue nettement au-delà d’un an après la sortie du chômage, il est encore perceptible après trois ans. Les effets négatifs sur la phase d’activité après le chômage sont sensiblement plus marqués pour les personnes qui ont été sanctionnées par un nombre important de jours de suspension durant leur période de chômage. À noter également que les sanctions prononcées pour des infractions commises avant le chômage n’ont guère d’impact négatif sur le parcours professionnel, tandis que celles prises pendant la période de chômage ont des effets négatifs qui diminuent au fil du temps.

L’évaluation des données de candidature et des données relatives aux clics sur Job-Room donne également des résultats intéressants : les effets sur l’intensité de recherche individuelle sont substantiels. Ils se manifestent en premier lieu par une augmentation du nombre de candidatures déposées. Après une sanction, le nombre de postulations à effectuer est également revu à la hausse de manière durable.

 

Etude «Wirkung unterschiedlicher Sanktionen der Arbeitslosenversicherung» consultable ici

Cf. également article récapitulatif : Arni, Patrick; Lalive, Rafael; Klaeui, Jeremias; Kaiser, Boris; Wolf, Markus (2025). L’impact des sanctions dans l’assurance-chômage. La Vie économique, 03 juin.

 

Publication du rapport de recherche : «Évaluation des nouveautés dans le domaine des expertises médicales dans l’assurance-invalidité» dans le cadre du Programme de recherche de l’assurance-invalidité

Publication du rapport de recherche : «Évaluation des nouveautés dans le domaine des expertises médicales dans l’assurance-invalidité» dans le cadre du Programme de recherche de l’assurance-invalidité

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 22.05.2025 consultable ici

Rapport «Evaluation der Neuerungen im Bereich der medizinischen Begutachtungen in der Invalidenversicherung» (Numéro du rapport 5/25) disponible ici

Article de Christian Bolliger/Martina Flick Witzig, Expertises AI : mise en œuvre des dernières nouveautés, paru in Sécurité Sociale CHSS du 22.05.2025 consultable ici

En test sur le site : En cas de manque de temps, je vous propose un podcast (créé par IA) basé sur le rapport de recherche et l’article paru in CHSS disponible ici
(6 min.34)

 

Résumé (issu du rapport de recherche)

Lors de l’examen du droit aux prestations, l’assurance-invalidité (AI) s’appuie sur des expertises médicales réalisées par des experts indépendants si les informations dont elle dispose ne lui permettent pas d’établir elle-même les faits médicaux. Grâce au Développement continu de l’assurance-invalidité (DC AI) entré en vigueur le 1er janvier 2022, le législateur a pu apporter plusieurs modifications aux modalités d’attribution et de réalisation des expertises médicales ; ces changements doivent contribuer à améliorer la qualité des expertises et à accroître leur transparence. La plupart concernent toutes les assurances sociales. Ainsi, les exigences en matière de qualification des experts ont été renforcées. Les offices AI doivent désormais tenir des listes publiques contenant des informations sur les experts qu’ils mandatent. Les entretiens entre l’assuré et l’expert font l’objet d’un enregistrement sonore, à moins que l’assuré ne s’y oppose. L’attribution des expertises bidisciplinaires est désormais soumise à la procédure aléatoire. Pour les expertises monodisciplinaires, la recherche d’un consensus entre l’assurance et l’assuré en cas de désaccord sur le choix de l’expert a été précisée et les possibilités de contester l’attribution des expertises ont été restreintes. Enfin, une commission a été instituée : il s’agit de la Commission fédérale pour l’assurance qualité des expertises médicales (COQEM).

 

Problématique et procédure

La présente évaluation a permis pour la première fois d’examiner de plus près les expériences faites depuis la mise en place de ces changements dans l’AI. Le but consistait, premièrement, à analyser la mise en œuvre et les difficultés observées ; deuxièmement, à réunir différentes données de référence concernant l’attribution des expertises, en précisant si possible l’évolution au fil du temps ; troisièmement, à analyser l’évolution du marché des expertises, c’est-à-dire l’offre d’experts ; et quatrièmement, à analyser l’effet des nouveautés sur le niveau d’acceptation et de perception de la légitimité des expertises médicales. Cette démarche a été réalisée en prenant en compte les perspectives des acteurs impliqués (offices AI, services médicaux régionaux [SMR], experts et conseillers juridiques représentant les assurés). L’intérêt était porté sur la nouvelle situation et sur les répercussions des changements introduits. En outre, les acteurs impliqués ont été interrogés sur leurs attentes vis-à-vis de la COQEM.

L’évaluation s’appuie en premier lieu sur des analyses statistiques de données des registres AI (concernant la période 2017 à 2023), de la plateforme d’attribution des mandats d’expertise Suisse-MED@P (années 2022 et 2023) et d’une sélection d’offices AI. De plus, des enquêtes en ligne ont été menées auprès des 26 offices AI cantonaux, des experts (475 participants) et des conseillers juridiques des assurés (223 participants). Enfin, des entretiens approfondis portant sur des thèmes choisis en lien avec les expertises ont été menés avec des représentants de quatre offices AI et de leurs SMR respectifs, de même qu’avec des experts et des conseillers juridiques. Au total, 30 personnes ont été interrogées au cours de 17 entretiens. Les documents mis à disposition par les offices AI et SMR interrogés ont été exploités également dans le cadre de l’analyse de leurs démarches.

 

Mise en œuvre des nouveautés

Les nouveautés sont mises en œuvre et les problèmes pratiques initiaux ont été en grande partie surmontés. Trois ans après leur entrée en vigueur, les nouveautés concernant le domaine des expertises sont bien établies auprès des acteurs impliqués ; dans l’ensemble, elles sont mises en œuvre en conformité avec les directives. Une grande partie des problèmes d’ordre pratique rencontrés initialement ont été surmontés. Les expériences rapportées à l’équipe des évaluateurs par les acteurs concernés sont ambivalentes : d’un côté, les offices AI déplorent le surcroît de travail organisationnel et administratif induit par les nouveautés mises en place, en particulier dans la phase initiale. Mais de l’autre, seuls quelques experts ont fait état de difficultés rencontrées durant la phase de mise en œuvre ; les experts chevronnés reconnaissent qu’en cas de litige, les enregistrements sonores contribuent aussi à leur propre protection. Les conseillers juridiques ont parfois mentionné des difficultés ; ils ont toutefois plutôt émis des réserves de principe concernant les expertises dans l’AI tels que des doutes sur le choix des experts qu’évoqué des problèmes pratiques. Un premier bilan de la mise en œuvre des nouveautés est exposé ci-après.

  • Qualification des experts : les nouvelles exigences minimales posées en matière de qualification des experts ont amené un relèvement global – à un niveau relativement uniforme – de leurs qualifications formelles, sachant qu’auparavant, les offices AI plaçaient la barre à des hauteurs variables lors de leur recrutement. S’agissant des expertises monodisciplinaires, les offices AI ont toutefois maintenu différents critères, comme les expériences réalisées antérieurement (par l’AI) avec un expert, la proximité géographique de l’expert, ou encore le principe de la sélection aléatoire.

 

  • Liste publique et recherche de consensus : lors de la recherche d’experts pour mener des expertises monodisciplinaires, les offices AI se fondent principalement sur leur propre liste d’experts (quoique aussi, occasionnellement mais assez rarement, sur d’autres listes publiques). Les conseillers juridiques se servent de ces listes pour obtenir une vue d’ensemble et faire des contre-propositions (recherche de consensus). En cas d’expertise monodisciplinaire, la recherche d’un consensus entre l’office AI et l’assuré au sujet de l’expert à mandater échoue dans moins de 1% des cas. Selon les participants interrogés, les offices AI acceptent la contre-proposition de l’assuré ou de son représentant légal pour autant que l’expert proposé figure sur la liste publique. D’aucuns critiquent le fait que cette liste indique les incapacités de travail attestées par les expertises. Ils estiment que cela pourrait inciter les experts à « rester dans la moyenne ».

 

  • Enregistrements sonores : des problèmes techniques ou pratiques, comme un enregistrement sonore défectueux, son absence, ou encore le fait que l’assuré ignore qu’il doit annoncer à l’office AI son éventuel refus de l’enregistrement, ont surtout causé des difficultés durant la phase initiale. D’après des déclarations concordantes faites lors des entretiens, ce point ne pose toutefois plus qu’exceptionnellement problème. Une minorité des conseillers juridiques critiquent le fait que l’accès à l’enregistrement sonore via une plateforme de streaming soit semé d’embûches et que le streaming soit si fastidieux. Selon la plupart des personnes interrogées, les enregistrements sonores ne sont que très rarement demandés, même si certains conseillers juridiques interrogés ont indiqué qu’ils écoutaient souvent les enregistrements. Une estimation statistique approximative montre que les enregistrements sonores sont consultés dans 6% des expertises au maximum.

 

  • Attribution aléatoire d’expertises bidisciplinaires : ce changement n’a pas entraîné, en soi, de difficulté majeure. Seule une minorité des personnes interrogées ont signalé des problèmes. À titre d’exemple, il a parfois été signalé que la distance à parcourir par un assuré pour se rendre chez l’expert avait augmenté.

 

  • Limitation des possibilités d’objection : si aucun office AI n’a déclaré rencontrer des difficultés en raison de la limitation des possibilités de contester l’attribution des expertises, une minorité tout de même importante (30%) des conseillers juridiques affirment le contraire ; une partie des personnes interrogées émettent également la critique que leurs objections ne seraient pas suffisamment entendues. S’agissant de savoir sur quels aspects de l’attribution des expertises la voie de recours reste ouverte, les avis des tribunaux cantonaux divergent. Quant au Tribunal fédéral, il n’est pas associé à la clarification de ces points de droit.

