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8C_85/2024 (d) du 03.02.2025 – Entretien avec des ravisseurs – Entreprise téméraire absolue justifiant le refus des prestations en espèces / 39 LAA – 50 al. 1 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_85/2024 (d) du 03.02.2025

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

 

Entretien avec des ravisseurs – Entreprise téméraire absolue justifiant le refus des prestations en espèces / 39 LAA – 50 al. 1 OLAA

 

Assuré, né en 1993, a annoncé, par déclaration d’accident du 07.07.2021 et ses réponses du 28.07. 2021, qu’il avait été attaqué au couteau le 22.05.2021, subissant sept blessures par arme blanche. L’assurance-accidents a pris en charge les frais médicaux mais a refusé le versement de prestations en espèces, invoquant les documents obtenus auprès du Ministère public et concluant à l’existence d’une entreprise téméraire absolue.

 

Procédure cantonale (arrêt UV.2023.00024 – consultable ici)

Par jugement du 13.12.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3
Le tribunal cantonal a correctement exposé les dispositions et les principes relatifs à la réduction ou au refus des prestations en espèces pour les accidents non professionnels en cas d’entreprises téméraires absolues (art. 39 LAA, art. 50 al. 1 OLAA ; ATF 141 V 216 consid. 2 ; 141 V 37 consid. 2.3). Il y est fait référence.

Il convient de souligner que, dans la pratique, il existe deux cas de figure dans lesquels on peut parler d’entreprise téméraire absolue : d’une part, lorsqu’une action est associée à des dangers qui ne peuvent être réduits à un niveau raisonnable, indépendamment des circonstances concrètes, en raison de circonstances objectives. D’autre part, pour des raisons objectives, on peut également reconnaître une entreprise téméraire absolue s’il manque le caractère digne de protection d’une action (SVR 2007 UV n° 4 p. 10, U 122/06 consid. 2.1). Le caractère digne de protection peut généralement être reconnu dans le cadre d’activités sportives (par exemple l’alpinisme et l’escalade, ATF 97 V 72 consid. 3, ou le canyoning, ATF 125 V 312 consid. 3a), sous réserve toutefois des sports particulièrement dangereux (voir ATF 141 V 37 consid. 4 et les références : par exemple les compétitions de boxe [thaïlandaise], mais aussi les courses de côte en voiture et les courses de moto ou de motocross).

Une entreprise téméraire peut être qualifié de cas particulièrement grave, justifiant un refus total des prestations en espèces, en cas de faute grave ou de motifs subjectifs particuliers de l’assuré, ou encore en présence d’un danger particulièrement grave (SZS 2013 p. 172, 8C_504/2007 consid. 7.2 ; arrêt 8C_683/2010 du 5 novembre 2010 consid. 7).

Consid. 4.1
Selon le tribunal cantonal, un cousin d’une connaissance de l’assuré avait été enlevé et une rançon avait été exigée. Les ravisseurs avaient menacé de s’en prendre à l’otage si la rançon n’était pas remise ou si la police était contactée. Bien qu’il ait supposé que cela pourrait poser problème, l’assuré s’est rendu avec sa connaissance et un autre proche en véhicule à un lieu de rendez-vous pour parler aux ravisseurs et libérer la personne enlevée. Immédiatement après être sorti du véhicule, l’assuré avait été attaqué par plusieurs individus et gravement blessé par des coups de couteau. A l’instar de l’assurance-accidents, le tribunal cantonal a qualifié le comportement de l’assuré d’entreprise téméraire absolue dans un cas particulièrement grave.

Consid. 4.3
L’assuré n’est pas en mesure de démontrer que le tribunal cantonal a violé le droit fédéral en qualifiant l’incident d’entreprise téméraire absolue et, plus précisément, de cas particulièrement grave. La situation constatée par le tribunal cantonal, non contestée par l’assuré à cet égard, doit être considérée comme un danger incontrôlable pour sa propre vie. Le fait que le plaignant ait déclaré qu’il voulait simplement se proposer comme médiateur ne change rien à la situation. En effet, comme il ressort des documents du Ministère public et de la décision sur opposition, le véritable motif de l’enlèvement était un conflit portant sur 10 kg de marijuana ou une somme de CHF 50’000. Se placer dans une telle situation de danger ne peut en aucun cas être considéré comme digne de protection. La conclusion du tribunal cantonal qualifiant les faits d’entreprise téméraire n’est donc pas critiquable.

On ne voit pas non plus en quoi le tribunal cantonal a violé les principes à respecter ici, en partant d’un danger particulier et d’une faute particulière compte tenu des circonstances. Cela peut être évalué en détail indépendamment de la qualification pénale des délits de drogue en question, qui ont peut-être été commis en bande. En outre, le fait qu’une procédure pénale ait été ouverte ou non contre l’assuré lui-même n’est pas pertinent ici. Le tribunal cantonal a notamment considéré que dans le cas d’un enlèvement avec menaces et demande de rançon, il ne fallait en aucun cas chercher à discuter personnellement avec les ravisseurs, mais qu’il fallait alerter la police, d’autant plus que, contrairement à ce que l’assuré avait affirmé, il ne fallait pas partir du principe que les ravisseurs étaient des enfants et des adolescents inoffensifs, mais plutôt s’attendre à des criminels dotés d’une grande énergie criminelle et n’hésitant pas à recourir à la violence.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_85/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_85/2024 (d) du 03.02.2025, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2025/03/8c_85-2024)

8C_290/2024 (f) du 31.01.2025 – Opposition par un mandataire – Procuration et représentation – Examen du formalisme excessif

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_290/2024 (f) du 31.01.2025

 

Consultable ici

 

Opposition par un mandataire – Procuration et représentation – Examen du formalisme excessif / 52 LPGA – 10 OPGA – 29 al. 1 Cst.

 

Le 10.11.2022, l’assurance-accidents a adressé à A.__ Sàrl une décision-facture après révision de 129’923 fr. 65. Ce montant correspondait aux primes d’assurance contre les accidents professionnels et non professionnels du personnel emprunté par A.__ Sàrl, que l’assurance-accidents considérait comme dépendant de cette société.

Le 25.11.2022, B., représentant A. Sàrl « dans les litiges », a rencontré deux collaborateurs de l’assurance-accidents pour obtenir des explications sur la décision-facture. Lors de cet entretien, il a été informé que la seule option était de faire opposition à la facture et de prouver les faits. B.__ a formé opposition le 28.11.2022, en joignant une procuration l’autorisant à « avoir accès à tout document officiel concernant leur comptabilité générale ainsi que tout document extra en prévoyance de l’expertise commerciale qui a été ordonnée par la société précitée ». Par courrier A Plus du 01.12.2022, l’assurance-accidents a imparti à B.__ un délai au 16.12.2022 pour attester ses pouvoirs au moyen d’une procuration impliquant expressément le pouvoir de former opposition, en précisant que, à défaut de production dans le délai imparti, l’opposition serait considérée comme irrecevable. Selon les informations de suivi des envois fournies par la poste, ledit courrier a été distribué le 02.12.2022 à 10 heures 11 (mention « zugestellt durch », sans autre précision).

Par décision sur opposition du 03.01.2023, l’assurance-accidents a déclaré irrecevable l’opposition du 28.11.2022 au motif que la procuration demandée n’avait pas été remise dans le délai imparti. Par courriers des 04.01.2023 et 16.01.2023, B.__ a produit la procuration requise et a demandé que l’opposition soit prise en considération, au motif qu’il n’avait jamais reçu le courrier du 01.12.2022.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2023 22 – consultable ici)

Le 02.02.2023, représentée par son avocat, A.__ Sàrl a déposé un recours contre la décision sur opposition du 03.01.2023 en concluant à son annulation. Par arrêt du 11.04.2024, le tribunal cantonal a admis le recours et renvoyé la cause à la l’assurance-accidents pour nouvelle décision.

 

TF

Consid. 4.1 [résumé]
Sans se prononcer sur la présence d’éventuels indices concrets d’une erreur de distribution du courrier A Plus, le tribunal cantonal a estimé que l’opposition du 28.11.2022 avait été déposée au nom de A.__ Sàrl, malgré l’absence de procuration spécifique. Cette conclusion se base sur plusieurs éléments : l’assurance-accidents avait adressé son courrier uniquement à B.__, reconnaissant implicitement sa qualité de représentant ; lors de l’entretien préalable, les collaborateurs de l’assurance-accidents n’avaient pas remis en question les pouvoirs de B.__ ; dans une procédure parallèle, la caisse de compensation avait également demandé une procuration spécifique à B.__, mais par pli recommandé et avec copie à A.__ Sàrl. La cour cantonale a souligné que l’assurance-accidents aurait pu se renseigner auprès de la caisse de compensation concernant la procuration avant de déclarer l’opposition irrecevable, étant donné la coordination entre les deux entités.

Consid. 4.2 [résumé]
Le tribunal cantonal a relevé que la volonté de A.__ Sàrl de faire opposition était évidente, comme en témoigne un entretien téléphonique du 07.12.2022 avec l’assurance-accidents, où la société avait demandé de suspendre la facture pendant la procédure d’opposition. Les juges cantonaux ont constaté un manque de communication interne à l’assurance-accidents entre les gestionnaires du dossier, qui n’avaient jamais remis en cause le pouvoir de représentation de B.__, et la juriste chargée de traiter l’opposition, qui avait constaté l’insuffisance de la procuration. Le tribunal cantonal a conclu que ce dysfonctionnement interne de l’assurance-accidents, considéré comme contraire à la bonne foi et constituant un formalisme excessif, ne devait pas être imputé à A.__ Sàrl.

Consid. 5.1
Il y a formalisme excessif (constitutif d’un déni de justice formel prohibé par l’art. 29 al. 1 Cst.) lorsque la stricte application des règles de procédure ne se justifie par aucun intérêt digne de protection, devient une fin en soi et complique de manière insoutenable la réalisation du droit matériel ou entrave de manière inadmissible l’accès aux tribunaux (ATF 149 IV 9 consid. 7.2; 149 III 12 consid. 3.3.1; 145 I 201 consid. 4.2.1; 142 V 152 consid. 4.2; 142 IV 299 consid. 1.3.2). Les limitations appliquées au droit d’accès à un tribunal, notamment en ce qui concerne les conditions de recevabilité d’un recours, ne doivent pas restreindre l’accès ouvert à l’individu d’une manière ou à un point tel que le droit s’en trouve atteint dans sa substance même. En outre, les limitations considérées ne se concilient avec l’art. 6 par. 1 CEDH que si elles poursuivent un but légitime et s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. En ce sens, si le droit d’exercer un recours est bien entendu soumis à des conditions légales, les tribunaux doivent, en appliquant des règles de procédure, éviter à la fois un excès de formalisme qui porterait atteinte à l’équité de la procédure et une souplesse excessive qui aboutirait à supprimer les conditions de procédures établies par la loi (ATF 149 IV 9 consid. 7.2).

Consid. 5.3.1
 Contrairement à l’avis des juges cantonaux, l’assurance-accidents était en droit d’exiger une procuration écrite du mandataire de A.__ Sàrl, conformément à l’art. 37 al. 2 LPGA (cf. ATF 104 Ia 403 consid. 4e; arrêts 9C_533/2022 du 10 février 2023 consid. 5.2; 6B_388/2022 du 8 mai 2023 consid. 2.3; 2C_545/2021 du 10 août 2021 consid. 2.1; 5A_561/2016 du 22 septembre 2016 consid. 3.3; 2C_55/2014 du 6 juin 2014 consid. 5.3.1). Pour autant que cette exigence de procuration ait été valablement notifiée, l’assurance-accidents était également en droit de s’en tenir à cette exigence en dépit de l’appel téléphonique du 07.12.2022 lors duquel la procédure d’opposition a été directement évoquée avec A.__ Sàrl. Il n’y a pas lieu d’y voir un formalisme excessif. Par ailleurs, le fait que des collaborateurs de l’assurance-accidents se soient entretenus auparavant avec B.__ ou aient échangé avec A.__ Sàrl n’y change rien. Même en admettant que l’assurance-accidents avait connaissance de la volonté de A.__ Sàrl de former opposition, elle était tout de même en droit d’exiger une procuration écrite de son mandataire. Le recours doit être admis sur ce point.

Consid. 5.3.2
Les juges cantonaux ont laissé ouverte la question de savoir si la preuve de la notification de la demande de procuration écrite avait été rapportée. Il s’agissait toutefois d’une question décisive pour se prononcer sur le recours dont ils étaient saisis, étant donné qu’aucun formalisme excessif ne pouvait être reproché à l’assurance-accidents. En l’espèce, le Tribunal fédéral est tenu de statuer sur la base des faits établis par l’autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF; cf. consid. 2.1 supra), ce qui rend nécessaire un renvoi de la cause à la cour cantonale pour qu’elle se prononce sur cet aspect.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_290/2024 consultable ici

 

8C_495/2024 (f) du 07.01.2025 – Restitution de prestations complémentaires indûment versées / Demande de remise rejetée – Bonne foi niée – Bien immobilier à l’étranger non déclaré

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_495/2024 (f) du 07.01.2025

 

Consultable ici

 

Restitution de prestations complémentaires indûment versées / 25 LPGA – 4 OPGA

Demande de remise rejetée – Bonne foi niée – Bien immobilier à l’étranger non déclaré

 

Par décision sur opposition du 15.02.2019, la caisse de compensation AVS (ci-après: la caisse) a requis de l’assurée la restitution d’un montant de 6’218 fr. pour des prestations complémentaires indûment versées entre le 01.09.2012 et le 31.03.2018. Cette décision faisait suite à un nouveau calcul (rétroactif) des prestations complémentaires, qui tenait compte de la valeur locative d’un bien immobilier à l’étranger dont l’assurée était propriétaire depuis plus de 40 ans, sans en avoir annoncé l’existence à la caisse avant 2017. Après un premier jugement annulant cette décision, la caisse a émis une nouvelle décision réclamant 32’968 fr.

