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9C_607/2024 (f) du 09.05.2025 – Plafonnement des rentes AVS d’un couple dont l’un des conjoints a ajourné sa rente / Rente de vieillesse succédant à une rente d’invalidité

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_607/2024 (f) du 09.05.2025

 

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Plafonnement des rentes AVS d’un couple dont l’un des conjoints a ajourné sa rente – Splitting / 29quinquies LAVS – 35 LAVS – 39 LAVS

Rente de vieillesse succédant à une rente d’invalidité

 

Résumé
L’arrêt concerne le plafonnement des rentes AVS d’un couple dont l’un des conjoints a ajourné sa rente. Le Tribunal fédéral a confirmé que, selon l’art. 35 LAVS, le plafonnement s’applique dès que le droit à la rente est ouvert pour les deux conjoints, indépendamment du versement effectif. Il a jugé conforme au droit le refus d’un ajournement sollicité tardivement par l’assuré dont la rente de vieillesse succédait à une rente d’invalidité, conformément à l’ancienne teneur de l’art. 55bis let. b RAVS. Les griefs tirés d’une inégalité de traitement (art. 8 Cst.) et d’une violation de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) ont été rejetés faute de motivation suffisante (art. 106 al. 2 LTF).

 

Faits
Assuré, né en novembre 1953, et B.__, née en septembre 1953, étaient mariés depuis 1981. L’assuré a bénéficié d’une allocation pour impotent depuis le 01.10.1991, ainsi que d’une demi-rente de l’assurance-invalidité dès le 01.03.1996.

Par courrier du 11.07.2017, la caisse de compensation l’avait informé que, son épouse atteignant l’âge de 64 ans, sa rente d’invalidité devait être recalculée en tenant compte du splitting. Son épouse devait déposer une demande de rente de vieillesse, ce qu’elle fit le 20.07.2017 en sollicitant l’ajournement du versement de la rente. La caisse de compensation informa ensuite l’assuré qu’il aurait droit à une rente de vieillesse dès le 01.12.2018, en plus de son allocation pour impotent, et l’invita à déposer une demande.

Le 14.07.2022, la caisse de compensation a informé B.__ que la durée maximale d’ajournement de sa rente (cinq ans) allait être atteinte et qu’elle devait révoquer l’ajournement, ce qu’elle fit le 26.07.2022. Elle a dès lors perçu une rente de vieillesse dès le 01.10.2022, réduite conformément au plafonnement applicable aux conjoints. L’assuré déposa une demande de rente de vieillesse le 13.10.2023, en demandant l’ajournement du versement. La caisse de compensation l’informa qu’un ajournement n’était possible que si la demande était déposée au plus tard une année après la naissance du droit à la rente et qu’aucun ajournement n’était prévu lorsque la rente de vieillesse succède à une rente d’invalidité. Elle lui octroya une rente de vieillesse à compter du 01.12.2018, réduite conformément au plafonnement.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/761/2024 – consultable ici)

Par jugement du 04.10.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.2
L’arrêt attaqué expose de manière complète les dispositions légales (dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2023, applicable en l’espèce; cf. ATF 144 V 210 consid. 4.3.1 et les références) relatives à l’âge auquel prend naissance le droit à une rente de vieillesse (art. 21 LAVS), au calcul du droit à la rente pour les personnes mariées (principe de la répartition et de l’attribution des revenus réalisés par les époux pendant les années civiles de mariage commun pour moitié à chacun des époux [splitting; art. 29quinquies al. 3 LAVS] et principe du plafonnement de la somme des deux rentes pour un couple à 150 % du montant maximal de la rente de vieillesse [art. 35 LAVS]), ainsi qu’à la possibilité et à l’effet de l’ajournement du début du versement de la rente (art. 39 LAVS, art. 55bis-quater RAVS). Il rappelle également les principes d’interprétation de la loi (cf. ATF 148 II 299 consid. 7.1 et les arrêts cités). Il suffit d’y renvoyer.

Consid. 3.1 [résumé]
La juridiction cantonale a considéré qu’il résultait du texte clair de l’art. 35 LAVS (ainsi que d’une interprétation historique et téléologique de cette norme) que le plafonnement des rentes pour un couple intervenait dès l’ouverture du droit à la rente pour les deux conjoints, indépendamment de son versement effectif. Elle a admis que le ch. 6303 des Directives de l’OFAS concernant les rentes (valables dès le 1er janvier 2023, état au 1er janvier 2023) confirmait ce principe en prévoyant que, si le conjoint de la personne qui ajourne sa rente a lui-même droit à la rente, la rente de ce dernier est déjà soumise au plafonnement pendant la durée de l’ajournement. L’instance cantonale a en conséquence jugé que la caisse de compensation avait plafonné à bon droit la rente mensuelle ordinaire de l’assuré dès le 01.12.2018, en application de l’art. 35 LAVS, ce jour correspondant au premier du mois suivant celui où l’assuré avait atteint l’âge ordinaire de la retraite selon l’art. 21 al. 2 LAVS, le droit à la rente de son épouse ayant pris naissance le 01.10.2017.

La cour cantonale a ensuite rejeté le grief de l’assuré tiré d’une violation du principe de l’égalité de traitement, en retenant que le système de l’art. 35 LAVS ne pénalisait pas les couples de même âge dont un seul conjoint demandait l’ajournement de sa rente. Elle a souligné que le principe du plafonnement prévu par l’art. 35 LAVS s’expliquait par la reconnaissance du couple comme unité économique par le législateur (cf. ATF 130 V 505 consid. 2.7 et les références citées), et que les besoins financiers d’un couple dont un conjoint poursuit une activité lucrative alors que l’autre a atteint l’âge de la retraite différaient de ceux d’un couple dont les deux conjoints ont acquis le droit à la rente.

Consid. 4.1 [résumé]
En soutenant que le conjoint d’une personne ajournant sa rente se trouvait confronté à une « application anticipée et arbitraire des dispositions de l’art. 35 LAVS bien que son conjoint ne perçoive pas de rente », et qu’il conviendrait de se référer à la réalité économique, l’assuré n’a pas démontré en quoi l’interprétation de l’art. 35 LAVS retenue par la juridiction cantonale serait erronée. Cette interprétation est jugée convaincante, le moment déterminant pour le plafonnement étant le début du droit à la rente pour les deux conjoints. En se prévalant ensuite de l’arbitraire, l’assuré n’a pas motivé son grief conformément aux exigences de l’art. 106 al. 2 LTF (cf. ATF 135 III 232 consid. 1.2 et les arrêts cités). Il n’a pas expliqué en quoi l’arrêt attaqué, dans son contenu ou sa motivation, violerait la garantie constitutionnelle invoquée.

Consid. 4.2 [résumé]
L’argumentation de l’assuré relative à une inégalité de traitement et à une discrimination au sens de l’art. 8 Cst. n’est pas davantage fondée. Il fait valoir que, selon lui, la juridiction cantonale a méconnu les principes posés par le Tribunal fédéral dans l’arrêt 9C_705/2023 du 4 juin 2024, publié aux ATF 150 V 257 en niant l’existence d’une inégalité de traitement fondée sur le revenu du conjoint ajournant sa rente par la poursuite d’une activité professionnelle.

À supposer que les exigences de motivation de l’art. 106 al. 2 LTF soient remplies, ce qui était douteux, l’ATF 150 V 257 ne lui serait de toute manière d’aucun secours. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a considéré que l’art. 55bis let. b RAVS (dans sa version en vigueur du 1er janvier 1997 à fin 2023) contrevient aux prescriptions légales et constitutionnelles, en ce qu’il prévoit que les rentes de vieillesse qui succèdent à une rente d’invalidité sont exclues de la possibilité d’un ajournement de la rente selon l’art. 39 al. 1 LAVS (ATF 150 V 257 consid. 3.3-3.5). Le Tribunal fédéral n’a dès lors pas jugé que l’ajournement de la rente est indépendant de l’exercice d’une activité lucrative avant, pendant ou après celui-ci par le conjoint de l’assuré, à l’inverse de ce qu’affirme l’assuré.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_607/2024 consultable ici

 

8C_81/2025 (i) du 15.04.2025 – Notion d’accident – Infection d’un doigt – Manucure vs Morsure d’araignée / Vraisemblance prépondérante – Premières déclarations de l’assuré aux urgences

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_81/2025 (i) du 15.04.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Notion d’accident – Infection d’un doigt – Manucure vs Morsure d’araignée / 4 LPGA

Vraisemblance prépondérante – Premières déclarations de l’assuré aux urgences

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a confirmé le refus de prestations de l’assureur-accidents, retenant que l’infection au doigt survenue chez un assuré ne résultait pas d’un accident au sens de l’art. 6 LAA, ni d’une lésion assimilée. Il a jugé, avec la cour cantonale, que l’hypothèse d’une morsure d’araignée n’était apparue qu’à partir de la troisième consultation médicale, sans être objectivée par les premières constatations cliniques. En l’absence de preuve suffisante quant à une origine accidentelle, l’événement ne peut être qualifié d’accident.

 

Faits
Déclaration d’accident du 04.12.2023 par l’employeur pour l’événement survenu le 04.11.2023 : « Je marchais dans la forêt avec mon chien, je me suis penché pour ramasser des excréments avec la main gauche et j’ai ressenti une piqûre à la main droite. Dans les jours suivants, la main a enflé et était très douloureuse. Je suis allé une première fois aux urgences le 07.11, où ils m’ont incisé le doigt. Les jours suivants, la douleur et le gonflement ont empiré, et je suis retourné aux urgences le 13.11, où ils ont décidé de m’hospitaliser, car je risquais de perdre le doigt en raison d’un risque d’amputation ».

Le rapport des urgences du 07.11.2023 faisait état d’un diagnostic de panaris au troisième doigt de la main droite. Le 15.11.2023, l’assuré a subi une intervention de révision chirurgicale, un débridement et des lavages au troisième doigt de la main droite, en présence d’un phlegmon sur une plaie attribuée à une morsure d’araignée.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a nié tout droit aux prestations, motif pris que, d’une part, les troubles à la main droite ne résultaient pas d’un accident au sens de la loi, et, d’autre part, qu’ils ne constituaient pas non plus une lésion assimilée aux séquelles d’un accident.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 30.12.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4 [résumé]
Il convient de souligner qu’un dommage à la santé causé par une infection constitue en principe une maladie. Toutefois, une infection peut revêtir un caractère accidentel lorsque les germes pathogènes ont pénétré dans l’organisme à travers une blessure ou une plaie d’origine accidentelle. Dans ce cas, il est nécessaire que l’existence d’une blessure d’origine accidentelle ait été dûment établie et que la pénétration des germes ou bactéries par une autre voie puisse être considérée comme improbable. Il ne suffit pas que l’agent pathogène ait pu pénétrer dans le corps humain par de petites abrasions, égratignures ou écorchures banales et insignifiantes comme il en survient quotidiennement. La pénétration dans l’organisme doit s’être produite par une lésion déterminée ou du moins dans des circonstances telles qu’elles représentent un fait typiquement « accidentel » et reconnaissable comme tel (ATF 150 V 229 consid. 4.1.2; 122 V 230 consid. 3).

