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9C_607/2017 (f) du 15.12.2017 – Définition de l’infirmité congénitale – OIC / Prédisposition à une maladie n’est pas réputée infirmité congénitale

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_607/2017 (f) du 15.12.2017

 

Consultable ici : https://bit.ly/2JFzWpb

 

Définition de l’infirmité congénitale / OIC

Prédisposition à une maladie n’est pas réputée infirmité congénitale

 

Assuré, né en 2006, a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 10.12.2014. Il y indiquait souffrir d’une infirmité congénitale (ch. 322 OIC ; anémies congénitales hypoplastiques ou aplastiques, leucopénies et thrombocytopénies congénitales). Par la suite, le 08.09.2015, il a requis des mesures médicales de l’AI en raison d’un syndrome de Wolff Parkinson White.

L’office AI a recueilli des renseignements auprès des médecins traitants de l’assuré. Le 07.10.2015, l’office AI a informé l’assuré qu’il prenait en charge les coûts du traitement de l’infirmité congénitale (diagnostic de Wolff Parkinson White, sous le ch. 313 OIC) du 08.09.2014 au 30.06.2026, mais qu’il comptait refuser les mesures médicales liées à la myélodysplasie avec monosomie 7.

Contestant ce refus, l’assuré a produit l’avis de ses médecins traitants. Ces derniers ont indiqué que leurs investigations avaient permis de mettre en évidence que la myélodysplasie avec monosomie 7 à l’origine de l’aplasie médullaire résultait d’un « SNP [single nucleotid polymorphysm] au niveau du gène TERC, se traduisant par un raccourcissement des télomères de tous les sous-types leucocytaires », soit d’une « anomalie très suggestive d’un syndrome d’insuffisance médullaire d’origine génétique ». Le médecin du Service médical régional (SMR), spécialiste en pédiatrie, a retenu que l’insuffisance médullaire n’était pas d’origine congénitale. Le médecin du SMR précisait que l’assuré ne présentait pas une monosomie congénitale pour tout le corps, mais qu’une partie de ses cellules (les cellules souches de l’hématopoïèse) s’étaient transformées après la naissance pour une raison indéterminée et que l’examen de leur DNA relevait une monosomie 7. Sur cette base, l’office AI a rejeté la demande de prestations de l’assuré.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 22/16 – 190/2017 – consultable ici : https://bit.ly/2jhapHz)

La juridiction cantonale a constaté que l’assuré souffrait d’une aplasie médullaire sévère (pathologie initiale) et d’un syndrome myélodysplasique avec monosomie 7 (diagnostic secondaire), dont l’étiologie résidait dans la présence d’anomalies chromosomiques dans son patrimoine génétique (monosomie 7), ainsi que dans celui de ses parents (raccourcissement des télomères). Les juges se sont fondés sur les conclusions des médecins traitants de l’assuré, selon lesquels si le syndrome myélodysplasique avec monosomie 7 était certes une anomalie acquise des cellules hématopoïétiques, l’insuffisance médullaire, en tant que pathologie initiale, était en revanche d’origine congénitale. Ils ont écarté le nouvel avis contraire du SMR et ont admis l’existence d’un lien de causalité entre les mutations génétiques incriminées et l’insuffisance médullaire.

Par jugement du 29.06.2017, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 1 al. 1 OIC, sont réputées infirmités congénitales au sens de l’art. 13 LAI les infirmités présentes à la naissance accomplie de l’enfant. La simple prédisposition à une maladie n’est pas réputée infirmité congénitale. Le moment où une infirmité congénitale est reconnue comme telle n’est pas déterminant. La condition de la présence de l’infirmité à la naissance est également réalisée lorsque l’infirmité congénitale n’est pas encore reconnaissable comme telle à ce moment-là, mais qu’apparaissent ultérieurement des symptômes nécessitant un traitement, symptômes dont la présence permet de conclure qu’une infirmité congénitale ou que les éléments nécessaires à son émergence existaient déjà à la naissance accomplie de l’assuré (arrêt I 356/88 du 21 novembre 1988 consid. 3, RCC 1989 p. 222; Circulaire sur les mesures médicales de réadaptation de l’AI [CMRM], ch. 4, A 2). Selon les directives administratives (ch. 7 et 8, A 4, CMRM), lorsqu’une affection peut être aussi bien acquise que congénitale, et qu’il existe des doutes sur l’authenticité d’une infirmité congénitale, l’avis dûment motivé d’un médecin spécialisé, qui tient celle-ci pour hautement probable en se fondant sur l’enseignement médical actuel, est alors déterminant. Il ne suffit cependant pas que le diagnostic posé corresponde à l’une des infirmités figurant dans l’annexe de l’OIC. Encore faut-il, lorsqu’il n’y a pas d’indications suffisantes à ce sujet dans le rapport médical, examiner, en se fondant sur l’anamnèse, l’état de l’assuré et d’éventuelles instructions complémentaires, s’il s’agit bien de la forme congénitale de la maladie (cf. aussi arrêt 8C_196/2009 du 5 août 2009 consid. 2 et les références).

Selon le TF, on se retrouve en présence de deux thèses médicales contradictoires convaincantes qu’il n’est pas possible de départager sans une évaluation médicale supplémentaire. En particulier, au regard de la complexité de la situation médicale mise en évidence par les avis médicaux recueillis, il n’est pas possible de se prononcer sur le point de savoir si la mutation génétique en question constitue une prédisposition à l’infirmité congénitale ou un élément nécessaire à son émergence. A cet égard, la référence qu’ont faite les médecins traitants à l’avis d’une spécialiste en médecine interne générale et hématologie et cheffe du département d’hématologie, cellules souches hématopoïétiques et laboratoire moléculaire n’est pas suffisamment claire pour un non-spécialiste. Ce médecin a utilisé le terme de prédisposition, alors que ce qui est déterminant, sous l’angle juridique en relation avec la prise en charge par l’assurance-invalidité, c’est le caractère congénital et non acquis ou « prédisposant » de l’atteinte à la santé.

Dans ces circonstances, la cause ne pouvait pas être tranchée sans une investigation médicale complémentaire pour lever les doutes sur le caractère congénital de l’atteinte dont souffre l’assuré.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’office AI, annulant la décision de l’office AI et le jugement cantonal. La cause est renvoyée à l’office AI pour instruction complémentaire et nouvelle décision.

 

 

Arrêt 9C_607/2017 consultable ici : https://bit.ly/2JFzWpb

 

 

6B_69/2017 (f) du 28.11.2017 – Lésions corporelles graves par négligence – 125 al. 2 CP – 12 CP / Devoirs de prudence – Maîtrise du véhicule (31 al. 1 LCR) – Virage à gauche « à la corde » – Circulation à droite (34 al. 1 LCR) – Priorité de droite (36 al. 2 LCR) / Lien de causalité naturelle et adéquate entre la négligence et les lésions

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_69/2017 (f) du 28.11.2017

 

Consultable ici : https://bit.ly/2Jj8qh2

 

Lésions corporelles graves par négligence – 125 al. 2 CP – 12 CP

Collision automobile-vélo

Devoirs de prudence – Maîtrise du véhicule (31 al. 1 LCR) – Virage à gauche « à la corde » – Circulation à droite (34 al. 1 LCR) – Priorité de droite (36 al. 2 LCR)

Lien de causalité naturelle et adéquate entre la négligence et les lésions

 

Le 04.10.2013, vers 7h50, X.__ circulait au volant de son véhicule Toyota Land Cruiser en direction du carrefour que le chemin C.____ forme avec la route F.____, avec l’intention d’obliquer à gauche.

Pour sa part, A.__ descendait au guidon de son cycle une route qui rejoint le même carrefour, en face du chemin C.____, dans le même axe. Un « stop » se situe au débouché du chemin G.____ sur la route F.____, légèrement en retrait de cette même route. Le carrefour de la route F.____ et des chemins C.____ et G.____ forme une croix presque perpendiculaire. La visibilité est bonne de parts et d’autres des deux chemins précités. Au matin du 04.10.2013, l’éclairage public a été coupé à 8h17.

Parvenue l’intersection en question, l’automobiliste a ralenti et a obliqué à gauche, coupant la route de la cycliste, qui, après s’être arrêtée au « stop », s’était déjà engagée sur la route F.____ avec son cycle, dont l’éclairage était réglementaire et fonctionnel. L’automobiliste, qui n’a remarqué la présence de la cycliste qu’au moment du choc, n’est pas parvenue à éviter la collision, la heurtant violemment avec l’avant droit de son véhicule. La cycliste a été renversée, a chuté sur la chaussée et, malgré un freinage d’urgence réalisé par l’automobiliste, est passée avec son cycle sous la voiture, qui a notamment roulé sur son visage.

Grièvement blessée et restée inanimée, la cycliste a dû être héliportée d’urgence à l’hôpital. Elle a notamment souffert d’un grave traumatisme crânien, de plusieurs fractures du massif facial et du plancher de l’orbite droit, d’une fracture cervicale et d’une fracture du genou gauche. Elle a dû subir plusieurs opérations chirurgicales.

Par jugement du 27.01.2016, le Tribunal de police a reconnu l’automobiliste coupable de lésions corporelles graves par négligence, l’a condamnée à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à 150 fr. le jour, avec sursis pendant deux ans, ainsi qu’à une amende de 900 fr., la peine privative de liberté de substitution en cas de non-paiement fautif étant fixée à 6 jours.

La Cour d’appel pénale a rejeté l’appel formé par l’automobiliste à l’encontre du jugement précité.

