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9C_633/2017 (f) du 29.12.2017 – Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique (ESS) / 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_633/2017 (f) du 29.12.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2E6ALZL

 

Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique (ESS) / 16 LPGA

 

Assurée, sans formation professionnelle, ayant exercé une activité d’aide-soignante, puis de prostitution jusqu’en 2007.

Instruction de la demande par l’office AI (avis des médecins traitants, examen rhumatologique et psychiatrique au Service médical régional [SMR] et expertise psychiatrique). L’expert psychiatre a diagnostiqué un syndrome de dépendance alcoolique, un trouble dépressif récurrent (en rémission partielle) et un trouble de la personnalité de type borderline; seul le trouble de la personnalité entraînait une incapacité de travail – d’un point de vue psychiatrique – de 30% depuis 2007. L’office AI a rejeté la demande de prestations, motif pris d’un taux d’invalidité (37%) insuffisant pour ouvrir le droit à une rente. Pour le calcul du revenu d’invalide, l’office AI a tenu compte de la capacité de travail de 70% de l’assurée et a procédé à un abattement de 10%.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 142/16 – 227/2017 – consultable ici : http://bit.ly/2nRCcAf)

Selon les juges cantonaux, le taux d’abattement n’est pas critiquable, puisqu’il tient compte de manière adéquate des limitations fonctionnelles somatiques (pouvoir alterner deux fois par heure la position assise et la position debout, l’absence de soulèvement régulier de charges d’un poids excédant 5 kg et de port régulier de charges d’un poids excédant 10 kg ; le travail en porte-à-faux statique prolongé du tronc et l’exposition à des vibrations sont contre-indiqués, de même que les génuflexions répétées et le franchissement régulier d’escabeaux, échelles ou escaliers ; la marche est limitée à une demi-heure et ne doit pas se faire en terrain irrégulier). Quant à ses limitations psychiques, elles n’ont pas à être prises en compte dans la mesure où elles justifient déjà la diminution de capacité de travail de 30%.

Par jugement du 11.08.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Il est notoire que les personnes atteintes dans leur santé, qui présentent des limitations même pour accomplir des activités légères, sont désavantagées sur le plan de la rémunération par rapport aux travailleurs jouissant d’une pleine capacité de travail et pouvant être engagés comme tels; ces personnes doivent généralement compter sur des salaires inférieurs à la moyenne (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb p. 323). La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent par conséquent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité, autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79).

L’étendue de l’abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question typique relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit a commis un excès positif ou négatif de son pouvoir d’appréciation ou a abusé de celui-ci, notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72).

Pour fixer le revenu d’invalide, la juridiction cantonale s’est en effet fondée, singulièrement sur le revenu auquel peuvent prétendre les femmes effectuant des activités simples et répétitives. Cette valeur statistique s’applique à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu’elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers (voir parmi d’autres, arrêts 9C_603/2015 du 25 avril 2016 consid. 8.1 et 9C_692/2015 du 23 février 2016 consid. 3.1 et la référence). Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu’ils seraient en mesure de réaliser en tant qu’invalides dès lors qu’il recouvre un large éventail d’activités variées et non qualifiées, n’impliquant pas de formation particulière si ce n’est une mise au courant initiale.

Le TF ne voit pas en quoi sa précédente activité de prostitution, son âge ou encore sa nationalité seraient susceptibles, au regard de la nature des activités encore exigibles et de son autorisation d’établissement, de réduire ses perspectives salariales.

Le TF confirme l’abattement de 10% sur le salaire statistique retenu au titre de revenu d’invalide en raison des limitations fonctionnelles.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_633/2017 consultable ici : http://bit.ly/2E6ALZL

 

 

8C_655/2016 (f) du 04.08.2017 – Syndrome douloureux régional complexe (SDRC ; CRPS) – Absence d’explication somatique aux douleurs – Causalité adéquate selon 115 V 133 / Revenu d’invalide selon l’ESS –Abattement sur salaire statistique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 (f) du 04.08.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2E4YcP5

 

 

Syndrome douloureux régional complexe (SDRC ; CRPS) – Absence d’explication somatique aux douleurs – Causalité adéquate selon 115 V 133 / 6 LAA

Accident de gravité moyenne stricto sensu – Causalité adéquate niée

Revenu d’invalide selon l’ESS – Table T1 au lieu de la TA1 – Abattement sur salaire statistique / 16 LPGA

 

Assuré, ouvrier au service d’une voirie, qui est victime d’un accident professionnel le 18.12.2011, vers 5h : un conducteur en état d’ébriété, inattentif, a percuté l’arrière du camion de la voirie arrêté à un feu rouge, provoquant la chute de l’assuré qui se trouvait sur le marchepied arrière au moment du heurt. Il en est résulté un traumatisme par écrasement au niveau du pied gauche avec de multiples lésions osseuses à la cheville.

L’évolution a été décrite comme lentement favorable avec une consolidation des fractures mais des douleurs. Les douleurs ont toutefois persisté. Diverses consultations et examens spécialisés ont été réalisés, qui n’ont mis à jour aucun problème particulier. Un bilan final a eu lieu le 09.01.2015 ; sur le plan objectif, les examens radiologiques ne montraient pas de lésions séquellaires ; l’atteinte à l’intégrité était inférieure au seuil indemnisable ; l’assuré était apte à exercer sans diminution de rendement une activité légère dans différentes domaines de l’industrie respectant les limitations fonctionnelles.

Octroi d’une rente fondée sur un degré d’invalidité de 33% dès le 01.01.2015, et refus de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité (IPAI). Dans son opposition, l’assuré a produit un document selon lequel il souffre d’une algodystrophie (ou syndrome douloureux régional complexe [SDRC]), ainsi qu’une expertise concluant à une atteinte à l’intégrité de 8,75%. Dans une nouvelle décision, l’assurance-accidents a porté le taux d’invalidité à 36% et reconnu le droit à une IPAI de 8,75%.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/658/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2nLXu2e)

Par jugement du 23.08.2016, admission partiel du recours par le tribunal cantonal (taux d’invalidité de 39%).

 

TF

Syndrome douloureux régional complexe (SDRC ; CRPS en anglais)

L’assuré reproche à la cour cantonale d’avoir nié qu’il souffrait d’un SDRC en lien de causalité avec l’accident. Si dans son cas le diagnostic avait été posé six mois après l’événement, il en avait déjà présenté les signes cliniques dans les six à huit semaines de sa survenance.

Le diagnostic de SDRC ou de probable algodystrophie a certes été posé dans les suites de l’accident, mais que plusieurs médecins ont ultérieurement fait état de la disparition de signes compatibles avec une telle atteinte. En particulier, le médecin sollicité par le médecin-traitant pour un deuxième avis en novembre 2013 a indiqué que les examens qu’il avait nouvellement répétés étaient « revenus dans les limites de la norme », ce qui correspondait aussi à son examen clinique qui ne montrait pas de séquelles posttraumatiques. Or ce spécialiste s’est fondé sur les résultats d’investigations spécifiques pour ce type d’atteinte (scintigraphie osseuse, Spectct, examen neurologique avec électroneuromyographie). Il n’y a pas de motif de s’en écarter, d’autant que la constatation d’une telle évolution favorable est partagée par d’autres confrères.

 

Jurisprudence en matière de troubles psychiques consécutifs à un accident – 115 V 133

Il est établi que l’importance des douleurs encore ressenties par l’assuré ne peut s’expliquer ni par un SDRC ni par le status après fractures. En l’absence d’explication somatique à l’ampleur de cette symptomatologie algique, c’est à juste titre que les juges cantonaux ont fait application de la jurisprudence sur les troubles psychiques consécutifs à un accident.

Bien que l’assuré n’ait pas été soumis à une expertise psychiatrique en bonne et due forme, il est admis de laisser ouverte la question de la causalité naturelle d’éventuels troubles psychiques dans les cas où ce lien de causalité ne peut de toute façon pas être qualifié d’adéquat (ATF 135 V 465 consid. 5.1 p. 472).