Les parties ont conclu une transaction en juillet 2021, validée par le tribunal cantonal le 24.09.2021. Cette transaction prévoyait que la caisse renonçait à l’augmentation du montant réclamé, que la décision initiale de 6’218 fr. était considérée comme entrée en force, et que l’assurée pouvait demander une remise de dette.

L’assurée a demandé la remise de sa dette de 6’218 fr. en invoquant sa bonne foi et sa situation financière précaire. La caisse a rejeté cette demande de remise par décision du 20.12.2021, confirmée sur opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt PC 31/22 – 33/2024)

Par jugement du 04.07.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4 [résumé]
La juge cantonale a rejeté l’argument de bonne foi de l’assurée, qui affirmait avoir cru, sur les conseils d’une ancienne assistante sociale, que son modeste appartement à l’étranger n’affecterait pas ses prestations complémentaires. À cet égard, elle a retenu qu’il n’appartenait pas à l’assurée d’estimer si elle devait ou non annoncer son bien immobilier compte tenu de sa valeur fiscale et/ou locative. L’instance cantonale a estimé que l’assurée ne pouvait ignorer l’importance de déclarer un tel bien, ayant explicitement coché « non » sur un formulaire demandant si elle possédait un bien immobilier à l’étranger. Cette omission a été jugée comme une négligence suffisamment grave pour exclure la bonne foi.

La cour cantonale a considéré que ni la méconnaissance du français, ni le manque de connaissances juridiques, ni l’âge ou l’état de santé de l’assurée ne justifiaient cette omission. La signature du formulaire impliquait une compréhension de son contenu et des obligations associées.

Les arguments de l’assurée concernant un montant à restituer trop élevé et l’absence de dommage pour la caisse ont été écartés. La cour cantonale a également refusé, par appréciation anticipée des preuves, la demande d’audition de l’assurée et de témoins, notamment l’ancienne assistante sociale mentionnée.

Consid. 6.1
L’assurée soutient qu’en application de l’art. 25 al. 2 LPGA, la créance en restitution de la caisse de compensation serait périmée, de sorte qu’elle ne serait plus débitrice du montant litigieux.

Consid. 6.2
Cette critique est mal fondée. L’art. 25 al. 2 LPGA règle exclusivement l’extinction du droit de demander la restitution de prestations indûment perçues. Cette disposition ne concerne pas l’exécution de la décision en restitution, pour laquelle est prévu un délai de péremption de cinq ans dès l’entrée en force de celle-ci, ce délai ne commençant à courir, lorsqu’une demande de remise est déposée, que lorsque la décision de rejet est entrée en force (arrêt 8C_129/2015 du 13 juillet 2015 consid. 2.2 et les arrêts cités). En l’espèce, la décision de restitution du 15.02.2019 est entrée en force, de sorte que le point de savoir si la caisse de compensation a exigé la restitution des prestations en respectant les délais (relatif et absolu) de l’art. 25 al. 2 LPGA ne peut plus être examiné dans le cadre du présent litige, qui porte uniquement sur la remise de l’obligation de restituer. Par ailleurs, le délai de péremption de cinq ans pour exécuter la décision de restitution n’a pas encore commencé à courir, la décision de rejet de la remise n’étant pas encore entrée en force.

Consid. 7.1 [résumé]
L’assurée soutient que sa bonne foi s’opposerait à la restitution des prestations qu’elle a indûment touchées. Elle expose n’avoir eu à l’époque aucune raison de mettre en doute les explications fournies par une assistante sociale à la retraite qui, de par son métier, s’était fréquemment occupée de personnes percevant des prestations complémentaires. Cette ancienne assistante sociale, pour laquelle elle avait effectué quelques travaux de ménage, lui aurait dit qu’en raison de la faible valeur de l’appartement sis à l’étranger, l’annonce de ce bien n’aurait eu aucune incidence sur la décision en matière de prestations complémentaires. Elle-même ne parlant pas bien le français, étant âgée et ne disposant d’aucune connaissance juridique, elle n’aurait pas pu se rendre compte que l’omission d’annoncer le bien en question pouvait conduire à la restitution de prestations.

Consid. 7.2
À raison, l’assurée ne soutient pas que les informations qu’elle a obtenues d’une assistante sociale à la retraite seraient assimilables à des renseignements ou des conseils de l’autorité ou d’un assureur au sens de l’art. 27 LPGA. Elle ne peut donc pas se prévaloir de la jurisprudence selon laquelle un renseignement erroné de l’autorité ou de l’assureur peut, sous certaines conditions, l’obliger à consentir à un administré un avantage auquel il n’aurait pas pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi (cf. ATF 143 V 341 consid. 5.2.1; 131 V 472 consid. 5). En tout état de cause, l’assurée ne s’est pas contentée de taire par omission, jusqu’en 2017, qu’elle était propriétaire d’un bien immobilier à l’étranger; à deux reprises, en 2012 puis en 2016, elle a complété un questionnaire de manière inexacte, en indiquant qu’elle ne détenait pas d’immeubles, de biens-fonds ou de parts de copropriété à l’étranger. Ce faisant, elle a commis une négligence grave excluant sa bonne foi. Son âge, ses difficultés en français et son manque de connaissances juridiques ne permettent pas de retenir une violation légère de son obligation de renseigner. Malgré ces facteurs, elle ne conteste pas avoir en toute conscience et volonté fait une fausse déclaration en certifiant ne pas posséder de bien immobilier à l’étranger, en répondant aux questionnaires en 2012 et 2016. Pour le reste, il convient de renvoyer à la motivation convaincante développée par la juge unique. Le grief de l’assurée s’avère mal fondé.

En considérant que la condition de la bonne foi n’était pas remplie, la juridiction cantonale n’a pas non plus violé l’interdiction de formalisme excessif (sur cette notion, cf. arrêt 8C_622/2023 du 27 mai 2024 consid. 8.2 et les arrêts cités), comme le soutient l’assurée. L’art. 25 al. 1 LPGA et l’art. 4 al. 1 OPGA, qui définissent les conditions matérielles pour que la remise de l’obligation de restituer puisse être accordée, ne sont pas des règles de procédure dont la stricte application peut, selon les cas, constituer un formalisme excessif.

Consid. 8
Il s’ensuit que le recours, manifestement mal fondé, doit être rejeté selon la procédure simplifiée prévue à l’art. 109 al. 2 LTF. L’assurée, qui succombe, a demandé à bénéficier de l’assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l’assistance judiciaire que si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l’échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci apparaissait d’emblée dénué de chances de succès et la requête d’assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. L’assurée doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocate.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 8C_495/2024 consultable ici

 

8C_373/2024 (f) du 18.12.2024 – Suspension du droit à l’indemnité chômage / Assuré ne donnant pas suite à un PET n’ayant pas vérifié le contenu du dossier « indésirables » dans sa boîte de réception

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_373/2024 (f) du 18.12.2024

 

Consultable ici

 

Suspension du droit à l’indemnité chômage / 30 LACI – 45 OACI

Assuré ne donnant pas suite à un PET n’ayant pas vérifié le contenu du dossier « indésirables » dans sa boîte de réception – Simple négligence commise pour la première fois

 

Assuré ayant sollicité l’octroi de prestations de l’assurance-chômage dès le 01.07.2021. Par courriel du 29.11.2021, l’ORP l’a assigné à un programme d’emploi temporaire (PET) auprès de l’institution B.__; il lui était demandé de prendre contact avec l’organisateur de la mesure jusqu’au 02.12.2021. Invité à s’expliquer sur le fait qu’il n’avait pas contacté le responsable de la mesure, l’assuré a déclaré ne pas avoir vu le courriel, mais l’avoir bien reçu après vérification, et a prié l’ORP d’excuser son manquement.

Par décision du 09.05.2022, confirmée sur opposition le 06.06.2023, le Service public de l’emploi (ci-après: SPE) a suspendu le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage pour une durée de 21 jours dès le 03.12.2021. Il lui était reproché une faute de gravité moyenne pour refus de participer à un PET.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2023 137 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont constaté que l’assuré, bien qu’il ait accepté la communication par e-mail avec l’ORP, n’avait pas vérifié sa boîte de réception, ce qui constituait une négligence. Cependant, cette négligence a été jugée comme une simple inattention et non un refus de participer au PET. L’assuré a reconnu son erreur, s’est excusé, et a continué à respecter les consignes du chômage. Le montant de remboursement demandé (CHF 3’760) était jugé disproportionné pour une première négligence. La faute a été qualifiée de légère, et la suspension a été réduite à trois jours.

Par jugement du 23.05.2024, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, réduisant la durée de la suspension à trois jours.

 

TF

Consid. 4.1
Selon l’art. 30 al. 1 let. d LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente, notamment refuse un travail convenable, ne se présente pas à une mesure de marché du travail ou l’interrompt sans motif valable, ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but.

Consid. 4.2
Selon l’art. 30 al. 3 LACI, la durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage est proportionnelle à la gravité de la faute. En vertu de l’art. 45 al. 3 OACI, elle est de 1 à 15 jours en cas de faute légère (let. a), de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b) et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (let. c).

Consid. 4.3
En tant qu’autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l’intention des organes d’exécution. Quand bien même de telles directives ne sauraient lier les tribunaux, elles constituent un instrument précieux pour ces organes d’exécution lors de la fixation de la sanction et contribuent à une application plus égalitaire dans les différents cantons (ATF 141 V 365 consid. 2.4; arrêt 8C_283/2021 du 25 août 2021 consid. 3.3). Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d’apprécier le comportement de l’assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier de celles qui ont trait au comportement de l’intéressé au regard de ses devoirs généraux d’assuré qui fait valoir son droit à des prestations. Elles pourront le cas échéant aller en dessous du minimum prévu par le barème indicatif (arrêt 8C_756/2020 du 3 août 2021 consid. 3.2.3 et les références). Le barème du SECO prévoit une échelle de suspension notamment en cas de non-observation des instructions de l’autorité cantonale et des offices régionaux de placement (cf. Bulletin LACI IC, ch. D79 3). Une suspension d’une durée de 21 à 25 jours est prévue en cas de non-présentation à un programme d’emploi temporaire (la première fois), la faute étant considérée comme moyenne dans ce cas (D79 3.C1). Une suspension de 3 à 10 jours est prévue en cas de première inobservation d’autres instructions de l’autorité cantonale ou des ORP (p. ex. demandes de documents, rendez-vous avec le conseiller en orientation professionnelle, etc.), la faute étant alors considérée comme légère (D79 3.B1).

Consid. 4.4
La quotité de la suspension du droit à l’indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du Tribunal fédéral uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci. Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de proportionnalité (ATF 143 V 369 consid. 5.4.1; 141 V 365 consid. 1.2; 137 V 71 consid. 5.1).

Consid. 4.5
Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance n’est pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité a adoptée dans le cas concret, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut toutefois pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration. Il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2; arrêt 8C_214/2020 du 18 février 2021 consid. 3.4).

Consid. 7.1
En l’espèce, il est constant que l’assuré n’a, certes, pas donné suite à l’assignation qui lui avait été envoyée par courrier électronique dans les trois jours qui lui avaient été impartis à cet effet. Il n’a pas vérifié le contenu du dossier « indésirables » dans sa boîte de réception, ce qui constitue effectivement une négligence. Les juges cantonaux ont toutefois considéré que cette erreur, aussitôt reconnue par l’assuré, ne traduisait aucune volonté de sa part de se soustraire à la mesure en question, à laquelle il avait d’ailleurs finalement participé. En l’absence de volonté de se soustraire à la mesure d’emploi temporaire – le SPE ne démontre pas que cette constatation serait manifestement erronée -, les juges cantonaux n’ont pas excédé ni abusé de leur pouvoir d’appréciation en fixant à trois jours la durée de la suspension prononcée.

Dans ce contexte, le point de savoir si l’assuré a commis ultérieurement, en janvier 2022, une autre faute pour laquelle il a été sanctionné, ce qui n’a pas été constaté dans la décision sur opposition du 06.06.2023 ni allégué devant la juridiction cantonale, n’est pas déterminant. On notera qu’antérieurement à l’assignation litigieuse, les postulations accomplies n’ont pas été jugées insuffisantes et que l’assuré a retrouvé un emploi en mars 2022 en tant qu’agent d’exploitation. Enfin, contrairement à ce que soutient le SPE, les juges cantonaux n’ont pas requalifié le comportement de l’assuré en raison du montant exigé en restitution. S’ils ont certes mentionné que la suspension de 21 jours, correspondant au montant de 3’760 fr., apparaissait disproportionnée eu égard à la simple négligence commise pour la première fois, ils ont rappelé, à juste titre, que la situation financière d’un assuré ne constituait pas une condition pour apprécier la durée de la suspension (arrêt 8C_675/2014 du 12 décembre 2014 consid. 5.4; arrêt C 128/04 du 20 septembre 2005 consid. 2.3).

