Archives de catégorie : Jurisprudence

8C_765/2019 (i) du 10.06.2020 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Horaire hebdomadaire de la branche – Année à prendre en compte (année de l’ESS vs année de la comparaison des revenus)

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_765/2019 (i) du 10.06.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Revenu d’invalide / 16 LPGA

Horaire hebdomadaire de la branche – Année à prendre en compte (année de l’ESS vs année de la comparaison des revenus)

Abattement de 5%

 

Le 17.12.2015, l’assuré, né en 1968, maçon, a trébuché et est tombé sur l’asphalte, se protégeant en « mettant ses mains en avant ». À la suite de cet événement, l’assuré a signalé une déchirure de la coiffe des rotateurs à droite et une minime déchirure du supra-spinatus à gauche. Une intervention et plusieurs enquêtes ont suivi.

Par décision, confirmée par opposition, l’assurance-accidents a nié le droit à une rente d’invalidité et a octroyé une IPAI de 20%. Pour le revenu d’invalide, il a été tenu compte d’un abattement de 5%, l’assuré ayant des limitations aux deux épaules, en particulier le port de poids ; les autres activités ne sont par contre pas limitées.

 

Procédure cantonale (35.2019.57)

Le tribunal cantonal a rappelé que les données statistiques les plus récentes doivent être utilisées pour statuer sur les oppositions. La juridiction cantonale a pris en compte l’expérience professionnelle acquise par l’assuré au fil des ans tant en Italie qu’en Suisse en tant que maçon, sans être titulaire d’un CFC. Il a utilisé dans ce cas le tableau ESS TA1 2016, branche 41-43 « Construction », niveau 1, hommes, rapporté sur 41,3 heures et indexé jusqu’en 2018. Dans les calculs, elle a reporté, sans raison particulière, le salaire mensuel brut moyen sur 41,4 heures. L’indexation du revenu d’invalide de 2016 à 2018 a été fait au moyen du tableau « T1.1.10 Indice des salaires nominaux, hommes, 2011-2018 ». Contrairement à l’assurance-accidents, la cour cantonale a tenu compte d’un abattement de 10%, afin de tenir compte des limitations fonctionnelles liées à l’atteinte à la santé, l’assuré ne pouvant effectuer pour l’essentiel que des travaux très légers.

Par jugement du 14.10.2019, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et octroyant à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur un taux de 12% dès le 01.07.2018.

 

TF

Horaire hebdomadaire à prendre en compte

Le premier grief se rapporte à l’horaire hebdomadaire à prendre en compte.

La durée hebdomadaire de 41,4 heures est liée aux données de 2016, alors que celle de 41,3 heures l’est aux données de 2018.

Le Tribunal fédéral confirme que les statistiques « Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique » (tableau T 03.02.03.01.04.01), dans la branche 41-43 « Construction » sont de 41.4h en 2016 et de 41.3h en 2018.

Le Tribunal fédéral conclut que le tribunal cantonal est tombé dans une erreur manifeste. Si le salaire mensuel brut selon ESS de CHF 5’508, rapporté sur 41.3h/semaine, s’élève à CHF 5’687,01 en 2018, soit CHF [68’244.12] par an (CHF 5’687,01 x 12), 13e salaire inclus (voir arrêt U 274/98 du 18 février 1999, consid. 3a).  [NB : erreur de calcul par le TF, le résultat correct est bien 68’244.12 et non 68’409.36.]

 

Abattement

S’agissant de l’abattement, le tribunal cantonal s’est contenté de se référer à un jugement cantonal antérieur, qui n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral. Or, l’application d’un abattement sur le revenu d’invalide est le résultat d’une évaluation globale de la situation (cf. également les arrêts 8C_730/2019 du 10.06.2020 et 8C_9/2020 du 10.06.2020 pour un grief identique, au résultat identique).

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_765/2019 consultable ici

Proposition de citation : 8C_765/2019 (i) du 10.06.2020 – Revenu d’invalide – Horaire hebdomadaire de la branche – Abattement, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/08/8c_765-2019)

 

Remarque : cet arrêt est intéressant et tranche clairement la question de savoir quelle durée hebdomadaire il contient d’appliquer. Bien que, dans le cas d’espèce, l’ESS 2016 a servi de base, le revenu d’invalide a été déterminé pour l’année 2018. Ce sont donc bien les données de la durée hebdomadaire de 2018 qui doivent servir de référence pour l’adaptation.

8C_730/2019 (i) du 10.06.2020 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Indexation du revenu ESS / Abattement sur le salaire statistique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_730/2019 (i) du 10.06.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Revenu d’invalide / 16 LPGA

Indexation du revenu ESS

Abattement sur le salaire statistique

 

Assuré, né en 1963, charpentier, est victime le 06.08.2017 d’un accident au genou droit. Les examens médicaux ont montré la présence d’une gonarthrose médiale et fémoro-patellaire, rendue symptomatique par le traumatisme subi.

L’assurance-accidents a, par décision confirmée sur opposition, le droit à une rente d’invalidité et a octroyé une IPAI de 10%. Le revenu d’invalide a été fixé sur la base de l’ESS 2016, tableau TA1 (niveau de compétences 1, hommes, toutes branches confondues), indexé à 2018 ; l’assureur n’a tenu compte d’aucun abattement.

 

Procédure cantonale (35.2019.59)

En ce qui concerne l’indexation jusqu’en 2018, le tribunal cantonal a indiqué que selon l’indice T1.1.10 des salaires nominaux, hommes 2011-2018, l’indice par rapport à 2010 était de 104,1 en 2016 et de 105,1 en 2018. Le revenu 2018 est ainsi de CHF 67’445.12. L’abattement a été porté à 10%.

Par jugement du 30.09.2019, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et reconnaissant le droit de l’assuré à une rente d’invalidité, dès le 01.11.2018, fondée sur un taux de 13%.

 

TF

Indexation

L’assurance-accidents (recourante) relève que la juridiction cantonale s’est basée sur le tableau T1.1.10. Indépendamment du fait que, selon l’assureur, le tribunal cantonal aurait dû utiliser le tableau existant le plus récent, c’est-à-dire T1.1.15, il est incompréhensible que ce choix modifie la pratique du même tribunal puisque, dans d’autres cas similaires, le tribunal cantonal aurait toujours utilisé T1.1.15 pour les données à partir de 2015 s’il n’y avait pas besoin d’utiliser les données pour une branche d’activité particulière. Toutefois, le résultat obtenu [avec les données du T1.1.15] ne serait pas fondamentalement différent du calcul appliqué par le tribunal cantonal.

L’utilisation d’un tableau statistique présuppose qu’il a été publié au moment où la décision sur l’opposition a été rendue (ATF 143 V 295 consid. 4.1.2 p. 299). Un examen plus approfondi des deux tableaux T1.1.10 et T1.1.15 montre que les valeurs sont les mêmes. Le résultat non identique de l’utilisation des deux tableaux (avec une différence minimale de 0,06 %) réside simplement dans le fait que les tableaux sont limités à une seule décimale et qu’en fonction de la valeur de base à partir de laquelle on part (2010 ou 2015), un certain écart est créé.

Toutefois, le grief ne tient pas compte de la maxime « minima non curat praetor », que les assureurs sont tenus de respecter (arrêts 8C_144/2019 du 6 août 2019 consid. 5 et 8C_363/2017 du 22 novembre 2017 consid. 4).

 

Abattement sur le salaire statistique

S’agissant de l’abattement, le tribunal cantonal s’est contenté de se référer à un jugement cantonal antérieur, qui n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral. Or, l’application d’un abattement sur le revenu d’invalide est le résultat d’une évaluation globale de la situation (cf. également les arrêts 8C_765/2019 du 10.06.2020 et 8C_9/2020 du 10.06.2020 pour un grief identique, au résultat identique).

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_730/2019 consultable ici

Proposition de citation : 8C_730/2019 (i) du 10.06.2020 – Revenu d’invalide – Indexation du revenu ESS – Abattement sur le salaire statistique, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/08/8c_730-2019)

 

8C_9/2020 (i) du 10.06.2020 – Rente d’invalidité – Comparaison des revenus – 16 LPGA / Arrondissement du revenu sans invalidité à la dizaine inférieure erroné / Justification et raisonnement pour tenir compte d’un abattement sur le salaire statistique

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_9/2020 (i) du 10.06.2020

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi.

 

Rente d’invalidité – Comparaison des revenus / 16 LPGA

Arrondissement du revenu sans invalidité à la dizaine inférieure erroné

Justification et raisonnement pour tenir compte d’un abattement sur le salaire statistique

Le fait pour un tribunal cantonal de se référer à un jugement cantonal antérieur, qui n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral, n’a pas été admis

 

Assuré, né en 1955, menuisier, est tombé d’un toit et a subi un traumatisme à l’épaule droite.

 

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a refusé le droit à une rente d’invalidité et a octroyé une IPAI de 15%. Le revenu sans invalidité a été fixé à CHF 69’156.

S’agissant des limitations fonctionnelles, l’assuré n’a aucune restriction quant à la position assise et debout, sur les mouvements autres que la montée et la descente des escaliers.

 

Procédure cantonale (arrêt 35.2019.64)

Le tribunal cantonal a confirmé le revenu sans invalidité mentionné dans la décision sur opposition mais a conclu à un revenu sans invalidité de CHF 69’150.

Quant au revenu d’invalide, après avoir rappelé la pratique fédérale et cantonale, l’instance cantonale s’est référée à un jugement (cantonal) définitif (entré en force) du 5 septembre 2019, qui « critiquait » [« censurato »] le changement de pratique de l’assurance-accidents, consistant à ne plus appliquer d’abattement sur les revenus d’invalide à compter du 1er janvier 2019. Après avoir rappelé quelques cas similaires, les juges cantonaux ont appliqué une déduction de 10%.

Par jugement du 20.11.2019, admission du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision sur opposition et octroyant à l’assuré une rente d’invalidité sur un taux de 12%.

 

TF

Revenu sans invalidité

L’assurance-accidents (recourante) déclare ne pas comprendre pourquoi le tribunal cantonal est arrivé à un chiffre légèrement inférieur, bien qu’il confirme la décision sur l’opposition sur ce point. Ni l’assuré, ni le tribunal cantonal n’ont donné d’avis explicite sur ce point.

Il faut conclure qu’il s’agit bien d’une erreur manifeste de la part du tribunal cantonal. Les juges cantonaux n’ont pas indiqué pourquoi le revenu sans invalidité devait être arrondi à la dizaine inférieure. Le revenu sans invalidité est donc de CHF 69’150.