Consid. 5.1
Le tribunal cantonal a relevé que les rapports des deux premières consultations auprès des urgences (07.11.2023 et 13.11.2023) ne contenaient aucune mention selon laquelle le troisième doigt de la main droite aurait été mordu par un insecte. Cette circonstance est apparue, pour la première fois, dans le rapport relatif à la consultation du 14.11.2023. L’assuré ne peut être suivi lorsqu’il soutient qu’il avait déjà indiqué lors de la première consultation avoir été mordu par un insecte, ce que le médecin aurait omis de rapporter dans son compte-rendu. Aux yeux des juges cantonaux, il était clair que, lors de la phase de l’anamnèse, le médecin des urgences avait demandé à l’assuré s’il se souvenait d’un événement pouvant être mis en relation avec le problème affectant le majeur. Il ne faisait aucun doute que, si l’assuré lui avait effectivement rapporté avoir été mordu par un insecte, cette circonstance aurait été consignée dans le rapport de consultation, compte tenu de ses implications pour la suite du diagnostic et du traitement. Par ailleurs, il paraît peu vraisemblable que deux médecins, chacun indépendamment de l’autre, aient commis l’erreur de ne pas consigner ce que le patient leur aurait rapporté. Enfin, en marge de la consultation du 07.11.2023, le médecin a constaté (et diagnostiqué) la présence d’un panaris de la taille d’un pignon, intéressant la phalange distale péri-unguéale du troisième doigt, constatation compatible en soi avec l’indication anamnésique alors donnée par l’assuré, à savoir l’exécution d’une manucure la semaine précédente. Le médecin n’a rapporté aucun signe objectif qu’il aurait attribué (selon lui) à une morsure d’insecte.

Consid. 5.2 [résumé]
Il en allait de même pour les rapports ultérieurs, dans lesquels les auteurs respectifs n’ont jamais affirmé que les constatations objectives (y compris celles figurant sur les photographies produites par l’assuré) étaient, de par leur nature et leurs caractéristiques, imputables à une morsure d’insecte. Le tribunal cantonal a donc jugé plausible l’appréciation du Dr H.__, selon laquelle « compte tenu de la documentation médicale, de la localisation anatomique [du point] d’entrée de l’infection et de l’évolution clinique, il s’agissait d’un panaris du troisième doigt survenu sans blessure traumatique, avec une extension ultérieure de l’infection et formation de phlegmon chez un patient diabétique. Une piqûre ou morsure d’insecte à l’origine de l’infection du troisième doigt est donc plutôt improbable ». Il n’était ainsi pas établi, du moins pas avec le degré de vraisemblance requis, que le 04.11.2023, l’assuré avait été mordu par un insecte, spécifiquement une araignée, au majeur de la main droite.

Consid. 5.3
Enfin, le caractère accidentel a également été nié même si l’on retenait comme établi que l’infection du majeur droit trouvait son origine dans la manucure pratiquée par l’assuré. En effet, pour qu’une origine traumatique d’une infection soit admise, il faut que la pénétration de l’agent pathogène se soit produite à travers une véritable blessure, ou dans des circonstances constituant un événement typiquement accidentel et reconnaissable comme tel, ce qui n’est manifestement pas le cas en l’espèce s’agissant de lésions cutanées insignifiantes survenues dans le contexte d’une manucure.

Consid. 6.2.1
Il ne peut être reproché aux juges cantonaux d’avoir retenu, au degré de vraisemblance prépondérante, que la notion de morsure d’insecte ou d’araignée n’est apparue qu’à l’occasion de la troisième consultation de l’assuré aux urgences, et non lors des précédentes. Il apparaît en effet improbable que, si elle avait effectivement été mentionnée, la circonstance invoquée par le patient n’aurait pas été consignée dans les rapports de sortie respectifs des urgences, compte tenu en particulier des conséquences que cela aurait entraînées pour les examens et traitements ultérieurs à entreprendre. Cela d’autant plus que, comme l’a justement relevé le tribunal cantonal, les deux médecins — chacun indépendamment de l’autre — qui ont examiné l’assuré et rédigé les rapports de sortie respectifs, n’ont pas mentionné de morsure d’insecte ou d’araignée.

À cet égard, l’existence d’erreurs ou d’omissions dans la transcription, en l’absence d’éléments allant en ce sens, est uniquement alléguée dans le recours. Du reste, bien que la charge de la preuve lui incombe, l’assuré ne prétend pas avoir réagi immédiatement au contenu des rapports de sortie concernés dès qu’ils lui ont été communiqués, ni avoir été dans l’impossibilité de le faire. En réalité, il fonde essentiellement sa contestation sur le rapport opératoire du 15.11.2023. Certes, ce dernier mentionne dans son diagnostic un « phlegmon au 3e doigt de la main droite sur blessure due à une morsure d’araignée », ajoutant dans les indications : « Patient atteint de cardiopathie et diabétique insulinodépendant qui, le 4.11.23, rapporte une blessure par morsure d’araignée à la 2e phalange du 3e doigt de la main droite », tout en décrivant dans l’anamnèse de la lettre de sortie du 16.11.2023 que l’assuré « signale une piqûre suspecte non spécifiée au doigt en date du 4.11.2023 ». Indépendamment du moment exact auquel la prétendue morsure aurait eu lieu (en tout cas incertain : le rapport du 7 novembre 2023 la situerait deux jours avant la consultation, soit le 5 novembre 2023), ces constatations — prises isolément — ne suffisent pas à s’écarter du contexte qui vient d’être résumé, ni de l’absence de documentation au dossier établissant directement l’existence d’une morsure d’insecte ou d’araignée, comme cela a été justement relevé par le Dr H.__. En effet, dans les autres rapports médicaux, cet élément ressort uniquement des déclarations de l’assuré, ou provient du rapport de sortie du 14.11.2023 relatif à la troisième consultation aux urgences.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_81/2025 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_81/2025 (i) du 15.04.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/06/8c_81-2025)

 

8C_664/2024 (d) du 07.05.2025 – TCC léger (mTBI) – Causalité naturelle – Vraisemblance d’une lésion cérébrale organique objectivable / Vraisemblance admise en l’absence de lésions constatées à l’IRM cérébrale mais en présence d’un nystagmus

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_664/2024 (d) du 07.05.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

TCC léger (mTBI) – Causalité naturelle – Vraisemblance d’une lésion cérébrale organique objectivable / 6 LAA

Vraisemblance admise en l’absence de lésions constatées à l’IRM cérébrale mais en présence d’un nystagmus

Expertise pluridisciplinaire – Avis de l’expert neuropsychologue confirmé par l’expert neurologue

 

Résumé
Le tribunal cantonal a refusé d’admettre un lien de causalité naturelle entre les troubles neuropsychologiques de l’assurée et l’accident de vélo survenu deux ans plus tôt, se fondant sur sa propre interprétation de l’expertise pluridisciplinaire et de son complément. L’avis de l’instance cantonale n’a pas été suivi par le Tribunal fédéral, qui a rappelé que l’expert neurologue avait confirmé les conclusions de l’expert neuropsychologue, notamment quant à l’existence d’un trouble fonctionnel en lien avec l’accident, au degré de la vraisemblance prépondérante. En l’absence de lésions visibles à la neuroimagerie, la présence d’un nystagmus ascendant objectivé et de troubles cognitifs persistants permettait néanmoins de conclure à une lésion cérébrale structurelle objectivable, imputable à l’accident.

 

Faits
Assurée, née en 1984, exerçait dès le 01.03.2017 à 100% comme avocate.

Le 12.07.2020, elle a chuté à vélo. Dans le rapport du 13.07.2020 de l’hôpital, les diagnostics de traumatisme cranio-cérébral léger et de multiples contusions et excoriations ont été retenus. Une expertise pluridisciplinaire (orthopédique, ORL, neurologique, neuropsychologique et psychiatrique) a été mise en œuvre. Par décision, l’assurance-accidents a mis un terme aux prestations avec effet au 30.09.2022, les troubles de l’assurée n’étant plus, selon elle, en lien de causalité naturelle et adéquate avec l’accident. Elle renonça à réclamer le remboursement des prestations versées en trop du 01.06.2022 au 30.09.2022. Après avoir soumis des questions complémentaires au centre d’expertise, l’assurance-accidents a rejeté l’opposition.

 

Procédure cantonale

Les recours formés par l’assurée et sa caisse-maladie contre la décision sur opposition ont été rejetés par le tribunal cantonal par jugement du 25.09.2024.

 

TF

Consid. 3.2 [résumé]
Le tribunal cantonal a constaté que l’expertise pluridisciplinaire du 25.07.2022 avait établi deux diagnostics principaux : un trouble léger des fonctions neuropsychologiques avec incidence sur la capacité de travail (évalué selon les critères de l’Association suisse des neuropsychologues) ; un traumatisme crânien léger (mTBI catégorie I ; lignes directrices de la Fédération européenne des sociétés de neurologie), consécutif à la chute à vélo de juillet 2020. Les examens (IRM cérébrale T2 du 18.08.2020, IRM cervicale du 27.04.2021 et vidéonystagmographie du 19.07.2021) n’ont révélé aucune séquelle traumatique, micro-saignement (« Microbleeds ») ou déficit neurologique focal, hormis un nystagmus ascendant discret.

Les médecins-experts ont retenu une capacité de travail à 100%, du point de vue neurologique, dans son métier d’avocate sans diminution de rendement ; une capacité de 60%, du point de vue neuropsychologique, en raison de troubles exécutifs et d’une fatigabilité entraînant des difficultés à traiter des dossiers complexes. Dans une activité adaptée à son état de santé, la capacité de travail est de 100% (neurologique) et de 90% (neuropsychologique).

Consid. 4.1
Selon l’instance cantonale, le complément d’expertise a été rédigé par l’expert neurologue et l’expert neuropsychologue. Le neurologue a notamment constaté que les lésions organiques du système nerveux central mentionnées dans l’expertise neuropsychologique étaient très probablement causées par l’accident.

La mise en évidence de modifications à l’IRM cérébrale pondérée (microhémorragies) [ndt : au consid. 3.2, il est bien noté absence de micro-saignements (im zerebralen MRI keine Microbleeds)] rendait plus probable l’existence de troubles cognitifs persistants liés au traumatisme, mais n’était ni probante ni exclusive de l’existence d’un trouble cérébral d’origine traumatique. Dans le cas de l’assurée, la détection par appareil du trouble des mouvements oculaires (nystagmus vers le haut) constituait un indice d’une lésion cérébrale structurelle. L’expert neuropsychologue a notamment constaté que les réseaux fonctionnels exécutifs étaient particulièrement sensibles aux modifications ou aux perturbations.

De tels dysfonctionnements sont fréquemment observés après un traumatisme crânio-cérébral. Selon une publication de SCHEID et VON CRAMON (Klinische Befunde im chronischen Stadium nach Schädel-Hirn-Trauma, Deutsches Ärzteblatt Jahrgang 107 [12] 2010, 199-205 [consultable ici], des troubles chroniques de nature affective et cognitive (notamment la fatigue et d’autres troubles du comportement) au sens d’un syndrome post-commotionnel peuvent également être constatés après un traumatisme crânien léger. Ces troubles font l’objet de controverses. Les instruments de diagnostic neuroradiologique sont souvent peu utiles. Les auteurs ont souligné l’absence de corrélation linéaire entre les observations cliniques et les résultats d’imagerie (tels que GCS, localisation des lésions cérébrales, contusions, microhémorragies).

Au vu de l’ensemble des résultats et compte tenu de la parfaite coopération ainsi que de l’absence de facteurs de causalité alternatifs, les troubles décrits ont été retenu sur le plan neuropsychologique comme étant en lien de causalité naturelle avec l’accident.