 

  • COQEM : jusqu’à présent, la COQEM s’est attelée principalement à la préparation des indicateurs de qualité, des normes et des procédures qu’elle entend mettre en place. Son action passe assez inaperçue et elle est encore méconnue des acteurs concernés. Les personnes interrogées lors des entretiens attendent de la COQEM qu’elle contribue à un examen aussi objectif et indépendant que possible de la qualité des expertises, et ce, sur la base de critères et de normes clairs. Elles espèrent qu’un dialogue constructif, équitable et transparent s’installe entre la commission et les experts qu’elle est chargée de contrôler.

 

Évolution constatée au fil du temps et effets des nouveautés

Se fondant sur les données analysées et sur les enquêtes, l’équipe d’évaluateurs a examiné les évolutions suivantes et les effets des nouveautés sur celles-ci.

  • Fréquence des expertises et pénurie d’experts – effet ponctuel des nouveautés : l’office AI ordonne une expertise pour 25 à 30% des demandes de prestations portant sur des mesures professionnelles ou sur la rente. Cette proportion a diminué ces dernières années. Il semble néanmoins que, globalement, la demande d’experts ait plutôt augmenté, du moins jusqu’en 2022, puisque le nombre absolu d’expertises pluridisciplinaires a connu une hausse sensible, tandis que celui des expertises monodisciplinaires et bidisciplinaires a quelque peu diminué. En 2023, le nombre d’expertises pluridisciplinaires a fléchi, probablement en raison de l’abandon des expertises pluridisciplinaires à trois disciplines introduit en février 2023 (puis annulé à partir du 1er janvier 2025). Pour le reste, comme on pouvait s’y attendre, les tendances décrites ici ne révèlent pas d’effet des nouveautés sur la demande d’expertises et d’experts. Les différences de fréquence des expertises d’une région linguistique et d’un office AI à l’autre sont frappantes : si en 2022 et 2023, quatre offices AI ont recensé au moins quatre expertises pour dix demandes de prestations, six offices AI n’en ont eu qu’entre une et deux en moyenne, et deux autres, même moins d’une (maximum : 43% ; minimum 7%).

 

  • Coûts des expertises – la hausse des tarifs laisse des traces : les nouveautés liées au DC AI n’ont pas eu de répercussions sur le coût des expertises. En revanche, les modifications introduites en février 2023 en ont eues. Située entre 15 et 18%, la hausse des tarifs pour les expertises pluridisciplinaires a fait augmenter leur coût moyen, tandis que celui des expertises monodisciplinaires et bidisciplinaires est resté constant. De même, en 2023, le coût moyen des expertises pluridisciplinaires a augmenté en raison de la suppression (temporaire) des expertises ne portant que sur trois disciplines.

 

  • L’attribution et le traitement des expertises prennent du temps (souvent trop) – absence d’effets mesurables des nouveautés : une grande majorité des offices AI (85%) et des conseillers juridiques (85% aussi) interrogés lors de l’évaluation ainsi qu’une minorité importante des experts (40%) estiment que les expertises prennent trop de temps. Et les chiffres le confirment : pour les expertises pluridisciplinaires, 237 jours se sont écoulés en moyenne entre le dépôt d’un mandat sur la plateforme d’attribution des mandats et la remise de l’expertise en 2023 ; un quart des expertises ont même pris 327 jours ou (parfois nettement) plus. Pour les expertises bidisciplinaires, la médiane se situe à 152 jours. Plusieurs raisons expliquent ces résultats : d’une part, le fait que la plupart des mandataires ne sont pas en mesure de respecter les délais ordinaires prescrits (durée entre la réception des documents et la remise de l’expertise). D’autre part, pour les expertises pluridisciplinaires, il a souvent fallu longtemps, en 2022 et 2023 – notamment faute de disposer de suffisamment d’experts dans certaines disciplines –, avant qu’un centre d’expertises ne puisse prendre en charge un mandat. Les derniers chiffres font toutefois état d’un meilleur équilibre entre l’offre et la demande au second semestre 2024, notamment en Suisse alémanique. Ainsi, fin 2024, seuls 192 mandats d’expertises pluridisciplinaires déposés sur la plateforme (dont 162 en Suisse romande) n’étaient pas encore attribués, alors qu’en milieu d’année 2022, il en restait encore 1876.

 

  • Offre d’experts – pénurie préexistante probablement quelque peu accentuée par les nouveautés : selon les indications des offices AI et des experts interrogés, quelques experts se sont retirés du marché à la suite des nouveautés, les principales raisons invoquées étant les enregistrements sonores, les qualifications exigées et la liste publique. L’hypothèse que les nouveautés auraient, à court terme, quelque peu accentué la pénurie semble donc plausible. À l’inverse, selon l’enquête, les experts ne se trouvent pas plus souvent contraints de refuser des mandats que lors de la dernière enquête de ce type, en 2016. Tous les offices AI, 85% des conseillers juridiques interrogés et 58% des experts perçoivent la pénurie. Si celle-ci se manifeste de manière assez différente selon les offices AI, globalement, elle touche à de nombreuses disciplines médicales. Toutefois, comme indiqué au paragraphe précédent, la pénurie s’est peu manifestée au deuxième semestre 2024.

 

  • Offre hétérogène – petit nombre de centres d’expertises dominants en Suisse latine : selon l’enquête menée auprès des experts, la part d’entre eux qui exercent à titre principal à l’étranger a légèrement augmenté ; elle se situe aujourd’hui à 9% (contre 6% en 2016). De même, la part des personnes qui consacrent au moins trois quarts de leur temps à la réalisation d’expertises a augmenté par rapport à la situation qui prévalait lors de la dernière enquête de 2016 ; ce groupe d’experts est cependant toujours nettement minoritaire. Il représente aujourd’hui 14% des experts interrogés. Même parmi les personnes qui réalisent plus de 30 expertises par an pour l’AI, seule une minorité (37%) y consacre une part aussi importante de son temps de travail. En ce qui concerne le nombre de mandats pris en charge, on constate aussi de nettes différences entre les centres d’expertises. En Suisse romande, selon la liste publique 2023, 39% des expertises pluridisciplinaires ont été réalisées par l’un de ses neuf centres d’expertises, alors qu’en Suisse italienne, il n’y a qu’un seul centre d’expertises médicales qui propose ses services à l’AI. Le principe d’attribution aléatoire y est donc compromis par l’offre limitée.

 

  • Une légère hausse de l’acceptation de l’attribution des expertises semble plausible : les résultats de l’enquête portent à croire que, pour au moins une minorité de conseillers juridiques (32%), les litiges avec l’AI concernant l’attribution des expertises ont légèrement diminué (néanmoins, 6% d’entre eux pensent le contraire). Cinq offices AI font même état d’une acceptation légèrement accrue. Le plus souvent, les personnes interrogées attribuent des effets positifs à la nouvelle réglementation sur la recherche d’un consensus, sur l’attribution aléatoire en cas d’expertises bidisciplinaires et sur les enregistrements sonores. 42% des offices AI interrogés (et exactement la même proportion des conseillers juridiques) estiment toutefois que l’attribution des expertises débouche encore trop souvent sur des litiges.

 

  • Effets jusqu’à présent limités des nouveautés sur l’acceptation des résultats des expertises : on dispose ponctuellement de données et de calculs des offices AI concernant l’acceptation des décisions de prestations de l’AI fondées sur des expertises. L’évolution survenue depuis 2018 est hétérogène et l’introduction des nouveautés en 2022 n’a pas marqué de vraie rupture. Seuls sept offices AI ont confirmé certains changements, comme le fait que la recherche d’un consensus a amélioré l’acceptation des expertises. Quelque 38% des conseillers juridiques estiment que les enregistrements sonores ont eu un effet sur cette acceptation. Les personnes interrogées ont révélé que les comportements inamicaux – voire inappropriés – d’experts envers les assurés sont devenus plus rares après l’introduction des enregistrements sonores. 44% des conseillers juridiques pensent que l’enregistrement sonore a généralement amélioré l’interaction pendant l’expertise, tandis que 4% pensent le contraire. Sur ce point, les avis sont plus partagés chez les experts (16% d’avis positifs pour 21% d’avis négatifs). Peu d’entre eux supposent que la transparence pourrait également avoir un effet sur le résultat des expertises.