 

Revenu d’invalide – Abattement sur le salaire statistique

L’assurance-accidents (recourante) considère que le fait d’avoir évalué par le passé l’abattement de manière trop large ne la lie pas à d’autres cas. L’assureur fait également observer que l’abattement de 10% est excessif, car ce taux a été appliqué dans des cas beaucoup plus graves que dans le cas d’espèce.

L’assuré, quant à lui, critique l’attitude contradictoire de l’assurance-accidents, car après avoir reconnu l’abattement dans de nombreux cas, il prétend maintenant ne plus l’appliquer. Il souligne que l’activité exigible (simple et répétitive) ne tient pas compte des limitations concrètes. Il considère que la décision sur opposition est inhabituelle, refusant d’accorder toute déduction ainsi que d’appliquer les DPT, désormais abandonnées par l’assurance-accidents.

Si le revenu d’une personne invalide est établi sur la base de données statistiques, il faut se demander si ce montant ne doit pas être réduit. L’influence de tous les facteurs sur le revenu (limitations de l’état de santé, âge, années de service, nationalité/type de permis de séjour et degré d’emploi) doit être évaluée dans son ensemble en tenant compte de toutes les circonstances du cas spécifique, en faisant un usage approprié du pouvoir d’estimation, sans pour autant quantifier séparément chaque facteur de réduction. En tout état de cause, la réduction ne doit pas dépasser 25% (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301 ; 134 V 322 consid. 5.2 p. 327 s. ; 126 V 75 consid. 5b/bb p. 80).

Le point de savoir s’il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 ; arrêt 8C_652/2008 du 8 mai 2009 consid. 4, non publié dans ATF 135 V 297). En revanche, l’étendue de l’abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation. L’exercice du pouvoir d’appréciation n’est pas un motif de recours devant le Tribunal fédéral (ATF 143 V 369 consid. 5.4.1 p. 379), à moins que cela ne constitue une violation du droit fédéral. Tel est le cas si la juridiction de première instance a exercé son pouvoir d’appréciation, soit en commettant un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation, soit en abusant de ce pouvoir (« Ermessensmissbrauch »), en se laissant guider par des critères étrangers à l’esprit de la loi ou en ignorant des principes généraux reconnus tels que l’interdiction de l’arbitraire, le principe de la bonne foi ou la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 et suiv. ; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399).

Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance (art. 57 LPGA) n’est en revanche pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. A cet égard, le juge des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration ; il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 p. 73 et la référence).

Une réduction sur le revenu d’invalide ne peut être appliquée que s’il est prouvé dans le cas concret que l’assuré ne peut exploiter sa capacité de travail exigible sur un marché du travail équilibré que de manière inférieure à la moyenne, en raison de l’un ou l’autre des critères (ou de plusieurs critères) (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301 ; arrêt 8C_82/2019 du 19 septembre 2019, consid. 6.2.2 et la référence).

Il convient de rappeler que les limitations fonctionnelles déjà incluses dans l’examen de la capacité de travail résiduelle ne doivent pas avoir d’influence supplémentaire sur l’examen de l’abattement, afin d’éviter une double prise en compte du même aspect : le simple fait que sont exigibles pour l’assuré que des activités légères à moyennement complexes ne justifie pas une réduction supplémentaire, même dans le cas d’une capacité de travail partielle (arrêts 8C_805/2016 du 22 mars 2017 consid. 3.1 et 3.4.2 et 9C_846/2014 du 22 janvier 2015 consid. 4.1.1 et les références). Le niveau de compétences 1 de l’ESS comprend déjà toute une série d’activités légères, qui tiennent compte de nombreuses limitations. En d’autres termes, seules des circonstances qui, dans un marché équilibré du travail, doivent être considérées comme exceptionnelles peuvent être prises en compte au titre de limitations fonctionnelles (arrêts 8C_495/2019 du 11 décembre 2019 consid. 4.2.2 avec référence et 8C_82/2019 du 19 septembre 2019, considérant 6.3.2).

Dans le cas d’espèce, le tribunal cantonal se contente de se référer à un jugement cantonal antérieur, qui n’a pas fait l’objet d’un recours devant le Tribunal fédéral. Or, l’application d’un abattement sur le revenu d’invalide est le résultat d’une évaluation globale de la situation. Les juges cantonaux ne constatent ni n’affirment en aucune manière qu’il existe des circonstances exceptionnelles dans un marché du travail équilibré, qui permettraient dans ce cas d’affirmer que l’assuré subit un désavantage tel qu’il se trouve dans une situation inférieure à la moyenne. Pour le reste, le tribunal cantonal a improprement substitué sa propre appréciation à celle de l’assureur, sans raison particulière (cf. également les arrêts 8C_730/2019 du 10.06.2020 et 8C_765/2019 du 10.06.2020 pour un grief identique, au résultat identique).

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_9/2020 consultable ici

Proposition de citation : 8C_9/2020 (i) du 10.06.2020 – Arrondissement du revenu sans invalidité à la dizaine inférieure erroné – Justification et raisonnement pour tenir compte d’un abattement sur le salaire statistique, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/08/8c_9-2020)

 

4A_94/2019 (f) du 17.06.2019 – Réticence – 4 al. 1 LCA / Réponse du preneur d’assurance à une question floue et évasive

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_94/2019 (f) du 17.06.2019

 

Consultable ici

 

Réticence / 4 al. 1 LCA

Réponse du preneur d’assurance à une question floue et évasive

 

Dès le 15.07.2015, l’assurée a consulté son médecin traitant et s’est fait examiner aux urgences des HUG par suite de troubles respiratoires et digestifs. Les investigations alors entreprises n’ont mis en évidence aucun état pathologique. Les symptômes ont toutefois persisté et conduit la patiente à consulter un médecin spécialiste en gastroentérologie. Celui-ci a accompli de nouvelles investigations de janvier 2016 à juillet 2016 ; celles-ci n’ont révélé aucune atteinte organique permanente. Selon le médecin traitant, la patiente n’a souffert que de troubles fonctionnels passagers.

L’assurée a souscrit une couverture d’assurance-maladie complémentaire à l’assurance-maladie sociale. Elle a, à cette fin, répondu le 22.02.2016 à un questionnaire concernant sa santé, libellé en anglais. Elle a répondu « non » à une question n° 2 qui se traduit comme suit : « Souffrez-vous ou avez-vous souffert au cours des cinq dernières années d’une maladie ou d’une autre atteinte à la santé ? Par exemple : système respiratoire, cœur, système cardiovasculaire, système nerveux ou trouble mental, appareil digestif, appareil urinaire ou organes génitaux, troubles gynécologiques, troubles cutanés, maladies musculo-squelettiques, troubles métaboliques ou glandulaires, troubles sanguins ou maladies infectieuses, organes sensoriels (yeux, oreilles, nez), tumeurs, maladies congénitales ou autres maladie, blessure ou trouble non mentionné ci-dessus ? »

La compagnie d’assurance a résilié le contrat le 12.10.2016 avec effet au lendemain. L’assurée avait prétendument commis une réticence en répondant de manière incorrecte à la question n° 2.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/21/2019 – consultable ici)

L’assurée a ouvert action contre la compagnie d’assurance.

Par jugement du 16.01.2019, rejet de l’action par la cour cantonale, déclarant irrecevables les conclusions préalables tendant à la production de factures ainsi que les conclusions concernant la validité de la résiliation.

 

TF

A teneur de l’art. 4 al. 1 LCA, celui qui présente une proposition d’assurance doit déclarer par écrit à l’assureur, suivant un questionnaire ou en réponse à toutes autres questions écrites, tous les faits qui sont importants pour l’appréciation du risque, tels qu’ils lui sont ou doivent être connus lors de la conclusion du contrat. Selon l’art. 6 al. 1 à 3 LCA, l’assureur est en droit de résilier le contrat en cas de réticence, c’est-à-dire lorsque les déclarations du proposant se révèlent inexactes ou incomplètes (al. 1) ; il est autorisé à refuser sa prestation aussi pour les sinistres déjà survenus, si le fait qui a été l’objet de la réticence a influé sur leur survenance ou leur étendue (al. 3). Ce droit de résiliation s’éteint quatre semaines après que l’assureur a eu connaissance de la réticence (al. 2).

Lorsque l’assureur se prévaut de la réticence et que celle-ci est contestée par le preneur d’assurance, le juge doit examiner si et dans quelle mesure le preneur pouvait donner de bonne foi une réponse négative à une question de l’assureur, selon la connaissance qu’il avait de sa situation et, le cas échéant, selon les renseignements qu’il avait reçus de personnes qualifiées. L’art. 4 al. 1 LCA exige du preneur qu’il se demande sérieusement s’il existe un fait appréhendé par la question de l’assureur. Le preneur satisfait à son devoir s’il déclare, outre les faits qui lui sont connus sans autre réflexion, ceux qui ne peuvent pas lui échapper s’il réfléchit sérieusement aux questions de l’assureur. Il est fondé à attribuer aux termes techniques employés dans ces questions, dont il ne connaît pas le sens et qui ne lui sont pas expliqués, le sens qu’il leur est en général prêté dans le milieu où il vit, en particulier le sens que le langage usuel attribue à ces termes (ATF 116 II 338 consid. 1c p. 341; voir aussi ATF 134 III 511 consid. 3.3.3 p. 514; 136 III 334 consid. 2.3 p. 337).

La réticence suppose que la réponse donnée à la question ne soit pas conforme à la vérité, par omission ou inexactitude. La réticence résulte de la divergence entre la vérité et ce qui a été déclaré. Elle peut consister à affirmer un fait faux, à taire un fait vrai ou à présenter une vision déformée de la vérité. Selon l’art. 4 al. 3 LCA, il incombe à l’assureur de poser des questions précises et non équivoques. Il n’y a pas de réticence si l’assureur a posé une question ambiguë et que la réponse apparaît véridique selon la manière dont le preneur pouvait de bonne foi comprendre la question (ATF 136 III 334 consid. 2.3 p. 337).