Consid. 4.2.1
Il s’agit plutôt de déterminer si le léger nystagmus vers le haut (trouble des mouvements oculaires) constaté permet de conclure au degré de la vraisemblance prépondérante qu’il a été causé par une lésion cérébrale traumatique, mais non détectable par imagerie, et qu’il a entraîné la limitation de la capacité de travail formulée d’un point de vue neuropsychologique. Les experts n’ont pu que démontrer la vraisemblance d’un tel lien. Le fait que la participation de l’assurée aux examens neuropsychologiques n’ait donné lieu à aucune critique n’y change rien.

Consid. 4.2.2
L’avis de l’instance cantonale ne peut être suivi. En effet, dans le complément à son rapport d’expertise, l’expert neurologue a constaté que la détection par appareil du trouble des mouvements oculaires constituait un marqueur de substitution d’une lésion cérébrale structurelle chez l’assurée. Il existe un léger trouble neuropsychologique qui est très probablement en lien avec l’accident du 12.07.2020. Il y a une réduction de 40% des performances dans l’activité habituelle et une réduction de 10% des performances dans une activité adaptée. Cela ressortait déjà de manière concluante du rapport de l’expertise pluridisciplinaire. Contrairement à l’instance cantonale, on ne peut donc pas parler d’une simple possibilité de lésion cérébrale structurelle causée par l’accident chez l’assurée.

Consid. 4.2.3
Le renvoi du tribunal cantonal à la jurisprudence selon laquelle, en l’état actuel des connaissances, un-e neuropsychologue ne peut se prononcer de manière autonome et définitive sur la genèse d’un trouble de santé prétendument lié à un accident (BGE 119 V 335 E. 2b/bb) n’est pas pertinent. En effet, un spécialiste en neurologie a participé – comme déjà mentionné – à l’expertise pluridisciplinaire ainsi qu’à son complément (cf. également arrêt 8C_526/2021 du 10 novembre 2021 consid. 4.2.1).

Consid. 4.3
En résumé, sur la base de l’expertise pluridisciplinaire et du complément d’expertise, il est établi qu’au moment de la clôture du dossier, le 30.09.2022, l’assurée présentait une lésion cérébrale organique objectivable, en lien de causalité naturelle avec l’accident du 12 juillet 2020, laquelle entraînait un trouble des fonctions neuropsychologiques et une incapacité de travail qui en découle. En le niant, la cour cantonale n’a pas procédé à une libre appréciation des preuves, mais a elle-même interprété l’expertise, respectivement son complément, sur des questions médicales spécifiques, ce qui est contraire au droit fédéral (cf. également arrêts 8C_516/2024 du 25 février 2025, consid. 4.2.2, et 8C_6/2024 du 8 mai 2024, consid. 6.3 et les références). L’affaire doit dès lors être renvoyée à l’instance cantonale afin qu’elle rende une nouvelle décision sur le droit aux prestations de l’assurée.

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

Arrêt 8C_664/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_664/2024 (d) du 07.05.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/06/8c_664-2024)

 

 

8C_398/2024 (d) du 26.03.2025 – Diagnostics à retenir – Capacité de travail exigible – Valeur probante d’un avis du SMR

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_398/2024 (d) du 26.03.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Diagnostics à retenir – Capacité de travail exigible – Valeur probante d’un avis du SMR / 43 LPGA

 

Résumé
Dans l’arrêt 8C_398/2024, le Tribunal fédéral a admis le recours d’un assuré contre le jugement de l’instance cantonale qui avait confirmé le refus de lui octroyer une rente d’invalidité. Le TF a relevé d’importantes contradictions entre les différentes évaluations médicales relatives à sa capacité de travail, notamment entre le rapport des experts psychiatre et neurologue (expertise mise en œuvre par l’assurance PGM) et les avis du Service médical régional, sans qu’une discussion suffisante de ces divergences ait été menée. Estimant que les conditions légales relatives à la valeur probante des avis médicaux internes n’avaient pas été respectées, le TF a considéré que la fiabilité des fondements médicaux retenus était insuffisante. La cause a dès lors été renvoyée à l’office AI pour complément d’instruction.

 

Faits
Assuré, né en 1991, avait été employé en qualité de conseiller financier en formation auprès de B. SA depuis mars 2020. L’employeur mit fin au contrat de travail pour cause de surmenage à fin novembre 2021.

Demande AI en août 2021, invoquant notamment des douleurs croissantes de l’appareil locomoteur depuis plusieurs années.

L’office AI se procura le dossier de l’assureur perte de gain maladie. Diagnostic de fibromyalgie établi en février 2020 lors d’une consultation à la clinique de rhumatologie de l’hôpital E. Selon le rapport du psychiatre traitant, qui suivait l’assuré depuis novembre 2013, un nouvel épisode dépressif survint en février 2021. Il attesta une incapacité totale de travail à compter du 01.03.2021. En janvier 2022, l’assuré fut hospitalisé au centre pulmonaire en raison d’embolies pulmonaires bilatérales, et fut par la suite suivi par un spécialiste en médecine interne et hématologie. Par ailleurs, une évaluation gastroentérologique fut réalisée en février 2022 au centre de gastroentérologie. L’assureur perte de gain maladie ordonna une évaluation de la capacité fonctionnelle, complétée par un examen neuropsychiatrique et de performance psychologique (expertise par un psychiatre et une neurologue).

Sur la base des avis du SMR, l’office AI refusa le droit à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt IV.2023.00649 – consultable ici)

Par jugement du 15.05.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4
Le tribunal cantonal a exposé de manière correcte les dispositions et principes relatifs à l’incapacité de gain (art. 7 LPGA) et à l’invalidité (art. 8 LPGA), au droit à une rente d’invalidité (art. 28 et 28b LAI), ainsi qu’à la valeur probante des rapports et expertises médicaux en général (ATF 134 V 231 consid. 5.1 ; 125 V 351 consid. 3a avec renvoi) et des avis médicaux internes à l’assurance en particulier (ATF 139 V 225 consid. 5.2 ; 135 V 465 consid. 4.4 ; 125 V 351 consid. 3b/ee ; 122 V 157 consid. 1d). Il convient de souligner qu’une expertise obtenue par l’assureur en cas d’indemnités journalières de maladie en dehors de la procédure prévue à l’art. 44 LPGA n’a, selon la pratique, que la valeur probante d’un avis médical interne à l’assurance (arrêts 8C_247/2024 du 12 décembre 2024 consid. 2.3 ; 9C_634/2019 du 12 novembre 2019 consid. 4.3 ; 8C_71/2016 du 1er juillet 2016 consid. 5.2).

Consid. 5.1
Selon l’autorité cantonale, l’assuré est, sur la base des avis du SMR, capable de travailler à 80% dans son activité habituelle, en raison d’un syndrome douloureux et avec un besoin accru de pauses (en lien avec les troubles gastro-intestinaux [iléite/maladie de Crohn]), et à 100% dans une activité adaptée à ses limitations. D’un point de vue psychiatrique, il n’existerait pas d’atteinte durable à la santé, le diagnostic de trouble de stress post-traumatique posée par le psychiatre traitant n’ayant pas pu être confirmée.

Consid. 6.1
Il convient tout d’abord de rappeler que tous les rapports médicaux que l’autorité cantonale a considérés comme déterminants pour l’évaluation de la capacité de travail sont soumis aux règles applicables aux avis médicaux internes à l’assurance. Si ne serait-ce que de légers doutes existent quant à leur fiabilité, il n’est pas possible de s’y fier (cf. consid. 4 supra).

Consid. 6.3
Tandis que les spécialistes en médecine physique et réadaptation ainsi qu’en rhumatologie ont attesté une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée aux limitations (ce sur quoi le rhumatologue du SMR s’est également fondé), l’évaluation neuropsychiatrique et des performances psychologiques effectuée également au printemps 2022 a conclu à une limitation totale (100%) du potentiel fonctionnel en lien avec l’activité professionnelle. Cette atteinte a été attribuée principalement à un trouble complexe consécutif à un traumatisme, bien qu’un diagnostic psychiatrique fasse défaut dans le rapport. Après sa réévaluation neurologique en septembre 2022, l’experte neurologue a continué de considérer l’atteinte comme uniquement temporaire. Toutefois, elle n’a constaté qu’une légère amélioration des constatations cliniques, a maintenu une limitation de 50 à 60% et a recommandé une nouvelle évaluation dans un délai d’environ deux mois. L’avis de la spécialiste en psychiatrie et psychothérapie du SMR s’écarte quant à lui de manière notable de celui de l’experte neurologue. Selon la médecin du SMR, un trouble de stress post-traumatique (CIM-10 F43.1) ne peut être déduit malgré les traumatismes subis, car la symptomatologie requise ferait défaut. Il en irait de même, selon elle, en ce qui concerne l’épisode dépressif allégué. Ce faisant, elle ne fait aucunement référence aux observations des experts psychiatre et neurologue ni aux prises de position du psychiatre traitant, et ne motive pas davantage son avis.

Consid. 6.4
Il existe ainsi d’importantes contradictions entre les différentes évaluations de la capacité de travail, sans que les divergences entre les avis aient été examinées dans chaque cas. Cela suffit à susciter des doutes quant à la fiabilité de l’ensemble des appréciations internes à l’assurance. En considérant de manière sélective le rapport des experts psychiatre et neurologue et l’avis de la spécialiste en psychiatrie et psychothérapie du SMR comme pleinement probants, le tribunal cantonal a enfreint les règles applicables en matière de valeur probante de tels avis. Faute de bases médicales fiables pour évaluer la capacité de travail, l’affaire doit être renvoyée à l’office AI pour les investigations complémentaires nécessaires.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_398/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_398/2024 (d) du 26.03.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/06/8c_398-2024)

 

9C_25/2025 (f) du 13.03.2025 – Procédure – Décision et existence d’un litige pendant pour une décision sur opposition antérieure

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_25/2025 (f) du 13.03.2025

 

Consultable ici

 

Procédure – Décision (cotisations AVS) et existence d’un litige pendant pour une décision sur opposition antérieure (personne sans activité lucrative vs personne exerçant une activité lucrative) / 49 LPGA – 52 LPGA – 56 LPGA

 

Résumé
Dans l’arrêt 9C_25/2025, le Tribunal fédéral confirme l’irrecevabilité du recours formé par une assurée contre une décision de cotisations personnelles, faute d’avoir préalablement exercé la voie de l’opposition conformément aux art. 52 et 56 al. 1 LPGA. Le TF rejette l’argument de l’assurée selon lequel cette décision serait nulle en raison de l’existence d’un litige pendant devant la juridiction cantonale, rappelant que la procédure d’opposition constitue une condition formelle préalable au recours. La juridiction cantonale avait donc valablement transmis l’acte à la caisse de compensation, seule compétente à ce stade.

 

Faits
Par décision définitive du 19.02.2024, la caisse cantonale de compensation a arrêté à 25’419 fr. 80 le montant des cotisations personnelles dues par l’assurée, en sa qualité de personne sans activité lucrative pour l’année 2020.

 

Procédure cantonale (arrêt AVS 12/24 – 45/2024 – consultable ici)

Par jugement du 14.11.2024, le tribunal cantonal a déclaré irrecevable le recours formé par l’assurée et a transmis l’acte à la caisse de compensation, estimant qu’il relevait de la compétence de cette dernière.

 

TF

Consid. 3
L’instance cantonale a considéré qu’au moment où elle a été saisie par l’assurée, la caisse de compensation n’avait pas rendu de décision sur opposition sujette à recours au sens de l’art. 56 al. 1 LPGA. La décision définitive de cotisations personnelles du 19.02.2024 était en effet une décision sujette à opposition conformément à l’art. 52 al. 1 LPGA. Aussi, en l’absence de décision au sens de l’art. 56 al. 1 LPGA, le recours interjeté devant elle était prématuré. En conséquence, la juridiction cantonale a rendu une décision d’irrecevabilité et transmis le recours à l’intimée comme objet de sa compétence.

