8C_560/2015 (f) du 29.04.2016 – Troubles psychiques – Causalité adéquate selon Garcia 115 V 133 – 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_560/2015 (f) du 29.04.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1XEyPsU

 

Troubles psychiques – Causalité adéquate selon Garcia 115 V 133 – 6 LAA

Accident de la circulation – sortie de route avec plusieurs tonneaux – accident de gravité moyenne / Caractère particulièrement impressionnant de l’accident nié

 

Assuré, ouvrier, est victime le 04.07.2012 d’un accident de la circulation. Il s’est endormi au volant de sa voiture, laquelle a heurté la barrière du côté droit de la chaussée, avant de faire plusieurs tonneaux et de sortir de la route. Constatations médicales initiales : plaie de 5 cm à la tête, sans autre signe de lésion crânienne, blessure sur le dos de la main droite avec une excoriation de 1 x 1 cm. Absence de symptômes ou de signes de commotion ; pas de traumatisme osseux objectivé par les radiographies.

A son retour en Suisse, diagnostics posés par son médecin généraliste : suites de TCC (avec perte de conscience), avec amnésie et céphalées persistantes, ainsi que réaction dépressive. Diagnostics par une neurologue consultée : syndrome de stress post-traumatique associé à une réaction dépressive, de TCC modéré, de céphalées de type tensionnel chroniques quotidiennes, probablement post-TCC et dans le cadre de la réaction dépressive, de suspicion de syndrome d’apnées du sommeil et d’obésité.

Le 13.12.2012, le médecin généraliste a rapporté une évolution favorable sur le plan somatique, avec disparition presque complète des plaintes et limitations fonctionnelles, mais il a attesté la persistance de l’état dépressif. Reprise du travail à 50% dès le 01.02.2013.

Examen par le psychiatre conseil de l’assurance-accidents. Rapport du 05.04.2013 : diagnostics d’état de stress post-traumatique (F43.1), de trouble de l’adaptation, réaction dépressive prolongée (F43.21) ; lien de causalité naturelle entre ces troubles et l’accident survenu le 04.07.2012 retenu.

Décision de l’assureur-accidents le 30.07.2013, confirmée sur opposition le 23.09.2013 : suppression du droit à des prestations dès le 11.08.2013 pour l’accident survenu le 04.07.2012.

 

Procédure cantonale (arrêt A 103/13 – 54/2015 – consultable ici : http://bit.ly/1YIuK5u)

Par jugement du 01.06.2015, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Examen de la causalité adéquate – principe applicable (arrêt Garcia 115 V 133 in casu)

L’état de santé de l’assuré du recourant a été de manière précoce et durablement affecté par des troubles psychiques qui constituent une atteinte à la santé distincte et indépendante du tableau clinique caractéristique habituellement associé à un traumatisme de type « coup du lapin » à la colonne cervicale, un traumatisme analogue à la colonne cervicale ou un traumatisme cranio-cérébral (cf. ATF 134 V 109 consid. 9.5 p. 125 s.).

Il convient de trancher le cas à la lumière des principes applicables en cas de troubles psychiques consécutifs à un accident (ATF 127 V 102 consid. 5b/bb p. 103 et les références), comme l’a fait la cour cantonale. Il y a lieu d’examiner le caractère adéquat du lien de causalité en excluant les aspects psychiques de l’état de santé (ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140 et 403 consid. 5c/aa p. 409).

 

Classification de l’accident – accident de gravité moyenne

Il convient, aux fins de procéder à une classification des accidents entraînant des troubles psychiques, non pas de s’attacher à la manière dont l’assuré a ressenti et assumé le choc traumatique, mais bien plutôt de se fonder, d’un point de vue objectif, sur l’événement accidentel lui-même (ATF 115 V 133 consid. 6 p. 139, 403 consid. 5 p. 407 s.). Aussi faut-il faire abstraction des circonstances dénuées d’impact sur les forces biomécaniques, qui sont de nature à exercer exclusivement une influence sur le ressenti de la victime

In casu, l’assuré s’est endormi au volant, ce qui a provoqué chez lui un sentiment de culpabilité envers son épouse qui l’accompagnait mais qui n’a pas été blessée. L’assuré a subi une plaie de 5 cm à la tête, sans autre signe de lésion crânienne, ainsi qu’une blessure sur le dos de la main droite avec une excoriation de 1 x 1 cm. Dans cette mesure et compte tenu du fait que la passagère du véhicule n’a pas été blessée, les forces en jeu lors de l’accident (cf. arrêts 8C_77/2009 du 4 juin 2009 consid. 4.1.1; SVR 2008 UV N° 8 p. 26, U 2, 3 et 4/07, consid. 5.3.1) n’apparaissent pas telles que l’on puisse admettre que l’événement du 04.07.2012, qui doit effectivement être qualifié d’accident de gravité moyenne, se situe à la limite de la catégorie des accidents graves.

 

Caractère particulièrement impressionnant de l’accident nié

Le critère relatif aux circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou au caractère particulièrement impressionnant de l’accident doit être examiné d’une manière objective et non pas en fonction du ressenti subjectif de l’assuré, en particulier de son sentiment d’angoisse. Il faut en effet observer qu’à tout accident de gravité moyenne est associé un certain caractère impressionnant, lequel ne suffit pas pour admettre l’existence du critère en question (RAMA 1999 n° U 335 p. 207, U 287/97, consid. 3b/cc; arrêts 8C_440/2015 du 14 avril 2016 consid. 5.2; 8C_1020/2008 du 8 avril 2009 consid. 5.2).

En l’occurrence, le fait qu’il s’est endormi au volant et que son véhicule a fait plusieurs tonneaux ne permettent pas de considérer que les circonstances concomitantes étaient particulièrement dramatiques ni que l’accident était particulièrement impressionnant (cf. p. ex. arrêt 8C_363/2012 du 27 juin 2012 consid. 4.3.1).

 

Critère du degré et de la durée de l’incapacité de travail

Ce critère n’est pas retenu, du moment qu’il se rapporte aux lésions physiques (cf. ATF 115 V 133 consid. 6c/aa p. 140 et 403 consid. 5c/aa p. 409). Or, en l’occurrence, le médecin traitant a attesté la disparition presque complète des plaintes et des limitations fonctionnelles après moins de six mois (rapport du 13.12.2012). Il apparaît ainsi que dès ce moment-là, la capacité de travail a été influencée par les troubles psychiques.

