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8C_452/2020 (f) du 07.10.2021 – Récusation d’un expert – Pas d’inimitié marquée de l’expert à l’encontre de l’avocat de l’assuré – 44 LPGA / Tentative de désignation consensuelle préalable pas applicable en assurance-accidents

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_452/2020 (f) du 07.10.2021

 

Consultable ici

NB: arrêt du TF détaillé , avec de nombreuses références. Arrêt d’une grande utilité dans la pratique quotidienne, tant pour les assurés (pour motiver une récusation) que pour les assureurs-accidents.

 

Récusation d’un expert – Pas d’inimitié marquée de l’expert à l’encontre de l’avocat de l’assuré / 44 LPGA

Procédure de mise en œuvre d’une expertise – Tentative de désignation consensuelle préalable pas applicable en assurance-accidents – Pas de droit justiciable de l’assuré à la mise en œuvre d’une expertise sur une base consensuelle

 

 

Assuré, né en 1972, peintre, a été victime le 28.10.2013 d’une chute qui a entraîné une contusion lombaire.

Par courrier du 09.05.2019, l’assurance-accidents a informé l’assuré qu’elle estimait une expertise nécessaire et qu’elle entendait la confier au CEMED à Nyon, plus particulièrement au professeur C.__ pour le volet orthopédie-chirurgie du rachis, au docteur D.__ pour le volet neurologique et au docteur E.__ pour le volet psychiatrique ; elle invitait l’assuré à prendre position sur l’opportunité de l’expertise en soi, le centre d’expertise proposé et les questions qu’elle entendait poser aux experts.

Le 05.06.2019, l’assuré, sous la plume de son avocat, a approuvé le principe de l’expertise et les questions posées. Il s’est toutefois opposé à la désignation en tant qu’expert du docteur D.__, au motif que celui-ci avait montré, par le passé, « une remarquable propension à ne pas faire la part des choses entre attaques ad hominem et sa mission d’expertise, en s’en prenant à un expertisé en raison du fait que [son avocat avait] émis des critiques quant à sa nomination en qualité d’expert ». Il se référait à cet égard au ch. 70 d’un arrêt ATAS/818/2017 rendu le 25.09.2017 par la Chambre des assurances sociales dans une cause concernant une autre assurée représentée par le même avocat. Estimant ainsi qu’en raison de l’animosité dont il avait fait preuve par le passé envers son avocat, le docteur D.__ « ne [remplissait] pas les conditions nécessaires pour être nommé expert au sens de l’art. 44 LPGA », l’assuré proposait les noms de trois autres médecins neurologues.

Par décision incidente du 13.06.2019, l’assurance-accidents a rejeté la demande de récusation du docteur D.__, au motif que les griefs évoqués dans le courrier du 05.06.2019 ne constituaient pas des motifs de récusation pertinents au sens des dispositions légales applicables ou de la jurisprudence du Tribunal fédéral.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/444/2020 – consultable ici)

Par arrêt du 08.06.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Recevabilité du recours

Une décision porte sur une demande de récusation lorsqu’elle tranche la question de la récusation d’un membre de l’autorité, tel qu’un juge; la jurisprudence a cependant admis que l’art. 92 LTF s’applique aussi à la décision sur la récusation d’un expert (BERNARD CORBOZ, in Commentaire de la LTF, 2e éd. 2014, n° 15 ad art. 92 LTF; ATF 138 V 271 consid. 2.2.1). Doit en outre être assimilée à une décision sur une demande de récusation au sens de l’art. 92 LTF toute décision qui se prononce séparément sur la composition régulière de l’autorité qui entend statuer ensuite sur le fond; il s’agit en effet d’une question préliminaire qui doit être définitivement liquidée sans attendre la suite de la procédure (arrêt 4A_141/2018 du 4 septembre 2018 consid. 1.2, avec référence à CORBOZ, op. cit., n° 18 ad art. 92 LTF, et au Message du Conseil fédéral, FF 2001 p. 4131).

Un préjudice au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF ne peut être qualifié d’irréparable que s’il cause un dommage de nature juridique qui ne peut pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant; en revanche, un dommage de pur fait, comme la prolongation de la procédure ou un accroissement des frais de celle-ci, n’est pas considéré comme irréparable (ATF 133 IV 139 consid. 4 et les arrêts cités). Il appartient à la partie recourante, sous peine d’irrecevabilité, non seulement d’alléguer, mais aussi d’établir la possibilité que la décision incidente lui cause un dommage irréparable, à moins que celui-ci ne fasse d’emblée aucun doute (ATF 133 III 629 consid. 2.3.1).

En l’espèce, l’arrêt attaqué constitue indubitablement une décision préjudicielle ou incidente qui porte sur une demande de récusation, au sens exposé ci-dessus, en tant qu’il statue sur la question de la récusation de l’expert D.__. Dans cette mesure, le recours est donc recevable au regard de l’art. 92 LTF. Il y a lieu d’admettre que l’assuré peut aussi, dans le cadre de ce recours, contester la composition régulière de la Chambre des assurances sociales. Il peut également invoquer la violation de ses droits de participation sur le choix de l’expert, dans la mesure où il risquerait de subir un préjudice irréparable au sens de l’art. 93 al. 1 let. a LTF s’il ne pouvait le faire que dans le cadre d’un recours contre la décision finale (cf. ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.7; 141 V 330 consid. 5.2 et 7.1).

 

Récusation d’un expert – 44 LPGA

Selon l’art. 44 LPGA, si l’assureur doit recourir aux services d’un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties; celles-ci peuvent récuser l’expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions. La communication du nom de l’expert doit notamment permettre à l’assuré de reconnaître s’il s’agit d’une personne à l’encontre de laquelle il pourrait disposer d’un motif de récusation (ATF 146 V 9 consid. 4.2). Lorsque l’assureur social et l’assuré ne s’entendent pas sur le choix de l’expert, l’administration doit rendre une décision directement soumise à recours (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6; 138 V 318 consid. 6.1).

Les objections que peut soulever l’assuré à l’encontre de la personne de l’expert peuvent être de nature formelle ou matérielle; les motifs de récusation formels sont ceux prévus par la loi (cf. art. 10 al. 1 PA et 36 al. 1 LPGA); d’autres motifs, tels que le manque de compétence dans le domaine médical retenu ou encore un manque d’adéquation personnelle de l’expert, sont de nature matérielle (ATF 132 V 93 consid. 6.5; arrêt 9C_180/2013 du 31 décembre 2013 consid. 2.3; JACQUES OLIVIER PIGUET, in Commentaire romand de la LPGA, 2018, n° 24 ad art. 44 LPGA).

S’agissant des motifs de récusation formels d’un expert, il y a lieu selon la jurisprudence d’appliquer les mêmes principes que pour la récusation d’un juge (ATF 137 V 210 consid. 2.1.3; 132 V 93 consid. 7.1; 120 V 357 consid. 3a) et qui découlent directement du droit constitutionnel à un tribunal indépendant et impartial garanti par l’art. 30 al. 1 Cst. – qui en la matière a la même portée que l’art. 6 par. 1 CEDH (ATF 134 I 20 consid. 4.2) – respectivement, pour un expert, des garanties générales de procédure de l’art. 29 al. 1 Cst., qui assure à cet égard une protection équivalente à celle de l’art. 30 al. 1 Cst. (arrêt 5A_484/2015 du 2 octobre 2015 consid. 2.3.2 et les références).

Un expert passe ainsi pour prévenu lorsqu’il existe des circonstances propres à faire naître un doute sur son impartialité. Dans ce domaine, il s’agit toutefois d’un état intérieur dont la preuve est difficile à apporter. C’est pourquoi il n’est pas nécessaire de prouver que la prévention est effective pour récuser un expert. Il suffit que les circonstances donnent l’apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de l’expert. L’appréciation des circonstances ne peut pas reposer sur les seules impressions de l’expertisé, la méfiance à l’égard de l’expert devant au contraire apparaître comme fondée sur des éléments objectifs (ATF 132 V 93 consid. 7.1; 128 V 82 consid. 2a).

Selon l’art. 58 al. 1 PCF, applicable par renvoi de l’art. 55 LPGA à travers l’art. 19 PA, les cas de récusation prévus à l’art. 34 LTF s’appliquent par analogie à la récusation des experts. Selon l’art. 34 let. e LTF – qui, à l’instar de l’art. 56 let. f CPP ou de l’art. 47 al. 1 let. f CPC, ne fait que concrétiser les principes découlant de l’art. 6 par. 1 CEDH et de l’art. 30 al. 1 Cst. et a la portée d’une clause générale (ATF 143 IV 69 consid. 3.2; arrêt 4A_586/2008 du 12 juin 2009 consid. 2) -, un juge peut être récusé s’il peut être prévenu de toute autre manière, notamment en raison d’une amitié étroite ou d’une inimitié personnelle avec une partie ou son mandataire.

En ce qui concerne l’inimitié, il faut qu’il y ait un antagonisme passionné (« leidenschaftliche Gegnerschaft ») (arrêts 1P.340/1993 du 8 septembre 1993 consid. 2a; 1P.559/1992 du 11 novembre 1992 consid. 2c; P.373/1982 du 30 novembre 1982 consid. 4a) ou à tout le moins un différend marqué (« besonderes Zerwürfnis ») ou des tensions prononcées (« ausgeprägte Spannungen ») entre le juge et une partie, ce qui, d’un point de vue objectif, suggère une inimitié (ISABELLE HÄNER, in Basler Kommentar zum Bundesgerichtsgesetz, 3e éd. 2018, n° 16 ad art. 34 LTF; REGINA KIENER, Richterliche Unabhängigkeit, 2001, p. 99). Ainsi, un juge qui a déposé une plainte pénale et pris des conclusions civiles en réparation du tort moral pour atteinte à l’honneur est tenu de se récuser dans une procédure ultérieure impliquant l’auteur de l’atteinte (ATF 134 I 20 consid. 4). En revanche, de simples déclarations d’un magistrat portant une appréciation sur la personne ou le comportement d’une partie (« wertende Äusserungen »; cf. HÄNER, op. cit., n° 16 ad art. 34 LTF; KIENER, op. cit., p. 100 ss) doivent être interprétées de manière objective, en tenant compte de leur contexte, de leurs modalités et du but apparemment recherché par leur auteur (arrêt 1B_255/2021 du 27 juillet 2021 consid. 3.1). Ainsi, par exemple, le seul fait qu’un juge ait utilisé dans son jugement des termes inadéquats et contraires à l’exigence d’humanité et de respect du justiciable (traitant celui-ci de « justiciable querelleur, menteur, ergoteur et vindicatif », ayant « des comportements querelleurs, ergoteurs et pénibles que rien n’excuse ») ne justifie pas sa récusation lorsqu’aucune marque de prévention antérieure à la rédaction du jugement de condamnation ne ressortait du procès-verbal ou du déroulement de l’audience (arrêt 1B_255/2021 précité consid. 3.3).

Il convient d’examiner en premier lieu le grief selon lequel les juges cantonaux auraient violé le droit fédéral en retenant qu’il n’existait pas de motif de récusation formel à l’encontre du docteur D.__.

Après avoir rappelé les principes applicables à la récusation d’un expert, la cour cantonale a exposé que l’assuré reprochait au docteur D.__ d’éprouver une inimitié marquée à l’encontre de son mandataire, comme cela ressortirait de la procédure ayant abouti à l’arrêt ATAS/818/2017 du 25 septembre 2017, dans laquelle ce médecin aurait déclaré à la personne qu’il devait expertiser que son avocat  » lui avait fait du mal, car il l’avait critiqué (…). Lorsque la consultation [avait] repris, il [était] à nouveau revenu sur le problème avec [son] avocat qui avait, selon lui, écrit de mauvaises choses sur lui. A la fin, il [avait] également dit la même chose à [la fille de l’expertisée]. (…) il [était] revenu sur le sujet, en disant que ce que M e Maugué affirmait était de la diffamation. (…). Il [avait dit à la fille de l’expertisée] qu’il allait le faire en attaquant certainement Me M.__ en diffamation ». Comme cela ressortait de la doctrine et de la jurisprudence, il fallait un désaccord particulier ou une tension prononcée entre le docteur D.__ et l’avocat, suggérant une inimitié, pour que le motif de récusation prévu par l’art. 34 al. 1 let. e LTF pût être retenu. Or force était de constater que les propos reprochés au médecin précité, pour autant qu’ils eussent été effectivement tenus, l’avaient été dans le cadre de l’expertise d’une autre assurée. Le comportement reproché au docteur D.__ ne semblait pas avoir fait l’objet d’une dénonciation à l’autorité de surveillance des médecins. De même, le comportement reproché à l’avocat n’avait pas été porté à la connaissance du Bâtonnier ou de la commission du barreau. Il ne ressortait pas non plus de l’arrêt du 25 septembre 2017 invoqué par l’assuré que le comportement du docteur D.__ aurait eu des répercussions sur l’appréciation faite par ce médecin, la valeur probante de son rapport n’ayant en particulier été remise en question ni par l’assurée ni par la Chambre des assurances sociales. Enfin, l’assuré ne prétendait pas non plus que lesdites dissensions, pour autant qu’elles eussent existé, auraient perduré au-delà de la procédure ayant conduit à l’arrêt du 25 septembre 2017 précité. En réalité, les commentaires du docteur D.__, pour autant qu’ils eussent effectivement été tenus, l’avaient été dans une procédure particulière, à laquelle les prétendues dissensions entre l’expert et l’avocat susmentionné semblaient se limiter. Dans ces circonstances, on ne pouvait pas parler d’inimitié entre les deux intéressés, de sorte que c’était à juste titre que l’assurance-accidents avait refusé de récuser le docteur D.__.

Cette appréciation de la cour cantonale échappe à la critique au regard des faits sur lesquels elle se fonde, lesquels ne sont pas remis en cause par l’assuré et lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 et 2 LTF). L’assuré se contente de maintenir que la « virulence » des propos qu’aurait tenus le docteur D.__ à l’encontre de son conseil en 2015 (cf. ch. 55 et 59 de l’arrêt ATAS/818/2017 du 25 septembre 2017) dénoterait une animosité qui dépasserait largement le cadre de la procédure dans laquelle ils auraient été tenus. Toutefois, force est de constater que le fait que le docteur D.__ ait mal pris les critiques dont il avait fait l’objet de la part de l’avocat alors que ce dernier défendait une autre assurée il y a une demi-douzaine d’années ne permet nullement de retenir qu’il existerait actuellement entre le premier – qui n’a pas saisi la justice pénale ou civile ni même la commission du Barreau – et le second un antagonisme passionné ou même seulement des tensions prononcées qui seraient de nature à jeter un doute sur l’impartialité de l’expert à l’égard de l’assuré.

 

Tentative de désignation consensuelle préalable

Dans un arrêt de principe publié à l’ATF 137 V 210, le Tribunal fédéral a modifié sa jurisprudence antérieure (ATF 132 V 93) selon laquelle la mise en œuvre d’une expertise par l’assureur social ne revêtait pas le caractère d’une décision; il a jugé qu’en l’absence d’accord entre les parties, une telle mise en œuvre devait revêtir la forme d’une décision, qui pouvait être attaquée devant les tribunaux cantonaux des assurances sociales, respectivement devant le Tribunal administratif fédéral (consid. 3.4.2.6 et 3.4.2.7). Par la suite, le Tribunal fédéral a précisé que dans le domaine de l’assurance-accidents également, il fallait ordonner une expertise en cas de désaccord, par le biais d’une décision incidente sujette à recours auprès du tribunal cantonal des assurances, respectivement auprès du Tribunal administratif fédéral (ATF 138 V 318 consid. 6.1).

À l’ATF 139 V 349, le Tribunal fédéral a considéré qu’il était conforme au droit de limiter l’attribution des mandats d’expertise selon le principe aléatoire – tel que requis depuis l’ATF 137 V 210 pour les mandats d’expertises médicales confiées à un COMAI – aux expertises comprenant trois ou plus de trois disciplines médicales selon l’art. 72bis RAI (consid. 2.2 et 5.4). Il a relevé que pour les expertises médicales mono- et bidisciplinaires qui n’étaient pas attribuées selon le principe aléatoire (consid. 4.2), l’incombance (Obliegenheit) de l’Office AI et de la personne assurée de s’efforcer d’aboutir à une désignation consensuelle de l’expert ou des experts prenait une importance particulière et que, lorsqu’il entendait confier une telle expertise à un COMAI, l’Office AI avait l’obligation d’entreprendre cette procédure de désignation consensuelle (consid. 5.4).

