9C_689/2016 (f) du 12.05.2017 – Révision d’une rente d’invalidité – 17 LPGA / Mesures de surveillances – Capacité de travail exigible

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_689/2016 (f) du 12.05.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2vLOZYc

 

Révision d’une rente d’invalidité / 17 LPGA

Mesures de surveillances – Capacité de travail exigible

 

Assuré au bénéficie d’une demi-rente d’invalidité dès le 01.08.1997. Ces prestations ont été maintenues à l’issue de révisions successives.

L’office AI a entrepris une nouvelle procédure de révision au mois de mars 2012. Au cours de l’instruction, il a notamment soumis l’assuré à des mesures de surveillance entre les 24.09.2013 et 19.02.2014 ainsi qu’entre les 11.03.2014 et 13.03.2014 ; de telles mesures ont à nouveau été mises en place en avril 2014. Les médecins du Service médical régional (SMR) ont constaté une capacité totale de travail dans toute activité adaptée à partir du 13.03.2014. Le 13.11.2014, l’office AI a confronté l’assuré au résultat de l’observation ; ce dernier a indiqué qu’il travaillait depuis fin novembre 2012 « à plus de 50%, entre 5 et 6 heures par jour, 5 jours par semaine ».

L’office AI a suspendu le versement de la demi-rente d’invalidité et des rentes complémentaires avec effet au 30.11.2014. Il a, par décision du 19.08.2015, réduit la demi-rente d’invalidité à un quart de rente à partir du 01.03.2013 puis l’a supprimée à partir du 01.01.2014 ; il a également réclamé la restitution des prestations versées en trop, soit 25’377 francs correspondant à la période du 01.03.2013 au 30.11.2014.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 07.09.2016, rejet par le tribunal cantonal du recours contre la décision de suspension du versement de la rente. Les juges cantonaux ont partiellement admis celui interjeté contre la décision du 19.08.2015, en ce sens que ladite décision est annulée et la cause renvoyée à l’office AI pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

TF

Si une observation menée par un détective privé n’apporte qu’une perception indirecte de la capacité de travail effective et que seule une évaluation par un médecin du matériel d’observation peut apporter une connaissance certaine des faits pertinents (ATF 137 I 327 consid. 7.1 p. 337; arrêt 8C_434/2011 du 8 décembre 2011 consid. 4.2), l’évaluation du médecin peut se faire sur la base du résultat des mesures de surveillance, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner dans tous les cas une expertise médicale. Il appartient en effet à l’assureur social ou au juge d’apprécier la portée du produit d’une surveillance, conformément au principe de la libre appréciation des preuves (arrêt 8C_779/2012 du 25 juin 2013 consid. 2.3). A cet égard, l’un des médecins du SMR avait indiqué dans son rapport que « les observations faites lors des surveillances de mars 2014 et d’août 2014 sont si claires que le bilan médical avec consilium rhumatologique et évaluation en ateliers professionnels […] est devenu sans objet et qu’il est inutile d’effectuer un examen clinique SMR ou une expertise médicale ».

Au vu du nombre de surveillances effectuées (14 jours au total) et du fait que les trois dernières phases de surveillances se sont chaque fois étendues sur trois journées entières consécutives, l’assuré ne saurait être suivi non plus lorsqu’il allègue que la durée de la surveillance était « négligeable », que le détective ne l’avait pas observé durant une journée entière ou que le résultat des observations menées ne serait pas représentatif.

L’avis de son médecin traitant produit en instance cantonale ne comporte aucune analyse ou prise de position motivée sur les conclusions des médecins du SMR, en dehors de la critique selon laquelle « … avec des vidéos, on ne fait de status rhumatologique ni de bilan fonctionnel du rachis! ».

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_689/2016 consultable ici : http://bit.ly/2vLOZYc

 

 

Les heures travaillées ont augmenté en 2016

Les heures travaillées ont augmenté en 2016

 

Communiqué de presse de l’Office fédéral de la statistique (OFS) du 27.07.2017 consultable ici : http://bit.ly/2vacflv

 

 

Le nombre total d’heures travaillées dans le cadre professionnel en Suisse a atteint 7,892 milliards d’heures en 2016, soit une augmentation de 1,4% par rapport à l’année précédente. Entre 2011 et 2016, la durée hebdomadaire effective du travail des salariés à plein temps s’est réduite de 13 minutes pour s’établir à 41 heures et 10 minutes, alors que le nombre annuel de semaines de vacances a poursuivi sa progression régulière pour se chiffrer à 5,12 semaines, indique l’Office fédéral de la statistique (OFS).

 

 

Pro memoria, ces données sont importantes dans le cadre du calcul des revenus – de valide et d’invalide – basés sur l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS).

 

 

Communiqué de presse de l’OFS du 27.07.2017 consultable ici : http://bit.ly/2vacflv

Tableau « Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique (NOGA 2008), en heures par semaine » de l’OFS consultable ici :  http://bit.ly/2ePjUPs

 

 

Révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA) : message du Conseil fédéral

Révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA) : message du Conseil fédéral

 

Paru in FF 2017 4767

 

 

Condensé

La loi sur le contrat d’assurance (LCA) régit les relations entre les entreprises d’assurance et leurs clients. Plus de cent ans après sa création, elle ne répond plus aux exigences ni aux besoins d’une loi moderne. Certaines modifications ponctuelles urgentes ont déjà été effectuées au cours d’une révision partielle en 2006. Le présent projet de loi propose une nouvelle adaptation du droit du contrat d’assurance au contexte actuel et à la nécessité d’une couverture d’assurance réalisable et raisonnable dans certains autres domaines.

 

Contexte

La révision partielle de 2006 a concrétisé les besoins les plus urgents en matière de protection des consommateurs. En 2011, le Conseil fédéral a soumis au Parlement une révision totale de la LCA qui visait principalement à garantir une couverture d’assurance réalisable et raisonnable. Le Parlement a cependant estimé que le projet de remaniement intégral de la loi allait trop loin et l’a renvoyé au Conseil fédéral en mars 2013 en lui demandant d’élaborer une révision partielle sur des points précis. Sous la direction du Département fédéral des finances, un groupe de travail composé de représentants du secteur, de la Stiftung für Konsumentenschutz, de l’Association Suisse d’Assurances et de l’Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA) a rédigé un projet de révision.

 

Contenu du projet

Le présent projet de loi s’appuie sur les requêtes formulées par le Parlement lors du renvoi de la révision totale de la LCA. Les modifications alors demandées, notamment en matière de droit de révocation, de couverture provisoire, de délai de prescription, de droit de résiliation et de grands risques, ont été exécutées. Plusieurs simplifications concernant le commerce électronique ont également été introduites (admission de formes autres que la forme écrite, pour autant qu’elles permettent d’établir la preuve par un texte). Des adaptations de moins grande portée ont également été entreprises lorsque cela a paru utile et pertinent au cours des travaux. Le groupe de travail a cependant toujours veillé à respecter la principale requête du Parlement, à savoir conserver lors d’une révision partielle les dispositions ayant fait leurs preuves. Sur la forme, la LCA s’est dotée d’une structure plus claire par l’introduction des titres de section. Bien que cela ait nécessité de déplacer certaines prescriptions, la lisibilité de la loi y a, dans l’ensemble, fortement gagné.

 

 

Message du Conseil fédéral concernant la révision de la loi fédérale sur le contrat d’assurance (LCA), paru in FF 2017 4767, consultable ici : http://bit.ly/2tEVZoh

Loi fédérale sur le contrat d’assurance (Loi sur le contrat d’assurance, LCA) (Projet), paru in FF 2017 4817, consultable ici : http://bit.ly/2uzXDdX

 

 

Voir également :

Le Conseil fédéral adopte le message relatif à la révision partielle de la loi sur le contrat d’assurance (LCA)

 

 

 

 

9C_815/2016 (f) du 19.05.2017 – Allocations pour impotent LAA vs AI – Règle de priorité / 66 al. 3 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_815/2016 (f) du 19.05.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2tFiYQW

 

Allocations pour impotent LAA vs AI – Règle de priorité / 66 al. 3 LPGA

 

Assuré, manutentionnaire, a été victime d’un accident professionnel le 26.11.2003. L’assurance-accidents a pris le cas en charge jusqu’au 15.07.2007. Après jugement cantonal du 26.05.2015 , la plexopathie diagnostiquée par la suite engageait la responsabilité de l’assureur-accidents dans la mesure où il s’agissait d’une séquelle d’une opération du 22.09.2004 qui avait été rendue nécessaire par l’événement évoqué.