 

Qualification de l’accident – Accident de gravité moyenne stricto sensu

L’accident a été classé dans la catégorie des accidents de gravité moyenne stricto sensu, ce qui est confirmé par le TF.

Eu égard au traumatisme subi (fractures par écrasement), on doit retenir que les forces mises en jeu sur la jambe gauche de l’assuré au moment de l’accident étaient d’importance moyenne.

Pour que la causalité adéquate soit admise, il faut un cumul de trois critères sur les sept consacrés par la jurisprudence, ou au moins que l’un des critères retenus se soit manifesté de manière particulièrement marquante pour l’accident (SVR 2010 UV n° 25 p. 100 [8C_897/2009] consid. 4.5; arrêt 8C_196/2016 du 9 février 2017 consid. 4).

 

Critère du caractère impressionnant de l’accident

Ce critère n’est pas réalisé. Tout accident de gravité moyenne est associé un certain caractère impressionnant, lequel ne suffit pas pour admettre l’existence du critère en question. Les précisions supplémentaires apportées dans le recours par rapport aux circonstances décrites dans le rapport de police ne sont pas de nature à conduire à une appréciation différente (pour un rappel de la casuistique à ce sujet voir SVR 2013 UV n° 3 p. 7 consid. 6.1).

 

Critère de la gravité ou de la nature particulière des lésions physiques

Ce critère n’est pas non plus rempli. Le fait qu’un assuré ne peut plus garder le même poste de travail qu’avant l’accident à raison de ses séquelles n’y suffit pas (cf. arrêt 8C_566/2013 du 18 août 2014 consid. 6.2.2).

On ne saurait assimiler des limitations fonctionnelles au niveau du pied gauche à une atteinte propre à entraîner des troubles psychiques comme la jurisprudence l’a reconnu par exemple pour la perte d’un œil ou certains cas de mutilations à la main dominante.

 

Critère du traitement médical

Le traitement médical a été conservateur. Après une période de rééducation, il a consisté uniquement en de l’antalgie. On ne peut donc pas parler d’un traitement médical particulièrement pénible sur une longue période (voir par comparaison l’arrêt 8C_818/2015 du 15 novembre 2016 consid. 6.2 où ce critère a été admis).

 

Critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail due aux lésions physiques

L’incapacité de travail n’a pas été particulièrement longue vu que l’assuré a pu reprendre une activité à 50% à la voirie en septembre 2012 et que l’échec d’une augmentation de ce taux trouve son origine avant tout dans un tableau algique qui ne peut être corrélé qu’en partie aux lésions objectives initiales.

 

Critère des douleurs physiques persistantes

Le tableau algique ne pouvant être corrélé qu’en partie aux lésions objectives initiales, le critère des douleurs persistantes liées aux seules lésions physiques ne peut pas non plus être admis.

 

Critère d’erreurs dans le traitement médical

Il n’y a pas non plus eu d’erreur dans le traitement médical.

 

Critère des difficultés apparues au cours de la guérison et des complications importantes

Le Tribunal fédéral a laissé ouvert le point de savoir si l’épisode d’algodystrophie survenu au cours du processus de guérison constitue ou non une complication importante, car même si ce critère devait être admis, il ne s’est en tout cas pas manifesté d’une manière particulièrement marquante, les remaniements osseux et la synovite en découlant ayant disparu relativement vite.

 

En conclusion, l’existence d’un lien de causalité adéquate entre d’éventuels troubles psychiques pesant sur la symptomatologie algique et l’accident doit être niée.

 

Revenu d’invalide selon T1 de l’ESS

Le TF confirme l’application de la table T1 valable pour l’ensemble du secteur privé et public (au lieu de la table TA1 « secteur privé » à laquelle il convient de se référer en règle générale; voir ATF 124 V 321 consid. 3b/aa p. 323), puisque l’assuré a exercé sa dernière activité dans le secteur public.

La faculté de se référer aux salaires mensuels de secteurs particuliers (secteur 2 [production] ou 3 [services]), voire à des branches particulières pour respecter au mieux la situation professionnelle concrète de la personne assurée est certes reconnue par la jurisprudence, mais elle concerne les cas particuliers dans lesquels l’assuré concerné a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et qu’une activité dans un autre domaine n’entre pas en ligne de compte (arrêt 9C_142/2009 du 20 novembre 2009 consid. 4.1 et les références).

C’est à juste titre que la juridiction cantonale a considéré que cette constellation ne s’appliquait pas à la situation de l’assuré dès lors que celui-ci avait exercé divers autres métiers avant son emploi à la voirie (dans la construction, comme bagagiste, dans la restauration et la tenue d’une épicerie).

 

Abattement

Limitations fonctionnelles retenues : pas de marche en terrain accidenté, de montée/descente d’escaliers, de position debout statique prolongée ou de marche prolongée. La nature des limitations fonctionnelles ne présentent pas de spécificités telles qu’elles sont susceptibles d’induire, à elles seules, une réduction importante sur ses perspectives salariales compte tenu de la palette d’activités compatibles avec celles-ci, contrairement à son âge (58 ans au moment de la naissance de la rente) qui constitue un plus grand inconvénient, et au fait qu’il perd l’avantage de compter 15 années de service chez un employeur public. Dans son résultat, l’abattement de 15% apparaît donc approprié aux circonstances du cas d’espèce.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_655/2016 consultable ici : http://bit.ly/2E4YcP5

 

 

8C_82/2017+8C_84/2017 (f) du 06.12.2017 – Revenu d’invalide selon l’ESS – Abattement – 16 LPGA – 18 LAA / Critère de l’âge pour d’abattement vs influence de l’âge sur la capacité de gain selon 28 al. 4 OLAA / Gain assuré pour la rente – Actionnaire – Salaire correspondant aux usages professionnels et locaux

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_82/2017+8C_84/2017 (f) du 06.12.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2FBXr19

 

Revenu d’invalide selon l’ESS – Abattement / 16 LPGA – 18 LAA

Critère de l’âge pour d’abattement vs influence de l’âge sur la capacité de gain selon 28 al. 4 OLAA

Formation et expérience professionnelle de l’assuré – Facilitation d’intégration dans une activité adaptée

Gain assuré pour la rente – Actionnaire – Salaire correspondant aux usages professionnels et locaux – 15 LAA – 22 al. 2 let. c OLAA

 

Assuré, né en 1958, au bénéfice d’une formation de dessinateur industriel en constructions mécaniques, a exercé durant plusieurs années des activités de mécanicien sur machine et de monteur-électricien. Il a travaillé au service de la société B.__ SA, active dans le commerce de viande et inscrite au registre du commerce en 2010, ainsi qu’au service de la société C.__ Sàrl, active dans le même domaine et inscrite audit registre en 2012.

Le 23.07.2012, il a été renversé par une voiture alors qu’il effectuait une livraison à vélo et il a subi une fracture du plateau tibial gauche avec subluxation du genou, ainsi que plusieurs lésions ligamentaires et musculaires.

Dans la déclaration de sinistre LAA du 07.08.2012, B.__ SA a indiqué un taux d’occupation de 100% et un salaire annuel de 71’500 fr. (5’500 fr. x 13). De son côté, la Caisse suisse de compensation a établi un extrait du compte individuel selon lequel l’assuré avait perçu un revenu total de 7’200 fr. pour la période d’avril à décembre 2011 et de 10’100 fr. pour la période de janvier à juillet 2012. Le 11.06.2014, l’assureur-accidents a indiqué que l’indemnité journalière serait calculée en fonction d’un revenu annuel brut de 71’500 fr. (5’500 fr. x 13), compte tenu du salaire effectif obtenu par l’intéressé durant la période du 01.07.2012 au 23.07.2012 (4’216 fr. 60).