Examinant le grief de l’assuré selon lequel l’assurance-accidents n’aurait pas recherché un accord sur la personne de l’expert et n’aurait ainsi pas respecté ses droits de participation, la Chambre des assurances sociales a indiqué qu’elle avait été amenée à rendre des arrêts de principe sur le sujet en 2013, dans lesquels elle avait alors jugé qu’indépendamment des griefs invoqués par l’assuré à l’encontre de l’expert, la cause devait être renvoyée à l’Office AI, au motif que ce dernier n’avait pas essayé de parvenir à un accord avec l’assuré sur le choix de l’expert, ce qui violait les droits de participation de l’assuré dans la procédure de désignation de l’expert (ATAS/226/2013 du 28 février 2013 et ATAS/263/2013 du 13 mars 2013). Toutefois, ces deux arrêts, qu’elle avait ensuite régulièrement mentionnés dans sa jurisprudence, avaient été rendus en matière d’assurance-invalidité et ce antérieurement à l’ATF 139 V 349, dans lequel le Tribunal fédéral avait évoqué une incombance (cf. consid. 2.4.2 supra). En revanche, le Tribunal administratif fédéral et plusieurs juridictions cantonales s’étaient prononcés postérieurement à l’ATF 139 V 349 précité et avaient, de manière générale, considéré que l’assuré n’avait pas de droit justiciable à la mise en œuvre d’une expertise sur une base consensuelle (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral C-463/2013 du 1 er mai 2014; arrêt de la Cour des assurances sociales du canton de Vaud Al 143/12 du 26 août 2013; arrêt du Tribunal des assurances sociales de Bâle-Ville IV.2018.37 du 23 juillet 2018; arrêts du Tribunal des assurances sociales du canton de Zurich UV.2019.00276 du 13 mars 2020, UV.2017.00202 du 23 février 2018 et IV.2016.00514 du 8 novembre 2016; arrêt du Tribunal administratif, division des assurances sociales, du canton de Berne 200 17 517 IV du 29 août 2017; arrêt de la Cour de justice d’Appenzell Rhodes-Extérieures O3V 14 15 du 18 février 2015).

Au vu de l’ATF 139 V 349, il fallait considérer que la désignation consensuelle d’un expert ne constituait pas un droit pouvant être déduit en justice, dès lors qu’il s’agissait d’une simple incombance et non d’une obligation, et que le caractère obligatoire de la procédure de désignation consensuelle se limitait aux cas dans lesquels l’Office AI souhaitait confier une expertise mono- ou bidisciplinaire à un COMAI. En effet, le Tribunal fédéral avait considéré que dans de tels cas, il existait un risque d’abus de la part de l’OAI, en ce sens que cet office pouvait être tenté de renoncer à une ou plusieurs disciplines médicales pour s’épargner la procédure d’attribution aléatoire qui prévalait en cas d’expertises pluridisciplinaires (ATF 139 V 349 consid. 5.4; arrêt 9C_718/2013 du 12 août 2014 consid. 4). En revanche, il n’était pas nécessaire de prévoir un tel correctif en matière d’assurance-accidents, dans laquelle la procédure d’attribution ne s’appliquait pas.

En l’espèce, la cour cantonale a constaté que l’assurance-accidents avait informé l’assuré de la mise en œuvre de l’expertise, en lui indiquant le nom de l’organisme envisagé et des médecins pressentis pour la réaliser (avec leurs spécialités) et en lui soumettant la liste des questions envisagées. L’assuré s’était catégoriquement opposé à ce que le docteur D.__ fût retenu en tant qu’expert au motif que celui-ci avait par le passé montré un comportement critiquable à l’encontre de son avocat dans le cadre d’une cause concernant une autre assurée. En l’absence de consensus sur le choix de l’expert, c’était à juste titre que l’assurance-accidents avait statué sur la question par une décision incidente, dans laquelle elle avait motivé sa position, sans qu’un nouvel échange à ce propos fût nécessaire. Au surplus, il ressortait des écritures de l’assuré que celui-ci était catégoriquement opposé à la désignation du docteur D.__. Or dans de telles circonstances, renvoyer la cause pour une désignation consensuelle de l’expert reviendrait à reconnaître un droit de véto à l’assuré et à exiger de l’assurance-accidents qu’elle renonce à l’expert choisi afin d’arriver à un consensus, ce qui ne correspondait pas à la jurisprudence fédérale.

L’assuré reproche à la cour cantonale d’avoir violé les « règles relatives à un procès équitable » en retenant que les droits de participation de l’assuré tels que consacrés par la jurisprudence du Tribunal fédéral ne sont pas des droits justiciables dans le champ de l’assurance-accidents, mais une simple incombance.

La question de savoir s’il existe un droit justiciable à la désignation consensuelle de l’expert en matière d’assurance-accidents peut demeurer indécise en l’espèce. Il n’est en effet pas contesté que le principe de l’attribution aléatoire des mandats d’expertises pluridisciplinaires développé en matière d’assurance-invalidité ne s’applique pas à l’assurance-accidents (cf. consid. 2.4.2 supra). Si l’assureur-accidents – comme l’Office AI pour les expertises mono- ou bidisciplinaires – doit s’efforcer de mettre en œuvre une expertise sur une base consensuelle et prendre en considération les objections soulevées par l’assuré quant à la personne de l’expert, le Tribunal fédéral a clairement rejeté la conception selon laquelle un expert ne pourrait être désigné qu’avec le consentement de l’assuré dès que celui-ci émet des objections sur la personne de l’expert, car cela reviendrait à reconnaître un droit de veto à l’assuré; il a précisé que même en cas d’objection justifiée de l’assuré, l’assureur n’est pas tenu de suivre sans autre les contre-propositions de l’assuré (ATF 139 V 349 consid. 5.2.1).

En l’espèce, la seule objection soulevée par l’assuré à l’encontre de la désignation du docteur D.__ tenait à la prétendue inimitié de celui-ci envers son avocat, qui aurait constitué un motif formel de récusation. Or comme cette objection était dénuée de fondement, l’assurance-accidents n’avait pas, en l’absence de toute objection de nature matérielle envers la personne du docteur D.__, à continuer de rechercher une désignation consensuelle de l’expert. En effet, cela serait revenu à admettre un droit de veto de l’assuré à l’encontre du docteur D.__ en dépit de l’inexistence de motifs de récusation. C’est ainsi à juste titre que l’assurance-accidents a statué sur la question par une décision incidente. Le grief de l’assuré doit dès lors être rejeté.

 

Droit à un tribunal établi par la loi

L’assuré reproche enfin à la Chambre des assurances sociales d’avoir violé son droit à un tribunal établi par la loi (art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH). Il invoque à cet égard l’art. 133 al. 2 de la loi cantonale genevoise sur l’organisation judiciaire (LOJ/GE; RS/GE E 2 05), qui dispose que lorsqu’elle entend se prononcer sur une question de principe ou modifier la jurisprudence, la chambre des assurances sociales siège dans la composition de cinq juges et deux juges assesseurs, et non dans sa composition ordinaire d’un juge et deux juges assesseurs (cf. art. 133 al. 1 LOJ/GE). Il soutient qu’en considérant que la désignation consensuelle d’un expert ne constituait pas un droit pouvant être déduit en justice, la cour cantonale aurait modifié sa jurisprudence antérieure, selon laquelle le droit de l’assuré à une tentative de désignation consensuelle de l’expert, consacré par les ATF 137 V 210 et 138 V 318, était un droit justiciable. Il se réfère à quatre arrêts de la Chambre des assurances sociales, tous rendus en matière d’assurance-accidents (ATAS/1138/2017 du 13 décembre 2017; ATAS/1109/2019 du 27 novembre 2019; ATAS/178/2020 du 4 mars 2020; ATAS/362/2020 du 7 mai 2020).

Ce grief est dénué de fondement. En effet, la cour cantonale a rejeté le recours au motif que l’assuré est catégoriquement opposé à la désignation comme expert du docteur D.__, à l’encontre duquel il n’existe pas de motif de récusation, et que dans de telles circonstances, renvoyer la cause pour une désignation consensuelle de l’expert reviendrait à reconnaître un droit de veto à l’assuré, ce qui ne correspondrait pas à la jurisprudence publiée à l’ATF 139 V 349. Comme on l’a vu, une telle motivation échappe à la critique indépendamment du point de savoir s’il existe un droit justiciable à la désignation consensuelle de l’expert en matière d’assurance-accidents. Dans la mesure où l’arrêt attaqué n’opère pas un revirement de la jurisprudence de la Chambre des assurances sociales mais se fonde sur la jurisprudence publiée du Tribunal fédéral, il n’avait pas à être rendu dans la composition prévue par l’art. 133 al. 2 LOJ/GE.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_452/2020 consultable ici

 

 

Expertises et assurances sociales : mise en place d’une commission d’assurance qualité

Expertises et assurances sociales : mise en place d’une commission d’assurance qualité

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 24.11.2021 consultable ici

 

Lors de sa séance du 24.11.2021, le Conseil fédéral a mis en place la Commission fédérale d’assurance qualité des expertises médicales et a élu ses membres. La commission débutera ses activités le 01.01.2022. Elle surveillera, pour toutes les assurances sociales, l’habilitation des centres d’expertises, le processus d’expertise ainsi que les résultats des expertises médicales, et formulera des recommandations officielles sur ces thématiques. L’Assemblée fédérale avait décidé de la création de cette commission dans le cadre de la réforme « Développement continu de l’assurance-invalidité ».

La qualité des expertises médicales dans les assurances sociales, en particulier celles relevant de l’assurance-invalidité (AI), a fait l’objet d’une attention croissante au cours des dernières années. Dans le cadre de la réforme « Développement continu de l’AI », qui entrera en vigueur le 01.01.2022, les parlementaires se sont également penchés sur cette question et ont décidé de la création d’une nouvelle commission extraparlementaire dédiée à la qualité et à l’assurance qualité des expertises médicales. Jusqu’à présent, aucune institution indépendante n’était chargée de cette mission en Suisse.

 

Promouvoir la qualité des expertises réalisées pour les assurances sociales

La Commission fédérale d’assurance qualité des expertises médicales a pour tâche d’élaborer des recommandations sur les points suivants :

  • exigences et normes de qualité pour le processus de réalisation des expertises,
  • critères relatifs à l’activité des spécialistes (expertes et experts) ainsi qu’à leur formation universitaire, postgrade et continue,
  • critères relatifs à l’accréditation des centres d’expertises et à leur activité,
  • critères et outils relatifs à l’évaluation qualitative des expertises.

Elle surveillera en outre si ces critères sont respectés par les experts et les centres d’expertises et pourra formuler des recommandations officielles.

La commission sera dirigée par une présidente ou un président et sera composée de douze membres. Le Conseil fédéral a nommé les membres jusqu’à la fin 2023, date à laquelle prend fin le mandat actuel des commissions extraparlementaires. La commission comptera des représentants des médecins (trois personnes), des assurances sociales (AI et assurance-accidents, deux personnes), des organisations de patients et des organisations d’aide aux personnes handicapées (deux personnes), des milieux scientifiques (deux personnes), des centres d’expertises (une personne), des neuropsychologues (une personne) ainsi que du secteur de la formation en médecine des assurances (une personne).

Sur le plan organisationnel, la commission dépend administrativement du Département fédéral de l’intérieur (DFI). Son secrétariat est rattaché à l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS).

La base légale de la Commission fédérale d’assurance qualité des expertises médicales est ancrée dans la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA). L’activité de la commission s’étend à toutes les assurances soumises à la LPGA (en particulier l’AI, l’assurance-accidents, l’assurance militaire et l’assurance-maladie).

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 24.11.2021 consultable ici

Membres de la Commission fédérale d’assurance qualité des expertises médicales élus le 24.11.2021 (liste consultable ici)

Décision du Conseil fédéral consultable ici (en allemand)

 

 

Développement continu de l’AI : entrée en vigueur le 01.01.2022

Développement continu de l’AI : entrée en vigueur le 01.01.2022

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 03.11.2021 consultable ici
(version italienne / allemande)

 

Le Développement continu de l’AI entrera en vigueur le 01.01.2022. Le Conseil fédéral l’a décidé lors de sa séance du 03.11.2021. Cette révision de loi apporte des améliorations en particulier en faveur des enfants, des jeunes et des personnes atteintes de troubles psychiques. Les expertises médicales feront l’objet de mesures visant à garantir la qualité et à améliorer la transparence. La mise en œuvre de la révision implique d’importantes modifications au niveau réglementaire, lesquelles ont été soumises à consultation. Le Conseil fédéral a pris connaissance des résultats et adapté quelques dispositions en conséquence.

Le Développement continu de l’AI vise notamment à soutenir, de façon encore plus ciblée, les enfants et les jeunes en situation de handicap ainsi que les personnes atteintes dans leur santé psychique, ceci afin de renforcer leur potentiel de réadaptation et d’améliorer leur aptitude au placement. À cette fin, l’AI intensifiera la collaboration avec les acteurs impliqués, en particulier les médecins traitants et les employeurs. En outre, les mesures en faveur des jeunes seront coordonnées et davantage orientées vers le marché primaire du travail. Les prestations de conseil et de suivi seront étoffées et consolidées pour profiter tant aux jeunes assurés qu’aux professionnels de l’enseignement et de la formation. Les instruments de détection précoce et les mesures de réinsertion socioprofessionnelles qui ont fait leurs preuves auprès des adultes seront étendus aux jeunes.

 

Expertises médicales : amélioration de la qualité et de la transparence

Dans le cadre du Développement continu de l’AI, les mesures d’instruction et la procédure liée aux expertises médicales seront uniformisées pour toutes les assurances sociales. Lors de l’attribution des mandats d’expertise, l’assurance et la personne assurée devront se mettre d’accord sur un mandataire. En outre, les expertises deviendront plus transparentes : les entretiens entre experts et assurés feront désormais l’objet d’un enregistrement sonore, qui sera joint au dossier. En ce qui concerne l’AI en particulier, les offices AI tiendront une liste publique contenant des informations sur les experts auxquels ils font appel (nombre d’expertises effectuées, remboursements, incapacités de travail attestées, appréciation des expertises dans le cadre de décisions de justice).

 

Les expertises bidisciplinaires seront confiées exclusivement et de manière aléatoire à des centres agréés ou à des binômes d’experts, comme c’était le cas pour les seules expertises pluridisciplinaires (trois disciplines ou plus) jusqu’ici. Une commission extraparlementaire indépendante sera instituée pour veiller à la qualité des expertises. Ses tâches et compétences seront réglées par voie d’ordonnance. À la demande des participants à la consultation, le nombre de représentants du corps médical au sein de la commission diminue au profit de celui des organisations de patients et d’aide aux personnes handicapées. Par ailleurs, des exigences relatives aux qualifications professionnelles des experts médicaux seront définies.

 

Évaluation du taux d’invalidité : une réglementation plus claire

Un système de rentes linéaire est introduit pour les nouveaux bénéficiaires de rente, afin de les inciter à augmenter le taux de leur activité lucrative. Dans le système actuel à quatre échelons, de nombreux bénéficiaires de rente AI n’ont pas intérêt à travailler davantage, car cela n’augmenterait pas leur revenu disponible en raison d’effets de seuil. Une rente entière sera octroyée, comme aujourd’hui, à partir d’un taux d’invalidité de 70%.

