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9C_318/2018 (f) du 21.03.2019 – Versement de l’arriéré d’une rente AI au tiers ayant fait une avance – 85bis RAI – 22 LPGA / Avance des prestations de l’institution de prévoyance – Avances librement consenties – 85bis al. 2 RAI / Cession de créance – 164 ss CO

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_318/2018 (f) du 21.03.2019

 

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Versement de l’arriéré d’une rente AI au tiers ayant fait une avance / 85bis RAI – 22 LPGA

Avance des prestations de l’institution de prévoyance – Avances librement consenties / 85bis al. 2 RAI

Cession de créance / 164 ss CO

 

Assuré, né en 1968, a déposé le 10.05.2000 une demande de prestations AI. Le 30.04.2014, la caisse de compensation a informé les tiers ayant fait des avances à l’assuré que celui-ci avait droit à des paiements rétroactifs de l’assurance-invalidité et les a invités à lui communiquer le cas échéant le montant dont ils demandaient le remboursement. Le 19.05.2014, la caisse de prévoyance a, en se fondant sur l’accord écrit du conseil de l’assuré du 15.05.2009, fait valoir un montant de 32’246 fr. 90, portant sur la période du 01.01.2008 au 30.06.2014, pour laquelle elle avait versé une rente d’invalidité à l’assuré.

Le 26.06.2014, l’office AI a octroyé une demi-rente à l’assuré à compter du 01.07.2014. Il lui a par la suite reconnu le droit à une demi-rente du 01.01.2000 au 30.06.2014 ; il a fixé le montant total de l’arriéré de rentes dû en faveur de l’assuré à 70’509 fr., sous déduction des rentes déjà versées du 01.01.2000 au 31.03.2001 (décision du 20.04.2015). Selon un décompte auquel renvoie la décision, le montant à verser à titre de compensation en faveur de la caisse de prévoyance s’élevait à 29’101 fr. 60, sous déduction de l’impôt à la source.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 246/16 ap. TF – 74/2018 – consultable ici)

Selon les juges cantonaux, l’accord écrit du 15.05.2009, signé du conseil de l’assuré sur le formulaire de demande de compensation, correspondait à une cession de créance au sens des art. 164 ss CO et contenait tous les éléments nécessaires pour être valable. La correspondance du conseil de l’assuré, accompagnant la transmission de cet accord, démontrait de plus clairement la manifestation de volonté portant sur la compensation par voie de cession d’une créance future. Adressée exclusivement à l’office AI, la correspondance du 18.09.2013, par laquelle le conseil de l’assuré signifiait révoquer toutes les éventuelles cessions en faveur de tiers au sens de l’art. 22 al. 2 LPGA, n’était en revanche pas opposable à la caisse de prévoyance. Après réception de la cession de créance par le cessionnaire, le principe de parallélisme des formes imposait en effet au cédant de révoquer la cession par acte écrit soumis à réception du cessionnaire.

Par jugement du 09.03.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 22 LPGA, le droit aux prestations est incessible ; il ne peut être donné en gage. Toute cession ou mise en gage est nulle (al. 1). Les prestations accordées rétroactivement par l’assureur social peuvent en revanche être cédées à l’employeur ou à une institution d’aide sociale publique ou privée dans la mesure où ceux-ci ont consenti des avances (al. 2 let. a) ou à l’assureur qui a pris provisoirement à sa charge des prestations (al. 2 let. b).

La notion de cession de l’art. 22 LPGA correspond à celle des art. 164 ss CO (ATF 136 V 381 consid. 4.2 p. 386). La validité des cessions de créances futures au sens de l’art. 22 al. 2 LPGA est ainsi admise, pourvu que les créances à céder soient suffisamment déterminées ou tout au moins déterminables quant à la personne du débiteur cédé, à leur fondement juridique et à leur contenu, et que la cession ne porte pas une atteinte trop grande à la liberté économique et à la personnalité du cédant, au sens de l’art. 27 al. 2 CC (ATF 135 V 2 consid. 6.1.2 p. 9 et les références).

Sous le titre « Versement de l’arriéré d’une rente au tiers ayant fait une avance », l’art. 85bis al. 1 RAI prévoit que les employeurs, les institutions de prévoyance professionnelle, les assurances-maladie, les organismes d’assistance publics ou privés ou les assurances en responsabilité civile ayant leur siège en Suisse qui, en vue de l’octroi d’une rente de l’assurance-invalidité, ont fait une avance peuvent exiger qu’on leur verse l’arriéré de cette rente en compensation de leur avance et jusqu’à concurrence de celle-ci. Est cependant réservée la compensation prévue à l’art. 20 LAVS. Les organismes ayant consenti une avance doivent faire valoir leurs droits au moyen d’un formulaire spécial, au plus tôt lors de la demande de rente et, au plus tard au moment de la décision de l’office AI.

Selon l’art. 85bis al. 2 RAI, sont considérées comme une avance, les prestations librement consenties, que l’assuré s’est engagé à rembourser, pour autant qu’il ait convenu par écrit que l’arriéré serait versé au tiers ayant effectué l’avance (al. 2 let. a), ainsi que les prestations versées contractuellement ou légalement, pour autant que le droit au remboursement, en cas de paiement d’une rente, puisse être déduit sans équivoque du contrat ou de la loi (al. 2 let. b).

Les arrérages de rente peuvent être versés à l’organisme ayant consenti une avance jusqu’à concurrence, au plus, du montant de celle-ci et pour la période à laquelle se rapportent les rentes (art. 85bis al. 3 RAI).

Les avances librement consenties selon l’art. 85bis al. 2 let. a RAI supposent le consentement écrit de la personne intéressée pour que le créancier puisse en exiger le remboursement. Dans l’éventualité de l’art. 85bis al. 2 let. b RAI, le consentement n’est pas nécessaire; celui-ci est remplacé par l’exigence d’un droit au remboursement « sans équivoque ». Pour que l’on puisse parler d’un droit non équivoque au remboursement à l’égard de l’AI, il faut que le droit direct au remboursement découle expressément d’une norme légale ou contractuelle (ATF 133 V 14 consid. 8.3 p. 20 et les références). Demeurent réservées des circonstances particulières, telles que celles qui prévalaient dans la cause jugée par arrêt I 405/92 du 3 décembre 1993, où l’ancien Tribunal fédéral des assurances a confirmé le versement en mains de tiers – nonobstant l’absence d’une norme légale – au motif que l’octroi de prestations n’avait été prévu que sous la réserve expresse d’une compensation ultérieure avec des rentes de l’assurance-invalidité accordées rétroactivement pour la même période (arrêts I 282/99 du 10 mai 2000 consid. 5c, in VSI 2002 p. 163, I 31/00 du 5 octobre 2000 consid. 3a/cc, in VSI 2003 p. 265). Le Tribunal fédéral a par la suite admis que le consentement écrit de l’assuré pour le versement direct aux tiers ayant versé des avances peut suffire lorsque les conditions générales d’assurances prévoient un devoir de remboursement de l’assuré (arrêts I 632/03 du 9 décembre 2005 consid. 3.3, 9C_938/2008 du 26 novembre 2009 consid. 6).

 

En l’occurrence, la caisse de prévoyance a servi à l’assuré une rente d’invalidité « provisoire » (correspondance du 22.06.2009), car elle était encore dans l’attente d’une décision définitive des organes de l’AI. Dès lors, l’on ne se trouve pas dans l’hypothèse d’une prestation librement consentie mais d’une avance de prestations versées contractuellement ou légalement au sens de l’art. 85bis al. 2 let. b RAI. Le propre d’une telle avance est en effet d’être versée jusqu’à ce que le montant de la rente d’invalidité de la prévoyance professionnelle soit établi avec exactitude.

L’assuré avait, par l’intermédiaire de son conseil, donné son accord à la compensation des paiements rétroactifs de l’AI le 15.05.2009 et que la correspondance accompagnant le formulaire démontrait clairement la manifestation de volonté portant sur la compensation par voie de cession d’une créance future. Dans ces circonstances, la caisse de prévoyance s’est assurée qu’elle disposait de l’accord écrit de la personne assurée avant de verser une prestation, alors que ni la loi ni le règlement de prévoyance applicable ne contenait de disposition expresse stipulant un droit d’obtenir le remboursement des avances directement de l’AI. Il ne fait par conséquent aucun doute que l’avance des prestations au sens de l’art. 85bis al. 2 let. b RAI n’a été effectuée que sous la réserve non équivoque d’une compensation ultérieure avec des rentes de l’assurance-invalidité accordées rétroactivement pour la même période.