 

En l’espèce, la cour cantonale retient à tort que la question n° 2 soumise à la preneuse d’assurance était précise et non équivoque ; cette question était au contraire floue et évasive (arrêt 4A_134/2013 du 11 septembre 2013, consid. 4.2.2, concernant une question semblable). Néanmoins, la preneuse d’assurance ne pouvait pas de bonne foi répondre « non ». Précisément à l’époque où elle répondait, soit au mois de février 2016, elle consultait un médecin spécialiste en gastroentérologie par suite de symptômes qui avaient débuté au mois de juillet précédent et qui avaient persisté. Par le fait même que ces symptômes déterminaient la preneuse d’assurance à consulter un spécialiste, ils étaient indéniablement une « atteinte à la santé » ou un « trouble » visé par la question, et la preneuse d’assurance devait s’en rendre compte à l’instar de toute personne normalement capable de discernement. Il est à cet égard sans importance que les investigations du spécialiste n’aient finalement mis en évidence aucune « maladie » selon le texte de la question. Il n’est pas non plus contestable que la survenance de symptômes pareillement alarmants et persistants fût, aux termes de l’art. 4 al. 1 LCA, un fait important pour l’appréciation du risque à assurer.

En instance fédérale, il n’est plus mis en doute que la compagnie d’assurance ait observé le délai de quatre semaines prévu par l’art. 6 al. 2 LCA. Cette partie a donc valablement résilié le contrat d’assurance sur la base de l’art. 6 al. 1 LCA.

 

Le TF rejette – sur le point de la réticence – le recours de la preneuse d’assurance.

 

 

Arrêt 4A_94/2019 consultable ici

 

 

4A_273/2018 (f) du 11.06.2019 – Prétention frauduleuse – 40 LCA / Surveillance de l’assuré par un détective privé non soumise à une nouvelle évaluation médicale acceptée

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2018 (f) du 11.06.2019

 

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Prétention frauduleuse / 40 LCA

Surveillance de l’assuré par un détective privé (licite) non soumise à une nouvelle évaluation médicale acceptée

 

Assuré, président des gérants d’une Sàrl, avec signature individuelle, avec un salaire, en 2015, de 156’000 fr. Le fils de l’assuré détient les parts sociales de la Sàrl depuis juin 2012.

Le 14.09.2015, l’assuré s’est plaint de dysphonie avec quelques périodes d’aphonie de courte durée dans le cadre d’un tabagisme chronique. Une laryngite subaiguë a été diagnostiquée. Le 03.11.2015, il a subi une laryngoscopie, une bronchoscopie et une œsophagoscopie sous anesthésie totale. La laryngoscopie indirecte a montré une laryngite chronique avec des zones leucoplasiques. Cette opération a été suivie d’une période de repos vocal. Le spécialiste FMH en ORL et chirurgie cervico-faciale a attesté d’une incapacité de travail totale du 14.09.2015 au 29.11.2015.

L’assuré a consulté également son médecin généraliste à sept reprises, entre le 14.09.2015 et le 26.02.2016. Ce praticien a également établi des certificats médicaux d’incapacité de travail pour la période du 14.09.2015 au 31.03.2016. En date du 15.04.2016, l’assuré a également vu un psychiatre, Dr N.__, lequel a diagnostiqué un épisode dépressif moyen.

L’assuré a annoncé la survenance de son cas de maladie par déclaration datée du 18.11.2015 et reçue par l’assureur le 26.11.2015. Lors de l’entretien téléphonique du 30.11.2015, l’interlocuteur de l’assuré auprès de l’assureur a relevé que l’assuré semblait en pleine forme « au téléphone en tout cas » et qu’il ne semblait souffrir d’aucun problème d’élocution. Lors d’un second entretien téléphonique en date du 21.01.2016, l’assuré a fait savoir que, depuis septembre 2015, il n’avait plus travaillé bien qu’il fût directeur et n’eût pas à se déplacer sur les chantiers ; parfois, sa gorge se coinçait et il ne pouvait plus parler. Le gestionnaire de sinistre qui s’entretenait avec lui a fait remarquer qu’il s’exprimait parfaitement bien, ce à quoi l’assuré a rétorqué qu’il n’était pas médecin.

A la suite de ces contacts, l’assureur a mandaté un détective privé afin de surveiller l’assuré. Cette mesure est intervenue pendant six jours, entre le 01.02.2016 et le 25.02.2016. En résumé, il apparaît que l’assuré s’est rendu à l’entreprise le matin et l’après-midi – son heure d’arrivée au bureau se situant entre 08h30 et 10h45 le matin -, qu’il y a retrouvé des personnes et notamment consulté des plans et qu’il s’est rendu sur des chantiers ainsi que chez des fournisseurs. A de nombreuses reprises, il a été vu en train de téléphoner.

Le 09.03.2016, un inspecteur de sinistres de l’assureur s’est entretenu avec l’assuré. Ce dernier a refusé que cet entretien soit enregistré. Selon le procès-verbal dressé par l’assureur que l’assuré a refusé de signer, l’assuré avait initialement conçu des craintes quant à la découverte d’une tumeur et malgré la biopsie qui s’était révélée négative, il n’avait pas été en mesure de se calmer et sa tension était restée très élevée; il a par ailleurs décrit ses activités quotidiennes en déclarant qu’il restait à la maison et regardait la télévision; il ne se rendait pas à son travail et ne s’occupait plus du tout des affaires de la société; avant son arrêt de travail, ses activités au sein de l’entreprise consistaient principalement à chercher des chantiers, contacter des clients et diriger les employés. Confronté aux résultats de la surveillance, l’assuré a reconnu avoir un peu menti, s’être rendu à son bureau pour voir les employés, les fournisseurs et les clients afin d’aider son fils qui avait beaucoup de travail ; finalement, il a expliqué qu’au bureau, il ne savait rien faire et qu’il s’y était rendu sans rien y faire, sinon donner un coup de main à son fils. A l’issue de cet entretien, l’assureur a avisé l’assuré qu’il entendait faire application de l’art. 40 LCA.

Par courrier du 29.03.2016, l’assureur a refusé d’entrer en matière sur le sinistre annoncé et a résilié immédiatement la police d’assurance en cause sur la base de la disposition légale précitée.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a donné raison à l’assureur en distinguant deux périodes. Certes, l’assuré avait été empêché de travailler du 14.09.2015 au 29.11.2015, ensuite d’une aphonie et d’une laryngite subaiguë ayant nécessité une opération suivie d’une période de repos vocal. Tel n’avait toutefois plus été le cas ultérieurement, contrairement à ce que l’assuré avait déclaré en particulier lors de l’entrevue du 09.03.2016 avec l’assureur et à ce que le médecin généraliste avait indiqué. Les certificats médicaux établis par ce dernier n’étaient pas suffisamment convaincants, d’autant qu’aucun autre praticien – et en particulier aucun psychiatre – n’avait confirmé la rémanence d’une incapacité de travail dont le motif serait lié à des causes essentiellement psychiques. Enfin, le diagnostic du médecin généraliste était contredit par les activités et l’attitude générale visibles sur les vidéos établies lors de la surveillance et dans le rapport d’activité du détective privé mandaté par l’assureur ; l’assuré y apparaissait actif, vif, souriant, attentif, sans fatigue apparente, se déplaçant fréquemment, y compris sur les chantiers, souvent au téléphone et en discussion avec des tiers, parfois avec des plans en mains, ceci à plusieurs moments différents de la journée. Même si l’assuré eût été fondé à réclamer des indemnités journalières pour la première période, le fait de les avoir sollicitées pour la seconde alors qu’il était rétabli autorisait la compagnie d’assurances à se départir du contrat et à refuser ses prestations.

Par arrêt du 29.03.2018, rejet de la demande par le tribunal cantonal.

 

TF

En l’espèce, la cour cantonale a jugé qu’une expertise ne permettrait pas d’établir quel était l’état de santé de l’assuré plusieurs années plus tôt, alors que l’incapacité alléguée était essentiellement imputable à des troubles psychiques. Ce faisant, elle a écarté la requête de l’assuré tendant à la mise en œuvre d’une expertise à la suite d’une appréciation anticipée des preuves. Comme l’art. 8 CC ne régit pas cette question, le grief tiré d’une violation de cette disposition tombe à faux.

 

L’autorité cantonale a jugé que la surveillance par le détective privé mandaté par l’assureur était licite, ce que l’assuré ne remet pas en cause. Elle a ensuite rappelé que les résultats de cette surveillance devaient en principe faire l’objet d’une évaluation médicale, tout en estimant que cette exigence était superflue dans le cas présent, puisque des certificats médicaux – ceux du médecin généraliste – figuraient déjà au dossier. Elle a poursuivi son raisonnement en expliquant les raisons pour lesquelles elle tenait ces certificats médicaux pour insuffisamment probants et en a conclu que l’assuré avait affirmé fallacieusement qu’après le 29.11.2015. Les motifs invoqués à cet égard dans l’arrêt cantonal sont multiples: tout d’abord, le médecin généraliste n’avait préconisé aucun arrêt de travail après la consultation du 14.09.2015; c’est uniquement le 17.11.2015 qu’il avait attesté, avec effet rétroactif, d’une incapacité de travail ayant débuté plus de deux mois auparavant et d’une durée indéterminée; la nature de la maladie n’avait pas été précisée initialement; c’est le 02.02.2016 seulement qu’il l’avait décrite en ces termes: « épuisement psycho-physique, début de dépression, décompensation, crise d’hyperglycémie, respiratoire, (détresse) « ; le médecin généraliste n’était pas psychiatre mais généraliste; aucune thérapie ciblée n’avait été mise en œuvre (mis à part la prescription de Cipralex, Temesta, Glivazide 30 Voscort 40/5/12.5); le praticien avait constaté une incapacité de travail de 80% dès le 01.02.2016, alors qu’il n’avait pas revu son patient entre le 26.12.2015 et le 26.02.2016; aucun certificat médical attestant de l’incapacité de travail alléguée pour mars 2016 n’avait été produit, hormis le courrier du médecin généraliste du 17.01.2018 adressé au mandataire de l’assuré après l’introduction de la demande, faisant état d’une dépression qualifiée désormais de majeure; au surplus, le médecin prénommé certifiait dans ledit courrier que l’assuré avait consulté le Dr N.__, psychiatre, à plusieurs reprises en urgence, puis en suivi régulier et qu’il continuait à se rendre chez celui-ci, alors qu’auditionné à ce sujet, l’assuré avait tout d’abord déclaré ne pas connaître le Dr N.__, avant de préciser qu’il n’avait pu le consulter qu’une seule fois; or, cette unique consultation était intervenue le 15.04.2016, soit postérieurement à la fin de l’incapacité de travail alléguée.