 

TF

Lésions corporelles graves par négligence

L’art. 125 al. 1 CP réprime le comportement de celui qui, par négligence, aura fait subir à une personne une atteinte à l’intégrité corporelle ou à la santé. Si la lésion est grave, le délinquant sera poursuivi d’office (art. 125 al. 2 CP). La réalisation de l’infraction réprimée par l’art. 125 CP suppose la réunion de trois éléments constitutifs, à savoir une négligence imputable à l’auteur, des lésions corporelles subies par la victime, ainsi qu’un lien de causalité naturelle et adéquate entre la négligence et les lésions (arrêt 6B_1420/2016 du 3 octobre 2017 consid. 1.1.1).

Conformément à l’art. 12 al. 3 CP, il y a négligence si, par une imprévoyance coupable, l’auteur a agi sans se rendre compte ou sans tenir compte des conséquences de son acte. Il faut que l’auteur ait, d’une part, violé les règles de prudence que les circonstances lui imposaient pour ne pas excéder les limites du risque admissible et que, d’autre part, il n’ait pas déployé l’attention et les efforts que l’on pouvait attendre de lui pour se conformer à son devoir (ATF 143 IV 138 consid. 2.1 p. 140; 135 IV 56 consid. 2.1 p. 64 et les références citées). Pour déterminer plus précisément les devoirs imposés par la prudence, on peut se référer à des normes édictées par l’ordre juridique pour assurer la sécurité et éviter des accidents (ATF 143 IV 138 consid. 2.1 p.140). S’agissant d’un accident de la route, il convient de se référer aux règles de la circulation routière (ATF 122 IV 133 consid. 2a p. 135; plus récemment: arrêt 6B_291/2015 du 18 janvier 2016 consid. 2.1).

 

Maîtrise du véhicule (31 al. 1 LCR) – Circulation à droite (34 al. 1 LCR) – Priorité de droite (36 al. 2 LCR)

A teneur de l’art. 31 al. 1 LCR, le conducteur devra rester constamment maître de son véhicule de façon à pouvoir se conformer aux devoirs de la prudence. L’art. 3 al. 1 OCR précise que le conducteur vouera son attention à la route et à la circulation. Le degré de l’attention requise par l’art. 3 al. 1 OCR s’apprécie au regard des circonstances d’espèce, telles que la densité du trafic, la configuration des lieux, l’heure, la visibilité et les sources de danger prévisibles (ATF 137 IV 290 consid. 3.6 p. 295 et les références citées; arrêt 6B_665/2015 du 15 septembre 2016 consid. 2.2).

Lorsqu’un conducteur doit prêter son attention visuelle principalement dans une direction déterminée, on peut admettre que son attention soit moindre dans les autres (ATF 122 IV 225 consid. 2b p. 228; arrêt 6B_1157/2016 du 28 mars 2017 consid. 4.3). Le conducteur doit avant tout porter son attention, outre sur sa propre voie de circulation (cf. arrêt 6B_783/2008 du 4 décembre 2008 consid. 3.3), sur les dangers auxquels on doit s’attendre et peut ne prêter qu’une attention secondaire à d’éventuels comportements inhabituels ou aberrants (ATF 122 IV 225 consid. 2c p. 228; arrêt 6B_1157/2016 du 28 mars 2017 consid. 4.3).

Selon l’art. 34 al. 1 LCR, les véhicules tiendront leur droite et circuleront, si la route est large, sur la moitié droite de celle-ci. Ils longeront le plus possible le bord droit de la chaussée, en particulier s’ils roulent lentement ou circulent sur un tronçon dépourvu de visibilité. L’art. 34 al. 3 LCR prévoit que le conducteur qui veut modifier sa direction de marche, par exemple pour obliquer, dépasser, se mettre en ordre de présélection ou passer d’une voie à l’autre, est tenu d’avoir égard aux usagers de la route qui viennent en sens inverse ainsi qu’aux véhicules qui le suivent. L’art. 13 al. 4 OCR précise que, en obliquant à gauche à une intersection, le conducteur ne prendra pas le virage à la corde. Lorsqu’à une croisée, des véhicules venant de sens opposés obliquent à leur gauche, ils se croiseront à gauche.

L’art. 36 al. 2 LCR dispose qu’aux intersections, le véhicule qui vient de droite a la priorité. Les véhicules circulant sur une route signalée comme principale ont la priorité, même s’ils viennent de gauche. Est réservée toute réglementation différente de la circulation imposée par des signaux ou par la police. Selon l’art. 14 al. 1 LCR, celui qui est tenu d’accorder la priorité ne doit pas gêner dans sa marche le conducteur bénéficiaire de la priorité. Il réduira sa vitesse à temps et, s’il doit attendre, s’arrêtera avant le début de l’intersection.

Le droit de priorité s’étend sur toute la surface de l’intersection des routes en cause, sous réserve de la présence de signaux et de marques (ATF 116 IV 157 consid. 1 p. 158; 102 IV 259 consid. 2 p. 260 ss; arrêt 6B_263/2009 du 14 juillet 2009 consid. 1.1.2, publié in JdT 2009 I 536). Le débiteur de la priorité doit s’abstenir de gêner le conducteur prioritaire sur toute cette surface et, en particulier, pouvoir s’arrêter avant le début de l’intersection (art. 14 al. 1 in fine OCR; ATF 116 IV 157 consid. 2 p. 158 s.; arrêt 6B_263/2009 du 14 juillet 2009 consid. 1.1.2, publié in JdT 2009 I 536).

Selon la jurisprudence, il importe peu de savoir quel usager de la route a atteint en premier l’intersection pour déterminer qui est le bénéficiaire de la priorité ou son débiteur. Au contraire, il est uniquement décisif de définir qui est le débiteur et si le débiteur de la priorité peut emprunter la surface d’intersection sans gêner le bénéficiaire (ATF 127 IV 220 consid. 3 p. 225; 115 IV 139 consid. 2b p. 141; arrêt 6B_1315/2016 du 14 septembre 2017 consid. 2.3).

Le droit de priorité confère à son bénéficiaire le droit de circuler sans être gêné dans sa progression. Il ne l’exonère toutefois pas de ses devoir généraux de prudence ni du respect des autres règles de circulation. S’il existe des indices concrets que des usagers vont se comporter de façon incorrecte, il lui appartient, conformément à l’art. 26 al. 2 LCR, d’observer une prudence particulière par rapport à ces autres usagers, sous peine d’être privé de se prévaloir du principe de la confiance. Le prioritaire qui doit être en mesure de s’apercevoir qu’il ne peut exercer son droit de priorité sans accident doit faire tout son possible pour éviter une collision (arrêt 6B_335/2016 du 27 août 2015 consid. 1.4.2; cf. ATF 92 IV 138 consid. 1 p. 140; arrêt 6S.224/2003 du 3 janvier 2004 consid. 2; cf. aussi arrêt 6B_783/2008 du 4 décembre 2008 consid. 3.3 BUSSY/RUSCONI/JEANNERET/KUHN/ MIZEL/MÜLLER, Code suisse de la circulation routière commenté, 4e éd. 2015, rem. 3.1.2 ad art. 36 LCR).

 

En l’espèce, le témoin I.__ a d’abord remarqué, sur sa droite, la cycliste franchir le « stop » avant d’apercevoir, sur sa gauche, la Toyota Land Cruiser arriver à l’intersection. La cour cantonale a retenu que la cycliste se trouvait déjà sur la route F.____ lorsque la recourante, débouchant en face d’elle, a entamé sa manœuvre. Au moment d’obliquer sur sa gauche, l’automobiliste avait uniquement porté son regard sur sa droite, mais avait omis de balayer de ses yeux l’entier de l’intersection, en particulier devant elle. Elle avait de surcroît effectué son virage « à la corde », circulant à gauche de la ligne de direction. Faute d’avoir regardé devant elle, l’automobiliste n’avait pas remarqué la cycliste, qui était pourtant déjà engagée sur la route. Elle lui avait coupé la route, la heurtant avant d’avoir terminé son virage avec l’aile avant droite de son véhicule, ne constatant sa présence qu’au moment de l’impact.

Ces circonstances dénotent un défaut d’attention lors d’une manœuvre impliquant, pour l’automobiliste, de traverser une intersection et une voie de circulation opposée à la sienne, consistant qui plus est en un virage à gauche effectué « à la corde », en des lieux dont l’automobiliste a elle-même évoqué le caractère dangereux. La cour cantonale pouvait dès lors lui imputer, sans violer le droit fédéral, une infraction aux art. 31 al. 1 LCR, 3 al. 1 OCR, 34 al. 1 et 3 LCR et 13 al. 4 OCR.

 

Lien de causalité naturelle et adéquate

Un comportement est la cause naturelle d’un résultat s’il en constitue l’une des conditions sine qua non, c’est-à-dire si, sans lui, le résultat ne se serait pas produit; il s’agit là d’une question de fait (ATF 138 IV 57 consid. 4.1.3 p. 61; 138 IV 1 consid. 4.2.3.3 p. 9). Lorsque la causalité naturelle est établie, il faut encore rechercher si le comportement incriminé est la cause adéquate du résultat. Tel est le cas lorsque, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, le comportement était propre à entraîner un résultat du genre de celui qui s’est produit. Il s’agit d’une question de droit que le Tribunal fédéral revoit librement (ATF 138 IV 57 consid. 4.1.3 p. 61; 133 IV 158 consid. 6.1 p. 168). Il y a rupture de ce lien de causalité adéquate, l’enchaînement des faits perdant sa portée juridique, si une autre cause concomitante – par exemple une force naturelle, le comportement de la victime ou celui d’un tiers – propre au cas d’espèce constitue une circonstance tout à fait exceptionnelle ou apparaît si extraordinaire que l’on ne pouvait pas s’y attendre. Cependant, cette imprévisibilité de l’acte concurrent ne suffit pas en soi à interrompre le lien de causalité adéquate. Il faut encore que cet acte ait une importance telle qu’il s’impose comme la cause la plus probable et la plus immédiate de l’événement considéré, reléguant à l’arrière-plan tous les autres facteurs qui ont contribué à amener celui-ci, notamment le comportement de l’auteur (ATF 134 IV 255 consid. 4.4.2 p. 265 s.; 133 IV 158 consid. 6.1 p. 168).