L’office AI lui a reconnu le droit à une rente entière dès le 01.12.2004 puis à trois quarts de rente dès le 01.09.2009. L’assuré a en outre requis de l’office AI, le 09.11.2012, qu’il lui verse une allocation pour impotent, demande rejetée, dans la mesure où, s’agissant d’un cas d’accident, l’examen du droit à la prestation entrait dans la compétence de l’assurance-accidents.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 167/16 – 277/2016)

Par jugement du 27.08.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le litige porte en l’occurrence sur le droit de l’assuré à une allocation pour impotent de l’assurance-invalidité. La juridiction cantonale a cité les dispositions légales ainsi que les principes jurisprudentiels indispensables pour la résolution du litige. Il suffit d’y renvoyer.

Le tribunal cantonal a constaté que l’invalidité de l’assuré résultait de la plexopathie mise en évidence pendant la procédure administrative, que cette pathologie était la conséquence de l’opération du 22.09.2004 et que cette opération avait été pratiquée pour traiter les séquelles de l’accident du 26.11.2003. Il a déduit de ces constatations que, vu la règle de priorité définie à l’art. 66 al. 3 LPGA, le lien de causalité entre l’atteinte à la santé et l’accident excluait le droit à une allocation d’impotence de l’assurance-invalidité.

Le recours est manifestement infondé dans la mesure où le jugement entrepris a été rendu conformément à la jurisprudence (arrêt 9C_281/2014, in: SVR 2014 IV n° 36 p. 128). Celle-ci prévoit qu’il n’y a aucune place pour l’octroi d’une allocation d’impotence de l’assurance-invalidité lorsque l’impotence est exclusivement due à un accident. Or, l’impotence éventuelle de l’assuré serait une conséquence de l’opération pratiquée le 22.09.2004 afin de pallier les séquelles de l’accident du 26.11.2003. Elle serait dès lors l’ultime maillon d’une chaîne ininterrompue de causes et d’effets, qui la rattacherait de façon indiscutable à l’accident.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_815/2016 consultable ici : http://bit.ly/2tFiYQW

 

 

9C_598/2016 (d) du 11.04.2017 – Moyens auxiliaires – appareil auditif – OMAV – OMAI / Droits acquis

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_598/2016 (d) du 11.04.2017

 

Résumé de l’arrêt par Inclusion Handicap, paru in Droit et Handicap 5/2017, consultable ici : http://bit.ly/2twpwRI

Arrêt du TF consultable ici : http://bit.ly/2tOPjY4

 

Moyens auxiliaires – appareil auditif / OMAV – OMAI

Droits acquis – Activité lucrative après l’âge AVS

 

Les personnes ayant un handicap de l’ouïe qui continuent d’exercer une activité lucrative à l’âge AVS bénéficient des dispositions relatives aux droits acquis: si l’AI leur a déjà accordé un appareil auditif, leurs droits aux prestations sont maintenus en vertu de la garantie des droits acquis à hauteur de la réglementation de l’AI. Ce droit porte également sur un appareil auditif de qualité supérieure tel qu’accordé par l’AI dans des «cas de rigueur ». Ainsi en a décidé le Tribunal fédéral dans un jugement récent du 11.4.2017.

 

Depuis juin 2011, l’AI n’accorde en règle générale plus qu’une contribution forfaitaire aux appareillages auditifs, et ce à hauteur de 840 francs pour un appareillage monaural et 1‘650 francs pour un appareillage binaural. S’ajoutent à cela des forfaits pour l’achat de piles et d’éventuelles réparations (chiffre 5.07 de la liste des moyens auxiliaires). Les personnes exerçant une activité lucrative ainsi que celles accomplissant des travaux habituels reconnus et dont l’appareillage est particulièrement exigeant se voient toutefois appliquer la réglementation des cas de rigueur selon le chiffre 5.07.2 de la liste des moyens auxiliaires: celle-ci autorise la prise en charge de frais supérieurs si la personne présente une perte de l’ouïe plus importante qui remplit certains critères audiologiques définis par l’OFAS. Les conditions d’octroi sont examinées par une clinique spécialisée en oto-rhino-laryngologie (clinique ORL).

Une personne en âge AI qui est au bénéfice d’un certain moyen auxiliaire continue en principe d’avoir droit, une fois atteint l’âge AVS, à des prestations concernant ce moyen auxiliaire – selon les mêmes règles qu’en âge AI. Dans un cas concret, l’administration avait toutefois remis en question cette garantie des droits acquis de l’art. 4 OMAV quant à l’applicabilité de la réglementation des cas de rigueur.

 

Une caisse de compensation refuse à tort l’examen d’un cas de rigueur

Dans le cas d’un homme handicapé de l’ouïe qui, arrivé en âge AVS, avait continué son activité de fiduciaire à un taux de travail important, et qui avait eu besoin d’un nouvel appareillage auditif, la caisse de compensation de Bâle-Campagne a limité la prise en charge des frais au forfait de 1‘650 francs. Elle a refusé d’examiner si un cas de rigueur devait être admis ou non chez cet assuré. Suite à un recours, ce point de vue a également été soutenu par le Tribunal cantonal de Bâle-Campagne. Celui-ci a notamment fait valoir que l’AI n’avait jusqu’ici pas accordé les appareillages à l’assuré selon la clause des cas de rigueur, raison pour laquelle l’assuré ne pouvait invoquer cette clause des cas de rigueur dans le cadre des droits acquis. Ce jugement était surprenant déjà rien qu’en raison du fait que l’assuré s’était vu octroyer son dernier appareil auditif avant l’introduction, en juillet 2011, des nouvelles dispositions qui prévoient des contributions forfaitaires et une réglementation des cas de rigueur.

Le Tribunal fédéral a désormais clarifié la situation dans son jugement du 11.4.2017 (arrêt 9C_598/2016): il a statué que le règlement en vigueur depuis le 1er juillet 2011 avait apporté une modification ne pouvant être distinguée, sur le plan de la terminologie, des prestations accordées précédemment, vu qu’il s’agissait en fait toujours du même moyen auxiliaire dit «appareils auditifs» qui est couvert, également dans sa version plus onéreuse, par la garantie des droits acquis au sens d’un cas de rigueur. Le Tribunal fédéral a admis le recours et renvoyé le cas à l’administration en lui demandant d’examiner la question de savoir si les conditions médicales déterminant un cas de rigueur étaient remplies.

Ce jugement statue que les personnes qui, en âge AI, ont bénéficié de contributions à un appareil auditif et qui, une fois arrivées en âge AVS, continuent d’exercer une activité lucrative à un taux de travail important, peuvent demander la prise en charge des coûts selon les principes de la réglementation des cas de rigueur, à condition de remplir les critères audiologiques correspondants. Ce résultat a ceci de réjouissant que l’on assiste aujourd’hui régulièrement à une demande de flexibilisation des limites d’âge strictes ainsi que de valorisation du potentiel des personnes plus âgées dans la vie économique. Le soutien lors de l’intégration professionnelle ne doit pas tout simplement s’arrêter à l’âge de 65 ans.

 

 

Arrêt 9C_598/2016 consultable ici : http://bit.ly/2tOPjY4

Résumé de l’arrêt par Inclusion Handicap, paru in Droit et Handicap 5/2017, consultable ici : http://bit.ly/2twpwRI

 

6B_999/2015+6B_1003/2015 (f) du 28.09.2016 – Homicide par négligence – 117 CP – Méningite chez un enfant / Règles de l’art médical – Violation du devoir de diligence du médecin

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_999/2015+6B_1003/2015 (f) du 28.09.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2tYvddX

 

Homicide par négligence – 117 CP – Méningite chez un enfant

Règles de l’art médical – Violation du devoir de diligence du médecin

Négligence – 12 al. 3 CP – Causalité naturelle et adéquate

 

Le dimanche 10.05.2009, l’enfant D.__, née en 2008, a commencé à avoir de la fièvre dans le courant de la journée. Son état fébrile a perduré. Le lendemain (11.05.2009) vers 9h00, auscultation par son pédiatre : diagnostic d’infection des voies respiratoires supérieures avec début de laryngite et prescription d’un humidificateur pour la gorge et, en cas de fièvre, la prise de « méfenacid » et de « dafalgan ».