 

Critères de la gravité ou la nature particulière des lésions physiques, de la durée anormalement longue du traitement médical et des douleurs physiques persistantes

Il ressort en effet des nombreux avis médicaux versés au dossier que les lésions physiques n’étaient pas graves ni de nature à occasionner des douleurs physiques persistantes ou un traitement médical anormalement long.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_560/2015 consultable ici : http://bit.ly/1XEyPsU

 

 

9C_548/2015 (f) du 10.03.2016 – Appréciation des preuves – Principe de l’égalité des armes – 6 par. 1 CEDH / Constatations des médecins internes à l’assurance

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_548/2015 (f) du 10.03.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Xr4Rbu

 

Appréciation des preuves – Principe de l’égalité des armes – 6 par. 1 CEDH

Constatations des médecins internes à l’assurance

 

TF

En matière d’appréciation des preuves, il découle du principe de l’égalité des armes, tiré du droit à un procès équitable garanti par l’art. 6 § 1 CEDH, que l’assuré a le droit de mettre en doute avec ses propres moyens de preuve la fiabilité et la pertinence des constatations médicales effectuées par un médecin interne à l’assurance. Le fait, tiré de l’expérience de la vie, qu’en raison du lien de confiance (inhérent au mandat thérapeutique) qui l’unit à son patient, le médecin traitant est généralement enclin à prendre parti pour celui-ci (ATF 125 V 351 consid. 3b/cc p. 353 et les références) ne libère pas le juge de son devoir d’apprécier correctement les preuves, ce qui suppose de prendre également en considération les rapports versés par l’assuré à la procédure. Le juge doit alors examiner si ceux-ci mettent en doute, même de façon minime, les conclusions des médecins internes à l’assurance. Poser des exigences trop élevées à la possibilité pour l’assuré de soulever de tels doutes au moyen des rapports de ses médecins traitants porterait atteinte à l’égalité des armes et donc à l’art. 6 § 1 CEDH. Dès lors, lorsque la pertinence des constatations des médecins internes à l’assurance est mise en doute par le biais d’un rapport concluant du médecin traitant, il ne suffit pas de se référer en bloc au mandat thérapeutique qui lie celui-ci à son patient pour écarter les doutes en question. De même, le tribunal ne peut se contenter de retenir de manière globale que le rapport du médecin traitant ne remplit pas, ou seulement partiellement, les exigences d’une expertise au sens de l’ATF 125 V 351 consid. 3a p. 352, sans examiner concrètement sa valeur probante.

Pour que l’assuré ait une chance raisonnable de soumettre sa cause au juge, sans être clairement désavantagé par rapport à l’assureur, le tribunal ne peut pas, lorsqu’il existe des doutes quant à la fiabilité et la pertinence des constatations des médecins internes à l’assurance, procéder à une appréciation des preuves définitive en se fondant d’une part sur les rapports produits par l’assuré et, d’autre part, sur ceux des médecins internes à l’assurance. Pour lever de tels doutes, il doit soit ordonner une expertise judiciaire, soit renvoyer la cause à l’organe de l’assurance pour qu’il mette en œuvre une expertise dans le cadre de la procédure prévue par l’art. 44 LPGA (ATF 135 V 465 consid. 4.5 et 4.6 p. 470 s.).

La jurisprudence fédérale sur la notion des doutes quant à la fiabilité et la pertinence des constatations des médecins internes à l’assurance est cohérente. En effet, en fonction des faits de la cause, tels que constatés par la juridiction cantonale, des considérations de celle-ci, ainsi que des motifs et conclusions du recours, la question de savoir si les conclusions du médecin interne à l’assurance sont mises en doute par les constatations du médecin traitant peut être traitée par le Tribunal fédéral sous deux angles différents: d’abord, du point de vue du droit, lorsqu’une violation des règles d’appréciation des preuves entre en ligne de compte. Mais aussi sous l’angle des faits, lorsqu’il s’agit d’examiner le résultat de l’appréciation concrète des documents médicaux par la juridiction cantonale, soit dans le cas d’espèce, l’absence de doutes des premiers juges quant à l’avis du médecin interne à l’assurance malgré les objections des médecins traitants.

En l’espèce, faute de doutes sur la pertinence des constatations du médecin interne à l’assurance, les premiers juges (AI 302/13 – 155/15) n’avaient pas à ordonner d’expertise judiciaire (ou à enjoindre à l’office intimé de mettre en œuvre une expertise auprès d’un médecin externe à l’assurance).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_548/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Xr4Rbu

 

 

8C_466/2015 (f) du 26.04.2016 – Revenu sans invalidité – Parallélisme des revenus à comparer – Rapports de travail dans l’agriculture / 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_466/2015 (f) du 26.04.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1sMC0na

 

Revenu sans invalidité – Parallélisme des revenus à comparer – Rapports de travail dans l’agriculture / 16 LPGA

 

TF

Marché de travail équilibré

Lorsqu’il s’agit d’examiner dans quelle mesure un assuré peut encore exploiter économiquement sa capacité de gain résiduelle sur le marché du travail entrant en considération pour lui (art. 16 LPGA), on ne saurait subordonner la concrétisation des possibilités de travail et des perspectives de gain à des exigences excessives. Il s’ensuit que pour évaluer l’invalidité, il n’y a pas lieu d’examiner le point de savoir si un invalide peut être placé eu égard aux conditions concrètes du marché du travail, mais uniquement de se demander s’il pourrait encore exploiter économiquement sa capacité résiduelle de travail lorsque les places de travail disponibles correspondent à l’offre de la main d’œuvre (voir p. ex. l’arrêt 9C_329/2015 du 20 novembre 2015 consid. 7.2 et les références citées).

 

Revenu sans invalidité

Selon la jurisprudence, le revenu hypothétique de la personne valide se détermine, en règle générale, en établissant au degré de la vraisemblance prépondérante ce qu’elle aurait effectivement pu réaliser au moment déterminant si elle était en bonne santé. Le revenu sans invalidité doit être évalué de la manière la plus concrète possible, raison pour laquelle il se déduit, en principe, du salaire réalisé par l’assuré avant l’atteinte à la santé, en tenant compte de l’évolution des salaires jusqu’au moment de la naissance du droit à la rente (ATF 129 V 222 consid. 4.3.1 p. 224 et la référence).

Cependant, lorsqu’il apparaît que l’assuré touchait un salaire nettement inférieur aux salaires habituels de la branche pour des raisons étrangères à l’invalidité (p. ex. formation professionnelle insuffisante, connaissances insuffisantes d’une langue nationale ou limitation des possibilités d’emploi en raison du statut de saisonnier) et que les circonstances ne permettent pas de supposer qu’il s’est contenté d’un salaire plus modeste que celui qu’il aurait pu prétendre, il y a lieu d’en tenir compte dans la comparaison des revenus en opérant un parallélisme des revenus à comparer. Le revenu effectivement réalisé doit être considéré comme nettement inférieur aux salaires habituels de la branche lorsqu’il est inférieur d’au moins 5% au salaire statistique de la branche (ATF 135 V 297 consid. 6.1.2 p. 302). Le revenu nettement inférieur peut alors justifier un parallélisme des revenus à comparer, lequel doit porter seulement sur la part qui excède le taux déterminant de 5%. En pratique, le parallélisme des revenus à comparer peut être effectué soit au regard du revenu sans invalidité en augmentant de manière appropriée le revenu effectivement réalisé ou en se référant aux données statistiques, soit au regard du revenu d’invalide en réduisant de manière appropriée la valeur statistique (ATF 134 V 322 consid. 4.1 p. 326).

Pour pouvoir procéder à un parallélisme des revenus à comparer, le revenu effectivement réalisé par l’assuré avant l’atteinte à la santé doit être inférieur d’au moins 5% au salaire usuel de la branche et non pas au salaire statistique total, toutes activités confondues.

Les données statistiques 2010 sur lesquelles s’est fondée l’assurance-accidents pour calculer le revenu d’invalide ne s’appliquent pas au secteur de l’agriculture (cf. notamment Enquête suisse sur la structure des salaires 2010, ch. 4.1 p. 19). Elles ne sont donc d’aucune utilité pour déterminer le salaire usuel de la branche aux fins d’opérer une parallélisation des revenus. C’est pourquoi, en ce qui concerne les rapports de travail dans l’agriculture, on peut se fonder sur les chiffres tirés du contrat-type pour les travailleurs agricoles édicté par le canton concerné (arrêt 9C_672/2010 du 20 juin 2011, consid. 5.3; ULRICH MEYER/MARCO REICHMUTH, Bundesgesetz über die Invalidenversicherung [IVG], 3 ème éd. 2014, n° 124 ad art. 28a LAI).