En l’espèce, la cour cantonale a considéré que la cycliste n’avait commis aucune faute apte à entraîner la rupture du lien de causalité. La cycliste s’était arrêtée au « stop » avant de s’engager sur la route F.____. Cet élément exclut de considérer qu’elle aurait surgi à l’improviste dans l’intersection de manière soudaine et imprévisible pour l’automobiliste. On ne saurait donc admettre, en l’espèce, une rupture du lien de causalité.

 

Le TF rejette le recours de l’automobiliste.

 

 

Arrêt 6B_69/2017 consultable ici : https://bit.ly/2Jj8qh2

 

 

9C_119/2018 (f) du 04.04.2018 – Fin du droit à la rente de veuf lorsque le dernier enfant atteint l’âge de 18 ans – 24 al. 2 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_119/2018 (f) du 04.04.2018

 

Consultable ici : https://bit.ly/2HVXFl6

/!\ Voir arrêt du TF 9F_9/2023 (f) du 17.10.2023 /!\

 

Fin du droit à la rente de veuf lorsque le dernier enfant atteint l’âge de 18 ans / 24 al. 2 LAVS

 

A la suite du décès de son épouse, A.__, né en 1963 et père de trois enfants (nés en 1993, 1995 et 1998), s’est vu octroyer par la caisse de compensation une rente de veuf dès le 01.05.2015. Par décision du 07.03.2016, confirmée sur opposition, la caisse de compensation a mis fin au versement de la prestation au 31.03.2016, au motif que la benjamine de l’intéressé avait atteint l’âge de 18 ans révolus.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1189/2017 – consultable ici : https://bit.ly/2HUqFtw)

La juridiction cantonale considère que la décision sur opposition rendue est conforme à l’art. 24 al. 2 LAVS, dès lors que le versement de la rente de veuf a pris fin après le 18ème anniversaire du plus jeune enfant du veuf. En particulier, elle a retenu que dans la mesure où cette disposition reflète fidèlement la volonté du législateur et que le texte légal ne présente aucune ambiguïté, il n’est pas possible d’y déroger en l’interprétant conformément à la Constitution fédérale. Il n’existe par ailleurs, selon les premiers juges, aucun motif de s’écarter de la jurisprudence du Tribunal fédéral selon laquelle l’attribution d’une rente de veuf n’entre pas dans le champ d’application des art. 8 et 14 CEDH (ATF 139 I 257 consid. 5.3.2 p. 263).

Par jugement du 27.08.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Bien qu’il soit admis de longue date que la réglementation prévue aux art. 23 et 24 LAVS est contraire au principe de l’égalité entre hommes et femmes (art. 8 Cst.) et qu’elle devrait être adaptée et harmonisée, il appartient au législateur, et non pas au juge, d’apporter les correctifs nécessaires (arrêt 9C_871/2017 du 15 janvier 2018 consid. 5.2.1 et les références). Ces derniers ne sauraient par conséquent être introduits dans le cadre de l’examen ultérieur d’un cas d’application concret, dans la mesure où l’art. 190 Cst. oblige le Tribunal fédéral à appliquer lesdites dispositions légales, même si elles sont anticonstitutionnelles (ATF 140 I 353 consid. 4.1 p. 358; 141 II 338 consid. 3.1 p. 340). La juridiction cantonale n’a dès lors pas violé le droit fédéral en considérant qu’elle ne pouvait déroger au texte clair de l’art. 24 al. 2 LAVS (ATF 139 I 257 consid. 4.2 p. 260).

A l’inverse de ce que le veuf prétend, la suppression de la rente d’un conjoint survivant n’entre pas dans le champ d’application de l’art. 8 CEDH. En effet, la rente de veuve ou de veuf ne vise pas à permettre au conjoint survivant de rester à son foyer pour s’occuper de ses enfants – de surcroît majeurs -, mais est destinée à compenser ou indemniser la perte de soutien que représente le décès d’un conjoint (voir ATF 139 I 257 consid. 5.2.3 p. 262 et 5.3.2 p. 263; arrêt 9C_617/2011 du 4 mai 2012 consid. 3.3, in SVR 2012 AHV n° 14 p. 53). La situation ne se prête par conséquent pas à un examen sous l’angle de l’art. 14 CEDH (ATF 139 I 257 consid. 5.3.2 p. 263). Il n’y a ainsi pas lieu de s’écarter de la jurisprudence.

 

Le TF rejette le recours du veuf.

 

 

Arrêt 9C_119/2018 consultable ici : https://bit.ly/2HVXFl6

 

 

8C_570/2016 (f) du 08.11.2017 – Surveillance par un détective privé – Contraire au droit selon l’arrêt de la CourEDH Vukota-Bojic contre Suisse / Examen du sort de la preuve illicite – Utilisation du produit de la surveillance réalisée dans une maison d’hôtes

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_570/2016 (f) du 08.11.2017

 

Consultable ici : https://bit.ly/2HiNc6d

 

Surveillance par un détective privé – Contraire au droit selon l’arrêt de la CourEDH Vukota-Bojic contre Suisse / 28 LPGA – 43 LPGA – 96 LAA

Examen du sort de la preuve illicite – Utilisation du produit de la surveillance réalisée dans une maison d’hôtes

 

Assurée, née en 1954, travaillait comme secrétaire d’unité à 80% au service d’un hôpital. Le 28.07.2009, elle s’est fracturée le poignet gauche après avoir chuté. Le cas a été annoncé le 12.08.2009. En raison de diverses complications, elle a subi par la suite plusieurs opérations qui ont entraîné des périodes d’incapacité de travail. L’assurance-accidents a, par décision du 23.01.2013, alloué à l’assurée une indemnité pour atteinte à l’intégrité de 15%. Elle a considéré, en revanche, que les conditions pour l’octroi d’autres prestations en espèces, en particulier une rente, n’étaient pas réunies, attendu que le médecin traitant de l’intéressée attestait une capacité de travail de 100% et qu’aucun élément médical objectif ne parlait en faveur d’une limitation durable de la capacité de gain résultant de l’accident.

L’assurée a formé une opposition le 31.01.2013. Entre autres mesures d’instruction, l’assurance-accidents a confié une expertise à un spécialiste FMH en chirurgie orthopédique et chirurgie de la main. Dans son rapport du 25.02.2014, le médecin-expert a fait état d’une évolution défavorable avec une guérison qui était loin d’être satisfaisante et la persistance d’un poignet gauche bloqué, douloureux et dystrophique. Il n’y avait pas de trouble qui renvoyait à des lésions maladives ou dégénératives. La capacité de travail dans l’ancienne activité de secrétaire était définitivement compromise, même à temps partiel. Théoriquement, une activité purement monomanuelle droite ou ne nécessitant que l’utilisation ponctuelle et légère de la main gauche pourrait être exigible, même à temps complet (par ex. un travail de téléphoniste ou d’hôtesse d’accueil). Sur la base de cette expertise, l’assurance-accidents a mis fin aux indemnités journalières au 30.04.2014. Cette décision n’a pas été attaquée.

Au cours d’un entretien du 19.05.2014, l’assureur a interpellé l’assurée au sujet d’une boutique et d’un atelier de Patchwork en lui montrant des photographies des travaux qu’elle avait mis en démonstration sur son profil Facebook. De même, elle a été interrogée au sujet d’une maison d’hôtes pour laquelle elle faisait de la publicité sur ce même profil.

L’assurée a demandé à l’assureur, par lettre du 01.07.2014, de fixer le montant de la rente d’invalidité à laquelle elle prétendait avoir droit.

Le 07.07.2014, l’assureur a confié un mandat de surveillance à une agence de détectives privés. Le rapport du détective du 28.07.2014 ainsi que les séquences vidéo ont été soumis au médecin-expert. Dans son rapport complémentaire du 26.08.2014, ce dernier a réévalué les conclusions de son expertise. Il a indiqué que les limitations douloureuses de la force et de l’habilité manuelle gauche qui constituaient l’essentiel des plaintes résiduelles de la patiente ne se confirmaient manifestement pas. Il n’y avait, au contraire, aucune gêne résiduelle visible à ce niveau même pour un œil averti. Il a conclu que les séquelles de l’accident du 28.07.2009 n’entraînaient aucune « invalidité professionnelle résiduelle ». L’assurée a été invitée à se déterminer sur le résultat des observations du détective privé, ainsi que sur la nouvelle appréciation du médecin-expert.

Par décision sur opposition, l’assureur-accidents a rejeté l’opposition du 31.01.2013 et confirmé sa décision du 23.01.2013.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 11/15 – 77/2016 – consultable ici : https://bit.ly/2qQ862l)

Par jugement du 04.07.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Surveillance et arrêt de la CourEDH Vukota-Bojic contre Suisse

L’assurée invoque l’arrêt de la CourEDH Vukota-Bojic contre Suisse du 18.10.2016 (devenu définitif le 18.01.2017). Elle se plaint d’une violation de son droit à la vie privée garanti par l’art. 8 CEDH et invoque l’absence de base légale pouvant justifier une surveillance. Elle fait valoir que la surveillance s’est déroulée dans des conditions déloyales, dès lors que le détective s’est fait passer pour un client de la maison d’hôtes tenue par l’assurée et son mari. Le matériel d’observation, fondé sur un mensonge, devrait être écarté du dossier.