L’accord écrit de l’assuré permet d’établir qu’il avait pris connaissance du fait que l’avance était versée sous la réserve expresse d’une compensation ultérieure avec des rentes de l’assurance-invalidité. On ajoutera que la correspondance de la caisse de prévoyance du 22.06.2009 le rappelle expressément. Une fois l’exigence d’un droit non équivoque de la caisse de prévoyance au remboursement réalisée, un nouveau consentement de la part de l’assuré n’était plus nécessaire. L’assuré ne pouvait en particulier « partir du fait » qu’un décompte de surindemnisation serait établi ultérieurement et que la créance amenée en compensation ne serait versée à la caisse de prévoyance que s’il confirmait à l’autorité que ce décompte était « correct ». La « révocation » de la cession de créance exprimée par l’assuré en date du 18.09.2013, respectivement la contestation du montant invoqué en compensation par la caisse de prévoyance dès juillet 2014, n’empêchait par conséquent nullement l’office AI de verser les arrérages de rente en mains de la caisse de prévoyance, qui avait consenti une avance de prestations sous la réserve non équivoque d’une compensation ultérieure avec des rentes de l’assurance-invalidité accordées rétroactivement pour la même période (art. 85bis al. 2 let. b et al. 3 RAI).

Il en irait au demeurant de même, conformément à la jurisprudence, si on tenait compte de l’accord écrit de l’assuré pour le versement direct à la caisse de prévoyance au regard de la clause réglementaire qui prévoit un devoir de remboursement (ch. 3.2.2 du règlement de prévoyance, dans sa version en vigueur dès le 01.01.1998).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_318/2018 consultable ici

 

 

8C_217/2018 (f) du 26.03.2019 – Entreprise téméraire absolue – Participation à une séance de pilotage libre en moto sur circuit / 39 LAA – 50 OLAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_217/2018 (f) du 26.03.2019

 

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Entreprise téméraire absolue – Participation à une séance de pilotage libre en moto sur circuit / 39 LAA – 50 OLAA

 

Assuré, né en 1960, a fait une chute en moto le 07.10.2016, alors qu’il participait à une séance de pilotage libre organisée par l’organisation C.__ sur un circuit. Grièvement blessé, il a été transféré à un hôpital où les premiers soins lui ont été prodigués. L’assuré est atteint d’une paraplégie complète.

Dans sa déclaration de sinistre LAA du 17 octobre 2016, l’employeur de l’intéressé a indiqué que celui-ci avait eu la route coupée par un autre motard alors qu’il effectuait une course de moto sur le circuit.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a réduit de 50% ses prestations en espèces au motif du caractère téméraire de l’entreprise à l’origine de l’accident.

 

Procédure cantonale

Se fondant sur les déclarations de l’assuré, selon lesquelles neuf tours de circuit étaient généralement réalisés en une vingtaine de minutes, et sachant que le circuit fait 4,627 km de longueur, la juridiction cantonale a conclu que l’assuré roulait vraisemblablement à une vitesse moyenne de 125 km/h. Du fait qu’il s’agit d’une moyenne et que le circuit comporte de nombreux virages, il était hautement probable, selon la cour cantonale, que la vitesse de l’assuré et des autres pilotes ait par moment avoisiné les 200 km/h. Elle a relevé que l’absence de chronométrage n’excluait pas que les motocyclistes mesurent autrement leur vitesse, le simple fait de rouler en groupe étant de nature à favoriser un esprit de compétition. Par ailleurs, il ressortait du dossier que les participants, au nombre de 30, étaient répartis entre quatre groupes (groupe 1 : racing-rapide ; groupe 2 : rapide-moyen ; groupe 3 : moyen ; groupe 4 : débutants). L’assuré faisait partie du groupe 2. La vitesse n’était pas limitée et les dépassements n’étaient pas interdits. La présence de 30 motocyclistes sur un circuit de 4,627 km permettait une distance théorique de 154 mètres entre chaque participant, qui n’était pas forcément respectée pendant la durée de la session. Au demeurant, toujours selon la juridiction cantonale, il s’agissait d’une distance insuffisante au vu des vitesses élevées qui pouvaient être atteintes sur le circuit. Compte tenu de la sinuosité de celui-ci, la visibilité devait en outre être restreinte à certains endroits.

Par jugement du 01.02.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’art. 39 LAA habilite le Conseil fédéral à désigner les dangers extraordinaires et les entreprises téméraires qui motivent dans l’assurance des accidents non professionnels le refus de toutes les prestations ou la réduction des prestations en espèces. La réglementation des cas de refus ou de réduction peut déroger à l’art. 21 al. 1 à 3 LPGA. Fondé sur cette norme de délégation de compétence, l’art. 50 al. 1 OLAA prévoit qu’en cas d’accidents non professionnels dus à une entreprise téméraire, les prestations en espèces sont réduites de moitié ; elles sont refusées dans les cas particulièrement graves. Les entreprises téméraires sont celles par lesquelles l’assuré s’expose à un danger particulièrement grave sans prendre de mesures destinées à ramener celui-ci à des proportions raisonnables ou sans pouvoir prendre de telles mesures ; toutefois, le sauvetage d’une personne est couvert par l’assurance même s’il peut être considéré comme une entreprise téméraire (art. 50 al. 2 OLAA).

La jurisprudence qualifie d’entreprises téméraires absolues celles qui, indépendamment de l’instruction, de la préparation, de l’équipement et des aptitudes de l’assuré, comportent des risques particulièrement importants, même si elles sont pratiquées dans les conditions les moins défavorables. Il en va de même des activités risquées dont la pratique ne répond à aucun intérêt digne de protection (ATF 141 V 216 consid. 2.2 p. 218; 138 V 522 consid. 3.1 p. 524 et les références).

D’après la jurisprudence, la participation à des courses motorisées est considérée comme une entreprise téméraire absolue qui motive, dans l’assurance des accidents non professionnels, le refus de toutes les prestations ou la réduction des prestations en espèces. Il en est ainsi, par exemple, de la participation à une course automobile de côte ou en circuit (ATF 113 V 222 ; 112 V 44), à une compétition de moto-cross (RAMA 1991 no U 127 p. 221, U 5/90) ou encore à une course de moto tout-terrain (enduro) sur une portion chronométrée d’un parcours (course dite « spéciale » ; voir arrêt 8C_388/2017 du 6 février 2018).

D’autres activités non dénuées d’intérêt comportent des risques élevés, qui peuvent être limités, toutefois, à un niveau admissible si l’assuré remplit certaines exigences sur le plan des aptitudes personnelles, du caractère et de la préparation. A défaut, l’activité est qualifiée de téméraire et l’assurance-accidents est en droit de réduire ses prestations conformément aux art. 39 LAA et 50 OLAA. On parle dans ce cas d’entreprise téméraire relative, en ce sens que le refus ou la réduction des prestations dépend du point de savoir si l’assuré était apte à l’exercer et a pris les précautions nécessaires pour limiter les risques à un niveau admissible (ATF 141 V 216 consid. 2.2 p. 218 ; 138 V 522 consid. 3.1 p. 524). Peuvent constituer des entreprises téméraires relatives, le canyoning (ATF 125 V 312), la plongée, y compris la plongée spéléologique dans une source (ATF 134 V 340 ; 96 V 100), l’alpinisme et la varappe (ATF 97 V 72, 86), le vol delta (ATF 104 V 19). Selon le degré de difficulté et le niveau de risque dans un cas particulier, il n’est pas exclu de qualifier l’une ou l’autre de ces activités d’entreprise téméraire absolue (ATF 134 V 340 consid. 3.2.3 p. 345).

Dans l’arrêt 8C_472/2011 du 27 janvier 2012, le Tribunal fédéral a jugé que la pratique de la moto sur circuit, en dehors de toute compétition, devait être considérée comme une entreprise téméraire absolue, compte tenu des circonstances dans lesquelles la séance de pilotage s’était déroulée. De son côté, la Commission ad hoc des sinistres LAA a établi à l’intention des assureurs-accidents une recommandation en matière d’entreprises téméraires (recommandation n°5/83 du 10.10.1983 complétée le 27.06.2018). Cette recommandation contient une liste des entreprises considérées comme téméraires. Sont notamment considérées comme telles les courses de moto, y compris l’entraînement, ainsi que la moto sur circuit (hors cours de formation à la sécurité routière). De telles recommandations n’ont toutefois pas valeur d’ordonnance administrative ni de directives d’une autorité de surveillance aux autorités d’exécution de la loi. Il s’agit de simples recommandations qui ne lient pas le juge (ATF 114 V 315 consid. 5c p. 318).