Par décision du 13.10.2015, confirmée sur opposition, l’assureur-accidents a alloué à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur une incapacité de gain de 18% à compter du 01.11.2015, ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité fondée sur un taux de 30%. La rente d’invalidité a été calculée en fonction d’un gain assuré de 15’935 fr. 45 et compte tenu d’un taux d’abattement de 10% sur le revenu d’invalide fixé sur la base des statistiques salariales.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1056/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2B2Ryq5)

Par jugement du 16.12.2016, admission partiel du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assuré à une rente d’invalidité fondée sur une incapacité de gain de 18% et calculée sur la base d’un gain assuré de 54’860 fr.

 

TF

Abattement sur le salaire statistique – Critère de l’âge

La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.).

L’étendue de l’abattement (justifié dans un cas concret) constitue une question typique relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 s.; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (cf. ATF 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).

Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance n’est en revanche pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »; ATF 126 V 75 consid. 6 p. 81; SVR 2017 UV n° 7 p. 21, 8C_883/2015 du 21 octobre 2016 consid. 6.2.).

L’assureur-accidents a réduit de 10% le salaire tiré de l’ESS afin de tenir compte de l’âge de l’assuré et de ses limitations fonctionnelles. L’assureur-accidents a considéré que la formation de base de l’assuré était de nature à faciliter sa reconversion, notamment dans l’exercice de tâches industrielles légères, et à l’aider à acquérir de nouvelles connaissances, de sorte que le facteur de l’âge ne justifiait pas d’effectuer un abattement supérieur à 10%.

Le taux d’abattement de 10% retenu par l’assurance-accidents a été confirmé par la cour cantonale essentiellement en raison de l’âge de l’assuré. Or, faisant usage de la délégation de compétence de l’art. 18 al. 2 LAA, le Conseil fédéral a introduit à l’art. 28 al. 4 OLAA une disposition particulière afin d’évaluer le taux d’invalidité des assurés qui ne reprennent pas d’activité lucrative après l’accident en raison de leur âge (variante I) ou dont l’âge avancé apparaît essentiellement comme la cause de la diminution de la capacité de gain (variante II). Dans ces cas, les revenus de l’activité lucrative déterminants pour l’évaluation du taux d’invalidité sont ceux qu’un assuré d’âge moyen dont la santé a subi une atteinte de même gravité pourrait réaliser. C’est pourquoi, dans plusieurs arrêts, le Tribunal fédéral a laissé indécis le point de savoir si, dans le domaine de l’assurance-accidents obligatoire, le critère de l’âge constituait un critère d’abattement sur le salaire statistique ou si, dans ce domaine, l’influence de l’âge sur la capacité de gain devait être prise en compte uniquement dans le cadre de la réglementation particulière de l’art. 28 al. 4 OLAA (SVR 2016 UV n° 39 p. 131, 8C_754/2015, consid. 4.3; arrêts 8C_439/2017 du 6 octobre 2017 consid. 5.6.4; 8C_307/2017 du 26 septembre 2017 consid. 4.2.2).

En l’espèce, ce point peut également rester indécis parce que les conditions d’un abattement en raison de l’âge ne sont pas réalisées. Pour savoir si le critère de l’âge justifie un abattement, il convient de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas concret et de procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d’appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d’invalide (ATF 126 V 75 consid. 5b/bb p. 80; SVR 2017 UV n° 7 p. 21, déjà cité, consid. 6.2.1 et les références; arrêt 8C_439/2017, déjà cité, consid. 5.6.4).

L’assuré n’expose pas en quoi sa capacité réelle d’être reclassé serait concrètement réduite en raison de son âge. Certes ses perspectives de retrouver un emploi dans le domaine du dessin industriel ne sont pas les meilleures et l’exercice des professions de mécanicien ou de monteur-électricien n’apparaît pas compatible avec son état de santé. Il n’en demeure pas moins que la formation de l’intéressé et son expérience professionnelle constituent indéniablement un avantage en terme de facilité d’intégration dans une activité adaptée comprenant des tâches physiques ou manuelles simples (voir dans ce sens SVR 2017 UV n° 7 p. 21, déjà cité, consid. 6.2.1).

Le TF confirme le taux d’abattement de 10%.

 

Gain assuré

Selon l’art. 15 LAA, les indemnités journalières et les rentes sont calculées d’après le gain assuré (al. 1). Le salaire que l’assuré a gagné durant l’année qui a précédé l’accident est déterminant pour le calcul des rentes (art. 15 al. 2, seconde phrase, LAA). Sous réserve des dérogations énumérées sous lettres a à d, est réputé gain assuré le salaire déterminant au sens de la législation sur l’assurance-vieillesse et survivants (art. 22 al. 2, 1ère phrase, OLAA). Pour la détermination du revenu provenant d’une activité lucrative indépendante, les caisses de compensation se fondent sur des données fiscales qui les lient (art. 23 RAVS).

Conformément à la délégation de l’art. 15 al. 3 LAA, le Conseil fédéral a promulgué des dispositions sur la prise en considération du gain assuré dans des cas spéciaux. Ainsi, pour les membres de la famille de l’employeur travaillant dans l’entreprise, les associés, les actionnaires ou les membres de sociétés coopératives, il est au moins tenu compte du salaire correspondant aux usages professionnels et locaux (art. 22 al. 2 let. c OLAA). Le but de cette réglementation est d’éviter que les assurés qui se trouvent dans un rapport particulier avec leur employeur et, de ce fait, perçoivent un gain inférieur à celui qu’ils pourraient réaliser normalement sur le marché du travail, ne soient désavantagés lorsqu’ils ont droit à des prestations de l’assurance-accidents (SVR 2007 UV n° 39 p. 131, 8C_88/2007, consid. 2; arrêts 8C_14/2016 du 21 décembre 2016 consid. 3.3; 8C_893/2011 du 31 mai 2012 consid. 2).

L’assureur-accidents a fixé le gain assuré pour la rente d’invalidité à 15’935 fr. 45, correspondant aux revenus déclarés par l’intéressé et effectivement perçus durant la période du 23.07.2011 au 22.07.2012, selon l’extrait du compte individuel établi par la Caisse suisse de compensation.

Le gain assuré a été fixé à 54’860 fr. par la cour cantonale. Elle a considéré que les éléments versés au dossier ne permettaient pas d’établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’intéressé était effectivement actionnaire de B.__ SA. La juridiction précédente est d’avis toutefois que le point de savoir si l’assuré était actionnaire de B.__ SA pouvait être laissé indécis, du moment que la qualité d’actionnaire ne constitue pas une condition nécessaire pour se prévaloir de la dérogation prévue à l’art. 22 al. 2 let. c OLAA.

L’assureur-accidents conteste le jugement cantonal en tant que la juridiction précédente a considéré que « la qualité d’actionnaire ne constitue pas une condition nécessaire à l’application de l’art. 22 al. 2 let. c OLAA ». Le texte clair de cette disposition réglementaire mentionne expressément les « actionnaires » lorsque l’employeur est une société anonyme.

Le TF ne partage pas le point de vue de la cour cantonale, selon lequel la qualité d’actionnaire ne constitue pas une condition nécessaire pour calculer le gain assuré selon l’art. 22 al. 2 let. c OLAA, et admettre qu’un assuré peut se prévaloir de cette réglementation en tant que directeur de la société anonyme qui l’emploie. Il n’y a pas lieu, en effet, de s’écarter du texte clair de cette disposition et d’interpréter de manière extensive le lien personnel étroit qui doit exister entre l’assuré et l’employeur lorsque celui-ci, comme en l’occurrence, est une société anonyme. Aussi n’est-il pas possible, à la lecture de ce précédent, de savoir si l’assuré, membre du conseil d’administration avec signature individuelle et directeur, était également actionnaire de la société anonyme qui l’employait.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré et admet partiellement le recours de l’assureur-accidents, annulant le jugement cantonal s’agissant du gain assuré.