 

En droit des assurances sociales, la jurisprudence a dégagé le principe selon lequel un rapport de surveillance ne constitue pas, à lui seul, un fondement sûr pour constater les faits relatifs à l’état de santé ou la capacité de travail de la personne assurée. Il peut tout au plus fournir des points de repère ou entraîner certaines présomptions. Seule l’évaluation par un médecin du matériel d’observation peut apporter une connaissance certaine des faits pertinents (ATF 137 I 327 consid. 7.1 p. 337; arrêts 8C_779/2012 du 25 juin 2013 consid. 2.3; 8C_434/2011 du 8 décembre 2011 consid. 4.2). Cette exigence d’une appréciation médicale sur le résultat de l’observation permet d’éviter une évaluation superficielle et hâtive de la documentation fournie par le détective privé (arrêt 8C_779/2012 précité consid. 2.3; MARGIT MOSER-SZELESS, La surveillance comme moyen de preuve en assurance sociale, in RSAS 57/2013 p. 129 ss, plus spécialement p. 152). L’évaluation du médecin est faite sur la base du résultat des mesures de surveillance, sans qu’il soit nécessaire d’ordonner dans tous les cas une expertise médicale. En effet, il appartient à l’assureur social ou au juge d’apprécier la portée du produit d’une surveillance en fonction du principe de la libre appréciation des preuves (arrêt 8C_779/2012 précité consid. 2.3; MOSER-SZELESS, op. cit., p. 153). Dans un arrêt récent, tout en se référant à l’ATF 137 I 327, le Tribunal fédéral a encore souligné que le matériel d’observation ne constituait en principe pas une base suffisante pour mettre fin définitivement à des prestations; il faut au surplus une évaluation médicale de l’état de santé et une appréciation de la capacité de travail (cf. arrêt 9C_483/2018 du 21 novembre 2018 consid. 4.1.2).

Si l’on s’en tient rigoureusement à ce principe, les résultats de la surveillance dont l’assuré a fait l’objet, du 01.02.2016 au 25.02.2016, auraient dû être soumis à un médecin. La tâche de celui-ci eût été d’évaluer si les activités de l’assuré, visibles sur les prises de vue ou rapportées par le détective privé, étaient cohérentes par rapport au degré d’incapacité de travail allégué. Pour ce faire, faute pour lui d’avoir reçu l’assuré en consultation à l’époque des faits, il n’aurait eu d’autre choix que de se fonder sur les documents médicaux remontant à la période litigieuse. En l’occurrence, il s’agirait exclusivement des certificats médicaux établis par le médecin généraliste. Or, celui-ci a posé un diagnostic à ce point vague qu’il n’est pas possible d’en tirer des déductions concrètes, s’agissant des activités que l’assuré pouvait ou non déployer. Il décrit en effet la maladie prétendue en ces termes: « épuisement psycho-physique, début de dépression, décompensation, crise d’hyperglycémie, respiratoire (détresse) « . On peut en déduire à peu près tout et n’importe quoi. Dans ces conditions, on ne voit guère comment un médecin aurait pu a posteriori apprécier, sur la base des prises de vue et du rapport du détective privé, si l’assuré avait franchi ou non les limitations qu’une telle affection lui imposait censément.

Certes, on pourrait argumenter que l’assureur aurait dû mandater un médecin afin de procéder à cette évaluation à l’époque des faits, soit en mars 2016. Ledit médecin aurait, le cas échéant, pu recevoir l’assuré en consultation pour établir lui-même un diagnostic. En principe, l’état de santé d’une personne n’évolue pas si vite qu’il ne subsiste pas le temps nécessaire pour procéder à une telle démarche. L’assuré fait toutefois exception à la règle puisque, de son propre aveu, il était totalement rétabli à la fin mars 2016. Dans ces conditions, on ne saurait exiger davantage de l’assureur. Ce d’autant que l’assuré s’est dispensé, à l’époque, de fournir un certificat médical attestant son incapacité de travail pour le mois en question. Il a attendu près de deux ans, soit le 17.01.2018, pour produire un document émanant du même médecin généraliste, dont il ressort qu’il aurait été incapable de travailler à 80% jusqu’au 15.03.2016, puis à 50% jusqu’au 31.03.2016. Dans le présent contexte, un tel procédé ne va pas de soi.

Il s’ensuit que c’est à juste titre que la cour cantonale a apprécié les preuves à disposition en les confrontant les unes aux autres, sans soumettre les résultats de la surveillance à une nouvelle évaluation médicale. Ce grief de l’assuré est également mal fondé.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 4A_273/2018 consultable ici

 

 

8C_826/2019 (f) du 13.05.2020 – Causalité naturelle – Vraisemblance de l’existence d’un traumatisme cranio-cérébral et de lésions cérébrales structurelles ou d’une lésion traumatique de type « coup du lapin » – 6 LAA / Troubles psychiques

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_826/2019 (f) du 13.05.2020

 

Consultable ici

 

Causalité naturelle – Vraisemblance de l’existence d’un traumatisme cranio-cérébral et de lésions cérébrales structurelles ou d’une lésion traumatique de type « coup du lapin » / 6 LAA

Troubles psychiques

 

Le 03.03.2010, assurée, née en 1974, percutée par un véhicule de tourisme alors qu’elle traversait à pied une route à Genève. Hospitalisée jusqu’au 05.03.2010 au sein du Service de chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil moteur. Entre le 05.03.2010 et le 07.04.2010, elle a suivi une réadaptation orthopédique. Le rapport médical initial LAA faisait état d’une fracture du plateau supérieur de L1, d’une fracture de la tête du péroné droit, ainsi que de contractures musculaires multiples (surtout dans les régions lombaire, cervicale et à la cuisse droite). Dans leur rapport de sortie du 26.04.2010, les médecins de l’hôpital ont confirmé le diagnostic posé dans le rapport initial LAA.

Dans le cadre de son traitement ambulatoire, l’intéressée – qui s’est plainte également de troubles d’ordre psychique – a été examinée par plusieurs thérapeutes, lesquels ont posé divers diagnostics complémentaires (syndrome post-traumatique et dysfonctionnement cervico-occipital bilatéral ; état de stress post-traumatique ; épisodes dépressifs et troubles dissociatifs de conversion mixte ; trouble dépressif léger à moyen).

Dans un rapport du 16.08.2012, un spécialiste en radiologie et neuroradiologie diagnostique a indiqué qu’un méningiome – mis en évidence lors d’une IRM cérébrale en juin 2010 – n’avait pas grandi et que l’on pouvait encore observer des lésions punctiformes non spécifiques banales pour l’âge dans la substance blanche des lobes frontaux.

Le médecin-conseil, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, a indiqué que l’accident survenu quatre ans auparavant n’avait pas révélé de traumatisme crânien évident. Il a précisé que quelques épisodes de lombalgies persistaient ensuite de la fracture de la première vertèbre lombaire, mais qu’ils étaient plutôt liés à une mauvaise position au poste de travail ou à la station assise prolongée. Il a enfin relevé que l’incapacité de travail de l’assurée (de 40%) semblait liée uniquement à des problèmes neuropsychologiques et psychiatriques. Le médecin-conseil a retenu un taux d’atteinte à l’intégrité de 6% en raison des affections à la colonne vertébrale.

Dans son rapport du 01.04.2014, le psychiatre-conseil a posé le diagnostic différentiel de troubles dissociatifs de conversion versus neurasthénie et personnalité obsessionnelle ou schizoïde.

En date du 18.07.2016, l’assurée s’est soumise à une IRM cérébrale, en vue de mettre à jour une éventuelle lésion cérébrale. L’examen a révélé la présence de plusieurs anomalies de signal de la substance blanche mais a conclu à l’absence d’hémorragie intracrânienne et de lésion structurelle post-traumatique.

Au terme de son rapport du 24.03.2017, le neurologue-conseil de l’assureur-accidents a indiqué qu’en l’absence de traumatisme cranio-cérébral et de lésions cérébrales structurelles objectivables, un lien de causalité entre les troubles neurocognitifs de l’assurée et l’accident du 03.03.2010 n’était pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante.

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis fin à ses prestations pour les suites de l’accident du 03.03.2010, avec effet au 28.02.2018 au soir, et a alloué à l’assurée une IPAI de 6% pour les séquelles dues à la fracture de sa première vertèbre lombaire.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 112/18 – 147/2019 – consultable ici)

La cour cantonale a retenu que l’existence d’un TCC consécutif à l’accident du 03.03.2010 – qui aurait selon l’assurée eu pour conséquence des troubles neuropsychologiques – n’avait pas été établie au degré de la vraisemblance prépondérante, au vu des documents médicaux. Il s’agissait tout au plus d’une hypothèse possible. Se référant aux pièces médicales, les juges cantonaux ont en outre relevé que les anomalies de signal de la substance blanche, de même que le méningiome, ne présentaient pas les caractéristiques d’une atteinte traumatique. Aucun rapport médical au dossier ne faisait état d’une éventuelle lésion du rachis cervical ou d’un traumatisme à la colonne cervicale analogue à celui de type « coup du lapin ». Soulignant, pour résumer, l’absence de TCC ou de traumatisme du rachis cervical, ainsi que d’autre lésion cérébrale d’origine accidentelle, la cour cantonale a ensuite nié tout lien de causalité adéquate entre l’accident et les troubles psychiques de l’assurée, laissant ouverte la question du lien de causalité naturelle.

Par jugement du 11.11.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le droit aux prestations suppose notamment qu’il existe, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette condition est réalisée lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière. Il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé: il suffit qu’associé éventuellement à d’autres facteurs, il ait provoqué l’atteinte à la santé, c’est-à-dire qu’il apparaisse comme la condition sine qua non de cette atteinte. Savoir si l’événement assuré et l’atteinte en question sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait que l’administration, ou le cas échéant le juge, examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée à la lumière de la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale (ATF 142 V 435 consid. 1 p. 438 et les références citées).

En vertu de l’art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident. Lorsqu’un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l’assurance-accidents d’allouer des prestations cesse si l’accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état de santé de l’intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui serait survenu même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n’est pas rétabli, l’assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l’état maladif préexistant, dans la mesure où il a été causé ou aggravé par l’accident (arrêt 8C_97/2019 du 5 août 2019 consid. 3.2 et les références citées).

En matière de lésions du rachis cervical par accident de type « coup du lapin », de traumatisme analogue ou de traumatisme cranio-cérébral sans preuve d’un déficit fonctionnel organique, l’existence d’un lien de causalité naturelle entre l’accident et l’incapacité de travail ou de gain doit en principe être reconnue en présence d’un tableau clinique typique présentant de multiples plaintes (maux de têtes diffus, vertiges, troubles de la concentration et de la mémoire, nausées, fatigabilité, troubles de la vue, irritabilité, dépression, modification du caractère, etc.). Il faut cependant que l’existence d’un tel traumatisme et de ses suites soit dûment attestée par des renseignements médicaux fiables (ATF 134 V 109 consid. 9.1 p. 122).