Dans son arrêt 8C_472/2011, le Tribunal fédéral a considéré qu’on ne saurait d’emblée affirmer que la pratique de la moto sur circuit, en dehors de toute compétition constitue une entreprise téméraire absolue (consid. 4). Cependant, même si les séances de pilotage sur circuit ne font pas l’objet d’un chronométrage, elles n’en impliquent pas moins une certaine recherche de vitesse, sans quoi elles ne présenteraient guère d’intérêt. A l’abri des contraintes de la circulation routière, elles donnent au pilote la possibilité de rouler bien au-delà des limitations de vitesse qu’impose la conduite sur route. Elles lui permettent d’adopter la meilleure trajectoire sur circuit, de s’entraîner aux techniques de freinage et de positionnement sur la moto. Elles lui offrent aussi l’occasion de tester ses propres limites et celles de sa machine. Le fait de rouler en groupe est de nature à susciter une certaine émulation, voire à favoriser un esprit de compétition. Le risque de chute n’est pas négligeable, même pour un pilote expérimenté. Lorsque plusieurs motos roulent à des distances très rapprochées et à des vitesses élevées, de surcroît sur une portion de circuit sans visibilité à l’arrière, une chute présente un danger particulièrement grave, tout d’abord pour la victime, qui risque d’être percutée de plein fouet, et ensuite pour les pilotes qui suivent de près et qui risquent à leur tour de chuter. Un tel danger ne pouvait guère être maîtrisé par le personnel d’encadrement (consid. 5.2).

L’attrait du pilotage dit « libre » sur un circuit fermé réside donc principalement pour ses adeptes en la recherche d’une vitesse élevée. La déduction des premiers juges, selon laquelle des pointes de vitesse de 200 km/h sont atteintes à certains endroits, n’apparaît pas erronée compte tenu de la sinuosité du circuit (14 virages selon les constatations du jugement attaqué). Une vitesse aussi élevée n’est pas sans risques eu égard notamment à la présence des autres pilotes sur le circuit. Par ailleurs, il n’est pas décisif, dans l’appréciation du cas, que la chute ait eu lieu dans un virage, là où la vitesse est inférieure à la moyenne. La difficulté du pilotage d’une moto réside surtout dans la manière de négocier un virage (vitesse d’entrée, trajectoire, accélération). Le fait invoqué par l’assuré que les départs se faisaient par « grappes » de six à sept personnes (et non de façon groupée) et que les pilotes qui le précédaient étaient distants de 150 m n’est pas davantage déterminant. Comme l’ont relevé les premiers juges, il est évident que cette distance n’était pas maintenue pendant la durée de la séance au cours de laquelle d’ailleurs les dépassements étaient permis. L’assuré insiste certes sur le fait que la manifestation était des plus encadrée, avec un « briefing » de sécurité tous les matins, une salle d’observation, deux postes de secours pourvus d’ambulances et de nombreux commissaires de piste le long du circuit. Cependant, outre le fait que ces mesures d’encadrement attestent des risques potentiels encourus par les pilotes, il y a lieu de relever qu’en cas d’accident, l’intervention des secours et des commissaires n’intervient qu’après coup (les commissaires intervenant au bénéfice des concurrents suivants si un accident vient à se produire sur la partie du circuit dont ils ont la surveillance, mais par la force des choses avec un certain décalage dans le temps).

Selon le Tribunal fédéral, les circonstances du cas d’espèce ne diffèrent guère de celles qui sont à la base l’arrêt 8C_472/2011. Les critiques que l’assuré adresse à cet arrêt découlent au moins partiellement d’une interprétation inexacte de celui-ci. Le Tribunal fédéral n’a pas jugé que le pilotage libre devait être examiné, selon les termes de l’assuré, « tantôt sous l’angle de l’entreprise téméraire absolue, tantôt sous l’angle de l’entreprise téméraire relative ». Le Tribunal fédéral a jugé que l’accident survenu dans les conditions décrites résultait de la réalisation d’un risque inhérent et particulièrement important au genre de manifestation à laquelle l’assurée concernée participait.

De ces similitudes de situations, il faut conclure que la séance de pilotage au cours de laquelle l’accident est survenu, constituait une entreprise téméraire absolue.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_217/2018 consultable ici

 

 

8C_619/2018 (f) du 07.03.2019 – « Opposition » à une lettre d’information mettant un terme au paiement des indemnités journalières LAA / Opposition tardive à la décision formelle de la rente et d’IPAI / 52 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_619/2018 (f) du 07.03.2019

 

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« Opposition » à une lettre d’information mettant un terme au paiement des indemnités journalières LAA / 19 LAA

Opposition tardive à la décision formelle de la rente et d’IPAI / 52 LPGA

Suspension des indemnités journalières et du traitement médical d’une part, et examen des conditions du droit à la rente d’autre part, forment un seul objet du litige

 

Le 06.03.2015, l’assuré a débuté une mission temporaire de « monteur d’échafaudages ». Le 08.04.2015, il a chuté sur l’épaule gauche alors qu’il déchargeait une camionnette et il a subi une rupture transfixiante du tendon du sus-épineux. Il a été opéré les 08.06.2015 et 12.01.2017.

A l’issue d’un examen médical final du 26.06.2017, le médecin-conseil a considéré que le cas était stabilisé et que l’assuré disposait désormais d’une pleine capacité de travail sans baisse de rendement dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles. Le 28.06.2017, l’assurance-accidents a informé l’assuré qu’elle mettait un terme au paiement des soins médicaux et au versement de l’indemnité journalière avec effet au 31.07.2017. Par lettre du 02.08.2017 (timbre postal), l’assuré s’est opposé à cette prise de position. Les 03.08.2017 et 17.08.2017, l’assurance-accidents a informé l’assuré que le courrier du 28.06.2017 ne constituait pas une décision pouvant faire l’objet d’une opposition et qu’une telle décision allait lui être notifiée ultérieurement. Il s’en est suivi plusieurs échanges entre l’assurance-accidents et l’assuré. Le 31.08.2017, l’assurance-accidents a rendu une décision par laquelle elle a nié le droit de l’assuré à une rente d’invalidité, mais lui a alloué une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 10%. Le 17.11.2017, elle a déclaré irrecevable l’opposition formée par l’assuré le 26.10.2017, au motif qu’elle était tardive.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/675/2018 – consultable ici)

Par jugement du 07.08.2018, la cour cantonale a retenu que l’opposition formée par l’assuré le 26.10.2017 contre la décision du 31.08.2017 était tardive. Elle a toutefois constaté que celui-ci avait manifesté à plusieurs reprises son désaccord avec la décision informelle de liquidation du cas du 28.06.2017. Aussi, l’assurance-accidents aurait-elle dû rendre une décision formelle motivée et susceptible d’opposition donnant à l’assuré la possibilité de faire valoir ses droits quant à l’indemnité journalière et à la stabilisation de son état de santé, notamment en requérant des actes d’instruction complémentaire relatifs à son état de santé. Partant, en rendant le 31.08.2017 une décision formelle portant uniquement sur le droit de l’assuré à une rente d’invalidité et à une indemnité pour atteinte à l’intégrité, l’assurance-accidents avait agi de façon prématurée. Pour des raisons de sécurité juridique et au vu du grave vice de procédure commis par la recourante, la juridiction précédente a constaté d’office la nullité de la décision du 31.08.2017.

 

TF

En l’espèce, il doit être admis qu’en rendant, le 31.08.2017, une décision formelle de refus du droit à la rente et d’octroi d’une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 10%, l’assurance-accidents a, par voie de conséquence, également refusé formellement le versement de l’indemnité journalière et la prise en charge du traitement médical au-delà du 31.07.2017, tels que requis par l’assuré. La question de la suspension des indemnités journalières et du traitement médical d’une part, et de l’examen des conditions du droit à la rente d’autre part, forment en effet un seul objet du litige (cf. ATF 144 V 354 consid. 4. 2 p. 358). L’assurance-accidents aurait certes pu rendre une décision formelle relative à la suppression des indemnités journalières et à la prise en charge du traitement médical après avoir constaté le désaccord de l’assuré avec le contenu de la lettre du 28.06.2017 (art. 49 LPGA). Toutefois, comme elle le fait valoir, la situation juridique de ce dernier ne s’est pas trouvée affectée du fait qu’elle s’est prononcée par une décision formelle de refus de rente. L’assuré pouvait en effet faire valoir son droit aux indemnités journalières et à la prise en charge du traitement médical en formant opposition à la décision du 31.08.2017 dans le délai imparti, ce que l’assurance-accidents lui a expliqué à maintes reprises (courrier des 03.08.2017, 17.08.2017 et entretien téléphonique du 28.08.2017). Or, il doit être admis que l’assuré avait saisi la portée de cette information puisqu’après avoir reçu la décision formelle du 31.08.2017 il s’est à nouveau clairement opposé – mais de manière tardive – à la cessation du versement des indemnités journalières, dans sa lettre du 26.10.2017.