L’état fébrile a perduré. Le mercredi 13.05.2009, vers 9h15, l’enfant D.__ a eu des convulsions et a vomi ; elle a été amenée en urgence au cabinet du pédiatre où elle présentait un état hautement fébrile (40 °C), un état général diminué, des mouvements spastiques de l’hémiface gauche, avec des clignements de paupières à l’œil gauche, des mouvements tonico-cloniques des membres inférieur et supérieur gauches. Après de nouvelles convulsions, le pédiatre a fait appeler le Service mobile d’urgence et de réanimation (ci-après: SMUR). Dans son dossier, le pédiatre a indiqué les diagnostics d’otite moyenne aiguë gauche et de convulsions focales atypiques secondaires à une infection bactérienne. Il a également porté en marge de ces diagnostics les mentions « Méningite ? » « Abcès ? », sans néanmoins en faire part ni aux parents, ni au SMUR.

Admission le 13.05.2009 à 10h32 au service des urgences de l’hôpital. Aucun autre examen particulier complémentaire n’a été ordonné. Lors de son admission aux urgences, l’enfant D.__ était endormie. Sa fièvre était tombée à 38.5 °C. Quand elle s’est réveillée, environ 15 minutes plus tard, une paralysie de la commissure labiale gauche subsistait mais l’enfant bougeait le front et clignait les yeux. Le test de Glasgow était à 14.

L’enfant a été admise à 11h40 au Service de pédiatrie de l’hôpital, successivement sous la responsabilité de la Dresse Y.__, médecin cadre et superviseur, responsable des urgences pédiatriques, de la pédiatrie, de la salle d’accouchement et de la maternité, et Dresse X.__, médecin cheffe de clinique adjointe, ainsi que de trois médecins assistantes. Son hospitalisation dans le Service de pédiatrie a été décidée avec, comme diagnostic, « convulsions fébriles complètes avec récupération neurologique prolongée mais totale » et, comme soins, une surveillance de type « soins continus » (monitoring cardiaque et saturation de l’oxygène dans le sang) et un contrôle des paramètres vitaux « aux heures ».

Un avis au service de neuropédiatrie du CHUV a été demandé lors de deux contacts téléphoniques avec le chef de clinique au service de neuropédiatrie. Ce dernier a envisagé le diagnostic différentiel suivant: méningite, hémorragie intracrânienne, convulsions fébriles complexes sur infection extra neurologique et convulsion sur une malformation cérébrale décompensée par une infection extra neurologique. Il a recommandé, sur la base des éléments qui lui avaient été communiqués oralement, une surveillance de l’enfant et, en cas de crise ou de modification de son état, une alerte au service de neuropédiatrie du CHUV, ainsi qu’une consultation au CHUV dans un délai de 24 à 48 heures. Entendu par le procureur, ce médecin a déclaré qu’au vu de la lecture qui lui était faite du « dossier patient ambulatoire », postérieur aux deux entretiens téléphoniques, la récupération n’était pas totale mais montrait en plus une aggravation nette par rapport à l’état qui lui avait été décrit précédemment. Si on avait pris la peine de le rappeler, deux heures plus tard, la situation aurait selon lui été différente et il aurait fallu reconsidérer le diagnostic du matin. L’enfant aurait dû pouvoir bénéficier d’un transfert en soins intensifs de pédiatrie et d’une antibiothérapie.

A 15h30, l’enfant D.__ a vomi un biberon de lait. La Dresse X.__ a procédé à ce moment-là à un examen clinique neurologique complet de l’enfant, qu’elle a jugé rassurant. L’enfant ne présentait pas de signes focaux, pas d’asymétrie. L’état de conscience était maximal (Glasgow 15). Il n’y avait pas de signes méningés. La poursuite de la surveillance telle que précédemment a été prévue. A 16h30, l’enfant D.__ a encore vomi. La température corporelle de l’enfant était de 36 °C à 18h30.

Le jeudi 14.05.2009 vers 2h00, l’enfant D.__ a une nouvelle fois présenté des convulsions avec une asymétrie des mouvements et un hémicorps gauche inerte. La Dresse Y.__ a réalisé un examen neurologique qui a révélé des signes d’asymétrie pupillaire, des mouvements saccadés du membre supérieur droit, l’absence de mouvements à gauche et un trouble de l’état de conscience (Glasgow à 9/10). Un scanner cérébral, qui a pu être effectué vers 4h45, a mis en évidence des lésions cérébrales. Entre 5h30 et 6h00, la Dresse Y.__ a ordonné une nouvelle prise de sang et l’administration d’antibiotiques (Rocephin) à dose méningée.

Le jeudi 14.05.2009 vers 7h00, l’enfant D.__ a été transportée au CHUV. Dans la matinée, une craniectomie de décompression a été pratiquée, qui a permis de constater la présence d’une méningite importante avec la présence d’abcès. D.__ est décédée au CHUV dans la soirée du vendredi 15.05.2009 d’une méningo-encéphalite à pneumocoques.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 06.12.2013, le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de La Côte a libéré les Dresses X.__ et Y.__ du chef d’accusation d’homicide par négligence.

Statuant le 09.03.2015 sur appel des parents ainsi que du Ministère public, la Cour d’appel du Tribunal cantonal du canton de Vaud a modifié le jugement précité et reconnu X.__ et Y.__ coupables d’homicide par négligence. Elle les a condamnées à une peine de 30 jours-amende avec sursis pendant deux ans – le montant du jour-amende étant fixé à 70 fr. pour X.__ et 100 fr. pour Y.__ – ainsi que, solidairement entre elles, au versement d’une indemnité pour tort moral de 30’000 fr. à chacun des deux parents.

 

 

TF

Règles de l’art médical

Le médecin ne viole son devoir de diligence que lorsqu’il pose un diagnostic ou choisit une thérapie ou une autre méthode qui, selon l’état général des connaissances professionnelles, n’apparaît plus défendable et ne satisfait ainsi pas aux exigences objectives de l’art médical (ATF 134 IV 175 consid. 3.2 p. 177; 130 IV 7 consid. 3.3 p. 12).

Les règles de l’art médical constituent des principes établis par la science médicale, généralement reconnus et admis, communément suivis et appliqués par les praticiens (ATF 133 III 121 consid. 3.1 p. 124).

Savoir si le médecin a violé son devoir de diligence est une question de droit; dire s’il existe une règle professionnelle communément admise, quel était l’état du patient et comment l’acte médical s’est déroulé relève du fait (ATF 133 III 121 consid. 3.1 p. 124).

Selon la jurisprudence, le juge apprécie en principe librement une expertise et n’est pas lié par les conclusions de l’expert. Toutefois, il ne peut s’en écarter que lorsque des circonstances ou des indices importants et bien établis en ébranlent sérieusement la crédibilité; il est alors tenu de motiver sa décision de ne pas suivre le rapport d’expertise. Inversement, si les conclusions d’une expertise judiciaire apparaissent douteuses sur des points essentiels, le juge doit recueillir des preuves complémentaires pour tenter de dissiper ses doutes. A défaut, en se fondant sur une expertise non concluante, il pourrait commettre une appréciation arbitraire des preuves et violer l’art. 9 Cst. (ATF 141 IV 369 consid. 6.1 p. 372 s.; 133 II 384 consid. 4.2.3 p. 391). La crédibilité d’une expertise est notamment ébranlée si l’expert ne répond pas aux questions qui lui sont posées, s’il ne motive pas ses conclusions, si ces dernières sont contradictoires ou si l’expertise est entachée de lacunes telles qu’elles sont reconnaissables sans connaissance spécifique (ATF 141 IV 369 consid. 6.1 p. 372 s.).

S’agissant des règles de l’art médical, à savoir les principes établis par la science médicale, généralement reconnus et admis, communément suivis et appliqués par les praticiens, il ressort du jugement entrepris que l’expert et les médecins ont relevé ce qui suit.