 

  • Effets des nouveautés globalement peu perceptibles – des solutions à la pénurie existent : dans l’ensemble, les effets des nouveautés sur l’offre d’experts, la durée du processus d’expertise et l’acceptation des expertises et de leurs résultats sont donc assez peu prononcés. Les difficultés rencontrées dans le domaine des expertises n’ont donc pas fondamentalement évolué ; ce résultat n’aurait de toute façon pas pu être anticipé, ce que même les acteurs interrogés confirment. Alors que l’impression dominante, dans les offices AI et chez les experts, est que la faible utilité des nouveautés peine à justifier un surcroît de travail administratif, une partie au moins des conseillers juridiques attestent que la transparence a une valeur intrinsèque et que les experts accordent ainsi, dans l’ensemble, davantage d’estime aux assurés. Même si les tout derniers chiffres laissent entrevoir des améliorations, l’évaluation montre, à l’exemple des retards dans l’attribution des mandats d’expertise, qu’une pénurie d’experts peut entraîner des conséquences néfastes sur les pratiques d’expertise. Les grandes différences entre offices AI concernant le nombre d’expertises ordonnées et les possibilités, mises en évidence lors de l’évaluation, de limiter le besoin d’expertises (partielles) prouvent que ce problème ne saurait être résolu uniquement par l’élargissement de l’offre d’experts, mais que les offices AI ont aussi eux-mêmes un certain impact sur la demande d’expertises. Voici quelques exemples de stratégies, à appliquer au cas par cas en respectant toujours les normes de qualité requises, telles que définies par les tribunaux : exploitation des informations contenues dans le dossier de l’assuré, notamment celles issues de la procédure de réadaptation, externalisation de questions ou de problématiques plutôt périphériques, dotation du SMR en disciplines clés et propres examens réalisés par le SMR.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 22.05.2025 consultable ici

Rapport «Evaluation der Neuerungen im Bereich der medizinischen Begutachtungen in der Invalidenversicherung» (Numéro du rapport 5/25) disponible ici

Article de Christian Bolliger/Martina Flick Witzig, Expertises AI : mise en œuvre des dernières nouveautés, paru in Sécurité Sociale CHSS du 22.05.2025 consultable ici

 

 

Troubles psychiques : plus d’ouverture dans l’examen du droit à la rente AI

Troubles psychiques : plus d’ouverture dans l’examen du droit à la rente AI

 

Article de Christian Bolliger, Madleina Ganzeboom, Jürg Guggisberg, Tabea Kaderli paru in Sécurité sociale CHSS du 19.09.2024 consultable ici

 

Depuis l’introduction de la procédure structurée d’administration des preuves en 2015, les offices AI examinent avec plus d’ouverture le droit à la rente en cas de troubles psychiques. Aujourd’hui, cette catégorie d’assurés constitue près de la moitié de l’effectif des bénéficiaires de rente.

Depuis 2015, le Tribunal fédéral (TF) a progressivement introduit la procédure structurée d’administration des preuves pour les demandes liées à des troubles psychiques. Cette procédure permet à l’AI d’examiner le droit à la rente des assurés concernés. Comme les conséquences de troubles psychiques sur la capacité de travail de l’assuré sont plus difficiles à établir que celles d’affections d’ordre somatique, les offices AI évaluent cette capacité en se fondant sur certains indicateurs. Ces derniers couvrent, d’une part, la gravité de l’atteinte à la santé, la personnalité et le contexte social dans lequel évolue l’assuré, ainsi que les interactions entre ces trois facteurs. D’autre part, ces indicateurs se rapportent au comportement de l’assuré dans son quotidien, en thérapie et pendant les mesures de réadaptation (ces observations renseignant sur la «cohérence» de l’assuré, voir OFAS 2024, Annexe 1).

De plus, avec la procédure structurée d’administration des preuves, le TF a abandonné l’hypothèse selon laquelle certains troubles psychiques ne sauraient être invalidants, ou alors seulement dans des cas exceptionnels.

 

Changement de paradigme à partir de 2015

En 2015, le TF n’a d’abord introduit la procédure structurée d’administration des preuves que pour les affections psychosomatiques (ATF 141 V 281). Auparavant, l’AI partait du principe que de telles maladies n’entraînaient une invalidité que dans des cas exceptionnels, car elles étaient considérées comme étant en principe curables (présomption de surmontabilité).

Deux ans plus tard, le TF a étendu la procédure structurée d’administration des preuves à toutes les maladies psychiques (ATF 143 V 409). De plus, en cas de dépression légère à modérée, la résistance au traitement n’était plus une condition obligatoire pour qu’un droit à la rente soit examiné de plus près (ATF 143 V 418). En 2019, le TF a finalement reconnu qu’une addiction était également à classer parmi les «états pathologiques» (ATF 145 V 215). C’est depuis cette date que la procédure structurée d’administration des preuves a été mise en œuvre pour les addictions. Auparavant, la dépendance n’était prise en compte par l’AI que si elle était à l’origine d’une maladie invalidante ou d’un accident, ou si, à l’inverse, elle survenait à la suite d’une maladie.

Quel a été l’impact de ces évolutions de la jurisprudence ? C’est la question à laquelle tente de répondre une étude commandée par l’Office fédéral des assurances sociales (Bolliger et al. 2024). L’étude a tout d’abord analysé les effets de la procédure structurée d’administration des preuves sur la méthode de travail des offices AI lors de l’examen des rentes. Ensuite, elle a analysé les documents des offices AI de cinq cantons et conduit des entretiens avec leurs collaborateurs, avec les SMR, ainsi qu’avec les conseillers juridiques des assurés dans les cinq cantons concernés par l’étude. Puis, plusieurs analyses statistiques descriptives et multivariées ont permis de vérifier s’il existait des indices selon lesquels les évolutions de l’interprétation juridique auraient entraîné une hausse notable du nombre de nouvelles rentes.

 

Des décisions plus faciles à comprendre

L’analyse montre que la procédure structurée d’administration des preuves a sensiblement modifié la démarche de fond adoptée par les offices AI dans l’examen du droit à la rente. Les personnes interrogées considèrent que l’évaluation de la capacité de travail est mieux structurée, bien que plus complexe.

Dans l’ensemble, les modifications jurisprudentielles ont contribué à libérer les instructions des préjugés sur ses résultats et à clarifier le processus décisionnel. Bien que certaines personnes externes à l’AI déplorent un usage trop «mécanique» des indicateurs, les décisions de l’AI sont, aux dires des personnes interrogées, plus adéquates que précédemment, en particulier pour ce qui concerne l’addiction, mais également la dépression légère à moyenne. Selon elles, c’est parce qu’un examen approfondi du droit à la rente n’est plus exclu ou entravé par le seul fait du diagnostic.

Le rapprochement entre exigences juridiques et réalité médicale attendu après l’introduction de la procédure structurée d’administration des preuves est également perceptible dans les pratiques quotidiennes de l’AI (cf. Jörg Jeger, Die neue Rechtsprechung zu psychosomatischen Krankheitsbildern – eine Stellungnahme aus ärztlicher Sicht, Jusletter du 13 juillet 2015). Quelques-unes des personnes interrogées ont cependant émis des critiques, faisant observer une tendance au retour à une jurisprudence fondée sur le diagnostic, c’est-à-dire à des décisions rendues sur la seule base du diagnostic disponible, sans analyses approfondies et menées au cas par cas des conséquences concrètes de la maladie sur la capacité de travail de l’assuré (cf. aussi Jörg Jeger, BGE 148 V 49: ist das Bundesgericht rückfällig geworden? Gedanken aus medizinischer Sicht, Jusletter du 10 octobre 2022).

 

La compétence professionnelle reste déterminante

L’examen du droit à la rente dans les cas de troubles psychiques demeure néanmoins un exercice complexe, même avec la procédure structurée d’administration des preuves. La compétence professionnelle des centres d’expertises, des SMR, des offices AI et des tribunaux reste cruciale pour une collecte, une description et une interprétation complètes et non biaisées des informations nécessaires.

Pour les acteurs interrogés, c’est l’indicateur «personnalité» (diagnostic de la personnalité, ressources personnelles) qui est le plus délicat. Des expertises de haute qualité sont indispensables pour pouvoir évaluer au plus juste les interactions entre la personnalité et la maladie – souvent en raison notamment des lacunes que présentent, sur ce point, les rapports médicaux et les rapports destinés aux assurances.

L’examen de cohérence constitue un autre défi. Il est en effet compliqué d’évaluer la capacité de travail d’un assuré en s’appuyant sur son comportement au sein de son ménage ou dans ses loisirs. En outre, il est parfois difficile complexe de déterminer si une participation insuffisante à une thérapie ou à une réadaptation est la conséquence d’une faible souffrance ou si elle découle de la pathologie de l’assuré.

Les personnes interrogées internes et externes à l’AI mentionnent toutes que les expériences et les opinions individuelles des acteurs compétents continuent d’influencer l’instruction et son résultat. L’exemple le plus frappant est le seuil à partir duquel l’addiction est considérée comme une maladie ainsi que l’interprétation de ses effets.

 

Une augmentation disproportionnée

La proportion des nouvelles rentes octroyées à la suite de troubles psychiques par rapport au total des nouvelles rentes a fortement augmenté après l’introduction de la procédure structurée d’administration des preuves, passant de 42% en 2017 à 49% en 2021. Cette hausse s’avère disproportionnée même si l’on tient compte des mutations dans la structure de l’effectif des nouvelles rentes concernant l’âge, le sexe, la nationalité et la région linguistique.

Derrière les mutations structurelles se cachent majoritairement des nouvelles rentes dues à des troubles réactifs du milieu ou psychogènes (code 646 de la statistique des infirmités et des prestations). Dans cette catégorie, on trouve probablement aussi de nombreuses personnes souffrant de maladies psychosomatiques ou de dépression, ce qui correspond aux diagnostics pour lesquels le TF a, à partir de 2015, facilité l’accès à un examen de la rente ne préjugeant pas des résultats. L’analyse statistique n’a cependant pas permis de mettre de tels cas en évidence de manière distincte.

D’autres maladies psychiques comme la schizophrénie, les accès maniaques dépressifs et les psychoses ont également contribué à l’augmentation des nouvelles rentes liées à une affection psychique, mais dans une mesure moins prononcée que les troubles réactifs du milieu ou psychogènes. L’augmentation de ces maladies psychiques n’a en effet commencé que plus tard, vers 2020.