Consid. 7.2
Vu ce qui précède, la réduction de la durée de suspension du droit à l’indemnité de chômage opérée en conséquence n’excède pas les limites du pouvoir d’appréciation de la juridiction cantonale. La durée de la suspension de trois jours ne s’écarte ni du barème des suspensions de l’art. 45 al. 3 let. a OACI ni du barème (indicatif) adopté par le SECO (trois à dix jours en cas d’inobservation d’autres instructions de l’ORP; cf. consid. 4.3 supra). La cour cantonale s’est prononcée en tenant compte des circonstances du cas concret, sans que l’on puisse lui faire grief d’avoir abusé de son pouvoir d’appréciation.

 

Le TF rejette le recours du Service public de l’emploi.

 

Arrêt 8C_373/2024 consultable ici

 

8C_394/2024 (f) du 07.01.2025 – Stabilisation de l’état de santé et amélioration sensible de l’état de santé / TCC sévère sans preuve d’un déficit fonctionnel organique – Causalité adéquate / Passagère d’un véhicule entrant en collision avec un véhicule à l’arrêt

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_394/2024 (f) du 07.01.2025

 

Consultable ici

 

Stabilisation de l’état de santé et amélioration sensible de l’état de santé / 19 al. 1 LAA

TCC sévère sans preuve d’un déficit fonctionnel organique – Causalité adéquate selon 134 V 109 / 6 LAA

Passagère d’un véhicule en mouvement entrant en collision avec un véhicule à l’arrêt – Examen des forces générées par l’accident et non les conséquences qui en résultent – Gravité moyenne stricto sensu

Critères des circonstances concomitantes et de l’importance de l’incapacité de travail en dépit d’efforts reconnaissables niés

Critère de la gravité ou la nature particulière des lésions physiques laissé indécis

 

L’assurée, née en 1993, a été victime d’un grave accident de la circulation le 18.11.2012, alors qu’elle travaillait comme serveuse. L’accident a causé un traumatisme crânio-cérébral sévère, nécessitant une intervention chirurgicale immédiate (double opération maxillo-faciale et neurochirurgicale). Dans les suites de l’accident, des examens neuropsychologiques ont notamment mis en exergue des céphalées, une douleur psychique liée aux séquelles de l’accident (cicatrices sur le visage et le crâne), des troubles de la mémoire et de la concentration, un ralentissement cognitif, de l’apathie et de la fatigue.

L’assurance-accidents a pris en charge les suites de l’accident, avec une réduction de 10% de l’indemnité journalière en raison du non-port de la ceinture de sécurité. Une expertise pluridisciplinaire a été réalisée par la clinique C.__ en 2016. Sur cette base, l’assurance-accidents a octroyé à l’assurée une rente d’invalidité de 10% à partir du 01.11.2016 et une IPAI de 20%.

Le 16.04.2018, l’assurée a sollicité la révision de la décision du 29.12.2016, au motif que la clinique C.__ s’était vu retirer son autorisation d’exploiter. L’assurance-accidents a rejeté cette demande. Dans le cadre d’une procédure parallèle avec l’assurance-invalidité, une nouvelle expertise a été réalisée par le CEMed en 2019. Malgré cette nouvelle expertise, l’assurance-accidents a maintenu sa décision initiale le 30.08.2022, estimant que les conditions d’une révision procédurale étaient réunies mais que le contenu de la décision ne nécessitait pas de modification (décision sur opposition du 30.08.2022).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/384/2024 – consultable ici)

Par jugement du 29.05.2024, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition attaquée et la décision du 29.12.2016 « au sens des considérants », renvoyé la cause à l’assurance-accidents en vue du versement des indemnités journalières à 50% du 01.11.2016 au 31.10.2019 et alloué à l’assurée une rente fondée sur un taux d’invalidité de 16% à compter du 01.11.2019.

 

TF

Consid. 4
Les juges cantonaux ont relevé que l’expertise de la clinique C.__, sur laquelle l’assurance-accidents s’était fondée en 2016, avait été réalisée à une époque où le responsable médical du « département expertise » modifiait illicitement le contenu des rapports. Par conséquent, cette expertise n’avait aucune valeur probante et ne pouvait pas servir de fondement à une décision de l’assurance-accidents. Il s’agissait là d’un fait nouveau et important au sens de l’art. 53 al. 1 LPGA et la demande de révision avait été formée en temps utile, de sorte que les conditions d’une révision procédurale de la décision du 29.12.2016 étaient données. L’assurance-accidents ne conteste pas, à juste titre, cet aspect du jugement entrepris.

Consid. 6.1 [stabilisation de l’état de santé]
Selon l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme (première phrase); le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (seconde phrase). Il appartient ainsi à l’assureur-accidents de clore le cas en mettant fin aux frais de traitement ainsi qu’aux indemnités journalières, et en examinant le droit à une rente d’invalidité et à une IPAI (ATF 144 V 354 consid. 4.1; 143 V 148 consid. 3.1.1; 134 V 109 consid. 4.1). L’amélioration de l’état de santé se détermine notamment en fonction de l’augmentation ou de la récupération probable de la capacité de travail réduite par l’accident. L’utilisation du terme « sensible » par le législateur montre que l’amélioration que doit amener une poursuite du traitement médical doit être significative. Ni la possibilité lointaine d’un résultat positif de la poursuite d’un traitement médical, ni un progrès thérapeutique mineur à attendre de nouvelles mesures – comme une cure thermale – ne donnent droit à sa mise en œuvre. Il ne suffit pas non plus qu’un traitement physiothérapeutique puisse éventuellement être bénéfique pour la personne assurée (arrêt 8C_176/2023 du 6 décembre 2023 consid. 3 et les arrêts cités).

Consid. 6.2 [résumé]
En l’espèce, le tribunal cantonal a examiné l’évolution de la capacité de travail de l’assurée selon les experts du CEMed. Ils ont constaté une pleine capacité de travail avec une diminution de rendement de 20% à partir d’octobre 2019. Avant cette date, la capacité de travail était de 50% depuis juin 2016, et nulle auparavant. Bien que le traitement médical après 2016 n’ait pas été régulier, le tribunal cantonal a noté que cela était dû à la précarité financière et administrative de l’assurée, plutôt qu’à un manque de nécessité du traitement. Un rapport de l’Hôpital B.__ de 2016 avait recommandé un suivi psychique, et l’assurée avait eu des consultations dans ce domaine en 2018. Les experts du CEMed ont observé une amélioration significative de l’état de santé entre 2016 et octobre 2019, conduisant à une augmentation notable de la capacité de travail. Sur la base de ces éléments, le tribunal a conclu que l’état de santé de l’assurée pouvait être considéré comme stabilisé en octobre 2019.

Consid. 6.3 [résumé]
L’assurance-accidents conteste la date de stabilisation de l’état de santé de l’assurée fixée par le tribunal cantonal. Selon l’avis du médecin du Service médical régional (SMR) de l’assurance-invalidité, en 2016, l’assurée avait déjà une capacité de travail totale avec une baisse de rendement de 20%. La comparaison des bilans neuropsychologiques de 2016 et 2019 ne montre que peu de changements, voire une légère amélioration en 2019. Les experts du CEMed ont initialement fixé le début de la pleine capacité de travail (avec 20% de diminution de rendement) à avril 2016, avant de le reporter à octobre 2019 dans un rapport ultérieur, sans fournir d’explication claire pour ce revirement. Selon l’assurance-accidents, la date de stabilisation de l’état de santé aurait dû être fixée à avril 2016, voire à 2013.

Consid. 6.4.1
Dans leur rapport d’expertise du 24.10.2019, les experts du CEMed ne se sont pas prononcés sur le moment à partir duquel l’assurée disposait d’une pleine capacité de travail, avec une baisse de rendement de 20%, dans une activité adaptée à ses troubles neuropsychologiques. Dans leur premier rapport complémentaire du 02.12.2019, ils ont exposé que ces troubles étaient superposables avec ceux observés par leurs confrères de la clinique C.__ en 2016, de sorte que l’activité en question était exigible au taux décrit depuis le 05.04.2016. Appelés une nouvelle fois à s’exprimer sur le sujet, les experts du CEMed ont finalement considéré que l’assurée bénéficiait d’une capacité de travail totale, avec une diminution de rendement de 20%, uniquement à compter d’octobre 2019. Pour arriver à cette conclusion, ils ont comparé les résultats de l’examen neuropsychologique de l’Hôpital B.__ du 21.04.2016 et ceux de leur propre expertise du 24.10.2019. Ils ont constaté une « évolution positive dans certains domaines » entre ces deux examens. En 2016, une fatigabilité relativement élevée et des céphalées étaient relevées. L’assurée n’exerçait aucune activité rémunérée ou non. En 2019, les céphalées n’étaient qu’occasionnelles, l’assurée ne se plaignait plus de fatigue et elle effectuait des gardes d’enfants dans une famille. Il y avait en outre une amélioration au niveau des fonctions exécutives et dans l’apprentissage verbal à long terme.

Consid. 6.4.2
Contrairement à ce qu’ont implicitement retenu les juges cantonaux, les quelques différences entre 2016 et 2019 mises en évidence par les experts du CEMed dans leur évaluation du 15.03.2021 ne sont pas révélatrices d’une amélioration sensible de l’état de santé de l’assurée durant cette période. Les experts n’ont d’ailleurs pas exposé en quoi les évolutions observées auraient concrètement amélioré sa capacité de travail. À vrai dire, ils ne se sont pas exprimés sur l’évolution de la capacité de travail entre 2016 et octobre 2019. Ni leur rapport d’expertise ni leur complément du 15.03.2021 ne contiennent d’éléments médicaux dont on pourrait déduire qu’en 2016, une amélioration sensible de l’état de santé et de la capacité de travail était encore attendue. Ils n’ont notamment pas indiqué quel traitement aurait pu permettre à l’assurée, entre 2016 et 2019, d’améliorer notablement son état de santé. Le fait que l’intéressée se soit rendue à des consultations psychiatriques épisodiques en 2018 ne permet pas encore de retenir qu’elle suivait un traitement régulier dont on pouvait attendre une amélioration notable des troubles neuropsychologiques. Le fait qu’elle ait dû concrètement renoncer à des traitements définis en raison de sa situation financière et administrative précaire n’est nullement étayé.

Consid. 6.4.3
Compte tenu de ce qui précède, c’est à tort que la cour cantonale a fixé la stabilisation de l’état de santé à octobre 2019 sur la base de l’appréciation des experts du CEMed du 15.03.2021. Il convenait bien plutôt de se fonder sur l’évaluation du SMR du 12.04.2021, qui est convaincante et en cohérence avec les données médicales au dossier, en particulier le contenu des différents rapports de neuropsychologie depuis 2012, résumés dans le rapport de l’experte en neuropsychologie. Le grief de l’assurance-accidents est bien fondé et l’assurée ne peut pas prétendre à l’octroi d’indemnités journalières – pas plus qu’au paiement des frais médicaux – au-delà du 31.10.2016.

Consid. 7.2.1 [causalité adéquate]
Selon la jurisprudence, en cas de traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, de traumatisme analogue ou de traumatisme crânio-cérébral sans preuve d’un déficit fonctionnel organique, l’examen de la causalité adéquate se fait sur la base de critères particuliers n’opérant pas de distinction entre les éléments physiques et psychiques des atteintes, lorsque les symptômes attribuables de manière crédible au tableau clinique typique (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.) se trouvent au premier plan (ATF 134 V 109 consid. 10.3; 117 V 359 consid. 6a). Ces critères, dont le Tribunal fédéral a reconnu le caractère exhaustif, sont formulés de la manière suivante (ATF 134 V 109 consid. 10.3) : les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident; la gravité ou la nature particulière des lésions physiques; l’administration prolongée d’un traitement médical spécifique et pénible; l’intensité des douleurs; les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident; les difficultés apparues au cours de la guérison et les complications importantes; l’importance de l’incapacité de travail en dépit des efforts reconnaissables de l’assuré.

Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise. De manière générale, lorsque l’on se trouve en présence d’un accident de gravité moyenne (stricto sensu), il faut un cumul de trois critères sur les sept, ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante (ATF 134 V 109 consid. 10.1 in fine; arrêt 8C_21/2021 du 11 mars 2022 consid. 6.3.3). En revanche, un seul critère peut être suffisant pour admettre l’existence d’une relation de causalité adéquate lorsque l’accident considéré apparaît comme l’un des plus graves de la catégorie intermédiaire, à la limite de la catégorie des accidents graves (ATF 117 V 359 consid. 6b; arrêt 8C_629/2012 du 20 février 2013 consid. 3.3).

Consid. 7.2.2
Un certain degré de sévérité de l’atteinte sous forme d’une contusio cerebri est toutefois nécessaire pour justifier l’application de cette jurisprudence. En présence d’un TCC léger, l’examen d’un lien de causalité adéquate s’effectue en revanche en application de la jurisprudence en matière de troubles psychiques consécutifs à un accident (arrêt 8C_565/2022 du 23 mai 2023 consid. 3.2.3 et les arrêts cités), de même que lorsque l’assuré présente des troubles psychiques qui constituent une atteinte à la santé distincte et indépendante du tableau clinique caractéristique habituellement associé aux traumatismes en cause (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb et les références).

Consid. 7.3.1
S’agissant tout d’abord de la classification de l’accident, il ressort du rapport de police de février 2013 que l’automobiliste – en état d’ébriété et ayant consommé du cannabis – qui conduisait le véhicule dont l’assurée était passagère avait heurté violemment un véhicule à l’arrêt à une signalisation lumineuse. Ce dernier véhicule avait percuté à son tour l’arrière de la voiture qui le précédait. Les images des caméras de surveillance du réseau routier avaient permis de constater que peu avant l’accident, le véhicule dans lequel l’assurée était passagère circulait à grande vitesse, avait franchi une double ligne de sécurité et n’avait pas respecté la signalisation lumineuse, manquant de peu de percuter de face un autre automobiliste. Lors de son audition, le conducteur avait concédé avoir circulé à 60-70 km/h, sans pouvoir l’affirmer exactement. La police avait constaté des traces de ripage de 44 mètres.