Consid. 4.1 [résumé]
À l’appui de son recours, l’assurée reproche à la juridiction cantonale d’avoir violé le droit fédéral en déclarant son recours irrecevable. Elle soutient que la caisse de compensation n’était pas compétente pour rendre la décision du 19.02.2024, dans la mesure où la question de savoir si elle devait être soumise aux cotisations en tant que personne sans activité lucrative ou comme personne exerçant une activité lucrative faisait l’objet d’un litige pendant devant la cour cantonale (tranché depuis par arrêt du 14 novembre 2024, AF 3/23 – 8/2024). Selon l’assurée, en rendant une décision définitive en février 2024, la caisse aurait outrepassé ses compétences et méconnu l’effet dévolutif du recours qu’elle avait formé contre la décision sur opposition du 07.03.2023.

Consid. 4.2.1
L’argumentation de l’assurée est mal fondée. Contrairement à ce qu’elle affirme de manière péremptoire en se référant à la jurisprudence relative à l’effet dévolutif du recours (cf. ATF 127 V 228 consid. 2b; arrêt 9C_403/2010 du 31 décembre 2010), le fait qu’une décision administrative est rendue alors qu’un litige est pendant entre les parties concernées devant une autorité judiciaire de recours ne permet pas encore à celle-ci de constater que ladite décision « est nulle et dépourvue de tout effet juridique ».

Dans ce contexte, on rappellera, à la suite de l’instance cantonale, que conformément à l’art. 56 al. 1 LPGA, le tribunal cantonal des assurances (au sens de l’art. 57 LPGA) est compétent pour se prononcer au sujet des décisions sur opposition et celles contre lesquelles la voie de l’opposition n’est pas ouverte. La procédure d’opposition est obligatoire – sauf en cas de décisions d’ordonnancement de la procédure (art. 52 al. 1 in fine LPGA) – et constitue une condition formelle de validité de la procédure de recours de droit administratif subséquente (arrêt 9C_777/2013 du 13 février 2014 consid. 5.2.1 et les références). L’opposition est un moyen de droit permettant au destinataire d’une décision d’en obtenir le réexamen par l’autorité administrative, avant qu’un juge ne soit éventuellement saisi (cf. ATF 125 V 118 consid. 2a et les références).

Consid. 4.2.2
Or en l’espèce, la décision définitive de cotisations personnelles du 19.02.2024 est une décision au sens de l’art. 49 al. 1 LPGA, qui peut être attaquée dans les trente jours par voie d’opposition auprès de l’assureur qui l’a rendue (art. 52 al. 1 LPGA), ce que l’assurée ne conteste pas. La juridiction cantonale n’était dès lors pas compétente pour se prononcer sur le bien-fondé de cette décision, indépendamment de l’effet dévolutif d’un (autre) recours pendant devant elle. À ce stade de la procédure, il appartenait à l’assurée de former opposition à la décision du 19.02.2024 auprès de la caisse de compensation dans un délai de trente jours (art. 52 al. 1 LPGA) afin qu’elle rende une décision sur opposition au sens de l’art. 56 al. 1 LPGA, susceptible de recours devant le tribunal cantonal. C’est dès lors à bon droit que l’instance précédente a déclaré irrecevable le recours du 04.03.2024 et qu’elle l’a transmis à la caisse de compensation comme objet de sa compétence. Le recours est mal fondé.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 9C_25/2025 consultable ici

 

 

8C_529/2024 (d) du 27.03.2025 – Frais d’expertise judiciaire à charge de l’administration – Absence de motivation du tribunal cantonal sur le montant retenu

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_529/2024 (d) du 27.03.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Frais d’expertise judiciaire à charge de l’administration / 43 LPGA

Absence de motivation du tribunal cantonal sur le montant retenu / 61 LPGA

 

Résumé
Dans l’arrêt 8C_529/2024, le Tribunal fédéral s’est prononcé sur la question de savoir si c’est à juste titre que le tribunal cantonal avait mis à la charge de l’office AI les frais d’une expertise judiciaire s’élevant à 14’200 francs. Il a jugé que, si la mise à charge en soi n’était pas contestée, l’instance cantonale avait omis de motiver de manière suffisante le montant retenu, notamment au regard des honoraires facturés et de la jurisprudence relative aux tarifs applicables. Le Tribunal fédéral a rappelé que le tarif MEDAS [COMAI] pouvait servir de référence, sans toutefois lier les tribunaux, et que toute dérogation devait être dûment justifiée. En l’absence d’une telle motivation, le Tribunal fédéral a renvoyé la cause au tribunal cantonal afin qu’il examine plus précisément les notes d’honoraires des experts et rende une nouvelle décision sur le montant devant être supporté par l’office AI.

 

Faits

Assuré, né en 1993, a déposé une demande AI le 05.07.2019. L’office a notamment ordonné des mesures d’intervention précoce, ainsi qu’une expertise pluridisciplinaire (neurologie, rhumatologie, médecine interne et psychiatrie). Par décision du 4 juillet 2022, l’office AI a nié le droit de l’assuré à des mesures de réadaptation et à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 25.07.2024, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision et reconnaissant le droit de l’assuré à une rente entière dès le 01.02.2020, à une rente de 68% dès le 01.06.2022 et une rente de 59% dès le 01.11.2022. La cour cantonale a en outre mis à la charge de l’office AI les frais des expertises judiciaires ordonnées, réalisées en neuropsychologie et en psychiatrie, pour un montant total de 14’200 francs.

 

TF

Consid. 2.1
Est uniquement litigieuse la question de savoir si l’autorité cantonale a violé le droit fédéral en imposant l’office AI la prise en charge des frais de l’expertise judiciaire à hauteur de 14’200 francs. Il n’est pas contesté que les conditions pour une mise à charge des frais sont remplies en l’espèce (voir à ce sujet ATF 143 V 269 consid. 3.3 ; 140 V 70 consid. 6.1 ; 139 V 496 consid. 4.4 ; arrêt 9C_325/2024 du 24 octobre 2024 consid. 6.1.1, destiné à la publication). Il peut donc être renoncé à des développements à ce sujet.

Consid. 2.2
S’agissant de la mise à charge aux offices AI des frais d’expertises judiciaires pluridisciplinaires, il manquait une base légale fédérale permettant à l’OFAS de conclure avec les MEDAS [COMAI] des conventions tarifaires applicables également aux procédures de recours de première instance (ATF 143 V 269 consid. 6.2.2). Les offices AI doivent assumer, dans le cadre des principes définis par l’ATF 139 V 496, l’intégralité des frais de l’expertise judiciaire. Le tarif convenu par l’OFAS avec les MEDAS peut toutefois servir de ligne directrice à laquelle les parties doivent se référer. Cela à l’instar d’une directive ou d’une ordonnance administrative, qui ne lie pas le tribunal, mais doit néanmoins être prise en considération, pour autant qu’elle permette une solution adaptée au cas d’espèce (cf. ATF 141 III 401 consid. 4.2.2). Cela signifie qu’il convient d’exposer les raisons pour lesquelles, dans le cas concret, les forfaits prévus par le tarif en question ne suffiraient pas, et qu’on ne saurait non plus recourir simplement à la catégorie Tarmed D (« expertise présentant un degré de difficulté supérieur à la moyenne ») ou même E (« cas exceptionnellement difficiles ») (ATF 143 V 269 consid. 7.3).

Consid. 3.1
L’office AI recourant fait valoir que l’autorité cantonale a conclu qu’au cours de la procédure administrative, l’état de fait n’avait pas été suffisamment clarifié et que cette lacune dans les investigations devait être comblée dans le cadre de la procédure judiciaire. C’est pour cette raison que les frais d’expertise de 14’200 francs devaient être supportés par l’office AI. L’instance cantonale aurait, d’une part, omis d’examiner les honoraires du psychiatre et du neuropsychologue et, d’autre part, elle n’aurait pas exposé, en violation de son devoir de motivation au sens de l’art. 61 al. 1 let. h LPGA, quelles instructions de l’OFAS pourraient servir de ligne directrice pour ces investigations conformément à la jurisprudence du Tribunal fédéral. Entre-temps, un accord a été conclu avec l’OFAS concernant l’établissement d’expertises bidisciplinaires, qui pourrait servir de référence. Cet accord contient également des dispositions sur la rémunération, avec en annexe des tarifs supplémentaires et des explications relatives à la rémunération des expertises bidisciplinaires, selon lesquelles un examen neuropsychologique est considéré uniquement comme une investigation complémentaire. Il s’agirait donc d’une expertise psychiatrique monodisciplinaire avec un examen neuropsychologique complémentaire.

Consid. 3.2
L’office AI recourant fait valoir à juste titre que le montant de 14’200 francs dépasse ce à quoi l’on peut s’attendre habituellement, l’investigation complémentaire neuropsychologique ayant à elle seule été estimée à 5’200 francs. Dans l’arrêt 9C_573/2023 du 23 juillet 2024 consid. 8.4, le Tribunal fédéral est parvenu à une conclusion similaire pour une expertise psychiatrique dont les frais allégués s’élevaient à 16’560 francs (voir également les autres exemples cités dans l’arrêt précité : arrêts 8C_98/2023 du 10 août 2023 : 10’000 francs [publié partiellement in : SVR 2023 UV n° 52 p. 184] ; 8C_60/2023 du 14 juillet 2023 : 11’352.50 francs ; arrêt 9C_13/2012 du 20 août 2012 : 6’774 francs ainsi que l’arrêt 9C_492/2021 du 23 août 2022, état de fait let. B et consid. 7 : 5’500 francs).

Consid. 4.1
Comme le fait valoir à juste titre l’office AI, l’instance cantonale a constaté, en ce qui concerne la mise à charge des frais d’expertise d’un montant de 14’200 francs, uniquement que ceux-ci devaient être supportés par l’administration en raison de l’établissement incomplet des faits dans la procédure administrative.

Consid. 4.2
Eu égard aux frais d’expertise s’élevant au total à 14’200 francs, l’instance cantonale aurait été tenue, au vu de ce qui précède, de motiver la mise à charge d’un tel montant (cf. consid. 2.2 supra). Même s’il faut admettre qu’elle s’est appuyée pour ce faire sur la note d’honoraires figurant dans le dossier cantonal, établie par le neuropsychologue pour un montant de 5’200 francs, ainsi que sur la note d’honoraires non détaillée du psychiatre s’élevant à 9’000 francs, cela ne ressort pas de l’arrêt attaqué. Aucune discussion concernant les honoraires facturés n’a eu lieu, ce qui aurait pourtant été indiqué, ne serait-ce qu’en raison de leur montant (cf. consid. 2.2 et 3.2 supra).

Dans ces circonstances, il se justifie de renvoyer la cause à l’instance précédente afin qu’elle examine les notes d’honoraires et qu’elle rende une nouvelle décision sur le montant des honoraires d’expertise devant être pris en charge par l’office AI. Aucun motif n’est exposé dans le recours pour justifier une réduction de moitié laissée à l’appréciation du Tribunal fédéral ; il n’y a donc pas lieu d’entrer en matière sur ce point. Le recours est fondé sur le point principal.