C’est environ deux à quatre ans après l’introduction de la procédure structurée d’administration des preuves que l’on peut constater une hausse disproportionnée du nombre de nouvelles rentes liées à des troubles psychiques. Elle est particulièrement marquée chez les moins de 35 ans et a commencé plus tôt chez les femmes que chez les hommes, et dans les cantons latins (2015) que dans les cantons alémaniques (2019).

 

Est-il devenu plus facile d’obtenir une rente de l’AI ?

Il semble plausible que les changements de la jurisprudence ici examinés, qui ont mené à un examen plus ouvert du droit à la rente depuis 2015, aient accru la probabilité d’obtenir une rente AI en cas de troubles psychiques. C’est ce que laisse à penser l’augmentation disproportionnée des nouvelles rentes dues à des troubles psychiques. Il n’est cependant pas possible d’apporter la preuve statistique que ces modifications soient à l’origine de cette augmentation. En effet, les données disponibles ne fournissent pas d’informations sur la mise en œuvre de la procédure structurée d’administration des preuves et ne permettent pas d’identifier de manière fiable les rentes octroyées en raison d’infirmités psychosomatiques ou de dépressions.

Afin de permettre aux analyses statistiques d’apporter des réponses plus précises concernant les raisons de l’évolution du nombre de nouvelles rentes (comme un transfert de nouvelles rentes accordées à la suite de troubles non psychiques vers des nouvelles rentes accordées à la suite de troubles psychiques), il serait nécessaire d’identifier systématiquement les lacunes des bases de données disponibles et de les combler de manière ciblée.

 

Résumé du rapport de recherche n° 5/24 « Entwicklung der Neurenten in der Invalidenversicherung: gemischte Methode, Sucht- und psychische Erkrankungen » (en allemand avec résumé en français, en italien et en anglais) de Christian Bolliger, Madleina Ganzeboom, Jürg Guggisberg et Tabea Kaderli

 

Questions de recherche et procédure

L’étude poursuivait deux objectifs : elle a d’abord examiné les effets des modifications juridiques sur l’octroi des rentes AI pour différents groupes d’assurés. Des analyses statistiques descriptives et multivariées ont permis de vérifier s’il existait des indices selon lesquels les modifications juridiques auraient entraîné une augmentation notable du nombre de nouvelles rentes. Ensuite, l’étude a analysé les effets de la procédure structurée d’administration des preuves sur la méthode de travail des offices AI lors de l’examen des rentes. Cette partie de l’étude s’est appuyée sur des analyses de documents et des entretiens avec des collaborateurs des offices AI et des services médicaux régionaux (SMR) ainsi qu’avec des conseillers juridiques externes à l’AI dans cinq cantons. Les conclusions principales de l’étude sont résumées ci-dessous.

 

Examen des rentes par les offices AI selon la procédure structurée d’administration des preuves

  • Offices AI et SMR – collaborer plutôt que coexister

La procédure structurée d’administration des preuves n’a modifié le déroulement de la procédure AI que de manière ponctuelle. Elle a cependant conduit à une intensification des échanges entre les SMR et les praticiens du droit. Les arrêts principaux du Tribunal fédéral ont toutefois induit un rapprochement des perspectives de la médecine et de l’application du droit, ce qui (avec une routine croissante) a en partie rendu ces échanges moins nécessaires. Depuis l’introduction de la procédure structurée d’administration des preuves, certains offices AI accordent probablement plus d’importance aux informations issues de la procédure de réadaptation, car le comportement de l’assuré à ce stade en dit potentiellement long sur ses souffrances.

 

  • L’examen de la rente est plus systématique, mais reste un défi

L’approche des offices AI concernant le contenu de l’examen de la rente a sensiblement changé avec la procédure structurée d’administration des preuves. Les personnes interrogées considèrent que l’évaluation de la capacité de travail est plus complexe, mais mieux structurée ; elles estiment par ailleurs que le fait de se concentrer non plus sur le diagnostic, mais sur les conséquences concrètes, est plus adéquat. Les personnes interrogées mentionnent deux éléments qui tendent à complexifier l’évaluation : premièrement, l’indicateur du diagnostic de la personnalité et des ressources personnelles. De bonnes expertises semblent ici particulièrement importantes pour la collecte d’informations et une appréciation correcte de l’interaction entre la personnalité et la maladie, notamment parce que les documents disponibles sont souvent lacunaires à cet égard. Le deuxième élément concerne l’examen de la cohérence : tirer des conclusions sur la capacité de travail à partir de différentes activités dans des domaines de vie comparables n’est pas chose aisée. En outre, il est parfois difficile de déterminer si une participation insuffisante à un traitement ou à une réadaptation est la conséquence d’une faible souffrance ou si elle a d’autres causes.

 

  • Une approche plus ouverte concernant les résultats et davantage de transparence, mais des éléments subjectifs toujours présents

Tant les offices AI que les conseillers juridiques externes estiment que la procédure structurée d’administration des preuves a globalement contribué à des instructions préjugeant moins des résultats, mais certains conseillers déplorent une application trop mécanique des indicateurs. Les deux parties mentionnent que les expériences et les opinions individuelles des acteurs compétents continuent d’influencer l’instruction. L’exemple le plus frappant est le seuil à partir duquel la toxicomanie est considérée comme une maladie ainsi que l’interprétation de ses effets. De manière générale, la procédure structurée d’administration des preuves a renforcé la transparence des décisions relatives aux rentes. Quant à savoir si ces dernières sont mieux acceptées par les assurés, les personnes interrogées ont toutefois donné des réponses contrastées.

 

  • Des décisions plus adéquates

Sur la base de leurs expériences, les personnes interrogées estiment que, dans l’ensemble, l’AI prend des décisions plus adéquates qu’auparavant, en particulier concernant les toxicomanies, mais aussi pour les maladies psychosomatiques et les dépressions légères à modérées : elles expliquent cette appréciation par le fait que le diagnostic ne suffit plus à exclure ou à entraver un examen approfondi de la rente. Certaines personnes interrogées ont toutefois fait remarquer de manière critique que, pour les dépressions, les décisions relatives aux rentes avaient tendance à se fonder à nouveau davantage sur le diagnostic, s’éloignant ainsi de l’analyse des effets concrets dans chaque cas particulier.

 

Évolution des nouvelles rentes pour cause de maladie psychique

  • Augmentation disproportionnée des nouvelles rentes octroyées pour des raisons psychiques (à l’exclusion des toxicomanies) deux à quatre ans après l’introduction de la procédure structurée d’administration des preuves

Les analyses statistiques effectuées montrent que les nouvelles rentes pour raisons psychiques (à l’exclusion des toxicomanies) ont augmenté de manière disproportionnée au cours de la période 2019 à 2021, et ce même en tenant compte de l’évolution de la composition structurelle des nouveaux bénéficiaires de rente. Cela se reflète dans la part des nouvelles rentes octroyées pour des raisons psychiques par rapport à l’ensemble des nouvelles rentes. Celle-ci augmente régulièrement, passant de 42% en 2017 à 49% en 2021, ce qui signifie que la part des nouvelles rentes octroyées pour des raisons non psychiques ne cesse de diminuer. Alors que, par rapport à la population assurée, la part des nouvelles rentes pour toutes les autres causes d’invalidité reste stable depuis 2018 à environ 1,7 pour mille, elle est passée durant la même période de 1,2 à 1,6 pour mille pour les nouvelles rentes d’origine psychique. Alors qu’en 2017 encore, la majorité des nouvelles rentes étaient octroyées pour des invalidités sans lien avec une maladie psychique, en 2021, les nouvelles rentes octroyées pour des raisons psychiques sont presque aussi nombreuses que celles accordées pour toutes les autres causes d’invalidité.

Derrière ce transfert se cachent principalement des rentes dues à des troubles réactifs du milieu ou psychogènes, que les offices AI documentent avec le code d’infirmité AI 646 (code 646). Dans cette catégorie, on trouve probablement aussi de nombreuses personnes souffrant de maladies psychosomatiques et de dépression, c’est-à-dire les diagnostics pour lesquels le Tribunal fédéral a, à partir de 2015, facilité l’accès à un examen de la rente ne préjugeant pas des résultats. Pour ces rentes, l’augmentation disproportionnée a déjà commencé à partir de 2018. Si le nombre de nouvelles rentes dues à d’autres maladies psychiques augmente également, cette tendance est toutefois moins marquée que pour les rentes dues à des troubles réactifs du milieu ou psychogènes (code 646) et a été observée un peu plus tard (à partir de 2020).

L’augmentation du nombre de nouvelles rentes octroyées pour des raisons psychiques intervient environ deux à quatre ans après l’introduction de la procédure structurée d’administration des preuves. Elle ne peut donc pas s’expliquer uniquement par la recrudescence des nouvelles demandes, notamment du fait que ces dernières n’ont pas brusquement augmenté après l’introduction de la nouvelle procédure. Alors que le nombre de nouvelles rentes dues à des causes non psychiques est resté à peu près stable durant la période 2017 à 2020 malgré l’augmentation des nouvelles demandes, les offices AI ont enregistré sur la même période une hausse des rentes d’origine psychique. En d’autres termes, à partir de 2018 et 2020, le nombre de rentes octroyées chaque année pour des raisons psychiques croît plus rapidement que celui des autres rentes.