Le Tribunal fédéral conclut que c’est à tort que la juridiction cantonale, en retenant un déni de justice, a invité l’assurance-accidents à statuer à nouveau sur le droit de l’assuré à l’indemnité journalière et a constaté la nullité de la décision du 31.08.2017. L’assurance-accidents était fondée à ne pas entrer en matière sur l’opposition du 26.10.2017, celle-ci étant tardive (cf. art. 52 al. 1 LPGA).

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_619/2018 consultable ici

 

 

9C_842/2018 (f) du 07.03.2019 – Exigences de motivation du recours – 42 LTF / Revenu d’invalide – Calcul selon l’ESS – Manière d’appliquer le facteur d’abattement – 16 LPGA / Taux d’invalidité se confondant avec le taux d’incapacité de travail

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_842/2018 (f) du 07.03.2019

 

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Exigences de motivation du recours / 42 LTF

Revenu d’invalide – Calcul selon l’ESS – Manière d’appliquer le facteur d’abattement / 16 LPGA

Taux d’invalidité se confondant avec le taux d’incapacité de travail

 

Assuré, né en 1973, informaticien, a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 29.10.2012. En se fondant sur les conclusions de l’expertise psychiatrique, l’office AI a nié le droit de l’assuré à des prestations de l’assurance-invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1003/2018 – consultable ici)

La cour cantonale a ordonné la réalisation d’une expertise judiciaire. En substance, le spécialiste en psychiatrie et psychothérapie a retenu que l’assuré avait été dans l’incapacité de travailler de novembre 2011 à avril 2017, puis avait recouvré une capacité de travail de 50% dans son activité habituelle dès le 01.05.2017.

La juridiction cantonale a considéré que les revenus avec et sans invalidité reposaient sur les mêmes données statistiques en 2017, de sorte qu’il était superflu de les chiffrer avec exactitude. Dans la mesure où l’assuré ne pouvait travailler qu’à temps partiel et qu’il avait été éloigné du marché du travail pendant plusieurs années, elle a procédé à un abattement de 15% sur le revenu d’invalide. Il en résultait un taux d’invalidité de 65%, ce qui ouvrait le droit à l’assuré à trois quarts de rente d’invalidité dès le 01.08.2017.

Par jugement du 31.10.2018, admission du recours par le tribunal cantonal, annulation de la décision, reconnaissance du droit de l’assuré à une rente entière d’invalidité dès le 01.04.2013 et à trois quarts de rente d’invalidité dès le 01.08.2017. La cause a été renvoyée à l’office AI pour nouvelle décision sur mesures de réadaptation.

 

TF

Exigences de motivation du recours – 42 LTF

L’assuré soutient que le recours ne répond pas aux exigences de motivation définies à l’art. 42 al. 2 LTF. Certes succincte, la motivation du recours expose clairement sur quels points la décision entreprise est attaquée. Contrairement à ce que l’assuré semble croire, il n’est par ailleurs pas indispensable que le recourant indique expressément les dispositions légales (le numéro des articles de loi) qui auraient été, selon lui, transgressées (ATF 140 III 86 consid. 2 p. 88 et les références). On ne voit pour le reste pas en quoi une requête en interprétation ou en rectification aurait dû être déposée devant la juridiction cantonale dans le cas présent. L’office AI ne se plaint en effet pas d’une formulation peu claire, incomplète, équivoque ou en elle-même contradictoire du dispositif du jugement attaqué, respectivement d’une erreur de calcul, mais d’une violation du droit matériel en relation avec l’évaluation du taux d’invalidité (au sens de l’art. 16 LPGA).

Le Tribunal fédéral entre donc en matière sur le recours.

 

Revenu d’invalide – Calcul selon l’ESS

Dans son recours, l’office AI reproche à la juridiction cantonale d’avoir cumulé le facteur d’abattement (15%) au taux d’incapacité de travail (50%). Il soutient que le facteur d’abattement devait être déduit de la part du salaire statistique que l’assuré était toujours en mesure de réaliser. Le taux d’invalidé s’élèverait dès lors à 57,5% et donnerait droit à une demi-rente d’invalidité dès le 01.08.2017.

Il n’est pas contesté entre les parties qu’en l’absence d’activité exercée par l’assuré, il convient de se référer aux données statistiques pour déterminer le taux d’invalidité et qu’en raison d’une capacité résiduelle de travail dans toute activité (50%), il faut se fonder sur les mêmes données statistiques pour déterminer les revenus avec et sans invalidité. Or, dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de chiffrer précisément les revenus avec et sans invalidité dans la mesure où le taux d’invalidité se confond avec le taux d’incapacité de travail. Même s’il n’est pas indispensable de déterminer avec précision les salaires de références, il n’en demeure pas moins que, dans cette situation, l’évaluation de l’invalidité repose sur des données statistiques. Par conséquent, une réduction supplémentaire du revenu d’invalide (abattement) est possible en fonction des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (arrêt 9C_692/2017 du 12 mars 2018 consid. 5 et les références).

En l’occurrence, la juridiction cantonale a fixé le facteur d’abattement à 15% et l’a cumulé avec le taux d’incapacité de travail de 50% pour arrêter le taux d’invalidité à 65%. Cette façon de procéder est contraire à la jurisprudence constante dès lors que l’abattement doit être appliqué au revenu d’invalide (ATF 126 V 75). Concrètement, il convient d’appliquer l’abattement de 15% à la part du salaire statistique que l’assuré est toujours susceptible de réaliser (15% de 50%, soit 7,5%), puis de déduire le résultat obtenu de ladite part salariale (50% – 7,5% = 42,5%). La différence obtenue correspond à la perte de gain effective, soit 57,5% (100% – 42,5%). Ce taux d’invalidité ouvre le droit à une demi-rente d’invalidité (art. 28 al. 2 LAI).

Le TF admet le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_842/2018 consultable ici

 

 

8C_754/2018 (f) du 07.03.2019 – Tardiveté du recours au tribunal cantonal – 60 LPGA – 38 LPGA / Distribution d’un courrier A Plus un samedi (non assimilé à un jour férié) / Envoi en Courrier A Plus – Dies a quo du délai de recours distribué dans une case postale

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_754/2018 (f) du 07.03.2019

 

Consultable ici

 

Tardiveté du recours au tribunal cantonal / 60 LPGA – 38 LPGA

Requête de l’assuré quant à la production des statistiques des envois (modes d’expédition et jour de la semaine) / 29 al. 2 Cst.

Distribution d’un courrier A Plus un samedi (non assimilé à un jour férié)

Envoi en Courrier A Plus – Dies a quo du délai de recours distribué dans une case postale

 

Assuré, né en 1997, ayant frappé, le 16.02.2018, une porte vitrée avec son poing et s’est coupé sur toute la longueur de l’avant-bras droit. Il a été hospitalisé en urgence et s’est trouvé en incapacité totale de travail.

Par décision du 02.03.2018, l’assurance-accidents a réduit de 50% les prestations en espèces, en raison du caractère téméraire du comportement à l’origine de l’accident. Saisie d’une opposition, elle l’a rejetée par décision du 08.06.2018, communiquée par courrier A Plus.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/851/2018 – consultable ici)

Se fondant sur l’attestation de suivi des envois de la poste (relevé « Track & Trace »), la cour cantonale a constaté que la décision sur opposition du 08.06.2018 avait été distribuée le samedi 09.06.2019, via la case postale de l’étude du mandataire de l’assuré. Aussi, le délai de recours avait-il commencé à courir le dimanche 10.06.2018 pour arriver à échéance le lundi 09.07.2018. Par conséquent, le recours, déposé le 11.07.2018, ne l’avait pas été en temps utile.

Par jugement du 27.09.2018, le tribunal cantonal a déclaré le recours irrecevable pour cause de tardiveté.

 

TF

Requête de l’assuré quant à la production des statistiques des envois (modes d’expédition et jour de la semaine) – 29 al. 2 Cst.

Invoquant la violation du droit à la preuve (art. 29 al. 2 Cst. et 6 CEDH), l’assuré reproche aux premiers juges de n’avoir pas donné suite à sa requête tendant à la production par l’assurance-accidents des statistiques des types d’envoi de ses décisions pour les cinq dernières années. Il entendait ainsi identifier une pratique de la part de l’assurance-accidents consistant à envoyer ses décisions par courrier A Plus le vendredi, plutôt que par courrier recommandé.