Consid. 7.3.2
Le Tribunal fédéral considère régulièrement qu’une collision par l’arrière alors que le véhicule est à l’arrêt devant un feu de signalisation ou un passage pour piétons constitue un accident de gravité moyenne, à la limite des cas de peu de gravité (cf., parmi d’autres, arrêts 8C_259/2022 du 28 novembre 2022 consid. 8.3.2; 8C_582/2021 du 11 janvier 2022 consid. 11.2; 8C_131/2021 du 2 août 2021 consid. 6.2.2; 8C_765/2010 du 7 janvier 2011 consid. 5.1 et les arrêts cités). Il est vrai que ces arrêts concernent des cas dans lesquels la personne assurée se trouvait dans la voiture arrêtée et subissait un choc par l’arrière, alors qu’en l’espèce, l’assurée se trouvait dans le véhicule en mouvement, a été projetée vers l’avant et a subi un choc à la tête entraînant notamment une fracture crânienne frontale gauche. Par ailleurs, le Tribunal fédéral a parfois également admis, dans certaines circonstances, de classer une collision par l’arrière d’un véhicule à l’arrêt dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu (cf. arrêts 8C_21/2021 du 11 mars 2022 consid. 6.3.2; 8C_738/2020 du 3 février 2021 consid. 4.4; 8C_220/2016 du 10 février 2017 consid. 5.2; 8C_541/2007 du 1er juillet 2008 consid. 4).

Consid. 7.3.3
En l’espèce, la vitesse à laquelle le véhicule qui transportait l’assurée a heurté un autre véhicule à l’arrêt n’est pas précisément établie, la vitesse de 60 à 70 km/h ne reposant que sur la propre estimation du conducteur fautif. Il est toutefois constant que sous l’effet du choc, la voiture touchée a elle-même percuté celle qui la précédait dans la file de véhicules. Quand bien même l’avant du véhicule occupé par l’assurée a été complètement détruit, celle-ci n’a pas été éjectée de l’habitacle malgré le fait qu’elle ne portait pas de ceinture. Elle a certes subi un traumatisme crânio-cérébral sévère avec notamment des contusions et des fractures, mais on rappellera que sont déterminantes les forces générées par l’accident et non pas les conséquences qui en résultent (arrêt 8C_418/2022 du 1er mars 2023 consid. 4.4 et l’arrêt cité). À cet égard, les circonstances de l’accident de l’assurée ne correspondent pas à celles que l’on retrouve habituellement dans les cas d’accidents de circulation qualifiés de gravité moyenne à la limite des cas graves, comme par exemple les cas de collisions sur l’autoroute à des vitesses élevées (cf., entre autres, arrêts 8C_308/2014 du 17 octobre 2014 consid. 4.2; 8C_799/2008 du 11 février 2009 consid. 3.2.2; 8C_257/2008 du 4 septembre 2008 consid. 3.2.2 et 3.2.3).

Au vu de ce qui précède, la classification de l’accident par la cour cantonale dans la catégorie des accidents de gravité moyenne à la limite des cas graves ne peut pas être confirmée. La gravité moyenne stricto sensu doit en revanche être retenue. Dans ces conditions, il faut un cumul de trois critères sur sept ou qu’au moins l’un des critères se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour admettre le rapport de causalité adéquate.

Consid. 7.4.1
S’agissant du critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident, la raison pour laquelle la jurisprudence l’a adopté repose sur l’idée que de telles circonstances sont propres à déclencher chez la personne qui les vit des processus psychiques pouvant conduire ultérieurement au développement d’une affection psychique. C’est le déroulement de l’accident dans son ensemble qu’il faut prendre en considération. L’examen se fait sur la base d’une appréciation objective des circonstances d’espèce et non pas en fonction du ressenti subjectif de l’assuré, en particulier de son sentiment d’angoisse. Il faut en effet observer qu’à tout accident de gravité moyenne est associé un certain caractère impressionnant, lequel ne suffit pas pour admettre l’existence du critère en question (arrêt 8C_236/2023 du 22 février 2024 consid. 3.4.1 et l’arrêt cité). Il convient d’accorder à ce critère une portée moindre lorsque la personne ne se souvient pas de l’accident (arrêt 8C_565/2022 du 23 mai 2023 consid. 4.2.3 et les arrêts cités).

Consid. 7.4.2
En l’occurrence, la juridiction cantonale a considéré que le critère en cause était rempli au motif que l’assurée se rappelait de l’accident. Les déclarations de celle-ci à propos de ses souvenirs de l’accident sont toutefois équivoques. Comme l’ont constaté les juges cantonaux, elle a indiqué lors de son audition par la police ne pas se souvenir de ce qui s’était passé. Dans son rapport d’expertise, l’expert en psychiatrie du CEMed a relevé que l’intéressée se rappelait très bien de l’accident et en donnait une description qui correspondait au dossier, avant d’indiquer dans l’enchaînement qu’elle ne se rappelait pas du déroulement même de l’accident car elle avait été inconsciente et s’était réveillée à l’hôpital. L’experte en neuropsychologie a pour sa part mentionné qu’il était difficile à l’assurée de se rappeler les événements, tandis que l’expert en neurologie a relaté qu’elle se rappelait au moins partiellement l’accident.

En tout état de cause, même si l’assurée se souvient d’une partie voire de l’intégralité de l’accident, cela ne suffit pas à ce que le critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident soit rempli. Comme dans d’autres cas comparables de collision entre véhicules (cf., parmi d’autres, arrêts 8C_21/2021 du 11 mars 2022 consid. 6.4.4; 8C_131/2021 du 2 août 2021 consid. 6.4.2; 8C_720/2017 du 12 mars 2018 consid. 4.4), ce critère n’est pas rempli, en dépit de la peur qu’a pu ressentir l’assurée. À titre de comparaison, le critère a été reconnu en présence d’accidents de circulation autrement plus impressionnants, comme par exemple celui d’un chauffeur dont le minibus avait heurté une barrière de sécurité sur l’autoroute et fait plusieurs tonneaux, l’assurée ayant été éjectée de l’habitacle (arrêt 8C_361/2022 du 13 octobre 2022 consid. 5.3.3), celui impliquant un camion et une voiture dans un tunnel sur l’autoroute avec plusieurs collisions contre le mur du tunnel (arrêt 8C_257/2008 du 4 septembre 2008 consid. 3.3.3), ou encore celui d’un carambolage de masse sur l’autoroute (arrêt 8C_623/2007 du 22 août 2008 consid. 8.1).

Consid. 7.5.1
Selon la jurisprudence applicable en matière de troubles psychiques consécutifs à un accident, pour être retenu, le critère de la « gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques », postule d’abord l’existence de lésions physiques graves ou, s’agissant de la nature particulière des lésions physiques, d’atteintes à des organes auxquels l’Homme attache normalement une importance subjective particulière (arrêt 8C_565/2022 du 23 mai 2023 consid. 4.2.4 et les arrêts cités). Cette jurisprudence est transposable au critère très similaire de la « gravité ou la nature particulière des lésions physiques » applicable en cas de traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, de traumatisme analogue ou de traumatisme crânio-cérébral sans preuve d’un déficit fonctionnel organique. Le Tribunal fédéral a en outre précisé que le diagnostic d’une lésion de ce type ne suffit pas, en soi, pour conclure à la réalisation du critère invoqué. Il faut encore que les douleurs caractéristiques d’une atteinte de ce type soient particulièrement graves ou qu’il existe des circonstances spécifiques qui influencent le tableau clinique (ATF 134 V 109 consid. 10.2.2; arrêt 8C_427/2013 du 19 mars 2014 consid. 6.2).

Consid. 7.5.2
En l’espèce, les lésions organiques subies par l’assurée (à savoir un hématome épidural aigu frontal gauche, des contusions hémorragiques bi-frontales à prédominance à gauche, des contusions parenchymateuses en frontal droit, une fracture crânienne frontale gauche s’étendant aux sinus frontaux, au toit de l’orbite et aux lames papyracées, ainsi que des fractures para-sagittales de l’os sphénoïdal gauche) sont sérieuses. L’intervention chirurgicale pratiquée le jour de l’accident s’est toutefois bien déroulée et le dossier médical ne fait pas mention de douleurs importantes qui auraient perduré dans les mois suivant l’opération, les seuls symptômes douloureux rapportés par l’assurée s’étant limités aux céphalées liées à ses affections neuropsychologiques. Il est par conséquent douteux que le critère en cause soit rempli. La question peut toutefois demeurer ouverte, compte tenu de ce qui suit.

Consid. 7.6.1
S’agissant de l’importance de l’incapacité de travail en dépit d’efforts reconnaissables, ce n’est pas la durée de l’incapacité qui est déterminante mais bien plutôt son importance au regard des efforts sérieux accomplis par l’assuré pour reprendre une activité, au besoin en exerçant une autre activité compatible avec son état de santé. Le critère doit être admis en présence d’efforts sérieux accomplis par l’assuré pour reprendre une activité; l’intensité des efforts exigibles doit être mesurée à la volonté reconnaissable de l’assuré de faire tout ce qui est possible pour réintégrer rapidement le monde du travail, en exerçant au besoin une activité compatible avec son état de santé (ATF 134 V 109 consid. 10.2.7; arrêts 8C_259/2022 du 28 novembre 2022 consid. 8.3.3; 8C_427/2013 du 19 mars 2014 consid. 6.3).

Consid. 7.6.2
En l’occurrence, le tribunal cantonal n’a pas exposé quels efforts sérieux aurait entrepris l’assurée pour reprendre une activité lucrative. En dehors de la garde occasionnelle d’enfants dans une famille, l’intéressée n’a pas tenté de reprendre une activité. Face aux experts du CEMed, elle s’est dite disposée à travailler avec les enfants, par exemple dans une garderie, et à suivre une formation comme éducatrice de la petite enfance. Rien n’indique toutefois qu’elle ait traduit ses intentions en actes. Questionnée par les experts sur les raisons qui l’empêchaient de travailler, elle a répondu qu’elle ne savait pas, précisant qu’elle n’aimait pas être en présence de beaucoup de monde en raison d’une cicatrice qui serait encore visible et qu’elle n’avait pas de papiers officiels ni d’assurance-maladie. Le critère litigieux n’est pas donné.

Consid. 7.7
Il n’est pas contesté que les quatre autres critères ne sont pas remplis. Par conséquent, l’instance cantonale a admis à tort le lien de causalité adéquate entre l’accident de novembre 2012 et les troubles neuropsychologiques de l’assurée, ce qui entraîne l’admission du recours sans qu’il soit nécessaire d’examiner le dernier grief soulevé, relatif au montant du revenu sans invalidité pris en considération par la cour cantonale.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition du 30.08.2022.

 

 

Arrêt 8C_394/2024 consultable ici

 

8C_314/2024 (f) du 23.12.2024 – Droit aux prestations complémentaires – Séjour légal en Suisse et permis de séjour valable pendant les dix années précédant immédiatement la demande

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_314/2024 (f) du 23.12.2024

 

Consultable ici

 

Droit aux prestations complémentaires – Séjour légal en Suisse et permis de séjour valable pendant les dix années précédant immédiatement la demande / 5 al. 1 LPC

Impossibilité d’expulsion ou mesure pénale en cours ne rend pas le séjour légal

Assujettissement fiscal et cotisation à l’AVS ne remplacent pas l’exigence de résidence légale en Suisse

 

L’assuré, né en 1964 et originaire de U.__, est arrivé en Suisse le 08.07.1994 et a obtenu une autorisation de séjour au titre du regroupement familial à la suite de son mariage, le 08.07.1994, avec une Suissesse. Cette autorisation n’a pas été renouvelée à son échéance, le 07.07.1998. Malgré son divorce en 1999 et un second mariage en 2007 (également dissous en 2011), il a continué à résider à Genève.

En septembre 2000, il a été condamné à une peine de réclusion avec expulsion du territoire suisse. En 2003, sa peine a été suspendue pour un traitement hospitalier. En 2006, sa libération conditionnelle a été ordonnée avec une expulsion immédiate, mais cette dernière a été annulée par le tribunal en 2007.

L’assuré a travaillé comme monteur-électricien de 2007 à 2015. En 2019, l’office AI lui a octroyé une rente entière d’invalidité avec effet au 01.12.2015. Sa demande de prestations complémentaires a été refusée en juillet 2019, motif pris qu’il n’était pas titulaire d’une autorisation de séjour dans le canton de Genève.

En septembre 2023, une nouvelle demande de prestations complémentaires a été rejetée. Bien que l’assuré ait prouvé son domicile et sa résidence à Genève, il n’avait pas résidé de manière ininterrompue en Suisse avec un permis de séjour valable pendant les dix années précédant immédiatement sa demande.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/259/2024 – consultable ici)

Par jugement du 22.04.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4
L’arrêt attaqué expose correctement les règles applicables à la solution du litige, en indiquant en particulier que selon l’art. 5 al. 1 LPC, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 1er janvier 2023, les étrangers n’ont droit à des prestations complémentaires que s’ils séjournent de manière légale en Suisse. Ils doivent y avoir résidé de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (délai de carence). Le tribunal cantonal a aussi à juste titre précisé que la condition du séjour légal en Suisse n’est qu’une reprise de la jurisprudence du Tribunal fédéral déjà applicable avant l’entrée en vigueur de la disposition en question (cf. arrêts 9C_423/2013 du 26 août 2014 consid. 4.2 et 4.3; P 42/90 du 8 janvier 1992). Dans son jugement, l’instance précédente a en outre rappelé que, d’après la jurisprudence cantonale, ce critère s’applique également dans le cadre de l’application de la loi (genevoise) sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC; RS/GE J 4 25). Il suffit d’y renvoyer.