Avec l’introduction d’un système de rentes linéaire, l’exactitude du taux d’invalidité revêtira une plus grande importance. En effet, dans ce nouveau système, chaque point de pourcentage sera déterminant pour le calcul du montant de la rente. Afin d’accroître la sécurité juridique et l’uniformité, les principes essentiels de l’évaluation du taux d’invalidité seront désormais définis au niveau d’une ordonnance et non plus par voie de directive. La réforme clarifie en outre les dispositions applicables aux cas suivants : personnes travaillant à temps partiel, comparaison du revenu réalisé avant la survenance de l’invalidité avec celui réalisable après, personnes sans diplôme professionnel, invalides précoces ou de naissance et revenus particulièrement bas avant la survenance de l’invalidité. Ces modifications devraient profiter aux personnes assurées à différents égards. Les participants à la consultation ont en particulier critiqué la réglementation sur l’abattement en raison d’une atteinte à la santé et l’application des tableaux de l’Enquête suisse sur la structure des salaires pour la détermination d’un revenu réalisable. Le Conseil fédéral a décidé de s’en tenir à cette pratique tout en chargeant l’Office fédéral des assurances sociales d’examiner la possibilité de développer de nouvelles bases spécifiques à l’AI.

[NB : le communiqué de presse ne mentionne pas l’abandon de l’abattement sur les salaires statistiques utilisés pour le revenu avec invalidité (nouvelle appellation du revenu d’invalide). Cf. à ce sujet les commentaires de l’art. 26bis al. 3 P-RAI dans le rapport explicatif pour la situation dès le 01.01.2022 et les prises de position dans le rapport sur les résultats de la consultation (p. 48).]

 

Infirmités congénitales : mise à jour de la liste

L’AI finance le traitement médical de certaines infirmités congénitales qui touchent les enfants et les jeunes. La réforme prévoit d’inscrire dans la loi des critères clairs pour déterminer si une maladie est assimilée à une infirmité congénitale, et donc si l’AI prend en charge les coûts de son traitement. La liste des infirmités congénitales sera mise à jour. Les affections qui peuvent être traitées facilement seront désormais prises en charge par l’assurance-maladie. À l’inverse, de nouvelles maladies, en particulier des maladies rares, seront prises en charge par l’AI. La tenue de la liste des infirmités congénitales sera confiée au Département fédéral de l’intérieur (DFI). L’ordonnance actuelle du Conseil fédéral sera donc remplacée par une ordonnance départementale, ce qui facilitera la mise à jour régulière de la liste.

 

Prise en charge de médicaments : création d’un centre de compétences

Pour les infirmités congénitales reconnues, l’AI prend aussi en charge les coûts des médicaments. Afin de simplifier la procédure et de concentrer les compétences techniques, une liste des spécialités sera créée pour l’AI (liste des spécialités en matière d’infirmités congénitales, LS IC). Elle recensera les médicaments pris en charge par l’AI ainsi que leur prix maximal. Pour être admis sur la liste, les médicaments devront faire l’objet d’un examen selon les critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité, sur le modèle de la procédure appliquée dans l’assurance-maladie. La nouvelle LS IC remplacera l’actuelle liste des médicaments destinés au traitement des infirmités congénitales. Lorsqu’une personne assurée atteint l’âge de 20 ans, les médicaments remboursés par l’AI seront pris en charge dans la même mesure par l’assurance obligatoire des soins.

Un centre de compétences sera créé auprès de l’Office fédéral de la santé publique pour la procédure d’admission et la tenue de la LS IC. En effet, cet office étant responsable de la liste des spécialités de l’assurance-maladie, il dispose déjà de l’expérience nécessaire en la matière.

 

Aides financières de l’AI : ajournement de l’ordre de priorité

Les organisations faîtières de l’aide privée aux personnes en situation de handicap peuvent recevoir des aides financières de l’AI. Dans le cadre du Développement continu de l’AI, il était prévu que le Conseil fédéral détermine un ordre de priorité suivant lequel répartir ces aides dans les limites du montant fixé. S’étant heurtée à une vive opposition lors de la consultation, cette réglementation est pour l’heure abandonnée. Un éventuel ajustement sera envisagé de concert avec les organisations concernées pour la prochaine période contractuelle 2024-2027.

 

Nouvelle ordonnance du département sur les prestations de soins

Le DFI met en vigueur une nouvelle ordonnance sur les prestations de soins au 01.01.2022. Celle-ci désigne les prestations de soins ambulatoires (par exemple soins prodigués par des organisations d’aide et de soins à domicile) fournies aux enfants et aux adolescents qui seront prises en charge par l’AI. En faisant édicter une ordonnance du ressort du DFI, le Conseil fédéral répond à un mandat découlant du Développement continu de l’AI.

 

 

Quelques précisions (données issues du rapport explicatif)

 

Optimisation de la réadaptation

  • Formation professionnelle initiale

Pour que la formation professionnelle initiale (FPI) puisse être menée à bien et déboucher sur une intégration au marché du travail (primaire) aussi durable que possible, il est important qu’elle corresponde aux aptitudes et au niveau de développement de l’assuré (cf. art. 8, al. 1bis, LAI).

Avec le Développement continu de l’AI (DC AI), l’art. 16 LAI a été complété de sorte que la FPI vise si possible l’insertion professionnelle sur le marché du travail primaire et soit mise en œuvre sur ce dernier. La norme de délégation de l’al. 4 donnera au Conseil fédéral la compétence de fixer les conditions d’octroi de mesures de formation pratiques et à bas seuil en ce qui concerne leur nature, leur durée et leur étendue.

La réglementation de la FPI doit également être concrétisée au niveau de l’ordonnance. Les points suivants seront inscrits dans le RAI : Définition du recoupement avec l’art. 15 LAI (Orientation professionnelle) (art. 5, al. 2, PRAI) ; Définition de la réussite d’une FPI (art. 5, al. 3, P-RAI) ; Précision de la norme de délégation donnée au Conseil fédéral (art. 5, al. 4 et 5, P-RAI) ; Définition du recoupement avec l’art. 17 LAI (Reclassement) (art. 5bis, al. 1, P-RAI).

 

  • Indemnité journalière de l’AI

La nouvelle réglementation de la LAI relative aux indemnités journalières vise à mettre les jeunes atteints dans leur santé sur un pied d’égalité financière avec les personnes du même âge en bonne santé. Elle permet d’éviter que, pendant la formation, les premiers ne reçoivent des indemnités journalières plus élevées que le salaire perçu par les seconds. Le droit aux indemnités journalières sera ouvert dès le début de la formation, et cela même en l’absence d’une perte de gain et avant l’âge de 18 ans. Ce modèle permettra à l’assuré de percevoir un vrai salaire, directement versé par l’employeur en contrepartie du travail fourni.

Le RAI doit être modifié en conséquence, en particulier en ce qui concerne les modalités d’octroi des indemnités journalières durant l’instruction (art. 17, al. 2, P-RAI) et durant le délai d’attente (art. 18 P-RAI) et les bases de calcul du montant des indemnités journalières (art. 21octies, al. 3, et 22, P-RAI).

 

  • Couverture accidents

L’assurance-accidents de personnes bénéficiant de mesures de l’AI (AA AI), introduite par le Développement continu de l’AI (DC AI), offre une sécurité juridique à toutes les personnes concernées, ce qui favorisera la réadaptation. Les nouvelles dispositions permettent à l’AI de prendre en charge les coûts et obligations notamment des employeurs, dans l’optique d’inciter ces derniers à proposer des mesures de réadaptation.

En 2018, le Tribunal fédéral a, pour la première fois, jugé (ATF 144 V 411) qu’une mesure de réadaptation de l’AI (concrètement, un placement à l’essai au sens de l’art. 18a LAI) était assujettie à la couverture accidents selon la loi fédérale sur l’assurance-accidents (LAA). Les dispositions relatives à la couverture accidents contenues dans le message relatif au DC AI ont donc été adaptées à la nouvelle jurisprudence.

La mise en œuvre de l’AA AI nécessite plusieurs modifications dans le RAI et l’OLAA (notamment les art. 88sexies ss P-RAI ainsi que le titre 8a P-OLAA [art. 132 ss P-OLAA]]). Ces adaptations concernent principalement la procédure relative à la nouvelle branche d’assurance. Au vu de la situation spécifique des assurés bénéficiant de mesures de réadaptation, il est également nécessaire de préciser certaines modalités (notamment calcul des prestations en cas d’accident).

 

Mesures médicales

  • Mesures médicales de réadaptation

Dans le DC AI, la limite d’âge pour les mesures médicales de réadaptation de l’art. 12 LAI a été relevée. Les assurés participant à une mesure de réadaptation d’ordre professionnel bénéficieront désormais de mesures médicales de réadaptation jusqu’à 25 ans. Les modalités de l’enchaînement de mesures de réadaptation d’ordre professionnel doivent être réglées dans le RAI (art. 2bis P-RAI). En outre, les conditions régissant la prise en charge des coûts doivent être concrétisées de sorte qu’une mesure médicale de réadaptation doit être demandée avant le début du traitement (art. 2, al. 3, P-RAI). Cette modification entend alléger la charge administrative liée à la procédure de délimitation des compétences entre les assureurs-maladie et l’AI.

 

Système de rentes

  • Système de rentes linéaire

Avec l’introduction du système de rentes linéaire dans l’AI, le montant du droit aux prestations sera fixé en pourcentage d’une rente complète, et non plus par paliers d’un quart de rente. La disparition du système de paliers entraîne des adaptations formelles du RAI et du RAVS (art. 33bis, al. 2, et art. 38, al. 2, P-RAI ; art. 51, al. 5, RAVS) ; une disposition transitoire portant sur la diminution des deux rentes d’un couple sera également nécessaire. Par ailleurs, les tables de rentes seront remplacées par des prescriptions relatives au calcul du montant des rentes (art. 53, al. 1, P-RAVS).

Comme le nouvel échelonnement du droit à la rente s’appliquera également aux prestations d’invalidité de la prévoyance professionnelle obligatoire, les art. 4 et 15 P-OPP 2 ainsi que l’art. 3 de l’ordonnance sur la prévoyance professionnelle obligatoire des chômeurs seront modifiés.

 

  • Évaluation du taux d’invalidité

La norme de délégation accordée au Conseil fédéral par le DC AI pour le calcul du revenu déterminant a été précisée (art. 28a, al. 1, LAI). Celui-ci pourra donc régler par voie d’ordonnance le revenu avec et sans invalidité ainsi que les facteurs de correction applicables.

Le nouveau système de rentes linéaire revalorisera les prestations au pourcentage près du taux d’invalidité. Pour un taux d’invalidité compris entre 40% et 70%, chaque pour cent modifiera le montant de la rente. La pratique actuelle, fondée principalement sur les directives et tirée en grande partie de la jurisprudence, sera inscrite dans la législation par voie d’ordonnance dans le cadre de la norme de délégation accordée au Conseil fédéral. L’objectif est de créer la plus grande sécurité juridique possible afin de prévenir autant que possible les litiges relatifs au calcul du taux d’invalidité.

Dans un premier temps, il s’agira de déterminer le statut de l’assuré, à savoir si ce dernier exerce une activité lucrative, n’exerce pas d’activité lucrative ou exerce une activité lucrative à temps partiel (art. 24septies P-RAI). Ensuite, les principes généraux applicables à la comparaison des revenus, et en particulier à la date déterminante et à l’application des valeurs statistiques, seront fixés (art. 25 P-RAI).

L’art. 25 al. 2 P-RAI dispose que la situation et les salaires sur le marché suisse du travail sont déterminants pour le calcul du taux d’invalidité. Dans des cas particuliers dûment motivés, l’office AI pour les assurés résidant à l’étranger peut également établir les revenus à comparer sur la base du marché du travail étranger, notamment quand les revenus effectifs sur ce marché sont connus et qu’ils ne peuvent pas être convertis sans autres sur le marché suisse du travail. Cela suppose toutefois que les deux revenus à comparer sont déterminés sur le même marché du travail étranger.

Le revenu avec et sans invalidité sera défini, si possible sur la base du revenu effectif, sinon, sur la base de valeurs statistiques (art. 26 et 26bis P-RAI). En principe, il faut utiliser à cet effet les tableaux de l’ESS ; d’autres valeurs statistiques peuvent être utilisées lorsque le revenu en question n’est pas représenté dans l’ESS.

Pour le calcul du taux d’invalidité, il est prévu d’appliquer les principes généraux aux invalides précoces ou de naissance et de renoncer à l’actuel classement par groupe d’âge jusqu’à 30 ans (art. 26, al. 5 et 6, P-RAI). L’inégalité de traitement sera ainsi supprimée. Les jeunes assurés en possession d’une attestation de formation professionnelle ou d’un certificat fédéral de capacité selon la LFPr doivent être considérés comme les autres jeunes du même âge sans atteinte à la santé.

Une parallélisation sera effectuée pour les revenus sans invalidité, lorsque le salaire de l’assuré est inférieur de plus de 5% au salaire usuel dans la branche (art. 26, al. 2, P-RAI). La nouvelle réglementation est plus avantageuse que la réglementation actuelle pour les assurés, parce qu’il n’est plus nécessaire d’examiner quels sont précisément les facteurs à l’origine d’un revenu inférieur à la moyenne ou si, éventuellement, l’assuré ne se serait pas satisfait d’un revenu aussi modeste. On part plutôt du principe qu’un salarié n’aurait vraisemblablement pas accepté volontairement un revenu aussi faible. La parallélisation doit par conséquent être systématiquement effectuée lorsque le revenu effectivement réalisé selon l’al. 1 est inférieur de 5%, voire davantage au revenu médian usuel dans la branche selon l’ESS. Contrairement à la pratique du Tribunal fédéral, une parallélisation est ici aussi pratiquée lorsque l’assuré réalise le salaire minimum prévu par convention collective de travail (CCT) ou contrat-type de travail (CTT) mais que celui-ci reste néanmoins inférieur de 5 %, voire davantage au revenu médian usuel dans la branche selon l’ESS. Une CCT ou un CTT ne réglemente que le salaire minimum, généralement pas le revenu usuel. Enfin, de nombreuses CCT et CTT ne s’appliquent que régionalement. Le travail des organes d’exécution serait considérable s’il fallait vérifier dans chaque cas qu’une CCT ou un CTT s’applique. Avec l’application automatique de la parallélisation pour les salariés, tous les facteurs économiques pouvant être pris en considération pour un abattement en raison d’une atteinte à la santé sont déjà pris en compte.

Pour les assurés qui sont invalides de naissance ou invalides précoces, le revenu sans invalidité est fixé sur la base de valeurs statistiques non spécifiques au sexe (cf. art. 26, al. 6, P-RAI). Pour éviter toute distorsion, le revenu avec invalidité doit donc lui aussi être déterminé sur la base de valeurs indépendantes du sexe.

S’agissant du revenu avec invalidité, l’abattement en raison d’une atteinte à la santé n’est désormais plus appliqué (cf. commentaires de l’art. 26bis al. 3 P-RAI).

Les règles s’appliquant au calcul du taux d’invalidité des assurés exerçant une activité lucrative à temps partiel ou n’exerçant pas d’activité lucrative resteront largement inchangées (art. 27 et 27bis P-RAI). Toutefois, le calcul applicable au temps partiel sera uniformisé et égalitaire du point de vue juridique. Les activités lucratives et les travaux habituels seront désormais considérés comme complémentaires, de sorte que tout ce qui n’est pas réputé activité lucrative relèvera des travaux habituels (art. 27bis, al. 1, P-RAI).