 

Aucun médecin n’a diagnostiqué une lésion du rachis cervical de type « coup du lapin » ou un traumatisme cranio-cérébral. On relèvera – avec les juges cantonaux – qu’un éventuel TCC n’a été évoqué par certains thérapeutes qu’au titre de simple hypothèse. Le spécialiste en neurologie, électroencéphalographie et électroneuromyographie a quant à lui fait allusion à un « discret traumatisme cranio-cérébral ». Cela étant, il a, dans le même rapport, considéré qu’une telle atteinte n’était pas la cause probable des symptômes de l’assurée, qu’il a plutôt attribués aux difficultés de cette dernière dans l’organisation de sa vie, à un état anxio-dépressif et à un stress important « inhérent à la prise en charge de sa vie ». Enfin, les examens radiologiques (en particulier les IRM) auxquels s’est soumise l’assurée n’ont pas révélé de lésion traumatique de type « coup du lapin ».

La seule mention par l’assurée de douleurs au niveau des cervicales postérieurement à l’accident ne permet pas non plus de retenir l’existence d’un traumatisme de type « coup du lapin ».

Il en va de même des circonstances de l’accident mises en avant par l’assurée. Celle-ci explique que la vitesse du véhicule lors du choc (20 km/h selon elle) et la distance à laquelle elle aurait été projetée (plus de cinq mètres selon elle) seraient, indépendamment des autres circonstances de l’espèce, de nature à causer un traumatisme crânien de type « coup du lapin ». Une telle présomption d’ordre général, en l’absence de tout renseignement médical venant étayer une lésion de cet ordre dans le cas concret, ne saurait être admise. La jurisprudence citée par l’assurée (arrêt U 265/05 du 21 juin 2006 consid. 3.1) ne lui est d’aucun secours ; contrairement à ce qu’elle affirme, le considérant évoqué ne fixe pas une vitesse entre 10 et 15 km/h comme « limite de vitesse dommageable » pour admettre une lésion de type « coup du lapin ». En tout état de cause, on ne saurait considérer que toute collision d’un piéton avec un véhicule lancé à plus de 10 ou 15 km/h devrait induire – de manière générale et sans égard au cas particulier – la reconnaissance d’une telle lésion.

Il ne ressort pas des documents médicaux que les diverses affections (troubles de la concentration, de céphalées, de troubles mnésiques et attentionnels, de prosopagnosie, d’angoisse, d’anxiété, d’un ralentissement psychomoteur, de troubles de l’humeur, de fatigabilité et d’irritabilité) constituent les suites d’un traumatisme cranio-cérébral, de lésions du rachis cervical ou d’une lésion analogue provoqués par l’accident. Or la jurisprudence précitée exige bien que les symptômes du tableau clinique typique soient mis en lien avec un tel type de traumatisme et que celui-ci soit dûment attesté.

Il s’ensuit que la cour cantonale était fondée à confirmer la décision de l’assurance-accidents de clore le dossier de l’assurée avec effet au 28.02.2018, de mettre fin à ses prestations pour les suites de l’accident du 03.03.2010 et de lui allouer une IPAI correspondant à un taux de 6%, seule l’atteinte à l’intégrité résultant de la fracture de la vertèbre L1 étant en relation de causalité avec l’accident, à l’exclusion des troubles psychiques respectivement cognitifs et dysexécutifs.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_826/2019 consultable ici

 

 

9C_180/2020 (f) du 13.05.2020 – Epoux séparés de corps – Rentes AVS déplafonnées – Reprise de la vie commune – Rentes plafonnées / Demande de restitution – Dies a quo du délai de péremption relatif d’une année / 25 al. 2 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_180/2020 (f) du 13.05.2020

 

Consultable ici

 

Epoux séparés de corps – Rentes AVS déplafonnées – Reprise de la vie commune – Rentes plafonnées

Demande de restitution – Dies a quo du délai de péremption relatif d’une année / 25 al. 2 LPGA

 

Les époux A.__ sont séparés de corps depuis 1988 (jugement du 23.06.1988). Ils perçoivent tous deux une rente ordinaire simple de vieillesse non plafonnée depuis le 01.06.2009, respectivement le 01.03.2011.

A la suite d’un contrôle de dossiers, la caisse de compensation a plafonné le montant des rentes allouées aux époux avec effet au 01.06.2014, au motif qu’ils avaient repris la vie commune depuis le 01.01.2014 (décisions du 16.05.2019, confirmées sur opposition le 09.08.2019). Elle a également exigé la restitution des montants perçus en trop durant la période courant du 01.06.2014 au 31.05.2019, soit une somme de 27’366 fr. s’agissant de l’assurée, et de 26’221 fr. concernant son époux.

 

Procédure cantonale

Les juges cantonaux ont considéré que le délai de péremption relatif d’une année selon l’art. 25 al. 2 LPGA avait commencé à courir le 02.05.2019, soit au moment où la caisse de compensation avait effectivement eu connaissance de la reprise de la vie commune des assurés, dans le cadre d’une procédure de contrôle de leurs dossiers. La correspondance du 04.01.2014, par laquelle l’assurée avait informé la caisse de sa nouvelle adresse, ne permettait pas à celle-ci de suspecter que les époux faisaient à nouveau ménage commun, si bien qu’il ne pouvait pas lui être reproché de ne pas avoir requis de renseignements complémentaires à ce moment-là.

Par jugement du 30.01.2020, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Aux termes de l’art. 25 al. 2, première phrase LPGA, le droit de demander la restitution s’éteint un an après le moment où l’institution d’assurance a eu connaissance du fait, mais au plus tard cinq ans après le versement de la prestation. Il s’agit de délais (relatif et absolu) de péremption, qui doivent être examinés d’office (ATF 133 V 579 consid. 4.1 p. 582).

Selon la jurisprudence, le délai de péremption relatif d’une année commence à courir dès le moment où l’administration aurait dû connaître les faits fondant l’obligation de restituer, en faisant preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle (ATF 122 V 270 consid. 5a p. 274 s.). L’administration doit disposer de tous les éléments qui sont décisifs dans le cas concret et dont la connaissance fonde – quant à son principe et à son étendue – la créance en restitution à l’encontre de la personne tenue à restitution (ATF 111 V 14 consid. 3 p. 17). Si l’administration dispose d’indices laissant supposer l’existence d’une créance en restitution, mais que les éléments disponibles ne suffisent pas encore à en établir le bien-fondé, elle doit procéder, dans un délai raisonnable, aux investigations nécessaires. A défaut, le début du délai de péremption doit être fixé au moment où elle aurait été en mesure de rendre une décision de restitution si elle avait fait preuve de l’attention que l’on pouvait raisonnablement exiger d’elle. Dans tous les cas, le délai de péremption commence à courir immédiatement s’il s’avère que les prestations en question étaient clairement indues (arrêts 8C_906/2014 du 30 novembre 2015 consid. 5.2.1 et 9C_632/2012 du 10 janvier 2013 consid. 4.2 et les références).

 

Les constatations de l’autorité judiciaire de première instance sur ce que les parties savaient ou ne savaient pas à un certain moment relèvent d’une question de fait (arrêt 8C_585/2018 du 22 février 2019 consid. 6 et la référence), que le Tribunal fédéral examine avec un pouvoir limité (consid. 1 supra). Quoi qu’en disent les assurés, les constatations des juges cantonaux à la date à laquelle la caisse de compensation a eu connaissance de la reprise de leur vie commune ne sont ni manifestement inexactes, ni arbitraires.

A cet égard, les assurés se limitent à affirmer que la caisse de compensation « savait qu[‘ils] n’étaient pas divorcés et qu’elle connaissait l’adresse [de l’assuré] » si bien que le courrier de l’assurée du 04.01.2014, par lequel elle l’avait informée de sa nouvelle adresse, « constituait à lui seul un élément propre à éveiller chez la caisse de compensation un sérieux doute quant à la reprise de la vie commune des assurés ». Une telle allégation ne suffit pas à démontrer le caractère arbitraire ou manifestement inexact des constatations de la juridiction cantonale. Celle-ci a expliqué que dans la mesure où l’assurée n’avait fait qu’informer la caisse de compensation de son changement d’adresse, sans préciser qu’elle faisait à nouveau ménage commun avec son époux, dont elle était séparée depuis 25 ans, sa correspondance de janvier 2014 ne suffisait pas pour admettre que l’administration disposait, à cette époque déjà, d’indices laissant supposer la reprise d’une vie commune. Les juges cantonaux ont à ce propos exposé que sauf à retenir que la caisse de compensation gardât en mémoire les adresses de tous ses administrés ou eût une base de données informatique contenant des algorithmes susceptibles de faire des rapprochements entre deux administrés, la seule information d’un changement d’adresse ne permettait pas de considérer qu’elle eût dû suspecter que les assurés avaient repris la vie commune et qu’elle eût dû entreprendre les démarches en vue d’un contrôle de leurs dossiers respectifs à cette occasion. En vertu déjà de leur obligation de renseigner (art. 31 al. 1 LPGA), il incombait bien plutôt aux assurés d’informer expressément la caisse de compensation du fait qu’ils avaient repris la vie commune, ce qu’ils n’ont pas fait et ne contestent au demeurant pas.

 

Le TF rappelle également qu’une caisse de compensation est libre de procéder à une révision périodique du droit de ses assurés à des prestations durables (art. 17 al. 2 LPGA), sans devoir justifier une telle démarche par un motif particulier.

 

Le TF rejette le recours des assurés.

 

 

Arrêt 9C_180/2020 consultable ici

 

 

4A_152/2017 (f) du 02.11.2017 – Interprétation des termes figurant dans des conditions générales (CGA) – 18 CO – 33 LCA / Pas d’application de la règle « in dubio contra assicuratorem », la clause litigieuse étant dépourvue d’ambiguïté

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_152/2017 (f) du 02.11.2017

 

Consultable ici

 

Interprétation des termes figurant dans des conditions générales (CGA) / 18 CO – 33 LCA

Pas d’application de la règle « in dubio contra assicuratorem » (clause litigieuse dépourvue d’ambiguïté)

 

En 2005, A.__, ingénieur civil de formation, a commencé à développer des activités immobilières par le biais de X.__ SA (ci-après: X.__), dont il a été l’administrateur unique jusqu’au 25 juin 2010. Selon les déclarations de A.__, cette société exerce une activité de direction des travaux dans le cadre de la construction de maisons ou de travaux de rénovation; elle s’occupe de la coordination et de la surveillance des travaux qu’elle fait intégralement exécuter par des sous-traitants, dans la mesure où elle n’emploie elle-même aucun ouvrier.