Dans l’arrêt Vukota-Bojic, la CourEDH a jugé de la conformité à la CEDH de la surveillance effectuée par un détective mandaté par un assureur-accidents (social). Elle a considéré que les art. 28 et 43 LPGA, ainsi que l’art. 96 LAA, ne constituent pas une base légale suffisante pour l’observation, nonobstant la protection de la personnalité et du domaine privé conférée par les art. 28 CC et 179quater CP, de sorte qu’elle a conclu à une violation de l’art. 8 CEDH (droit au respect de la vie privée; § 72 ss de l’arrêt Vukota-Bojic). En revanche, la CourEDH a nié que l’utilisation des résultats de la surveillance par l’assureur-accidents violât l’art. 6 CEDH (droit à un procès équitable). Elle a considéré comme déterminant que ces résultats n’avaient pas été seuls décisifs pour évaluer le droit à la prestation dans le cadre de la procédure du droit des assurances sociales en question et que la personne assurée avait eu la possibilité de les contester, notamment sous l’angle de leur authenticité et de leur utilisation (dans une procédure litigieuse). La qualité probatoire du moyen en cause, soit le point de savoir s’il est propre à servir de preuve, sa force probatoire, ainsi que les circonstances dans lesquelles la preuve a été récoltée et l’influence de celle-ci sur l’issue de la procédure ont également été considérées comme importantes (§ 91 ss de l’arrêt Vukota-Bojic).

De son côté, à la lumière des considérations de l’arrêt Vukota-Bojic, le Tribunal fédéral a jugé désormais que l’art. 59 al. 5 LAI, selon lequel « les offices AI peuvent faire appel à des spécialistes pour lutter contre la perception indue de prestations », ne constitue pas une base légale suffisante qui réglerait de manière étendue, claire et détaillée la surveillance secrète également dans le domaine de l’assurance-invalidité. En conséquence, une telle mesure de surveillance, qu’elle soit mise en œuvre par l’assureur-accidents ou l’office AI, porte atteinte à l’art. 8 CEDH, respectivement à l’art. 13 Cst. qui a une portée pour l’essentiel identique. Dans cette mesure, la jurisprudence publiée in ATF 137 I 327 ne peut être maintenue (ATF 9C_806/2016 du 14 juillet 2017 consid. 4).

Il convient dès lors de constater que la surveillance menée est en l’espèce contraire au droit, parce qu’elle a été effectuée en violation des droits garantis par les art. 8 CEDH et 13 Cst.

 

Examen du sort de la preuve illicite

L’examen du sort de la preuve illicite doit toutefois être effectué au regard uniquement du droit suisse, la CourEDH vérifiant seulement si une procédure dans son ensemble peut être considérée comme équitable au sens de l’art. 6 CEDH. A cet égard, dans le récent ATF 9C_806/2016 cité, le Tribunal fédéral a retenu pour l’essentiel qu’il est en principe admissible d’exploiter les résultats de la surveillance (et, de ce fait, d’autres preuves fondées sur ceux-ci), à moins qu’il ne résulte de la pesée des intérêts en présence que les intérêts privés prévalent sur les intérêts publics. Il a précisé, à la lumière de l’exigence relative au caractère équitable de la procédure, qu’une vidéo contrevenant à l’art. 8 CEDH est exploitable, pour autant que les actes de la personne concernée qui ont été enregistrés aient été effectués de sa propre initiative et sans influence extérieure, et qu’aucun piège ne lui ait été tendu (ATF 9C_806/2016 consid. 5.1.1; voir aussi à ce sujet MARGIT MOSER-SZELESS, La surveillance comme moyen de preuve en assurance sociale, RSAS 57/2013 p. 129 ss, plus spécialement p. 153). Il a par ailleurs considéré qu’il y a bien lieu, en droit des assurances sociales, de partir du principe d’une interdiction absolue d’exploiter le moyen de preuve, dans la mesure où il s’agit d’une preuve obtenue dans un lieu ne constituant pas un espace public librement visible sans difficulté, situation dont le Tribunal fédéral n’avait toutefois pas à juger (ATF 9C_806/2016 consid. 5.1.3, avec référence à l’arrêt 8C_830/2011 du 9 mars 2012 consid. 6.4).

Lors de sa décision de faire dépendre le caractère exploitable des résultats de la surveillance obtenus de manière illicite d’une pesée des intérêts entre les intérêts privés et publics, le Tribunal fédéral a considéré comme déterminant, entre autres éléments, qu’il devrait rapidement être remédié à l’absence d’une base légale suffisante sous tous les aspects (ATF 9C_806/2016 consid. 5.1.1 cité, avec référence au Rapport explicatif de l’OFAS, du 22 février 2017, relatif à l’ouverture de la procédure de consultation concernant la révision de la LPGA, ch. 1.2.1.3, p. 5 s.). Du point de vue juridique, il s’est par ailleurs référé à l’art. 152 al. 2 du Code de procédure civile (CPC; RS 272) entré en vigueur le 1er janvier 2011 (sur cette disposition, cf. ATF 140 III 6 consid. 3.1 p. 8 s. et les références), avec lequel un domaine supplémentaire du droit de la procédure a été actualisé en plus du droit de la procédure pénale.

De plus, la solution reposant sur une pesée des intérêts entrant en considération, qui est donc applicable dans le domaine de la procédure administrative en matière de droit des assurances sociales, correspond, du point de vue de son contenu, à la conception voulue par le législateur dans le domaine du droit civil selon l’art. 28 al. 2 CC. Elle est également compatible avec les avis de la doctrine en matière de droit public (cf. KÖLZ/HÄNER/BERTSCHI, Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 3 ème éd. 2013, p. 169 n. 481), selon lesquels, dans ce cadre, est également réservée – en plus de la pesée des intérêts -, l’intangibilité de l’essence des droits fondamentaux (arrêt 8C_735/2016 du 27 juillet 2017 consid. 5.3.5).

 

Examen du caractère exploitable du matériel d’observation

Dans son rapport du 28.07.2014, le détective commence par expliquer que le site internet de l’assurée fait état de deux chambres d’hôtes ouvertes d’avril à octobre. Au vu de la disposition particulièrement isolée du domicile de l’assurée, il a donc réservé une chambre pour deux adultes et un enfant de cinq ans.

Le lieu où s’est opérée la surveillance est une maison d’hôtes destinée à accueillir des clients. Cependant, à la différence d’un restaurant, par exemple (cf. arrêt U 589/06 du 21 décembre 2007), il est douteux qu’une maison d’hôte, qui se caractérise par la mise à disposition à des touristes de chambres meublées chez l’habitant et qui implique souvent la prise des repas en commun, puisse être considérée comme un espace public. Dans cette mesure, les locaux internes de la maison, en particulier la cuisine, ne sauraient être considérés sans autres comme un espace public librement visible, de sorte que l’exploitation des observations qui y ont été effectuées n’apparaît pas satisfaire aux exigences relatives au caractère équitable de la procédure. En ce qui concerne les activités de l’assurée qui ont été filmées à l’extérieur des bâtiments, elles peuvent être prises en considération. La surveillance a porté ici sur des activités somme toute banales et quotidiennes de l’assurée, qui relèvent de l’exploitation normale d’une maison d’hôtes en campagne. Il n’est pas établi que l’intéressée ait été amenée à accomplir des actes qu’elle n’aurait pas faits autrement. On ne peut pas retenir que le détective ait exigé d’elle des attitudes ou prestations particulières en sortant ainsi de son rôle d’observateur.

Les séquences vidéo qui ont été soumises au médecin-expert sont pleinement suffisantes pour lui permettre de se prononcer en connaissance de cause sur l’état de santé et la capacité de travail de l’intéressée en relation avec l’utilisation de sa main gauche (ATF 137 I 327 consid. 7.1 p. 337; arrêts 9C_689/2016 du 12 mai 2017 consid. 4.1; 8C_434/2011 du 8 décembre 2011 consid. 4.2). Dans son rapport complémentaire, le médecin-expert s’est expliqué sur les raisons de son revirement en reconnaissant qu’il avait accordé lors de l’expertise « un crédit manifestement erroné aux allégations de (la) patiente ». Par ailleurs, il n’était pas nécessaire que le médecin-expert convoquât à nouveau l’intéressée. Celle-ci a eu du reste l’occasion de s’exprimer sur le résultat de l’observation et sur le rapport complémentaire du médecin-expert. Il faut ainsi admettre, à l’instar de celui-ci, que l’assurée serait capable d’exercer pleinement et sans limitation sa profession de secrétaire médicale.

Enfin, il est admissible d’exploiter ces éléments de fait ressortant de la surveillance du moment qu’il ne résulte pas de la pesée des intérêts en présence que les intérêts privés prévalent sur les intérêts publics. En effet, interpellée par l’assureur au sujet de l’atelier de Patchwork et de la maison d’hôtes pour lesquels elle faisait de la publicité sur son profil Facebook, l’intéressée n’a pas apporté des réponses susceptibles de lever les doutes concernant ses capacités réelles d’utiliser sa main. Face à ce manque évident de collaboration, il existe un intérêt public prépondérant à empêcher le versement de prestations – en l’occurrence importantes – indues. Par ailleurs, le fait que l’observation a eu lieu à l’étranger n’interdit pas en principe l’exploitation de ses résultats. A cet égard, il convient de rappeler que l’examen du sort de la preuve illicite doit être effectué au regard uniquement du droit suisse (arrêt 8C_239/2008 du 17 décembre 2009 consid. 6.4.2).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_570/2016 consultable ici : https://bit.ly/2HiNc6d

 

 

6B_326/2017 (f) du 20.11.2017 – Excès de vitesse à l’intérieur des localités – 90 al. 2 LCR / Notion de « intérieur des localités »

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_326/2017 (f) du 20.11.2017

 

Consultable ici : https://bit.ly/2HNA8Fo

 

Excès de vitesse à l’intérieur des localités / 90 al. 2 LCR

Notion de « intérieur des localités »

 

Le 26.05.2015 vers 15 h, X.__ a circulé à une vitesse de 85 km/h, marge de sécurité déduite, sur un tronçon où la vitesse était limitée à 60 km/h.