 

 

Arrêt 8C_466/2015 consultable ici : http://bit.ly/1sMC0na

 

 

8C_860/2014 (f) du 11.03.2016 – proposé à la publication – Mode de calcul du montant de la rente d’invalidité – 36 LAI – 32 RAI – 29bis LAVS / Prise en compte de périodes de cotisations accomplies au Portugal – ALCP

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_860/2014 (f) du 11.03.2016, proposé à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/1TQWosX

 

Mode de calcul du montant de la rente d’invalidité – 36 LAI – 32 RAI – 29bis LAVS

Prise en compte de périodes de cotisations accomplies au Portugal – ALCP

 

Assuré né en 1952, de nationalité portugaise, ayant travaillé en Suisse depuis 1981. Depuis le 17.03.1989, il réside en Suisse de manière ininterrompue. Il a été mis au bénéfice d’une rente entière d’invalidité pour la période du 01.10.1997 au 30.04.1999, fondée sur un revenu annuel moyen de 75’978 fr., une durée de cotisations (accomplie en Suisse et au Portugal) de 22 années et 4 mois et l’échelle de rente 41.

Le 15.07.2008, l’assuré a déposé une nouvelle demande de prestations d’invalidité. Octroi d’une demi-rente d’invalidité à compter du 01.01.2009. La rente était calculée en fonction d’un revenu annuel moyen déterminant de 57’564 fr., d’une durée de cotisations (accomplie en Suisse uniquement) de 22 années et 6 mois, entraînant l’application de l’échelle de rente 31.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1099/2014 – consultable ici : http://bit.ly/1OIfn7l)

Par jugement du 21.10.2014, la cour cantonale a admis le recours. Elle a annulé la décision attaquée et renvoyé la cause à l’office de l’assurance-invalidité « pour nouveau calcul du montant de la rente d’invalidité en tenant compte des périodes de cotisations accomplies au Portugal, puis nouvelle décision ».

 

TF

En l’espèce, le droit à la rente d’invalidité de l’assuré est né avant l’entrée en vigueur du règlement no 883/04. Ratione temporis, le présent cas doit donc être tranché à la lumière du règlement n° 1408/71, sous réserve des règles transitoires précitées pour la période postérieure au 31 mars 2012 (voir à ce sujet ARNO BOKELOH, Die Übergangsregelungen in den Verordnungen (EG) Nr. 883/04 und 987/09, ZESAR 2011 p. 18-23; BERNHARD SPIEGEL, in Europäisches Sozialrecht, 6 e éd. 2013, n° 17 p. 542 ad art. 87 et 87a; SUSANNE DERN, in VO (EG) Nr. 883/2004, 2012, n° 7 s. p. 384 ad art. 87).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral rendue sous le régime du règlement n° 1408/71, l’art. 20 ALCP n’exclut pas qu’un assuré soit mis au bénéfice d’une disposition plus favorable d’une convention bilatérale de sécurité sociale, pour autant qu’il ait exercé son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de l’ALCP (ATF 133 V 329 précité). Le travailleur qui a exercé son droit à la libre circulation ne doit pas être pénalisé du fait des règlements communautaires par rapport à la situation qui aurait été la sienne s’il avait été régi par la seule législation nationale. La jurisprudence européenne repose aussi sur l’idée que l’intéressé était en droit, au moment où il a exercé son droit à la libre circulation, d’avoir une confiance légitime dans le fait qu’il pourrait bénéficier des dispositions de la convention bilatérale (arrêts [de la CJCE] du 5 février 2002 C-277/99 Kaske, Rec. 2002 I-1261; du 9 novembre 2000 C-75/99 Thelen, Rec. 2000 I-9399; du 9 novembre 1995 C-475/93 Thévenon, Rec. 1995 I-3813; du 7 février 1991 C-227/89 Rönfeldt, Rec. 1991 I-323).

L’ATF 133 V 329 concernait le paiement d’un complément différentiel prévu par la Convention du 3 juillet 1975 de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la République française (RS 0.831.109.349.1), mais non par le droit communautaire. Ce complément était versé en cas de remplacement d’une rente d’invalidité de l’assurance-invalidité suisse (système de type A) par deux rentes de vieillesse, d’un montant total inférieur, versées l’une par la Suisse et l’autre par la France. Le complément différentiel visait à maintenir les droits garantis jusqu’alors par le versement de la rente d’invalidité suisse.

Contrairement à ce que voudraient l’office AI et l’OFAS, il ne se justifie pas de revenir sur la jurisprudence de cet arrêt ni d’en restreindre la portée à la situation spécifique (complément différentiel) visée par celui-ci.

Cela dit, le Tribunal fédéral a déjà répondu aux objections d’ordre pratique invoquées par l’OFAS (ATF 133 V 329 consid. 8.7 p. 342 s.). Certes, comme le souligne l’office, il n’est pas d’emblée évident que le calcul préconisé par les premiers juges soit plus favorable à l’assuré. Cela implique un calcul comparatif auquel ni l’administration ni la juridiction cantonale n’ont procédé en l’espèce. Il est nécessaire au préalable que l’organisme compétent selon la législation portugaise communique, sur demande de la caisse suisse, les périodes de cotisations et les périodes assimilées que l’intéressé a accomplies selon la législation portugaise et qui seraient prises en considération pour l’ouverture du droit et le calcul de la pension d’invalidité selon cette législation. Il importe aussi de connaître le montant de la rente qui serait allouée par le Portugal compte tenu des seules périodes accomplies dans ce pays.

En l’espèce, l’assuré a exercé son droit à la libre circulation avant l’entrée en vigueur de l’ALCP. C’est donc à bon droit que les premiers juges ont prescrit au recourant de tenir compte des périodes de cotisations accomplies au Portugal, étant précisé que cette solution ne sera applicable que si elle est plus favorable à l’assuré. Au besoin, le recourant tiendra compte de la réglementation transitoire.

 

Le TF rejette le recours de l’Office AI.

 

 

Arrêt 8C_860/2014 consultable ici : http://bit.ly/1TQWosX

 

 

6B_876/2015 (f) du 02.05.2016 – destiné à la publication – Concours entre le délit de chauffard de l’art. 90 al. 3 LCR et la mise en danger de l’art. 129 CP

Arrêt du Tribunal fédéral 6B_876/2015 (f) du 02.05.2016, destiné à la publication

 

Consultable ici : http://bit.ly/1TxMsHj

 

Concours entre le délit de chauffard de l’art. 90 al. 3 LCR et la mise en danger de l’art. 129 CP

Réparation du tort moral pour détention dans des conditions illicites – 431 CPP – 5 par. 5 CEDH

 

Faits

Le 01.09.2013, vers 3h00, X.__ n’a pas obtempéré aux injonctions d’arrêt d’un agent de police dans le cadre d’un contrôle de circulation et a pris la fuite. Un signalement du véhicule a été diffusé sur les ondes. Peu après, une patrouille de police a repéré la voiture ; malgré des ordres clairs d’arrêt des policiers, X.__ a poursuivi sa route. Peu après, il a failli percuter une deuxième voiture de police qui barrait l’avenue de Lavaux afin de l’arrêter. Une course-poursuite a alors été entamée. Tout au long du trajet urbain, X.__ n’a pas respecté de nombreux panneaux « stop » et « cédez-le passage », a franchi plusieurs giratoires à contresens et a circulé à une allure nettement supérieure aux 50 km/h prescrits, la police constatant notamment des pointes à 100 km/h.