 

 

Arrêt 8C_82/2017+8C_84/2017 consultable ici : http://bit.ly/2FBXr19

 

 

8C_175/2017 (f) du 30.10.2017 – Rente d’invalidité – Revenu d’invalide selon ESS – 16 LPGA / Capacité de travail exigible – Marché équilibré du travail / Abattement sur salaire statistique pour un assuré de 56 ans atteint aux deux poignets

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_175/2017 (f) du 30.10.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2zZsJg0

 

 

Rente d’invalidité – Revenu d’invalide selon ESS / 16 LPGA

Capacité de travail exigible – Marché équilibré du travail

Abattement sur salaire statistique pour un assuré de 56 ans atteint aux deux poignets

Principe d’uniformité de la notion d’invalidité dans l’assurance sociale – évaluation de l’invalidité de l’AI pas contraignante pour l’assurance-accidents – Rappel

 

Assuré, né en 1958, peintre en bâtiment, a chuté d’une échelle le 28.04.2010, alors qu’il posait du papier-peint et s’est fracturé les deux poignets.

Une expertise médicale a été confiée, par l’assurance-accidents, à un spécialiste FMH en chirurgie plastique, reconstructive et esthétique et en chirurgie de la main. Ce dernier a constaté que l’état médical était stabilisé. L’assuré ne pouvait pas reprendre une activité manuelle nécessitant l’usage en force et répétitif des deux poignets. Une aggravation de la symptomatologie douloureuse était toutefois à prévoir. L’expert a fixé l’atteinte à l’intégrité à 15% du côté droit et à 12% du côté gauche. La capacité de travail était de 100% dans toute activité légère, à savoir dans une activité de service administratif, dans la vente au détail (pour autant qu’il n’y ait pas de manipulation répétitive et que cette activité soit vraiment de type légère) ou dans une activité de type transport de personnes (pour autant qu’il s’agisse d’un véhicule automatique à direction assistée). L’assurance-accidents a alloué une rente transitoire d’invalidité fondée sur une incapacité de gain de 39% à partir du 01.09.2012 ainsi qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité d’un taux de 27%.

Une péjoration de l’état de santé de l’assuré est évoquée par le médecin-traitant dans un rapport du 09.04.2013.

Par décision du 23.08.2013, l’office AI a mis l’assuré au bénéfice d’une rente entière d’invalidité du 01.10.2011 au 31.07.2012. Dans une note du 26.11.2013, le conseiller en réadaptation de l’AI a indiqué que l’assuré ne pouvait pas être orienté vers une activité concrète principalement en raison de facteurs étrangers à l’invalidité (faible intégration linguistique et capacités d’apprentissage très limitées). Dans une nouvelle note du 06.02.2014, le conseiller a indiqué que la capacité résiduelle de travail de l’assuré ne pouvait se transformer en capacité de gain au vu de l’importance des limitations fonctionnelles. Par arrêt du 31.03.2014, le tribunal cantonal a admis le recours de l’assuré contre la décision de l’office AI et dit que la rente entière d’invalidité était octroyée au-delà du 31.07.2012.

Un complément d’expertise a été mis en œuvre auprès du spécialiste FMH en chirurgie plastique, reconstructive et esthétique et en chirurgie de la main. Ce dernier a fait état d’une péjoration depuis 2012 et conclu que la capacité résiduelle de travail de l’assuré était nulle dans une activité manuelle, même adaptée. Dans un rapport complémentaire, l’expert a précisé que l’assuré était capable d’exercer une activité professionnelle à 100% dans toute activité non manuelle. L’assureur-accidents a alloué à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur un taux d’incapacité de gain de 39% dès le 01.06.2014.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/126/2017 – consultable ici : http://bit.ly/2iBNRBk)

Par jugement du 20.02.2017, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon la jurisprudence relative au principe d’uniformité de la notion d’invalidité dans l’assurance sociale, il convient de relever à titre préliminaire que l’évaluation de l’invalidité par les organes de l’assurance-invalidité n’a pas de force contraignante pour l’assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.3 p. 368). Il est donc admissible d’évaluer l’invalidité de l’assuré indépendamment du jugement rendu en matière d’assurance-invalidité.

 

Capacité de travail exigible – Marché équilibré du travail

L’évaluation de l’invalidité s’effectue à l’aune d’un marché équilibré du travail. Cette notion, théorique et abstraite, sert de critère de distinction entre les cas tombant sous le coup de l’assurance-chômage et ceux qui relèvent de l’assurance-accidents. Elle présuppose un équilibre entre l’offre et la demande de main d’œuvre d’une part et un marché du travail structuré (permettant d’offrir un éventail d’emplois diversifiés, tant au regard des sollicitations intellectuelles que physiques) d’autre part (ATF 110 V 273 consid. 4b p. 276). Le caractère irréaliste des possibilités de travail doit alors découler de l’atteinte à la santé – puisqu’une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance de l’invalidité (art. 7 et 8 LPGA) – et non de facteurs psychosociaux ou socioculturels qui sont étrangers à la définition juridique de l’invalidité (arrêt 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et les références).

Les conclusions des personnes chargées de la réadaptation professionnelle de l’assurance-invalidité et celles de l’expert spécialiste FMH en chirurgie de la main concordent en ce qui concerne l’incapacité pour l’assuré d’exercer toute activité manuelle, même légère, en raison d’une aggravation de l’état de ses poignets. A la différence du médecin-expert, le conseiller en réadaptation a toutefois nié toute possibilité pour l’assuré de mettre concrètement en œuvre la capacité de travail de 100% retenue par l’expert dans une activité non manuelle.

En l’espèce, le jugement attaqué repose essentiellement sur les constatations du conseiller en réadaptation. Ce dernier part cependant de la fausse prémisse que l’assuré serait totalement privé de l’usage de ses deux mains (selon lui, même une activité de pure surveillance n’est pas exigible dès lors qu’elle requiert l’emploi occasionnel d’une main au moins pour ouvrir une porte, enclencher un appareil ou utiliser ponctuellement un ordinateur). Cette affirmation est contredite par le médecin-expert, lequel a rappelé que si le rendement professionnel de l’assuré dans une activité manuelle, même légère était nul, ce dernier n’était pas privé de l’usage de ses deux mains dans la vie de tous les jours. D’ailleurs, le conseiller en réadaptation est lui-même arrivé à la conclusion que les difficultés concrètes à réorienter l’assuré vers une activité non manuelle étaient principalement dues à des facteurs étrangers à l’invalidité, tels que la faible maîtrise du français et le défaut de formation. Or, de tels facteurs sont étrangers à l’invalidité (cf. arrêts 9C_603/2015 du 25 avril 2016, consid. 6.1.1 et 9C_286/2015 du 12 janvier 2016, consid. 4.1). Dès lors, si l’on fait abstraction de ces facteurs dans le cas d’espèce, il faut admettre que l’assuré serait à même d’exercer les activités non manuelles retenues par l’assurance-accidents.

 

Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique

L’assurance-accidents a retenu qu’un assuré d’âge moyen, présentant les mêmes limitations physiques que l’assuré, parlant bien le français et ayant terminé une scolarité de base, pouvait être engagé dans les activités non manuelles suivantes: téléphoniste dans un centre d’appels, réceptionniste ou huissier dans une entreprise chargé de l’accueil de la clientèle ou de menus travaux administratifs ou encore employé dans une société de location de véhicules.

En l’absence d’une mise en valeur de la capacité de travail de l’assuré, il y avait lieu de s’appuyer sur les statistiques salariales. Les activités de services administratifs que pouvait encore accomplir l’assuré justifiaient de retenir le niveau de compétences 1 de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) 2012, table TA1_skill_level (p. 35), pour un homme. Après adaptation de l’horaire hebdomadaire moyen et indexé à 2014, le revenu était de 58’869 fr. 55. Un abattement de 15% a en outre été retenu pour tenir équitablement compte de l’âge de l’assuré et de ses limitations fonctionnelles. Il en découlait un revenu annuel d’invalide de 50’039 fr. 10. Après comparaison avec un revenu sans invalidité de 80’760 fr., il en résultait un taux d’invalidité de 38%. Vu la faible différence avec le taux de la rente transitoire, l’assurance-accidents a fixé le taux de la rente ordinaire à 39%.