Consid. 5 [résumé]
Les juges cantonaux ont reconnu que l’assuré avait probablement résidé en Suisse depuis plus de dix ans au moment de sa dernière demande de prestations complémentaires. Cependant, ils ont souligné qu’il n’avait jamais possédé de titre de séjour valable pendant le délai de carence requis, et que cette situation persistait au moment de la décision contestée. Par conséquent, le refus des prestations complémentaires fédérales ou cantonales était justifié.

Ils ont précisé que la jurisprudence en matière d’assurance-invalidité, qui permet l’octroi de prestations même en l’absence d’autorisation de travail (cf. ATF 118 V 79), ne s’appliquait pas dans ce cas. En effet, contrairement à l’AVS et à l’AI, les prestations complémentaires sont financées par le budget général de la Confédération et des cantons, et non par des cotisations d’assurance. Le tribunal cantonal a également souligné que le fait d’avoir cotisé à l’AVS pendant une période supérieure au délai de carence ne pouvait pas se substituer à l’exigence de résidence légale en Suisse (arrêt 9C_423/2013 précité consid. 4.2 et 4.3).

Par ailleurs, ce n’était pas parce que l’office cantonal genevois de la population et des migrations avait refusé un permis de séjour à l’assuré, tout en renonçant à prononcer son expulsion administrative, que cette autorité lui aurait donné, par ce biais, l’assurance que son séjour, toléré de facto en Suisse, serait considéré comme légal dans la perspective d’un droit à des prestations complémentaires.

Consid. 6.1
L’assuré se plaint d’une violation des art. 7 et 12 Cst., ainsi que des art. 4 et 5 LPC. En s’appuyant sur l’ATF 118 V 79, il soutient qu’il aurait droit aux prestations complémentaires en raison de l’assujettissement fiscal dont il aurait fait objet durant toute la période où il a travaillé en Suisse, ayant ainsi participé au budget général de la Confédération et des cantons finançant les prestations auxquelles il prétend. En outre, dès lors qu’une autorité judiciaire lui aurait imposé de ne pas quitter la Suisse, il serait erroné de retenir que son séjour ne serait que « toléré » par les autorités. En refusant d’octroyer à l’assuré les prestations complémentaires requises, dont il aurait besoin pour vivre en Suisse, la décision violerait son droit à la dignité humaine et son droit d’obtenir de l’aide dans des situations de détresse.

Consid. 6.2
Les critiques sont mal fondées. En l’absence d’autorisation de séjour, celui-ci ne peut pas être considéré comme étant légal au sens de l’art. 5 al. 1 LPC. Le fait que l’assuré ne puisse pas être expulsé ou qu’une mesure pénale soit en cours d’exécution ne permet pas de retenir le contraire. Ces éléments pourraient tout au plus avoir une pertinence dans le cadre de la procédure d’octroi d’une autorisation de séjour, soit lors d’une étape préalable à une demande de prestations complémentaires. Ainsi, comme rappelé par la cour cantonale (cf. consid. 4 supra), le bien-fondé d’une telle demande présuppose le séjour légal du requérant, ce qui rend sans pertinence l’argument relatif aux circonstances du séjour prolongé de l’assuré en Suisse. Il en va de même des griefs tirés de l’ATF 118 V 79, visant à transposer purement et simplement dans le cas d’espèce les principes développés dans cet arrêt, bien que le présent litige ne concerne ni le droit à des prestations de l’assurance-invalidité, ni l’existence d’une autorisation de travail (cf. aussi arrêt 9C_38/2020 du 20 octobre 2020 consid. 3). Enfin, les critiques relatives à la prétendue violation des art. 7 et 12 Cst. ne satisfont pas aux exigences de motivation accrue de l’art. 106 al. 2 LTF (cf. consid. 2.2 supra), ce qui les rend irrecevables.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_314/2024 consultable ici

 

8C_442/2024 (d) du 04.12.2024 – Maladie professionnelle – Infection par le Covid-19 pour une assistante en soins et santé communautaire travaillant dans un hôpital

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_442/2024 (d) du 04.12.2024

 

Consultable ici (arrêt à 5 juges, non publié)

 

Maladie professionnelle – Infection par le Covid-19 pour une assistante en soins et santé communautaire travaillant dans un hôpital / 9 LAA

 

Assurée, née en 2000, était employée en tant qu’assistante en soins et santé communautaire CFC dans le service de neurologie d’un hôpital.

En octobre 2022, elle a informé l’assurance-accidents qu’elle avait été infectée par le virus Covid-19 en janvier 2022 (test positif le 31.01.2022). Selon les informations qu’elle a fournies dans le questionnaire du 07.12.2022, elle a été en incapacité de travail jusqu’à la fin de l’année 2022.

Par décision du 04.04.2023, confirmée sur opposition le 29.09.2023, l’assurance-accidents a rejeté l’obligation de verser des prestations pour le Covid long invoqué, au motif qu’aucune infection au travail n’avait été prouvée.

 

Procédure cantonale (arrêt VBE.2023.456 – consultable ici)

Par jugement du 10.04.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.2
Selon le récent arrêt 8C_582/2022 du 12 juillet 2024, l’obligation de l’assureur accident de verser des prestations n’est pas applicable si la personne assurée (dans ce cas, une psychologue) ne s’occupe pas de patients atteints du Covid-19. Le Tribunal fédéral a estimé que la question du lien de causalité – conformément au libellé de la double liste du ch. 2, let. b de l’Annexe 1 de l’OLAA – a été décidée par le législateur sur la base des connaissances en médecine du travail.

En matière de preuve, il existe une présomption naturelle (sous réserve de preuve contraire convaincante) qu’il y a maladie professionnelle si l’une des maladies énumérées dans la liste est apparue et si l’assuré exerce l’activité correspondante décrite dans l’annexe de l’OLAA. Cependant, la présomption qu’une maladie infectieuse ait été causée par le travail à l’hôpital ne se justifie que si cette activité comporte un risque spécifique défini par le législateur comme dangereux pour la santé. Ainsi, toute activité dans un hôpital, un laboratoire ou un institut de recherche ne peut être considérée comme dangereuse pour la santé (arrêt 8C_582/2022 du 12 juillet 2024 consid. 4, notamment consid. 4.6 avec références, destiné à la publication).

Consid. 4.1
Selon l’instance précédente, des contacts avec des patients infectés existaient dans le cadre du travail à l’hôpital, au sein du service de neurologie, sur la base des informations fournies par l’employeur. Cependant, une contamination n’était envisageable que par un patient dont l’assurée s’était occupée le 27.01.2022. Or, ce patient avait été testé positif dès le 07.01.2022 et ne pouvait plus être considéré comme infectieux 10 jours après. Par ailleurs, les symptômes de l’assurée sont apparus peu après le contact avec ce patient, alors que la durée moyenne d’incubation est de 3,42 jours. Enfin, la variante Omicron, alors dominante, avait entraîné un taux de contagion de 8 à 11% de la population totale. Pour ces raisons, il n’était pas démontré que l’assurée avait été infectée dans le cadre de son travail.

Consid. 4.2 [résumé]
L’assurée soutient que, bien que ne travaillant pas en soins intensifs, elle était en contact direct avec des patients infectés, ainsi qu’avec leur peau, leurs excrétions, des matériaux et surfaces contaminés, ainsi qu’avec le reste du personnel soignant ; elle a ainsi été exposée au risque professionnel typique d’un hôpital. Elle conteste l’argument de l’instance cantonale concernant la durée d’incubation, qui n’est qu’une moyenne statistique, et ne saurait exclure l’obligation de prestation de l’assureur-accidents. Elle rejette également l’affirmation selon laquelle un seul patient, soigné le 27.01.2022, pourrait être à l’origine de la contamination. L’assurée décrit notamment un contact avec une patiente testée positive le 21.01.2022, où elle a dû aider une collègue à maîtriser la patiente, qui était devenue agressive, toussait et crachait. Elle a dû la maintenir pendant que sa collègue lui administrait un sédatif (Midazolam). L’assurée affirme que, compte tenu de ses contacts avec des patients Covid-19 à l’hôpital, la présomption d’une infection sur le lieu de travail doit s’appliquer. Elle souligne que des preuves supplémentaires, comme un lien précis basé sur une durée d’incubation présumée, ne sont pas nécessaires pour établir l’obligation de prestation de l’assureur-accidents.

Consid. 5
Il est établi et non contesté, sur la base des constatations de l’instance cantonale, que l’assurée, en tant qu’assistante en soins et santé communautaire, était chargée de soigner des patients atteints de Covid-19 à l’hôpital. Il ne s’agissait certes pas de l’unité de soins intensifs, mais selon les informations fournies par l’employeur, les patients avaient besoin de soins qui exigeaient un contact physique étroit. Il y a donc lieu d’admettre que l’assurée exerçait une activité présentant le risque spécifique d’un poste de travail dangereux pour la santé à l’hôpital au sens de la double liste du ch. 2 let. b de l’Annexe 1 de l’OLAA. Par conséquent, la présomption d’une maladie professionnelle doit s’appliquer, l’assurée ayant contracté une infection Covid-19.

Le tribunal cantonal estime qu’une contamination sur le lieu de travail n’est pas vraisemblable. D’une part, elle se base sur les informations de l’employeur pour identifier un seul moment possible de contamination, le 27.01.2021. D’autre part, elle s’appuie sur le « Scientific Update » de la Swiss National Covid-19 Science Task Force du 25.01.2022 (disponible sur : https://sciencetaskforce.ch/wissenschaftliches-update-25-januar-2022/ ; consulté le 25 novembre 2024).

Cependant, ces éléments ne constituent pas une preuve convaincante susceptible de renverser la présomption de maladie professionnelle. Contrairement à l’opinion de l’assurance-accidents, le fardeau de la preuve lui incombe. Cela vaut notamment pour l’hypothèse émise par le tribunal cantonal sur la base des informations fournies par la cheffe de service dans l’e-mail du 14 mars 2023, à savoir quel contact a finalement conduit à la contamination. Il n’est pas déterminant de savoir combien de patients infectés l’assurée a soignés à l’hôpital, d’autant que l’instance cantonale reconnaît que ces soins faisaient partie de ses tâches régulières. Lorsque les conditions de la présomption sont remplies, comme ici, aucune investigation supplémentaire n’est nécessaire pour déterminer à quelle occasion l’infection a eu lieu. Par ailleurs, les autres hypothèses avancées par l’assureur-accidents et le tribunal cantonal ne permettent pas non plus d’établir une preuve contraire convaincante. Le fait qu’une contamination ait eu lieu avec la variante Omicron, alors dominante, plus contagieuse et assez répandue dans la population, n’est pas établi et n’est pas déterminant. Enfin, la durée supposée de la phase infectieuse des patients et la période d’incubation, basées sur les explications de la Swiss National Covid-19 Science Task Force du 25 janvier 2022, ne sont que des estimations.

Consid. 6 [résumé]
En résumé, l’infection Covid-19 de l’assurée, en application de la présomption du ch.  2 let. b de l’Annexe 1 de l’OLAA et en l’absence de preuve contraire concluante, doit en principe être reconnue comme une maladie professionnelle. Pour vérifier en détail les autres conditions d’octroi des prestations, l’affaire doit être renvoyée à la partie adverse.

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

Arrêt 8C_442/2024 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_442/2024 (d) du 04.12.2024, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2024/03/8c_442-2024)

 

 

8C_757/2023 (f) du 20.12.2024 – Maladie professionnelle et amiante – Vraisemblance d’une asbestose

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_757/2023 (f) du 20.12.2024

 

Consultable ici

 

Maladie professionnelle et amiante – Vraisemblance d’une asbestose / 9 LAA

 

Assuré, né en 1968, était employé depuis novembre 2009 comme soudeur par la société B.__ SA. Par déclaration de sinistre LAA du 19.07.2016, l’employeur a annoncé à l’assurance-accidents des problèmes pulmonaires et une suspicion de maladie professionnelle.

Le Dr D.__, spécialiste en médecine du travail et pneumologue, a diagnostiqué en juillet 2016 un syndrome emphysème-fibrose, avec diagnostic histologique mixte pour la composante de pneumopathie interstitielle diffuse (RB-ILD), mais a estimé que le lien de causalité avec l’activité professionnelle était faible. Le Dr F.__, spécialiste en médecine du travail et en médecine interne générale auprès de la Division médecine du travail de l’assurance-accidents, a conclu en septembre 2017 que le lien de causalité entre l’exposition aux fumées de soudure et la fibrose pulmonaire ne pouvait être établi. Le tabagisme, entre 20 et 30 UPA, était un facteur à prendre en compte également dans la survenue de l’emphysème.

Une analyse minéralogique en avril 2018 a révélé la présence de nombreuses fibres d’amiante dans les poumons de l’assuré (9.6 millions de fibres d’amiante par gramme de tissu sec). Le Dr I.__, spécialiste en médecine du travail auprès de la Division médecine du travail de l’assurance-accidents, remplaçant du Dr F., a maintenu en août 2019 que l’atteinte n’était pas une maladie professionnelle. L’assurance-accidents a donc refusé les prestations par décision du 09.09.2019.