La même nuit, vers 3h55, la voiture conduite par X.__ a été repérée et a été prise en chasse. X.__ a ensuite accéléré jusqu’à une vitesse de 180 km/h, dans Lausanne, et, franchissant plusieurs feux rouges et effectuant des dépassements téméraires, forçant d’autres usagers de la route à effectuer des manœuvres d’évitement d’urgence. Une voiture de police s’est mise en travers de la chaussée de manière à lui bloquer le passage. Une tentative d’évitement et un début de freinage in extremis ne l’ont pas empêché de percuter violemment le véhicule. X.__ a alors pris la fuite à pied sans se soucier du sort des occupants du véhicule de police. Il a été rattrapé et s’est encore débattu, tentant de prendre la fuite.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a relevé que, par son comportement, X.__ avait manifestement mis en danger les autres usagers de la route en roulant à des vitesses nettement supérieures à la limite autorisée, que ce soit en ville de Lausanne ou sur la route de Berne. Le danger de mort provoqué par le prévenu à l’encontre des agents de police qui tentaient de l’intercepter n’entrait pas dans les prévisions de l’art. 90 al. 3 LCR. En effet, au moment où il avait mis en danger la vie de ces agents de police en percutant violemment le véhicule qui cherchait à l’intercepter, X.__ n’avait pas agi comme chauffard, mais comme fugitif, prêt à prendre tous les risques pour éviter d’être appréhendé. Il s’agissait d’un comportement illicite qui tombait sous le coup de l’art. 129 CP et entrait en concours réel avec les mises en danger des autres usagers de la route dont X.__ s’était rendu coupable durant la course-poursuite qui avait précédé son interpellation.

Statuant le 11.06.2015 (http://bit.ly/1WJTnkj), la Cour d’appel pénale du Tribunal cantonal vaudois a rejeté l’appel de X.__ et confirmé le jugement du 12.02.2015 rendu par le Tribunal correctionnel de l’arrondissement de Lausanne.

 

TF

Mise en danger de la vie d’autrui (art. 129 CP)

L’art. 129 CP punit d’une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d’une peine pécuniaire celui qui, sans scrupules, aura mis autrui en danger de mort imminent. Cette infraction suppose la réunion de trois éléments, à savoir la mise d’autrui dans un danger de mort imminent, la conscience de ce fait et l’absence de scrupules.

Le danger au sens de l’art. 129 CP suppose un risque concret de lésion, c’est-à-dire un état de fait dans lequel existe, d’après le cours ordinaire des choses, la probabilité ou un certain degré de possibilité que le bien juridique soit lésé, sans toutefois qu’un degré de probabilité supérieur à 50 % soit exigé (ATF 121 IV 67 consid. 2b p. 70). Il doit en outre s’agir d’un danger de mort, et non pas seulement d’un danger pour la santé ou l’intégrité corporelle (ATF 133 IV 1 consid. 5.1 p. 8). Enfin, il faut que le danger soit imminent. La notion d’imminence n’est toutefois pas aisée à définir. Elle implique en tout cas, outre la probabilité sérieuse de la réalisation du danger concret, un élément d’immédiateté qui se caractérise moins par l’enchaînement chronologique des circonstances que par le lien de connexité direct unissant le danger et le comportement de l’auteur. L’immédiateté disparaît ou s’atténue lorsque s’interposent ou surviennent des actes ou d’autres éléments extérieurs (ATF 106 IV 12 consid. 2a p. 14; arrêt 6B_88/2014 du 10 novembre 2014 consid. 3.1).

Du point de vue subjectif, il faut que l’auteur ait agi intentionnellement et que l’acte ait été commis sans scrupules (sur cette condition, voir ATF 114 IV 103 consid. 2a p. 108). L’auteur doit avoir conscience du danger de mort imminent pour autrui et adopter volontairement un comportement qui le crée (ATF 121 IV 67 consid. 2d p. 75 in fine). En revanche, il ne veut pas, même à titre éventuel, la réalisation du risque, sans quoi il s’agirait d’une tentative d’homicide (ATF 107 IV 163 consid. 3 p. 165). Le dol éventuel ne suffit pas (arrêt 6B_307/2013 du 13 juin 2013 consid. 4.1).

 

Violation grave qualifiée des règles de la circulation routière (art. 90 al. 3 LCR)

Aux termes de l’art. 90 al. 3 LCR, celui qui, par une violation intentionnelle des règles fondamentales de la circulation, accepte de courir un grand risque d’accident pouvant entraîner de graves blessures ou la mort, que ce soit en commettant des excès de vitesse particulièrement importants, en effectuant des dépassements téméraires ou en participant à des courses de vitesse illicites avec des véhicules automobiles, est puni d’une peine privative de liberté d’un à quatre ans. Cette disposition est toujours applicable lorsque la vitesse maximale autorisée a été dépassée d’au moins 40 km/h là où la limite était fixée à 30 km/h, d’au moins 50 km/h là où la limite était fixée à 50 km/h, d’au moins 60 km/h là où la limite était fixée à 80 km/h et d’au moins 80 km/h là où la limite était fixée à plus de 80 km/h (art. 90 al. 4 LCR).

 

Concours entre le délit de chauffard de l’art. 90 al. 3 LCR et la mise en danger de l’art. 129 CP

La question du concours entre le délit de chauffard de l’art. 90 al. 3 LCR et la mise en danger de l’art. 129 CP ne s’est pas encore posée devant le Tribunal fédéral. Certains auteurs considèrent que l’art. 90 al. 3 LCR peut être vu comme le pendant de l’art. 129 CP et prime donc cette dernière disposition dans le domaine de la circulation routière (DÉLÈZE/DUTOIT, Le « délit de chauffard » au sens de l’art. 90 al. 3 LCR: éléments constitutifs et proposition d’interprétation, in PJA 2013 p. 1202 ss, p. 1214; ANDRÉ BUSSY ET AL., Code suisse de la circulation routière commenté, 2015, ch. 6.3 let. b ad. art. 90 LCR; YVAN JEANNERET, Via sicura: le nouvel arsenal pénal, in Circulation routière 2/2013 p. 31 ss, p. 40). Une autre partie de la doctrine est d’avis que l’art. 129 CP absorbe l’art. 90 al. 3 LCR mais qu’un concours réel demeure possible lorsque la mise en danger concerne encore d’autres usagers de la route (PHILIPPE WEISSENBERGER, Kommentar Strassenverkehrgesetz und Ordnungsbussengesetz, 2ème édition, 2015, n° 181 ad art. 90 LCR; GEHRARD FIOLKA, in Balser Kommentar SVG, 2014, n° 192 ad art. 90 LCR). Cette question n’a pas besoin d’être tranchée en l’espèce.