 

Procédure et expertises

La procédure d’instruction menée d’office vise à garantir un traitement aussi simple et rapide que possible des procédures en matière d’assurances sociales. Les droits de participation des assurés ainsi que les rôles et les compétences des organes d’exécution seront réglés dans la LPGA pour toutes les assurances sociales. De plus, les mesures en matière de procédure d’instruction sont clarifiées et uniformisées, notamment s’agissant des expertises médicales :

  • si un assureur et un assuré ne parviennent pas à s’entendre sur un expert, l’assureur communique sa conclusion par décision incidente (art. 44, al. 4, LPGA). Pour que l’expert puisse être choisi de manière consensuelle, les parties doivent, si possible, parvenir à un accord avant la décision. La procédure de consensus est précisée dans l’OPGA (art. 7j P-OPGA). La possibilité d’une recherche de consensus ne prive pas l’assureur de sa compétence s’agissant de la désignation de l’expert. La jurisprudence actuelle selon laquelle l’assuré ne peut se prévaloir d’aucun droit à la désignation d’un expert de son choix continue de s’appliquer.
  • S’agissant de l’attribution des mandats d’expertise, le Conseil fédéral peut édicter des règles pour chaque domaine des assurances sociales (art. 44, al. 7, LPGA). Les règles s’appliquant au domaine de l’AI méritent d’être révisées. Ainsi, en vue de garantir la qualité et à l’instar des expertises multidisciplinaires, les expertises bidisciplinaires sont attribuées uniquement, et de manière aléatoire, à des centres d’expertises ou à des binômes d’experts autorisés (art. 72bis, al. 1bis, P-RAI). De plus, les exigences relatives à la qualification professionnelle des experts médicaux désireux de travailler sur mandat d’une assurance sociale sont définies au plan fédéral (art. 7l P-OPGA).
  • Les entretiens entre l’expert et l’assuré sont enregistrés (enregistrement sonore) et joints au dossier. Le terme «entretien» est employé dans la loi (art. 44, al. 6, LPGA), mais n’y est pas défini. Il doit donc être précisé dans le règlement (art. 7k P-OPGA). Par entretien, on entend l’anamnèse et la description par l’assuré de l’atteinte à sa santé. Les explications et déclarations personnelles de l’assuré sont placées au premier plan. L’enregistrement sonore doit garantir que les déclarations de l’assuré sont saisies correctement et reprises avec exactitude dans le rapport de l’expert. La partie consacrée à l’évaluation psychologique dans les expertises psychiatriques, neurologiques et neuropsychologiques ne peut pas être enregistrée. Lorsque l’assuré souhaite renoncer à l’enregistrement sonore de l’entretien, il doit en aviser par écrit l’assureur. La renonciation ne peut être communiquée qu’à l’organe d’exécution. Si l’assuré décide seulement après coup qu’il ne souhaite pas d’enregistrement, il doit demander à l’organe d’exécution, dans les dix jours qui suivent l’entretien, la destruction de l’enregistrement (art. 7k al. 3 lit. b P-OPGA). En règle générale, l’expertise n’est pas encore terminée à ce stade, ce qui signifie que l’expert n’enverra que son rapport écrit à l’organe d’exécution.
  • Les offices AI géreront une liste publique en vue d’assurer un maximum de transparence en matière de répartition des mandats d’expertise (art. 57, al. 1, let. n, LAI). Ces deux nouveautés sont précisées par voie d’ordonnance (art. 7k et 7l P-OPGA ; art. 41b P-RAI).
  • En vue de l’établissement d’expertises, les médecins doivent avoir suivi une formation postgrade en tant que spécialiste, mais aussi dans le domaine des expertises médicales. L’exigence relative à la possession d’une certification de l’association Médecine d’assurance suisse (Swiss Insurance Medicine, SIM) garantit que les médecins spécialistes qui réalisent des expertises pour les assurances sociales en tant qu’experts ont suivi une formation proposée en Suisse dans le domaine des expertises médicales (art. 7m al. 2 P-OPGA). Le respect de cette condition professionnelle peut également être vérifié sur Internet et dans un registre librement accessible. La qualification en médecine des assurances est requise uniquement pour les disciplines médicales les plus demandées (spécialistes en médecine interne générale, en psychiatrie et en psychothérapie, en neurologie, en rhumatologie, en orthopédie ou en chirurgie orthopédique et en traumatologie de l’appareil locomoteur).
  • Par ailleurs, une commission extra-parlementaire indépendante chargée de veiller à la qualité des expertises est créée (art. 44, al. 7, let. c, LPGA ; art. 7o ss P-OPGA). Ses tâches et compétences sont réglées par voie d’ordonnance. Concrètement, il est prévu qu’elle élabore et contrôle des directives et des instruments en la matière (accréditation des centres d’expertises, normes de qualité pour les expertises, outils standardisés de contrôle de la qualité des expertises, formation de base et formation continue des experts, etc.), qu’elle émette des recommandations et en assure la surveillance (art. 7p P-OPGA).

Plusieurs de ces mesures prises aux niveaux de la loi et de l’ordonnance, comme la création d’une commission indépendante, la fixation de critères d’admission pour les experts médicaux et l’attribution aléatoire des mandats d’expertise bidisciplinaires, correspondent aux recommandations du rapport d’experts sur les expertises médicales dans l’AI, publié à l’automne 2020. L’étude a été rédigée par l’entreprise Interface Politikstudien Forschung Beratung, en collaboration avec le service de psychiatrie forensique de l’Université de Berne. Elle a été faite sur demande du DFI datant de fin 2019 et analyse le système de l’activité d’expert et l’attribution des mandats.

 

Autres mesures du Développement continu de l’AI

  • Indemnité journalière de l’assurance-chômage

Actuellement, les bénéficiaires d’une rente AI dont la rente a été réduite ou supprimée suite à une révision (art. 17 LPGA ou art. 8a LAI) ont droit à 90 indemnités journalières de l’assurance-chômage au plus (art. 27, al. 4, de la loi fédérale sur l’assurance-chômage obligatoire et l’indemnité en cas d’insolvabilité ; LACI). Les nouveaux art. 68septies LAI et 27, al. 5, et 94a, LACI étendent ce droit à 180 indemnités journalières et autorisent l’AI à prendre en charge les indemnités journalières dès le 91e jour. Le nouvel art. 120a P-OACI réglera la procédure de décompte des coûts entre l’AI et l’assurance-chômage débutant le 91e jour des indemnités journalières.

 

Mesures sans lien avec le Développement continu de l’AI

  • Contribution d’assistance

L’évaluation de la contribution d’assistance (2012 à 2019) a mis en évidence que les forfaits de nuits étaient insuffisants. L’urgence d’un ajustement dans ce domaine est devenue encore plus marquée avec le modèle complétant les contrats-types de travail (CTT) cantonaux pour les travailleurs de l’économie domestique mis à la disposition des cantons par le Secrétariat d’État à l’économie (SECO). Le modèle CTT a pour objectif d’améliorer la situation des personnes qui s’occupent 24 heures sur 24 de personnes âgées ou en situation de handicap. Les actuels forfaits de nuit de la contribution d’assistance ne permettent pas de rémunérer les assistants conformément à ces dispositions.

Afin de trouver une solution à cette problématique, un groupe de travail, constitué de représentants de l’OFAS, de la COAI, des organisations pour personnes en situation de handicap, de la Conférence des directrices et directeurs cantonaux des affaires sociales (CDAS) et de la Conférence des chefs des départements cantonaux de l’économie publique (CDEP), a analysé plusieurs possibilités et retenu une variante. Celle-ci prévoit, conformément aux recommandations du SECO, de relever le montant du forfait de nuit de 88 fr. 55 à 160 fr. 50 (art. 39f, al. 3, P-RAI).

Il est également prévu de supprimer la limitation du droit à des prestations de conseil, actuellement fixée à une seule fois. Cette modification découle des discussions menées avec les organisations pour personnes en situation de handicap suite à l’évaluation de la contribution d’assistance. Certes, les prestations de conseil sont surtout demandées en début de contrat, et servent à organiser la prestation (engager du personnel, établir des contrats de travail, souscrire des assurances perte de gain, etc.). Toutefois, la pratique montre qu’elles s’avèrent aussi nécessaires par la suite, contrairement à ce qui était attendu, et ceci dans une mesure qui dépasse les quelques heures qui avaient été estimées.

 

Dispositions transitoires (selon le texte actuellement disponible)

a. Indemnités journalières

Le début effectif de la mesure est déterminant pour la détermination du droit aux indemnités journalières.

b. Évaluation du taux d’invalidité

Si une rente AI a été octroyée avant l’entrée en vigueur de la modification du … à un assuré qui, en raison de son invalidité, n’a pas pu acquérir de connaissances professionnelles suffisantes et si cet assuré n’avait pas encore 30 ans au moment de l’entrée en vigueur de la modification, le droit à la rente AI doit être révisé selon les nouvelles dispositions dans l’année qui suit. En sont exclus les assurés qui perçoivent déjà une rente entière. Une éventuelle augmentation de la rente a lieu au moment de l’entrée en vigueur de la modification du ….

c. Système de rentes

Si les let. b et c des dispositions transitoires de la modification du 19 juin 2020 de la LAI34 sont applicables à un conjoint, la réduction des deux rentes AI du couple en vertu de l’art. 37, al. 1bis, LAI s’effectue, en dérogation à l’art. 32, al. 2, en fonction du droit du conjoint dont la rente AI équivaut au pourcentage le plus élevé d’une rente entière.

d. Révision du montant de la contribution d’assistance pour les prestations de nuit

Le montant des contributions d’assistance allouées pour les prestations de nuit auxquelles les assurés avaient droit au moment de l’entrée en vigueur de la modification du … est adapté conformément à la modification. L’adaptation du montant déploie ses effets au moment de l’entrée en vigueur de la modification en question.

e. Conventions existantes concernant le remboursement de médicaments par l’assurance-invalidité

Les conventions existantes entre l’OFAS et les titulaires d’autorisation qui ont été conclues avant l’entrée en vigueur de la modification du… restent applicables jusqu’à l’inscription du médicament sur la liste des spécialités ou sur la liste des spécialités en matière d’infirmités congénitales.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 03.11.2021 consultable ici

Modification du RAI – Rapport explicatif (après la procédure de consultation) consultable ici

Modification de la LAI publié au RO 2021 705 et du RAI publié in RO 2021 706

Rapport explicatif RAI (après la procédure de consultation) disponible ici 

Rapport sur les résultats de la consultation consultable ici

Ordonnance du DFI concernant les infirmités congénitales (OIC-DFI) et rapport explicatif consultables ici et la publication au RO 2021 708

Ordonnance du DFI sur les prestations de soins fournies sous forme ambulatoire et rapport explicatif consultables ici et la publication au RO 2021 707

 

Cf. également le communiqué de presse d’Inclusion Handicap du 03.11.2021 consultable ici (version allemande ici)

 

Version italienne :

 

Version allemande :

 

 

8C_441/2017 (f) du 06.06.2018 – Troubles psychiques – ESPT – Rappel de la notion de la causalité naturelle – 6 LAA / Expertise médicale – Considérations d’ordre général vs données individuelles de l’assurée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_441/2017 (f) du 06.06.2018

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – ESPT – Rappel de la notion de la causalité naturelle / 6 LAA

Expertise médicale – Considérations d’ordre général vs données individuelles de l’assurée

 

Assurée, née en 1953, travaillait à plein temps en qualité d’assistante de police. Le 26.02.2011 en début d’après-midi, alors qu’elle effectuait son service, elle a été la cible de plusieurs coups de feu tirés au niveau de ses jambes et de son bassin par un homme qui se trouvait derrière elle à une trentaine de mètres. Deux balles l’ont atteinte dont l’une s’est arrêtée dans le fémur tandis que l’autre est ressortie. L’homme a pris la fuite peu après. Il s’est dénoncé à la police deux jours plus tard, avouant avoir tiré sur l’assurée qu’il avait choisie par hasard car il en voulait aux assistants de police.

L’assurée a subi une fracture sous-trochantérienne du fémur droit et a été opérée le jour même de l’accident au service de traumatologie de l’hôpital B.__. L’assurance-accidents a pris en charge le cas qui a nécessité un suivi médical tant sur le plan orthopédique que psychiatrique, l’assurée ayant développé des crises d’angoisse durant son hospitalisation.

L’assurée a recommencé à travailler le 01.03.2012 à 50% dans un nouveau poste au sein du secrétariat des unités de circulation.

Une expertise orthopédique-psychiatrique a été mise en œuvre par l’assurance-accidents (rapports en septembre 2013). Le médecin orthopédiste a constaté que sur le plan osseux, la fracture s’était bien consolidée. L’assurée, dont l’état était stabilisé, présentait une insuffisance du muscle fessier qui avait été touché par la deuxième balle, ainsi qu’une hypoesthésie perdurante plantaire, entraînant une boiterie de Trendelenburg et de Duchenne. L’atteinte à l’intégrité s’élevait à 10%. Une activité essentiellement debout n’était plus possible contrairement à celle en position semi-assise qui était réalisable à 100% avec tout au plus une diminution de rendement de 10%. Quant au médecin psychiatre, il a retenu les diagnostics de trouble dépressif récurrent (épisode actuellement moyen) (F33.1) et d’état de stress post-traumatique [ESPT] (F43.1). Selon lui, la causalité naturelle entre ces affections – qui entraînaient une incapacité de travail de 50% – et l’accident était actuellement donnée. Il suggérait cependant une réévaluation du cas au début de l’année 2015 vu les antécédents psychiatriques de l’assurée sous la forme d’épisodes anxio-dépressifs et de trouble panique avec agoraphobie.

Par décision du 23.10.2013, l’assurance-accidents a mis fin au traitement médical physique et alloué à A.__ une indemnité pour atteinte à l’intégrité d’un taux de 10%.

L’assurée a été réexaminée par l’expert psychiatre en janvier 2015. Ce médecin est parvenu à la conclusion que depuis le 26.02.2015, les facteurs étrangers à l’événement traumatique étaient la cause prépondérante du maintien et de la gravité des troubles psychiques actuels de l’assurée avec un degré de vraisemblance plus grand que 75%.

Informée par courrier de la fin des prestations envisagée par l’assurance-accidents, la prénommée a produit un rapport de son médecin traitant psychiatre critiquant l’expertise. Invité à se déterminer, l’expert psychiatre a établi un complément d’expertise dans lequel il confirmait ses conclusions.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis un terme à toutes ses prestations avec effet au 31.03.2015.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 25/16 – 41/2017 – consultable ici)

Par jugement du 26.04.2017, admission du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision litigieuse en ce sens que l’assurance-accidents est tenue de prendre en charge les suites de l’événement accidentel du 26.02.2011 au-delà du 31.03.2015.

 

TF

La condition du lien de causalité naturelle est réalisée lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans l’événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé: il suffit qu’associé éventuellement à d’autres facteurs, il ait provoqué l’atteinte à la santé, c’est-à-dire qu’il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte. Savoir si l’événement assuré et l’atteinte en question sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l’administration ou, le cas échéant, le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181, 402 consid. 4.3 p. 406).

Si un accident n’a fait que déclencher un processus qui serait de toute façon survenu sans cet événement, le lien de causalité naturelle entre les symptômes présentés par l’assuré et l’accident doit être nié lorsque l’état maladif antérieur est revenu au stade où il se trouvait avant l’accident (statu quo ante) ou s’il est parvenu au stade d’évolution qu’il aurait atteint sans l’accident (statu quo sine) (RAMA 1992 n° U 142 p. 75 consid. 4b). Le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu’après la survenance d’un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; cf. ATF 119 V 335 consid. 2b/bb p. 341 s.; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 s., consid. 3b). Il convient en principe d’en rechercher l’étiologie et de vérifier, sur cette base, l’existence du rapport de causalité avec l’événement assuré.

Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46 consid. 2 et la référence), entre seulement en considération s’il n’est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d’établir sur la base d’une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b p. 264 et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l’accident. Il est encore moins question d’exiger de l’assureur-accidents la preuve négative qu’aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d’une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (cf. arrêt 8C_464/2014 du 17 juillet 2015 consid. 3.3).

En l’occurrence, on doit admettre avec les juges cantonaux que la dernière expertise de l’expert psychiatre ne saurait servir de fondement à la décision de suppression litigieuse.