L’augmentation disproportionnée des nouvelles rentes d’origine psychique concerne davantage les jeunes jusqu’à 34 ans, tant chez les femmes que chez les hommes. Pour les infirmités documentées par le code 646, ce phénomène a toutefois été observé un peu plus tôt chez les femmes, à savoir dès 2015, contre 2019 pour les hommes. De même, cette tendance est plus précoce dans les cantons latins, où elle s’amorce dès 2015, alors qu’elle n’a été observée qu’à partir de 2019 dans les cantons alémaniques.

 

Évolution des nouvelles rentes pour cause de toxicomanie

  • Forte augmentation du nombre de nouvelles rentes codées comme toxicomanie à partir de 2019

Les résultats disponibles permettent de constater que le nombre de nouvelles rentes codées comme toxicomanie a augmenté suite à l’arrêt principal du Tribunal fédéral. En effet, ils révèlent une hausse soudaine de ces rentes pour l’année 2020. Entre 2013 et 2019, leur nombre était stable, augmentant nettement à partir de 2020. Ainsi, en 2021, près de 400 nouvelles rentes ont été octroyées sur la base de ce code. La part de ces nouvelles rentes par rapport à l’ensemble des nouvelles rentes est ainsi passée de 0,6% en 2018 à 2,2% en 2021.

En revanche, il n’est pas clair s’il s’agit d’un transfert (les mêmes personnes auraient déjà reçu une rente avant 2019, mais sous un autre code d’infirmité) ou d’une augmentation de la probabilité d’octroi d’une rente (des personnes qui ne recevaient pas de rente dans l’ancien système en reçoivent désormais une) ou si, suite à l’arrêt du Tribunal fédéral, davantage de personnes souffrant de toxicomanie ont déposé une demande auprès de l’AI. Il est également possible que ces trois causes soient toutes impliquées dans l’augmentation observée. Les déclarations des collaborateurs des offices AI interrogés dans le cadre de cette étude corroborent en effet cette hypothèse. Sur l’ensemble des rentes octroyées par l’AI, les nouvelles rentes pour cause de toxicomanie représentent toutefois toujours une part négligeable. La période d’observation étant trop courte, il n’est pas encore possible de déterminer si l’augmentation se poursuivra dans les années à venir ou si le nombre de rentes pour toxicomanie restera désormais stable.

 

Nouvelles rentes et révisions de la rente pour les personnes travaillant à temps partiel

  • L’accès facilité aux rentes pour les personnes travaillant à temps partiel profite surtout aux femmes

Les analyses statistiques montrent très clairement que l’adaptation du RAI entrée en vigueur le 1er janvier 2018, qui s’applique à toutes les personnes exerçant une activité lucrative à temps partiel et accomplissant par ailleurs des travaux habituels (art. 27bis, al. 2 à 4, RAI dans la version valable jusqu’au 31 décembre 2021), a entraîné une hausse soudaine du nombre de nouvelles rentes et de révisions de rente en utilisant la méthode mixte comme méthode de calcul. Cette augmentation des nouvelles rentes avec méthode mixte se reflète également dans la part des nouvelles rentes appliquant cette méthode. Celle-ci est d’abord passée de 9% à 13% avant de se stabiliser à 12% dès 2019. L’accès facilité profite en grande partie aux femmes qui travaillent à temps partiel et s’occupent du ménage. En raison de la méthode mixte, la part des personnes vivant dans un ménage d’une seule personne et celle des personnes divorcées ont progressivement augmenté parmi les nouveaux bénéficiaires de rente.

 

Conclusion

La procédure structurée d’administration des preuves a conduit à un examen plus ouvert du droit à la rente pour les maladies psychiques pour lesquelles ce droit n’était auparavant guère envisagé ou alors uniquement à titre exceptionnel. Ce constat est également valable pour la toxicomanie. L’examen des rentes n’en demeure pas moins exigeant. La compétence professionnelle des acteurs impliqués dans les centres d’expertises, les SMR, les offices AI et les tribunaux reste décisive pour que les informations nécessaires soient collectées, décrites et interprétées de manière complète et non biaisée.

Les analyses effectuées sur l’évolution des nouvelles rentes indiquent que l’abandon de la présomption de surmontabilité des affections psychosomatiques en 2015, l’introduction généralisée de la procédure structurée d’administration des preuves pour toutes les maladies psychiques ainsi que l’obligation d’examiner le droit aux prestations également en cas de dépression légère à modérée sans résistance au traitement en 2017 ont eu des répercussions sur la probabilité d’obtenir une rente en raison d’une maladie psychique. Il n’est toutefois pas possible d’apporter la preuve statistique que l’augmentation des rentes pour maladies psychiques est liée de manière causale à ces modifications juridiques. En effet, les données disponibles ne fournissent pas d’informations sur la mise en œuvre de la procédure structurée d’administration des preuves et ne permettent pas d’identifier de manière fiable les octrois de rentes en raison d’infirmités psychosomatiques et de dépressions. Il reste à voir comment les nouvelles rentes évolueront au cours des prochaines années afin d’obtenir, d’un point de vue statistique, une image plus concluante des raisons possibles de l’augmentation disproportionnée des nouvelles rentes pour maladies psychiques. L’évolution à venir des taux de perception des rentes des cohortes de nouveaux bénéficiaires fourniront notamment de précieuses indications.

Afin de permettre à l’avenir aux analyses statistiques de donner des réponses plus précises concernant les modifications des nouvelles rentes, comme le transfert de nouvelles rentes pour troubles non psychiques vers de nouvelles rentes pour troubles psychiques, il serait nécessaire d’identifier systématiquement les lacunes existantes dans les bases de données et de les combler de manière ciblée.

 

Christian Bolliger/Madleina Ganzeboom/Jürg Guggisberg/Tabea Kaderli, Troubles psychiques : plus d’ouverture dans l’examen du droit à la rente AI, paru in Sécurité sociale CHSS du 19.09.2024 consultable ici

Rapport de recherche n° 5/24 « Entwicklung der Neurenten in der Invalidenversicherung: gemischte Methode, Sucht- und psychische Erkrankungen » (en allemand avec résumé en français, en italien et en anglais) de Christian Bolliger, Madleina Ganzeboom, Jürg Guggisberg et Tabea Kaderli consultable ici

 

Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat Cramer 19.3748 « Réglementer le travail sur appel »

Rapport du Conseil fédéral donnant suite au postulat Cramer 19.3748 « Réglementer le travail sur appel »

 

Rapport du 17.11.2021 disponible ici

 

Résumé

Le postulat Cramer 19.3748 charge le Conseil fédéral d’établir un rapport qui examine si le travail sur appel est réglé de façon satisfaisante sous l’angle du code des obligations (CO) et sous l’angle de la loi fédérale sur l’assurance-chômage (LACI).

Le présent rapport dresse un état des lieux et étudie quelques perspectives envisageables. Notamment, il se penche sur les avantages et les inconvénients d’une réglementation sous l’angle du CO et sur les possibles améliorations du régime juridique de l’assurance-chômage (AC).

Après examen, il apparaît que le droit en vigueur, qu’il s’agisse du CO ou de la LACI autorise le travail sur appel et garantit son indemnisation mais pose des limites à cette forme de travail. Ces limites s’additionnent et se complètent si bien que la protection globale peut être considérée comme satisfaisante, car elle n’interdit pas de facto cette forme de travail flexible tout en corrigeant le déséquilibre en défaveur du travailleur.

Certes, le régime juridique actuel qui assure la protection des personnes employées sur appel est relativement complexe et sa mise en œuvre est exigeante pour l’ensemble des acteurs. Cependant, ce système fonctionne dans l’ensemble de manière satisfaisante et le rapport montre qu’il n’existe pour l’heure aucune nécessité impérieuse de modifier le CO ou la LACI en ce qui concerne le seul travail sur appel.

A cet égard, une réflexion plus large est indiquée. La numérisation conduit en effet à la création d’emplois atypiques, qui remettent en cause la qualification du rapport de travail salarié, qui est une condition préalable à l’application de la protection du droit du travail et de l’AC. Le Conseil fédéral examine actuellement l’évolution des formes d’emploi atypiques dans plusieurs rapports sur des questions concernant la numérisation.

 

 

Rapport du 17.11.2021 du Conseil fédéral donnant suite au postulat Cramer 19.3748 « Réglementer le travail sur appel » consultable ici

Postulat Cramer 19.3748 « Réglementer le travail sur appel » consultable ici

 

 

Rapport sur la protection sociale des travailleurs de plateformes / « Numérisation – Examen d’une flexibilisation dans le droit des assurances sociales (Flexi-Test) »

Rapport sur la protection sociale des travailleurs de plateformes

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 27.10.2021 consultable ici

 

Dans l’économie de plateforme et les nouveaux modèles d’affaires, le statut des personnes qui travaillent n’est pas toujours clair et leur protection sociale pas forcément garantie. C’est ce qui ressort du rapport « Numérisation – Examen d’une flexibilisation dans le droit des assurances sociales (Flexi-Test) » que le Conseil fédéral a adopté lors de sa séance du 27 octobre 2021.

En Suisse, comme à l’étranger, de nouvelles plateformes de travail comme Uber, Helpling, ou batmaid se développent. Ces modèles d’affaires innovants, encore rares, sont hétérogènes et en partie empreints d’incertitudes juridiques. Celles-ci portent principalement sur la question du statut des travailleurs de la plateforme (salarié ou indépendant) et sur la fonction de la plateforme (intermédiaire, employeur). La protection sociale de ces travailleurs, la sécurité juridique et le besoin ou non de flexibiliser le droit des assurances sociales pour répondre aux défis de ces nouvelles formes de travail ont été analysés dans le rapport adopté aujourd’hui par le Conseil fédéral. Ce rapport fait suite à plusieurs interventions parlementaires et à une étude d’Ecoplan / Mösch Payot sur le fonctionnement des entreprises de l’économie numérique installées en Suisse.