A.__ s’est adressé à Z.__ SA (ci-après: Z.__ ou l’assureur) afin d’être couvert pour ces activités.

Le 30.11.2005, le contrat d’assurance responsabilité civile professionnelle a été conclu avec Z.__. Le preneur d’assurance est « X.__ et A.__ SA». A.__ a déclaré ne pas avoir lu les CGA à l’époque de la conclusion du contrat.

Au début 2008, X.__ – sous la dénomination « X.__ SA Entreprise générale » – s’est engagée à édifier les habitations décrites dans une autorisation de construire délivrée en août 2007, en concluant des contrats de construction avec chacun des acquéreurs d’une promotion immobilière de neuf habitations contiguës. Elle a confié les travaux d’étanchéité de ce chantier à l’entreprise M.__. Dès 2010, en raison d’une mauvaise exécution de son travail par cette entreprise, des infiltrations d’eau, des taches d’humidité et de la moisissure sont progressivement apparues dans toutes les maisons. Après s’être adressée à M.__ – laquelle a minimisé le problème -, X.__ s’est tournée vers la société N.__ SA, qui a procédé aux travaux de réfection. Elle a ensuite tenté de faire intervenir l’assureur responsabilité civile de M.__, en vain, puisque l’assurance en cause était alors suspendue en raison du défaut de paiement des primes. La faillite de M.__ a été prononcée le 04.09.2007.

En juillet 2012, A.__ a rempli une déclaration de sinistre auprès de Z.__, en indiquant la référence d’une police établie en janvier 2008 en vue de la promotion immobilière précitée, laquelle regroupait à la fois une assurance travaux de construction et une assurance responsabilité civile du maître de l’ouvrage. L’assureur a refusé toute prise en charge, car, d’une part, les dégâts d’eau avaient pour origine des malfaçons dans l’exécution de la toiture par l’entreprise chargée de ces travaux, sans qu’aucun accident de construction n’apparaisse et, d’autre part, la police précitée avait pris fin le 02.07.2009.

En juillet 2013, X.__ a invité Z.__ à examiner la prise en charge du sinistre sur la base de la police d’assurance responsabilité civile du 30.11.2005. L’assureur n’est pas entré en matière, dès lors que le responsable du sinistre était l’exécutant, et non le preneur d’assurance. X.__ est revenue à la charge, en se référant notamment à l’extension de l’assurance responsabilité civile. En février 2014, Z.__ a maintenu son refus de couvrir le sinistre, au motif que la responsabilité de X.__ n’était pas engagée au titre de direction des travaux.

 

Procédures cantonales

X.__ a saisi le Tribunal de première instance d’une requête de conciliation puis, devant l’échec de celle-ci, d’une demande tendant à ce que Z.__ soit condamnée à lui payer la somme de 108’179 fr.80 avec intérêts. Le tribunal a débouté X.__ de ses conclusions.

Statuant sur appel de X.__, la Chambre civile de la Cour de justice a confirmé le jugement de première instance. En substance, elle a considéré que les CGA excluaient la couverture des activités de l’architecte ou de l’ingénieur liées à la direction des travaux dans les cas où il intervenait en qualité d’entrepreneur général ou total. Dans la mesure où il ne ressortait pas de la procédure que le défaut d’étanchéité serait imputable aux travaux de planification – seule activité couverte par la police d’assurance dans ce cas de figure -, le sinistre n’était pas couvert (jugement du 10.02.2017).

 

TF

Selon la jurisprudence, les dispositions d’un contrat d’assurance, de même que les conditions générales qui y ont été expressément incorporées, doivent être interprétées selon les principes qui gouvernent l’interprétation des contrats (ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 412).

En présence d’un litige sur l’interprétation d’une clause contractuelle, le juge doit tout d’abord s’efforcer de rechercher la réelle et commune intention des parties, sans s’arrêter aux expressions ou dénominations inexactes dont elles ont pu se servir, soit par erreur, soit pour déguiser la nature véritable de la convention (art. 18 al. 1 CO). Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté – écrites ou orales -, mais aussi le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté des parties, qu’il s’agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat, des projets de contrat, de la correspondance échangée ou encore de l’attitude des parties après la conclusion du contrat, établissant quelles étaient à l’époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 140 III 86 consid. 4.1; 125 III 263 consid. 4c; 118 II 365 consid. 1; arrêts 4A_200/2015 du 3 septembre 2015 consid. 4.1.1; 4A_65/2012 du 21 mai 2012 consid. 10.2). La recherche de la volonté réelle des parties est qualifiée d’interprétation subjective (ATF 131 III 606 consid. 4.1 p. 611; 125 III 305 consid. 2b p. 308). Déterminer ce qu’un cocontractant savait et voulait au moment de conclure relève des constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral conformément à l’art. 105 LTF (ATF 132 III 268 consid. 2.3.2; 131 III 606 consid. 4.1 p. 611; 128 III 419 consid. 2.2 p. 422).

Si le juge ne parvient pas à déterminer la volonté réelle et commune des parties – parce que les preuves font défaut ou ne sont pas concluantes – ou s’il constate qu’une partie n’a pas compris la volonté exprimée par l’autre à l’époque de la conclusion du contrat (ATF 131 III 280 consid. 3.1 p. 286) – ce qui ne ressort pas déjà du simple fait qu’elle l’affirme en procédure, mais doit résulter de l’administration des preuves (arrêts 5C.252/2004 du 30 mai 2005 consid. 4.3; 4A_210/2015 du 2 octobre 2015 consid. 6.2.1) -, il doit recourir à l’interprétation normative (ou objective), à savoir rechercher leur volonté objective, en déterminant le sens que, d’après les règles de la bonne foi, chacune d’elles pouvait et devait raisonnablement prêter aux déclarations de volonté de l’autre (application du principe de la confiance; ATF 135 III 140 consid. 3.2; 133 III 61 consid. 2.2.1; 132 III 268 consid. 2.3.2 p. 274/275, 626 consid. 3.1 p. 632). Ce principe permet d’imputer à une partie le sens objectif de sa déclaration ou de son comportement, même si celui-ci ne correspond pas à sa volonté intime (ATF 130 III 417 consid. 3.2 p. 424 et les arrêts cités).

A cet égard, le juge part en premier lieu de la lettre du contrat. En principe, les expressions et termes choisis par les cocontractants doivent être compris dans leur sens objectif (ATF 131 III 606 consid. 4.2 p. 611). Toutefois, il ressort de l’art. 18 al. 1 CO que le sens d’un texte, même clair, n’est pas forcément déterminant. Même si la teneur d’une clause contractuelle paraît limpide à première vue, il peut résulter d’autres circonstances que le texte de la clause litigieuse ne restitue pas exactement le sens de l’accord conclu (ATF 136 III 86 consid. 3.2.1 p. 188). Ainsi, cette interprétation s’effectue non seulement d’après le texte et le contexte des déclarations, mais également sur le vu des circonstances qui les ont précédées et accompagnées (ATF 135 III 295 consid. 5.2 p. 302; 132 III 626 consid. 3.1. in fine; 131 III 377 consid. 4.2.1), à l’exclusion des circonstances postérieures (ATF 135 III 295 consid. 5.2 p. 302; 133 III 61 consid. 2.2.1 p. 67; 132 III 626 consid. 3.1). Cela étant, il n’y a pas lieu de s’écarter du sens littéral du texte adopté par les cocontractants lorsqu’il n’existe aucune raison sérieuse de penser qu’il ne correspond pas à leur volonté (ATF 136 III 186 consid. 3.2.1). L’application du principe de la confiance est une question de droit que le Tribunal fédéral peut examiner d’office (art. 106 al. 1 LTF); cependant, pour trancher cette question, il doit se fonder sur le contenu des manifestations de volonté et sur les circonstances, dont la constatation relève du fait (ATF 135 III 410 consid. 3.2).

Lorsqu’il présente des conditions générales au moment de conclure, l’assureur manifeste la volonté de s’engager selon la teneur de ces conditions. Si une volonté réelle et commune des parties contractantes n’a pas été constatée, comme c’est le cas en l’espèce, il convient de vérifier comment les destinataires de ces déclarations de volonté pouvaient les comprendre de bonne foi, en recourant à l’interprétation objective des termes figurant dans les conditions générales (ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 413 et l’arrêt cité).

Si l’interprétation selon le principe de la confiance ne permet pas de dégager le sens de clauses ambiguës, celles-ci sont à interpréter contre l’assureur qui les a rédigées, en vertu de la règle « in dubio contra assicuratorem » (ATF 133 III 61 consid. 2.2.2.3 p. 69; 126 V 499 consid. 3b; 124 III 155 consid. 1b p. 158; 122 III 118 consid. 2a p. 121; 119 II 368 consid. 4b p. 373). L’art. 33 LCA, en tant qu’il prévoit que les clauses d’exclusion sont opposables à l’assuré uniquement si elles sont rédigées de façon précise et non équivoque, en est une concrétisation (ATF 115 II 264 consid. 5a p. 269; arrêt 5C.134/2002 du 17 septembre 2002 consid. 3.1). Ainsi, quand l’assureur entend apporter des restrictions ou des exceptions, il lui appartient de le dire clairement (ATF 133 III 675 consid. 3.3 p. 682). Conformément au principe de la confiance, c’est à l’assureur qu’il incombe de délimiter la portée de l’engagement qu’il entend prendre et le preneur n’a pas à supposer des restrictions qui ne lui ont pas été clairement présentées (ATF 133 III 675 consid. 3.3 p. 682; sous une forme résumée: ATF 135 III 410 consid. 3.2 p. 413). Pour que cette règle trouve à s’appliquer, il ne suffit pas que les parties soient en litige sur la signification à donner à une déclaration; encore faut-il que celle-ci puisse de bonne foi être comprise de différentes façons (« zweideutig ») et qu’il soit impossible de lever autrement le doute créé, faute d’autres moyens d’interprétation (ATF 122 III 118 consid. 2d; 118 II 342 consid. 1a p. 344; 100 II 144 consid. 4c p. 153).