En ce qui concerne le taux d’abattement, la mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.). Il n’y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d’appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d’invalide, compte tenu de l’ensemble des circonstances du cas concret (ATF 126 V 75 consid. 5b/bb p. 80; arrêt 8C_883/2015 du 21 octobre 2016 consid. 6.2.1 et les références).

En l’espèce, l’assurance-accidents a fixé l’abattement sur le revenu d’invalide à 15% pour tenir compte à la fois des limitations fonctionnelles et de l’âge de l’assuré. Ce dernier ne démontre pas pour quels motifs – autres que ceux déjà pris en considération – ses possibilités de gain seraient inférieures à la moyenne dans des activités non manuelles telles que celles retenues par l’assurance-accidents.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_175/2017 consultable ici : http://bit.ly/2zZsJg0

 

 

8C_520/2016 (f) du 14.08.2017 – Calcul du revenu sans invalidité comportant des indemnités pour vacances et jours fériés – 16 LPGA / Revenu d’invalide – Utilisation des données ESS les plus récentes

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_520/2016 (f) du 14.08.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2xQEH9l

 

Calcul du revenu sans invalidité comportant des indemnités pour vacances et jours fériés / 16 LPGA

Revenu d’invalide – Utilisation des données ESS les plus récentes (ESS 2012 et non 2010 in casu)

 

TF

Revenu sans invalidité

Selon l’ancien employeur, si l’assuré avait continué en 2013 à travailler pour lui, il aurait réalisé un salaire horaire de 28 fr. 85 pour un temps de travail hebdomadaire de 40 heures. Il aurait perçu des indemnités de 14,04% pour son droit aux vacances, de 3,58% pour son droit aux jours fériés et de 8,33% pour son droit au 13ème salaire.

Un supplément de vacances de 14,04% équivaut à 7,3 semaines de vacances (7,3 = 52 x 0,1404) soit 36,5 jours. L’indemnité de 3,58% correspond à 1,86 semaine (1,86 = 52 x 0,0358), soit 9 jours. Le salaire horaire est de 33 fr. 93 (28 fr. 85 + [14,04% x 28 fr. 85] + [3,58% x 28 fr. 85]).

Lorsque le salaire horaire comprend l’indemnité de vacances et l’indemnité pour jours fériés, les jours correspondants de vacances et de congé doivent être déduits du temps de travail annuel (arrêt I 446/01 du 4 avril 2002 consid. 2b; cf. aussi arrêt 8C_193/2013 du 4 juin 2013 consid. 3.1.3).

En l’espèce, l’assuré a été effectivement rémunéré durant 214,5 jours ([52 x 5] – [36,5 + 9]) à raison de 8 heures par jour. Il en résulte un revenu annuel de 58’223 fr. (33 fr. 93 x 8 x 214,5), auquel vient s’ajouter le droit au 13ème salaire. Le revenu sans invalidité s’élève donc à 63’073 fr.

 

Revenu d’invalide

Pour fixer le revenu d’invalide à 56’627 fr. 44, la juridiction cantonale s’est fondée sur des données de l’ESS 2010. Le droit à la rente a pris naissance au 1er octobre 2013. Au moment où la décision sur opposition (avril 2015) a été rendue les données de l’ESS 2012 (publiées en octobre 2014) étaient accessibles. L’assurance-accidents, respectivement la juridiction cantonale, aurait donc dû se fonder sur les données les plus récentes (ATF 8C_228/2017 du 14 juin 2017 consid. 4 destiné à la publication).

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_520/2016 consultable ici : http://bit.ly/2xQEH9l

 

 

9C_231/2017 (f) du 31.05.2017 – Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique (ESS) – 16 LPGA / Pouvoir d’appréciation du Tribunal cantonal

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_231/2017 (f) du 31.05.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2eFP7VC

 

Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique (ESS) / 16 LPGA

Pouvoir d’appréciation du Tribunal cantonal

 

Assurée, mère de trois enfants (nés en 2000, 2002 et 2007), a travaillé comme nettoyeuse à temps partiel (40%) du 09.05.2000 au 14.02.2014. Elle a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 22.04.2015, précisant qu’elle avait débuté une formation d’architecte d’intérieur le 26.02.2013.

Le médecin du service médical régional (SMR) de l’assurance-invalidité a diagnostiqué – avec répercussion sur la capacité de travail – un lupus (avec atteintes articulaire, musculaire et hématologique) et un syndrome de Sjögren secondaire ; l’assurée pouvait exercer une activité professionnelle adaptée à 50% dès août 2015.

L’instruction a été complétée par une enquête économique sur le ménage, laquelle a mis en évidence un empêchement de 25% dans l’accomplissement des travaux habituels dans le ménage. En application de la méthode mixte de l’évaluation de l’invalidité, l’office AI a rejeté la demande de prestations, au motif que le degré d’invalidité (15%) était insuffisant pour donner droit à des prestations. Pour la part « active », l’office AI a tenu compte d’un abattement de 10% sur le salaire résultant de l’Enquête de l’Office fédéral de la statistique sur la structure des salaires (ESS), en raison de la nature des limitations fonctionnelles présentées par l’assurée (difficultés aux tâches manuelles, difficultés de déplacement, diminution de la vitesse de travail, fatigabilité et diminution de la concentration).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/125/2017 – consultable ici : http://bit.ly/2w2q7Kz)

Par jugement du 20.02.2017, admission du recours par le tribunal cantonal en application de la méthode ordinaire d’évaluation de l’invalidité, octroyant à l’assurée une demi-rente d’invalidité dès le 01.10.2015. S’agissant de l’abattement sur le salaire statistique, les juges cantonaux ont considéré que la déduction opérée par l’administration (10%) ne tenait pas suffisamment compte de l’importance des limitations et qu’une déduction de 15% apparaissait mieux appropriée à la situation, sans pour autant prendre en compte des facteurs de réduction supplémentaires

 

TF

L’office recourant ne conteste plus devant le Tribunal fédéral le fait que l’intimée aurait vraisemblablement exercé une activité professionnelle à plein temps sans atteinte à la santé.

Abattement sur le salaire statistique

Il est notoire que les personnes atteintes dans leur santé, qui présentent des limitations même pour accomplir des activités légères, sont désavantagées sur le plan de la rémunération par rapport aux travailleurs jouissant d’une pleine capacité de travail et pouvant être engagés comme tels; ces personnes doivent généralement compter sur des salaires inférieurs à la moyenne (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb p. 323). La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent par conséquent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité, autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79).

L’étendue de l’abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question typique relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit a commis un excès positif ou négatif de son pouvoir d’appréciation ou a abusé de celui-ci, notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72).

Selon le TF, la juridiction cantonale pouvait sans arbitraire et sans excéder son pouvoir d’appréciation conférer un poids supplémentaire aux limitations fonctionnelles retenues par l’office AI. Dans ces conditions, l’appréciation globale qui a conduit l’autorité précédente à retenir un abattement de 15% n’apparaît pas comme le résultat de l’exercice d’un pouvoir d’appréciation contraire au droit.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_231/2017 consultable ici : http://bit.ly/2eFP7VC

 

 

8C_160/2016 (f) du 02.03.2017 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Diminution de rendement – Abattement sur salaire statistique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_160/2016 (f) du 02.03.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2srNPS9

 

Revenu d’invalide / 16 LPGA

Diminution de rendement – Abattement sur salaire statistique

 

TF

Le TF a rappelé que la jurisprudence considère que lorsqu’un assuré est capable de travailler à plein temps mais avec une diminution de rendement, celle-ci est prise en considération dans la fixation de la capacité de travail et il n’y a pas lieu, en sus, d’effectuer un abattement à ce titre (arrêts 8C_80/2013 du 17 janvier 2014 consid. 4.2; 9C_677/2012 du 3 juillet 2013 consid. 2.2 et les références).