 

Risque de précarisation

Souvent effectué à temps partiel et en tant qu’activité accessoire, le travail via les plateformes offre des activités d’appoint bienvenues pour certaines personnes (étudiants, rentiers). Le rapport identifie toutefois certaines catégories de travailleurs avec un risque élevé de précarisation, à savoir ceux qui n’atteignent pas le seuil d’entrée dans le deuxième pilier et qui ne parviennent pas à se constituer une prévoyance suffisante. Plusieurs pistes pour améliorer la prévoyance sociale des personnes cumulant de tels emplois sur de longues périodes sont examinées dans le rapport. Elles permettraient d’éviter un report vers les prestations complémentaires ou l’aide sociale, par exemple en cas d’invalidité.

 

Détermination plus rapide du statut des travailleurs

Le Conseil fédéral parvient à la conclusion que le système actuel de sécurité sociale est suffisamment souple et qu’il n’est pour l’instant pas nécessaire d’augmenter cette flexibilité. Compte tenu de l’évolution rapide de l’économie numérique, il est essentiel que les travailleurs soient fixés rapidement sur leur situation en matière de droit des assurances sociales. Le Conseil fédéral voit encore un potentiel d’amélioration à cet égard.

Le rapport examine en outre la capacité du système de sécurité sociale à répondre aux défis posés par la crise du coronavirus. Il en ressort que la Suisse a pu réagir de manière rapide et flexible, mais cette crise a également mis en lumière la fragilité économique et sociale de certains indépendants ou salariés.

Le Conseil fédéral conclut que les différentes options présentées dans le rapport ne nécessitent pas d’examen supplémentaire pour le moment.

 

Extrait du rapport du Conseil fédéral

 

Le cadre juridique

Les analyses du cadre juridique montrent que le système de sécurité sociale en vigueur en Suisse est plutôt souple et qu’il dispose d’une bonne capacité d’adaptation aux nouvelles formes de travail, non seulement au niveau des assurances sociales, mais aussi au niveau de la protection sociale liée au droit du travail. Puisque le cadre légal actuel des assurances sociales ne comporte pas de rigidités notables, il ne s’impose pas d’agir dans ce domaine pour le moment.

C’est du côté de la sécurité juridique, au sens de la clarté des dispositions légales par rapport au contexte du moment, et de la cohérence et de la prévisibilité des décisions juridiques qui en découlent, que les analyses indiquent un certain potentiel d’optimisation. Le rapport met en évidence que la pratique actuelle de qualification d’une activité comme salariée ou indépendante offre un degré élevé de flexibilité, mais elle s’accompagne également d’un certain coût qui peut être important du fait de l’incertitude temporaire des décisions juridiques concernant le statut des prestataires d’une plateforme de travail et de la durée des procédures en cas de recours. En raison des répercussions financières importantes que peut engendrer la requalification de la plateforme en tant qu’employeur plutôt que simple intermédiaire, il est important que les procédures de décision des organes d’exécution de l’AVS (qui ont un rôle-clé vis-à-vis des autres assurances sociales) soient claires et rapides.

Parmi les chances et risques associés au travail de plateforme, le rapport montre qu’il est nécessaire d’adopter une vision circonstanciée pour évaluer si le niveau de protection sociale offert par le système actuel aux travailleurs de plateforme est suffisant. D’un côté, les petits emplois et les activités exercées à titre accessoire, qui ne sont souvent pas couverts par la sécurité sociale ou que partiellement, peuvent avoir leur utilité puisqu’ils permettent d’améliorer de manière flexible la situation économique des personnes concernées. Ils peuvent aussi faciliter le maintien ou la réinsertion sur le marché du travail de personnes en difficulté ou en transition professionnelles. La nécessité d’intervenir pour augmenter la sécurité sociale associée à ces emplois, exercés temporairement ou de manière accessoire par rapport à une activité principale, est moindre. Cependant, le rapport juge tout de même nécessaire d’examiner les moyens possibles pour améliorer la protection sociale obligatoire de certaines catégories de travailleurs de plateforme, qu’ils soient indépendants ou salariés cumulant plusieurs emplois sans qu’aucun n’atteigne le seuil d’entrée dans le 2e pilier. Il s’agit d’éviter des lacunes dans la prévoyance individuelle qui devront ensuite être comblées par les collectivités publiques (par exemple, pendant la retraite, par l’octroi de PC à l’AVS).

À court terme, le travail de plateforme ne fait pas courir de risque de financement aux assurances sociales et n’appelle pas de mesures particulières dans ce domaine. Il s’agit cependant de surveiller l’évolution des formes flexibles de travail ces prochaines années et leurs conséquences potentielles sur le financement du premier pilier en particulier, car le taux de cotisation dont bénéficient les indépendants dans le domaine AVS/AI/APG est plus faible que celui des salariés.

 

Perspectives

L’expérience faite pendant la crise du coronavirus a montré à la fois les avantages et les inconvénients du travail de plateforme, indépendamment du statut des travailleurs dans les différents modèles d’affaires. Confrontés au semi-confinement, les consommateurs ont apprécié la flexibilité de la consommation en ligne, ce qui pourrait apporter un dynamisme supplémentaire aux plateformes de travail gérant par exemple la livraison des achats en ligne. De nouvelles habitudes ont été prises non seulement dans le domaine de la consommation, mais aussi dans le domaine de la mobilité et du travail à domicile pour ceux qui en avaient la possibilité (home office). La crise a aussi souligné la fragilité économique et sociale de certaines catégories d’indépendants et la couverture sociale parfois insuffisante de certaines formes d’emploi salarié.

Il est encore difficile à prévoir quels seront les impacts à long terme de ces expériences sur le développement du travail de plateforme et sur les conditions de travail qui y prévalent. Il apparaît d’ores et déjà que l’évolution doit continuer à être suivie de près. Du point de vue actuel, cependant, il n’y a pas de besoin majeur de réforme.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 27.10.2021 consultable ici

«Numérisation – Examen d’une flexibilisation dans le droit des assurances sociales (Flexi-Test)», rapport du Conseil fédéral du 27.10.2021 disponible ici

Rapport de recherche n° 11/2020 «Modèles d’affaires innovants : besoin de flexibilisation dans le droit des assurances sociales» Ecoplan / Mösch Payot, en allemand [Innovative Geschäftsmodelle: Flexibilisierungsbedarf im Sozialversicherungsrecht], avec un résumé en français, disponible ici

 

Loi sur l’égalité entre femmes et hommes : nouvelle étude de la jurisprudence du Tribunal fédéral

Loi sur l’égalité entre femmes et hommes : nouvelle étude de la jurisprudence du Tribunal fédéral

 

Communiqué de presse du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) du 21.01.2021 consultable ici

 

27% des recours déposés auprès du Tribunal fédéral au titre de la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (loi sur l’égalité) sont admis. C’est ce qu’indique une étude commandée par le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG). Celle-ci montre aussi que deux tiers des cas portent sur une discrimination salariale et que plus de la moitié des dossiers concernent le secteur de la santé et de l’éducation. L’étude recommande entre autres de poursuivre les recherches sur l’accès à la justice des personnes discriminées dans le cadre de leur emploi.

L’étude a analysé 81 jugements prononcés par le Tribunal fédéral (TF) au titre de la loi sur l’égalité entre 2004 et 2019. Deux tiers des recours portaient sur une discrimination salariale et 40% d’entre eux ont été admis. Ce chiffre est de 29% pour les cas de harcèlement sexuel et de 7% pour les licenciements discriminatoires. Cela ne veut pas dire que la partie recourante obtient alors gain de cause, le Tribunal fédéral renvoyant souvent l’affaire à l’instance précédente pour nouvelle décision.

Plus de la moitié des dossiers traités par le TF concerne des professions de la santé ou de l’éducation, et 63% concernent des rapports de travail de droit public. L’étude n’a pas permis d’établir si les personnes employées dans le cadre de rapports de travail privés évaluent le risque de perdre leur emploi comme étant plus élevé et renoncent ainsi plus souvent à faire appel au TF. L’étude a par ailleurs montré que ce sont le plus souvent des particuliers qui portent leur cas devant le TF, les associations faisant rarement usage de leur droit d’action.

Réalisé sur mandat du BFEG par l’Université de Genève, ce travail vient compléter les connaissances sur la pratique judiciaire relative à la loi sur l’égalité. En 2017, la jurisprudence des tribunaux cantonaux avait fait l’objet d’une analyse analogue.

L’étude propose en conclusion plusieurs recommandations, comme la poursuite des recherches sur l’accès à la justice en cas de discrimination liée au travail, notamment par le renforcement du droit d’action des associations ou la réévaluation de l’allègement du fardeau de la preuve pour les cas de harcèlement sexuel et de discrimination à l’embauche. Pour ce dernier point, cela signifierait que les présumées victimes devraient non pas prouver la discrimination, mais uniquement la rendre vraisemblable. Il s’agit par ailleurs d’améliorer la formation continue des juges, des avocat-e-s et des membres des autorités de conciliation, et de renforcer l’information du grand public quant à la loi sur l’égalité.