En octobre 2019, le Dr J.__, médecin adjoint auprès de la consultation de pneumologie de l’Hôpital K.__ et médecin traitant de l’assuré depuis 2013, a demandé à l’assurance-accidents de reconsidérer l’hypothèse d’une cause professionnelle à la composante de fibrose pulmonaire au vu de critères cytopathologiques d’asbestose avec une charge significative en fibres d’amiante selon l’analyse minéralogique. Le Dr I.__ a maintenu sa position, arguant que la pathologie ne correspondait pas à une asbestose et qu’il n’y avait pas d’exposition professionnelle à l’amiante en Suisse.

Une enquête sur l’exposition professionnelle de l’assuré à l’amiante a conclu en février 2020 qu’il n’avait très vraisemblablement pas été exposé professionnellement à des fibres d’amiante en Suisse, mais qu’il avait travaillé en Macédoine de 1982 à 1993 dans un environnement où l’amiante était encore présente.

L’assurance-accidents a, par décision sur opposition du 15.10.2020, rejeté l’opposition. Elle a considéré que l’exposition de l’assuré à l’amiante au cours de son parcours professionnel en Suisse était nulle, et que, selon le Dr I.__, les troubles de l’assuré ne constituaient pas une asbestose.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 23.10.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Aux termes de l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Aux termes de l’art. 9 al. 1 LAA, sont réputées maladies professionnelles les maladies dues exclusivement ou de manière prépondérante, dans l’exercice de l’activité professionnelle, à des substances nocives ou à certains travaux. Le Conseil fédéral établit la liste de ces substances ainsi que celle de ces travaux et des affections qu’ils provoquent. Se fondant sur cette délégation de compétence, ainsi que sur l’art. 14 OLAA, le Conseil fédéral a dressé à l’annexe 1 de l’OLAA la liste des substances nocives, d’une part, et la liste de certaines affections, ainsi que des travaux qui les provoquent, d’autre part. La liste des substances nocives mentionne les poussières d’amiante.

Selon la jurisprudence, l’exigence d’une relation prépondérante au sens de l’art. 9 al. 1 LAA est réalisée lorsque la maladie est due pour plus de 50% à l’action d’une substance nocive mentionnée dans la première liste, ou lorsqu’elle figure dans la seconde liste et a été causée à plus de 50% par les travaux qui y sont mentionnés (ATF 119 V 200 consid. 2a et la référence).

Sauf disposition contraire, la maladie professionnelle est assimilée à un accident professionnel dès le jour où elle s’est déclarée. Une maladie professionnelle est réputée déclarée dès que la personne atteinte doit se soumettre pour la première fois à un traitement médical ou est incapable de travailler (art. 9 al. 3 LAA; art. 6 LPGA).

Consid. 4.2
Les principaux risques pour la santé associés à l’exposition à l’amiante sont le développement de fibroses (asbestose, lésions pleurales) et de cancers (essentiellement carcinome bronchique et mésothéliome). Le risque de développement d’une maladie en raison d’une exposition à l’amiante dépend en particulier de l’intensité et de la durée d’exposition. Le temps de latence avant l’apparition de la maladie est important et peut s’étendre sur plusieurs décennies (cf. ATF 133 V 421 consid. 5.1; cf. aussi ATF 140 II 7). Selon la Commission fédérale de coordination pour la sécurité au travail (CFST), le temps de latence entre la première exposition à l’amiante et l’apparition des symptômes d’asbestose est habituellement de 15 ans ou plus; il dépend de la durée et de l’intensité de l’exposition (CFST Communication n° 96, avril 2023, p. 6). Ce laps de temps n’a toutefois pas d’incidence sur le droit aux prestations de l’assurance-accidents qui sont dues indépendamment de l’existence d’un rapport d’assurance au moment où la maladie s’est déclarée. Ce qui importe, c’est que l’intéressé ait été assuré pendant la durée de l’exposition (arrêt 8C_443/2013 du 24 juin 2014 consid. 3.1, in SVR 2014 UV n° 31 p. 103; JEAN-MAURICE FRÉSARD/MARGIT MOSER-SZELESS, L’assurance-accidents obligatoire, in Meyer [édit.], SBVR, Vol XIV, Soziale Sicherheit – Sécurité sociale, 3ème éd. 2015, n° 153 p. 943).

Consid. 4.3
L’assuré, ressortissant de Macédoine, a exercé des activités salariées en Macédoine, puis en Suisse. Aux termes de l’art. 26 de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République de Macédoine du 9 décembre 1999 (RS 0.831.109.520.1; ci-après: Convention), si les dispositions légales des deux États contractants couvrent l’indemnisation d’une maladie professionnelle, les prestations ne seront octroyées qu’en vertu des dispositions légales de l’État contractant sur le territoire duquel la personne concernée a exercé en dernier une activité susceptible de causer une telle maladie professionnelle. Selon son art. 40, la Convention est applicable aux évènements assurés survenus avant le 1er janvier 2002, date de son entrée en vigueur (al. 1); toutefois, elle ne confère aucun droit à des prestations pour une période antérieure à cette dernière (al. 4). À l’instar de la Suisse, la Macédoine a prévu un système d’indemnisation pour les maladies professionnelles, dont l’asbestose (Règlement du 6 mai 2020 concernant la liste des maladies professionnelles, Journal officiel de la République de Macédoine n° 118/2020, article 2 point 301.21). Le point de savoir si la maladie professionnelle a été causée, ou causée de manière prépondérante par l’exposition en Suisse n’est pas déterminante dans ce contexte.

Consid. 9.1 [résumé]
La cour cantonale a estimé que l’asbestose au sens de l’art. 9 al. 1 LAA ne pouvait être reconnue chez l’assuré. Cette conclusion se base sur deux éléments principaux : d’une part, le CT-Scan de 2016 ne présentait pas les caractéristiques typiques d’une asbestose, et d’autre part, l’analyse du parcours professionnel de l’assuré ne permettait pas d’établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, une exposition à l’amiante.

Le Dr O.__, spécialiste en médecine du travail et en médecine interne générale auprès de l’assurance-accidents, a précisé dans son rapport du 12.09.2022 que l’analyse minéralogique attestait uniquement d’une exposition à l’amiante, sans fournir d’indications sur les circonstances de cette exposition. Il a souligné que l’asbestose, une pathologie rare liée à l’amiante, se diagnostique principalement par radiologie.

Un CT-Scan effectué en avril 2021 a montré une aggravation de l’atteinte interstitielle, compatible avec une pneumopathie interstitielle commune, ainsi qu’une diminution de la micronodulation centro-lobulaire et du verre dépoli, partiellement liée à une ancienne bronchiolite respiratoire avec pneumopathie interstitielle (RB-ILD). Selon le Dr O.__, aucune de ces pathologies n’avait de relation de causalité démontrée ou vraisemblable avec l’amiante.

Consid. 9.2.1
Il n’est pas inhabituel que les spécialistes en toutes branches de médecine voient évoluer un diagnostic à mesure que de nouveaux renseignements apparaissent au cours du temps. La requalification du diagnostic de fibrose pulmonaire idiopathique en diagnostic d’asbestose ne permet donc pas d’invalider à priori l’appréciation du pneumologue traitant.

Consid. 9.2.2 [résumé]
Le Dr J.__ a initialement diagnostiqué un syndrome emphysème-fibrose avec, pour la composante fibrose, une fibrose pulmonaire idiopathique et une bronchiolite respiratoire avec pneumopathie interstitielle (RB-ILD) chez l’assuré. Cependant, à la suite de l’analyse minéralogique en 2018 révélant de très nombreuses fibres d’amiante, il a révisé son diagnostic, suggérant une asbestose comme cause plus probable de la fibrose et de la RB-ILD. Cette révision a été soutenue par l’âge du patient, incompatible avec une fibrose pulmonaire idiopathique, qui touchait en général des personnes de plus de 70 ans.

En octobre 2020, le Dr J.__ a rediscuté des biopsies pulmonaires en colloque interne de pathologie; selon la doctoresse Q.__, experte en pathologie pulmonaire et cardiovasculaire, l’image histopathologique était compatible avec une asbestose sans toutefois que ce diagnostic puisse être affirmé uniquement sur cette seule base, raison pour laquelle, en cas de recherche d’asbestose, l’examen était complété par une analyse minéralogique.

En novembre 2021, le Dr J.__ a indiqué que l’assuré avait été hospitalisé du 11.10.2021 au 22.10.2021 pour traiter une infection à Pseudomonas par antibiothérapie. Il existait un lien de causalité entre l’hospitalisation et l’asbestose pulmonaire dont souffrait l’assuré. La surinfection à Pseudomonas était due à l’existence de bronchiectasies, qui étaient elles-mêmes la conséquence de l’asbestose pulmonaire qui déformait et dilatait les structures bronchiques par le biais de la fibrose du tissu pulmonaire. Il n’y avait en outre pas d’argument pour penser qu’il existait chez l’intéressé une maladie primaire des bronches indépendante de l’asbestose, ajoutant que sur un scanner de 2010, où l’asbestose était très peu avancée, il y avait également très peu de dilatation des bronches.

Dans un rapport détaillé du 17.10.2022, le Dr J.__ a critiqué l’évaluation du Dr O.__ de l’assurance-accidents. Il a souligné que la quantité de fibres d’amiante trouvée chez l’assuré dépassait largement le seuil minimal pour provoquer une asbestose. Il a argumenté que l’analyse minéralogique, combinée à la biopsie pulmonaire et à l’imagerie, fournissait des preuves solides d’une asbestose. Le Dr J.__ a conclu qu’il était illogique de considérer qu’il existait chez l’assuré une cause avérée de fibrose pulmonaire en quantité suffisante pour provoquer une telle fibrose (soit l’exposition à l’amiante) mais que la fibrose pulmonaire de l’assuré était sans cause connue.

Consid. 9.2.3
Les avis différenciés et circonstanciés du Dr J.__ reposent sur des appréciations globales (souvent multidisciplinaires) des résultats des différents examens médicaux tel les examens cliniques approfondis, une analyse en microscopie électronique d’une biopsie pulmonaire, les analyses minéralogiques ainsi que l’imagerie. Il a en outre justifié le changement de diagnostic de manière approfondie et compréhensible, ce que les juges cantonaux ne semblent pas avoir pris en compte. Pour sa part, le Dr O.__ s’est limité, dans son appréciation très succincte, à invoquer des résultats des examens radiologiques et ne s’est ni prononcé sur ces avis détaillés de ses collègues ni sur le fait que le rapport de l’analyse minéralogique relève que des fibres d’amiante ont été formellement identifiés dans les poumons en quantité amplement suffisante pour provoquer une asbestose. Au vu des divergences entre l’avis du médecin traitant et ceux des médecins de l’assurance, le raisonnement très succinct de la cour cantonale, qui se fonde pour l’essentiel sur l’avis du Dr O.__, pour écarter le diagnostic d’asbestose ne convainc pas.

Consid. 9.3
Les juges cantonaux ont également considéré que le Dr H.__ n’avait pas, dans son rapport d’analyse minéralogique du 30.04.2018, posé un diagnostic clair et sans équivoque d’asbestose, mais avait affirmé que l’assuré avait été exposé de manière significative à l’amiante amphibole, ce qui devrait suffire (« ausreichen dürfte ») à déclencher une asbestose (minimale). L’utilisation du conditionnel par le Dr H.__ indiquait qu’il s’agissait d’une hypothèse, mais on ne pouvait nullement tirer des conclusions de ce rapport la présence certaine d’une asbestose.

À ce propos, il sied de souligner que le Dr H.__, qui est un spécialiste en pathologie, avait uniquement pour mission de procéder à des analyses minéralogiques. Il ne lui appartenait pas de poser un diagnostic à la place des pneumologues. Son analyse ne constitue donc qu’un élément parmi d’autres pour poser le diagnostic d’asbestose. Toutefois, la cour cantonale n’a pris en considération aucun des autres éléments retenus par les médecins spécialistes, se focalisant sur l’utilisation du conditionnel dans une seule phrase. Ce raisonnement ne peut pas être suivi. On observera dans ce contexte que le Dr H.__ a tout de même exposé qu’au vu des quantités importantes de fibres d’amiante retrouvées, l’hypothèse d’une asbestose était la plus vraisemblable.

Consid. 10.1
En ce qui concerne l’anamnèse professionnelle, les juges cantonaux ont notamment nié la valeur probante du rapport du 21.06.2021 des Dres L.__ et M.__, respectivement cheffe de Clinique et médecin adjointe au sein du Département santé, travail et environnement du Centre N.__ et spécialisées en médecine du travail.

Consid. 10.2.1 [résumé]
Les Dres L.__ et M.__ ont évalué l’exposition de l’assuré à l’amiante tout au long de sa carrière. Elles ont conclu à une exposition modérée lors de son apprentissage et de son travail en Macédoine de 1983 à 1990, puis à une forte exposition en 1991 lors de son travail de soudeur. De 2004 à 2019, l’exposition aurait été particulièrement intense, notamment due à des activités impliquant des matériaux contenant de l’amiante et au travail dans des bâtiments vétustes, connus pour contenir de l’amiante. Les médecins ont souligné que, jusqu’à 2016, il n’y avait pas de système d’aspiration/ventilation ni de protection des voies respiratoires adéquates.

Elles ont présenté six arguments en faveur du diagnostic d’asbestose, incluant leurs observations cliniques, la période de latence respectée, les résultats d’imagerie et d’analyse minéralogique, l’historique professionnel détaillé, et l’absence d’exposition extra-professionnelle. Elles ont également noté une co-exposition aux fumées de soudure et à la silice cristalline.