Selon l’expertise judiciaire, l’exclusion d’une méningite bactérienne dans le cadre de la médecine d’urgence pédiatrique relève de la plus grande priorité, elle est enseignée dans les universités ainsi que dans le cadre de la formation du médecin visant à devenir spécialiste en pédiatrie et est généralement reconnue nécessaire, comme mentionné dans la littérature. L’expert indique qu’un comportement prudent, visant la sécurité et cherchant à éviter le pire aurait exigé la prise des mesures d’urgence (formule sanguine, CRP, hémoculture, antibiotiques empiriques, CT/MR, éventuellement une ponction lombaire). Il ajoute qu’en cas de doute, un médecin expérimenté prend en considération le diagnostic le moins favorable, à savoir, in casu, la possibilité d’une méningite bactérienne. Compte tenu des paramètres vitaux anormaux, un monitoring continu au moyen d’un IMC ou un suivi en soins intensifs aurait été indiqué. L’expert ajoute qu’au plus tard après le deuxième épisode épileptique (à savoir le 14.05.2009 à 2h00), il aurait été urgemment indiqué de répéter les analyses de laboratoire, d’administrer immédiatement un antibiotique par intraveineuse. Il relève qu’en présence des résultats sanguins (leucocytes et CRP), l’administration empirique d’un antibiotique i.v. aurait dû avoir lieu. Aux débats, l’expert a précisé que c’était l’analyse de l’ensemble des symptômes qui donnait une indication à une thérapie empirique par antibiotiques, à quoi s’ajoutait encore l’âge du patient, ceux âgés de moins de 24 mois ayant un risque beaucoup plus élevé pour des infections bactériennes invasives. Pour cette raison, un traitement empirique était très important avant de poser un diagnostic précis et définitif.

D’après l’expertise, les mesures nécessaires ont été prises avec du retard et, dans la perspective de la prévention du « worst case scenario », pas dans le bon ordre. Il précise que l’antibiothérapie aurait dû intervenir plus tôt (que le 14.05.2009 vers 6h00), au plus tard après la prise de connaissance des résultats d’analyse de laboratoire du 13.05.2009. A la question de savoir si les réponses précédentes données conduisent à conclure qu’un devoir de diligence/des règles de l’art médical ont été violés, respectivement si cette violation a provoqué le décès de D.__, l’expert répond qu’une antibiothérapie i.v. se serait imposée dans le cas de D.__ compte tenu du fait que l’examen sanguin avait révélé des signes d’infection et d’un état de pré-choc, et cela même si elle n’avait pas eu de fièvre complexe. Selon lui, il y avait eu violation d’un devoir de diligence individuelle, compte tenu du fait que le diagnostic correct avait été évoqué a priori, mais n’avait finalement pas été investigué de manière conséquente, respectivement n’avait finalement pas été exclu. A la question de savoir par qui un devoir de diligence/des règles de l’art médical ont été violés, l’expert répond qu’on peut reprocher aux Dresses X.__ et Y.__ une violation du devoir de diligence compte tenu du fait qu’elles n’ont pas immédiatement investigué respectivement exclu la méningite bactérienne dont fait état le diagnostic différentiel.

Constatant que le diagnostic initial et différentiel était correct, l’expert a relevé une mésestimation de la gravité de la situation, ce qui a entraîné un retard dans la mise en route d’un traitement curatif.

En définitive, c’est sans arbitraire que la cour cantonale a retenu que les Dresses X.__ et Y.__ ne s’étaient pas conformées aux règles médicales.

 

Négligence – 12 al. 3 CP

L’art. 117 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura causé la mort d’une personne. La réalisation de cette infraction suppose ainsi la réunion de trois conditions: le décès d’une personne, une négligence et un lien de causalité naturel et adéquat entre la négligence et la mort (cf. ATF 122 IV 145 consid. 3 p. 147).

Selon la jurisprudence, la particularité de l’art médical réside dans le fait que le médecin doit, avec ses connaissances et ses capacités, tendre vers le résultat désiré, mais n’a pas l’obligation de l’atteindre ou même de le garantir. Les exigences que le devoir de prudence impose au médecin sont fonction des circonstances du cas d’espèce, notamment du genre d’intervention ou de traitement, des risques qui y sont liés, du pouvoir de jugement ou d’appréciation laissé au médecin, des moyens à disposition et de l’urgence de l’acte médical. La responsabilité pénale du médecin n’est pas limitée à la violation grave des règles de l’art médical. Il doit au contraire toujours soigner ses malades de façon appropriée et, en particulier observer la prudence imposée par les circonstances pour protéger leur vie ou leur santé. Par conséquent, le médecin répond en principe de tout manquement à ses devoirs (ATF 130 IV 7 consid. 3.3 p. 11 s. et les références citées).

La notion de manquement à ses devoirs ne doit cependant pas être comprise de telle manière que chaque acte ou omission qui, par un jugement a posteriori, aurait provoqué le dommage ou l’aurait évité, entrerait dans cette définition. Le médecin ne doit en principe pas répondre des dangers et des risques qui sont inhérents à tout acte médical ainsi qu’à toute maladie. Par ailleurs, l’état de la science médicale confère souvent une latitude de jugement au médecin, tant en ce qui concerne le diagnostic que les mesures thérapeutiques ou autres, ce qui permet de faire un choix parmi les différentes possibilités qui entrent en considération. Le médecin ne viole son devoir de diligence que lorsqu’il pose un diagnostic ou choisit une thérapie ou une autre méthode qui, selon l’état général des connaissances professionnelles, n’apparaît plus défendable et ne satisfait ainsi pas aux exigences objectives de l’art médical (ATF 134 IV 175 consid. 3.2 p. 177 s.; 130 IV 7 consid. 3.3 p. 12).

Même si le médecin dispose d’une grande latitude pour décider ce qu’il doit faire ou pas dans un cas particulier, les Dresses X.__ et Y.__ ont ici outrepassé leur marge d’appréciation en ne faisant pas tout ce qui était en leur pouvoir pour exclure le risque d’une méningite bactérienne, ce qui, dans un cas d’urgence pédiatrique comme en l’espèce, relevait de la plus grande priorité. Ainsi que le retient la cour cantonale, cela constitue une négligence fautive : le choix de l’inaction était indéfendable dès lors que les Dresses X.__ et Y.__ ne pouvaient ignorer que la méningite peut évoluer de manière foudroyante d’une part et que, d’autre part, les gestes salvateurs étaient faciles et sûrs (traitement par antibiotiques et/ou examens complémentaires).

Dans le cas d’espèce, compte tenu de l’expérience et des statuts de médecins-cadres des Dresses X.__ et Y.__, la cour cantonale n’a pas procédé à une mauvaise application du droit fédéral en considérant qu’elles avaient violé leur devoir de diligence, prenant un risque inexcusable, en attendant sans investiguer plus avant ou en n’administrant pas d’antibiotiques à D.__ lors de son admission au service pédiatrique.

 

Causalité

En cas de violation du devoir de prudence par omission, il faut procéder par hypothèse et se demander si l’accomplissement de l’acte omis aurait, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, évité la survenance du résultat qui s’est produit, pour des raisons en rapport avec le but protecteur de la règle de prudence violée. Pour l’analyse des conséquences de l’acte supposé, il faut appliquer les concepts généraux de la causalité naturelle et de la causalité adéquate (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.1 p. 265 et les arrêts cités). L’existence de cette causalité dite hypothétique suppose une très grande vraisemblance; autrement dit, elle n’est réalisée que lorsque l’acte attendu ne peut pas être inséré intellectuellement dans le raisonnement sans en exclure, très vraisemblablement, le résultat (ATF 116 IV 182 consid. 4a p. 185). La causalité adéquate est ainsi exclue lorsque l’acte attendu n’aurait vraisemblablement pas empêché la survenance du résultat ou lorsqu’il serait simplement possible qu’il l’eût empêché (arrêt 6B_1165/2015 du 20 avril 2016 consid. 2.2.1 et les références citées).

L’expert judiciaire a relevé qu’il était plus que probable qu’en cas de diagnostic rapide de méningite bactérienne, le décès aurait pu être évité. Il apparaît que, selon le cours ordinaire des choses et l’expérience générale de la vie, dans l’hypothèse où les Dresses X.__ et Y.__ avaient administré d’emblée des antibiotiques à l’enfant D.__, il est très vraisemblable qu’elle n’aurait pas succombé à la méningite; de même, si une surveillance suffisante avait été mise en place dans l’après-midi et en soirée, cela aurait permis de procéder à des vérifications, d’administrer des antibiotiques, et d’éviter ainsi l’issue fatale. Le lien de causalité a dès lors été établi à satisfaction de droit.

 

Le TF rejette le recours des Dresses X.__ et Y.__.