En droit des assurances sociales, il n’existe pas de disposition légale obligeant les assureurs sociaux à notifier leurs décisions selon un mode particulier. Dès lors, la jurisprudence admet que les assureurs sont libres de décider de la manière dont ils souhaitent notifier leurs décisions. Ils peuvent en particulier choisir d’envoyer celle-ci par courrier A Plus (ATF 142 III 599 consid. 2.4.1 p. 603; voir également, parmi d’autres, arrêt 8C_559/2018 du 26 novembre 2018 consid. 4.3.1). Rien ne les empêche non plus d’envoyer leurs décisions un vendredi. Contrairement à ce que soutient l’assuré, l’assurance-accidents n’a pas amputé arbitrairement de deux jours le délai de recours en procédant de la sorte. En effet, en dehors des féries judiciaires et avant l’échéance du délai de recours, les week-ends doivent être pris en compte dans le calcul du délai. Dans ces conditions, l’acte d’instruction sollicité par l’assuré n’apparaissait pas pertinent et les premiers juges pouvaient refuser d’y donner suite. Pour les mêmes raisons, il n’y pas lieu d’accéder à la requête formulée une nouvelle fois devant le Tribunal fédéral.

 

Distribution d’un courrier A Plus un samedi

Les premiers juges ont appliqué la jurisprudence du Tribunal fédéral, selon laquelle un envoi expédié par courrier A Plus se trouve dans la sphère de puissance du destinataire dès la date du dépôt dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire, fût-elle un samedi. Dans cette mesure, ils ont rejeté, à tout le moins implicitement, la thèse de l’assuré, selon laquelle le samedi serait un jour férié susceptible de reporter le dies a quo du délai de recours.

Au demeurant, le fait que le samedi n’est pas mentionné comme jour « ouvrable et de dépôt » à l’art. 29 al. 7 OPO (Ordonnance sur la poste ; RS 783.01) ne signifie pas pour autant que les envois ne peuvent pas être distribués ce jour-là. Quant au ch. 2.5.3 « Dimanche et jours fériés » des conditions générales de la poste (« Prestations du service postal » pour les clients commerciaux), il prévoit que « si la date de distribution (= échéance) tombe un dimanche ou un autre jour férié reconnu, au niveau étatique ou par l’usage local, au lieu de la prestation, le premier jour ouvrable qui suit ce dimanche ou jour férié est considéré date de distribution ». On ne peut pas en déduire que le samedi est un jour férié au sens de cette disposition, auquel cas il serait mentionné au même titre que le dimanche. On notera par ailleurs que la fermeture des bureaux de l’administration, et à plus forte raison des cabinets d’avocats, ne suffit pas en soi pour reconnaître au samedi le caractère de jour férié (cf. arrêt 6B_730/2013 du 10 décembre 2013 consid. 1.3.2 et les arrêts cités; arrêt 1P.322/2006 du 25 juillet 2006 consid. 2.5).

En conclusion, les premiers juges n’ont pas violé leur devoir de motivation en renonçant à s’exprimer davantage sur les arguments de l’assuré qui sont inconsistants.

 

Envoi en Courrier A Plus – Dies a quo du délai de recours distribué dans une case postale

Selon une jurisprudence déjà bien établie, les communications des autorités sont soumises au principe de la réception. Il suffit qu’elles soient placées dans la sphère de puissance de leur destinataire et que celui-ci soit à même d’en prendre connaissance pour admettre qu’elles ont été valablement notifiées (ATF 144 IV 57 consid. 2.3.2 p. 62; 142 III 599 consid. 2.4.1 déjà cité; 122 I 139 consid. 1 p. 143; 115 Ia 12 consid. 3b p. 17). Autrement dit, la prise de connaissance effective de l’envoi ne joue pas de rôle sur la détermination du dies a quo du délai de recours.

Selon le mode d’expédition A Plus, la lettre est numérotée et envoyée par courrier A de la même manière qu’une lettre recommandée. Toutefois, contrairement au courrier recommandé, le destinataire n’a pas à en accuser réception. En cas d’absence, celui-ci ne reçoit donc pas d’invitation à retirer le pli. La livraison est néanmoins enregistrée électroniquement au moment du dépôt de l’envoi dans la boîte aux lettres ou la case postale du destinataire. Grâce au système électronique « Track & Trace » de la poste, il est ainsi possible de suivre l’envoi jusqu’à la zone de réception du destinataire (ATF 142 III 599 précité consid. 2.2 p. 601 s. et les arrêts cités; arrêts 8C_586/2018 du 6 décembre 2018 consid. 5; 8C_53/2017 du 2 mars 2017 consid. 4.1; 8C_573/2014 du 26 novembre 2014 consid. 2.2).

Le Tribunal fédéral s’est déjà penché sur la question de la notification des décisions par courrier A Plus, notamment dans le domaine des assurances sociales. Il a exposé en particulier que le dépôt de l’envoi dans la boîte aux lettres ou la case postale constitue le point de départ pour le calcul du délai de recours, quand bien même la livraison a lieu un samedi et que le pli n’est récupéré qu’à une date ultérieure, comme le lundi suivant (arrêts 9C_655/2018 du 28 janvier 2019 consid. 4.4; 8C_559/2018 déjà cité consid. 3.4; 9C_90/2015 du 2 juin 2015 consid. 3.4; 8C_198/2015 du 30 avril 2015 consid. 3.2; 8C_573/2014 déjà cité consid. 3.1; 2C_1126/2014 du 20 février 2015 consid. 2.2). Il n’y a pas lieu de revenir sur cette jurisprudence que le Tribunal fédéral a confirmée à maintes reprises. L’assuré ne prétend d’ailleurs pas que les conditions d’un changement de jurisprudence seraient remplies (à ce sujet cf. ATF 144 IV 265 consid. 2.2 p. 269; 142 V 212 consid. 4.4 p. 117; 139 V 307 consid. 6.1 p. 313).

En outre, quoi qu’en dise l’assuré, le délai de recours est le même pour toutes les formes de notification. Il commence à courir lorsque l’envoi entre dans la sphère de puissance du destinataire et que ce dernier peut prendre connaissance du contenu de l’envoi. En présence d’un courrier recommandé, c’est le cas lorsque l’envoi est retiré au guichet ; en présence d’un courrier sans signature, c’est au moment du dépôt dans la boîte aux lettres ou la case postale. La notification par lettre recommandée n’offre pas un avantage significatif puisqu’au stade de l’avis de retrait, le destinataire ne connaît ni le contenu ni la motivation de la décision qui lui est adressée (arrêt 2C_1126/2014 du 20 février 2015 consid. 2.4).

Au demeurant, le point de vue de l’assuré reviendrait à opérer une distinction injustifiée entre les destinataires d’un envoi sans signature distribué le samedi, selon qu’ils disposent ou non d’une case postale. Contrairement à ce que laisse entendre l’assuré à cet égard, l’accès aux cases postales est en principe garanti en tout temps. Les horaires « d’installation des cases postales » auxquels il se réfère ne sont pas relevants et le fait de ne pas vider la case postale le samedi relève de la responsabilité du destinataire. Il ne saurait s’en prévaloir pour reporter le dies a quo du délai de recours, alors que la date exacte de distribution est facilement déterminable au moyen du numéro apposé sur l’enveloppe. Un tel procédé ne présente aucune difficulté particulière, surtout pour un cabinet d’avocats.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_754/2018 consultable ici

 

 

9C_689/2018 (f) du 08.02.2019 – Revenu sans invalidité – Eléments du salaire à prendre en compte – Revenu sans invalidité sur une moyenne de salaires sur plusieurs années – 16 LPGA / Droit au reclassement dans une nouvelle profession / 17 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_689/2018 (f) du 08.02.2019

 

Consultable ici

 

Revenu sans invalidité – Eléments du salaire à prendre en compte – Revenu sans invalidité sur une moyenne de salaires sur plusieurs années / 16 LPGA

Droit au reclassement dans une nouvelle profession / 17 LAI

Perception d’un salaire élevé en raison de responsabilités « de chef d’équipe » ne justifie pas la prise en charge par l’AI d’une formation supérieure

 

Assuré, né en 1959, a travaillé comme étancheur depuis avril 2008. Le 15.10.2015, son employeur a résilié les rapports de service avec effet au 31.12.2015. Le 27.10.2015, l’assuré a chuté et tapé ses deux genoux contre le bord d’une dalle. Le cas a été pris en charge par l’assurance-accidents. Le 11.05.2016, l’assuré a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité.

Dans le cadre de l’instruction de la demande, l’office AI a notamment fait verser à son dossier celui de l’assurance-accidents. Les médecins de la Clinique romande de réadaptation (CRR) de Sion ont diagnostiqué – avec effet sur la capacité de travail – des gonalgies bilatérales, avec lésions dégénératives des ménisques et des lésions chondrales aux deux genoux (prédominant au compartiment fémoro-patellaire, de grade IV) ; l’assuré ne pouvait plus exercer son activité habituelle d’étancheur depuis le 27.10.2015. Selon les médecins, l’assuré pouvait en revanche travailler à 100% dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles (accroupissements, activités contraignantes pour les genoux, équilibre et port de charge limité à un niveau moyen de 15-25 kg).