Dans un rapport complémentaire, les Dres L.__ et M.__ ont précisé que le diagnostic d’asbestose était le plus probable, basé sur une évaluation approfondie et une discussion pluridisciplinaire. Elles ont recommandé que la pathologie de l’assuré soit reconnue comme maladie professionnelle.

Consid. 10.2.2 [résumé]
La cour cantonale a émis des réserves sur le rapport des Dres L.__ et M.__, notant des divergences entre leur description du parcours professionnel de l’assuré et celle fournie par l’assuré lui-même lors de son entretien avec l’assurance-accidents. Elle a relevé des incohérences dans les activités professionnelles mentionnées, notamment des travaux de toiture et de construction de pont non corroborés par d’autres sources. La cour cantonale a également souligné que les médecins avaient minimisé la consommation de tabac de l’assuré.

Consid. 10.2.3 [résumé]
Le protocole d’enquête professionnelle de l’assurance-accidents est relativement sommaire et incomplet. Il est surprenant qu’il ne mentionne aucune exposition à l’amiante, même en Macédoine, malgré l’analyse minéralogique révélant une grande quantité de fibres d’amiante dans les tissus pulmonaires de l’assuré. De plus, ce protocole omet certaines activités professionnelles mentionnées dans l’extrait du compte individuel AVS ou présente des dates divergentes pour d’autres.

Consid. 10.3
Les juges cantonaux ont procédé à une analyse par étapes du parcours professionnel de l’assuré en Suisse depuis 1991 et ont conclu qu’aucune exposition professionnelle à l’amiante ne pouvait être établie. Leurs considérations donnent lieu aux observations suivantes:

Consid. 10.3.1 [résumé]
La cour cantonale a estimé que l’activité de l’assuré pour U.__ AG à S.__ en 1991 ne permettait pas d’objectiver une exposition à l’amiante, considérant qu’on ne pouvait pas présumer que tout ouvrier travaillant avec des matériaux de récupération était en contact avec de l’amiante. Cette appréciation contredit cependant les conclusions des expertes du Centre N.__, qui ont identifié une exposition importante à l’amiante durant cette période. Les juges cantonaux n’ont toutefois pas pris position sur cette incongruence.

Consid. 10.3.2 [résumé]

La cour cantonale a considéré que l’assuré n’avait pas été exposé à l’amiante entre novembre 1992 et décembre 1996, période durant laquelle il aurait effectué des travaux de viticulture pour des encaveurs. Elle a également exclu une exposition lors de son emploi de magasinier de 1997 à 1998.

L’assuré conteste cette appréciation. Il souligne que l’extrait de son compte individuel AVS montre qu’il a travaillé pour divers employeurs en 1996-1997, fait non mentionné par la cour cantonale. De plus, lors de son audition, il a déclaré avoir réalisé des travaux de serrurerie et de soudure durant cette période. Ces informations, corroborées par le rapport du Centre N.__, ont conduit les expertes à envisager une possible exposition ponctuelle à l’amiante, due à l’utilisation de matériaux d’origine inconnue.

Consid. 10.3.3 [résumé]
De 2002 à 2004, l’assuré était en arrêt de travail suite à une greffe rénale. Pour la période 2004-2006, le protocole d’enquête de l’assurance-accidents et le rapport du Centre N.__ indiquent qu’il a travaillé comme soudeur et serrurier pour B1.__ SA. Selon le rapport du Centre N.__, l’assuré aurait travaillé sur des poutres probablement amiantées sans équipement de protection respiratoire. Les expertes ont donc estimé que l’exposition à l’amiante avait été forte durant cette période. Cependant, la cour cantonale n’a pas interrogé l’assuré sur cette activité et ne s’est pas prononcée à ce sujet. Il est à noter que ces informations ne figurent ni dans l’extrait du compte individuel AVS, ni dans les constatations de l’arrêt attaqué.

Consid. 10.3.4
Les juges cantonaux ont retenu qu’ensuite de l’arrêt de travail dû à la greffe rénale, le compte individuel AVS mentionnait des activités dès 2007 auprès d’agences de placement temporaire. Interrogé sur ces activités, l’assuré avait décrit des emplois de soudeur, notamment dans la tranchée couverte de G1.__ (A9). Là encore, aucune exposition à l’amiante n’avait pu être établie dans le cadre de ces emplois selon les juges cantonaux, tandis que les expertes L.__ et M.__ ont retenu une exposition certainement forte dès 2008.

Consid. 10.3.5 [résumé]
Les juges cantonaux ont considéré que l’assuré, employé comme soudeur par H1.__ SA (racheté plus tard par B.__ SA) depuis novembre 2009, effectuait principalement du meulage et de la soudure sur des matériaux de récupération, notamment des poutres métalliques recouvertes de produits de protection. Ils ont estimé que ses allégations concernant la proximité de matériel de désamiantage dans son atelier n’étaient pas corroborées par d’autres preuves, et que le rapport de visite de l’assurance-accidents ne mentionnait pas cette proximité.

Contrairement à ce qu’a retenu la cour cantonale, la proximité avec des matériaux liés au désamiantage ne repose pas uniquement sur le témoignage de l’assuré. Le manager QHSE du groupe B.__ SA a indiqué dans un courriel qu’il ne pouvait exclure que l’assuré ait travaillé sur des poutres métalliques floquées à l’amiante et qu’il avait travaillé sur un site appartenant à une entreprise de désamiantage rachetée par B.__ SA. De plus, le Dr F.__ a noté que le rapport du Laboratoire G.__ évoquait une « minimale asbestose » due à une surcharge significative en fibres d’amiante de type amphibole. Il a également souligné que le métier de soudeur était connu pour son utilisation d’amiante comme isolant ou sa présence dans les installations nécessitant des travaux de soudure. La cour cantonale semble ne pas avoir pris en compte ces éléments dans son appréciation.

Consid. 10.4
Il ressort de ce qui vient d’être exposé que les constatations des juges cantonaux concernant le parcours professionnel et une éventuelle exposition à l’amiante sont imprécises et en partie contraires aux informations contenues dans le dossier. On ne saurait donc suivre l’instance cantonale lorsqu’elle nie – sur une base aussi incertaine et sans instruction plus approfondie – tout contact avec l’amiante pendant les diverses activités professionnelles que l’assuré à exercées en Suisse. Il existe certes des indices non négligeables parlant en faveur d’une exposition à l’amiante en Suisse, ressortant notamment du rapport du Centre N.__. Cependant, le rapport des Dres L.__ et M.__ manque lui aussi de précision en ce qui concerne la consommation de tabac de l’assuré, de même que les dates et durées des activités professionnelles exercées par l’assuré en Suisse. En outre, il ne fait pas mention de l’activité pour K1.__ en 2008 et 2009 ni de l’arrêt de travail d’avril 2010 à janvier 2012 en raison d’un accident professionnel, comme l’a relevé à juste titre la cour cantonale. Les Dres L.__ et M.__ paraissent par ailleurs avoir pris en considération diverses déclarations de l’assuré relatives aux circonstances dans lesquelles il a exercé ses activités professionnelles, qui auraient mérité vérification. Il en va ainsi, en particulier, des activités chez B1.__ SA, H1.__ SA et B.__ SA, pour lesquelles il conviendrait de vérifier si l’assuré a réellement effectué des travaux de soudure ou de meulage sur matériaux de récupération revêtus de peinture amiantée ou pourvus de revêtement bitumeux amianté.

Consid. 11.1
Vu ce qui précède, la juridiction cantonale a basé sa décision uniquement sur les avis très brefs des médecins conseils de l’assurance-accidents, qui ne sont par ailleurs pas spécialisés dans les pathologies pulmonaires. Ces avis sont fermement contredits par les appréciations circonstanciées des spécialistes et experts réputés dans ce domaine, émises après avoir examiné l’assuré, ainsi que par des analyses médicales. En outre, la cour cantonale a établi le parcours professionnel de l’assuré en Suisse ainsi qu’une éventuelle exposition professionnelle à l’amiante de manière incomplète, en omettant de tenir compte de certaines activités et indices parlant en faveur d’une telle exposition ou en les écartant sans motifs pertinents.

Contrairement à ce que prétend l’assuré, on ne peut pas constater, en l’état de l’instruction, qu’il avait été exposé à l’amiante durant sa carrière professionnelle en Suisse. On ne peut toutefois pas davantage le nier. L’instruction étant manifestement insuffisante compte tenu des éléments contradictoires au dossier, il appartiendra à l’assurance-accidents de reprendre de manière plus détaillée l’anamnèse professionnelle de l’assuré, en particulier auprès des entreprises concernées, et en entendant si nécessaire des témoins (autres employés, par exemple). Le point de savoir si d’autres collègues de l’assuré auprès de certains employeurs ont également présenté des problèmes pulmonaires potentiellement en lien avec leur activité professionnelle, notamment une asbestose, devra également être vérifié.

Par ailleurs, face aux avis médicaux contradictoires (cf. consid. 9 supra), une expertise médicale est nécessaire en vue de préciser le diagnostic et de déterminer si l’atteinte pulmonaire dont souffre l’assuré est causée ou non par l’amiante.

Consid. 11.2
Comme il appartient en premier lieu à l’assureur-accidents de procéder à des instructions complémentaires pour établir d’office l’ensemble des faits déterminants, et, le cas échéant, d’administrer les preuves nécessaires avant de rendre sa décision (art. 43 al. 1 LPGA; ATF 132 V 268 consid. 5; arrêt 8C_696/2022 du 2 juin 2023 consid. 4.5 et les références), la cause sera renvoyée à l’assurance-accidents afin qu’elle mette en œuvre les mesures d’instruction et rende une nouvelle décision sur le droit de l’assuré aux prestations d’assurance. Le recours se révèle ainsi bien fondé.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré.

 

Commentaires

Cet arrêt souligne l’importance essentielle d’une investigation approfondie et minutieuse dans les cas de maladies professionnelles liées à l’amiante. Pour l’avocat-e de la personne assurée, il est important de ne pas se contenter des rapports fournis par l’assurance-accidents, mais de chercher activement des preuves et des avis médicaux indépendants.

Il est primordial de reconstituer avec précision l’historique professionnel complet de l’assuré, en remontant aussi loin que possible dans sa carrière. Chaque période d’emploi, même courte ou apparemment sans lien direct avec l’amiante, doit être examinée attentivement. Les expositions potentielles à l’amiante avant son interdiction en Suisse, ainsi que les périodes de travail à l’étranger, doivent être particulièrement scrutées.

L’avocat-e doit être conscient du long temps de latence des maladies liées à l’amiante et ne pas hésiter à remettre en question les conclusions hâtives sur l’absence de lien causal. Il est judicieux de rechercher des témoignages de collègues de travail de l’assuré qui pourraient corroborer l’exposition à l’amiante ou qui auraient développé des problèmes de santé similaires.

Face à des avis médicaux contradictoires, l’avocat-e ne doit pas hésiter à demander une expertise médicale (art. 44 LPGA) ou judiciaire. Comme semble le suggérer le Tribunal fédéral, il est nécessaire de s’assurer que cette expertise soit réalisée par des spécialistes en pathologies pulmonaires, familiers avec les effets de l’amiante.

Enfin, en cas de doute, l’avocat-e doit insister sur la nécessité d’une instruction approfondie du dossier plutôt que d’accepter un rejet prématuré de la demande. L’objectif est de s’assurer que tous les éléments pertinents ont été pris en compte avant qu’une décision définitive ne soit rendue.

 

Arrêt 8C_757/2023 consultable ici

 

8C_261/2024 (f) du 18.12.2024 – Droit à une rente de survivants de la conjointe divorcée / Preuve univoque de l’obligation légale de verser des contributions d’entretien

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_261/2024 (f) du 18.12.2024

 

Consultable ici

 

Droit à une rente de survivants de la conjointe divorcée / 29 al. 4 LAA – 39 OLAA

Preuve univoque de l’obligation légale de verser des contributions d’entretien

 

B.__, né en 1974, de nationalité suédoise, est décédé le 17.01.2021 des suites d’un accident de ski. Il était domicilié en Suisse et travaillait pour la société anonyme C.__.

Au jour de son décès, il était divorcé, par jugement du 16.07.2020 rendu selon le droit suédois, de A.__, mère de leurs trois enfants mineurs qui en avait la garde exclusive et vivait avec ceux-ci en Suède. Par décision du 05.04.2022, l’assurance-accidents a octroyé une rente d’orphelin à chacun des trois fils.

Par lettres des 01.06.2022 et 25.11.2022, A.__ a émis des prétentions en allocation d’une rente de survivante de la part de l’assurance-accidents. Par décision du 06.12.2022, confirmée sur opposition, celle-ci lui a dénié le droit à ladite prestation.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 38/23 – 30/2024 – consultable ici)

Par jugement du 26.03.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3
Conformément à l’art. 28 LAA, lorsque l’assuré décède des suites d’un accident, le conjoint survivant et les enfants ont droit à des rentes de survivants. Le conjoint survivant a droit à une rente lorsque, au décès de son conjoint, il a des enfants ayant droit à une rente ou vit en ménage commun avec d’autres enfants auxquels ce décès donne droit à une rente ou lorsqu’il est invalide aux deux tiers au moins ou le devient dans les deux ans qui suivent le décès du conjoint (art. 29 al. 3, première phrase, LAA). La veuve a en outre droit à une rente lorsque, au décès du mari, elle a des enfants qui n’ont plus droit à une rente ou si elle a accompli sa 45e année; elle a droit à une indemnité en capital lorsqu’elle ne remplit pas les conditions d’octroi d’une rente (art. 29 al. 3, seconde phrase, LAA).