Dans le cas d’espèce, il n’est pas contesté qu’au cours de la course-poursuite, X.__ s’est rendu coupable de violation grave qualifiée des règles de la circulation routière. Les excès de vitesse qui lui sont reprochés, ainsi que les autres infractions au code de la route, commis en partie en zone urbaine, étaient propres à provoquer un accident mortel et ont ainsi mis concrètement en danger la vie des autres usagers de la route. Ces actes sont ainsi couverts par l’art. 90 al. 3 LCR.

En revanche, l’épisode où X.__ a percuté violemment le véhicule de la police et s’est enfui sans se soucier du sort des passagers constitue une infraction distincte, basée sur un état de fait différent. A ce stade, seuls les agents étaient la cible de X.__; par la collision et la fuite qui s’en est suivie, X.__ a mis en danger de mort imminent les policiers qui cherchaient à l’intercepter, et non plus les autres usagers de la route. L’on se trouve ainsi en présence d’un concours réel d’infractions: le délit de chauffard, qui couvre manifestement les actes commis durant la course-poursuite, n’englobe pas la mise en danger des agents de police qui résulte de la collision et de la fuite. Comme l’a relevé à juste titre la cour cantonale, les exemples donnés à l’art. 90 al. 3 LCR (excès de vitesse particulièrement importants, dépassements téméraires ou courses de vitesse illicites) démontrent en effet que le législateur a voulu sanctionner des actes de conduite gravement dangereux; or, le danger de mort provoqué par X.__ à l’encontre des agents n’entre pas dans les prévisions de cette disposition.

 

Réparation du tort moral pour détention dans des conditions illicites

Aux termes de l’art. 431 al. 1 CPP, si le prévenu a, de manière illicite, fait l’objet de mesures de contrainte, l’autorité pénale lui alloue une juste indemnité et réparation du tort moral. L’art. 5 par. 5 CEDH prévoit que toute personne victime d’une détention dans des conditions contraires aux dispositions de cet article a droit à réparation. Cette disposition n’octroie pas au recourant de garanties plus étendues que celles découlant de l’art. 431 CPP et ne lui accorde en particulier pas le droit de choisir le mode de dédommagement.

S’agissant du mode et de l’étendue de l’indemnisation fondée sur les art. 429 ss CPP, il n’est pas exclu de s’inspirer des règles générales des art. 41 ss CO (cf. ATF 140 I 246 consid. 2.6 p. 251). Ces dispositions accordent au juge un large pouvoir d’appréciation, que le Tribunal fédéral ne revoit qu’avec retenue (cf. ATF 137 III 303 consid. 2.2.2 p. 309 s.; arrêt 6B_111/2012 du 15 mai 2012 consid. 4.2; arrêt 6B_437/2014 du 29 décembre 2014 consid. 3). En vertu de l’art. 43 CO, une réparation en nature n’est pas exclue (HEIERLI/ SCHNYDER, in Basler Kommentar OR, 2011, n° 4 ad art. 43 CO). Une réparation en nature est déjà pratiquée par la jurisprudence en cas de violation du principe de la célérité. Le Tribunal fédéral considère alors, comme les retards de procédure ne peuvent être guéris, qu’il y a lieu de tenir compte de la violation du principe de la célérité sur le plan de la peine en réduisant celle-ci (ATF 133 IV 158 consid. 8 p. 170).

En l’espèce, contrairement à ce qu’affirme X.__, le choix du type d’indemnisation ne lui appartient pas, le mode et l’étendue de la réparation étant laissés à l’appréciation du juge. En l’occurrence, les juges cantonaux n’ont pas excédé leur pouvoir d’appréciation en considérant que la restitution de la liberté constituait le meilleur moyen de réparer le tort subi par X.__ et en décidant ainsi de diminuer la durée de la peine, ce qui correspond à une indemnisation en nature. Ce faisant, ils se sont visiblement inspirés de la solution adoptée par le législateur à l’art. 431 al. 2 CPP en cas de durée excessive de la détention provisoire, qui prévoit en premier lieu l’imputation de la détention sur les sanctions prononcées. Le mode de réparation choisi par la cour cantonale échappe par conséquent à la critique.

 

 

Arrêt 6B_876/2015 consultable ici : http://bit.ly/1TxMsHj

 

 

9C_869/2015 (f) du 26.04.2016 – Limitations fonctionnelles pour une pathologie cervicale – Surdité et capacité de travail exigible – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_869/2015 (f) du 26.04.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Tpfzwy

 

Limitations fonctionnelles pour une pathologie cervicale – Surdité et capacité de travail exigible – 16 LPGA

 

TF

Les limitations fonctionnelles reconnues sur le plan physique (pas de travail en position fixe de la colonne cervicale, pas de port régulier de charges supérieures à 10 kilos, pas d’engagement physique lourd, possibilité de changements fréquents de position) constituent des mesures classiques d’épargne en vue d’éviter les douleurs provoquées par une pathologie cervicale.

Sur le plan personnel et professionnel, la mise en valeur de la capacité résiduelle de travail de l’assurée dans une activité adaptée apparaît également exigible. Âgée de 44 ans à la date de la décision litigieuse, elle n’avait pas encore atteint l’âge à partir duquel la jurisprudence considère généralement qu’il n’existe plus de possibilité réaliste de mise en valeur de la capacité résiduelle de travail sur un marché du travail supposé équilibré (ATF 138 V 457 consid. 3.1 p. 459; voir également arrêt 9C_918/2008 du 28 mai 2009 consid. 4.2.2).

Si les restrictions induites par ses limitations fonctionnelles et la gêne professionnelle et sociale induite par la surdité (surdité totale droite et de surdité de perception gauche de degré moyen à sévère) peuvent limiter dans une certaine mesure les possibilités de retrouver un emploi, on ne saurait considérer qu’ils rendent cette perspective illusoire. Il n’est par ailleurs pas arbitraire d’affirmer que le marché du travail offre un large éventail d’activités légères, dont on doit convenir qu’un nombre important sont adaptées aux limitations de l’assurée.

Au demeurant, la mesure de reclassement allouée par la juridiction cantonale permettra de cerner au mieux les compétences et capacités professionnelles de l’assurée.

 

 

 

Arrêt 9C_869/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Tpfzwy

 

 

9C_547/2015 (f) du 22.04.2016 – Déni de justice – Retard injustifié nié par le TF / 29 al. 1 Cst. / Lenteur dans la mise en œuvre d’une expertise via la plateforme SuisseMED@P – 72bis RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_547/2015 (f) du 22.04.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1NzCiXJ

 

Déni de justice – Retard injustifié nié par le TF / 29 al. 1 Cst.

Lenteur dans la mise en œuvre d’une expertise via la plateforme SuisseMED@P – 72bis RAI

 

Par jugement du 23.07.2013, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud a renvoyé la cause à l’administration afin qu’elle en complète l’instruction (en réalisant une expertise pluridisciplinaire) puis rende une nouvelle décision (jugement du 23 juillet 2013). Après avoir informé l’assuré par communication du 07.10.2013, le dossier a été inscrit sur la plateforme SuisseMED@P (système d’attribution aléatoire des mandats d’expertise) le 19.11.2013. L’administration n’a pas pu apporter de réponse aux demandes de l’intéressé (courriers des 03.12.2014 et 10.02.2015) portant sur la date à laquelle l’expertise pourrait être réalisée (correspondance du 13.02.2015).