 

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

Arrêt 8C_529/2024 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_529/2024 (d) du 27.03.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/06/8c_529-2024)

8C_395/2024 (d) du 26.03.2025 – Frais d’expertise judiciaire à charge de l’administration – Absence de motivation du tribunal cantonal sur le montant retenu

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_395/2024 (d) du 26.03.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Frais d’expertise judiciaire à charge de l’administration / 43 LPGA

Absence de motivation du tribunal cantonal sur le montant retenu / 61 LPGA

 

Résumé
Dans l’arrêt 8C_395/2024, le Tribunal fédéral s’est prononcé sur la légalité de la décision de l’instance cantonale mettant à la charge de l’office AI les frais d’une expertise judiciaire monodisciplinaire psychiatrique, incluant une évaluation neuropsychologique, d’un montant total de CHF 24’171.65. Il a jugé que l’instance cantonale avait violé le droit fédéral en ne motivant pas de manière suffisante ce montant, lequel dépassait nettement les coûts usuellement observés pour des expertises similaires (cf. ATF 143 V 269 consid. 7.3 ; 9C_573/2023 consid. 8.4). Le Tribunal fédéral a rappelé que le tarif MEDAS [COMAI] pouvait servir de référence, sans toutefois lier les tribunaux, et que toute dérogation devait être dûment justifiée. Le recours de l’office AI a été admis et la cause renvoyée à l’instance cantonale pour nouvelle décision sur la prise en charge des frais.

 

Faits

Assuré, né en 1963, a déposé une demande AI le 07.07.2004. L’office AI lui a reconnu le droit à une rente entière d’invalidité dès le 01.11.2004 (invalidité de 100%). Ce droit avait été confirmé lors de révisions menées en 2006 et en 2010.

Après que l’assuré était retourné en Tunisie, l’OAIE a procédé à une révision à l’automne 2014. Dans le cadre de ses investigations, il avait requis une expertise psychiatrique.

En avril 2017, l’assuré a repris un domicile dans le canton de Bâle-Campagne. Par décision du 27.06.2017, l’office AI a supprimé la rente entière au motif d’une révision procédurale, au motif qu’il n’y avait jamais eu de schizophrénie paranoïde grave et que l’assuré avait toujours conservé sa capacité de travail. Le tribunal cantonal a admis le recours annulant et renvoyant la cause pour instruction complémentaire.

Une nouvelle expertise psychiatrique a été mise en œuvre. Le nouvel expert est parvenu à la même conclusion que la précédente experte psychiatre. Par nouvelle décision, et après l’échec des mesures de réinsertion, l’office AI a supprimé la rente entière avec effet à la fin du mois suivant la notification de cette décision.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 11.04.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal. La cour cantonale a mis à charge de l’office AI les frais de l’expertise judiciaire, pour un montant total de CHF 24’171.65 (y compris les coûts de l’examen neuropsychologique).

 

TF

Consid. 2.1
Est uniquement litigieuse la question de savoir si l’autorité cantonale a violé le droit fédéral en imposant à l’office AI la prise en charge des frais de l’expertise judiciaire monodisciplinaire à hauteur de CHF 24’171.65. Il n’est pas contesté que les conditions pour une mise à charge des frais sont remplies en l’espèce (cf. à ce sujet ATF 143 V 269 consid. 3.3 ; 140 V 70 consid. 6.1 ; 139 V 496 consid. 4.4 ; arrêt 9C_325/2024 du 24 octobre 2024 consid. 6.1.1, destiné à la publication). Il peut donc être renoncé à des développements à ce sujet.

Consid. 2.2
S’agissant de la mise à charge aux offices AI des frais d’expertises judiciaires pluridisciplinaires, il manquait une base légale fédérale permettant à l’OFAS de conclure avec les MEDAS [COMAI] des conventions tarifaires applicables également aux procédures de recours de première instance (ATF 143 V 269 consid. 6.2.2). Les offices AI doivent assumer, dans le cadre des principes définis par l’ATF 139 V 496, l’intégralité des frais de l’expertise judiciaire. Le tarif convenu par l’OFAS avec les MEDAS peut toutefois servir de ligne directrice à laquelle les parties doivent se référer. Cela à l’instar d’une directive ou d’une ordonnance administrative, qui ne lie pas le tribunal, mais doit néanmoins être prise en considération, pour autant qu’elle permette une solution adaptée au cas d’espèce (cf. ATF 141 III 401 consid. 4.2.2). Cela signifie qu’il convient d’exposer les raisons pour lesquelles, dans le cas concret, les forfaits prévus par le tarif en question ne suffiraient pas, et qu’on ne saurait non plus recourir simplement à la catégorie Tarmed D (« expertise présentant un degré de difficulté supérieur à la moyenne ») ou même E (« cas exceptionnellement difficiles ») (ATF 143 V 269 consid. 7.3).

Consid. 3.1
L’office AI recourant fait valoir à juste titre que les frais réclamés dans la note d’honoraires pour l’expertise judiciaire monodisciplinaire (comportant 32 pages, d’une longueur moyenne), y compris une évaluation neuropsychologique, s’élevant à un total de CHF 24’171.65, dépassaient de manière significative les coûts habituellement attendus pour ce type d’expertise.

Dans l’arrêt 9C_573/2023 du 23 juillet 2024, consid. 8.4, le Tribunal fédéral est arrivé à une conclusion similaire pour une expertise psychiatrique de CHF 16’560.– (cf. à ce sujet les autres exemples mentionnés dans l’arrêt précité : arrêts 8C_98/2023 du 10 août 2023  : CHF 10’000.– [partiellement publié in : SVR 2023 UV n° 52 p. 184] ; 8C_60/2023 du 14 juillet 2023 : CHF 11’352.50 ; arrêt 9C_13/2012 du 20 août 2012 : CHF 6’774.– ainsi que l’arrêt 9C_492/2021 du 23 août 2022 : CHF 5’500.–).

De manière cohérente, l’office AI recourant expose de façon compréhensible qu’au cours des trois dernières années, elle a supporté des coûts de CHF 4’200.– et CHF 10’315.– pour des expertises judiciaires psychiatriques monodisciplinaires, et qu’une expertise judiciaire monodisciplinaire psychiatrique avec évaluation neuropsychologique avait coûté CHF 11’058.–. Les expertises judiciaires somatiques monodisciplinaires se situaient entre CHF 1’100.– et CHF 5’570.–. Pour des expertises judiciaires bidisciplinaires, elle avait pris en charge des montants de CHF 10’159.– à CHF 12’655.–. Même les expertises judiciaires pluridisciplinaires avaient été moins onéreuses, avec des coûts compris entre CHF 16’088.– et CHF 19’890.–, que la présente expertise monodisciplinaire. Aucun motif compréhensible ne permet de justifier un tel montant pour la présente expertise judiciaire, d’autant que l’instance cantonale ne s’est pas exprimée sur ce point. Aucun besoin accru de clarification, justifiant les coûts nettement plus élevés par rapport à d’autres expertises judiciaires, n’était discernable. Les frais invoqués devaient ainsi être qualifiés d’arbitraires et, en définitive, ne pouvaient être soutenus, de sorte que l’instance précédente, en violant son devoir de motivation sur ce point, avait enfreint le droit fédéral.

Consid. 4
Dans l’arrêt attaqué, l’instance cantonale a uniquement considéré, au sujet de la mise à charge des frais de l’expertise judiciaire, que les coûts de CHF 24’171.65 se composaient de la note d’honoraires du psychiatre d’un montant de CHF 23’709.55 pour l’établissement de l’expertise, ainsi que des frais des analyses de laboratoire à hauteur de CHF 462.10. Elle n’a pas motivé, en violation du droit fédéral, la mise à charge des frais dans leur globalité (cf. déjà cité arrêt 9C_573/2023 consid. 8.4).

Dès lors que la cour cantonale a, dans le cadre de la procédure devant la dernière instance, exprimé son accord avec un renvoi de la cause pour qu’elle puisse s’en saisir plus en détail, il se justifie sans autre de lui renvoyer la cause à cette fin. Elle devra examiner la note d’honoraires, procéder si nécessaire à de nouvelles investigations et statuer à nouveau sur le montant des frais de l’expertise judiciaire à mettre à la charge de la recourante. Le recours est fondé.

 

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

Arrêt 8C_395/2024 consultable ici

 

 

Proposition de citation : 8C_395/2024 (d) du 26.03.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/06/8c_395-2024)

 

 

9C_84/2024+9C_92/2024 (f) du 15.04.2025 – Objet du litige en procédure cantonale – 73 LPP / Calcul de l’avoir projeté vs avoir de vieillesse constitué – Critère de calcul du salaire assuré

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_84/2024+9C_92/2024 (f) du 15.04.2025

 

Consultable ici

 

Objet du litige en procédure cantonale / 73 LPP

Calcul de l’avoir projeté vs avoir de vieillesse constitué – Critère de calcul du salaire assuré / 24 LPP

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a partiellement admis le recours de l’assuré relatif au calcul de sa rente d’invalidité LPP. Il a jugé que les juges cantonaux avaient violé le droit en refusant de déterminer le salaire assuré de l’assuré au motif que des cotisations antérieures étaient prescrites. S’agissant d’un avoir de vieillesse projeté – pertinent pour le calcul d’une rente d’invalidité selon l’art. 24 LPP – le TF a rappelé qu’il s’agit d’un montant hypothétique indépendant de la prescription des cotisations passées. Il a ainsi renvoyé la cause à l’instance cantonale pour examiner la prise en compte du salaire variable et des frais de représentation dans le salaire assuré et pour statuer sur une éventuelle surindemnisation.

 

Faits

Assuré, né en 1970, marié et père de quatre enfants nés en 2004, 2006, 2007 et 2010, avait exercé une activité pour B.__ Asset Management SA (ci-après : l’ex-employeuse) du 01.01.2007 au 31.12.2015. À ce titre, il était affilié à la Caisse de retraite du groupe B.__ (ci-après: la caisse de pensions) pour la prévoyance professionnelle, ainsi qu’à la Fondation de prévoyance complémentaire du même groupe (ci-après: la Fondation complémentaire ou la FPC).

L’office AI lui a reconnu le droit à une rente entière d’invalidité, assortie de quatre rentes complémentaires pour enfant, avec effet au 01.06.2015.

La caisse de pensions a informé l’assuré qu’il avait droit, dès le 01.06.2015, à une rente entière d’invalidité professionnelle et à des rentes pour enfants, prestations qui seraient versées dès le 01.05.2016, en raison du maintien du salaire jusqu’au 31.12.2015, puis du versement d’indemnités journalières jusqu’au 13.05.2016. Le montant annuel de la rente d’invalidité était fixé à 146’388 francs et celui de chaque rente pour enfant à 36’600 francs, soit un total de 292’788 francs. Toutefois, pour éviter que le cumul des prestations n’excède le 100% du dernier salaire déterminant de l’assuré, ces montants étaient réduits à 56’748 francs pour la rente principale et à 14’196 francs pour chaque rente d’enfant, compte tenu des prestations de l’AI. Le salaire annuel présumé perdu était estimé à 186’804 francs, soit le dernier salaire déterminant de 170’004 francs, augmenté des allocations familiales. La caisse a en outre versé un capital invalidité de 340’008 francs, le montant du compte de préfinancement de retraite anticipée (206’795 fr. 65) ainsi que le remboursement des cotisations pour la période du 01.06.2015 au 31.12.2015 (7’933 fr. 45). L’assuré a contesté la réduction fondée sur la surindemnisation, mais la caisse a maintenu sa position.