En l’espèce, une diminution de rendement de 30% admise par la cour cantonale tient compte de manière globale des facteurs liés à l’atteinte à la santé comme les limitations fonctionnelles, les douleurs, ainsi que les déplacements rendus plus lents en raison de l’amputation.

 

 

Arrêt 8C_160/2016 consultable ici : http://bit.ly/2srNPS9

Pour le volet AI : arrêt 8C_162/2016 du même jour consultable ici : http://bit.ly/2sCnVcH

 

 

8C_553/2016 (f) du 01.05.2017 – Revenu d’invalide selon l’ESS – Pas d’abattement sur le salaire statistique – 16 LPGA / Examen des critères de l’âge, de l’éloignement du marché du travail et des limitations fonctionnelles

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_553/2016 (f) du 01.05.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2slQBpI

 

Revenu d’invalide selon l’ESS – Pas d’abattement sur le salaire statistique / 16 LPGA

Examen des critères de l’âge, de l’éloignement du marché du travail et des limitations fonctionnelles

Mesures d’ordre professionnel – Obtention d’un CFC – Niveau de qualification 3 ESS 2010 confirmé

 

Assuré, concierge, qui a été victime, le 13.05.2005, d’un accident de la circulation routière qui a entraîné plusieurs fractures vertébrales. L’office AI a pris en charge des mesures de réadaptation au terme desquelles il a obtenu un CFC de mécanicien sur motos. L’office AI a nié le droit à une rente d’invalidité (taux d’invalidité de 20%).

L’assureur-accidents a alloué une rente d’invalidité fondée sur un degré de 12%, résultant de la comparaison d’un revenu sans invalidité de 76’333 fr. avec un gain d’invalide de 67’207 fr.. Le revenu d’invalide a été établi en fonction des données provenant de l’ESS 2010, table TA1, position 45 (commerce et réparation d’automobiles), niveau de qualifications 3 pour un homme, compte tenu d’une capacité de travail entière ; un abattement sur le salaire statistique a été explicitement exclu.

 

Procédure cantonale

En ce qui concerne le critère de l’âge, les premiers juges ont considéré qu’il devait être écarté dès lors que l’assuré avait 48 ans au moment de la comparaison des revenus.

A propos du facteur de l’éloignement du marché du travail, la juridiction cantonale l’a également écarté, car l’assuré avait acquis de nouvelles techniques dans le domaine où il venait d’effectuer son apprentissage, puis avait été engagé d’avril à novembre 2012 par un autre employeur.

Quant au critère des limitations fonctionnelles, l’autorité cantonale a admis qu’elles consistaient uniquement dans le port de charges supérieures à 10kg ; elle a considéré que ces limitations ne présentaient pas de spécificités justifiant un facteur de réduction du salaire statistique, car l’activité de mécanicien sur moto était parfaitement compatible avec elles.

Dans ce contexte, la juridiction cantonale a retenu que l’appréciation de l’assurance-invalidité, qui avait réduit le salaire statistique de 10%, n’avait pas de force contraignante pour l’assureur-accidents.

Pour les premiers juges, une appréciation globale de ces trois critères n’aboutissait pas à un résultat différent.

Par jugement du 19.07.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Pas de force contraignante de l’évaluation de l’invalidité par l’AI

L’appréciation de l’assurance-invalidité, qui avait réduit le gain statistique d’invalide de 10% en raison des limitations fonctionnelles, ne lie pas l’assureur-accidents (cf. ATF 131 V 362 consid. 2.3). En d’autres termes, l’assureur-accidents pouvait s’écarter de la décision de l’AI.

 

Abattement sur le salaire statistique

Divers éléments peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative. Il s’agit de circonstances personnelles et professionnelles, exhaustivement énumérées par la jurisprudence (les limitations fonctionnelles liées au handicap, l’âge, les années de service, la nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et le taux d’occupation), dont il y a lieu de tenir compte au moment de la détermination du revenu hypothétique d’invalide au moyen de salaires statistiques par une déduction globale maximale de 25% (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 sv.).

Savoir s’il convient de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison des circonstances du cas particulier est une question de droit que le Tribunal fédéral peut revoir librement. L’étendue dudit abattement dans un cas particulier est en revanche une question relevant du pouvoir d’appréciation dont le Tribunal fédéral ne peut être saisi que si l’autorité judiciaire inférieure a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, c’est-à-dire que si celle-ci a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou un excès négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou si elle a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci (cf. p. ex. ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72), notamment en retenant des critères inappropriés ou en omettant des critères objectifs et en ne tenant pas – ou pas entièrement – compte de circonstances pertinentes (cf. p. ex. ATF 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).

Selon la jurisprudence (arrêt 9C_652/2014 du 20 janvier 2015 consid. 4.2), si chacune des circonstances personnelles ou professionnelles ou chacun des éléments, pris séparément, susceptibles de justifier une réduction du revenu d’invalide (en particulier, l’âge ou les limitations fonctionnelles liées au handicap en général) peuvent certes sembler en eux-mêmes non-pertinents dans le contexte de la détermination du taux de réduction de ce revenu, il convient également de procéder à une analyse globale desdites circonstances ou desdits éléments.

 

Selon le TF, on voit mal en quoi l’autorité cantonale aurait violé le droit, dans la mesure où elle a refusé d’admettre que l’un ou l’autre des critères qu’elle a examinés séparément justifierait impérativement de tenir compte d’un abattement sur le salaire statistique. Avec les premiers juges, on ne voit pas qu’une analyse globale conduirait à une autre solution.

L’assuré est en mesure d’exercer des activités requérant des connaissances professionnelles spécialisées justifiant de retenir le niveau de qualification 3 dans les tables de l’ESS. Il n’y a pas, en raison des séquelles de l’accident, d’éléments incapacitants dans une activité de mécanicien sur motos, pour laquelle l’assuré a obtenu en CFC. Même dans une activité de concierge professionnel, la capacité de travail est entière, sous réserve d’efforts physiques répétés et systématiques de plus de 10kg à hauteur de l’épaule et au-dessus, soit des limitations qui n’entrent en considération que pour des travaux bien spécifiques. Un large éventail d’activité est ainsi à portée du recourant. Quant à l’âge de celui-ci, il est encore très éloigné du seuil à partir duquel la jurisprudence considère qu’une méthode d’évaluation plus concrète est nécessaire (comp. avec l’arrêt 9C_652/2014 20 janvier 2015 consid. 4.2).

Le TF confirme l’avis des premiers juges et considère qu’il n’y a pas lieu d’opérer une réduction sur le salaire statistique.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_553/2016 consultable ici : http://bit.ly/2slQBpI

 

 

8C_266/2016 (f) du 15.03.2017 – Révision de la rente d’invalidité LAA – 17 LPGA / Effet de la révision (rétroactive vs pour l’avenir) / Comparaison des revenus – 16 LPGA / Indexation du revenu sans invalidité

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_266/2016 (f) du 15.03.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2r7HSKr

 

Révision de la rente d’invalidité LAA / 17 LPGA

Effet de la révision (rétroactive vs pour l’avenir)

Comparaison des revenus / 16 LPGA

Indexation du revenu sans invalidité (T39)

 

Le 12.12.1991, l’assuré – aide-jardinier – est tombé d’un arbre d’une hauteur de 3 à 4 mètres. Il a subi une fracture comminutive intra-articulaire déplacée du radius distal droit. Les lésions ont nécessité plusieurs opérations, notamment une arthrodèse partielle radio-carpienne et ont entraîné une longue période d’incapacité de travail, avec ensuite une reprise partielle d’activité (d’abord à 25%, puis à 33% et enfin à 50% dès le 01.01.1995).