 

Procédure cantonale (arrêt AI 68/15 – 188/2015 – consultable ici : http://bit.ly/23XZOPR)

Par jugement du 13.07.2015, rejet du recours pour déni de justice, dans la mesure où il était recevable, par le tribunal cantonal.

 

TF

Comme correctement mentionné par les premiers juges, le Tribunal fédéral a déjà pu s’exprimer sur la problématique des retards qui pouvaient survenir à l’occasion de la mise en œuvre  du système d’attribution aléatoire de mandats d’expertise pluridisciplinaire par le biais de la plateforme informatique SuisseMED@P exploitée par la conférence des offices AI (cf. arrêt 9C_140/2015 du 26 mai 2015). A cette occasion, il avait distingué les attributions respectives des offices AI – ou de l’OFAS – et des autorités judiciaires dans le fonctionnement de cette plateforme.

Le Tribunal fédéral avait constaté que, puisqu’il intervenait au stade de la réalisation des expertises multidisciplinaires permettant d’évaluer l’invalidité d’un assuré, le fonctionnement de la plateforme mentionnée relevait des attributions légales des offices AI (cf. art. 57 let f. LAI) et – partant – était l’un des éléments sur lesquels la Confédération exerçait un devoir général de surveillance (cf. art. 64 LAI). Le TF avait également relevé que ce devoir de surveillance avait été délégué au Département fédéral de l’intérieur qui en avait transféré une partie à l’OFAS afin que celui-ci s’en acquitte de façon indépendante (cf. art. 176 RAVS, qui est applicable par renvoi des art. 64 LAI et 72 RAVS). Le TF avait inféré de ces dispositions légales et règlementaires qu’il n’appartenait pas à une autorité judiciaire de s’exprimer, sous l’angle du déni de justice, sur les difficultés et les retards survenus dans le contexte de l’exécution d’une décision entrée en force de chose décidée (cf. arrêt 9C_72/2011 du 20 juin 2011 consid. 2.2 et 2.3), mais qu’il revenait à l’OFAS d’intervenir – à la suite de dénonciations, éventuellement – en exerçant son contrôle sur l’exécution par les offices AI des tâches énumérées à l’art. 57 LAI (cf. art. 64a al. 1 let. a LAI) et en édictant à l’intention desdits offices des directives générales ou portant sur des cas d’espèce (cf. art. 64a al. 1 let. b LAI et 50 al. 1 RAI; cf. consid. 5.2.1 de l’arrêt 9C_140/2015 du 26 mai 2015). Le TF avait enfin considéré que les autorités judiciaires devaient toutefois examiner l’influence du retard pris dans l’exécution de la décision visant la réalisation d’une expertise sur l’ensemble de la procédure et déterminer si le temps écoulé faisait apparaître l’absence de décision finale comme un retard injustifié (cf. consid. 5.2.2 de l’arrêt 9C_140/2015 du 26 mai 2015).

En l’espèce, le premier grief visant à imputer la responsabilité du retard dans la réalisation de l’expertise à l’administration au motif que celle-ci n’aurait pas conclu suffisamment de conventions avec des centres d’expertise ne lui est d’aucune utilité dès lors que ces conventions doivent être conclues entre les centres d’expertise et l’OFAS, et non les offices AI (cf. art. 72bis al. 1 RAI). Le nombre insuffisant de conventions peut être une des causes de dysfonctionnement du système d’attribution des mandats d’expertise par le biais de la plateforme SuisseMED@P, ce qui ne relève pas de la compétence des tribunaux au regard de ce qui précède.

Le second grief de l’assuré a trait de déterminer si eu égard à l’ensemble de la procédure, le retard pris dans la concrétisation de l’expertise faisait apparaître le défaut de décision finale comme un retard pouvant être qualifié d’injustifié.

Le caractère raisonnable de la durée de la procédure doit s’apprécier en fonction des circonstances particulières de la cause (cf. ATF 125 V 188 consid. 2a p. 191 s.). Les seize mois passés depuis l’enregistrement du dossier dans le système SuisseMED@AP le 19.11.2013 jusqu’au dépôt par l’assuré d’un recours pour déni de justice le 18.03.2015 peuvent certes paraître longs pour l’étape de la désignation des experts. Cependant, la durée de la procédure dans son ensemble ne peut être qualifiée de déraisonnable étant donné les circonstances particulières de la cause. En effet, le complément d’instruction ordonné par la juridiction cantonale le 23.07.2013 s’inscrit dans les suites de l’ATF 137 V 210 qui a introduit le principe du hasard dans l’attribution des mandats d’expertise. La mise en œuvre d’un tel système au moyen d’une plateforme informatique engendre forcément des ajustements et des délais auxquels s’ajoutent concrètement les difficultés liées aux spécificités de l’expertise (cinq disciplines visant à évaluer l’impact du cumul des pathologies diagnostiquées).

Dans ces circonstances, les seize mois de retard pris dans l’exécution de la décision ne font pas encore apparaître le défaut de décision finale comme un retard injustifié. Le TF précise toutefois que ces seize mois de retard mettent en évidence une situation insatisfaisante, voire un dysfonctionnement, qui, s’il perdurait, serait éventuellement susceptible de causer un retard injustifié.

Enfin, le TF mentionne que situation dans laquelle se trouve l’assuré est insatisfaisante et difficilement compréhensible pour un justiciable. Elle laisse supposer que la plateforme SuisseMED@P ne fonctionne pas, ou pas correctement, du moins dans certaines circonstances telles que la réalisation d’une expertise regroupant plusieurs disciplines choisies de manière contraignante par l’administration. L’hypothèse qu’aucun centre d’expertise ne réunisse les compétences requises – et, par conséquent, l’impossibilité de réaliser l’expertise ordonnée – est plausible. Ce dysfonctionnement est du ressort de l’OFAS.

Le TF transmet le dossier à l’OFAS afin qu’il assume son rôle d’autorité de surveillance en identifiant les causes du problème et en indiquant au moyen d’une directive générale ou portant sur le cas d’espèce comment les solutionner. Cela se justifie d’autant plus que l’office AI a inscrit l’expertise sur la plateforme SuisseMED@P en date du 19.11.2013 et que, depuis le 01.01.2015, prévaut le principe « premier entré, premier sorti ». Ceci fait, l’OFAS transférera le dossier à l’office AI pour que celui-ci reprenne le traitement du dossier.

 

 

Arrêt 9C_547/2015 consultable ici : http://bit.ly/1NzCiXJ

 

 

9C_723/2015 (f) du 06.04.2016 – Prise en charge d’une opération d’une infirmité congénitale (forme de spina bifida ; pathologie rare et complexe) réalisée aux Etats-Unis / 23bis RAI – OIC 381

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_723/2015 (f) du 06.04.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/27uovbb

 

Prise en charge d’une opération d’une infirmité congénitale (forme de spina bifida ; pathologie rare et complexe) réalisée aux Etats-Unis / 23bis RAI – OIC 381

Analyse globale et détaillée de la situation indispensable

 

Assurée présentant à la naissance une lipomyéloméningocèle avec moelle basse attachée. Par décision du 15.11.2012, l’office AI a informé les parents de l’assuré qu’il prendrait en charge les coûts de traitement de l’infirmité congénitale (OIC 381) jusqu’au jour où leur enfant atteindrait l’âge de 20 ans.