 

 

Arrêt 6B_999/2015+6B_1003/2015 consultable ici : http://bit.ly/2tYvddX

 

 

8C_796/2016 (f) du 14.06.2017 – Causalité naturelle – Algodystrophie (CRPS / SDRC) – 6 LAA / Rapports des médecins employés de l’assurance – Principe de l’égalité des armes – 6 par. 1 CEDH

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_796/2016 (f) du 14.06.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2ugAJsi

 

Causalité naturelle – Algodystrophie (CRPS / SDRC) / 6 LAA

Rapports des médecins employés de l’assurance – Principe de l’égalité des armes / 6 par. 1 CEDH

 

Assuré qui, le 04.02.2014, est tombé d’une échelle d’une hauteur d’environ 4 mètres, entraînant une fracture multi-fragmentaire du calcanéum droit. Un traitement conservateur a été instauré. Dans un rapport du 08.01.2015, le médecin-chef à la Clinique de rhumatologie, médecine physique et rééducation de l’Hôpital E.__, a diagnostiqué un syndrome douloureux régional complexe CRPS (ou SDRC) de type I secondaire à une fracture du calcanéum en février 2014, ainsi qu’une carence en vitamine D.

L’assurance-accidents a mis un terme à ses prestations avec effet au 01.03.2015 car l’un des critères cumulatifs retenus par la jurisprudence pour admettre l’existence d’un lien de causalité entre l’accident et l’algodystrophie devait être nié.

L’assuré s’est opposé à cette décision, alléguant que l’algodystrophie était présente déjà dans les huit premières semaines qui avaient suivi l’accident. L’assureur-accidents a admis partiellement l’opposition et accordé à l’assuré une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 15% et a rejeté l’opposition pour le surplus.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 24.10.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Causalité naturelle

L’art. 6 al. 1 LAA prévoit que les prestations de l’assurance-accidents obligatoire sont allouées en cas d’accident professionnel, d’accident non professionnel et de maladie professionnelle. Le droit aux prestations suppose notamment entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé: il suffit qu’associé éventuellement à d’autres facteurs, il ait provoqué l’atteinte à la santé, c’est-à-dire qu’il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte. Savoir si l’événement assuré et l’atteinte en question sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l’administration ou, le cas échéant, le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale (ATF 142 V 435 consid. 1 p. 438 et les références).

Pour admettre l’existence d’un rapport de causalité entre un accident et une algodystrophie, la jurisprudence impose, notamment, une courte période de latence entre l’apparition de l’algodystrophie et l’événement accidentel ou une opération nécessitée par celui-ci (soit au maximum six à huit semaines; arrêts 8C_763/2015 du 11 juillet 2016 consid. 5.3, 8C_807/2014 du 22 décembre 2015 consid. 5.3 et les références).

 

Principe de l’égalité des armes – Rapports des médecins employés de l’assurance

L’art. 6 par. 1 CEDH ne contient pas de règles concernant les moyens de preuve admissibles en procédure judiciaire et sur la manière de les apprécier. Ainsi, le refus d’un tribunal de donner suite à une demande d’expertise judiciaire déposée par une des parties, ne contrevient pas à l’art. 6 par. 1 CEDH, lorsque le procès peut encore être qualifié d’équitable.

Selon l’art. 6 par. 1 CEDH, le principe de l’égalité des armes fait partie des droits à un procès équitable. Ce principe n’est pas uniquement destiné à sauvegarder l’égalité formelle des parties dans la procédure judiciaire mais doit en plus garantir une égalité des chances pour les parties de pouvoir faire valoir leurs moyens devant le tribunal. Toutefois, l’art. 6 par. 1 CEDH n’oblige pas les pays signataires de la Convention à prévoir une complète égalité des armes entre les parties. La Convention exige cependant qu’un assuré ne soit pas mis dans une situation procédurale dans laquelle il n’a aucune chance raisonnable de soumettre son affaire au tribunal sans être clairement défavorisé par rapport aux autres parties à la procédure. En regard de ces règles, il est en principe admissible qu’un tribunal se fonde sur les preuves obtenues de manière correcte par l’assureur et renonce ainsi à sa propre procédure probatoire.

La jurisprudence (ATF 125 V 351 consid. 3b/ee p. 354) a posé le principe que le seul fait que les médecins de l’assurance sont employés de celle-ci ne permet pas de conclure à l’existence d’une prévention et d’un manque d’objectivité. Si un cas d’assurance est jugé sans rapport d’un médecin externe à l’assurance, l’appréciation des preuves doit être soumise à des exigences strictes. L’existence d’un doute même minime sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l’assurance, doit conduire le tribunal à demander des éclaircissements (ATF 122 V 157 consid. 1d p. 162).

En application du principe de l’égalité des armes, l’assuré a le droit de présenter ses propres moyens de preuve pour mettre en doute la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l’assurance. Il s’agit souvent de rapports émanant du médecin traitant ou d’un autre médecin mandaté par l’assuré. Ces avis n’ont pas valeur d’expertise et, d’expérience, en raison de la relation de confiance liant le patient à son médecin, celui-ci va plutôt pencher, en cas de doute, en faveur de son patient. Ces constats ne libèrent cependant pas le tribunal de procéder à une appréciation complète des preuves et de prendre en considération les rapports produits par l’assuré, afin de voir s’ils sont de nature à éveiller des doutes sur la fiabilité et la validité des constatations du médecin de l’assurance.

Il résulte de ce qui précède que les rapports des médecins employés de l’assurance sont à prendre en considération tant qu’il n’existe aucun doute, même minime, sur l’exactitude de leurs conclusions (ATF 135 V 465 consid. 4.7 p. 471).

 

Dans le cas d’espèce, un examen des avis du médecin-traitant de l’assuré et du médecin-conseil de l’assurance-accidents ne permet pas, en l’état, d’admettre ou de nier l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’accident et l’apparition d’un CRPS, au degré de la vraisemblance prépondérante. En effet, le médecin-traitant a exprimé l’avis suivant: « Je pense cependant que le diagnostic a été posé tardivement mais que son Sudeck a effectivement été présent bien avant les 8 semaines post-accident ». De son côté, le médecin-conseil n’a pas catégoriquement exclu cette éventualité en indiquant: « (Rétrospectivement), on ne peut que suspecter qu’il était peut-être déjà présent, mais on ne peut pas le confirmer avec exactitude ».

Dans ces conditions, il subsiste un doute à tout le moins léger quant à la pertinence de l’avis du médecin de l’assurance. Conformément à la jurisprudence, cela justifie de renvoyer la cause aux premiers juges pour qu’ils ordonnent une expertise médicale afin de départager les opinions des deux médecins. A cet égard, il est vrai que le médecin-conseil a indiqué qu’une expertise destinée à dater rétrospectivement le début de ce syndrome pourrait poser problème. Toutefois, il appartiendra à l’expert de trancher la question de la possibilité de rendre un tel avis.

 

Le TF admet le recours de l’assuré, annule le jugement cantonal et renvoie la cause à l’instance précédente.

 

 

Arrêt 8C_796/2016 consultable ici : http://bit.ly/2ugAJsi

 

 

9C_753/2016 (f) du 03.04.2017 – Condition pour l’octroi de la contribution d’assistance à un assuré majeur – interprétation littérale – 42quater LAI – 39a RAI – 39b RAI / Devoir de conseils de l’assureur social – 27 al. 2 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_753/2016 (f) du 03.04.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2u5EwWH

 

Condition pour l’octroi de la contribution d’assistance à un assuré majeur – interprétation littérale / 42quater LAI – 39a RAI – 39b RAI

Devoir de conseils de l’assureur social / 27 al. 2 LPGA

 

Assuré atteint d’autisme infantile associé à un retard mental et des graves troubles relationnels et du comportement, ayant bénéficié de différentes prestations de l’assurance-invalidité. Depuis le 01.01.2004, il s’est vu accordé une allocation pour impotent, d’abord de degré moyen puis grave (dès le 01.01.2008), et un supplément pour soins intenses. Cette dernière prestation n’a plus été versée à partir du 01.11.2014, compte tenu de la majorité de l’assuré, mais une rente entière d’invalidité lui a été allouée dès cette date.