Par décision, l’office AI a, en se fondant sur un degré d’invalidité de 17%, nié le droit de l’assuré à des prestations de l’assurance-invalidité.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 161/17 – 248/2018 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont retenu, pour le revenu d’invalide, un montant de 63’636 fr. 50 correspondant au salaire réalisé en 2016 par un homme exerçant à plein temps des tâches physiques ou manuelles simples dans le secteur privé (ESS 2014, tableau TA1, niveau 1, horaire usuel de travail de 41,7 heures, puis adaptation à l’évolution des salaires jusqu’en 2016), avec un taux d’abattement de 5%. Ils ont comparé ce montant au revenu sans invalidité de 77’117 fr. 76, fondé sur la moyenne des revenus inscrits sur le compte individuel AVS de l’assuré durant les années 2009 à 2014 (après adaptation à l’évolution des salaires jusqu’en 2016) et qui correspondaient aux décomptes de salaire produits par l’assuré ; le degré d’invalidité s’élevait à 17% (17,48%). L’assuré n’avait dès lors pas droit à une rente d’invalidité ou à des mesures de réadaptation d’ordre professionnel. Qui plus est, de telles mesures n’avaient pas lieu d’être dès lors que l’exercice d’activités ne nécessitant pas de formation particulière était à la portée de l’assuré, sans qu’un préjudice économique important ne subsistât.

Par jugement du 13.08.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Revenu sans invalidité

Les différents revenus invoqués par l’assuré incluent, selon les décomptes de salaire produits, des prestations d’assurance en cas d’accident et de maladie ou d’invalidité, voire des allocations familiales. Or ces montants ne doivent pas être compris dans le revenu provenant d’une activité lucrative conformément à l’art. 6 al. 2 let. b et f RAVS, en lien avec les art. 28 al. 1 2ème phrase LAI et art. 25 al. 1 RAI. L’assuré ne peut dès lors rien tirer en sa faveur de sa lecture sélective des décomptes de salaire et du compte individuel AVS.

L’assuré ne s’en prend ensuite pas concrètement au raisonnement qui a conduit les premiers juges à retenir que les conditions posées par la jurisprudence pour fixer le revenu sans invalidité sur une moyenne de salaires étaient réunies (à ce sujet, voir arrêt 9C_771/2017 du 29 mai 2018 consid. 3.6.1 et les références). En particulier, il ne conteste pas les constatations cantonales selon lesquelles sa rémunération des années 2009 à 2014 était soumise à des fluctuations importantes. Contrairement à ce que requiert l’assuré, on ne saurait dans ces circonstances se fonder pour le calcul de son revenu sans invalidité sur les salaires perçus les deux années qui ont précédé la survenance de son atteinte à la santé. Seule la prise en compte de ses salaires réalisés pendant une période plus longue – soit sur une valeur moyenne calculée sur plusieurs années – permet de pondérer les facteurs variables de la rétribution dans le temps et reflète ainsi sa situation économique concrète. Il n’y a dès lors pas lieu de s’écarter du montant de 77’117 fr. 76 retenu par la juridiction cantonale à titre de revenu sans invalidité.

 

Droit au reclassement dans une nouvelle profession – 17 LAI

Le litige porte exclusivement sur le droit de l’assuré à un reclassement au sens de l’art. 17 LAI.

Selon l’art. 17 al. 1 LAI, l’assuré a droit au reclassement dans une nouvelle profession si son invalidité rend cette mesure nécessaire et que sa capacité de gain peut ainsi, selon toute vraisemblance, être maintenue ou améliorée. Par reclassement, la jurisprudence entend l’ensemble des mesures de réadaptation de nature professionnelle qui sont nécessaires et suffisantes pour procurer à l’assuré une possibilité de gain à peu près équivalente à celle que lui offrait son ancienne activité. En règle générale, l’assuré n’a droit qu’aux mesures nécessaires, propres à atteindre le but de réadaptation visé, mais non pas à celles qui seraient les meilleures dans son cas. En particulier, l’assuré ne peut prétendre une formation d’un niveau supérieur à celui de son ancienne activité, sauf si la nature et la gravité de l’invalidité sont telles que seule une formation d’un niveau supérieur permet de mettre à profit d’une manière optimale la capacité de travail à un niveau professionnel plus élevé (ATF 139 V 399 consid. 5.4 p. 403). Le seuil minimum fixé par la jurisprudence pour ouvrir droit à une mesure de reclassement est une diminution de la capacité de gain de 20% environ (ATF 139 V 399 consid. 5.3 p. 403; 130 V 488 consid. 4.2 p. 489 et les références).

L’assuré ne peut prétendre une formation d’un niveau supérieur à celui de son activité habituelle d’étancheur, sauf circonstances qui ne sont pas réalisées en l’espèce. En particulier, s’il affirme avoir bénéficié d’une formation d’un niveau universitaire à l’étranger dans les années 1970, les organes de l’assurance-invalidité n’ont pas pour tâche de le placer dans une position économique et professionnelle plus favorable que celle qu’il occupait directement avant son atteinte à la santé. L’assuré n’a ainsi droit qu’aux mesures nécessaires, propres à atteindre le but de réadaptation visé, mais non pas à celles qui seraient les meilleures dans son cas (ATF 139 V 399 consid. 5.4 p. 403; 130 V 488 consid. 4.2 p. 489 et les références). On ne saurait dès lors suivre l’assuré lorsqu’il demande à ce que l’office AI prenne en charge une formation alors qu’il avait travaillé comme étancheur sans être au bénéfice d’un titre professionnel, tel un certificat fédéral de capacité. Le fait que son employeur lui avait versé un salaire élevé en raison de ses responsabilités « de chef d’équipe » ne justifie pas la prise en charge par l’assurance-invalidité d’une formation supérieure à celle mise en œuvre jusqu’alors. Qui plus est, il ne prétend pas qu’une telle mesure permettrait d’atteindre un succès durable et important, compte tenu de la durée probable de la vie professionnelle après la période de formation (art. 8 al. 1bis 2ème phrase LAI; ATF 132 V 215 consid. 4.5.3 p. 231 et 4.5.4 p. 232). Dans ces circonstances, un reclassement dans une nouvelle profession serait dépourvu de l’efficacité recherchée par le législateur (art. 8 et 17 al. 1 LAI; ATF 124 V 108 consid. 2a p. 109).

Dans ces circonstances, il n’est pas nécessaire de se prononcer plus avant sur les critiques de l’assuré quant à l’abattement sur le revenu d’invalide fixé par la juridiction cantonale. Même si l’assuré présentait une invalidité de plus de 20%, cela ne suffirait pas à lui ouvrir le droit à un reclassement dans une nouvelle profession.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_689/2018 consultable ici

 

 

8C_291/2018 (f) du 28.02.2019 – Troubles psychiques – Causalité adéquate – 6 LAA / Faible degré de gravité de l’accident – Chute de sa hauteur

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_291/2018 (f) du 28.02.2019

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – Causalité adéquate / 6 LAA

Faible degré de gravité de l’accident – Chute de sa hauteur

 

Le 18.11.2015, l’assuré, né en 1965, a glissé dans le parking de l’entreprise qui l’avait engagé en tant que chauffeur-livreur du 12.10.2015 au 05.12.2015. Il est tombé en arrière et, en voulant se rattraper, s’est blessé à la main droite.

Les premiers soins lui ont été prodigués le 23.11.2015 un médecin spécialiste en médecine interne générale, qui a posé le diagnostic de fracture du radius droit. Ce médecin a également constaté des douleurs cervicales, thoraciques et lombaires, et attesté une incapacité de travail de 100% à partir de cette date, laquelle a été régulièrement renouvelée.

L’assuré s’est plaint de fourmillements, d’un manque de sensibilité et de force au niveau de son poignet droit, ainsi que de douleurs remontant jusqu’à l’épaule. L’assuré a accompli un séjour à la Clinique romande de réadaptation (CRR) du 24.05.2016 au 14.06.2016 pour un bilan global de la situation. Les médecins de la CRR ont constaté un cubitus un peu long du fait de la fracture et la présence d’une synovite, en soulignant que des facteurs contextuels influençaient négativement le pronostic. Lors de l’examen final du 24.11.2016, le médecin-conseil a constaté un état stabilisé, fixé l’atteinte à l’intégrité à 5%, et retenu une capacité entière dans une activité adaptée aux limitations décrites par les médecins de la CRR.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assureur-accidents a nié le droit de l’assuré à une rente invalidité, motif pris de l’absence d’une diminution notable de la capacité de gain, mais lui a alloué une indemnité pour atteinte à l’intégrité d’un taux de 5%.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 39/17 – 23/2018 – consultable ici)

Par jugement du 15.03.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assuré indique, entres autres, souffrir de douleurs au poignet qui l’empêchent d’utiliser correctement son membre supérieur droit, ainsi que dans les régions cervicales, dorsales, lombaires et brachiales, et nécessiter un suivi psychiatrique.