Entrée en vigueur en 1996, la loi sur l’égalité interdit toute discrimination fondée sur le sexe dans le monde du travail. L’égalité de fait entre les femmes et les hommes est une priorité du Conseil fédéral, mais aussi de la stratégie nationale en matière d’égalité qui doit être adoptée cette année.

 

Recommandations

Recommandations formulées, ayant pour objectif d’améliorer le fonctionnement de la justice et l’accès à celle-ci en cas de discrimination fondée sur le genre dans la vie professionnelle. Certaines recommandations ont déjà été formulées lors de l’Analyse 2017.

A. Autorités législatives

1. Renforcer le droit d’action des organisations : dans le cadre des travaux visant à améliorer l’exercice collectif des droits en Suisse, examiner les moyens de rendre plus efficace le droit d’action des organisations lors de procès fondés sur la loi sur l’égalité (art. 7 LEg).

2. Alléger le fardeau de la preuve en cas de harcèlement sexuel et de discrimination à l’embauche : réexaminer l’opportunité d’étendre l’allègement du fardeau de la preuve (art. 6 LEg) à tous les cas de discriminations fondés sur le sexe, comme le prévoit le droit de l’Union européenne.

B. Professions juridiques

3. Améliorer la formation des juges, des membres d’autorité de conciliation et du barreau : insérer dans les programmes de formation de base et de formation continue des modules de cours sur la LEg et la CEDEF. Sensibiliser de façon systématique238 le milieu judiciaire aux stéréotypes sexistes, aux violences fondées sur le genre (notamment le harcèlement sexuel) et aux formes croisées de discriminations.

C. Bureaux de l’égalité

4. Sensibiliser aux droits prévus par la LEg : continuer à informer tous les milieux concernés (individus, entreprises, administrations, partenaires sociaux, milieu juridique, etc.) sur les discriminations en raison du sexe dans les relations de travail, les droits prévus par la LEg et les possibilités d’action en justice.

D. Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG)

5. Mandater une recherche complémentaire sur l’issue des litiges fondés sur la LEg : améliorer les connaissances sur l’issue de la procédure lorsque le Tribunal fédéral a renvoyé l’affaire à une instance cantonale pour nouveau jugement. Organiser une enquête auprès des avocates et avocats ayant porté l’affaire devant le Tribunal fédéral (et dont le nom apparaît au début de l’arrêt) afin de répondre aux questions suivantes : quel a été le sort des prétentions fondées sur la LEg ? Les parties ont-elles fini par conclure un accord extrajudiciaire ?

6. Mieux comprendre la pratique et les attentes du Tribunal fédéral lorsqu’il invite une autorité à se déterminer (art. 102 LTF). Solliciter à cette fin en particulier la Présidence de la Ière Cour de droit social et de la Ière Cour de droit civil.

E. Associations de défense des travailleuses et travailleurs

7. S’approprier le droit d’action prévu par l’art. 7 LEg : se donner les moyens d’utiliser cette action en étudiant de façon approfondie les conditions d’exercice de ce droit, afin de faire constater non seulement des discriminations salariales dans le secteur public, mais aussi d’autres types de discriminations (p. ex. un refus d’embauche ou de promotion), y compris dans le cadre de rapports travail soumis au droit privé.

F. Milieu de la recherche

8. Poursuivre les recherches en matière d’accès à la justice : mener une étude qualitative permettant de mieux cerner le profil des femmes qui portent leur plainte pour discrimination jusqu’au Tribunal fédéral et mettre en évidence les facteurs qui influencent ce choix (p. ex. situation familiale, âge, handicap, ressources financières, situation de crise économique, région linguistique, etc.).

9. Etudier les accords de résiliation conclus suite à une grossesse : effectuer une enquête auprès des barreaux cantonaux, des autorités de conciliation LEg, ainsi que des femmes ayant perdu leur emploi suite à une grossesse afin d’en savoir plus sur la fréquence et le contenu des accords de résiliation en cas de maternité. Collecter un certain nombre d’accords (anonymisés) et analyser dans quelle mesure ces accords contiennent des concessions réciproques.

 

 

Communiqué de presse du Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) du 21.01.2021 consultable ici

Rapport de recherche « Analyse de la jurisprudence fédérale relative à la loi sur l’égalité entre femmes et hommes (2004-2019) » disponible ici

 

 

Rapport de recherche « Conseil juridique et protection juridique des personnes touchées par la pauvreté bénéficiant de l’aide sociale »

Rapport de recherche « Conseil juridique et protection juridique des personnes touchées par la pauvreté bénéficiant de l’aide sociale »

 

Rechtsberatung und Rechtsschutz von Armutsbetroffenen in der Sozialhilfe (Rapport 18/20) disponible ici

 

Le rapport de recherche montre que la protection juridique des personnes touchées par la pauvreté bénéficiant de l’aide sociale est parfois lacunaire. Pour y remédier, le rapport propose de mettre en place des mesures juridiques et institutionnelles, et d’améliorer la communication. L’accent est mis tout particulièrement sur le rôle joué par les services de conseil juridique ou de médiation indépendants pour assurer la protection juridique dans l’aide sociale. Le rapport est publié en allemand, avec un résumé en français, en italien et en anglais.

 

La conclusion de l’étude souligne la nécessité d’agir et propose des approches concrètes au niveau du droit, des autorités et des services de conseil.

Au niveau juridique :

  • L’accès à un conseil juridique indépendant est un droit fondamental qui est déjà appliqué dans d’autres domaines (par ex. loi sur l’aide aux victimes). Sa concrétisation devrait passer par l’inscription dans la loi d’un droit à un conseil et à l’information ainsi que par le financement de services de conseil indépendants.
  • En vertu de l’État de droit et du principe de transparence, l’accès aux informations juridiques doit être amélioré.
  • L’assistance judiciaire gratuite, y compris l’assistance d’un conseil juridique, doit être étendue et devrait être accordée plus fréquemment dès la première étape de la procédure (procédure administrative).
  • D’autres adaptations du droit procédural pourraient consister à mener des négociations orales dans les procédures de l’aide sociale, à ne pas fixer de délais inférieurs à 30 jours et à supprimer les frais de procédure.

 

Au niveau des autorités :

  • Les bénéficiaires de l’aide sociale doivent être informés de manière proactive, complète et adaptée de leurs droits et devoirs, de la situation juridique et de leurs possibilités de recours.
  • Les informations des autorités de l’aide sociale devraient être continuellement examinées pour s’assurer qu’elles sont claires, compréhensibles et expurgées des aspects inutilement complexes.
  • Ces informations devraient être actuelles, disponibles en plusieurs langues, faciles d’accès et couvrir l’ensemble de la région concernée.
  • Les autorités de l’aide sociale doivent aider les personnes concernées à clarifier et à faire appliquer leurs droits à l’égard des assurances sociales.
  • En consacrant plus de temps au travail social, les services sociaux pourraient non seulement améliorer la réintégration, mais aussi éviter des conflits. Une professionnalisation plus poussée et, si nécessaire, une régionalisation des services seraient à ce titre bénéfiques.

 

Au niveau des services de conseil :

  • Un renforcement ciblé des ressources et des compétences professionnelles des services de conseil est nécessaire et doit être financé par les pouvoirs publics.
  • Les difficultés d’accès à un conseil indépendant doivent être réduites afin de donner aux groupes les plus vulnérables la possibilité de bénéficier d’un conseil juridique.
  • Les services à bas seuil proposant un conseil juridique général doivent bénéficier d’un soutien optimal dans leur travail de tri.
  • La mise en réseau et l’expertise des services de conseil juridique doivent être renforcées.
  • Enfin, la mise en place de services publics de médiation en dehors des grandes villes est souhaitable.

 

 

Rechtsberatung und Rechtsschutz von Armutsbetroffenen in der Sozialhilfe (Rapport 18/20) disponible ici

 

 

Publication du rapport de recherche : « La situation économique des rentiers AI »

Publication du rapport de recherche : « La situation économique des rentiers AI »

 

Rapport no 14/20 « Die wirtschaftliche Situation von IV-Rentnerinnen und IV-Rentnern » disponible ici

 

Conclusion (extrait du résumé en français)

Pour répondre à la question principale, les chiffres obtenus indiquent que l’AI parvient relativement bien à éviter que les bénéficiaires de ses rentes doivent se contenter de ressources financières très limitées. Par contre, près d’un rentier AI sur cinq ne dispose que de ressources financières limitées, une proportion nettement plus élevée que pour les personnes ne touchant pas de rente de l’AI.

C’est à la lumière de ce constat qu’il faut interpréter les résultats concernant l’évolution des revenus des personnes auxquelles une rente de l’AI a été octroyée pour la première fois en 2014. Deux ans avant l’octroi de la rente, plus d’une personne sur quatre (27%) vivait dans un ménage disposant de ressources financières faibles et près d’une sur cinq (19%), dans un ménage disposant de ressources financières très faibles. Un an après l’octroi de la rente, ces taux tombaient respectivement à 18% et 8%. L’octroi d’une rente de l’AI améliore donc assez rapidement la situation financière d’une proportion relativement importante d’assurés. C’est probablement aussi une conséquence du fait que l’octroi d’une rente AI peut également donner droit à des PC. Des analyses plus poussées montrent que l’octroi d’une rente réduit considérablement le risque de précarité économique, en particulier pour les personnes vivant seules, pour les familles monoparentales, pour les couples avec enfants et pour les personnes souffrant de troubles psychiques. Ce constat s’applique également aux jeunes et aux personnes de nationalité étrangère.