La raison principale qui a conduit l’expert à retenir que les facteurs étrangers avaient pris une valeur prépondérante depuis le 26.02.2015 est qu’il considère qu’un événement de l’ordre de celui subi par l’assurée ne représente pas un facteur de stress assez grave pour « provoquer per se un [ESPT] qui dure pendant des années ». En raisonnant de la sorte, l’expert psychiatre se prononce selon une approche théorique détachée du cas concret. Il porte un jugement de valeur qui repose davantage sur des considérations d’ordre général (l’expérience médicale et le cours ordinaire des choses) que sur les données individuelles de l’assurée. De plus, la conclusion à laquelle il a abouti contraste singulièrement avec ses observations cliniques puisqu’il mentionne, en janvier 2015, un tableau clinique toujours dominé par des flash-back de l’accident, une hypervigilance, de même qu’une anxiété en relation avec la peur d’être la cible d’un tir par balle en terrain dégagé, soit des symptômes en correspondance avec le traumatisme initial et typiques d’un ESPT. De telles constatations – qui rejoignent au demeurant celles faites par le psychiatre traitant – tendent à démontrer au contraire que l’événement auquel l’assurée a été confrontée joue encore un rôle, ne serait-ce que partiellement, dans son état psychique actuel. Enfin, le seul constat d’antécédents psychiatriques ne prouve pas la disparition du lien de causalité naturelle du moment qu’il suffit que l’accident soit la condition sine qua non de l’atteinte à la santé, même s’il n’en est pas la cause unique. D’ailleurs, l’expert psychiatre ne dit pas que le statu quo sine a été atteint le 26.02.2015, c’est-à-dire que l’assurée est parvenue à un état psychique similaire à celui qu’elle aurait vraisemblablement eu sans l’accident par suite d’un développement ordinaire de ses affections psychiques antérieures. En définitive, et indépendamment des objections soulevées par le médecin traitant à propos de l’influence du passé psychiatrique de l’assurée, la seule conclusion que l’on peut tirer de l’ensemble des considérations de l’expert est qu’il apparaît probable que celle-ci présente un état antérieur de fragilité qui contribue au maintien de ses troubles. On ne saurait pour autant en déduire que l’effet causal de l’accident dans l’apparition et le développement de ces troubles a disparu au sens de la jurisprudence applicable.

Au vu des avis médicaux en présence qui ne sont pas fondamentalement opposés, les juges cantonaux étaient par conséquent fondés à retenir que les troubles psychiques de l’assurée sont encore en relation de causalité naturelle avec l’accident assuré, sans qu’un complément d’instruction soit nécessaire. On peut également se rallier à leur motifs convaincants en ce qui concerne la continuation du traitement médical. Pour terminer, il n’y a pas lieu d’examiner la manière dont ils ont tranché la question de la causalité adéquate, faute de grief soulevé dans le mémoire de recours.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_441/2017 consultable ici

 

 

9C_299/2021 (f) du 11.08.2021 – Rente d’invalidité AI – Capacité de travail exigible – 16 LPGA / Contestation des conclusions d’une expertise pluridisciplinaire – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_299/2021 (f) du 11.08.2021

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité AI – Capacité de travail exigible / 16 LPGA

Contestation des conclusions d’une expertise pluridisciplinaire / 44 LPGA

Possibilités de réadaptation concrètes existantes pour la personne assurée du seul ressort de l’AI (et non des médecins)

 

Assuré, ressortissant étranger né en 1968 et domicilié à l’étranger, a travaillé comme boucher puis responsable de production. A la suite d’une première demande de prestations déposée en 2005, l’office AI a pris en charge le reclassement professionnel de l’intéressé comme opérateur en horlogerie, puis comme horloger-praticien (CFC en 2011). Le 13.10.2011, l’office AI a ensuite nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité.

Le 14.03.2014, l’assuré a déposé une 2e demande de prestations. Le 15.05.2015, l’office AI a rejeté la demande en tant qu’elle portait sur l’octroi d’une rente de l’assurance-invalidité. L’administration a en revanche reclassé l’assuré comme formateur d’adultes spécialisé en horlogerie. Le 01.08.2016, l’assuré a été engagé à plein temps dans cette nouvelle activité.

L’assuré a déposé une 3e demande de prestations le 11.07.2017. Dans le cadre de l’instruction, l’office AI a recueilli l’avis des médecins traitants, puis soumis l’assuré à une expertise médicale pluridisciplinaire. Dans un rapport du 26.09.2018, les experts ont diagnostiqué – avec incidence sur la capacité de travail – une arthrose majeure du genou droit secondaire à une fracture ancienne de la rotule, une arthrose cervicale avec discopathies cervicalgies et hernies discales multiples, une arthrose étagée lombaire avec phénomène de vides discaux depuis L3 jusqu’à L5 et canal lombaire rétréci en L4-L5 et une arthrose fémoro-patellaire débutante du genou gauche. Les médecins ont indiqué que l’assuré disposait d’une capacité de travail de 100% dans le travail en horlogerie qu’il exerçait auparavant, à condition d’éviter les modifications de poste (avec une reprise de l’activité à compter de janvier 2018, à raison de deux heures par jour et d’une augmentation du temps de travail progressive), ou dans toute autre activité adaptée aux limitations fonctionnelles décrites. Par décision du 07.01.2019, l’office AI a, en application de la méthode ordinaire de comparaison des revenus, nié le droit de l’intéressé à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt C-726/2019 – consultable ici)

En se fondant sur les conclusions de l’expertise pluridisciplinaire, le Tribunal administratif fédéral a retenu que l’état de santé de l’assuré n’avait pas connu d’aggravation depuis la décision de l’office AI du 15.05.2015. Hormis quelques incohérences négligeables, respectivement corrigées par l’office AI dans la décision du 07.01.2019, le rapport d’expertise renfermait des conclusions convaincantes et dûment motivées. En particulier, si les limitations fonctionnelles décrites par les experts s’apparentaient plutôt à l’activité d’opérateur en horlogerie qu’à celle de formateur d’adultes dans l’horlogerie, cette incohérence ne revêtait pas une importance significative. L’office AI avait en effet évalué l’invalidité de l’assuré au regard d’une activité totalement adaptée à ses problèmes de santé et précisé que l’activité d’opérateur en horlogerie n’entrait pas en considération.

Par jugement du 13.04.2021, rejet du recours par le Tribunal administratif fédéral.

 

TF

A l’inverse de ce que soutient l’assuré, pour remettre en cause le résultat de l’appréciation des preuves des premiers juges, il ne suffit pas de relever que les conclusions de l’appréciation médicale suivie par les premiers juges sont « incohérentes » ou divergent de celles de ses médecins traitants. Pour qu’il en aille différemment, il appartient à la partie recourante de mettre en évidence des éléments objectivement vérifiables – de nature notamment clinique ou diagnostique – qui auraient été ignorés dans le cadre de l’appréciation et qui seraient suffisamment pertinents pour remettre en cause le point de vue des premiers juges ou établir le caractère incomplet de celui-ci.

Or l’assuré n’explique nullement en quoi le point de vue des médecins traitants serait mieux fondé objectivement que celui des experts consultés par l’office AI ou justifierait, à tout le moins, la mise en œuvre d’une mesure d’instruction complémentaire. Au contraire, il relève expressément que les médecins traitants ont fondé leurs conclusions sur les mêmes éléments diagnostiques que ceux retenus par les experts. Par ailleurs, si l’assuré se plaint d’un manque d’explications de ces derniers concernant notamment la répercussion de son « impression de céphalée » sur sa capacité de travail, il ne prétend pas que ses médecins traitants qualifieraient cette « impression de céphalée » d’invalidante. Il est enfin sans importance que les médecins du centre d’expertise ont retenu que la précédente activité « en horlogerie » était exigible de la part de l’assuré (moyennant quelques aménagements). Il revient en effet aux organes de l’assurance-invalidité, et non pas aux médecins, d’examiner quelles possibilités de réadaptation concrètes existent pour la personne assurée, compte tenu de l’ensemble des circonstances, en particulier de ses caractéristiques physiques et psychiques ainsi que de sa situation professionnelle et sociale, considérées de manière objective (ATF 113 V 28 consid. 4a; 109 V 28). La seule référence au fait que les premiers juges n’ont pas suivi les recommandations des médecins du centre d’expertise quant à l’exigibilité de la précédente activité professionnelle ne révèle aucune trace d’arbitraire. Il n’y a pas lieu de s’écarter de l’appréciation de l’autorité précédente.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_299/2021 consultable ici

 

 

 

Lignes directrices pour l’expertise en médecine d’assurance (neurologie)

Lignes directrices pour l’expertise en médecine d’assurance (neurologie)

 

Article de Gantenbein et al. paru in Forum Med Suisse. 2021;21(2526):435-440, consultable librement ici

 

Introduction

La Société Suisse de Neurologie (SSN) a été l’initiatrice de l’élaboration d’une partie générale des «Lignes ­directrices pour l’expertise en médecine d’assurance», dans laquelle elle a également joué un rôle de premier plan. Ainsi, la partie générale des lignes directrices pour l’expertise représente déjà dans une large mesure le point de vue spécialisé de la neurologie, raison pour laquelle elle est considérée comme faisant partie intégrante de la partie spécifique à la neurologie désormais présentée ici.

Les messages déterminants relevant de la médecine d’assurance, qui sont décisifs pour la qualité d’une expertise médicale, sont présentés dans la partie générale. Cette partie spécifique doit uniquement être considérée comme un complément et il est dès lors ­vivement recommandé de consulter la partie générale. Les deux parties des lignes directrices pour l’expertise sont approuvées par la SSN et sont publiées sur son site internet (www.swissneuro.ch). Dans l’espace germanophone, il existe en outre des lignes directrices exhaustives pour l’expertise qui ont été émises par la Société allemande de neurologie («Deutsche Gesellschaft für Neurologie» [DGN]).

 

Pour le détail, nous vous renvoyons à l’article de Gantenbein et al., Lignes directrices pour l’expertise en médecine d’assurance, in Forum Med Suisse.

 

 

Gantenbein et al., Lignes directrices pour l’expertise en médecine d’assurance, in Forum Med Suisse. 2021;21(2526):435-440 consultable librement ici

 

Voir également :

 

 

4A_558/2020 (f) du 18.05.2021 – Lien de causalité naturelle entre le fait générateur de responsabilité et le dommage / Allégation globale d’un ensemble de faits par simple référence aux pièces produites pas suffisante – 55 CPC / Causalité naturelle en responsabilité civile – Statu quo sine vel ante

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_558/2020 (f) du 18.05.2021

 

Consultable ici

 

Lien de causalité naturelle entre le fait générateur de responsabilité et le dommage

Question de fait qui doit être tranché selon la règle du degré de la vraisemblance prépondérante

Allégation globale d’un ensemble de faits par simple référence aux pièces produites pas suffisante / 55 CPC

Causalité naturelle en responsabilité civile – Statu quo sine vel ante

 

B.__, né en 1960, travaillait comme chauffeur de véhicule léger dans le cadre de contrats de durée déterminée pour les Etablissements C.__ lorsqu’il a été victime d’un accident de la circulation, le 26 août 1998. Son véhicule a été embouti par l’arrière et est venu percuter le véhicule qui se trouvait devant lui. Il a qualifié le choc subi lors de l’accident de violent ou, en tous cas, l’a ressenti comme tel. Le delta-v (modification de vitesse du véhicule induite par la collision ou coefficient d’accélération) se situait entre 7 et 13 km/h.

L’employeur a annoncé le cas à l’assurance-accidents D.__ en évoquant une atteinte à la nuque de leur employé avec « coup du lapin ». L’assureur accident versera des indemnités journalières à l’assuré du 1er octobre 1998, date correspondant à la fin de son contrat de travail de durée déterminée auprès des Etablissements C.__ (qui ne sera pas renouvelé), jusqu’au 1er juin 1999. A compter de cette date, l’assureur accident estimera, d’entente avec l’assuré avec lequel il passera une convention le 4 juin 1999, qu’il ne subsistait plus de lien de causalité entre ses troubles et l’accident du 26 août 1998.

A compter de juin 1999, la victime a été indemnisée par l’assurance chômage dans un délai cadre qui a pris fin le 31 mai 2001.

Le 7 décembre 1999, B.__ a déposé une demande de prestations AI en vue d’une rééducation dans la même profession ou de mesures médicales de réadaptation. Dans le cadre de la procédure AI, de nombreuses expertises, examens et rapports ont été effectués. A l’issue d’une procédure qui a mené l’intéressé au Tribunal fédéral et abouti à un renvoi au Tribunal cantonal des assurances, celui-ci a rendu un jugement, le 7 juillet 2008, aux termes duquel il a finalement retenu une incapacité de travail durable de 40 % dans toute activité depuis le 1er septembre 2004 et renvoyé la cause à l’OAI pour calcul de l’incapacité de gain. Ce jugement constate que, sur le plan psychique, l’assuré souffre d’un épisode dépressif moyen avec syndrome somatique depuis plusieurs années, probablement avant 1999, soit avant l’apparition de la fibromyalgie. Le diagnostic de fibromyalgie d’origine psychologique est retenu. Le recours formé par l’assuré contre ce jugement sera rejeté par arrêt du Tribunal fédéral du 15 septembre 2009 (9C_775/2008). Consécutivement, il a été mis au bénéfice d’une demi-rente AI depuis le 1er septembre 2005. Cette rente s’élevait à 408 fr. pour lui et 164 fr. pour chacun de ses deux enfants en juillet 2010.

L’auteur de l’accident était assuré en responsabilité civile auprès de A1.__, devenue A.__ SA (ci-après: la société d’assurances ou la recourante).

 

Procédures cantonales

Par demande du 21 novembre 2011, déclarée non conciliée et portée le 17 janvier 2012 devant le Tribunal de première instance de Genève, la victime a assigné la société d’assurances en paiement de 1’352’061 fr. 30 à titre de perte de gain actuelle et future, de dommage de rente, de dommage ménager actuel et futur, de tort moral et de frais avant procès. Le tribunal a limité la procédure à l’examen de l’existence d’un acte illicite et d’un lien de causalité naturelle et adéquate entre l’acte en question et l’atteinte à la santé, la question du dommage étant réservée.

Par jugement du 16 décembre 2014, le tribunal a considéré que c’était à juste titre que les parties ne contestaient pas l’existence d’un acte illicite. Il a admis l’existence d’un lien de causalité naturelle et adéquate entre l’accident de circulation du 26 août 1998 et les atteintes à la santé alléguées par le demandeur ainsi que le dommage qui en résultait, en se fondant sur l’expertise judiciaire, laquelle avait conclu que – sans l’accident – la victime n’aurait vraisemblablement pas présenté un état dépressif aussi intense.

Statuant sur appel de la société d’assurances, la Cour de justice du canton de Genève a, par arrêt du 11 janvier 2016, annulé ce jugement et renvoyé la cause au Tribunal de première instance pour complément d’instruction et nouvelle décision.

Le 31 mai 2016, la société d’assurances a déposé une requête d’admission de faits et moyens de preuve nouveaux portant sur un rapport de surveillance effectuée sur la victime du 16 au 21 novembre 2014, du 14 au 20 décembre 2015 et du 23 au 29 janvier 2016, ainsi que sur des vidéos prises à l’occasion de ces surveillances. Ces faits et moyens de preuve nouveaux ont été admis à la procédure.

Sur les vidéos de surveillance précitées, l’on voit la victime conduire, accompagner son fils en voiture à l’école, faire ses courses à la… (étant précisé qu’il s’agit de petits sachets déposés dans un petit sac en papier ou pris à la main, exceptée la vidéo 23 qui montre deux sacs en papier), discuter avec des personnes dans la rue et aider ponctuellement un ami à faire le service dans son restaurant.

Par jugement du 22 octobre 2019, le Tribunal de première instance a dit que l’accident du 26 août 1998 était en lien de causalité naturelle avec les diagnostics d’épisode dépressif moyen avec syndrome somatique et de syndrome douloureux somatoforme persistant dont souffrait le demandeur, réservé la suite de la procédure et débouté les parties de toutes autres conclusions.

La société d’assurances a appelé de ce jugement. Par arrêt du 25 août 2020 (ACJC/1163/2020), la Cour de justice du canton de Genève a confirmé le jugement attaqué.

La cour cantonale s’est prononcée uniquement sur l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’accident du 26 août 1998 et l’atteinte à la santé dont souffrait l’intimé. Il s’agit d’un fait pour le constat duquel elle a eu recours à une expertise judiciaire pluridisciplinaire.

La Cour s’est exprimée sur la nature de cette atteinte à la santé, en s’en référant aux conclusions du rapport d’expertise judiciaire complémentaire du 22 janvier 2019, qui corroboraient celles du précédent rapport du 4 avril 2014. L’expert confirmait le diagnostic de syndrome douloureux somatoforme et d’épisode dépressif moyen avec syndrome somatique. Il s’agissait d’atteintes essentiellement psychiques.