S’agissant des troubles psychiatriques :

D’après la jurisprudence, l’existence d’un lien de causalité adéquate entre un accident insignifiant ou de peu de gravité et des troubles psychiques consécutifs à l’accident doit, en règle générale, être niée d’emblée. En l’espèce, eu égard au faible degré de gravité de l’accident subi par l’assuré, qui a consisté en une chute de sa hauteur, la responsabilité de l’assurance-accidents n’est de toute manière pas engagée pour le trouble dépressif diagnostiqué par la psychiatre du Centre de psychiatrie et psychothérapie.

Au demeurant, la psychiatre ne met pas tant ce trouble en lien avec le déroulement de l’accident du 18 novembre 2015 qu’avec la situation précaire de l’assuré sans permis et sans domicile fixe en Suisse (voir son rapport du 11 juillet 2017).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_291/2018 consultable ici

 

 

8C_585/2018 (f) du 22.02.2019 – Demande de restitution d’allocations familiales indûment touchées – 25 LPGA / Délai de péremption

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_585/2018 (f) du 22.02.2019

 

Consultable ici

 

Demande de restitution d’allocations familiales indûment touchées / 25 LPGA

Délai de péremption

 

Dès le mois de janvier 2009, A.A.__, né en 1955, a perçu une allocation de formation professionnelle pour son fils B.A.__, né le 03.09.1992. Cette prestation était allouée par le service cantonal d’allocations familiales du canton de Genève (SCAF).

Parallèlement, le 08.10.2013, l’office de l’assurance-invalidité (OAI) a informé le fils B.A.__ qu’il acceptait de prendre en charge les coûts supplémentaires d’une formation professionnelle initiale du 01.09.2013 au 31.08.2016. Par décision du 29.10.2013, l’OAI lui a accordé une indemnité journalière de 103 fr. 80. Le 28.01.2016, l’OAI a annulé et remplacé la précédente décision par une décision octroyant l’indemnité journalière du 01.09.2013 au 31.12.2015.

Par décision du 02.02.2016, confirmée sur opposition, le SCAF a demandé à A.A.__ la restitution des prestations versées indûment du 01.09.2013 au 31.01.2016, soit un montant de 11’600 fr. Le SCAF a constaté que durant cette période le prénommé n’avait pas droit à l’allocation pour formation professionnelle dès lors que son fils B.A.__ était au bénéfice d’indemnités journalières de l’OAI correspondant à un revenu mensuel largement supérieur au plafond mensuel du revenu de l’enfant ouvrant droit à l’allocation pour formation professionnelle (2’320 fr. par mois).

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/618/2018 – consultable ici)

Le tribunal cantonal a retenu que le SCAF avait eu connaissance du versement des indemnités journalières allouées par l’OAI au fils du recourant le jour où il avait reçu la copie de la décision de l’OAI du 28.01.2016. Aucun indice ne permettait en effet d’établir qu’il en avait eu connaissance avant. La décision de l’OAI du 08.10.2013 avait certes été transmise en copie à la caisse cantonale genevoise de compensation (CCGC). On ne pouvait cependant pas partir du principe que la caisse avait transmis une copie de cette décision au SCAF. Il n’y avait en effet pas de communication automatique entre ces deux établissements autonomes dont les tâches étaient très différentes. Bien plus encore, si des données pouvaient être échangées entre ces organismes, elles ne pouvaient l’être que sur demande, en raison de l’obligation pour les personnes chargées de l’application des lois sur les assurances sociales, de son contrôle et de sa surveillance, de garder le secret à l’égard des tiers. Aussi, les juges cantonaux ont-ils constaté qu’en rendant sa décision de restitution le 02.02.2016, le SCAF avait largement agi dans le délai d’un an dès la connaissance du fait déterminant.

Par jugement du 28.06.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le droit de demander la restitution s’éteint un an après le moment où l’institution a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation (art. 25 al. 2, première phrase, LPGA). Il s’agit de délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d’office (ATF 140 V 521 consid. 2.1 p. 525).

Selon la jurisprudence, le délai de péremption relatif d’une année commence à courir dès le moment où l’administration aurait dû connaître les faits fondant l’obligation de restituer, en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. L’administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde – quant à son principe et à son étendue – la créance en restitution à l’encontre de la personne tenue à restitution (ATF 140 V 521 consid. 2.1 p. 525 et les références). Si l’administration dispose d’indices laissant supposer l’existence d’une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires. A défaut, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où elle aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. Dans tous les cas, le délai de péremption commence à courir immédiatement s’il s’avère que les prestations en question étaient clairement indues (arrêt 9C_454/2012 du 18 mars 2013 consid. 4 non publié in ATF 139 V 106 et les références).

 

Les constatations de la cour cantonale sur ce que les parties savaient ou ne savaient pas à un certain moment relèvent d’une question de fait (arrêt 9C_112/2011 du 5 août 2011 consid. 3, résumé in RSAS 2012 p. 67), que le Tribunal fédéral examine avec un pouvoir limité.

L’assuré se limite à affirmer que le SCAF avait manifestement reçu une copie de la décision de l’OAI du 08.10.2013 sans apporter ne serait-ce qu’un indice dans ce sens. Une telle allégation, qui n’est corroborée par aucun élément au dossier, ne suffit pas à démontrer le caractère arbitraire ou manifestement inexact des constatations de la juridiction cantonale. On peut donc retenir, à l’instar des premiers juges, que c’est lorsqu’il a reçu la copie de la décision de l’OAI du 28.01.2016 que le SCAF a eu connaissance du fait déterminant fondant l’obligation de restitution et qu’il a dès lors agi en temps utile en réclamant la restitution des prestations par décision du 02.02.2016.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_585/2018 consultable ici

 

 

9C_799/2018 (f) du 21.02.2019 – Ajournement de la rente de vieillesse AVS – Demande de réparation – 78 LPGA / Rappel quant à la recevabilité du recours au TF / Pas de violation de l’obligation de renseigner et de conseiller de la caisse AVS – 27 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_799/2018 (f) du 21.02.2019

 

Consultable ici

 

Ajournement de la rente de vieillesse AVS – Demande de réparation / 78 LPGA

Rappel quant à la recevabilité du recours au TF

Pas de violation de l’obligation de renseigner et de conseiller de la caisse AVS / 27 LPGA

 

Assuré, né en 1946, père de quatre enfants, a exercé la profession de médecin indépendant. Le 07.09.2011, l’assuré a déposé une demande de rente de vieillesse de l’AVS, dont il a requis l’ajournement pour une durée de cinq ans. Le 29.11.2011, la caisse lui a confirmé l’ajournement de sa rente et l’a informé qu’il pouvait à tout moment en demander le versement.

Le 23.09.2015, l’assuré a présenté une demande de rente de survivant à la caisse AVS à la suite du décès de son épouse survenu en 2014. La caisse a alloué une rente d’orphelin de mère à un des enfants, d’un montant mensuel de 550 fr. (2014), puis de 552 fr. (2015).

Au terme de la période d’ajournement, soit à compter du 01.10.2016, la caisse AVS a octroyé à l’assuré une rente ordinaire mensuelle de vieillesse de 3’040 fr. La caisse AVS a alloué à l’orphelin une rente pour enfant liée à la rente du père, également à partir du 01.10.2016; le montant mensuel de cette prestation, 1’134 fr., tenait compte du supplément pour ajournement ainsi que de la réduction pour plafonnement en cas de concours de rentes d’orphelin et de rentes pour enfant. A la suite de la suppression de la rente pour enfant, lequel avait atteint l’âge de 25 ans, la caisse a alloué à l’assuré une rente ordinaire mensuelle de vieillesse de 3’316 fr. depuis le 01.06.2017.

Entretemps, le 10.04.2017, l’assuré a adressé à la caisse AVS une demande en réparation du dommage. Il a soutenu que la caisse n’avait pas respecté son devoir d’information et de conseil à propos de l’incidence de l’ajournement de sa rente de vieillesse sur le versement des rentes pour ses quatre enfants encore à charge au 01.10.2011. La caisse AVS a rejeté la demande.

 

Procédure cantonale (arrêt AVS 34/17 – 44/2018)

La juridiction cantonale a admis que l’assuré ne pouvait ignorer, à la lumière des explications fournies dans le formulaire « Demande de rente de vieillesse », que les bénéficiaires d’une rente de vieillesse avaient droit à une rente complémentaire pour chacun de leurs enfants de plus de 18 ans qui accomplissait une formation jusqu’au terme de celle-ci, mais au plus tard jusqu’à son 25ème anniversaire. Elle en a déduit que l’assuré, en décidant d’ajourner sa rente de vieillesse et, partant, de renoncer aux rentes pour enfant, avait agi en connaissance de cause. De surcroît, les premiers juges ont constaté que l’assuré n’avait pas produit de pièces laissant supposer que l’un ou l’autre de ses enfants se trouvait à ce moment-là en formation, si bien qu’on ne pouvait pas reprocher à la caisse AVS d’être restée passive.