L’assuré a présenté, le 22.03.2013, une demande de contribution d’assistance pour mineur auprès de l’office AI. Il a octroyé à l’assuré une contribution d’assistance pour mineur pour les heures effectivement fournies correspondant à une moyenne mensuelle de 3’239 fr. 45 et annuelle maximale de 35’633 fr. 95. Le 22.09.2015, l’office AI l’a mis au bénéfice d’une contribution d’assistance pour adulte pour les heures effectivement fournies correspondant à une moyenne mensuelle de 4’820 fr. 10 et annuelle maximale de 53’021 fr. 10.

Par décision du 17.02.2016, l’office AI a supprimé la contribution d’assistance avec effet au 01.04.2016, au motif que sa décision du 22.09.2015 devait être reconsidérée, parce qu’aucune prestation de soutien n’avait été dispensée à l’assuré sous l’égide du droit à une contribution d’assistance reconnu pendant sa minorité.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 07.10.2016, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) interjette un recours en matière de droit public contre ce jugement, dont il demande l’annulation.

 

Contribution d’assistance

Le droit des assurés majeurs à une contribution d’assistance de l’assurance-invalidité est prévu par l’art. 42quater LAI, entré en vigueur le 01.01.2012.

La contribution d’assistance constitue une prestation en complément de l’allocation pour impotent et de l’aide prodiguée par les proches, conçue comme une alternative à l’aide institutionnelle et permettant à des handicapés d’engager eux-mêmes des personnes leur fournissant l’aide dont ils ont besoin et de gérer leur besoin d’assistance de manière plus autonome et responsable. L’accent mis sur les besoins a pour objectif d’améliorer la qualité de vie de l’assuré, d’augmenter la probabilité qu’il puisse rester à domicile malgré son handicap et faciliter son intégration sociale et professionnelle; parallèlement, la contribution d’assistance permet de décharger les proches qui prodiguent des soins (Message du 24 février 2010 relatif à la modification de la loi fédérale sur l’assurance-invalidité, 6ème révision, premier volet, FF 2010 1692 ch. 1.3.4).

Initialement, le Conseil fédéral avait proposé de soumettre le droit à la contribution d’assistance à la condition que l’assuré ait l’exercice des droit civils au sens de l’art. 13 CC et en prévoyant la possibilité, pour le gouvernement fédéral, de fixer les conditions auxquelles les personnes mineures et les personnes dont la capacité d’exercice des droits civils est restreinte ont droit à une contribution d’assistance (message cité, FF 2010 1727 ch. 2, ad art. 42quater al. 2). Suivant l’avis de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats qui entendait supprimer la discrimination des personnes dont la capacité d’exercer les droit civils est restreinte, les Chambres fédérales ont adopté les modifications proposées de l’art. 42quater al. 1 let. c et des al. 2 et 3 (BO CE 2010 658 s.; BO CN 2010 2102 ss). En vertu de cette disposition, l’assuré majeur, vivant chez lui et percevant une allocation pour impotent, a droit à la contribution d’assistance. Toutefois, la compétence de régler les conditions auxquelles les personnes dont la capacité d’exercer les droits civils est restreinte n’ont droit à aucune contribution d’assistance a été déléguée au Conseil fédéral (art. 42quater al. 2 LAI).

Faisant usage de ladite délégation de compétence, le gouvernement fédéral a adopté notamment l’art. 39b RAI.

Selon l’art. 39a let. c RAI (en corrélation avec l’art. 42quater al. 3 LAI), l’assuré mineur a droit à une contribution d’assistance s’il remplit les conditions prévues à l’art. 42quater, al. 1, let. a et b LAI, et s’il perçoit un supplément pour soins intenses à raison d’au moins six heures par jour pour la couverture de ses besoins en soins et en surveillance en vertu de l’art. 42ter al. 3 LAI.

La loi s’interprète en premier lieu selon sa lettre (interprétation littérale). Dans le cas où plusieurs interprétations sont possibles, le juge recherche la véritable portée de la norme en la dégageant de sa relation avec d’autres dispositions légales et de son contexte (interprétation systématique), du but recherché, singulièrement de l’intérêt protégé (interprétation téléologique), ainsi que de la volonté du législateur telle qu’elle ressort des travaux préparatoires (interprétation historique). Le sens que prend la disposition dans son contexte est également important. Lorsqu’il est appelé à interpréter une loi, le Tribunal fédéral adopte une position pragmatique en suivant une pluralité de méthodes, sans soumettre les différents éléments d’interprétation à un ordre de priorité (ATF 140 V 227 consid. 3.2 p. 230 et les arrêts cités).

Selon la lettre de l’art. 39b let. d RAI, l’assuré majeur doit « avoir bénéficié » d’une contribution d’assistance en tant que mineur. Selon une interprétation littérale, ces termes signifient que l’assuré doit avoir « eu l’avantage » ou « profité » de ladite contribution, ce qui ne correspond pas à l’exigence d’ « avoir eu droit » dans le sens d’un droit à la prestation indépendant de tout versement effectif, voire de toute demande ou reconnaissance concrètes. Cela ressort également des deux autres versions linguistiques de l’art. 39b let. d RAI, selon lesquelles la condition en cause est réalisée si les assurés concernés, au moment de devenir majeurs, « einen Assistenzbeitrag nach Artikel 39a Buchstabe c bezogen haben » et « percepivano un contributo per l’assistenza seconda l’articolo 39a lettera c ».

Le renvoi de la disposition en cause à l’art. 39a let. c RAI, qui lui-même renvoie à l’art. 42ter al. 3 RAI, définit le type de contribution dont l’assuré doit avoir bénéficié à sa majorité. Il s’agit de la contribution d’assistance à laquelle a droit l’assuré mineur aux conditions suivantes: il vit chez lui (art. 42quater let. b LAI) et perçoit une allocation pour impotent de l’assurance-invalidité (art. 42quater let. a LAI), assortie d’un supplément (à l’allocation pour impotent) pour soins intenses prévus pour les mineurs qui nécessitent de tels soins (art. 42ter al. 3 LAI), à raison d’au moins six heures par jour pour la couverture de ses besoins en soins et en surveillance (art. 39a let. c RAI). A l’inverse des conditions alternatives de l’art. 39a let. a et b RAI, l’exigence posée par la let. c de la disposition n’a trait ni au suivi régulier de l’enseignement scolaire ou d’une formation professionnelle ou du degré secondaire II, ni à l’exercice d’une activité professionnelle (d’au moins dix heures hebdomadaires), mais aux besoins en soins et en surveillance. Le but de cette contribution est de décharger les parents concernés et de permettre aux enfants bénéficiaires de vivre à domicile (cf. Commentaire de l’OFAS sur la modification du RAI du 16 novembre 2011, <http://www.bsv.admin.ch> sous Législation [consulté le 28 mars 2017], p. 12 s.).

Eu égard au renvoi à l’art. 39a let. c RAI, la possibilité pour un assuré majeur dont la capacité d’exercer des droits civils est restreinte de bénéficier d’une contribution d’assistance aux conditions posées par l’art. 39b let. d RAI – soit indépendamment de ses capacités à tenir son propre ménage, à suivre une formation professionnelle, une formation du degré secondaire II ou tertiaire ou à exercer une activité professionnelle dans une certaine mesure – a pour but de garantir à l’assuré le maintien de la contribution d’assistance accordée pendant sa minorité, au-delà de l’âge de la majorité (cf. commentaire cité, p. 13). Compte tenu de cet objectif d’éviter la perte ou l’interruption de la prestation dont bénéficie l’ayant droit mineur, au moment du passage à la majorité, le droit à la contribution d’assistance selon l’art. 39b let. d RAI suppose que la prestation ait effectivement été allouée et versée à l’assuré pendant sa minorité.

La norme (art. 39b let. d RAI) doit être comprise en ce sens que l’assurance-invalidité est tenue d’accorder à l’assuré majeur concerné la contribution d’assistance lorsqu’il en avait déjà effectivement profité avant ses dix-huit ans. Il ne s’agit pas d’aller au-delà du maintien de la situation prévalant à ce moment-là et de faire bénéficier l’assuré d’une nouvelle prestation. En d’autres termes, le besoin en soins intenses – auquel les premiers juges ont accordé une portée décisive – doit avoir conduit à l’attribution de la contribution correspondante et de l’assistance effective en découlant pendant la minorité de l’assuré, pour que le maintien de la prestation soit garanti en vertu de l’art. 39b let. d RAI.