La Cour a constaté que l’expert répondait affirmativement à la question de l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’accident de la circulation du 26 août 1998 et l’atteinte à la santé. Avant d’entériner cette conclusion, elle a procédé à l’examen critique de ce rapport complémentaire, savoir si les lacunes que présentait le rapport initial avaient été comblées.

Après avoir rejeté les multiples griefs soulevés par la société d’assurances, respectivement considéré que le complément d’expertise avait été mené dans les règles de l’art, était complet, n’était entaché d’aucune erreur manifeste et ne présentait aucune contradiction, de sorte qu’il revêtait une pleine force probante, la Cour cantonale s’est rangée à ses conclusions.

 

TF

 

Règle du degré de la vraisemblance prépondérante (consid. 4)

Selon la jurisprudence, l’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution serait envisageable ou même préférable. Le Tribunal fédéral n’annule la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu’elle se trouve en contradiction claire avec la situation de fait, qu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou encore lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. Pour qu’une décision soit annulée au titre de l’arbitraire, il ne suffit pas qu’elle se fonde sur une motivation insoutenable; encore faut-il qu’elle apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 136 III 552 consid. 4.2; 135 V 2 consid. 1.3; 134 I 140 consid. 5.4, 263 consid. 3.1).

S’agissant plus précisément de l’appréciation des preuves et de l’établissement des faits, il y a arbitraire lorsque l’autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu’elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 129 I 8 consid. 2.1).

Lorsque la juridiction cantonale se rallie au résultat d’une expertise, le Tribunal fédéral n’admet le grief d’appréciation arbitraire des preuves que si l’expert n’a pas répondu aux questions, si ses conclusions sont contradictoires ou si, de quelque autre manière, l’expertise est entachée de défauts à ce point évidents et reconnaissables, même en l’absence de connaissances ad hoc, qu’il n’était tout simplement pas possible de les ignorer. L’autorité cantonale n’est pas tenue de contrôler à l’aide d’ouvrages spécialisés l’exactitude scientifique des avis de l’expert. Il n’appartient pas non plus au Tribunal fédéral de vérifier que toutes les affirmations de l’expert sont exemptes d’arbitraire; sa tâche se limite à examiner si l’autorité cantonale pouvait, sans arbitraire, faire siennes les conclusions de l’expertise (ATF 133 II 384 consid. 4.2.3; 132 II 257 consid. 4.4.1; arrêts 4A_543/2014 du 30 mars 2015 consid. 5, non publié à l’ATF 141 III 97; 4A_5/2011 du 24 mars 2011 consid. 4.2).

L’existence d’un lien de causalité naturelle entre le fait générateur de responsabilité et le dommage est une question de fait que le juge doit trancher selon la règle du degré de la vraisemblance prépondérante. Dans ce cas, l’allègement de la preuve se justifie par le fait que, en raison de la nature même de l’affaire, une preuve stricte n’est pas possible ou ne peut être raisonnablement exigée de celui qui en supporte le fardeau (ATF 133 III 81 consid. 4.2.2, 462 consid. 4.4.2). Ceci étant rappelé, le grief de la recourante est mal fondé comme cela saute aux yeux à la lecture de l’arrêt attaqué, qui rappelle que les faits pertinents doivent être établis au degré de la vraisemblance prépondérante. C’est ce même degré de preuve que l’expert a observé pour affirmer qu’il existait un lien de causalité naturelle entre l’accident de la circulation et l’atteinte à la santé de l’intimé. L’usage d’une expression isolée, respectivement tronquée, dans l’expertise ne contredit pas ce qui précède. Le grief ne peut qu’être rejeté.

 

Allégations des faits – 55 CPC

La cour cantonale a estimé que, bien que la recourante ait produit cette pièce en première instance, le passage de ce document qu’elle alléguait pour la première fois en appel constituait un fait nouveau irrecevable. A juste titre. Comme elle l’a justement évoqué, le procès doit en principe se conduire entièrement devant les juges du premier degré; l’appel est ensuite disponible mais il est destiné à permettre la rectification des erreurs intervenues dans le jugement plutôt qu’à fournir aux parties une occasion de réparer leurs propres carences. En particulier, une partie ne saurait se réserver des moyens d’attaquer le jugement à venir en déposant délibérément, en première instance, des pièces sans lien avec l’argumentation qu’elle développe, dans la perspective de les exploiter plus tard au stade de l’appel. Les faits doivent au contraire être allégués et énoncés de façon suffisamment détaillée dès les écritures de première instance, de manière à circonscrire le cadre du procès, assurer une certaine transparence et, en particulier, permettre une contestation efficace par l’adverse partie (FABIENNE HOHL, Procédure civile, Berne 2016, vol. I, nos 1258 s. p. 207 s.). L’allégation globale d’un ensemble de faits par simple référence aux pièces produites n’est pas suffisante (HOHL, ibid; CHRISTOPH HURNI, in Commentaire bernois, 2012, n° 21 ad art. 55 CPC); à plus forte raison, un ensemble de faits passé entièrement sous silence dans les mémoires, même s’il peut être reconstitué par l’étude des pièces, n’est pas valablement introduit dans le procès et il est donc nouveau si une partie s’avise de s’en prévaloir en appel uniquement (arrêt 4A_309/2013 du 16 décembre 2013 consid. 3.2).

Ceci ne laisse nulle possibilité à ce grief de prospérer.

 

Causalité naturelle en responsabilité civile – Statu quo sine vel ante (consid. 7)

Il y a causalité naturelle entre deux événements lorsque, sans le premier, le second ne se serait pas produit; il n’est pas nécessaire que l’événement considéré soit la cause unique ou immédiate du résultat, mais il doit se présenter comme une condition « sine qua non » du dommage (ATF 96 II 396 consid. 1; arrêt 5C.125/2003 du 31 octobre 2003 consid. 3.2).

Dans un arrêt remontant à 2010, le Tribunal fédéral a évoqué que la définition du lien de causalité naturelle était identique en droit de la responsabilité civile et en droit des assurances sociales (arrêt 4A_65/2009 du 17 février 2010 consid. 5.1). Cela étant, la notion de statu quo sine vel ante avait été développée en matière d’assurance-accidents (ibid., consid. 5.3). En droit de la responsabilité civile, il suffisait que le lien de causalité naturelle entre l’événement dommageable et le dommage soit donné au moment de cet événement (ibid., consid. 5.4), ce qui était le cas dans cette affaire du moment que l’expertise judiciaire avait établi que l’accident était à l’origine des problèmes de santé du recourant qui était devenu depuis lors complètement et définitivement incapable de travailler. Ceci suffisait pour admettre l’existence d’un rapport de causalité naturelle entre l’accident et le dommage (ibid., consid. 5.4). Ce qui ne signifiait pas pour autant qu’un état maladif préexistant (prédisposition constitutionnelle) de la victime ne soit pas du tout pris en compte en droit de la responsabilité civile; il l’est dans le cadre de la fixation du dommage (art. 42 CO) ou de la réduction des dommages-intérêts (art. 44 CO), s’il a contribué à la survenance du dommage ou à son aggravation (ibid., consid. 5.5).

Cet arrêt a suscité des commentaires et interrogations de la doctrine. La question s’est posée de savoir si la causalité naturelle était donnée une fois pour toutes ou si elle pouvait également cesser en droit de la responsabilité civile, si l’assureur apportait la preuve de cette disparition avec le degré de la vraisemblance prépondérante requise (dans ce dernier sens, STÉPHANIE NEUHAUS-DESCUVES/PETER HAAS/IRIS HERZOG-ZWITTER, Droit de la responsabilité civile: disparition du lien de causalité naturelle, in Jusletter du 9 mai 2011, ch. marg. 35; WALTER FELLMANN, Entwicklungen – Neues aus dem Haftpflichtrecht, in Personen-Schaden-Forum 2011, p. 257 s.; contra, VOLKER PRIBNOW, Kein Wegfall einer einmal gegebenen Haftung, in Have 2/2010 p. 156; voir également BRUNO HÄFLIGER, Die wichtigsten Entscheide im Haftpflichtrecht, Plädoyer 5/2010, ch. 3, p. 41).

Il n’est toutefois pas nécessaire de trancher cette question dans le cas présent.

En effet, si la recourante était par hypothèse admise à démontrer que le lien de causalité naturelle a disparu à un moment ou à un autre, elle devrait disposer d’éléments sérieux à l’appui de cette thèse.

Tel n’est pas le cas ici. Si l’expertise judiciaire s’exprime sur cette problématique, elle va dans un sens diamétralement contraire. A la question de savoir si les lésions physiques constatées chez l’intimé seraient également apparues sans l’accident et le cas échéant à quel moment (statu quo sine) et si l’intimé aurait, consécutivement à l’apparition de ces lésions, développé des troubles psychiques de même nature que ceux qu’il présentait actuellement, l’expert a répondu comme suit sur la base de l’ensemble des renseignements médicaux fournis et en tenant compte des facteurs étrangers et des prédispositions constitutionnelles: le développement de douleurs progressives en lien avec des altérations dégénératives du rachis n’aurait vraisemblablement pas été de nature à produire de tels effets sur le fonctionnement psychique de l’intimé. Ce faisant, l’expert a confirmé que dans le cas de l’intimé, les seules atteintes dégénératives dont il souffrait n’auraient pas engendré chez lui les troubles psychiques diagnostiqués, excluant ainsi qu’un statu quo sine vel ante soit survenu sur le plan psychiatrique, étant rappelé que les diagnostics posés relevaient exclusivement de ce domaine médical.

La recourante s’en réfère exclusivement à l’avis du Dr L.__ selon lequel l’accident avait anticipé de cinq ans l’apparition des symptômes liés aux troubles dégénératifs préexistants de l’intimé. Cela étant, ni le Prof. Q.__ auteur de l’expertise initiale, ni le Dr R.__ auteur de l’expertise complémentaire, ne se rangent à cette opinion dont le fondement demeure assez obscur, comme la cour cantonale l’a déjà souligné.

Il n’y a dès lors nulle violation du droit dont la recourante est fondée à se plaindre.

 

Le rejette le recours de l’assureur RC.

 

 

Arrêt 4A_558/2020 consultable ici

 

 

9C_525/2020 (d) du 29.04.2021 – Droit d’être entendu – 29 al. 2 Cst. / Expertise médicale – Tâches de l’expert mandaté – Communication du nom du coexpert – 44 LPGA / Qualification d’un expert en neuropsychologie – Absence de signature du coexpert du rapport d’expertise

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_525/2020 (d) du 29.04.2021

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt original fait foi

 

Droit d’être entendu / 29 al. 2 Cst.

Expertise médicale – Tâches de l’expert mandaté – Communication du nom du coexpert / 44 LPGA

Qualification d’un expert en neuropsychologie – Absence de signature du coexpert du rapport d’expertise

 

Assuré, né en 1967, a déposé une demande AI le 14.08.2016, en raison d’une sclérose en plaques (SEP). Après investigations – notamment une évaluation neuropsychologique (expertise du Dr. phil. B.________, psychologue spécialiste en neuropsychologie FSP et en psychothérapie FSP) – l’office AI a octroyé à l’assuré un quart de rente d’invalidité dès le 01.02.2017.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a estimé qu’il avait été remédié à toute violation des droits de participation de l’assuré à la désignation de l’expert (art. 44 LPGA : droit de faire des remarques quant à l’expert C.________, neuropsychologue clinique, impliqué dans l’expertise ; droit de poser des questions [complémentaires]). La cour cantonale a reconnu la valeur probante du rapport neuropsychologique et, sur la base d’une capacité de travail de 60% dans la profession habituelle de l’assuré, a confirmé que l’assuré avait droit à un quart de pension.

Par jugement du 18.06.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Droit d’être entendu

Dans la mesure où l’assuré reproche à la cour cantonale une violation de l’obligation de motivation, il ne peut être suivi. Cette obligation, qui découle du droit constitutionnel d’être entendu (art. 29 al. 2 Cst) n’exige pas de l’autorité qu’elle traite en détail tous les points de vue des parties et qu’elle réfute expressément chaque argument individuel ; il suffit que la décision établisse et évalue suffisamment les éléments essentiels pour qu’elle puisse, le cas échéant, être contestée de manière appropriée (ATF 142 II 49 consid. 9.2 ; 136 I 184 consid. 2.2.1 ; 134 I 83 consid. 4 ; 133 III 439 consid. 3.3 ; chacun avec les références).

 

Expertise médicale – Tâches de l’expert mandaté – Communication du nom du coexpert

Si l’assureur doit recourir aux services d’un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties. Celles-ci peuvent récuser l’expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions (art. 44 LPGA).

L’expert au sens de l’art. 44 LPGA est la personne qui (en tant que sujet mandaté) établit une expertise et en est responsable. Il s’agit aussi bien de la personne chargée d’effectuer l’évaluation que de la personne physique qui prépare l’évaluation.

En tant que mandant, l’assureur a le droit de faire réaliser l’expertise par la personne mandatée. La substitution ou le transfert (même d’une partie) de la mission à un autre expert nécessite en principe le consentement du mandant.

Toutefois, l’obligation d’exécution personnelle du mandataire ne s’oppose pas à ce que l’expert s’assure le concours d’un auxiliaire, agissant sous sa direction et sa surveillance, pour l’exécution de certains travaux auxiliaires subordonnés, par exemple des tâches techniques (analyses) ou des travaux de recherche, de dactylographie, de copie ou de contrôle. L’assistance d’un tiers qualifié pour des tâches accessoires est admissible sans constituer une substitution nécessitant un consentement, pour autant que la responsabilité de l’expertise, en particulier le raisonnement et les conclusions ainsi que la réponse aux questions de l’expert, reste entre les mains de l’expert désigné.

Il est important que l’expert désigné accomplisse personnellement les tâches de base dans le cadre d’une expertise médicale en droit de la sécurité sociale, puisqu’il a été nommé précisément sur la base de son expertise, de ses compétences scientifiques particulières et de son indépendance. Ces tâches, qui ne peuvent être déléguées, consistent notamment à prendre connaissance du dossier dans son intégralité et à en faire une analyse critique, à examiner la personne à évaluer ou à réfléchir à l’évaluation du cas et aux conclusions qui peuvent en être tirées, le cas échéant dans le cadre d’une discussion interdisciplinaire.

Dans le cadre de l’art. 44 LPGA, il en résulte que l’obligation de communiquer à l’avance le nom du médecin chargé de l’expertise, ou le droit de l’assuré de connaître ce nom, concerne la personne qui a été chargée par l’assurance-invalidité de préparer l’expertise. Cette obligation ne s’étend pas au nom des tiers qui assistent l’expert par des travaux auxiliaires (dans l’ensemble : ATF 146 V 9 E. 4.2.1 ss et les références).

Comme le relève la cour cantonale, il n’est pas possible de déterminer dans quelle mesure le Dipl. Psych. C.________ a été impliqué dans le contenu de l’expertise neuropsychologique. En particulier, il n’est pas précisé qui a réalisé quelles parties de l’expertise. Dans la mesure où la juridiction cantonale se prononce néanmoins sur ce point, son appréciation, d’une part, ne trouve aucun appui dans l’expertise et, d’autre part, apparaît également contradictoire en soi.

 

D’un point de vue formel, les Dr. phil. B.________ et Dipl. Psych. C.________ ont été nommés dans l’avis d’expert. Ensuite, sous la rubrique « Propres examens et constatations », il a été indiqué que l’examen neuropsychologique avait été réalisé par Dipl. Psych. C.________ et Dr. phil. B.________. En outre, l’expertise parle de « conseillers » (« Referentinnen »). Et enfin, les deux examinateurs étaient censés signer l’avis d’expert. Rien n’indique que Dipl. Psych. C.________ n’a fait qu’effectuer un travail auxiliaire subordonné au sens de la jurisprudence précitée. Il faut donc supposer que le Dr. phil. B.________ a impliqué Dipl. Psych. C.________ en tant qu’expert, c’est pourquoi il ne fait aucun doute qu’ils ont été impliqués dans la même mesure dans la préparation de l’expertise.

Compte tenu de la jurisprudence (ATF 146 V 9), il faut conclure sur la base de ce qui précède que tant le Dr phil. B.________ et Dipl. Psych. C.________ étaient des experts au sens de l’art. 44 LPGA. La conclusion de la juridiction inférieure selon laquelle ce dernier n’était qu’un auxiliaire est contraire au dossier et donc manifestement incorrecte.