Le 19.09.1995, l’assuré a été victime d’un accident de la circulation qui a provoqué notamment une fracture luxation de la hanche droite. L’assureur-accidents a réduit ses prestations en espèces de 10%, au motif que l’assuré ne portait pas la ceinture de sécurité au moment de l’accident.

Après expertise, le médecin mandaté a conclu que l’assuré présentait une capacité de travail résiduelle de 50% dans une activité semi-assise en raison essentiellement de douleurs séquellaires à la hanche liées à une arthrose postérieure débutante et occasionnant une boiterie, une diminution du périmètre de marche ainsi qu’une difficulté à rester assis. Se fondant sur cette expertise, l’assureur-accidents a, alloué à l’assuré, pour les suites des deux accidents, une rente LAA fondée sur un degré d’invalidité de 66% dès le 01.03.1998, de même qu’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 45%.

Après une visite de deux de ses inspecteurs de sinistre au domicile de l’assuré en date du 01.12.2011, l’assureur-accidents a demandé la mise en place d’une surveillance, qui a eu lieu entre le 02.04.2012 et le 28.08.2012. Le dernier jour de cette surveillance, l’assuré a été convoqué à un entretien dans les locaux de l’assureur où on l’a interrogé sur son état de santé et montré les images issues de l’observation dont il avait fait l’objet. L’assureur-accidents a suspendu le versement de la rente à compter du 01.09.2012 et mandaté un spécialiste en orthopédie et un psychiatre, pour effectuer un bilan de santé de l’assuré en leur mettant à disposition le matériel d’observation. L’orthopédiste a constaté quelques signes dégénératifs mais pas d’arthrose, même débutante, à la hanche sur les clichés radiologiques qu’il avait nouvellement fait réaliser. Sur la base de son examen clinique de l’assuré et de ce que ce dernier s’était montré capable de faire lors de la surveillance (conduire une voiture, se pencher en avant et même s’accroupir, monter les escaliers et marcher sans boiterie, du moins sur une courte distance), il a retenu que l’intéressé était apte à exercer une activité lucrative adaptée s’étendant sur deux fois trois heures par jour en évitant les stations debout prolongées et les marches dépassant 500 mètres, une telle activité étant exigible dès le mois de mars 2012. Quant au psychiatre, il a posé le diagnostic d’un syndrome douloureux somatoforme persistant (F45.4) sans répercussion sur la capacité de travail.

L’assureur-accidents a réduit la rente LAA à 20% à compter du 01.11.2008 en précisant que les rentes allouées à tort depuis cette date, correspondant à un montant de 62’114 fr., allaient être compensées avec les rentes futures.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 19.02.2016, admission partielle du recours par le tribunal cantonal et renvoi de la cause à l’assureur-accidents pour qu’il procède à la réduction de la rente d’invalidité, désormais fixée à 20%, dès le mois de mars 2012 et qu’il se prononce également sur la restitution des prestations indues touchées à partir de cette date.

 

TF

Révision – 17 LPGA

Si le taux d’invalidité du bénéficiaire de la rente subit une modification notable, la rente est, d’office ou sur demande, révisée pour l’avenir, à savoir augmentée ou réduite en conséquence, ou encore supprimée (art. 17 al. 1 LPGA). Tout changement important des circonstances propre à influencer le degré d’invalidité, et donc le droit à la rente, peut motiver une révision. Pour déterminer si un tel changement s’est produit, il y a lieu de comparer les faits tels qu’ils se présentaient au moment de la dernière décision entrée en force reposant sur un examen matériel du droit à la rente avec une constatation des faits pertinents, une appréciation des preuves et une comparaison des revenus conformes au droit, et les circonstances régnant à l’époque de la décision litigieuse (ATF 133 V 108 consid. 5 p. 110 ss).

Pour évaluer le taux d’invalidité, le revenu que l’assuré aurait pu obtenir s’il n’était pas invalide est comparé avec celui qu’il pourrait obtenir en exerçant l’activité qui peut raisonnablement être exigée de lui après les traitements et les mesures de réadaptation, sur un marché du travail équilibré (art. 16 LPGA). La comparaison des revenus s’effectue, en règle générale, en chiffrant aussi exactement que possible les montants de ces deux revenus et en les confrontant l’un avec l’autre, la différence permettant de calculer le taux d’invalidité (méthode générale de comparaison des revenus; ATF 128 V 29 consid. 1 p. 30; voir également SVR 2010 IV n° 11 p. 35, 9C_236/2009, consid. 3.1).

Il ressort clairement du texte légal de l’art. 17 LPGA que la révision d’une rente en cours fondée sur un changement de circonstances s’opère pour l’avenir. La jurisprudence a précisé qu’il est admissible qu’elle prenne effet à partir du 1er jour du mois suivant la date de notification de la décision de l’assureur-accidents lorsqu’il est établi que les conditions matérielles de la révision sont réunies à cette même date (cf. ATF 140 V 70).

En matière d’assurance-invalidité, l’art. 88bis al. 2 let. b RAI (dans sa teneur avant l’entrée en vigueur de la modification intervenue le 01.01.2015; RO 2014 3177) permet à l’assurance de réviser une prestation avec effet rétroactif si l’assuré se l’est fait attribuer irrégulièrement ou s’il a manqué, à un moment donné, à l’obligation de renseigner qui lui incombe raisonnablement en vertu de l’art. 77 RAI. Encore récemment, le Tribunal fédéral a rappelé que la question de savoir si cette réglementation est applicable par analogie en matière d’assurance-accidents n’a pas été tranchée explicitement jusqu’ici (voir arrêt 8C_883/2015 du 21 octobre 2016 consid. 7.3.1 et les références citées).

En vertu de l’art. 31 al. 1 LPGA, l’ayant droit, ses proches ou les tiers auxquels une prestation est versée sont tenus de communiquer à l’assureur ou, selon les cas, à l’organe compétent toute modification importante des circonstances déterminantes pour l’octroi d’une prestation. L’obligation d’annoncer toute modification des circonstances déterminantes est l’expression du principe de la bonne foi entre administration et administré (ATF 140 IV 11 consid. 2.4.5 p. 17 et les références). Pour qu’il y ait violation de l’obligation de renseigner, il faut qu’il y ait un comportement fautif; d’après une jurisprudence constante, une légère négligence suffit déjà (ATF 112 V 97 consid. 2a p. 101). L’art. 31 LPGA ne dit pas quelles conséquences il faut attacher au fait qu’un assuré viole son obligation. A supposer donc qu’on admette, en application analogique de l’ancienne version de l’art. 88bis al. 2 let. b RAI, d’en faire découler la possibilité pour l’assureur-accidents de réviser avec effet rétroactif les prestations qu’il a allouées, encore faut-il qu’il existe un lien de causalité entre le comportement à sanctionner (la violation de l’obligation d’annoncer) et le dommage causé (la perception de prestations indues) (voir à ce sujet ATF 119 V 431 consid. 4a p. 435; 118 V 214 consid. 3b p. 219; arrêt 9C_454/2012 du 18 mars 2013 consid. 7.3, non publié in ATF 139 V 106, mais in SVR 2013 IV n° 24 p. 66).

On doit nier l’existence d’un tel lien de causalité dans les circonstances d’espèce. A la date déterminante où on aurait pu attendre de l’assuré qu’il annonce spontanément à l’assureur-accidents une amélioration de son état de santé, celle-ci l’avait déjà mis sous surveillance. Le comportement de l’assuré n’a donc eu aucune influence sur la suite qui a été donnée à cette surveillance. Il aurait été en toute hypothèse nécessaire de mettre en œuvre une instruction médicale pour déterminer les répercussions de la modification de l’état de santé de l’assuré sur sa capacité de travail. Par conséquent, on ne saurait admettre que la révision de la rente puisse avoir un effet rétroactif. Celle-ci doit bien plutôt prendre effet le 1er jour du mois qui suit la notification de la décision (du 25.10.2013), soit en l’espèce le 01.11.2013.