 

Devoir de conseils de l’assureur social – 27 al. 2 LPGA

Le devoir de conseils de l’assureur social au sens de l’art. 27 al. 2 LPGA comprend l’obligation d’attirer l’attention de la personne intéressée sur le fait que son comportement pourrait mettre en péril la réalisation de l’une des conditions du droit aux prestations (ATF 131 V 472 consid. 4.3 p. 480). Les conseils ou renseignements portent sur les faits que la personne qui a besoin de conseils doit connaître pour pouvoir correctement user de ses droits et obligations dans une situation concrète face à l’assureur. Le devoir de conseils s’étend non seulement aux circonstances de fait déterminantes, mais également aux circonstances de nature juridique. Son contenu dépend entièrement de la situation concrète dans laquelle se trouve l’assuré, telle qu’elle est reconnaissable pour l’administration (arrêt 8C_66/2009 du 7 septembre 2009 consid. 8.3, non publié in ATF 135 V 339; ULRICH MEYER, Grundlagen, Begriff und Grenzen der Beratungspflicht der Sozialversicherungsträger nach Art. 27 Abs. 2 ATSG, in Sozialversicherungsrechtstagung 2006, p. 27 n o 35).

Le défaut de renseignement dans une situation où une obligation de renseigner est prévue par la loi, ou lorsque les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé une information de l’assureur, est assimilé à une déclaration erronée qui peut, sous certaines conditions, obliger l’autorité (en l’espèce l’assurance-invalidité) à consentir à un administré un avantage auquel il n’aurait pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi découlant de l’art. 9 Cst. (ATF 131 V 472 précité, consid. 5 p. 480). D’après la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l’administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (a) l’autorité soit intervenue dans une situation concrète à l’égard de personnes déterminées, (b) qu’elle ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (c) que l’administré n’ait pas pu se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore qu’il se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour (d) prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice, et (e) que la réglementation n’ait pas changé depuis le moment où l’assurance a été donnée (ATF 131 II 627 consid. 6.1 p. 636 s. et les références citées). Ces principes s’appliquent par analogie au défaut de renseignement, la condition (c) devant toutefois être formulée de la façon suivante: que l’administré n’ait pas eu connaissance du contenu du renseignement omis ou que ce contenu était tellement évident qu’il n’avait pas à s’attendre à une autre information (ATF 131 V 472 précité, consid. 5 p. 480; arrêt 8C_66/2009 précité, consid. 8.4, non publié in ATF 135 V 339).

La juridiction cantonale n’a pas examiné la cause sous l’angle de l’art. 27 al. 2 LPGA, dont la violation avait été invoquée par l’assuré. L’office AI ne s’est pas déterminé en instance cantonale sur le grief soulevé, alors qu’il en avait l’occasion; il s’est limité à conclure au rejet du recours cantonal en indiquant n’avoir pas d’observations à faire.

Après investigations, l’office AI a informé l’assuré qu’il comptait reconnaître son droit à la contribution d’assistance pour mineur pour les heures effectivement fournies correspondant à une moyenne mensuelle de 3’239 fr. 45 et annuelle maximale de 35’633 fr. 95, dès le 01.03.2013. Tant le prononcé que le projet y relatif comprenaient l’indication selon laquelle le versement de la contribution d’assistance ne pouvait intervenir qu’après l’obtention de la copie du contrat de travail avec l’assistant(e) ainsi que les preuves de l’annonce en tant qu’employeur auprès de la caisse de compensation.

Si le traitement de la demande relative à la contribution d’assistance pour mineurs a d’abord été retardé en raison du manque de disponibilité de la mère de l’assuré pour remplir et retourner le formulaire d’auto-évaluation, l’office AI n’est cependant intervenu à nouveau auprès d’elle qu’en avril 2014 en l’interpellant sur le maintien de ladite requête. Or ni à ce moment-là, ni plus tard et jusqu’à la survenance du dix-huitième anniversaire de l’assuré (en octobre 2014), l’office AI n’a informé ce dernier de la nécessité de pouvoir traiter sa demande rapidement en relation avec l’importance, pour lui, de se voir reconnaître le droit à la contribution d’assistance pour mineur et d’en obtenir le versement avant l’avènement de sa majorité. Par conséquent, l’office AI a omis de rendre l’assuré attentif au risque de mettre en péril la réalisation de l’une des conditions du droit aux prestations compte tenu du lien entre la contribution d’assistance prévue à l’art. 39a let. c RAI et celle de l’art. 39b let. d RAI.

S’ajoute à cela que l’office AI a fait effectuer l’enquête nécessaire – indispensable selon les directives de l’OFAS (ch. 6015 de la circulaire) – pour évaluer les besoins de l’assuré seulement dans le mois où celui-ci a atteint la majorité. Par conséquent, l’assuré a été placé dans la situation où il ne lui était plus concrètement possible « d’avoir bénéficié, au moment de devenir majeur, d’une contribution d’assistance » pour mineur. En effet, telle que conçue et mise en place par le Conseil fédéral, respectivement l’OFAS, la procédure relative à la contribution d’assistance suppose un certain décalage entre le moment où la personne assurée reçoit la décision positive quant à son droit à la prestation et la première facturation des services de l’assistant (conformément à l’art. 39i RAI), suivie de sa communication à l’assurance-invalidité dont dépend le versement effectif de la contribution selon l’art. 42septies LAI. Il est ainsi fréquent que l’assuré doive encore rechercher et engager des assistants, de sorte qu’il faut s’attendre à un décalage moyen de six à neuf mois, comprenant les étapes de l’enquête, la décision et l’engagement des assistants (MARYKA LÂAMIR-BOZZINI, Contribution d’assistance: premières expériences, Sécurité sociale, 2014, p. 246 s.). Il est du reste prévu que l’administration interpelle l’assuré qui a reçu une décision positive mais n’a pas conclu immédiatement de contrat de travail ni partant envoyé de décomptes après un certain délai pour s’enquérir du maintien de son intérêt à la contribution d’assistance (cf. ch. 6028 de la circulaire).

Par conséquent, on constate que les circonstances concrètes du cas particulier auraient commandé non seulement une information de l’office AI sur l’importance de disposer rapidement de tous les renseignements nécessaires et de la condition liée au versement effectif de la contribution pour mineur au sens de l’art. 39b let. d RAI, mais aussi le traitement de la demande en temps utile.

Le fait d’avoir rendu la décision positive sur la contribution d’assistance pour mineur après que l’assuré eût atteint la majorité a empêché celui-ci de bénéficier effectivement de la prestation reconnue à titre rétroactif et de réaliser ainsi une condition nécessaire pour l’octroi de la contribution d’assistance au sens de l’art. 39b let. d RAI.

Compte tenu des dispositions prises par l’assuré depuis le prononcé de la décision du 22.09.2015 – il a indiqué avoir conclu un contrat avec un assistant après avoir reçu la décision (courriel à l’office AI du 24.11.2015) -, les conditions auxquelles le droit à la protection de la bonne foi entraîne l’octroi (en l’espèce, le maintien) d’un avantage auquel il n’aurait pu prétendre sont réalisées.

 

Le TF rejette le recours de l’OFAS.

 

 

Arrêt 9C_753/2016 consultable ici : http://bit.ly/2u5EwWH

 

 

9C_622/2016 (f) du 30.03.2017 – Mesures médicales – Infirmité congénitale / 12 LAI – ch. 404 OIC

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_622/2016 (f) du 30.03.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2tro1qD

 

Mesures médicales – Infirmité congénitale / 12 LAI – ch. 404 OIC

 

Assuré, souffrant d’une infirmité congénitale, dépose une demande de prestations (mesures médicales) auprès de l’office AI. La spécialiste en pédiatrie et médecin traitant a diagnostiqué un tremblement essentiel entraînant des difficultés principalement dans la motricité fine et graphomotrices limitant les performances scolaires et a mentionné la nécessité d’un traitement par ergothérapie. A l’appui de ses constatations, elle a joint l’appréciation de l’ergothérapeute et de la spécialiste en neuropédiatrie. La première a constaté un temps d’attention très limité de l’assuré et exprimé ses doutes quant à l’origine des tremblements. La seconde a expliqué qu’au vu de l’importance de l’atteinte (tremblement essentiel), une IRM cérébrale était nécessaire; elle a fait état de troubles d’acquisition du langage, de troubles comportementaux et d’un niveau d’impulsivité élevé.