Par ailleurs, la validité des conditions générales préformulées est limitée par la règle de la clause insolite. Sont ainsi soustraites de l’adhésion censée donnée globalement à des conditions générales toutes les clauses insolites sur lesquelles l’attention de la partie la plus faible ou la moins expérimentée en affaires n’a pas été spécialement attirée. Le rédacteur de conditions générales doit partir de l’idée, en vertu du principe de la confiance, qu’un partenaire contractuel inexpérimenté n’accepte pas des clauses insolites. Le caractère insolite d’une clause se détermine d’après la perception de celui qui l’accepte au moment de la conclusion du contrat. La règle dite de l’insolite ne trouve application que si, hormis la condition subjective du défaut d’expérience du domaine concerné, la clause a objectivement un contenu qui déroge à la nature de l’affaire. C’est le cas si la clause conduit à un changement essentiel du caractère du contrat ou si elle s’écarte de manière importante du cadre légal du type de contrat concerné. Plus une clause porte préjudice à la position juridique du partenaire contractuel, plus elle sera susceptible d’être qualifiée d’insolite (ATF 138 III 411 consid. 3.1 p. 412 s.; 135 III 1 consid. 2.1 p. 7, 225 consid. 1.3 p. 227 s.). En particulier, la règle de la clause insolite peut trouver application lorsque la clause a pour effet de réduire drastiquement la couverture d’assurance de telle sorte que les risques les plus fréquents ne sont plus couverts, lorsque le sens et la portée d’une disposition sont travestis par une formulation compliquée ou lorsque, par son emplacement dans les conditions générales, elle apparaît surprenante et inattendue à l’assuré (cf. arrêt 5C.53/2002 du 6 juin 2002 consid. 3.1; CHRISTOPH BÜRGI, Allgemeine Versicherungsbedingungen im Lichte der neuesten Entwicklung auf dem Gebiet der Allgemeinen Geschäftsbedingungen, 1985, p. 162).

 

En l’espèce, X.__ soutient qu’ayant exposé à l’assureur sa volonté de faire assurer son activité d’entreprise générale, en tant que notamment directrice des travaux, responsable de la planification, de la coordination et de la surveillance de ceux-ci, elle pouvait légitimement partir de l’idée, selon le principe de la confiance, que l’ensemble de ces activités serait couvert par la police d’assurance responsabilité civile. Ce raisonnement ne convainc pas à cet égard. Si telle était la volonté qu’elle a exprimée, encore aurait-il fallu – pour que celle-ci soit commune – que l’assureur manifeste une volonté concordante.

L’assureur avait, en présentant les CGA, manifesté sa volonté de s’engager selon les termes de ces conditions générales, lesquelles prévoient une limitation de la couverture d’assurance aux dommages et défauts aux ouvrages imputables à des activités liées à la planification des travaux – à l’exclusion de celles liées à la direction des travaux – lorsque l’assuré intervient comme entrepreneur général ou entrepreneur total (article 1 let. b ch. 7 CGA).

La réelle et commune intention des parties n’étant ainsi pas établie, c’est à juste titre que la cour cantonale a eu recours à l’interprétation objective.

 

Selon le tribunal cantonal, l’article 1 let. b ch. 7 CGA déroge à l’article 3 CGA en ce sens que si, selon cette dernière disposition, l’assurance s’étend aux ouvrages réalisés sur la base des travaux de planification de l’assuré ou sous sa direction, la première disposition citée restreint la couverture d’assurance aux dommages imputables aux travaux de planification de l’assuré, dans le cas où celui-ci intervient en qualité d’entrepreneur général ou d’entrepreneur total. Cette exclusion ressort explicitement et de manière non équivoque de la disposition querellée, à telle enseigne que X.__ SA ne pouvait pas comprendre que les activités de direction des travaux qu’elle était amenée à déployer en qualité d’entrepreneur général seraient couvertes.

L’article 1 let. b ch. 7 CGA ne pouvait être compris d’une autre manière que celle retenue par l’autorité cantonale. Cet article n’a rien d’ambigu. Il n’est pas non plus contradictoire par rapport à l’article 3 CGA, auquel il fait expressément référence: il lui déroge dans un cas bien précis, celui où l’assuré intervient en tant qu’entrepreneur général ou total. Quant à la notion d’entrepreneur général, X.__ SA ne saurait de bonne foi prétendre méconnaître cette notion puisqu’elle déploie ses activités dans le domaine de la construction de maisons ou des travaux de rénovation et qu’elle est même désignée comme telle ( «X.__ SA Entreprise générale ») dans les contrats de construction qu’elle a conclus avec les acquéreurs de la promotion immobilière. Comme la clause litigieuse est dépourvue d’ambiguïté, il n’y a pas lieu d’appliquer la règle complémentaire d’interprétation « in dubio contra assicuratorem ».

 

On doit concéder que les deux clauses auraient pu être regroupées sous une seule et même disposition, pour en faciliter la compréhension. Le fait que la disposition dérogatoire précède celle à laquelle elle déroge ne concourt pas non plus à cet objectif. Si la clause ne s’avère pas insolite pour autant, il y aurait encore lieu d’examiner si elle a pour effet de réduire drastiquement la couverture d’assurance, de telle sorte que les risques les plus fréquents ne seraient plus couverts. Cet examen se révèle toutefois superflu. En effet, X.__ SA ne saurait être qualifiée de partenaire contractuel inexpérimenté, qu’il s’agirait de rendre attentive à toute clause insolite. Si elle avait lu les CGA, elle n’aurait certainement pas manqué de déceler la restriction litigieuse.

Au surplus, il convient de préciser que l’art. 8 LCD (RS 241), relatif à l’utilisation de conditions commerciales abusives, ne peut s’appliquer en l’espèce dès lors que X.__ SA ne rentre pas dans le cercle des consommateurs (cf. KRAMER/PROBST/PERRIG, Schweizerisches Recht der Allgemeinen Geschäftsbedingungen, 2016, n° 515 p. 325 s.; TERCIER/PICHONNAZ, Le droit des obligations, 5 e éd. 2012, n° 886 p. 196 s.).

Il s’ensuit que la cour cantonale n’a enfreint ni l’art. 18 al. 1 CO ni l’art. 33 LCA en interprétant la clause querellée.

 

Le TF rejette le recours de X.__ SA.

 

 

Arrêt 4A_152/2017 consultable ici

 

 

9C_643/2017 (f) du 26.01.2018 – Restitution de prestations indûment touchées – 35a al. 1 LPP / Versement anticipé non pris en compte dans le calcul des rentes versées – Réduction des prestations omise / Examen de la bonne foi dans la phase en relation avec la remise de l’obligation de restituer

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_643/2017 (f) du 26.01.2018

 

Consultable ici

 

Restitution de prestations indûment touchées / 35a al. 1 LPP

Versement anticipé non pris en compte dans le calcul des rentes versées – Réduction des prestations omise

Examen de la bonne foi dans la phase en relation avec la remise de l’obligation de restituer

 

Assuré, né en septembre 1948, a conclu avec la Confédération suisse, représentée par la Caisse fédérale d’assurance (CFA), le 05.02.2001, un contrat de versement anticipé pour l’encouragement à la propriété du logement au moyen de la prévoyance professionnelle, portant sur un montant de 100’000 fr.; le versement est intervenu le 24.02.2001. La réduction des prestations de prévoyance résultant de ce versement figurait dans le contrat.

Conformément à une convention du 19.05.2010 relative à la retraite anticipée selon le plan social de la Confédération, l’assuré a été mis au bénéfice d’une retraite anticipée au 31.12.2010. La caisse de pensions Publica lui a alloué mensuellement une rente de vieillesse selon le plan social de 2’795 fr. 60 dès le 01.01.2011, ainsi que deux rentes pour enfant de 465 fr. 95 chacune et une rente transitoire de 2’320 fr., soit 6’047 fr. 50. En raison de la suppression de la rente transitoire, les prestations se montaient à 3’727 fr. 50 depuis le 01.10.2013.

Le 28.01.2015, en raison de son divorce, l’assuré a demandé à la caisse de pension de lui indiquer le montant de la prestation acquise avant son mariage célébré le 20.12.2001. Dans ce cadre, l’institution de prévoyance lui a fait savoir, le 26.05.2015, qu’elle avait constaté une erreur dans la prestation de sortie comptabilisée au moment du départ à la retraite, laquelle était de 300’607 fr. 40 au lieu de 443’978 fr. 60, découlant du fait que le versement anticipé de 100’000 fr. n’avait pas été porté correctement au débit du compte de prévoyance. Cette erreur s’était répercutée sur les prestations de vieillesse qui, adaptées dès le 01.07.2015, se montaient à 2’626 fr. 70 par mois, soit une rente de vieillesse de 1’970 fr. et deux rentes pour enfant de 328 fr. 35 chacune. Le trop-perçu entre le 01.01.2011 et le 30.06.2015, au total 59’443 fr. 20, devait lui être remboursé. L’assuré a invoqué sa bonne foi et contesté son obligation de rembourser.

 

Procédure cantonale

Le 17.12.2015, la caisse de pension a saisi le Tribunal cantonal des assurances d’une demande de remboursement des prestations de vieillesse indûment perçues dirigée contre l’assuré.

Par jugement du 18.07.2017, admission du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant l’assuré débiteur de la caisse de pension de la somme de 59’443 fr. 20, avec intérêts moratoires au taux de 2,75% du 17.12.2015 au 31.12.2015, 2,25% du 01.01.2016 au 31.12.2016, et 2% au minimum dès le 01.01.2017.

 

TF

Les rentes qui font l’objet de la demande en restitution n’ont pas été versées par la Confédération, ancien employeur de l’assuré, mais par la caisse de pension, cela dans le cadre de la prévoyance professionnelle régie par la LPP et les dispositions réglementaires. Le montant de la rente n’a pas été déterminé de manière définitive par la convention du 19.05.2010, celle-ci précisant que « [p]our les montants définitifs des rentes, seules les directives édictées par les assurances sociales sont applicables en cas de rentes ». Aussi, la caisse de pension était-elle tenue de calculer le montant des rentes selon les dispositions de la LPP et ses règlements, les montants indiqués dans la convention n’étant pas définitifs en ce sens qu’elle ne pouvait pas les modifier en cas d’erreur. Dans la mesure où la caisse de pension a versé des rentes trop élevées, elle est ainsi fondée à les réclamer, conformément aux règles instaurées par la LPP.