Quant à la Fondation complémentaire, elle a octroyé une rente d’invalidité de 100’000 francs par an dès le 14.05.2016, ainsi que son capital de retraite, d’un montant de 630’239 fr. 95.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1041/2023 – consultable ici)

Le 22.12.2020, l’assuré a ouvert action contre la caisse de pensions, concluant initialement au paiement de 821’590 francs, intérêts en sus, ainsi qu’à des rentes annuelles dès 2021. Il a ensuite élargi ses conclusions, notamment en demandant l’appel en cause de son ex-employeuse et la reconstitution de son avoir de retraite. La juridiction cantonale a partiellement admis la demande le 19.12.2023 : elle a reconnu le droit de l’assuré à percevoir, dès le 01.05.2016, une rente annuelle totale de 292’788 francs, condamné la caisse de pensions à lui verser 837’248 francs (pour 2016–2020) et 538’308 francs (pour 2021–2023), avec intérêts, ainsi qu’à poursuivre le versement des rentes dès janvier 2024.

 

TF

Consid. 4.1
À la suite des premiers juges, on rappellera que lorsque le litige porte sur une contestation opposant un ayant droit à une institution de prévoyance (art. 73 al. 1 LPP), l’action est ouverte à l’initiative du premier nommé par une écriture qui doit désigner l’institution de prévoyance visée et contenir des conclusions ainsi qu’une motivation ; c’est elle qui déclenche l’ouverture de la procédure et détermine l’objet du litige et les parties en cause (maxime de disposition). L’état de fait doit être établi d’office selon l’art. 73 al. 2 LPP seulement dans le cadre de l’objet du litige déterminé par la partie demanderesse. La maxime inquisitoire ne permet pas d’étendre l’objet du litige à des questions qui ne sont pas invoquées (ATF 129 V 450 consid. 3.2; cf. aussi arrêt B 72/04 du 31 janvier 2006 consid. 1.1). Dans les limites de l’objet du litige tel qu’il a été déterminé par les conclusions de la demande et les faits invoqués à l’appui de celle-ci, le juge de première instance n’est toutefois pas lié par les prétentions des parties ; il peut ainsi adjuger plus ou moins que demandé à condition de respecter leur droit d’être entendues (ATF 139 V 176 consid. 5.1 et les arrêts cités ; cf. aussi arrêt 9C_496/2022 du 18 juin 2024 consid. 5.1.2).

Consid. 4.2 [résumé]
L’assuré reproche aux juges cantonaux d’avoir déterminé l’objet du litige sur la base d’un examen superficiel et lacunaire de ses écritures, en déclarant irrecevables une partie de ses conclusions, soit celles portant sur la période du 01.06.2015 au 30.04.2016. L’argumentation de l’assuré est mal fondée.

Contrairement à ce qu’allègue l’assuré, les juges cantonaux se sont fondés sur ses propres écritures du 22.12.2020, dans lesquelles il sollicitait le versement de rentes d’invalidité à compter de cette date seulement. Ce n’est que dans ses écritures du 22.05.2023 qu’il a pour la première fois étendu ses prétentions à la période du 01.06.2015 au 30.04.2016. Dès lors, la juridiction cantonale a à juste titre déclaré irrecevables ces conclusions nouvelles, postérieures à la détermination initiale de l’objet du litige. Conformément à la jurisprudence précédemment rappelée (consid. 4.1 supra), c’est en principe la demande de l’assuré du 22.12.2020 qui détermine l’objet du litige et non les écritures qu’il a déposées ultérieurement. Le Tribunal fédéral constate qu’aucune demande relative à des prestations dues avant le 01.05.2016 n’a été formulée dans les écritures du 02.09.2021, contrairement à ce que soutient à tort l’assuré.

Consid. 5 [résumé]
La Caisse de retraite du groupe B.__ est une institution de prévoyance de droit privé pratiquant une prévoyance dite enveloppante, soit couvrant à la fois la part obligatoire et surobligatoire. Ses prestations dépassent celles minimales prévues par la LPP, notamment par un traitement déterminant supérieur au salaire coordonné et un seuil de surindemnisation fixé à 100% du traitement annuel brut. La caisse de pension dispose d’une large liberté dans la définition de son régime, sous réserve du respect des principes d’égalité, de proportionnalité et de non-arbitraire. Elle applique un plan en primauté de cotisations, conformément à la LFLP.

Consid. 6 [résumé]
Les juges cantonaux ont d’abord écarté toute augmentation du salaire assuré, retenant que les cotisations antérieures au 02.09.2016 étaient prescrites et qu’aucun salaire n’avait été versé après le licenciement au 31.12.2015. En conséquence, aucune modification de l’avoir de vieillesse ni des rentes d’invalidité n’était possible. En matière de surindemnisation, ils ont intégré la part variable du salaire et les frais de représentation au gain présumé perdu, estimé à 379’064 fr. 50. Les prestations versées par la Fondation complémentaire n’ont pas été prises en compte, car financées par l’assuré. Constatant que les rentes perçues ne dépassaient pas ce montant, les juges ont nié l’existence d’une surindemnisation et condamné la caisse de pensions à verser 1’375’556 fr. pour 2016–2023, puis 292’788 fr. par an dès 2024.

Consid. 8.1 [résumé]
À la suite de l’instance précédente, on rappellera que, selon l’art. 24 LPP (dans sa version applicable jusqu’au 31 décembre 2021), la rente d’invalidité est calculée sur la base de l’avoir de vieillesse accumulé jusqu’à la survenance de l’invalidité, augmenté des bonifications futures calculées sur le dernier salaire coordonné. Ce salaire correspond à la part du revenu comprise dans une fourchette déterminée, sur laquelle les cotisations LPP sont prélevées et partagées entre employeur et employé.

Consid. 8.2 [résumé]
Selon le règlement de prévoyance 2016 (art. 33) et celui de 2012 (art. 32), la rente complète d’invalidité est obtenue en multipliant l’avoir projeté à la retraite par le taux de conversion. L’avoir projeté inclut l’avoir constitué à la date de l’invalidité, augmenté des bonifications (avec intérêts) qui auraient été versées jusqu’à l’âge ordinaire de retraite si l’assuré était resté en service avec son dernier traitement. Ce dernier, déterminant pour le calcul, a été fixé à 186’804 fr. (170’004 fr. de salaire fixe plus 16’800 fr. d’allocations familiales).

Consid. 8.3
En l’occurrence, le litige concerne une part salariale qui dépasse incontestablement le montant du salaire coordonné prévu à l’art. 8 al. 1 LPP, si bien qu’il relève exclusivement de la prévoyance plus étendue (cf. ATF 140 V 145 consid. 3). S’agissant d’une contestation opposant un affilié à une institution de prévoyance de droit privé, les parties sont liées par un contrat innommé (sui generis) dit de prévoyance. Le règlement de prévoyance constitue le contenu préformé de ce contrat, à savoir ses conditions générales, auxquelles l’assuré se soumet expressément ou par actes concluants. Il doit ainsi être interprété selon les règles générales sur l’interprétation des contrats (ATF 140 V 145 consid. 3.3 et les arrêts cités).

Consid. 8.4.1
Dans la mesure où la rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle est calculée en fonction d’un avoir de vieillesse hypothétique, qui se compose de l’avoir de vieillesse déjà épargné par l’assuré jusqu’à la survenance de l’invalidité et des bonifications de vieillesse qui s’y seraient ajoutées en cas de poursuite du travail jusqu’à l’âge ordinaire de la retraite (cf. règlement de prévoyance ; s’agissant de la prévoyance obligatoire, art. 24 al. 2-4 LPP; consid. 8.1 et 8.2 supra), il est en l’occurrence nécessaire de connaître le montant du salaire assuré de l’assuré au titre de la prévoyance professionnelle auprès de la Caisse de retraite du groupe B.__. Les bonifications de vieillesse afférentes aux années futures sont en effet calculées sur la base du dernier traitement cotisant. L’argumentation de l’assuré, selon laquelle la juridiction cantonale devait déterminer le montant de son salaire assuré auprès de la caisse de pensions, indépendamment du point de savoir si les prétentions qu’il avait faites valoir à l’encontre de son ex-employeuse étaient ou non prescrites, est dès lors bien fondée. Certes, si la détermination de l’avoir de vieillesse constitué au jour de la reconnaissance de l’invalidité peut théoriquement se heurter à une hypothétique prescription (que la juridiction cantonale a admise et que l’assuré conteste) – dès lors que le montant de l’avoir de vieillesse dépend du caractère recouvrable ou non de créances de cotisations échues -, le calcul de la part de l’avoir de prévoyance projeté correspondant aux bonifications de vieillesse afférentes aux années futures, en revanche, échappe par définition à une quelconque problématique de prescription. Il s’agit en effet d’un aspect qui ne dépend pas du caractère par hypothèse recouvrable ou non de créances de cotisations échues, mais de la détermination, théorique, d’un avoir de prévoyance projeté, donc futur, comme le fait valoir l’assuré.

Consid. 8.4.2
Partant, en considérant que la prescription des cotisations dues par l’ex-employeuse de l’assuré avait pour conséquence que l’avoir de vieillesse et par conséquent le montant des rentes d’invalidité demeuraient inchangés, les juges cantonaux ont violé le droit.

En particulier, la jurisprudence à laquelle ils se sont référés, à savoir l’ATF 140 V 154 consid. 7.3, n’est pas applicable au calcul d’une rente d’invalidité, comme c’est le cas en l’occurrence. Dans cet arrêt, le Tribunal fédéral a en effet considéré qu’au regard de la relation étroite entre les cotisations et le montant des prestations de vieillesse de la prévoyance obligatoire, on ne saurait admettre le droit à des prestations de vieillesse calculées en fonction de bonifications de vieillesse afférentes à une période d’assurance pendant laquelle des cotisations correspondantes n’ont pas été et ne doivent plus être versées (consid. 7). À cet égard, la rente de vieillesse est calculée en pour-cent de l’avoir de vieillesse acquis par l’assuré au moment où celui-ci atteint l’âge ouvrant le droit à la rente (cf. art. 14 al. 1 LPP, ainsi que, s’agissant du régime mis en place par la caisse de pensions); un avoir de vieillesse hypothétique n’entre dès lors pas en ligne de compte, contrairement à ce qui est le cas pour le calcul d’une rente d’invalidité (cf. art. 24 al. 3 let. b et al. 4 LPP). La notion d’avoir de vieillesse hypothétique (ou « avoir de retraite projeté » selon le règlement de prévoyance) n’a de sens, en effet, que si le cas d’assurance (décès ou invalidité) survient avant l’âge terme de la vieillesse. Dans un tel cas, on prend en compte la période future pendant laquelle l’assuré et son employeur n’ont pas été en mesure de verser des cotisations (voir par analogie, en matière de prévoyance obligatoire, l’art. 24 al. 3 let. b LPP [relatif au montant de la rente d’invalidité], auquel renvoie l’art. 21 al. 1 LPP [relatif au montant de la rente de veuve et de la rente d’orphelin]; cf. arrêt B 51/02 du 13 septembre 2002 consid. 2.4).

Consid. 8.5
Compte tenu de ce qui précède, la cause doit être renvoyée aux juges cantonaux afin qu’ils examinent le montant du salaire assuré de l’assuré au titre de la prévoyance professionnelle auprès de la caisse de pensions, singulièrement le point de savoir si, et le cas échéant dans quelle mesure, la part variable de la rémunération et les frais de représentation doivent être inclus dans le salaire assuré du prénommé. Ce n’est qu’ultérieurement qu’ils pourront statuer sur le montant du gain présumé perdu de l’assuré, en relation avec la question d’une éventuelle surindemnisation. Il convient dès lors d’admettre partiellement le recours de l’assuré (cause 9C_84/2024), dans la mesure où la cause n’est pas en état d’être jugée et nécessite un renvoi à l’instance précédente; l’arrêt entrepris doit être annulé en conséquence. Dans cette mesure, la conclusion subsidiaire de la caisse de pensions en renvoi de la cause à la juridiction précédente pour nouvelle décision ou complément d’instruction (cause 9C_92/2024) se révèle bien fondée.