Se fondant sur l’appréciation de son Service médical régional (SMR), l’office AI a rejeté la demande. Il a en particulier considéré que le tremblement essentiel ne faisait pas partie de la liste des infirmités congénitales selon l’art. 13 LAI et que le traitement par ergothérapie n’était pas de nature à améliorer la capacité de gain au sens de l’art. 12 LAI.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 17.08.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Les assurés ont droit aux mesures médicales nécessaires au traitement des infirmités congénitales jusqu’à l’âge de 20 ans révolus. Le Conseil fédéral établira une liste des infirmités pour lesquelles ces mesures sont accordées (art. 13 LAI).

Sont réputées infirmités congénitales les infirmités présentes à la naissance accomplie de l’enfant (art. 1 al. 1 OIC) et qui figurent dans la liste annexée à l’OIC (art. 1 al. 2 OIC). Selon le ch. 404 de cette liste (dans sa version en vigueur à partir du 1 er mars 2012, applicable en l’espèce) – jugé conforme à la loi par le Tribunal fédéral (ATF 122 V 113 consid. 1b p. 114) – plusieurs symptômes doivent être réunis avant l’âge de 9 ans pour qu’une infirmité congénitale soit retenue, à savoir des troubles du comportement des enfants doués d’une intelligence normale, au sens d’une atteinte pathologique de l’affectivité ou de la capacité d’établir des contacts, en concomitance avec des troubles de l’impulsion, de la perception, de la cognition, de la concentration et de la mémorisation, lorsqu’ils ont été diagnostiqués et traités comme tels avant l’accomplissement de la neuvième année; l’annexe 7 de la Circulaire de l’OFAS concernant les mesures médicales de réadaptation de l’AI (CMRM), valable à partir du 1er juillet 2016, mentionne également des troubles de l’attention (ch. 2.1.5). Ces symptômes ne doivent pas nécessairement apparaître simultanément, mais peuvent, selon les circonstances, survenir les uns après les autres. Si, jusqu’au jour où l’enfant atteint l’âge de 9 ans, seuls certains des symptômes indiqués sont médicalement attestés, les conditions du ch. 404 OIC ne sont pas remplies. Dans ce cas, les SMR des offices AI doivent vérifier soigneusement si, sur le plan médical, les critères requis selon les directives médicales relatives au ch. 404 OIC sont effectivement remplis. L’office AI décide ensuite s’il faut, le cas échéant, consulter d’autres spécialistes (externes; cf. note marginale 404.5 de la CMRM).

En l’espèce, le (seul) médecin auprès duquel l’office AI a requis des informations a constaté que l’assuré souffrait d’un tremblement essentiel, maladie neurologique qui ne figure pas dans liste des infirmités congénitales de l’OIC donnant lieu à des mesures médicales. Cela étant, l’office AI et la juridiction cantonale auraient dû constater l’existence d’indices sérieux de symptômes figurant au ch. 404 OIC. Il incombait à l’office AI de prendre des renseignements plus précis à cet égard, ce que les premiers juges ont arbitrairement nié en confirmant la décision administrative litigieuse.

 

Le TF admet le recours de l’assuré et renvoie la cause à l’office AI pour qu’il réexamine, sur la base d’une analyse médicale détaillée, les troubles dont l’assuré est atteint et la prise en charge d’éventuelles mesures médicales par l’AI au titre des art. 12 ou 13 LAI.

 

 

Arrêt 9C_622/2016 consultable ici : http://bit.ly/2tro1qD

 

 

9C_531/2016 (f) du 11.05.2017 – Restitution de rentes d’orphelin versées à tort – 25 LPGA /

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_531/2016 (f) du 11.05.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2tyj3Yc

 

Restitution de rentes d’orphelin versées à tort / 25 LPGA

Parent survivant qui a reçu une rente d’orphelin pour l’enfant majeur est tenu à restitution

 

Une caisse de compensation a octroyé à B.__, née en 1992, une rente d’orpheline de père avec effet au 01.11.2011 (décision du 11.11.2011). La prestation a été versée sur le compte bancaire de A.__, le parent survivant, et régulièrement reconduite.

Après avoir découvert que l’enfant majeur percevait un revenu en cours de formation supérieur à celui pris en compte dans la décision précitée, la caisse de compensation a tout d’abord suspendu les versements dès le 01.10.2014, puis supprimé le droit de B.__ à la prestation à partir du 01.01.2013. La caisse de compensation a réclamé à A.__ la restitution de la somme de 19’656 fr. correspondant aux prestations versées à tort à sa fille de janvier 2013 à septembre 2014.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 01.07.2016, admission du recours par le tribunal cantonal et annulation de la décision.

 

TF

Invoquant une violation des art. 25 LPGA et art. 2 OPGA, la caisse de compensation affirme que le parent survivant qui perçoit une rente d’orphelin d’un enfant majeur ne fait pas office de « bureau d’encaissement ». Au contraire, les rentes lui sont versées en raison de son obligation de subvenir à l’entretien de l’enfant en formation (art. 277 al. 2 CC).

Les prestations indûment touchées doivent être restituées (art. 25 al. 1, 1 ère phrase, LPGA, en lien avec l’art. 1 al. 1 LAVS). Selon l’art. 2 al. 1 OPGA, l’obligation de restituer incombe au bénéficiaire des prestations allouées indûment ou à ses héritiers (let. a), aux tiers ou aux autorités à qui ont été versées des prestations en espèces pour qu’elles soient utilisées conformément à leur but, au sens de l’art. 20 LPGA ou des dispositions des lois spéciales, à l’exception du tuteur (let. b) et aux tiers ou aux autorités à qui ont été versées après coup des prestations indues, à l’exception du tuteur (let. c). Les prestations allouées indûment pour un enfant mineur qui n’ont pas été versées à cet enfant et qui ne sont pas restituables en vertu de l’al. 1, let. b ou c, doivent être restituées par les personnes qui disposaient de l’autorité parentale au moment de leur versement (art. 2 al. 2 OPGA).

L’art. 25 al. 1 LPGA reprend la réglementation antérieure à l’entrée en vigueur de la LPGA, telle qu’explicitée par la jurisprudence (ATF 130 V 318 consid. 5.2 p. 319). Interprétant l’ancien art. 47 al. 1 LAVS (dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 décembre 2002), le Tribunal fédéral a jugé que le parent survivant qui a reçu une rente d’orphelin à laquelle l’enfant – même majeur – n’avait pas droit est tenu à restitution (arrêts H 12/68 du 9 mai 1968 consid. 3a, publié in RCC 1968 p. 510, et H 92/64 du 30 décembre 1964 consid. 2, publié in RCC 1965 p. 360). Il convient en effet d’assimiler, en ce qui concerne la restitution des prestations versées à tort, le parent qui a encore un devoir d’entretien à l’égard d’un enfant majeur à un représentant légal.

Il n’y a pas lieu de s’écarter de cette jurisprudence. La rente d’orphelin – dont l’ayant droit est l’enfant – remplace le revenu professionnel du parent décédé et n’a pas pour but d’enrichir l’enfant, mais de compenser les difficultés financières liées à la disparition d’un parent (voir ATF 142 V 226 consid. 6.2 p. 231). Il s’agit donc d’une ressource (au sens de l’art. 276 al. 3 CC; arrêt 5A_149/2011 du 6 juillet 2011 consid. 3.3.1 et les références), qui doit être retranchée du coût d’entretien de l’enfant (art. 276 al. 2 CC).

En l’espèce, la rente d’orphelin a été versée directement à la mère et c’est elle qui a touché les prestations. Elle en a bénéficié dès lors qu’elle n’a, d’une part, pas reversé les rentes à sa fille, mais en a gardé une partie pour l’entretien de celle-ci. D’autre part, elle a directement bénéficié des versements effectués en faveur de sa fille dans la mesure où elle aurait dû s’acquitter, en fonction de sa capacité financière, des frais d’entretien et de formation auxquels la rente d’orphelin a été affectée.

Contrairement à ce que soutient l’autorité précédente, la mère A.__ n’a dès lors pas perçu la prestation comme un simple service d’encaissement (p. ex. une banque) ou de paiement (à ce sujet, voir ATF 110 V 14 consid. 2b p.14). C’est à tort, par conséquent, que les premiers juges ont admis le recours.

 

Le TF admet le recours de la caisse de compensation.

 

 

Arrêt 9C_531/2016 consultable ici : http://bit.ly/2tyj3Yc