A cet égard, selon l’art. 35a al. 1 LPP, les prestations touchées indûment doivent être restituées. La restitution peut ne pas être demandée lorsque le bénéficiaire était de bonne foi et serait mis dans une situation difficile. D’après l’art. 72 al. 1 RPEC (règlement de prévoyance pour les personnes employées et les bénéficiaires de rentes de la Caisse de prévoyance de la Confédération), la personne qui accepte une prestation de Publica à laquelle elle n’a pas droit doit la rembourser avec les intérêts (annexe 1, ch. 4). A teneur de l’art. 72 al. 2 RPEC, Publica peut renoncer partiellement ou totalement au remboursement des prestations en présence de cas de rigueur ou pour des raisons d’économie administrative. La Commission de la caisse définit les modalités dans un règlement sur les cas de rigueur.

On doit admettre qu’une partie des rentes ont été indûment perçues, c’est-à-dire sans cause juridique valable. En effet, les montants des rentes ont été établis sur des bases erronées, dès lors que le versement anticipé de 100’000 fr. opéré en 2001 dans le cadre de l’acquisition d’un logement, qui aurait dû conduire à une réduction des prestations (cf. art. 30c al. 4 LPP), n’a pas été pris en considération dans le calcul des rentes. Il s’ensuit que la demande en remboursement du 17.12.2015 est fondée à juste titre sur les art. 35a al. 1 LPP, première phrase, et 72 al. 1 RPEC, étant précisé qu’il s’agit ici de rétablir une situation conforme au droit, indépendamment de toute faute de l’assuré ou de l’existence d’un éventuel dommage que la caisse de pensions aurait pu subir par l’erreur de comptabilisation des avoirs de libre passage lors de leur transfert en 2003. Dans ce contexte, le financement du plan social dont l’assuré avait jadis bénéficié de la part de l’employeur, de même que la capitalisation de Publica au début de son activité opérationnelle en 2003, n’ont aucune incidence sur l’issue du litige. Seul compte le fait que le bénéficiaire a reçu des rentes plus élevées auxquelles il avait droit si elles avaient été d’emblée fixées selon un état de fait établi correctement et une application correcte du droit.

 

Le grief tiré de la bonne foi de l’assuré ne lui est d’aucun secours, dans la mesure où dans le cadre de la restitution de prestations des assurances versées à tort, elle ne joue un rôle que dans une seconde phase, en relation avec la remise de l’obligation de restituer. Selon la jurisprudence rendue sur l’art. 25 LPGA, ou l’art. 47 al. 1 aLAVS, la bonne foi cède le pas sur le principe de la légalité : la restitution intervient dès qu’un versement a été fait sans cause juridique (ATF 122 V 134 consid. 2e p. 139; arrêt 9C_496/2009 du 10 juillet 2009 consid. 3; cf. ULRICH MEYER, Die Rückerstattung von Sozialversicherungsleistungen, in: Ausgewählte Schriften, Thomas Gächter (éd.), 2013, p. 145).

En tout état de cause, la caisse de pension devra examiner, conformément au consid. 4 du jugement attaqué (p. 15), s’il peut être renoncé à la restitution de tout ou partie du montant de 59’443 fr. 20 perçu à tort du 01.01.2011 au 30.06.2015, cela aux conditions de l’art. 72 al. 2 RPEC, ainsi que du règlement de Publica concernant les cas de rigueur, en relation avec l’art. 35a al. 1 LPP, seconde phrase.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_643/2017 consultable ici

 

 

9C_590/2019 (d) du 15.06.2020 – destiné à la publication – Calcul des cotisations des assurés sans activité lucrative – 4 al. 2 lit. a LAVS – 10 al. 1 LAVS – 6ter let. a RAVS – 28 al. 1 RAVS / Revenus d’une activité lucrative d’une personne domiciliée en Suisse exploitant ou associé d’une entreprise ou d’un établissement stable sis dans un État avec lequel la Suisse n’a pas conclu de convention de sécurité sociale – 6ter let. a RAVS

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_590/2019 (d) du 15.06.2020, destiné à la publication

 

Consultable ici

Résumé de « Jurisprudence du Tribunal fédéral relative au droit des cotisations AVS », Sélection de l’OFAS no 73

 

Calcul des cotisations des assurés sans activité lucrative / 4 al. 2 lit. a LAVS – 10 al. 1 LAVS – 6ter let. a RAVS – 28 al. 1 RAVS

Revenus d’une activité lucrative d’une personne domiciliée en Suisse exploitant ou associé d’une entreprise ou d’un établissement stable sis dans un État avec lequel la Suisse n’a pas conclu de convention de sécurité sociale / 6ter let. a RAVS

 

Le revenu de l’activité lucrative qu’une personne domiciliée en Suisse acquiert comme exploitante ou comme associée d’une entreprise ou d’un établissement stable sis dans un État avec lequel la Suisse n’a pas conclu de convention de sécurité sociale ne représente pas un revenu sous forme de rente, tant effectif que fictif. La directive de l’OFAS inscrite au n° 1038.1 DDA va donc à l’encontre des prescriptions légales (consid. 4.6 – 4.7).

L’assurée a son domicile en Suisse et n’y exerce aucune activité lucrative. En tant qu’exploitante d’un hôtel et d’un centre de bien-être en Amérique du Sud, elle génère des revenus qui sont incontestablement des revenus provenant d’une activité lucrative indépendante, mais qui sont exceptés du calcul des cotisations conformément à l’art. 6ter let. a RAVS. Pour cette raison, et aussi parce qu’elle n’exerce aucune autre activité lucrative, l’assurée est tenue, conformément à l’art. 10 al. 1, 1ère phrase, LAVS, de verser des cotisations aux assurances sociales en tant que personne sans activité lucrative. Sur recours de la caisse de compensation, le Tribunal fédéral devait trancher la question de savoir si les revenus issus de l’exploitation de l’hôtel et du centre de bien-être devaient être qualifiés de revenus sous forme de rente au sens de l’art. 28 al. 1 RAVS.

La norme de délégation de l’art. 10 al. 3 LAVS laisse une grande marge de manœuvre au Conseil fédéral en matière de réglementation du calcul des cotisations des assurés sans activité lucrative. Elle ne prévoit aucune limitation concernant les dispositions à adopter et laisse au législateur le soin d’adopter des prescriptions plus détaillées sur le cercle des personnes considérées comme n’exerçant pas d’activité lucrative ainsi que sur le calcul des cotisations (ATF 141 V 377 consid. 4.2 p. 381). De même, l’habilitation du Conseil fédéral, posée à l’art. 4 al. 2 let. a LAVS, d’excepter du calcul des cotisations les revenus provenant d’une activité lucrative exercée à l’étranger, n’est pas limitée.

D’après les prescriptions claires de l’art. 6ter RAVS, sont exceptés du calcul des cotisations les revenus d’une activité lucrative qu’une personne domiciliée en Suisse acquiert comme exploitant ou comme associé d’une entreprise ou d’un établissement stable sis dans un État avec lequel la Suisse n’a pas conclu de convention de sécurité sociale (let. a), comme organe d’une personne morale sise dans un État avec lequel la Suisse n’a pas conclu de convention de sécurité sociale (let. b) ou comme personne acquittant l’impôt calculé sur la dépense au sens de l’art. 14 LIFD (RS 642.11) (let. c). Pour la troisième catégorie de personnes, le Conseil fédéral a décidé expressément à l’art. 29 al. 5 RAVS, disposition reconnue conforme à la Constitution et à la loi dans l’ATF 141 V 377, que le montant estimatif des dépenses retenu pour la fixation de l’impôt doit être assimilé à un revenu acquis sous forme de rente (au sens de l’art. 28 al. 1 RAVS). Il n’existe pas de disposition (réglementaire) comparable pour les personnes du premier groupe, alors que l’édiction d’une telle disposition aurait été possible sans autre. Il ne va pas de soi que les revenus d’une activité lucrative acquis à l’étranger (dans un État avec lequel la Suisse n’a pas conclu de convention de sécurité sociale), qui sont considérés en droit suisse comme des revenus d’une activité lucrative, doivent être assimilés à des revenus sous forme de rente.

La conversion du revenu sous forme de rente, prévue à l’art. 28 RAVS, doit permettre de calculer la fortune qui génère un produit annuel équivalent au montant de ce revenu ; il s’agit donc de déterminer un capital de couverture fictif correspondant à la rente qui en serait issue (ATF 141 V 186 consid. 3.2.2 p. 190 s. avec références). Celui-ci doit, selon l’art. 28 al. 2 RAVS, être ajouté à une fortune éventuelle.

Le fait de considérer comme revenu sous forme de rente le revenu de l’activité lucrative acquis comme exploitant ou comme associé d’une entreprise ou d’un établissement stable sis dans un État avec lequel la Suisse n’a pas conclu de convention de sécurité sociale aurait pour conséquence que l’entreprise sur laquelle le revenu en question (sous forme de rente) est basé serait pris en compte deux fois lors du calcul des cotisations : une fois en tant que fortune effective de la personne assurée et une autre fois en tant que capital de couverture fictif servant de base au revenu. Un tel « cumul » dans la perception des cotisations sur la fortune (effective et fictive) ne se justifie par aucune raison objective. Il n’existe pas non plus pour les personnes sans activité lucrative qui sont imposées d’après la dépense conformément à l’art.14 LIFD. Si, conformément à l’art. 29 al. 5 RAVS, le montant estimatif des dépenses pour la fixation de l’impôt est assimilé au revenu sous forme de rente, la fortune, dans la mesure où elle a déjà été prise en compte dans l’estimation des dépenses, ne devrait plus être ajoutée au revenu de la rente « capitalisé » (arrêt H 20/03 du 30 décembre 2005 consid. 5). De même, un « cumul » dans la perception des cotisations ne s’applique pas au produit de la fortune. Ce revenu – qui présente des caractéristiques comparables aux revenus générés par l’exploitante d’une entreprise (qui ne sont pas considérés comme des revenus soumis à cotisations) – n’est généralement pas considéré comme un revenu sous forme de rente. Le fait de ne pas imputer de revenus sous forme de rente à la catégorie de personnes visée à l’art. 6ter let. a RAVS, alors que tel est le cas pour celle visée à la let. c, ne constitue donc pas une inégalité de traitement. Au vu de ce qui précède, le Tribunal fédéral rejette le recours introduit par la caisse de compensation.

 

 

Arrêt 9C_590/2019 consultable ici

Résumé de « Jurisprudence du Tribunal fédéral relative au droit des cotisations AVS », Sélection de l’OFAS no 73