Les juges cantonaux ont constaté que l’assuré n’avait pas déposé de demande auprès de sa propre caisse d’allocations familiales afin d’obtenir le versement de telles prestations.

Par jugement du 02.10.2018, rejet de la demande en réparation du dommage au sens de l’art. 78 LPGA par le tribunal cantonal.

 

TF

Rappel quant à la recevabilité

Le recours en matière de droit public contre un jugement statuant sur la responsabilité d’une caisse de compensation fondée sur l’art. 78 LPGA n’est recevable que si la valeur litigieuse atteint la somme de 30’000 francs (art. 85 al. 1 let. a LTF; ATF 134 V 138), ou s’il existe une question juridique de principe (art. 85 al. 2 LTF). Le montant litigieux devant la dernière instance cantonale est déterminant (art. 51 al. 1 let. a LTF) et l’autorité cantonale de dernière instance doit le mentionner dans son arrêt (art. 112 al. 1 let. d LTF). Lorsque les conclusions ne tendent pas au paiement d’une somme d’argent déterminée, le Tribunal fédéral fixe la valeur litigieuse selon son appréciation (art. 51 al. 2 LTF). Ce contrôle d’office ne supplée toutefois pas au défaut d’indication de la valeur litigieuse : il n’appartient pas en effet au Tribunal fédéral de procéder lui-même à des investigations pour déterminer cette valeur, si elle ne résulte pas d’emblée des constatations de la décision attaquée (art. 105 al. 1 LTF) ou d’autres éléments ressortant du dossier (cf. arrêt 5A_621/2007 du 15 août 2008 consid. 1.2). L’assuré doit ainsi indiquer, conformément à l’art. 42 al. 1 et 2 LTF, les éléments suffisants pour permettre au Tribunal de céans d’estimer aisément la valeur litigieuse, sous peine d’irrecevabilité (ATF 136 III 60 consid. 1.1.1 p. 62 et les références; JEAN-MAURICE FRÉSARD, Commentaire de la LTF, 2e éd., n° 6 ad art. 51).

 

Responsabilité de la caisse AVS au sens de l’art. 78 LPGA

L’assuré soutient avoir subi un préjudice par la non-perception de rentes pour enfant en raison d’une violation de l’art. 27 al. 2 LPGA qu’il impute à la caisse AVS. La question est de savoir si celle-ci a engagé sa responsabilité au sens de l’art. 78 LPGA en raison d’une omission fautive, singulièrement si l’on pouvait raisonnablement exiger de sa part qu’elle attirât l’attention de l’assuré sur le fait que l’ajournement de la rente de vieillesse avait pour effet d’ajourner simultanément les rentes pour enfant.

Le Tribunal fédéral rappelle que, sur la base des explications précises dans le formulaire de rente, l’assuré savait que le droit à une rente pour enfant supposait que celui-ci accomplît une formation et qu’il avait dès lors renoncé au versement de rentes pour enfant en parfaite connaissance de cause. A cet égard, le questionnaire d’annonce est effectivement clair et la caisse AVS pouvait partir de l’idée que l’assuré ne demandait pas de rentes pour enfant parce qu’ils n’étaient pas en formation, puisque l’assuré n’a présenté aucun contrat d’apprentissage ou attestation d’un établissement d’enseignement (documents mentionnés comme devant être joints à la demande de rente). La caisse n’avait donc pas à l’interpeller à ce sujet, en l’absence de tout élément – qu’il aurait appartenu à l’assuré de fournir – qui aurait permis de penser que les enfants de l’assuré pouvaient prétendre des rentes pour enfant complémentaires à celle, seule requise, de leur père. L’information relative à l’ajournement de la caisse AVS n’était donc pas erronée.

La caisse AVS ignorait en 2011 que l’un des enfants suivait une formation au-delà de sa majorité, sans que cette méconnaissance puisse lui être reprochée. L’information en cause n’est apparue qu’en lien avec la demande de rente pour orphelin de mère déposée le 23.09.2015, dans le cadre de laquelle la caisse intimée a apparemment reçu une attestation d’études, la demande de rente ayant été vérifiée le 29.09.2015.

Le Tribunal fédéral conclut que la caisse AVS n’a pas violé son obligation de renseigner et de conseiller (art. 27 LPGA), aussi bien à l’époque où l’assuré avait déposé une demande de rente de vieillesse et requis son ajournement (en 2011), qu’à l’occasion de l’instruction de la demande de rente d’orphelin (en 2015).

A défaut d’acte illicite, la juridiction cantonale était en droit de considérer que la demande en réparation (art. 78 LPGA) était infondée.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_799/2018 consultable ici

 

 

9C_744/2018 (d) du 01.04.2019, destiné à la publication – Assurance obligatoire des soins : pas de limite maximale absolue à la prise en charge d’un traitement hospitalier

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_744/2018 (d) du 01.04.2019, destiné à la publication

 

Communiqué de presse du Tribunal fédéral du 23.04.2019 consultable ici

Arrêt 9C_744/2018 consultable ici

 

Il n’existe pas de limite maximale absolue à la prise en charge des coûts d’un traitement hospitalier par l’assurance-maladie obligatoire. Tant que les mesures médicales en cause satisfont aux conditions légales, le devoir de prester de l’assurance-maladie est entier. Le Tribunal fédéral rejette le recours d’une caisse-maladie.

Un homme de 71 ans avait été admis dans un hôpital pour y subir une opération du genou. A la suite de l’intervention, il a été victime d’une crise cardiaque, d’une insuffisance rénale, ainsi que de nombreuses autres complications, engageant parfois le pronostic vital, qui ont toutes été traitées. Après 421 jours d’hospitalisation – dont une grande partie dans l’unité de soins intensifs – l’intéressé a pu quitter l’hôpital et entreprendre des mesures de réadaptation. Le coût total du traitement hospitalier s’est élevé à environ 2,4 millions de francs, dont 1,08 million de francs facturé à l’assurance-maladie obligatoire. La caisse-maladie de l’assuré a limité sa prise en charge à 300’000 francs, au motif que selon ses calculs, elle n’était pas tenue de verser une somme plus élevée à l’hôpital. En 2018, le Tribunal arbitral du canton de Bâle-Ville a admis la requête de l’hôpital et condamné la caisse-maladie au paiement du différentiel.

Le Tribunal fédéral rejette le recours de la caisse-maladie. Celle-ci avait essentiellement fait valoir que selon la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue en matière d’assurance-maladie, la méthode d’analyse des coûts par années de vie ajustées par la qualité (QALY) posait une limite maximale à la prise en charge des coûts par l’assurance-maladie obligatoire. Dans le cas d’espèce, au vu de l’âge de l’assuré (71 ans) et compte tenu d’une espérance de vie résiduelle de 14,8 ans avec une qualité de vie de 0,2 (étant donné qu’il était fortement atteint dans l’accomplissement de toutes les activités de la vie), on obtenait 2,96 QALY. En multipliant cette valeur par 100’000 francs, il en découlait que la participation de la caisse-maladie devait être limitée à un montant de 296’000 francs.

Contrairement à ce que soutient la caisse-maladie, la jurisprudence du Tribunal fédéral n’a jamais fixé une limite absolue au-delà de laquelle les coûts d’un traitement ne devraient plus être supportés par l’assurance-maladie obligatoire, ni considéré que la méthode QALY constituait un moyen déterminant pour arrêter une telle limite. L’économicité d’un traitement (en tant que condition préalable à la prise en charge des coûts par l’assurance-maladie obligatoire) ne peut être remise en cause en invoquant que la rémunération d’un grand nombre de prestations médicales intervient sur la base de forfaits. Selon la loi sur l’assurance-maladie (LAMal), il existe une obligation de prise en charge illimitée dans la mesure où chaque prestation du traitement hospitalier répond aux critères d’efficacité, d’adéquation et d’économicité. Il convient de partir du principe que tel est le cas en l’espèce. Il n’y a en effet aucune indication et il n’est nullement allégué qu’une mesure médicale aurait été inutile ou aurait pu être remplacée par une autre présentant des coûts moins élevés. L’un des objectifs de la LAMal était précisément de garantir une couverture d’assurance-maladie illimitée dans le temps pour les traitements hospitaliers. Aucun principe ne postule un rationnement des soins, en ce sens que pour des raisons de maîtrise des coûts totaux, certaines prestations médicales nécessaires ne devraient pas être facturées à l’assurance-maladie obligatoire.

 

 

Arrêt 9C_744/2018 consultable ici