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré.

 

Arrêt 9C_84/2024+9C_92/2024 consultable ici

 

9C_645/2024 (f) du 16.04.2025 – Tribunal arbitral des assurances / 89 LAMal – Garantie d’un juge indépendant et impartial – Récusation du juge arbitre désigné / 30 al. 1 Cst. – 6 par. 1 CEDH

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_645/2024 (f) du 16.04.2025

 

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Tribunal arbitral des assurances / 89 LAMal

Garantie d’un juge indépendant et impartial – Récusation du juge arbitre désigné / 30 al. 1 Cst. – 6 par. 1 CEDH

 

Résumé
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours de A.__ dirigé contre le refus de récusation d’un juge arbitre désigné par une caisse-maladie dans une procédure devant le Tribunal arbitral des assurances. Il a jugé, à la lumière de l’art. 89 al. 4 LAMal et des garanties d’un tribunal impartial prévues par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH, qu’aucune apparence objective de partialité ne résultait ni des anciens rapports professionnels de B.__ avec l’assureur maladie, interrompus depuis près de dix ans, ni de son activité actuelle non dirigeante au sein de santésuisse. Le TF a confirmé que les exigences en matière d’indépendance sont allégées pour les juges arbitres désignés par les parties, dès lors que leur désignation s’inscrit dans une composition paritaire voulue par le législateur.

 

Faits

Le 20.04.2021, trois caisses-maladies ont saisi le Tribunal arbitral d’une demande en réparation d’un dommage dirigée contre A.__. Par la suite, une des caisses-maladies a repris les droits et obligations des deux autres assureurs, lesquels ont été radiés du Registre du commerce à la suite de fusions.

Dans le cadre de la procédure arbitrale, la caisse-maladie a désigné B.__, responsable de formation pour la Suisse romande auprès de santésuisse, en qualité d’arbitre. Le prénommé a accepté sa nomination. A.__ s’y est opposé et a demandé la récusation du juge arbitre désigné. La caisse-maladie a persisté dans son choix.

Par décision du 15.10.2024 (arrêt ATAS/799/2024), la Délégation du Tribunal arbitral des assurances en matière de récusation a rejeté la demande de récusation dans la mesure de sa recevabilité.

 

TF

Consid. 2.2
Selon l’art. 89 al. 1 LAMal, le Tribunal arbitral des assurances est compétent pour juger des litiges entre assureurs et fournisseurs de prestations. Aux termes de l’art. 89 al. 4 LAMal, les cantons fixent la procédure qui doit être simple et rapide; le tribunal arbitral établit avec la collaboration des parties les faits déterminants pour la solution du litige; il administre les preuves nécessaires et les apprécie librement.

Consid. 2.3
Dans le canton de Genève, la procédure applicable devant le Tribunal arbitral des assurances est prévue par les art. 39 ss de la loi d’application de la LAMal (LaLAMal; rs/GE J 3 05). D’après l’art. 45 al. 3 LaLAMal, les dispositions de la loi genevoise sur la procédure administrative (LPA; rs/GE E 5 10) s’appliquent, notamment en ce qui concerne la récusation des membres du tribunal arbitral. Les causes de récusation sont énoncées à l’art. 15A al. 1 LPA. Au-delà des causes de récusation objectives visées aux let. a à e de cette disposition, se récuse le juge qui pourrait être prévenu de toute autre manière, notamment en raison d’un rapport d’amitié ou d’inimitié avec une partie ou son représentant (art. 15A al. 1 let. f LPA).

Consid. 2.4
La garantie d’un juge indépendant et impartial telle qu’elle résulte des art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH – lesquels ont, de ce point de vue, la même portée – permet, indépendamment du droit de procédure (en l’occurrence l’art. 15A al. 1 LPA), de demander la récusation d’un magistrat dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité. Elle vise à éviter que des circonstances extérieures à la cause ne puissent influencer le jugement en faveur ou au détriment d’une partie. Elle n’impose pas la récusation uniquement lorsqu’une prévention effective est établie, car une disposition interne de la part du juge ne peut être prouvée; il suffit que les circonstances donnent l’apparence d’une prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat; cependant, seules les circonstances objectivement constatées doivent être prises en considération, les impressions purement individuelles n’étant pas décisives (ATF 144 I 159 consid. 4.3 et les arrêts cités).

De jurisprudence constante, des liens d’amitié ou une inimitié peuvent créer une apparence objective de partialité à condition qu’ils soient d’une certaine intensité. En revanche, des rapports de voisinage, des études ou des obligations militaires communes ou des contacts réguliers dans un cadre professionnel ne suffisent en principe pas. Plus généralement, pour être à même de trancher un différend avec impartialité, un juge ne doit pas se trouver dans la sphère d’influence des parties (ATF 144 I 159 consid. 4.3 et les arrêts cités).

Consid. 4.1
En ce qui concerne les juges du Tribunal arbitral cantonal, il convient de tenir compte de l’art. 89 al. 4 LAMal. Avec cette disposition, le législateur a voulu laisser la possibilité aux cercles intéressés mentionnés de faire participer au sein des tribunaux arbitraux des personnes de confiance, afin de transmettre les connaissances spécifiques en la matière et faire connaître les aspects particuliers de la branche si bien que les circonstances parlant en faveur ou en défaveur des parties puissent pleinement être prises en considération et être soigneusement appréciées.

Selon la jurisprudence, le droit à un juge impartial vaut certes aussi pour les juges arbitres siégeant aux côtés du président. En raison de leurs liens avec les cercles intéressés, ces juges ne peuvent guère, d’expérience, apparaître comme entièrement indépendants. Il est inhérent au système prévu que les représentants désignés par les parties vont avant tout essayer de s’engager pour que les prétentions et les besoins de leur cercle d’intérêts soient pris en considération dans un procès, en raison de leurs relations avec la partie correspondante. De même, ils vont sans doute se donner la peine de mettre en évidence les circonstances qui parlent en faveur de la partie impliquée dans le litige. De tels juges arbitres ne sont donc guère indépendants de la même manière que l’est le juge d’un autre tribunal étatique qui n’est pas composé de manière paritaire, ce qui vaut cependant aussi pour la partie adverse. Ceci doit être accepté comme conséquence de la conception de l’art. 89 al. 4 LAMal voulue par le législateur, qui prévoit que deux cercles d’intérêts se font face dans le tribunal arbitral; dans cette mesure, l’indépendance du tribunal arbitral n’est pas seulement garantie par l’indépendance individuelle des juges arbitres mais également par la composition paritaire. En conséquence, pour les juges arbitres désignés par les parties, il n’y a pas lieu de poser les mêmes exigences sévères à leur indépendance que pour les autres juges (ATF 124 V 22 consid. 5a; arrêt 9C_535/2021 du 13 mai 2022 consid. 2.3; REGINA KIENER, Richterliche Unabhängigkeit Verfassungsrechgliche Anforderungen an Richter und Gerichte, 2001, p. 117 ss).

La participation paritaire ne constitue cependant pas une défense unilatérale des intérêts d’une partie au procès. Le juge arbitre ne peut se voir comme l’avocat d’une partie revêtu de la robe du juge et défendre unilatéralement les seuls intérêts de la partie qui lui est proche du point de vue professionnel. La partialité, et donc l’obligation de se récuser, doivent toujours être admises lorsque le juge arbitre exerce des fonctions auprès d’une des parties impliquées dans le procès. Pour des motifs compréhensibles, la partie adverse peut avoir l’impression qu’un tel juge arbitre a un intérêt direct à ce que cette partie obtienne gain de cause. Ceci vaut pour les organes mais de manière identique pour chaque fonctionnaire ou collaborateur (RAMA 1997 n° KV 14 p. 309 consid. 5b [arrêt K 49/97 du 31 juillet 1997], et les références aux ATF 114 V 292 et ATF 115 V 257). Selon la jurisprudence (voir l’aperçu dans l’arrêt K 29/04 du 29 juillet 2004 consid. 2.3), l’obligation de récusation est régulièrement admise pour des personnes qui sont des membres dirigeants d’une association d’assureurs ou d’une organisation de fournisseurs de prestations (arrêts 9C_535/2021 du 13 mai 2022 consid. 2.3; 9C_149/2007 du 4 juin 2007 consid. 4.2 et les références).

Consid. 4.2.1
Tout d’abord, au regard de la jurisprudence sur l’art. 89 al. 4 LAMal rappelée ci-avant (consid. 4.1 supra), l’appréciation de l’instance cantonale peut être partagée en tant qu’elle a admis que l’existence de longs rapports de service avec la caisse-maladie impliquée dans le procès, mais il y a plus de dix ans environ au moment de la désignation du juge arbitre en cause, ne suffisait pas à justifier à elle seule la suspicion de partialité de celui-ci. Vu le nombre d’années écoulées depuis la fin des rapports de travail entre B.__ et la caisse-maladie, le fait que le prénommé avait travaillé longtemps pour l’intimée ne constitue pas un motif de récusation (comp. arrêt K 127/01 du 26 juin 2003 consid. 3.2.1, où une durée de cinq ans et plus depuis la fin des rapports de travail examinés a été jugée suffisante pour nier le devoir de récusation).

Consid. 4.2.2
Ensuite, B.__ est, dans le cadre de ses fonctions au sein de santésuisse, amené à entretenir des contacts réguliers avec des responsables de formation, intervenants et experts actifs au sein du groupe de la caisse-maladie, dont fait partie l’intimée. On constate par ailleurs que le prénommé n’est pas un organe ou un membre exerçant une fonction dirigeante de santésuisse (dont le but est de préserver et de représenter, en tant qu’association faîtière représentative, les intérêts communs de ses membres ainsi que de s’investir pour la sauvegarde d’une assurance-maladie libérale).

Selon les indications qu’il a données au Tribunal arbitral, B.__ travaille pour le département formation de santésuisse, ce qui le met en contact avec tous les assureurs-maladie soutenant et encourageant la formation de leurs collaboratrices et collaborateurs, « c’est à dire pratiquement tous en Suisse romande ». Or si l’activité du prénommé, qui n’implique pas de fonction au sein de l’organe dirigeant de santésuisse, comprend forcément des contacts et des relations avec les assureurs-maladie faisant appel à santésuisse pour la formation de leurs collaboratrices et collaborateurs, elle n’entraîne pas une proximité qualifiée ou des liens particuliers avec le groupe de la caisse-maladie, puisqu’il s’agit avant tout de coordonner la formation des personnes concernées dans le domaine de l’assurance-invalidité, sans lien avec la stratégie du groupe ou de ses membres à l’égard des fournisseurs de prestations ou avec des dossiers concrets de ceux-ci, singulièrement de la caisse-maladie impliquée dans la présente procédure.

C’est en vain que le recourant soutient à ce sujet que « des liens de fidélité et de confiance particuliers subsistent nécessairement entre un ancien cadre et son ex-employeur pour lequel il a travaillé pendant 20 ans. Ce d’autant qu’en l’occurrence, ces liens sont entretenus par des contacts réguliers ». Ce faisant, il omet que les rapports de travail entre le juge arbitre et la caisse-maladie qui l’a choisi ont pris fin depuis près de dix ans au moment de la désignation et que l’activité exercée depuis lors par B.__ pour santésuisse n’implique pas de liens avec la caisse-maladie tels qu’ils créeraient une apparence de prévention de sa part.