 

Qualification d’un expert en neuropsychologie – Absence de signature du coexpert du rapport d’expertise

Outre le fait que le nom de Dipl. Psych. C.________ aurait dû être communiqué à l’assuré avant l’expertise (art. 44 LPGA) – ce qui n’a pas été le cas – se pose ici la question de la valeur probante de l’expertise sur le plan formel.

A cet égard, il convient de relever d’emblée qu’un expert participant à titre principal à une expertise neuropsychologique doit disposer de l’une des qualifications professionnelles alternatives énumérées dans la lettre-circulaire AI n° 367 de l’OFAS du 21 août 2017 (LCAI n° 367, disponible sur : https://sozialversicherungen.admin.ch/fr/d/5942/download [français]). L’état actuel du dossier ne permet pas de dire si c’est le cas pour le Dipl. Psych. C.________.

Une autre lacune formelle concerne l’absence de la signature de Dipl. Psych. C.________ dans le rapport d’expertise. En tant qu’expert principal, il aurait dû signer le rapport d’expertise ou son consentement aux conclusions qu’il contient aurait dû être obtenu au moins ultérieurement (cf. sur l’admissibilité de la validation ultérieure, arrêt 8C_252/2014 du 5 août 2014 consid. 3.3). Tel n’est pas le cas ici.

Sur la base de ce qui précède, l’affaire doit être renvoyée à l’office AI. Ce dernier doit préciser si le Dipl. Psych. C.________ remplit la qualification professionnelle requise conformément à la lettre-circulaire AI n° 367 pour fournir une expertise neuropsychologique. Si tel n’est pas le cas, le rapport d’expertise neuropsychologique n’est pas probant. Si, en revanche, le psychologue est professionnellement qualifié, son accord sur les conclusions consignées dans le rapport d’expertise devra être obtenu ultérieurement. Enfin, il conviendra de se prononcer sur la valeur probante de l’expertise et sur la nécessité d’une clarification supplémentaire avant de prendre une nouvelle décision sur le droit de l’assuré à une rente d’invalidité plus élevée que le quart de pension qui lui a été accordé.

 

Le TF admet le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_525/2020 consultable ici

Proposition de citation : 9C_525/2020 (d) du 29.04.2021 – Droit d’être entendu – Expertise médicale, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2021/06/9c_525-2020)

 

9C_496/2020 (f) du 12.04.2021 – Obligation de l’assureur de donner connaissance du nom du médecin qui est chargé par l’expert d’établir l’anamnèse de base de la personne soumise à l’expertise, d’analyser et de résumer le dossier médical ou de relire le rapport / 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_496/2020 (f) du 12.04.2021

 

Consultable ici

 

Obligation de l’assureur de donner connaissance du nom du médecin qui est chargé par l’expert d’établir l’anamnèse de base de la personne soumise à l’expertise, d’analyser et de résumer le dossier médical ou de relire le rapport / 44 LPGA

 

A la suite de l’arrêt que le Tribunal fédéral a rendu le 16.08.2018 dans la cause opposant l’assurée à l’Office AI (9F_5/2018), ledit office a mis en œuvre une expertise bidisciplinaire qui a été confiée à SMEX SA, Swiss Medical Expertise, à Neuchâtel. Le 03.12.2018, l’office AI a informé l’assurée que le volet orthopédique serait traité par le docteur B.__, tandis que la doctoresse C.__ s’occuperait du volet psychiatrique. Les experts ont établi leur rapport le 01.04.2019.

Par décision du 05.09.2019, l’office AI a nié le droit de l’assurée à une rente, faute d’invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2019 262 – consultable ici)

Par jugement du 24.06.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Dans un premier grief, l’assurée se prévaut d’une violation de l’art. 44 LPGA. Elle relève que l’office AI lui avait annoncé, le 03.12.2018, qu’une expertise bidisciplinaire serait réalisée par le docteur B.__ et la doctoresse C.__, un délai de dix jours lui ayant été imparti à cette occasion pour récuser les experts. Elle constate qu’en pages 13 et 29 de leur rapport du 01.04.2019, les deux experts ont indiqué avoir pris connaissance du résumé détaillé du dossier qu’ils ont annexé à leur rapport d’expertise. Ce résumé de douze pages comporte les initiales de son auteur « xxx.__ ». L’assurée soutient que l’identité de cette personne qui a analysé et résumé le dossier médical ne lui a pas été communiquée, si bien qu’elle n’a pas pu déterminer si elle dispose d’un motif de récusation à son encontre. Comme la décision du 05.09.2019 est ainsi viciée, elle en déduit qu’elle doit être annulée de même que le jugement du 24.06.2020, conformément à l’arrêt 9C_413/2019 du 4 décembre 2019.

Tant la décision administrative du 05.09.2019 que le jugement entrepris du 24.06.2020 se fondent sur l’expertise des docteurs B.__ et C.__ pour nier le droit de l’assurée à une rente d’invalidité. Le point de savoir si, comme le conteste l’assurée, ladite expertise réalise les exigences de l’art. 44 LPGA constitue une question de droit que le Tribunal fédéral examine librement (ATF 146 V 9 consid. 4.1 p. 12).

Selon la jurisprudence citée par l’assurée (arrêt 9C_413/2019 publié au Recueil officiel dans le fascicule du 20.05.2020; ATF 146 V 9), l’obligation de l’assureur de donner connaissance du nom du médecin expert à l’assuré, avant le début de l’expertise, s’étend au nom du médecin qui est chargé par l’expert d’établir l’anamnèse de base de la personne soumise à l’expertise, d’analyser et de résumer le dossier médical ou de relire le rapport pour vérifier la pertinence de ses conclusions (ATF 146 V 9 consid. 4.2.3 p. 13). Cette jurisprudence est applicable aux affaires pendantes devant un tribunal au moment de son adoption (cf. ATF 142 V 551 consid. 4.1 p. 558).

En l’espèce, dans sa réponse, l’office AI ne se prononce pas sur ce point et ne conteste pas la pertinence du grief de l’assurée. On ignore ainsi l’identité de la personne désignée par « SMEX SA / xxx.__ » qui a rédigé les 12 pages constituant l’annexe 1 de l’expertise du 01.04.2019, intitulée « Résumé du dossier de la personne assurée », dont les experts B.__ et C.__ ont pris connaissance. Etant donné l’importance de la démarche consistant à établir le résumé du dossier médical, l’assurée a un droit à connaître le nom de l’auteur du résumé conformément à l’art. 44 LPGA (cf. ATF 146 V 9 consid. 4.2.3 p. 14 et 4.3.2 i.f. p. 15). Elle doit être placée dans la situation dans laquelle elle peut reconnaître si elle entend ou non soulever un motif de récusation à l’encontre de la personne auxiliaire impliquée. La cause doit donc être renvoyée à l’office AI pour qu’il procède aux démarches nécessaires à cette fin. Il lui incombera ensuite de rendre une nouvelle décision sur le droit de l’assurée à une rente d’invalidité.

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_496/2020 consultable ici

 

 

8C_600/2020 (f) du 03.05.2021 – Troubles psychiques – Causalité adéquate – 6 LAA / Classification de l’accident dans l’une des trois catégories – Rappel de la jurisprudence d’accidents ayant occasionné des lésions à la main / Pas d’octroi d’indemnités journalières pendant 3 à 5 mois après la stabilisation – 19 al. 1 LAA / Mise en œuvre d’une expertise pour connaître le côté dominant et le rendement

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_600/2020 (f) du 03.05.2021

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – Causalité adéquate / 6 LAA

Classification de l’accident dans l’une des trois catégories – Rappel de la jurisprudence d’accidents ayant occasionné des lésions à la main

Analyse des critères des difficultés apparues au cours de la guérison, du caractère particulièrement impressionnant de l’accident (avec rappel de la jurisprudence d’accidents ayant occasionné des lésions à la main) et du degré et de la durée de l’incapacité de travail

Pas d’octroi d’indemnités journalières pendant 3 à 5 mois après la stabilisation / 19 al. 1 LAA

Revenu d’invalide – Capacité de travail exigible – Mise en œuvre d’une expertise pour connaître le côté dominant et le rendement

 

Assuré, né en 1964, a travaillé dès mai 2016 à temps plein en tant qu’aide-monteur. Le 24.05.2016, il s’est blessé à la main gauche en coupant une charpente avec une meuleuse sur un chantier. Diagnostics initiaux : plaie délabrante de la face dorso-radiale du poignet gauche avec section du long extenseur du pouce, section du long extenseur radial du carpe et section de la branche sensitive du nerf radial, ainsi qu’une arthrotomie radio-carpienne. Des plaies superficielles de la paume de la main droite et de la cuisse gauche ont également été observées. Le jour même, il a subi une intervention chirurgicale sous la forme d’une révision des plaies de la main gauche avec sutures ECRL et EPL, suture nerveuse de la branche sensitive du nerf radial gauche et sutures cutanées de la cuisse gauche et de la paume de la main droite. En incapacité de travail à 100%, il a suivi un traitement médicamenteux à base essentiellement d’antalgiques et a bénéficié d’une prise en charge par une ergothérapeute.

En raison de douleurs, l’assuré a été soumis en octobre et décembre 2016 à de nouveaux examens échographiques et radiologiques du poignet gauche. Le diagnostic de rupture secondaire du tendon du long extenseur du pouce gauche et d’adhérences tendineuses du long extenseur radial du carpe a été posé et l’intéressé a été opéré une nouvelle fois le 18.01.2017 (transfert du tendon extenseur propre de l’index sur le long extenseur du pouce et une ténolyse du long extenseur radial du carpe).

Ensuite de cette seconde intervention chirurgicale, l’assuré a poursuivi son traitement médicamenteux et ergothérapique. A compter de mai 2017, il a bénéficié en sus d’un suivi psychologique au motif d’une péjoration de son état psychique depuis septembre 2016, due à la persistance de douleurs et à la perte importante des mouvements articulaires au niveau du poignet et de la main gauche. Un épisode dépressif sévère sans symptôme psychotique et un trouble de l’adaptation ont été diagnostiqués.

Dans un rapport du 01.03.2018, la médecin-conseil de l’assurance-accidents a estimé que l’état de santé de l’assuré était stabilisé et que sa capacité de travail dans son emploi d’aide-monteur était nulle. En revanche, il disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles de sa main gauche, qui prohibaient le port de charges de plus de 3 ou 4 kilos, le travail nécessitant la motricité fine de la main gauche, les mouvements répétitifs de la main gauche ainsi que les travaux sur des escaliers ou des échafaudages. La médecin-conseil a évalué le taux de l’IPAI à 5%. Par courrier du 02.03.2018, l’assurance-accidents a fait savoir à l’assuré que sa situation médicale était considérée comme stabilisée et qu’elle mettait fin au paiement des frais médicaux et de l’indemnité journalière au 30.04.2018.

Dans une appréciation neurologique du 08.10.2018 – qui ne prenait pas en considération le volet psychiatrique -, une spécialiste en chirurgie et un spécialiste en neurologie du centre de compétences de l’assurance-accidents ont constaté que les avis médicaux au dossier convergeaient en ce qui concernait l’incapacité de travail de l’assuré dans son activité d’aide-monteur et sa capacité de travail dans une activité adaptée. En sus du taux de 5% fixé par leur consœur pour le trouble sensitif du nerf radial gauche, ils ont estimé le taux de l’IPAI à 40% pour les seules limitations fonctionnelles de la main gauche, ce qui correspondait à la perte d’une main.

Par décision du 09.01.2019, confirmée sur opposition le 21.02.2019, l’assurance-accidents a refusé de répondre des troubles psychiques de l’assuré au motif qu’ils n’étaient pas en relation de causalité adéquate avec l’accident, le lien de causalité naturelle n’étant pas contesté. Retenant que l’intéressé était en mesure d’exercer à plein temps une activité adaptée ne nécessitant pas l’utilisation de la main gauche, elle a refusé de lui allouer une rente d’invalidité pour ses troubles physiques, en fixant le revenu d’invalide sur la base des chiffres du niveau de compétence 1 de l’ESS et en tenant compte d’un abattement de 20% en raison des limitations fonctionnelles de l’assuré. En revanche, celui-ci s’est vu octroyer une IPAI correspondant à un taux de 45%. L’assurance-accidents a encore précisé, dans sa décision sur opposition, qu’aucune indemnité journalière n’était due au-delà du 30.04.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2019 74 – consultable ici)

Par jugement du 19.08.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Troubles psychiques – Lien de causalité adéquate

Selon l’art. 6 al. 1 LAA, les prestations d’assurance sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Du catalogue des prestations découlent notamment le droit au traitement médical (art. 10 LAA), le droit à une indemnité journalière (art. 16 et 17 LAA), le droit à une rente d’invalidité (art. 18 ss LAA) ainsi que le droit à une indemnité pour atteinte à l’intégrité (art. 24 et 25 LAA).

Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou ne serait pas survenu de la même manière (ATF 142 V 435 consid. 1 p. 438; 129 V 177 consid. 3.1 p. 181). Le droit à des prestations de l’assurance-accidents suppose en outre l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident et l’atteinte à la santé. La causalité est adéquate si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le fait considéré était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, la survenance de ce résultat paraissant de manière générale favorisée par une telle circonstance (ATF 129 V 177 précité consid. 3.2 p. 181; 402 consid. 2.2 p. 405; 125 V 456 consid. 5a p. 461 s. et les références).

En présence de troubles psychiques consécutifs à un accident, la jurisprudence a dégagé des critères objectifs qui permettent de juger du caractère adéquat du lien de causalité. Elle a tout d’abord classé les accidents en trois catégories, en fonction de leur déroulement: les accidents insignifiants ou de peu de gravité, les accidents de gravité moyenne et les accidents graves. En présence d’un accident de gravité moyenne, il faut prendre en considération un certain nombre de critères, dont les plus importants sont les suivants (cf. ATF 129 V 402 consid. 4.4.1 p. 407; 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140; 403 consid. 5c/aa p. 409) :

  • les circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou le caractère particulièrement impressionnant de l’accident;
  • la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, compte tenu notamment du fait qu’elles sont propres, selon l’expérience, à entraîner des troubles psychiques;
  • la durée anormalement longue du traitement médical;
  • les douleurs physiques persistantes;
  • les erreurs dans le traitement médical entraînant une aggravation notable des séquelles de l’accident;
  • les difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes;
  • le degré et la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques.

Tous ces critères ne doivent pas être réunis pour que la causalité adéquate soit admise (ATF 129 V 402 consid. 4.4.1 précité p. 408; 115 V 133 précité consid. 6c/bb p. 140). De manière générale, lorsque l’on se trouve en présence d’un accident de gravité moyenne, il faut un cumul de trois critères sur les sept, ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante (arrêt 8C_663/2019 du 9 juin 2020 consid. 3.2 et les références). Par ailleurs, un seul critère peut être suffisant pour admettre l’existence d’une relation de causalité adéquate lorsque l’accident considéré apparaît comme l’un des plus graves de la catégorie intermédiaire, à la limite de la catégorie des accidents graves (ATF 115 V 133 consid. 6c/bb précité p. 140 s.).

 

Classification de l’accident dans l’une des trois catégories

Selon la jurisprudence, pour procéder à la classification de l’accident dans l’une des trois catégories prévues par la jurisprudence, il faut uniquement se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même. Sont déterminantes les forces générées par l’accident et non pas les conséquences qui en résultent. La gravité des lésions subies – qui constitue l’un des critères objectifs pour juger du caractère adéquat du lien de causalité – ne doit être prise en considération à ce stade de l’examen que dans la mesure où elle donne une indication sur les forces en jeu lors de l’accident (arrêts 8C_663/2019 du 9 juin 2020 consid. 4.3.2; 8C_567/2017 du 102.03.2018 consid. 5.1 et les références).