Aux termes de l’art. 29 al. 4 LAA, le conjoint divorcé est assimilé à la veuve ou au veuf lorsque l’assuré victime de l’accident était tenu à aliments envers lui. L’obligation de verser une pension alimentaire au conjoint divorcé, au sens de l’art. 29 al. 4 LAA, doit résulter d’un jugement passé en force ou d’une convention de divorce approuvée par le juge (art. 39 OLAA).

Consid. 4
En l’espèce, les juges cantonaux ont constaté que l’assuré avait travaillé en Suisse et était, de ce fait, assuré auprès de l’assurance-accidents pour les accidents non professionnels. Le cas d’assurance devait donc être examiné selon le droit suisse, à l’aune des conditions posées aux art. 29 al. 4 LAA et 39 OLAA.

Se référant à la jurisprudence développée en la matière, les juges cantonaux ont retenu que la condition relative à l’obligation de verser des prestations ne devait pas impérativement résulter d’un jugement de divorce entré en force ou d’une convention de divorce ratifiée par le juge, mais pouvait être déduite plus largement de toute preuve permettant d’établir une obligation juridique de la personne assurée de contribuer à l’entretien de l’ex-conjoint, pour autant que cette preuve soit univoque. À cet égard, A.__ avait fourni un jugement de divorce du 16.07.2020 passé en force, rendu selon le droit suédois. Ce jugement était reconnu en Suisse en vertu des art. 1 al. 2 de la loi fédérale sur le droit international privé (LDIP; RS 291) et 2 de la Convention sur la reconnaissance des divorces et des séparations de corps (RS 0.211.212.3). Contrairement à ce que soutenait A.__, ce n’était pas tant la question du droit (suisse ou suédois) applicable dans son cas qui était déterminante, mais plutôt le point de savoir si le jugement de divorce produit, et valant comme tel en Suisse, permettait l’octroi d’une rente de survivante selon les art. 29 al. 4 LAA et 39 OLAA. Or ce jugement, qui se prononçait uniquement sur le principe du divorce mais ne prévoyait pas de contributions d’entretien, ne permettait pas d’établir l’existence d’une obligation d’entretien du défunt envers A.__. Celle-ci admettait en outre qu’elle n’avait entrepris aucune démarche, singulièrement qu’elle n’avait pas ouvert d’action, en vue d’obtenir une contribution d’entretien avant le décès de son ex-conjoint. Elle avait également allégué qu’elle ne recevait pas une telle contribution et qu’elle n’était pas parvenue à se mettre d’accord avec son ex-conjoint à ce sujet. Quant à l’avis de droit d’une avocate suédoise, produit par A.__ en procédure administrative, il mentionnait que celle-ci aurait pu obtenir une contribution d’entretien limitée à un an, ce qui était purement spéculatif et ne fondait aucune obligation juridique. Il était donc établi qu’aucune prestation d’entretien n’était effectivement versée en faveur de A.__, même au-delà du cadre du jugement de divorce. Enfin, les juges cantonaux ont nié que celle-ci n’aurait pas eu le temps d’ouvrir une action alimentaire entre le prononcé du divorce le 16.07.2020 et le décès de l’assuré, survenu le 17.01.2021. Aussi A.__ ne pouvait-elle pas prétendre à l’allocation d’une rente de survivante.

Consid. 6.1
Selon la jurisprudence, il convient d’appliquer par analogie à l’art. 29 al. 4 LAA, en relation avec l’art. 39 OLAA, l’exigence d’une preuve univoque de l’obligation légale de verser des contributions d’entretien, telle qu’elle a elle-même été développée par la jurisprudence relative à l’art. 23 al. 2 LAVS dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 1996 (arrêt U 201/00 du 9 février 2001). L’ancien art. 23 al. 2 LAVS assimilait la femme divorcée à la veuve après le décès de son mari divorcé, pour autant que ce dernier ait été tenu de lui verser des contributions d’entretien (et que le mariage ait duré au moins dix ans).

En ce qui concerne la première condition, soit précisément l’obligation de verser des contributions d’entretien, le Tribunal fédéral des assurances avait décidé, dans une jurisprudence longue et bien établie, qu’il devait ressortir clairement du jugement de divorce ou de la convention de divorce, ou encore de moyens de preuve supplémentaires, que les prestations versées par le mari compensaient les droits de la femme divorcée à des contributions d’entretien personnelles conformément aux art. 151 ou 152 CC (dans leur teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 1999). L’existence d’une obligation d’entretien au sens de l’art. 23 al. 2 LAVS constituait une question de preuve qui devait être examinée de manière indépendante dans le cadre de la procédure de droit des assurances sociales. À cet égard, l’administration n’était pas tenue de consulter de son propre chef d’autres pièces que le jugement de divorce et la convention de divorce; elle devait cependant entrer en matière sur les demandes concrètes de preuves et tenir compte des moyens de preuve présentés lors de l’évaluation. En conséquence, l’obligation d’entretien au sens de l’art. 23 al. 2 LAVS ne devait pas nécessairement être établie sur la base du seul libellé du jugement de divorce ou de la convention de divorce mais pouvait également résulter d’autres moyens de preuve (supplémentaires) s’il en ressortait clairement que les prestations fournies par le mari avaient indemnisé les droits de la femme divorcée à des contributions d’entretien (ATF 110 V 242 consid. 1 et 2). Dans ce contexte, il a été jugé, par exemple, que l’obligation juridique (et pas seulement morale) de contribuer à l’entretien de l’ex-conjoint survivant n’était pas établie, même dans le cas d’un assuré décédé qui avait versé plus ou moins régulièrement à sa première épouse des montants destinés notamment à son entretien mais qui n’étaient pas mentionnés dans le jugement ou la convention de divorce (arrêt U 201/00 précité consid. 2b). De même, le fait qu’un assuré vivait en concubinage avec son ex-épouse à qui il fournissait des prestations d’entretien pendant une longue durée ne permettait pas de conclure à une volonté de se lier contractuellement (arrêt U 104/03 du 14 juillet 2004 consid. 3.3).

Consid. 6.2
Au vu de la jurisprudence exposée au considérant qui précède, A.__ se méprend lorsqu’elle laisse entendre qu’il appartiendrait au juge des assurances sociales d’examiner d’office l’existence d’une obligation (juridique) de verser des contributions d’entretien à l’ex-conjoint. Soit cette obligation ressort clairement d’un jugement de divorce ou d’une convention, soit elle peut être établie sur la base du dossier. À cet égard, le rôle du juge se limite à examiner si une preuve univoque de l’obligation de verser des contributions d’entretien peut être déduite du dossier. Cela ne signifie pas qu’il doit endosser le rôle du juge du divorce et examiner concrètement si l’ex-conjoint aurait droit à une pension si une procédure de divorce était pendante. Certes, la jurisprudence impose à l’administration d’entrer en matière sur des réquisitions de preuves concrètes. A.__ ne fait toutefois pas valoir qu’un moyen de preuve offert aurait été écarté à tort. En outre, on ne peut pas suivre le point de vue selon lequel le dossier contiendrait tous les éléments pour statuer à ce sujet. Même sous l’angle du droit suisse, invoqué par A.__, la durée du mariage et la garde des enfants ne suffisent pas à attester son droit propre à une contribution, d’autant moins que le dossier n’offre aucune vue d’ensemble de sa situation économique et personnelle. Il ne permet pas non plus de retenir que le versement d’une pension avait concrètement fait l’objet d’une discussion entre les ex-époux ou encore que A.__ avait initié une procédure tendant à la reconnaissance de son droit à une contribution, respectivement entrepris des démarches concrètes dans ce sens. Il s’ensuit que les griefs de A.__, qu’ils portent sur l’application du droit suisse ou sur l’égalité de traitement, sont mal fondés, dès lors que la condition d’une preuve univoque de l’obligation légale de verser des contributions, laquelle s’applique en tout état de cause, n’est pas satisfaite en l’espèce.

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

 

Arrêt 8C_261/2024 consultable ici

 

8C_320/2024 (f) du 16.12.2024 – Frais de voyage / Traitement hospitalier et traitement de physiothérapie – Absence de justification pour se rendre à Genève plutôt qu’à Vevey

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_320/2024 (f) du 16.12.2024

 

Consultable ici

 

Frais de voyage / 13 LAA – 20 OLAA

Traitement hospitalier et traitement de physiothérapie – Absence de justification pour se rendre à Genève plutôt qu’à Vevey

 

NB : l’arrêt traite de plusieurs éléments. J’ai décidé d’aborder uniquement les frais de voyage, sujet rarement traité dans les arrêts du TF.

 

Assuré, né en 1961. Accident le 01.11.2018 : chute après avoir perdu l’équilibre et s’est blessé à la colonne vertébrale cervicale. L’évolution du cas a montré une fracture du corps vertébral D7. L’assuré présentait déjà d’autres atteintes à la colonne vertébrale, notamment un ancien tassement du corps vertébral L2, causé par un accident de ski en 2012 (non LAA) ainsi qu’un ancien tassement du plateau supérieur du corps vertébral D10. L’assurance-accidents a mis fin à ses prestations le jour même (décision sur opposition confirmée par la Casso et par le TF ; arrêt 8C_615/2021).

Entre-temps, l’assuré a annoncé à l’assurance-accidents une nouvelle chute survenue le 07.08.2020, se réceptionnant sur le dos. Diagnostics de dorsalgies, de fracture fraîche de D5 avec un œdème à l’IRM du 18.08.2020, un status post fracture de D7 avec cyphose de 7°, de D10 non déplacée et de L2 avec cyphose de 12° asymétrique, ainsi que des lombalgies chroniques. Le 14.09.2020 : biopsie et cimentoplastie des fractures aiguës du plateau vertébral supérieur des vertèbres D5 et D6 et infiltrations.

Par décision du 19.05.2023, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a accepté de prendre en charge les frais de déplacement de l’assuré en voiture à hauteur de 60 centimes par kilomètre jusqu’au prestataire le plus proche pouvant effectuer les soins prodigués. Elle remboursait un montant de 3 fr. 50 par trajet pour se rendre auprès des prestataires de soins de Vevey et a considéré que l’hospitalisation de l’assuré aurait pu s’effectuer à l’Hôpital G.__ si bien qu’elle remboursait un montant de 12 fr. par trajet.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 91/23 – 39/2024 – consultable ici)

Par jugement du 27.08.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 6.1
Selon l’art. 13 al. 1 LAA, les frais de voyage, de transport et de sauvetage sont remboursés, dans la mesure où ils sont nécessaires. L’art. 20 al. 1 OLAA précise que les frais nécessaires de sauvetage et de dégagement, ainsi que les frais médicalement nécessaires de voyage et de transport sont remboursés, d’autres frais de voyage et de transport étant remboursés lorsque les liens familiaux le justifient.

Consid. 6.2
Les juges cantonaux ont confirmé la position de l’assurance-accidents selon laquelle l’assuré aurait pu effectuer l’ensemble de ses rendez-vous médicaux dans la région de Vevey puisqu’il habitait encore W.__ à cette époque, et qu’il ne se justifiait dès lors pas d’indemniser ses frais de déplacement jusqu’à Genève pour se rendre auprès de thérapeutes. Il en allait de même avec les frais de déplacement pour l’intervention ayant eu lieu à Genève puisque l’assuré aurait pu être hospitalisé à l’Hôpital G.__. L’assuré n’avait pas été en mesure de démontrer qu’il aurait été nécessaire, d’un point de vue médical, qu’il se rende à Genève pour une partie de son suivi médical, respectivement jusqu’à Lausanne pour certains rendez-vous puisqu’il n’était pas contestable qu’il existait un large réseau de physiothérapeutes à Vevey, tout à fait compétents pour prodiguer les soins utiles dans le présent cas. Parmi ceux-ci se trouvaient notamment des praticiens bénéficiant de compétences dans le domaine du sport, parfaitement à même de prendre en charge l’assuré au regard de son activité professionnelle.

Consid. 6.3
L’assuré fait grief à la cour cantonale d’avoir confirmé la limitation de la prise en charge de ses frais de déplacement sans avoir expliqué en quoi les motifs qu’il avait allégués pour justifier de ses lieux de soins n’étaient pas pertinents pour s’écarter de la recommandation de la commission ad hoc sinistres LAA n° 1/94 sur le remboursement de frais (frais de sauvetage, de dégagement, de voyage et de transport, frais de logement et d’entretien) sur laquelle s’était fondée l’assurance-accidents. Il ajoute que si elle doutait de la nécessité pour l’assuré de poursuivre sa prise en charge auprès des professionnels de santé qui connaissaient son cas, la cour cantonale aurait dû, conformément à son devoir d’instruction, interpeller les spécialistes sur ce point.

Consid. 6.4
Contrairement à ce qu’il prétend, l’assuré n’a pas expliqué – que ce soit dans son opposition contre la décision de l’assurance-accidents limitant la prise en charge des frais de déplacement ou dans son recours devant l’instance cantonale – les raisons pour lesquelles il s’était rendu à Genève pour des séances de physiothérapie. Pour le reste, les juges cantonaux ont constaté qu’il existait suffisamment de professionnels compétents pour traiter l’assuré dans la région de W.__, où il résidait à l’époque. L’assuré n’expose pas en quoi ces constatations seraient manifestement erronées, y compris si l’on prend en considération ses activités dans le domaine sportif, auxquelles il se réfère. Sur ce plan également, le recours, à la limite de la recevabilité, est infondé.

 

Le TF rejette – intégralement – le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_320/2024 consultable ici