Il semble que cela soit l’aspect pour lequel les changements intervenus depuis 2006 sont les plus importants. La proportion de personnes ne disposant que de ressources financières très limitées avant et après l’octroi de la rente était à l’époque restée presque constante. Il est possible que cette différence s’explique par un accès plus rapide aux PC. On ne saurait toutefois exclure qu’elle soit due en partie à une amélioration de la qualité des données concernant la perception des PC.

 

 

Rapport no 14/20 « Die wirtschaftliche Situation von IV-Rentnerinnen und IV-Rentnern » disponible ici

 

 

La contribution d’assistance encourage l’autonomie : le rapport final confirme les résultats précédents

La contribution d’assistance encourage l’autonomie : le rapport final confirme les résultats précédents

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 19.11.2020 consultable ici

 

La contribution d’assistance encourage la vie autonome et responsable ainsi que la participation sociale : c’est ce que révèle le rapport final sur cet instrument introduit en 2012. Les personnes en situation de handicap qui ont régulièrement besoin d’aide pour gérer le quotidien peuvent ainsi continuer à vivre à domicile de manière indépendante.

Le rapport final confirme les résultats des autres rapports publiés jusqu’ici. Près de 81% des bénéficiaires adultes de la contribution d’assistance ayant participé à l’enquête sont satisfaits, voire très satisfaits de cette prestation. Selon trois-quarts d’entre eux, la contribution d’assistance a amélioré leur qualité de vie et leur a permis d’accroître leur autonomie. 70% des adultes interrogés déclarent en outre que la charge incombant aux proches a diminué depuis qu’ils perçoivent une contribution d’assistance. Le rapport final fournit également un éclairage sur l’évolution de la demande et des coûts, sur le montant et l’utilisation de la contribution d’assistance ainsi que sur les caractéristiques du groupe cible. Ce travail de recherche a été réalisé en collaboration étroite avec des représentants des offices AI et de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS).

 

Évolution de la demande et des coûts

Depuis l’introduction de la contribution d’assistance, le nombre de bénéficiaires a augmenté de façon constante. En 2019, 2612 adultes et 696 mineurs ont perçu une contribution d’assistance de l’assurance-invalidité, un résultat légèrement inférieur aux prévisions, qui tablaient sur 3000 adultes. Les coûts annuels d’environ 47 millions de francs avancés dans le message concernant les bénéficiaires adultes étaient par contre déjà dépassés en 2017 et n’ont cessé d’augmenter depuis lors. En 2019, le coût des prestations a atteint 63 millions de francs.

 

Réalisation des objectifs et taux de satisfaction

Selon la plupart des bénéficiaires de la contribution d’assistance, les objectifs de la mesure sont atteints. Ils estiment qu’elle encourage l’autonomie, la responsabilité et la participation sociale, et qu’elle leur offre la possibilité de vivre à domicile malgré un handicap. De plus, elle permet de décharger les proches. Une claire majorité des 1906 bénéficiaires adultes ayant participé à l’enquête sont satisfaits, voire très satisfaits de la contribution d’assistance. Les propositions d’amélioration ont trait principalement à la réduction de la charge administrative liée à la prestation.

 

Quelles sont les prochaines étapes ?

Le présent rapport final marque la fin de l’évaluation globale qui a porté sur plusieurs années. Un monitoring interne à l’OFAS permettra à l’avenir d’observer et d’analyser les paramètres centraux de la prestation. Des indicateurs relatifs à la mesure seront en outre repris dans la statistique standard de l’OFAS.

Diverses propositions d’amélioration, notamment dans le domaine du conseil et des montants du forfait de nuit, seront également reprises dans les travaux de mise en œuvre du Développement continu de l’AI.

 

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Introduite le 01.01.2012 à l’entrée en vigueur de la 6e révision de la loi sur l’assurance-invalidité, la contribution d’assistance a depuis lors fait l’objet d’évaluations approfondies. Durant cette période, 3466 adultes ont perçu au moins une fois une contribution d’assistance.

Depuis mai 2013, un questionnaire a été envoyé à 3876 bénéficiaires, dont 3056 adultes et 820 mineurs, pour s’enquérir de leurs expériences en la matière. Le taux de participation des adultes s’est élevé à 62% (1906 réponses), celui des mineurs à 67% (553 réponses).

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Communiqué de presse de l’OFAS du 19.11.2020 consultable ici

Rapport de recherche de l’OFAS no 16/20 « Evaluation Assistenzbeitrag 2012-2019 » (en allemand, avec résumés en français, en italien et en anglais) disponible ici

 

 

Le Conseil fédéral adopte le message sur la réforme de la prévoyance professionnelle

Le Conseil fédéral adopte le message sur la réforme de la prévoyance professionnelle

 

Communiqué de presse du 25.11.2020 consultable ici

 

La réforme de la prévoyance professionnelle (LPP 21) vise à garantir le niveau des rentes, à renforcer son financement et améliorer la couverture des travailleurs à temps partiel, notamment celle des femmes. Lors de sa séance du 25.11.2020, le Conseil fédéral a adopté le message concernant cette réforme et l’a transmis au Parlement.

Les rentes de la prévoyance professionnelle sont sous pression depuis un certain temps déjà. Cette situation s’explique par l’augmentation de l’espérance de vie et la faiblesse des taux d’intérêt. Après le rejet de la réforme de la prévoyance vieillesse en septembre 2017, une réforme de la prévoyance professionnelle, en particulier une baisse du taux de conversion, est indispensable afin de garantir à long terme le financement des rentes.

Dans son message au Parlement, le Conseil fédéral propose de reprendre le modèle développé à sa demande par les partenaires sociaux : l’Union patronale suisse (UPS), l’Union syndicale suisse (USS) et Travail.Suisse. Ce modèle prévoit une baisse du taux de conversion minimal à 6%. Utilisé pour convertir en rente le capital constitué, ce taux est actuellement fixé à 6,8%, un niveau trop élevé étant donné l’évolution démographique et la faiblesse des taux d’intérêt.

 

Introduction d’un supplément de rente

Pour le Conseil fédéral, la garantie du niveau des prestations est primordiale. Afin d’amortir la baisse des rentes consécutive à la diminution du taux de conversion, le projet introduit parallèlement un mécanisme de compensation. Les futurs bénéficiaires de rentes de vieillesse et d’invalidité de la prévoyance professionnelle toucheront à vie un supplément de rente. Le montant de ce supplément sera fixé dans la loi pendant une période transitoire de quinze ans : il sera de 200 francs par mois pour les assurés qui atteindront l’âge de la retraite dans les cinq premières années suivant l’entrée en vigueur de la réforme, de 150 francs pour ceux qui atteindront cet âge dans les cinq années suivantes et de 100 francs pour ceux qui l’atteindront pendant la troisième tranche de cinq ans. Le Conseil fédéral déterminera ensuite chaque année le montant du supplément pour les nouveaux bénéficiaires de rente. Le supplément sera indépendant du montant de la rente et sera financé de manière solidaire par une cotisation de 0,5% prélevée sur le revenu annuel soumis à l’AVS jusqu’à hauteur de 853’200 francs (état 2020).

 

Diminution de la déduction de coordination

Afin d’améliorer la prévoyance des personnes à bas revenu, le projet prévoit aussi de diminuer la déduction de coordination, qui passera de 24’885 francs à 12’443 francs. Le salaire assuré sera par conséquent plus élevé, et les assurés touchant des salaires relativement bas, dont un nombre important de femmes et de travailleurs à temps partiel, bénéficieront d’une meilleure protection sociale contre la vieillesse et l’invalidité.

 

Adaptation des bonifications de vieillesse

Le projet prévoit également de réduire l’écart de cotisations entre les jeunes assurés et les plus âgés. Les bonifications de vieillesse seront adaptées, et leur progression sera moins marquée qu’aujourd’hui. La solution proposée consiste en une bonification de vieillesse de 9% du salaire soumis à la LPP pour les travailleurs âgés de 25 à 44 ans, et de 14% à partir de 45 ans. Cela permettra de réduire les coûts salariaux pour les travailleurs plus âgés. Les bonifications de vieillesse des assurés de 55 ans et plus s’élèvent actuellement à 18%.

La réforme LPP 21 proposée par le Conseil fédéral permettra de maintenir dans l’ensemble le niveau des prestations dans la prévoyance professionnelle obligatoire et même de l’améliorer pour les bas revenus, ce qui profitera en particulier à de nombreuses femmes. Le Conseil fédéral estime que la proposition alternative développée par plusieurs acteurs (ASIP, USAM, ASA) ne remplit pas l’un des principaux objectifs de la réforme, à savoir la garantie du niveau des rentes.

 

 

Communiqué de presse du 25.11.2020 consultable ici

Fiche d’information « Message LPP 21 : comparaison avec la proposition alternative » du 25.11.2020 disponible ici

Rapport sur les résultats de la consultation disponible ici

Message du Conseil fédéral concernant la modification de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (Réforme LPP 21) [version provisoire] consultable ici

Modification et texte de la LPP 21 consultable ici

Rapport de recherche no 13/20 « Reform der beruflichen Vorsorge (BVG 21): Auswirkungen auf Beschäftigung, Löhne, Arbeitskosten und Umverteilung » (Réforme de la prévoyance professionnelle (LPP 21) : effets sur l’emploi, les salaires, les coûts du travail et la redistribution), disponible ici