L’indication à une opération neurochirurgicale de défixation de la moelle a été posée, qui a eu lieu le 26.02.2013 aux Etats-Unis selon la technique de la défixation complète. Le coût de l’intervention s’est élevé à 122’822,70 USD. L’office AI a, par décision du 10.09.2014, refusé la prise en charge de l’intervention effectuée aux Etats-Unis, au motif que celle-ci aurait pu être pratiquée en Suisse. Décision confirmée par le tribunal cantonal, par jugement du 25.08.2015.

 

TF

Conformément à l’art. 23bis RAI, l’assurance prend en charge le coût d’une mesure de réadaptation effectuée de manière simple et adéquate à l’étranger lorsqu’il s’avère impossible de l’effectuer en Suisse, notamment parce que les institutions requises ou les spécialistes fond défaut (al. 1). L’assurance prend en charge le coût d’une mesure médicale effectuée de manière simple et adéquate à l’étranger consécutivement à un état de nécessité (al. 2). Si une mesure de réadaptation est effectuée à l’étranger pour d’autres raisons méritant d’être prises en considération, l’assurance en assume le coût jusqu’à concurrence du montant des prestations qui serait dû si la même mesure avait été effectuée en Suisse (al. 3).

Selon la jurisprudence, les conditions posées à l’art. 23bis al. 3 RAI ne sauraient être interprétées avec trop de rigueur, auquel cas la délimitation avec l’art. 23bis al. 1 RAI deviendrait difficile. En édictant l’art. 23bis al. 3 RAI, le Conseil fédéral avait en effet pour but d’introduire une nouvelle possibilité d’obtenir des prestations qui ne saurait rester lettre morte. Une interprétation restrictive se justifie d’autant moins que l’application de cette disposition n’entraîne pas pour l’assurance-invalidité des charges plus importantes que celles occasionnées par l’exécution des mesures de réadaptation en Suisse. L’assurance-invalidité ne saurait ainsi se décharger de ses obligations, au seul motif que la personne assurée a choisi de se faire traiter à l’étranger. Quand bien même cette disposition ne doit pas être interprétée avec trop de rigueur, les raisons méritant d’être prises en considération doivent néanmoins revêtir un certain poids, au risque sinon de vider de son contenu la règle légale selon laquelle une mesure appliquée à l’étranger ne peut être prise en charge qu’exceptionnellement (arrêt I 120/04 du 16 mai 2006 consid. 4.1, in SVR 2007 IV n° 12 p. 43; voir également ATF 133 V 624 consid. 2.3.2 p. 627 et 110 V 99 consid. 1 p. 100). Aussi, la jurisprudence a-t-elle précisé que le fait qu’une clinique spécialisée située à l’étranger disposait, dans le cas d’une opération chirurgicale complexe, d’une plus grande expérience dans un domaine déterminé (arrêt I 206/95 du 3 novembre 1995) ou le fait que des spécialistes étrangers avaient une approche différente de celle proposée en Suisse (arrêt I 155/95 du 26 janvier 1996 consid. 3c) ne constituaient pas, à elles seules, des raisons méritant d’être prises en considération au sens de l’art. 23bis al. 3 RAI. La prise en charge d’une mesure de réadaptation effectuée à l’étranger a en revanche été admise en présence d’une maladie particulièrement rare et complexe à laquelle les spécialistes suisses n’étaient que rarement confrontés (arrêts I 129/01 du 27 novembre 2001, I 281/00 du 13 février 2001, I 740/99 du 21 juillet 2000 et I 106/99 du 20 septembre 1999).

D’après le ch. 1239 de la Circulaire de l’OFAS sur les mesures médicales de réadaptation de l’AI (CMRM), l’octroi de prestations de l’assurance-invalidité à l’étranger est exceptionnellement pris en considération si des raisons d’importance plaident pour l’application des mesures médicales à l’étranger, en particulier lorsque les cliniques spécialisées à l’étranger ont plus d’expérience dans des opérations rares et compliquées ainsi que dans le suivi post-opératoire, ce qui permet de réduire manifestement le risque de l’opération.

Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence et des directives administratives établies par l’OFAS, il convient de procéder à un examen particulièrement minutieux de la prise en charge d’une mesure médicale effectuée à l’étranger, lorsque l’intervention litigieuse a pour objectif de traiter une pathologie rare et complexe.

Le dossier ne contient aucune prise de position médicale examinant de manière détaillée sa situation concrète. S’agissant d’une pathologie à l’évidence rare et complexe (6 cas de spina bifida en Suisse en 2012 [Office fédéral de la statistique, Statistiques de la santé 2014, p. 61]), il n’est pas suffisant de se fonder uniquement sur le fait que des opérations sur moelle basse fixée se pratique en Suisse pour retenir que l’intervention à laquelle il convenait concrètement de procéder sur la personne du recourant pouvait être effectuée dans des conditions adéquates en Suisse.

Dans la mesure où il convenait d’examiner s’il existait des raisons – subjectives ou objectives (cf. les commentaires de l’OFAS relatifs à la modification du RAI du 29 novembre 1976, in RCC 1977 p. 15) – méritant d’être prises en considération, il y avait lieu de procéder à une analyse globale et détaillée de la situation. Dans le cas d’espèce, celle-ci devait à tout le moins inclure l’examen de la localisation, de la forme et de la gravité du spina bifida présenté par l’assuré, de l’adéquation des techniques opératoires pratiquées en Suisse au regard des particularités de la malformation et des risques de complications (à court, moyen et long terme [y compris le risque de devoir subir une nouvelle intervention chirurgicale]), de l’expérience des spécialistes suisses dans le traitement de ce type spécifique de malformation, de la qualité du suivi post-opératoire ou encore de la pertinence des résultats des recherches menées par le docteur Pang (PANG/ZOVICKIAN/OVIEDO, Long-term outcome of total and near-total resection of spinal cord lipomas and radical reconstruction of the neural placode, Neurosurgery, 65 (3) p. 511 et 66 (2) p. 253).

L’instruction menée aussi bien par l’office AI que par la juridiction cantonale était insuffisante. Le TF admet le recours de l’assuré, renvoie la cause à l’office AI pour qu’il réexamine, sur la base d’une analyse médicale détaillée, la prise en charge au titre de l’art. 23bis al. 3 RAI de l’intervention chirurgicale subie par l’assuré aux Etats-Unis.

 

Arrêt 9C_723/2015 consultable ici : http://bit.ly/27uovbb

 

 

9C_672/2015 (f) du 07.04.2016 – Délai pour solliciter la restitution de prestations – 25 al. 2 LPGA applicable à l’art. 35a al. 2 LPP par analogie

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_672/2015 (f) du 07.04.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1TFJFJv

 

Délai pour solliciter la restitution de prestations

25 al. 2 LPGA applicable à l’art. 35a al. 2 LPP par analogie

 

TF

Comme l’a correctement évoqué la juridiction cantonale (PP 31/13 – 31/2015, jugement du 07.08.2015), le délai pour solliciter la restitution de prestations ne peut courir tant que celles-ci n’ont pas été concrètement fournies ou – en d’autres termes – le droit de solliciter la restitution de prestations périodiques versées indûment ne saurait être prescrit avant même que l’administration ou l’institution d’assurance ne verse ces prestations (cf. notamment ATF 139 V 6 consid. 5.2 p. 10 s., arrêt 9C_363/2010 du 8 novembre 2011 consid. 2.1 in SVR 2012 IV n° 33 p. 131, arrêt 9C_473/2012 du 9 novembre 2012 consid. 3, ainsi que les références citées). Ce principe développé dans le contexte de l’art. 25 al. 2 LPGA est applicable à l’art. 35a al. 2 LPP par analogie dans la mesure où la teneur de ces dispositions légales est fondamentalement identique (cf., p. ex., arrêt 9C_611/2010 du 15 décembre 2010 consid. 3 in SVR 2011 BVG n° 25 p. 93).