Dans la pratique, ont été classés parmi les accidents de gravité moyenne à la limite supérieure les accidents ayant occasionné les lésions de la main suivantes: l’amputation totale du pouce, de l’index, du majeur et de l’auriculaire, et partielle de l’annulaire chez un menuisier dont la main droite s’était trouvée coincée dans une toupie (arrêt U 233/95 du 13 juin 1996 consid. 3), ainsi que l’amputation du petit doigt, de la moitié de l’annulaire et des deux-tiers de l’index chez un aide-scieur dont la main gauche avait été blessée par une fraiseuse (arrêt U 280/97 du 23 mars 1999 consid. 2b).

En revanche, n’ont pas été jugés comme étant de gravité moyenne à la limite supérieure l’accident subi par un scieur dont la main gauche avait été prise dans la chaîne d’une machine avec pour résultat une amputation de l’auriculaire, un annulaire douloureux et une atrophie des autres doigts (arrêt U 5/94 du 14 novembre 1996 consid. 2b), de même que celui dont a été victime un aide-serrurier avec une machine à scier entraînant l’amputation des extrémités de deux doigts à la main droite et de trois doigts à la main gauche (arrêt U 185/96 du 17 décembre 1996 consid. 2b) ou encore l’accident ayant causé un raccourcissement du pouce phalangien d’un demi-centimètre et un index hypoesthésique (arrêt U 25/99 du 22 novembre 2001 consid. 4c). Il en est allé de même de l’accident subi par un assuré dont la main droite avait été entraînée dans une ébavureuse avec pour résultat une mutilation de la face dorsale des doigts longs de la main droite (arrêt 8C_175/2010 du 14 février 2011 consid. 4.4), de celui dont a été victime un menuisier en se coupant avec une fraiseuse avec pour conséquence des blessures à certains doigts, en particulier une amputation partielle de l’un d’eux (arrêt 8C_77/2009 du 4 juin 2009 consid. 4.1), de celui ayant occasionné des sections des tendons fléchisseurs et des nerfs collatéraux de l’index et du majeur gauches à un travailleur blessé par une perceuse (arrêt 8C_566/2019 du 27 novembre 2020 consid. 7), ainsi que de celui subi par une employée de nettoyage qui avait reçu sur le poignet droit une meuleuse à disque qu’un ouvrier avait laissé échapper du deuxième étage, avec pour résultat un oedème face dorsale et une dermabrasion de la main droite (arrêt 8C_613/2019 du 17 septembre 2020 consid. 7).

En l’espèce, l’assuré s’est blessé à la main gauche avec une meuleuse alors qu’il coupait une charpente, ce qui a entraîné une plaie délabrante de la face dorso-radiale du poignet gauche avec section du long extenseur du pouce, section du long extenseur radial du carpe et section de la branche sensitive du nerf radial, ainsi qu’une arthrotomie radio-carpienne. Malgré d’importantes limitations fonctionnelles, sa main demeure entière, de sorte que son accident n’est pas assimilable à un accident dont les forces qu’il génère aboutissent à une amputation. Au vu de la casuistique présentée ci-dessus, on doit retenir que les forces mises sur la main gauche de l’assuré au moment de l’accident étaient d’importance moyenne. L’appréciation des juges cantonaux concernant la qualification de l’accident, à savoir de gravité moyenne stricto sensu, peut donc être confirmée. Il faut ainsi un cumul de trois critères sur les sept dégagés par la jurisprudence, ou que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante, pour admettre le lien de causalité adéquate entre l’accident subi par l’assuré et ses troubles psychiques.

 

Le critère des douleurs physiques persistantes a été admis par l’assurance-accidents ainsi que par la cour cantonale, sans qu’il se soit pour autant manifesté de manière particulièrement marquante, et il n’y pas lieu de s’écarter de cette appréciation.

 

Critère des difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes

En ce qui concerne l’existence de difficultés apparues au cours de la guérison et les complications importantes, il convient de préciser que ces deux aspects ne doivent pas être remplis de manière cumulative. Il doit toutefois exister des motifs particuliers ayant entravé la guérison, et ce même s’il n’a pas été possible de supprimer les douleurs de l’intéressé, ni même de rétablir une capacité de travail entière (arrêts 8C_613/2019 précité consid. 6.4.3; 8C_249/2018 du 12 mars 2019 consid. 5.2.5 et les références). La prise de nombreux médicaments et la poursuite de diverses thérapies ne suffisent pas à admettre le critère en cause (arrêt 8C_1020/2008 du 8 avril 2009 consid. 5.7 et les références).

En l’occurrence, l’assuré a subi le jour même de son accident une première intervention chirurgicale, qui s’est déroulée sans complications. Une seconde opération s’est toutefois avérée nécessaire quelques mois plus tard, en raison d’une gêne et de douleurs en lien avec un diagnostic de rupture secondaire du tendon du long extenseur du pouce gauche et d’adhérences tendineuses du long extenseur radial du carpe. Cette seconde intervention s’est également bien déroulée, sans pour autant faire disparaître les douleurs ressenties par l’assuré. Au vu de la complexité de ses blessures au membre supérieur gauche, le fait qu’il ait dû se soumettre à une seconde opération – laquelle s’est déroulée comme la première sans complications – n’apparaît pas suffisant pour admettre l’apparition de difficultés en cours de guérison ou de complications importantes. La persistance des douleurs et la poursuite de certaines thérapies, comme celle par blocs stellaires, ne suffisent pas non plus. A titre de comparaison, le critère litigieux a été nié dans un cas où la reconstruction du dos de la main d’un assuré avait nécessité cinq interventions chirurgicales (cf. arrêt 8C_175/2010 précité consid. 5.4 in fine). Le moment auquel l’assuré était apte à reprendre une activité professionnelle adaptée à ses limitations fonctionnelles, qui serait selon lui litigieux, n’est pas non plus déterminant au vu de la jurisprudence précitée. Le critère en cause doit ainsi être nié.

 

Critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident

S’agissant du critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident, la raison pour laquelle la jurisprudence a adopté ce critère repose sur l’idée que de telles circonstances sont propres à déclencher chez la personne qui les vit des processus psychiques pouvant conduire ultérieurement au développement d’une affection psychique. C’est le déroulement de l’accident dans son ensemble qu’il faut prendre en considération. L’examen se fait sur la base d’une appréciation objective des circonstances d’espèce et non en fonction du ressenti subjectif de l’assuré, en particulier de son sentiment d’angoisse. Il faut en effet observer qu’à tout accident de gravité moyenne est associé un certain caractère impressionnant, lequel ne suffit pas pour admettre l’existence du critère en question (arrêt 8C_613/2019 précité consid. 6.4.1 et les références).

Le caractère impressionnant de l’accident a été admis dans des cas de blessures à la main par des machines ayant occasionné des amputations ou des mutilations. Il en fut ainsi dans le cas d’un travailleur dont la main avait été entraînée dans une ébavureuse avec pour résultat une mutilation de la face dorsale des doigts longs de la main droite (arrêt 8C_175/2010 précité consid. 5.2), ainsi que dans celui d’un aide-scieur dont la main gauche avait été blessée par une fraiseuse avec comme conséquence l’amputation du petit doigt, de la moitié de l’annulaire et des deux-tiers de l’index (arrêt U 280/97 précité consid. 2b/bb). Tel a aussi été le cas s’agissant d’un menuisier dont la main droite s’était trouvée coincée dans une toupie et qui avait subi une amputation totale du pouce, de l’index, du majeur et de l’auriculaire, et partielle de l’annulaire (arrêt U 233/95 précité consid. 3c), ou encore d’un menuisier s’étant coupé avec une fraiseuse avec pour résultat des blessures à certains doigts, en particulier une amputation partielle de l’un d’eux (arrêt 8C_77/2009 précité consid. 4.2.1).

Le critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident n’a en revanche pas été retenu dans d’autres cas de blessures à la main par des machines ayant pour certaines entraîné des amputations. Il s’agissait notamment d’un scieur dont la main gauche avait été prise dans la chaîne d’une machine avec pour résultat une amputation de l’auriculaire, un annulaire douloureux et une atrophie des autres doigts (arrêt U 5/94 précité consid. 2b/aa et bb), ainsi que d’un aide-serrurier dont la blessure avec une machine à scier avait entraîné l’amputation des extrémités de deux doigts à la main droite et de trois doigts à la main gauche (arrêt U 185/96 du 17 décembre 1996 consid. 2b). Il en est allé de même dans le cas d’un travailleur victime de multiples lésions à une main après un accident avec une fraiseuse à bois (arrêt U 19/06 du 18 octobre 2006 consid. 4.1), et dans celui d’un machiniste dont la main gauche avait été sérieusement blessée après avoir été entraînée dans un appareil de laminage, l’intéressé ayant évité une atteinte à l’entier de son bras après avoir pu éteindre l’appareil de sa main droite (arrêt U 82/00 du 22 avril 2002 consid. 3.2.1).

En l’espèce, les blessures subies par l’assuré n’ont entraîné aucune amputation, même si les limitations fonctionnelles de sa main gauche – décrite par les médecins du centre de compétences de l’assurance-accidents comme une main auxiliaire passive – sont importantes. En outre, bien que l’on puisse reconnaître que l’accident ait eu un caractère impressionnant voire angoissant pour l’assuré, il ne ressort pas du dossier que sa vie aurait été en danger. Les circonstances de l’accident, marqué selon lui par des saignements abondants, de vives douleurs et une hospitalisation immédiate en raison d’un délabrement important des plaies, ne permettent pas non plus de retenir la réalisation du critère litigieux, de telles manifestations ne sortant pas de l’ordinaire en cas d’accident du type de celui vécu par l’assuré. Ce critère doit donc également être nié.

 

Critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail

En ce qui concerne le critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques, il doit se rapporter aux seules lésions physiques et ne se mesure pas uniquement au regard de la profession antérieurement exercée par l’assuré. Ainsi, il n’est pas rempli lorsque l’assuré est apte, même après un certain laps de temps, à exercer à plein temps une activité adaptée aux séquelles accidentelles qu’il présente (arrêt 8C_209/2020 du 18 janvier 2021 consid. 5.2.2 et la référence). Ce critère est en principe admis en cas d’incapacité totale de travail de près de trois ans (arrêt 8C_547/2020 du 1er mars 2021 consid. 5.1 et les références).

En l’espèce, l’assuré ne conteste pas avoir été apte, après un certain temps, à exercer une activité de substitution adaptée à ses limitations fonctionnelles. La durée de l’incapacité due aux lésions physiques dont il se prévaut, à savoir 21 mois, n’est pas suffisamment longue pour admettre le critère en cause.

 

Le point de savoir si le critère de la gravité ou de la nature particulière des lésions physiques est satisfait peut rester indécis, dès lors que son éventuelle admission ne conduirait qu’à la reconnaissance de deux critères sur sept, ce qui est insuffisant en l’espèce pour admettre le lien de causalité adéquate entre l’événement dommageable et les troubles psychiques, étant entendu que l’assuré ne prétend pas que le critère en question se serait manifesté de manière particulièrement marquante.

 

Par conséquent, c’est à bon droit que la cour cantonale a nié le lien de causalité adéquate entre l’accident du 24.05.2016 et les troubles psychiques de l’assuré.

 

Pas d’octroi d’indemnités journalières pendant 3 à 5 mois après la stabilisation

L’assuré soutient ensuite que les juges cantonaux auraient refusé à tort de lui octroyer un délai de trois à cinq mois, à partir de la stabilisation de son état de santé fixée au 30.04.2018, pour lui permettre de se réadapter à une nouvelle profession tout en continuant de bénéficier des prestations de l’assurance-accidents.

Pour dénier le droit de l’assuré à des indemnités journalières et à la prise en charge de ses traitements médicaux au-delà du 30.04.2018, l’instance cantonale s’est référée à juste titre à un arrêt récent du Tribunal fédéral, qui rappelle que la jurisprudence développée en relation avec l’obligation de diminuer le dommage en cas d’atteinte à la santé (exprimé à l’art. 6, deuxième phrase, LPGA par l’exigibilité d’une activité de substitution en cas d’incapacité de travail durable), ne concerne que l’indemnité journalière et n’est pas transposable au domaine des rentes, pour lesquelles le droit prend naissance selon d’autres conditions prévues par les lois spéciales, soit en assurance-accidents l’art. 19 LAA (arrêt 8C_310/2019 du 14 avril 2020 consid. 6.1.2 et les références). L’assuré – qui ne conteste pas que la stabilisation de son état de santé a été fixée en vertu de l’art. 19 al. 1 LAA – ne fournit pas d’arguments convaincants susceptibles de remettre en cause la jurisprudence du Tribunal fédéral encore récemment confirmée. En particulier, contrairement à ce qu’il avance, ladite jurisprudence n’entre pas en contradiction avec d’autres arrêts qu’il cite (8C_876/2013 et 8C_251/2012), lesquels ne concernaient pas le domaine des rentes, mais portaient uniquement sur le versement des indemnités journalières. Par ailleurs, il n’est pas contesté, contrairement à ce que semble croire l’assuré, que l’art. 6, deuxième phrase, LPGA est applicable à l’assurance-accidents. Son grief tombe ainsi à faux.

 

Rente d’invalidité – Capacité de travail exigible

En lien avec l’octroi d’une rente d’invalidité en raison des atteintes à sa santé physique, l’assuré prétend que contrairement à ce qui a été retenu par la juridiction cantonale, sa main dominante serait la gauche, à savoir celle touchée lors de l’accident du 24.05.2016. En cas de doute, une expertise aurait à tout le moins dû être mise en œuvre pour déterminer le côté dominant.

Il résulte que l’incertitude demeure quant au côté dominant de l’assuré et que les médecins s’étant déterminés sur sa capacité de travail dans une activité adaptée se sont prononcés sans que cette incertitude ait été levée. De surcroît, aucune investigation médicale n’a été menée pour éclaircir cette question, qui peut pourtant s’avérer pertinente pour l’examen du droit à une rente d’invalidité, en particulier sur la question du rendement exigible. Dans ces conditions, il apparaît nécessaire d’ordonner une expertise médicale en vue de trancher la question du côté dominant de l’assuré. Il s’agit d’un premier motif de renvoi de la cause à l’assurance-accidents pour instruction complémentaire et nouvelle décision sur le droit à la rente d’invalidité.

L’assuré se plaint en outre du fait que les juges cantonaux ont écarté une diminution de rendement de 30% dans une activité adaptée, malgré l’appréciation en ce sens de la chirurgienne de la seconde opération. L’avis de la médecin-conseil, qui a retenu un rendement entier, ne serait pas partagé par les médecins du centre de compétences de l’assurance-accidents, lesquels ne se seraient pas déterminés sur la question du rendement. Au demeurant, ces derniers n’auraient pas rendu leur rapport en connaissance de cause, dès lors qu’ils n’auraient pas cherché à savoir si la main accidentée était ou non la main dominante. Les conclusions de la chirurgienne de la seconde opération seraient par ailleurs motivées et convaincantes; elle aurait expliqué que la diminution de rendement de 30% avait pour fondement le fait que la main encore valide était non dominante. Enfin, cette doctoresse ne serait pas le médecin traitant de l’assuré, mais une chirurgienne opérateur de l’Hôpital D.__.

Force est de constater que la médecin-conseil et la chirurgienne de la seconde opération ont des avis divergents concernant le rendement exigible de l’assuré dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. La médecin-conseil a conclu à un rendement entier sans que l’incertitude concernant la main dominante ait été levée et sans trancher cette question. Quant à la chirurgienne, qui a participé à la seconde opération du 18.01.2017 en qualité d’opérateur, elle a effectivement motivé la diminution de rendement retenue de 30% par le fait que la main droite valide serait non dominante. Au vu de ces avis divergents, émis de surcroît sans aucune certitude quant au côté dominant, une expertise médicale apparaît également nécessaire pour fixer le rendement exigible de l’assuré dans une activité de substitution. C’est un second motif de renvoi de la cause à l’assurance-accidents pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré, annulant le jugement cantonal et la décision sur opposition en tant qu’elle porte sur le refus d’octroi d’une rente d’invalidité. La cause est renvoyée à l’assurance-accidents pour instruction complémentaire sous la forme d’une expertise médicale concernant la main dominante de l’assuré et son rendement dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles puis pour nouvelle décision.

 

 

Arrêt 8C_600/2020 consultable ici