 

Comparaison des revenus

Pour procéder à la comparaison des revenus, il convient de se placer au moment déterminant de la révision de la rente, soit en novembre 2013 et non en 2010.

En ce qui concerne tout d’abord le revenu sans invalidité, on rappellera qu’est déterminant le salaire qu’aurait effectivement réalisé l’assuré sans atteinte à la santé, selon le degré de la vraisemblance prépondérante. En règle générale, on se fonde sur le dernier salaire réalisé avant l’atteinte à la santé adapté à l’évolution nominale des salaires (ATF 139 V 28 consid. 3.3.2 p. 30).

En l’espèce, il y a lieu s’en tenir au dernier revenu indiqué par l’ancien employeur dans la déclaration d’accident qu’il a signée le 28.09.1995, soit 3’400 fr. par mois, respectivement 40’800 fr. par an. Le revenu annuel déterminant de 40’800 fr. doit encore être adapté à l’évolution des salaires nominaux. De 1995 à 2013, l’indice est passé de 1’789 à 2’204 (Evolution des salaires 2013 publié par l’Office fédéral de la statistique [OFS], p. 27, T 39). Il en résulte un salaire annuel de 50’264 fr. 50 [40’800 x 2’204 : 1’789].

Pour le revenu d’invalide, on peut recourir aux données salariales statistiques valables pour l’année 2012 (voir ATF 142 V 178 consid. 2.5.8.1 in fine p. 190). Le salaire de référence est celui auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives (niveau de compétence 1) dans le secteur privé, soit 5’210 fr. par mois (Enquête sur la structure des salaires 2012 [ESS] publiée par l’OFS, p. 35, TA1). Comme les salaires bruts standardisés tiennent compte d’un horaire de travail de quarante heures, soit une durée hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises en 2013 (41,7 heures par semaine), ce montant doit être porté à 5’431 fr. Après adaptation de ce chiffre à l’évolution des salaires selon l’indice des salaires nominaux pour les hommes de l’année 2013 (+ 0,8% en 2013; Evolution des salaires 2013 publié par l’OFS, p. 22, T1.1.10), on obtient un revenu de 5’474 fr. par mois, soit 65’688 fr. par an. Compte tenu d’une capacité résiduelle de travail de 70% et d’un facteur de réduction sur le salaire statistique qu’il convient de fixer à 15% eu égard aux autres circonstances personnelles du recourant (en particulier son âge, ses limitations fonctionnelles et son taux d’occupation; cf. ATF 126 V 75), le revenu d’invalide s’élève à 39’085 fr.

La comparaison des deux revenus aboutit à un degré d’invalidité (arrondi) de 22% [ (50’264 fr. 50 – 39’085 fr.) : 50’264 fr. 50 x 100 = 22,24].

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et la décision, réduit la rente d’invalidité LAA à 22% à partir du 01.11.2013.

 

 

Arrêt 8C_266/2016 consultable ici : http://bit.ly/2r7HSKr

 

 

9C_789/2016 (f) du 05.04.2017 – Evaluation de l’invalidité – Capacité de travail exigible – 16 LPGA / Obligation de réduire le dommage – Changement d’activité lucrative exigible pour un assuré de 58 ans

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_789/2016 (f) du 05.04.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2pWS84V

 

Evaluation de l’invalidité – Capacité de travail exigible / 16 LPGA

Obligation de réduire le dommage – Changement d’activité lucrative exigible pour un assuré de 58 ans

 

Assuré, sans formation professionnelle, exploitant d’une société en Sàrl, a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité en raison d’un arrêt de travail depuis le 03.11.2013.

Après instruction de la demande, le Service médical régional (SMR) a retenu les diagnostics de lombosciatalgies L5 droites sur hernie discale L4-L5 et a conclu que l’assuré présentait une capacité de travail entière dans son activité habituelle dès le 14.05.2014.

L’office AI a, en application de la méthode ordinaire de comparaison des revenus, nié le droit de l’assuré à des prestations de l’assurance-invalidité. En bref, l’administration a retenu que l’assuré avait recouvert une capacité de travail de 100% dans tout emploi léger et adapté à ses limitations fonctionnelles dès le 9 avril 2014. Il n’existait par ailleurs aucun motif objectif qui empêchait l’assuré de mettre fin à son activité indépendante au profit d’une telle activité adaptée et plus rémunératrice selon les tableaux statistiques.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 21.10.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Un des griefs de l’assuré est qu’un changement d’activité lucrative n’est pas exigible de sa part. A cet égard, il rappelle qu’il présente des limitations fonctionnelles, qu’il a 58 ans, qu’il n’a pas de formation professionnelle et qu’il n’a plus l’habitude des rapports hiérarchiques depuis presque vingt ans. A l’appui de son argumentation, l’assuré se réfère par ailleurs à un arrêt 9C_578/2009 (du 29.12.2009) dans lequel le Tribunal fédéral a constaté qu’il n’était pas exigible d’un agriculteur de 57 ans d’abandonner son exploitation.

Selon le TF, les circonstances ne sont, en l’espèce, pas comparables à celles de l’affaire citée par l’assuré, qui doit par ailleurs être regardée comme un cas limite. Avant d’exploiter la société en Sàrl, l’assuré a exercé de nombreuses activités, tant comme salarié que comme indépendant. Il a donc déjà été confronté à des changements d’activité professionnelle par le passé. On ne saurait dès lors assimiler le cas d’espèce à la situation d’une personne qui a toujours travaillé dans une exploitation agricole et doit, malgré un âge relativement avancé, se réinsérer dans un domaine économique autre que celui dans lequel il a toujours œuvré. Contrairement à l’affaire 9C_578/2009, les premiers juges ont de plus souligné leurs doutes sur le caractère adapté de l’activité indépendante actuellement exercée par l’assuré dans le domaine de la rénovation (d’appartements ou de chalets).

A ce sujet, on peut regretter que l’administration n’ait mentionné aucune activité raisonnablement exigible au cours de l’instruction. Cette omission ne permet toutefois pas de retenir que les premiers juges auraient apprécié les faits de façon arbitraire ou violé le droit fédéral. Vu le large éventail d’activités simples et répétitives (qui correspondent à un emploi léger et adapté à des contraintes mécaniques lombaires) que recouvre le marché du travail en général – et le marché du travail équilibré en particulier -, on ne saurait reprocher à l’autorité précédente d’avoir retenu qu’un nombre significatif d’entre elles, ne nécessitant aucune formation spécifique, sont adaptées aux limitations fonctionnelles du recourant. Au demeurant, âgé de 56 ans au moment où l’exigibilité de l’exercice d’une activité adaptée a été constatée (avis du SMR du 20.03.2015, confirmé le 18.01.2016; à ce sujet, voir ATF 138 V 457 consid. 3.3 p. 461), l’assuré se trouvait encore loin de l’âge à partir duquel la jurisprudence considère généralement qu’il n’existe plus de possibilité réaliste d’exploiter la capacité résiduelle de travail sur un marché du travail supposé équilibré (voir arrêt 9C_355/2011 du 8 novembre 2011 consid. 4.4 et les références). Pour le reste, l’assuré ne remet pas en cause le fait que la liquidation de sa société n’occasionnerait aucune difficulté particulière, celle-ci n’ayant notamment que très peu d’actifs et aucun personnel.

En se fondant sur la motivation de la décision du 27.04.2016, c’est donc à juste titre que la juridiction cantonale a déterminé l’invalidité de celui-ci en fonction de la rémunération qu’il pourrait réaliser dans une activité (salariée) légère et adaptée, selon l’ESS.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_789/2016 consultable ici : http://bit.ly/2pWS84V