Le Tribunal fédéral a tranché la question longtemps restée ouverte de la nature péremptoire ou prescriptible des délais prévus à l’art. 35a al. 2 LPP, en jugeant que ceux-ci étaient des délais de prescription (voir arrêt 9C_563/2015 du 7 janvier 2016 consid. 3, destiné à la publication).

 

 

Arrêt 9C_672/2015 consultable ici : http://bit.ly/1TFJFJv

 

 

9C_603/2015 (f) du 25.04.2016 – Evaluation de l’invalidité – marché équilibré du travail – 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_603/2015 (f) du 25.04.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/1Ok0b5s

 

Evaluation de l’invalidité – marché équilibré du travail – 16 LPGA

Observations lors d’un stage COPAI vs constatations cliniques par lors d’une expertise pluridisciplinaire

 

Capacité de travail exigible

Le TF rappelle que l’évaluation de l’invalidité s’effectue à l’aune d’un marché équilibré du travail. Cette notion, théorique et abstraite, sert de critère de distinction entre les cas relevant de l’assurance-chômage ou de l’assurance-invalidité. Elle présuppose un équilibre entre l’offre et la demande de main d’œuvre d’une part et un marché du travail structuré (permettant d’offrir un éventail d’emplois diversifiés, tant au regard des sollicitations intellectuelles que physiques) d’autre part (ATF 110 V 273 consid. 4b p. 276). Le caractère irréaliste des possibilités de travail doit alors découler de l’atteinte à la santé – puisqu’une telle atteinte est indispensable à la reconnaissance de l’invalidité (art. 7 et 8 LPGA) – et non de facteurs psychosociaux ou socioculturels qui sont étrangers à la définition juridique de l’invalidité (arrêt 9C_286/2015 du 12 janvier 2016 consid. 4.2 et les références).

S’agissant des facteurs étrangers à l’invalidité (observés lors du stage au COPAI dans le cas d’espèce), telles les difficultés d’expression et de compréhension de la langue française, la scolarité, la formation professionnelle, la structuration spatiale en 2 et 3 dimensions et les connaissances informatiques limitées de l’assuré, il n’y a pas lieu d’en tenir compte.

Les doutes quant aux effets des limitations physiques supplémentaires observées par les maîtres socioprofessionnels ont été levés par les médecins-experts. Ces derniers ont souligné que les éléments mis en avant par le COPAI n’étaient pas appréciés lors d’un examen médical (hormis les limitations de la mobilité des membres supérieurs qui avaient déjà été notées dans l’expertise) et qu’ils n’étaient donc pas étonnés que le résultat du stage puisse être différent des conclusions de l’expertise. Sur un plan médico-théorique, ils ne partageaient cependant pas l’appréciation des auteurs du rapport du COPAI.

Au contraire, les médecins ont relevé que l’insuffisance des capacités d’apprentissage observée lors du stage n’était pas en relation avec le diagnostic psychiatrique, que la diminution du tonus intellectuel était surprenante et que l’état psychique observé en 2010 n’expliquait pas le fait que l’assuré ne pouvait être qu’un simple exécutant de consignes élémentaires. La presbytie ne saurait constituer un élément significatif dans l’examen de son droit à une rente de l’assurance-invalidité.

En justifiant son point de vue, selon lequel l’assuré était totalement incapable de travailler, quelle que soit l’activité envisagée, essentiellement par les constatations des maîtres socioprofessionnels du COPAI, lesquelles étaient dépourvues d’une assise suffisante sur un plan médico-théorique et reposaient en partie sur des limitations remises en cause par les médecins-experts, et en s’écartant de la pleine capacité de travail (avec une baisse de rendement de 20%) attestée par les experts, la juridiction cantonale a violé le droit fédéral.

Dans la mesure où il en va de l’évaluation de l’exigibilité d’une activité professionnelle adaptée sur le marché équilibré du travail, il y a cependant lieu de s’écarter d’une appréciation qui nierait une telle exigibilité avant tout par des facteurs psychosociaux ou socioculturels, qui sont étrangers à la définition juridique de l’invalidité (art. 16 LPGA). Si les limitations fonctionnelles de l’assuré sont certes importantes, elles représentent des mesures relativement classiques d’épargne en vue d’éviter des douleurs à la nuque. Des tâches simples de surveillance derrière un écran ou de contrôle apparaissent concrètement exigibles à condition que l’assuré puisse interrompre régulièrement son activité et marcher pendant deux à trois minutes afin de soulager ses douleurs cervicales ou des points de tension. La diminution de rendement de 20% arrêtée d’un point de vue médico-théorique apparaît conforme à la situation.

 

Revenu d’invalide

Pour fixer le revenu d’invalide de l’assuré, il convient de se fonder, conformément à la jurisprudence (ATF 129 V 472 consid. 4.2.1 p. 475), sur les données économiques statistiques. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé, la jurisprudence admet la référence au groupe des tableaux « A », correspondant aux salaires bruts standardisés, de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (arrêt I 194/06 du 28 septembre 2006 consid. 2.1 et la référence). La valeur statistique – médiane – s’applique alors, en principe, à tous les assurés qui ne peuvent plus accomplir leur ancienne activité parce qu’elle est physiquement trop astreignante pour leur état de santé, mais qui conservent néanmoins une capacité de travail importante dans des travaux légers. Pour ces assurés, ce salaire statistique est suffisamment représentatif de ce qu’ils seraient en mesure de réaliser en tant qu’invalides dès lors qu’il recouvre un large éventail d’activités variées et non qualifiées (branche d’activités), n’impliquant pas de formation particulière, et compatibles avec des limitations fonctionnelles peu contraignantes (cf. arrêt 9C_242/2012 du 13 août 2012 consid. 3).

Eu égard à l’activité de substitution que l’assuré pourrait exercer dans une activité légère et adaptée, le salaire de référence est celui auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives (niveau de qualification 4) dans le secteur privé, en 2010, soit 4’901 fr. par mois (Enquête suisse sur la structure des salaires 2010, p. 26, TA1, ligne totale, niveau de qualification 4). Comme les salaires bruts standardisés tiennent compte d’un horaire de travail de quarante heures, soit une durée hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans les entreprises en 2010 (41,6 heures; La Vie économique, 11/2011, p. 94, B 9.2), ce montant doit être porté à 5’097 fr. par mois ou 61’164 fr. par an. Compte tenu d’une diminution de rendement de 20%, laquelle ne justifie pas d’appliquer un abattement au salaire statistique (arrêt 9C_359/2014 du 5 septembre 2014 consid. 5.4 et les références), et d’un abattement de 10% sur le salaire statistique (cf. arrêt de la Cour de justice du 4 juin 2013), on obtient un revenu d’invalide de 44’038 fr. par an.

  

Arrêt 9C_603/2015 consultable ici : http://bit.ly/1Ok0b5s