Par jugement du 11.10.2016, le Tribunal de police l’a reconnu coupable de violation grave des règles de la circulation routière et l’a condamné à une peine de 20 jours-amende à 100 francs, confirmé par la Cour d’appel pénale.

 

TF

Dans le domaine des excès de vitesse, la jurisprudence, afin d’assurer l’égalité de traitement, a été amenée à fixer des règles précises. Ainsi, le cas est objectivement grave, c’est-à-dire sans égard aux circonstances concrètes, lorsque le dépassement de la vitesse autorisée est de 25 km/h ou plus à l’intérieur des localités (ATF 132 II 234 consid. 3.1 p. 237 s.; 124 II 259 consid. 2b p. 261 ss). Une limitation à 60 km/h au lieu de 50 km/h ne justifie pas de s’écarter du seuil habituel de 25 km/h à partir duquel un dépassement de la vitesse autorisée doit être considéré comme une violation objectivement grave des règles de la circulation (cf. arrêt 6B_3/2014 du 28 avril 2014 consid. 1.2 et 6A.81/2006 du 22 décembre 2006 consid. 4.3 et 4.4). Le conducteur qui dépasse de manière aussi caractérisée la vitesse autorisée agit intentionnellement ou à tout le moins par négligence grossière. Il existe un lien étroit entre la violation objectivement grave et l’absence de scrupule sous l’angle subjectif, sous réserve d’indices contraires spécifiques (cf. arrêt 6B_3/2014 du 28 avril 2014 consid. 1.1).

Dans un de ses griefs, l’automobiliste soutient que c’est la signalisation routière qui est déterminante pour savoir si un excès de vitesse a été commis en localité. Il invoque l’ATF 126 II 196 consid. 2b p. 199 s., dans lequel le Tribunal fédéral a cassé une décision qui considérait que l’infraction avait été commise hors localité car il s’agissait d’un petit hameau composé d’une dizaine de bâtiments dont seule la moitié se trouvait à proximité immédiate de la route. Le Tribunal fédéral a relevé que le dépassement de vitesse avait été commis dans une zone signalisée comme se trouvant dans une localité (indiquée par le signal « vitesse maximale, Limite générale »), de sorte qu’admettre qu’on se trouvait hors localité revenait à faire abstraction de la signalisation routière mise en place (ATF 126 II 196 consid. 2b p. 200). Cela n’implique pas que la présence d’une telle signalisation soit la seule hypothèse dans laquelle on doit admettre que l’excès de vitesse a été commis en localité.

En l’espèce, la cour cantonale a constaté que l’excès de vitesse imputé à l’automobiliste a été commis dans une zone urbanisée ou « densément construite » et où la vitesse maximale autorisée est de 60 km/h. Cela suffit pour que le dépassement de 25 km/h de cette vitesse maximale commis par le recourant constitue une violation objectivement grave des règles de la circulation.

 

Le TF rejette le recours de l’automobiliste.

 

 

Arrêt 6B_326/2017 consultable ici : https://bit.ly/2HNA8Fo

 

 

9C_218/2017 (f) du 27.10.2017 – Prestations complémentaires – Remboursement des frais d’aide, de soins et d’assistance à domicile – 3 al. 1 let. b LPC – 14 LPC / Allocation pour impotent de degré faible au moment de l’âge AVS – Montant-limite de remboursement

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_218/2017 (f) du 27.10.2017

 

Consultable ici : https://bit.ly/2qQZmcf

 

Prestations complémentaires – Remboursement des frais d’aide, de soins et d’assistance à domicile / 3 al. 1 let. b LPC – 14 LPC

Allocation pour impotent de degré faible au moment de l’âge AVS – Montant-limite de remboursement

 

Assurée, née en 1929, au bénéfice d’une allocation pour impotent de degré faible de l’assurance-invalidité depuis le 01.08.1983 en raison de cécité. Cette prestation a été reconduite dans le régime de l’assurance-vieillesse et survivants à partir du 01.02.1991. Dans le cadre de révisions d’office, l’assurée a été mise au bénéfice d’une allocation pour impotent de degré moyen dès le 01.01.1994 et de degré grave dès le 01.01.2015.

Par décisions des 16.11.2012 et 24.07.2015, la caisse de compensation a rejeté les demandes successives de prestations complémentaires. Par décision du 04.12.2015, confirmée sur opposition, elle a en revanche reconnu le droit de l’assurée au remboursement de ses frais d’assistance à partir du 01.02.2014, jusqu’à concurrence d’un montant annuel de 24’000 fr., soit 2’000 fr. par mois.

 

Procédure cantonale

Au moment d’atteindre l’âge ouvrant le droit à la rente AVS, l’assurée bénéficiait d’une allocation pour impotent de degré faible de l’AI. Les juges cantonaux ont ainsi considéré que dans la mesure où l’assurée ne percevait pas d’allocation pour impotent de degré moyen ou grave de la part de l’AI avant d’atteindre l’âge donnant droit à la rente de vieillesse, elle ne remplissait pas les conditions légales pour bénéficier de l’augmentation du montant minimal des frais remboursables au sens de l’art. 14 al. 4 et 5 LPC.

Par jugement du 13.02.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Conformément à l’art. 14 al. 1 let. b LPC, les cantons remboursent aux bénéficiaires d’une prestation complémentaire annuelle les frais d’aide, de soins et d’assistance à domicile ou dans d’autres structures ambulatoires. Selon l’art. 14 al. 3 let. a ch. 1 LPC, ils peuvent fixer les montants maximaux des frais de maladie et d’invalidité qu’ils remboursent en plus de la prestation complémentaire annuelle. Par année, ceux-ci ne peuvent toutefois être inférieurs à 25’000 fr. pour les personnes seules ou veuves vivant à domicile.

L’art. 14 al. 4 LPC prévoit que pour les personnes vivant à domicile qui ont droit à une allocation pour impotent de l’assurance-invalidité ou de l’assurance-accidents, le montant minimal fixé à l’al. 3 let. a ch. 1 s’élève à 90’000 fr. lorsque l’impotence est grave, dans la mesure où les frais de soins et d’assistance ne sont pas couverts par l’allocation pour impotent et la contribution d’assistance de l’AVS ou de l’AI. Le Conseil fédéral règle l’augmentation de ce montant pour les personnes dont l’impotence est moyenne. Conformément à cette délégation de compétence, ce montant a été fixé à 60’000 fr. (art. 19b al. 1 de l’Ordonnance sur les prestations complémentaires [OPC; RS 831.301]).

Aux termes de l’art. 14 al. 5 LPC, l’augmentation prévue à l’al. 4 subsiste pour les personnes bénéficiant d’une allocation pour impotent de l’AVS qui percevaient auparavant une allocation pour impotent de l’assurance-invalidité. Selon le ch. 5310.03 des Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC) de l’OFAS, cette augmentation intervient lors de l’octroi d’une allocation pour impotent de l’AVS, si une allocation pour impotent de degré moyen ou grave était précédemment versée par l’assurance-invalidité.

Il résulte des art. 14 al. 4 et 5 LPC que l’augmentation du montant minimal fixé à l’art. 14 al. 3 let. a ch. 1 LPC est prévue, à certaines conditions, non seulement pour les personnes bénéficiant d’une allocation pour impotent de l’assurance-invalidité ou de l’assurance-accidents, mais également pour celles qui bénéficient d’une allocation pour impotent de l’assurance-vieillesse et survivants à la condition toutefois qu’elles « percevaient auparavant une allocation pour impotent de l’AI » (cf. aussi ATF 142 V 457 consid. 3.2 p. 461). Dans cette éventualité, la teneur de l’art. 14 al. 5 LPC ne précise pas le degré d’impotence (faible, moyen ou grave) auquel doit correspondre l’allocation pour impotent octroyée auparavant par l’assurance-invalidité pour que ladite augmentation puisse être maintenue.

Il convient d’examiner le sens de la norme au regard de son but et de la systématique légale (sur les méthodes d’interprétation de la loi par le Tribunal fédéral, ATF 140 V 227 consid. 3.2 p. 230 et les arrêts cités). L’augmentation en cause a été introduite au 1er janvier 2004 (RO 2011 5659) dans le cadre de la 4ème révision de l’assurance-invalidité. Compte tenu d’un des buts principaux de cette révision, qui était d’encourager l’autonomie des personnes présentant un handicap avec un important besoin d’assistance et de soins et souhaitant vivre en dehors d’une institution stationnaire – notamment par l’introduction d’une contribution d’assistance -, le législateur a voulu améliorer la situation des personnes subissant des limitations en raison d’une invalidité ou d’un accident, mais non celle des personnes touchées (avant tout) par une impotence liée à l’âge. En ce sens, la réglementation de l’art. 14 al. 5 LPC comprend uniquement le maintien des droits acquis, lorsque l’allocation pour impotent de l’assurance-invalidité est remplacée par celle de l’assurance-vieillesse et survivants (ATF 142 V 457 consid. 3.3.2 p. 462).

Vu la teneur de l’art. 14 al. 4 LPC et le renvoi de son al. 5 à l’alinéa précédent, il apparaît par ailleurs que la personne concernée doit avoir bénéficié d’une allocation pour impotent de degré moyen ou grave de l’assurance-invalidité lui ouvrant le droit à l’augmentation prévue par l’art. 14 al. 4 LPC, pour que la limite supérieure de remboursement puisse être maintenue une fois qu’elle a atteint l’âge ouvrant le droit à une rente de vieillesse, et que l’allocation pour impotent est alors de ce fait versée par l’assurance-vieillesse et survivants. Seules les personnes au bénéfice (préalable) d’une allocation pour impotent de degré moyen ou grave de l’assurance-invalidité ouvrant le droit à l’augmentation du montant minimal fixé à l’art. 14 al. 3 LPC (art. 14 al. 4 LPC) continuent à en bénéficier une fois qu’elles ont atteint l’âge de la retraite et que ladite allocation est désormais versée par l’assurance-vieillesse et survivants. C’est en ce sens que doivent être compris les termes « l’augmentation prévue à l’al. 4 subsiste ».