Consid. 4.3
En conséquence de ce qui précède, la décision entreprise ne repose par sur une violation des garanties prévues par les art. 29 al. 1 et 30 Cst., ainsi que l’art. 6 par. 1 CEDH, en lien avec l’art. 89 al. 4 LAMal.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

Arrêt 9C_645/2024 consultable ici

 

8C_686/2024 (f) du 04.04.2025 – Causalité naturelle – Déchirure du ménisque / Avis divergent du médecin-conseil et du chirurgien orthopédique traitant

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_686/2024 (f) du 04.04.2025

 

Consultable ici

 

Causalité naturelle – Déchirure du ménisque / 6 LAA – 36 LAA

Avis divergent du médecin-conseil et du chirurgien orthopédique traitant

 

Assurée, née en 1966 et exerçant comme consultante prévente, qui, le 03.04.2022, s’est tordu la cheville gauche au bas d’un escalier puis est tombée en avant sur les genoux, sur le carrelage.

Une IRM du genou droit réalisée le 12.04.2022 a révélé une fine bursite infra-patellaire superficielle et une déchirure horizontale oblique du ménisque interne. L’IRM du genou gauche du 11.05.2022 n’a mis en évidence aucune lésion traumatique. Le 19.09.2022, le chirurgien orthopédique traitant a pratiqué une arthroscopie du genou droit avec méniscectomie externe partielle, résection de synovite antérieure et antéro-interne puis suture du ménisque interne. Dans son rapport du 16.11.2022, le chirurgien orthopédique a attribué ces lésions à l’accident du 03.04.2022, mentionnant également un antécédent d’arthroscopie du genou gauche en 2010. Dans son avis du 23.12.2022, le médecin-conseil a estimé que l’assurée présentait une déchirure du ménisque dégénérative préexistante. Selon lui, l’assurée avait subi une contusion des genoux – qui n’avait pas provoqué la déchirure du ménisque – et le statu quo sine était atteint à six semaines de l’accident.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis fin au versement des prestations d’assurance avec effet au 15.05.2022, au motif que les troubles qui subsistaient au genou droit n’étaient plus dus à l’accident du 03.04.2022.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2023 170 – consultable ici)

Par jugement du 16.10.2024, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1.1
Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose notamment, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle et adéquate. Dans le domaine de l’assurance-accidents obligatoire, en cas d’atteinte à la santé physique, la causalité adéquate se recoupe largement avec la causalité naturelle, de sorte qu’elle ne joue pratiquement pas de rôle (ATF 123 V 102; 122 V 417; 118 V 286 consid. 3a; 117 V 359 consid. 5d/bb). Un rapport de causalité naturelle doit être admis lorsque le dommage ne se serait pas produit du tout ou ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire que cet événement soit la cause unique, prépondérante ou immédiate de l’atteinte à la santé. Il suffit qu’associé éventuellement à d’autres facteurs, il ait provoqué l’atteinte à la santé, c’est-à-dire qu’il se présente comme la condition sine qua non de cette atteinte (ATF 148 V 356 consid. 3; 148 V 138 consid. 5.1.1; 142 V 435 consid. 1).

Consid. 3.1.2
En vertu de l’art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident. Lorsqu’un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l’assurance-accidents d’allouer des prestations cesse si l’accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état de santé de l’intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n’est pas rétabli, l’assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l’état maladif préexistant, dans la mesure où il s’est manifesté à l’occasion de l’accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les arrêts cités). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 consid. 5.1 in fine; arrêt 8C_675/2023 du 22 mai 2024 consid. 3).

Consid. 3.1.3
Lorsqu’une décision administrative s’appuie exclusivement sur l’appréciation d’un médecin interne à l’assureur social et que l’avis motivé d’un médecin traitant ou d’un expert privé auquel on peut également attribuer un caractère probant laisse subsister des doutes même faibles quant à la fiabilité et la pertinence de cette appréciation, la cause ne saurait être tranchée en se fondant sur l’un ou sur l’autre de ces avis et il y a lieu de mettre en oeuvre une expertise par un médecin indépendant selon la procédure de l’art. 44 LPGA ou une expertise judiciaire (ATF 135 V 465 consid. 4.5 et 4.6).

Consid. 3.2
Dans un arrêt publié aux ATF 146 V 51, le Tribunal fédéral a examiné les répercussions de la modification législative relative aux lésions corporelles assimilées à un accident (art. 6 al. 2 LAA dans sa teneur en vigueur dès le 1 er janvier 2017). Il s’est notamment penché sur la question de savoir quelle disposition était désormais applicable lorsque l’assureur-accidents avait admis l’existence d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA et que l’assuré souffrait d’une lésion corporelle comprise dans la liste de l’art. 6 al. 2 LAA. Le Tribunal fédéral a admis que dans l’hypothèse où une telle lésion est imputable à un accident, l’assureur-accidents doit prendre en charge les suites de la lésion en cause sur la base de l’art. 6 al. 1 LAA, c’est-à-dire jusqu’à ce qu’il soit établi, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’accident ne constitue plus, même très partiellement, la cause naturelle et adéquate de la lésion. En revanche, en l’absence d’un accident au sens de l’art. 4 LPGA, l’assureur-accidents est en principe tenu de verser des prestations pour une lésion corporelle comprise dans la liste de l’art. 6 al. 2 LAA, à moins qu’il ne prouve que cette lésion est due principalement à l’usure ou à une maladie. Cela étant, lorsque l’assureur-accidents fournit la preuve qu’un accident n’est pas une cause, même très partielle, d’une lésion corporelle de la liste et qu’il n’existe par ailleurs pas d’indice qu’un événement survenu après l’accident pourrait constituer une cause possible de cette lésion, la preuve que celle-ci est due de manière prépondérante à l’usure ou à une maladie est par là-même apportée (ATF 146 V 51 consid. 9.1 et 9.2).

Consid. 4.1 [résumé]
La cour cantonale a qualifié l’événement du 03.04.2022 d’accident au sens de l’art. 4 LPGA, point non contesté par les parties, et a admis le lien de causalité entre les contusions aux genoux et cet accident. Elle s’est ensuite penchée sur l’origine traumatique de la déchirure méniscale droite, en s’appuyant sur l’IRM du 12.04.2022, un test de Lachman positif qui révélait, selon les juges cantonaux, une probable rupture (partielle) du ligament croisé antérieur (LCA) confirmée lors de l’arthroscopie du 19.09.2022.

Les juges cantonaux ont retenu que les images IRM et les explications du chirurgien traitant démontraient l’origine accidentelle des lésions (déchirures du ménisque interne/externe et du LCA), malgré des signes dégénératifs chroniques. Ils ont souligné que le chirurgien traitant avait rapidement procédé à une méniscectomie avec suture plutôt que d’avoir recours à un traitement conservateur.

Le tribunal cantonal a encore souligné que le fait que le médecin-conseil mettait en avant des signes dégénératifs préexistants ne suffisait pas à expliquer la déchirure extrêmement complexe de la corne antérieure du ménisque interne et la déchirure partielle du LCA, surtout chez une assurée encore jeune. Sur la base de son évaluation, la cour cantonale a considéré que la déchirure du ménisque du genou droit était due à l’accident. Elle est parvenue à la conclusion que l’assureur-accidents était tenu de verser des prestations au-delà du délai de six semaines.

Consid. 4.3.1
Pour le chirurgien orthopédique traitant – dont les explications sont convaincantes selon la juridiction cantonale -, le traumatisme du 03.04.2022 est à l’origine de la déchirure du ménisque interne du genou droit. Ce spécialiste relève qu’à l’IRM du 12.04.2022 le radiologue n’a, à aucun moment, décrit une lésion dégénérative de ce genou mais uniquement une déchirure méniscale. L’assurée présente une déchirure grave du ménisque interne avec un arrachement de la corne antérieure secondaire à l’accident, sans évidence d’un état antérieur. De surcroît, selon lui, on ne suture pas les ménisques dans le cadre de lésions dégénératives. Le chirurgien énonce également suivre l’assurée depuis octobre 2009, laquelle ne s’est jamais plainte d’un quelconque problème de son genou droit.

Consid. 4.3.2
Selon le médecin-conseil, l’assurée présentait déjà une lésion méniscale du genou droit avant l’événement du 03.04.2022. En effet, l’IRM réalisée le 12.04.2022 mettait en évidence une lésion linéaire, horizontale oblique, soit une lésion dégénérative, qui évolue sur deux à quatre ans. Selon le rapport du radiologue, la contusion du genou n’avait provoqué qu’une fine bursite prépatellaire, sans épanchement, sans lésion ligamentaire ni oedème osseux. Une contusion ne provoquait pas de déchirure méniscale ni de chondropathie. Les images de l’arthroscopie du 19.09.2022 confirmaient également l’état dégénératif du ménisque interne et la chondropathie. Le médecin-conseil a maintenu que la bursite due à la contusion guérissait habituellement en six semaines.

Consid. 4.3.3 [résumé]
En l’état, les opinions du médecin-conseil et du chirurgien traitant divergent quant à l’interprétation des imageries et l’existence d’un état dégénératif préexistant. Le premier fonde son analyse sur sa propre lecture commentée de l’IRM du 12.04.2022 et de l’arthroscopie du 19.09.2022, tandis que le second s’en tient strictement au rapport radiologique initial, soulignant que ni lui ni le médecin-conseil ne sont radiologues.

Le désaccord porte également sur le mécanisme lésionnel : le médecin-conseil exclut qu’un choc direct puisse provoquer une déchirure méniscale, alors que le chirurgien affirme son origine nécessairement traumatique. Ce dernier a toutefois nuancé sa position, en procédure cantonale, en reconnaissant l’incertitude sur le mécanisme exact (choc direct ou rotation) lors de la chute.

Cela étant, la juridiction cantonale ne pouvait, sans autre mesure d’instruction, interpréter elle-même les clichés de l’IRM du 12.04.2022 pour en déduire les signes dégénératifs et les signes traumatiques. Elle ne pouvait par ailleurs se fier sans autre à l’avis du chirurgien orthopédique traitant, dès lors qu’il fait état de considérations juridiques en énonçant que lorsqu’il y a une chute et une déchirure du ménisque, il s’agit toujours d’un accident selon l’art. 6 LAA. Enfin, on rappellera que la manifestation de symptômes douloureux après la survenance d’un accident ne suffit pas, à elle seule, à établir un rapport de causalité naturelle avec l’accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; ATF 142 V 325 consid. 2.3.2.2; 119 V 335 consid. 2b/bb).

Consid. 4.3.4
Les avis contradictoires – et impossibles à départager sans connaissances médicales spécialisées – du médecin-conseil et du chirurgien orthopédique traitant ne permettent pas de se prononcer quant à l’existence d’un lien de causalité naturelle entre la déchirure méniscale du genou droit et l’accident du 03.04.2022. La cause doit être examinée plus en détail, de sorte qu’elle sera renvoyée à l’assurance-accidents pour mise en œuvre d’une expertise auprès d’un spécialiste en chirurgie orthopédique, qui s’adjoindra s’il l’estime nécessaire l’aide d’un spécialiste en radiologie. Il appartiendra à l’expert de déterminer si l’événement du 03.04.2022 est une cause, même très partielle, de la déchirure du ménisque interne du genou droit, au degré de la vraisemblance prépondérante, ou si cette atteinte est exclusivement dégénérative. L’assurance-accidents rendra ensuite une nouvelle décision sur le droit aux prestations de l’assurée au-delà du 15.05.2022. En ce sens, le recours se révèle bien fondé.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et la décision sur opposition.

 

Arrêt 8C_686/2024 consultable ici