Au regard du sens et du but de l’art. 14 al. 4 et 5 LPC dégagés ci-avant, l’assurée ne saurait être suivie lorsqu’elle reproche à la juridiction cantonale un traitement différent de situations semblables, en ce sens qu’une personne souffrant des mêmes troubles qu’elle mais dont le degré d’impotence serait devenu moyen ou grave juste avant d’atteindre l’âge ouvrant le droit à une rente de vieillesse pourrait bénéficier de l’augmentation prévue à l’art. 14 al. 4 LPC, contrairement à elle dont le degré d’impotence est devenu moyen puis grave après avoir atteint l’âge ouvrant le droit à une rente de vieillesse. Le législateur a volontairement fait du facteur temporel – moment à partir duquel la personne concernée bénéficie d’une allocation pour impotent de degré moyen ou grave, soit avant d’atteindre l’âge de la retraite ou à un moment où une activité lucrative n’est en principe plus exercée – le critère décisif pour que soit accordée ou non l’augmentation du montant-limite de remboursement. Alors que l’impotence chez des personnes relativement jeunes constitue l’exception, les facultés de prendre soin de soi-même de manière indépendante baissent en règle générale avec l’avancement de l’âge et le besoin d’assistance augmente. Il s’agit donc d’un facteur de distinction justifié, de sorte que la règle de l’art. 14 al. 5 LPC est fondée sur un motif suffisant et ne constitue pas respectivement une inégalité de traitement inadmissible ou une discrimination (ATF 142 V 457 consid. 3.4.1) En l’occurrence, le degré d’impotence de la recourante étant passé de faible à moyen, puis à grave, après l’ouverture du droit à la rente de l’assurance-vieillesse et survivants, on ne peut exclure que le facteur de l’âge ait eu une influence déterminante, son affirmation relative à une aggravation qui ne serait pas due « en raison de son âge » n’étant eu demeurant nullement étayée.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée (au sujet de l’art. 14 LPC).

 

 

Arrêt 9C_218/2017 consultable ici : https://bit.ly/2qQZmcf

 

 

9C_588/2017 (f) du 21.11.2017 – Responsabilité de l’employeur – Non-paiement de cotisations sociales – Organes d’une société anonyme et organe de fait – 52 LAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_588/2017 (f) du 21.11.2017

 

Consultable ici : https://bit.ly/2Hmi6uL

 

Responsabilité de l’employeur – Non-paiement de cotisations sociales – Organes d’une société anonyme et organe de fait – 52 LAVS

 

Société fondée en 2007, affiliée en tant qu’employeur pour le paiement des cotisations sociales à la caisse de compensation dès le 01.01.2011. Elle a été dissoute par suite de faillite prononcée par jugement du 03.06.2015. A.__ en était l’administratrice, avec signature individuelle. C.__ et D.__ en ont été les directeurs, avec signature collective à deux, le premier jusqu’au 04.03.2009, le second ayant par la suite disposé de la signature individuelle jusqu’au 29.03.2011.

Par décision du 28.06.2016, confirmée sur opposition, la caisse de compensation a réclamé à A.__, en sa qualité d’administratrice de la société, la somme de 47’866 fr. 45 à titre de réparation pour le dommage subi à la suite du non-paiement de cotisations sociales afférentes aux années 2011 à 2015.

 

Procédure cantonale (arrêt AVS 28/16 – 42/2017 – consultable ici : https://bit.ly/2JlDixA)

La cour cantonale a considéré que A.__ avait commis en sa qualité d’organe formel de la société faillie une négligence grave au sens de l’art. 52 LAVS, entraînant ainsi son obligation de réparer le dommage de 47’866 fr. 45 subi par la caisse de compensation en raison du non-paiement des cotisations dues pour les années 2011 à 2015. Elle a en outre nié l’existence d’une créance compensatoire de A.__ envers la caisse de compensation et renoncé à entendre D.__.

Par jugement du 02.08.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le jugement attaqué expose de manière complète les dispositions légales et les principes jurisprudentiels applicables en matière de responsabilité de l’employeur au sens de l’art. 52 LAVS, en particulier en ce qui concerne les organes d’une société anonyme et l’organe de fait (ATF 132 III 523 consid. 4.5 p. 528 et les références), de telle sorte qu’il suffit d’y renvoyer.

Il existe certains motifs de nature à justifier ou à excuser le comportement fautif de l’employeur au sens de l’art. 52 LAVS (ATF 108 V 183 consid. 1b p. 186; arrêts H 28/88 du 21 août 1985 consid. 2 et H 8/85 du 30 mai 1985 consid. 3a, in RCC 1985 p. 603 et 647). Cependant, s’il peut arriver qu’un employeur parvienne à maintenir son entreprise en vie, par exemple lors d’une passe délicate dans la trésorerie, en retardant le paiement de cotisations, il faut encore, pour qu’un tel comportement ne tombe pas ultérieurement sous le coup de l’art. 52 LAVS, que l’on puisse admettre que celui-ci avait, au moment où il a pris sa décision, des raisons sérieuses et objectives de penser qu’il pourrait s’acquitter des cotisations dues dans un délai raisonnable (ATF 108 V 183 consid. 2 p. 188, confirmé dans ATF 121 V 243; cf. aussi arrêt 9C_338/2007 du 21 avril 2008 consid. 3.1). En l’occurrence, ces conditions ne sont pas remplies.

Le fait d’injecter de l’argent dans la société, comme A.__ prétend l’avoir fait à de nombreuses reprises, ne constitue pas un motif d’exculpation suffisant. Si cette démarche était en théorie susceptible de conduire à l’assainissement de la société, il n’en demeure pas moins que les différents investissements se seraient succédés au cours d’une période prolongée dans le temps. Cela démontre que les difficultés financières rencontrées par la société n’étaient pas passagères. Cet élément est du reste corroboré par les constatations des premiers juges, selon lesquels le retard accumulé dans le versement des cotisations sociales était constant, de 2011 jusqu’à la faillite de la société en juin 2015.

Par ailleurs, une seule expectative de retour à meilleure fortune ne saurait non plus être considérée comme une raison sérieuse et objective de penser que l’arriéré de cotisations pourrait être comblé dans un délai raisonnable. Tel est le cas de la démarche invoquée par la recourante en relation avec la plainte pénale déposée contre C.__ en 2009 et complétée en 2010 dans le but de récupérer de l’argent qui aurait été détourné, cette plainte n’ayant au demeurant apparemment pas conduit au remboursement escompté. De plus, selon les constatations de la juridiction de première instance, les malversations reprochées à C.__ se sont produites entre 2007 et 2009, soit bien antérieurement à la période à laquelle se rapportent les cotisations sociales litigieuses. La mention de la société sur une liste des cent meilleures startups ou des dix startups invitées par la Confédération à partir en Chine pour développer leurs affaires commerciales ne constitue pas non plus une raison objective et sérieuse de penser que la société disposerait des moyens financiers lui permettant de s’acquitter des cotisations dans un délai raisonnable.

En sa qualité d’administratrice, c’est à elle seule qu’appartenait le pouvoir de prendre les décisions concernant la poursuite des activités de la société. De surcroît, l’acquiescement de la caisse de compensation au plan de paiement ne saurait être considéré comme une assurance concrète et objective selon laquelle la situation économique de la société allait nécessairement se stabiliser dans un laps de temps déterminé.

 

 

Le TF rejette le recours de A.__.

 

Arrêt 9C_588/2017 consultable ici : https://bit.ly/2Hmi6uL

 

 

8C_601/2017 (f) du 27.03.2018 – Lien de causalité naturelle entre lésions physiques (épaule) et l’accident /Lien de causalité adéquate entre troubles psychiques et l’accident – Dispute entre ex-époux – 6 LAA / Examen des critères du caractère particulièrement dramatique ou impressionnant, des douleurs persistantes et de l’incapacité de travail

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_601/2017 (f) du 27.03.2018

 

Consultable ici : https://bit.ly/2HHPiw0

 

Lien de causalité naturelle entre lésions physiques (épaule) et l’accident / 6 LAA

Lien de causalité adéquate entre troubles psychiques et l’accident – Dispute entre ex-époux / 6 LAA

Examen des critères du caractère particulièrement dramatique ou impressionnant, des douleurs persistantes et de l’incapacité de travail

 

Assurée, travaillant à mi-temps comme conseillère et représentante, a été victime d’un accident le 13.03.2014 : son ex-époux s’est rendu au domicile de l’assurée, pour prendre en charge leur fille. Alors qu’il était au volant de sa voiture à l’arrêt et que l’assurée se trouvait debout dans l’encadrement de la portière avant côté passager qui était ouverte, une dispute a éclaté entre les ex-époux. Fâché, l’ex-mari a démarré son véhicule et entrepris une marche arrière. A la suite de cette manœuvre, l’assurée, qui n’a pas eu le temps de s’écarter, a été percutée par la portière de la voiture, et a chuté en arrière sur le sol. L’ex-mari a quitté les lieux sans lui porter secours.

Diagnostics posés le jour même par le médecin traitant : commotion cérébrale légère, contusion de la sphère maxillo-faciale et du poignet gauche, entorse de l’articulation acromio-claviculaire gauche. Incapacité de travail de 100% dès l’accident. Evolution des maux de tête et du poignet rapidement favorable. En revanche, l’assurée s’est plainte de problèmes de concentration et de douleurs persistantes à l’épaule gauche. Elle a également entamé un suivi psychologique pour un état anxio-dépressif réactionnel.

IRM de l’épaule le 26.05.2014 : signes évocateurs d’une luxation acromio-claviculaire Tossy II-III, mais pas de lésion de la coiffe. Après examen de l’assurée le 23.01.2015, le médecin-conseil a maintenu l’incapacité de travail. Arthro-IRM de l’épaule le 08.04.2015 : séquelle d’hémarthrose avec persistance d’un épanchement et de discrets remaniements dégénératifs, pas de déchirure des tendons de la coiffe, ni de déchirure des ligaments coraco-claviculaires. Lors de l’examen du 30.11.2015, le médecin-conseil a conclu que le syndrome douloureux à l’épaule gauche ne pouvait pas être mis en relation avec une lésion structurelle imputable à l’accident assuré; par ailleurs, aucun élément médical ne montrait que la capacité de travail dans l’ancienne activité serait limitée.

Par décision du 01.12.2015, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis fin aux prestations d’assurance avec effet au 03.12.2015 en l’absence d’un lien de causalité entre les troubles à l’épaule gauche et l’accident assuré. L’assurance-accident a également nié sa responsabilité pour les troubles psychiques.

 

Dans l’intervalle, l’ex-époux a été reconnu coupable, par ordonnance pénale, de lésions corporelles simples, de lésions corporelles graves par négligence, d’injure et d’insoumission à une décision de l’autorité. Il a été condamné à un travail d’intérêt général de 360 heures avec sursis pendant 5 ans, ainsi qu’à une amende de 1’300 fr.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 06.07.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Causalité naturelle entre les troubles à l’épaule et l’accident

Dans le contexte de la suppression du droit à des prestations, la règle selon laquelle le fardeau de la preuve appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (RAMA 2000 n° U 363 p. 46 consid. 2 et la référence), entre seulement en considération s’il n’est pas possible, dans le cadre du principe inquisitoire, d’établir sur la base d’une appréciation des preuves un état de fait qui au degré de vraisemblance prépondérante corresponde à la réalité (ATF 117 V 261 consid. 3b p. 264 et les références). La preuve de la disparition du lien de causalité naturelle ne doit pas être apportée par la preuve de facteurs étrangers à l’accident. Il est encore moins question d’exiger de l’assureur-accidents la preuve négative, qu’aucune atteinte à la santé ne subsiste plus ou que la personne assurée est dorénavant en parfaite santé. Est seul décisif le point de savoir si les causes accidentelles d’une atteinte à la santé ne jouent plus de rôle et doivent ainsi être considérées comme ayant disparu (voir les arrêts 8C_464/2014 du 17 juillet 2015 consid. 3.3 et 8C_86/2009 du 17 juin 2009 consid. 4).

Il ressort des examens d’imagerie que l’assurée n’a pas subi de lésion structurelle à l’épaule gauche à la suite de l’accident assuré. La suspicion d’une lésion du tendon du sous-scapulaire susceptible d’expliquer les plaintes douloureuses a pu être écartée par l’arthro-IRM. Le médecin-conseil a en outre constaté une amplitude de rotation et une abduction gléno-humérale conservées malgré les plaintes de l’assurée, ainsi qu’une absence d’atrophie musculaire et de signes objectifs indicateurs d’une lésion, ajoutant qu’il était significatif qu’une infiltration pratiquée par le médecin traitant n’a eu aucun effet sur les douleurs. Dans ces conditions, on ne voit pas de raison de douter de la fiabilité des conclusions du médecin-conseil qui reposent sur un examen clinique effectué sur la base d’épreuves diagnostiques reconnues ainsi que sur l’ensemble de la documentation radiologique et d’imagerie. A lui seul, le fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu’après la survenance d’un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec l’accident (raisonnement « post hoc, ergo propter hoc »; cf. ATF 119 V 335 consid. 2b/bb p. 341 s.; RAMA 1999 n° U 341 p. 408 s., consid. 3b). La juridiction cantonale pouvait donc s’en tenir à l’avis du médecin-conseil et, sur cette base, nier l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’accident du 13.03.2014 et les troubles à l’épaule gauche persistant au-delà du 03.12.2015.

 

Causalité adéquate entre les troubles psychiques et l’accident

Classification de l’accident

La cour cantonale a qualifié l’événement comme un accident moyen à la limite des cas de peu de gravité.

Pour procéder à la classification de l’accident dans l’une des trois catégories prévues par la jurisprudence, il faut uniquement se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même. Sont déterminantes les forces générées par l’accident et non pas les conséquences qui en résultent. Aussi faut-il faire abstraction des circonstances dénuées d’impact sur les forces biomécaniques qui sont de nature à exercer exclusivement une influence sur le ressenti de la victime (cf. arrêt 8C_560/2015 du 29 avril 2016 consid. 4.3.2), comme le fait en l’occurrence que l’ex-mari de l’assurée a volontairement enclenché la marche arrière de son véhicule sans considération pour son ex-épouse.

En l’espèce, l’assurée, heurtée par la portière ouverte, est tombée en arrière de sa hauteur sur le sol, ce qui lui a causé les lésions concernées. La voiture conduite par son ex-mari ne lui a pas « roulé dessus » comme elle l’affirme dans son recours. Il en serait résulté des blessures par écrasement, ce qui n’a pas été le cas. Dans cette mesure, on peut se rallier à la qualification retenue par la juridiction cantonale.

 

Caractère particulièrement dramatique ou impressionnant

L’accident n’a pas présenté d’un point de vue objectif un caractère particulièrement dramatique ou impressionnant, quand bien même l’ex-mari a fait preuve d’un comportement indigne envers son ex-épouse pour lequel il a d’ailleurs été condamné pénalement.

En effet, ce critère aussi s’examine sur la base d’une appréciation objective des circonstances d’espèce et non pas en fonction du ressenti subjectif de l’assurée.

 

Critère des douleurs persistantes

Quant au critère des douleurs persistantes, on précisera qu’il faut que des douleurs importantes aient existé sans interruption notable durant tout le temps écoulé entre l’accident et la clôture du cas (art. 19 al. 1 LAA). L’intensité des douleurs est examiné au regard de leur crédibilité, ainsi que de l’empêchement qu’elles entraînent dans la vie quotidienne (ATF 134 V 109 consid. 10.2.4 p. 128). Or, à l’issue de son examen, le médecin-conseil n’a observé aucune atrophie musculaire du côté gauche nonobstant le fait que l’assurée se plaignait d’une mobilité fortement diminuée. Il n’est donc pas établi que l’assurée aurait été constamment et de manière significative entravée dans sa vie quotidienne en raison de ses douleurs.

 

Critère du degré et de la durée particulièrement longue de l’incapacité de travail

Le critère du degré et de la durée particulièrement longue de l’incapacité de travail, qui doit se rapporter aux seules lésions physiques, ne peut manifestement pas être retenu au vu de l’appréciation à ce sujet du médecin-conseil.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_601/2017 consultable ici : https://bit.ly/2HHPiw0

 

 

9C_481/2017 (f) du 01.12.2017 – Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique – 16 LPGA / Capacité à réintégrer le marché équilibré du travail

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_481/2017 (f) du 01.12.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2ptfSxD

 

Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique / 16 LPGA

Capacité à réintégrer le marché équilibré du travail

 

 

Demande AI le 19.03.2010 d’une assurée, née en 1957, rejetée par décision du 09.01.2013.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/462/2017 – consultable ici : http://bit.ly/2FXhgQf)

Le tribunal cantonal a considéré que l’abattement de 10% – admis par l’office recourant pour tenir compte des limitations fonctionnelles et du genre d’activité exigible (légère) – n’était pas suffisant et devait être porté à 25%. Parmi les circonstances personnelles et professionnelles à prendre en compte, il a retenu que l’assurée était âgée de 55 ans quand la décision litigieuse avait été rendue, qu’elle disposait d’une capacité de travail de 60% exigible seulement dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles, que ces dernières diminuaient les chances de réinsertion professionnelle de l’assurée, qu’au moment de la survenance de l’incapacité de travail, celle-ci travaillait depuis six ans pour la « Fondation des services d’aide et de soins à domicile » et qu’elle ne pouvait mettre en valeur son expérience dans les métiers de serveuse et de nettoyeuse, seules activités déjà exercées qui n’étaient désormais plus adaptées à sa situation.

Par jugement du 06.06.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal, admission partielle du recours. Le tribunal cantonal a annulé la décision litigieuse et reconnu le droit de l’assurée à un quart de rente d’invalidité depuis le mois d’avril 2011.

 

TF

Divers éléments peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative. Il s’agit de circonstances personnelles et professionnelles, exhaustivement énumérées par la jurisprudence (les limitations fonctionnelles liées au handicap, l’âge, les années de service, la nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et le taux d’occupation), dont il y a lieu de tenir compte au moment de la détermination du revenu hypothétique d’invalide au moyen de salaires statistiques par une déduction globale maximale de 25% (cf. ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79 s.).

Savoir s’il convient de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison des circonstances du cas particulier est une question de droit que le Tribunal fédéral peut revoir librement.

En revanche, l’étendue de l’abattement dans un cas particulier est une question relevant du pouvoir d’appréciation, dont le Tribunal fédéral ne peut être saisi que lorsque l’autorité judiciaire précédente a exercé son pouvoir de manière contraire au droit, soit seulement lorsque celle-ci a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou un excès négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou si elle en a abusé (« Ermessensmissbrauch »), notamment en retenant des critères inappropriés ou en en omettant des objectifs, et en ne tenant pas (entièrement) compte des circonstances pertinentes. Une violation des principes généraux du droit, tels que l’interdiction de l’arbitraire ou l’égalité de traitement, constitue un abus du pouvoir d’appréciation (cf. ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72; 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).

Contrairement à celui du Tribunal fédéral, le pouvoir d’examen de l’autorité précédente n’est pas limité à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend aussi à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). Cet examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité administrative a adoptée dans le respect de son pouvoir d’appréciation et des principes généraux du droit n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge ne peut toutefois substituer sans motif pertinent sa propre appréciation à celle de l’administration, mais doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme étant la mieux appropriée (cf. ATF 137 V 71 consid. 5.2 p. 73; 126 V 75 consid. 6 p. 81).

Selon le TF, compte tenu des circonstances personnelles et professionnelles, l’autorité judiciaire précédente ne pouvait pas retenir un abattement du revenu d’invalide de 25% sans abuser de son pouvoir d’appréciation et faire preuve d’arbitraire.

Une déduction sur le montant du salaire d’invalide résultant des statistiques n’est pas automatique mais résulte d’une appréciation globale de l’effet des diverses circonstances mentionnées sur le revenu d’invalide (cf., p. ex., arrêt 9C_861/2012 du 6 février 2013 consid. 5.1.2).

L’âge d’un assuré ne constitue pas un critère qui, en soi, peut exclure que l’on exige de lui qu’il exploite sa capacité résiduelle de travail (cf., notamment, arrêt 9C_486/2013 du 2 décembre 2013 consid. 3.2.2, non publié in ATF 139 V 600). On notera encore que le tribunal cantonal n’a évoqué aucun élément qui pourrait justifier l’importance concluante de ce critère ou une influence particulièrement importante de celui-ci sur les autres circonstances du cas.

S’il a certes été établi que l’assurée ne disposait plus que d’une capacité de travail de 60% exploitable dans une activité adaptée à certaines limitations fonctionnelles, la juridiction cantonale n’a toutefois pas énoncé les raisons pour lesquelles lesdites limitations influenceraient les perspectives salariales de l’assurée et lui causeraient des inconvénients tels qu’il conviendrait de les prendre en compte dans la détermination de l’abattement, alors qu’il en avait déjà été tenu compte à l’occasion de l’appréciation de la capacité de travail.

Si les éventuelles difficultés de réinsertion mentionnées par les premiers juges pourraient être comprises comme étant un inconvénient découlant des limitations fonctionnelles, elles ne sauraient malgré tout être prises en considération en l’espèce, dans la mesure où elles n’ont été évoquées que par l’expert, spécialiste en rhumatologie, à qui il n’appartient pas de formuler ce genre d’appréciation (sur le rôle du médecin ou de l’expert, cf. ATF 125 V 351 consid. 3b/aa p. 352 s.; cf. aussi arrêt 9C_482/2008 du 18 mai 2009 consid. 4.1).

Contrairement à ce qu’a laissé entendre le tribunal cantonal, l’expérience professionnelle de l’assurée ne saurait être qualifiée de réduite dès lors que celle-ci a travaillé de longues années dans le secteur des services et du nettoyage pour le compte de divers employeurs, ce qui laisse augurer une bonne capacité à réintégrer le marché équilibré du travail, qui offre un large éventail d’activités simples et répétitives légères adaptée à la situation de l’assurée.

Les circonstances décrites suffisent déjà à écarter l’abattement de 25%, sans qu’il ne soit utile ou nécessaire d’analyser celles qui restent ni de fixer précisément la réduction du revenu d’invalide dès lors qu’un taux de 20% intégré au calcul de comparaison des revenus réalisé par la juridiction cantonale ne donne déjà plus droit à un quart de rente.

 

Le TF admet le recours de l’office AI, annule le jugement cantonal et confirme la décision de l’office AI du 09.01.2013.

 

 

Arrêt 9C_481/2017 consultable ici : http://bit.ly/2ptfSxD

 

 

8C_538/2017 (f) du 30.11.2017 – Opposition tardive – Restitution du délai – Empêchement non fautif nié – 41 LPGA / Preuve de la capacité de discernement – 16 CC

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_538/2017 (f) du 30.11.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2DJtIBb

 

Opposition tardive – Restitution du délai – Empêchement non fautif nié / 41 LPGA

Preuve de la capacité de discernement / 16 CC

 

Par décision du 02.12.2016, l’assurance-accidents a supprimé, avec effet au 01.01.2017, les prestations qu’elle allouait à l’assuré pour les suites d’un accident survenu le 17.07.2015.

L’envoi postal recommandé de la décision n’ayant pas été retiré à l’issue du délai de garde, l’assurance-accidents a envoyé le 06.01.2017 une deuxième notification sous pli simple en informant l’assuré que cet envoi ne modifiait pas le délai de recours légal et qu’une éventuelle opposition devait donc être formée dans les 30 jours à compter de la date de notification du premier envoi.

Le 06.02.2017, l’assuré s’est opposé oralement à la décision. Il a fait valoir que depuis l’accident il n’arrivait plus à gérer son quotidien et qu’il avait par ailleurs perdu son trousseau de clés, de sorte qu’il n’avait que récemment eu accès à sa boîte aux lettres et pris connaissance de la décision litigieuse.

Par décision sur opposition du 10.02.2017, l’assureur-accidents a déclaré l’opposition irrecevable pour cause de tardiveté.

Par courriel du 11.02.2017, la médecin traitant, spécialiste en médecine interne, a fait parvenir à l’assureur-accidents un avis médical, daté du 10.02.2017, dont il ressort que l’assuré avait du mal à gérer seul ses affaires. Il souffrait de multiples troubles depuis son accident et les personnes qui l’assistaient habituellement n’avaient pas pu lui prêter leur concours pour contester la décision dès lors qu’elles étaient absentes durant le délai d’opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/535/2017 – consultable ici : http://bit.ly/2IDiySa)

La juridiction cantonale a retenu qu’en raison d’une capacité de discernement en partie altérée au moment de la notification de la décision, l’assuré avait été empêché, sans faute de sa part, de former opposition contre cette décision ou de charger un tiers d’agir à sa place. Elle s’est fondée sur les observations du médecin traitant du 10.02.2017, dont il ressortait qu’avant son accident l’assuré était en bonne forme habituelle et qu’il souffrait désormais de céphalées, vertiges, troubles de la concentration et du comportement ainsi que d’hypersomnie. Il se trouvait en outre « actuellement » en grande difficulté pour gérer ses affaires car son épouse – qui l’assistait habituellement – était en suivi médical en Espagne depuis la fin du mois de décembre 2016 et le couple d’amis qui l’aidait également dans ses démarches administratives était absent pour une période de deux à trois mois. Le tribunal cantonal a considéré qu’étant en présence d’un empêchement non fautif au sens de l’art. 41 LPGA, le délai d’opposition devait être restitué à l’assuré.

Par jugement du 26.06.2017, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Restitution du délai – Empêchement non fautif – 41 LPGA

Par maladie mentale (en tant que cause pouvant altérer la capacité d’agir raisonnablement selon l’art. 16 CC) il faut entendre des troubles psychiques durables et caractérisés, ayant sur le comportement extérieur du sujet des conséquences évidentes, qualitativement et profondément déconcertantes pour un profane averti (ATF 117 II 231 consid. 2a in fine p. 233/234; voir aussi l’arrêt 9C_209/2012 du 26 juin 2012 consid. 3.3). La preuve de la capacité de discernement pouvant se révéler difficile à apporter, la pratique considère que celle-ci doit en principe être présumée, sur la base de l’expérience générale de la vie. Cette présomption n’existe toutefois que s’il n’y a pas de raison générale de mettre en doute la capacité de discernement de la personne concernée, ce qui est le cas des adultes qui ne sont pas atteints de maladie mentale ou de faiblesse d’esprit, à savoir des états anormaux suffisamment graves pour altérer effectivement la faculté d’agir raisonnablement en relation avec l’acte considéré. Pour ces derniers, la présomption est inversée et va dans le sens d’une incapacité de discernement (ATF 134 II 235 consid. 4.3.3 p. 240 et les références).

 

Il convient d’admettre que les rapports médicaux présents au dossier – dont aucun ne fait état d’une incapacité de discernement – ne décrivent pas des troubles qui, par leur gravité, étaient susceptibles d’empêcher l’assuré de contester la décision pendant toute la durée du délai d’opposition de 30 jours.

De plus, l’assuré a été en mesure, durant ce même délai, de requérir par téléphone la transmission de ses trois dernières fiches de salaire à l’assurance-accidents. On peut donc admettre qu’il était capable de procéder à des actes de gestion administrative sans être empêché par son état de santé déficient (cf. arrêt 5A_896/2012 du 10 janvier 2013 consid. 3.4).

Au demeurant, après avoir pris connaissance de la décision litigieuse, il s’est rendu dans les locaux de l’assurance-accidents afin de s’y opposer. Cette circonstance tend à démontrer qu’il était capable de saisir la portée d’une telle décision, qu’il avait compris la nécessité de s’y opposer et était conscient qu’il devait agir dans un délai de 30 jours, la lettre du 06.01.2017 ayant probablement été reçue le lendemain, au plus tôt. Comme l’a indiqué l’assureur-accidents, cette communication ne faisait toutefois pas partir un nouveau délai d’opposition (cf. arrêt 5A_332/2016 du 17 août 2016 consid. 2.2.3 et les références citées).

Contrairement à ce qu’a retenu la juridiction cantonale, on ne peut donc pas déduire du rapport médical du médecin traitant que les deux interventions auprès de l’assurance-accidents ne constituaient que des manifestations sporadiques de lucidité. Enfin, et en tout état de cause, l’état de santé de l’assuré ne l’empêchait pas de recourir à temps aux services d’un tiers. L’allégation selon laquelle les proches qui l’assistaient habituellement dans ses démarches administratives étaient absents durant toute la durée du délai d’opposition ne repose sur aucun élément de preuve concret.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_538/2017 consultable ici : http://bit.ly/2DJtIBb