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8C_756/2020 (f) du 03.08.2021 – Suspension du droit de l’assuré à l’indemnité chômage – 30 LACI / Erreurs de courriers électroniques – Absence de postulation – Obligation de diminuer le dommage – Faute grave – 45 OACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_756/2020 (f) du 03.08.2021

 

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Suspension du droit de l’assuré à l’indemnité chômage / 30 LACI

Erreurs de courriers électroniques – Absence de postulation – Obligation de diminuer le dommage – Faute grave / 45 OACI

 

Assuré, né en 1976, s’est inscrit en qualité de demandeur d’emploi auprès de l’office régional de placement (ci-après: ORP) le 03.09.2018 et a sollicité l’octroi des indemnités de chômage dès cette date. Le 09.09.2019, l’ORP a assigné l’assuré à postuler auprès de l’entreprise B.__ pour un poste d’une durée de six mois en tant que Deployment Finance Associate à compter du 01.10.2019. L’assuré devait postuler jusqu’au 11.09.2019 par courrier électronique. Le 24.09.2019, cette entreprise a indiqué n’avoir reçu aucune postulation de la part de l’assuré. Ensuite d’une invitation de l’office cantonal de l’emploi (ci-après: OCE) à s’expliquer sur ce fait, l’assuré a déclaré qu’il avait postulé par courriel le 11.09.2019 à 19h05, mais que le destinataire n’avait pas reçu sa postulation, selon un message d’erreur reçu par retour de courriel. L’assuré a ajouté qu’il ne lui était pas possible de contacter la personne responsable, car il n’avait pas d’autres coordonnées que le courriel et qu’il pensait avoir tout fait pour transmettre sa candidature dans les temps.

Par décision, confirmée sur opposition, l’OCE a suspendu le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage pour une durée de 34 jours à compter du 12.09.2019, au motif qu’il avait, par un manque de vigilance au moment de sa postulation, fait échouer une possibilité d’emploi qui lui aurait permis de diminuer le dommage à l’assurance, et que cette faute devait être qualifiée de grave.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1057/2020 – consultable ici)

Par jugement du 10.11.2020, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, réduisant la durée de la sanction de 34 à 16 jours, en qualifiant la faute de gravité moyenne.

 

TF

L’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit, avec l’assistance de l’office du travail compétent, entreprendre tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l’abréger; il lui incombe, en particulier, de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu’il exerçait précédemment et il est tenu d’accepter tout travail convenable qui lui est proposé (art. 17 al. 1 et 3 LACI). Le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente, notamment en refusant un travail convenable (art. 30 al. 1 let. d LACI). Est assimilé à un refus d’emploi convenable le fait de ne pas donner suite à une assignation à un travail réputé convenable (ATF 122 V 34 consid. 3b; arrêt 8C_468/2020 du 27 octobre 2020 consid. 3.2 et les références). L’art. 30 al. 1 let. d LACI trouve application non seulement lorsque l’assuré refuse expressément un travail convenable qui lui est assigné, mais également déjà lorsqu’il s’accommode du risque que l’emploi soit occupé par quelqu’un d’autre ou fait échouer la perspective de conclure un contrat de travail (ATF 122 V 34 consid. 3b précité; arrêts 8C_750/2019 du 10 février 2020 consid. 4.1; 8C_865/2014 du 17 mars 2015 consid. 3 et les références).

Les erreurs de courriers électroniques relèvent également du refus d’emploi, car il s’agit de démarches importantes auxquelles l’assuré doit être particulièrement attentif. Ainsi, le Tribunal fédéral a retenu que, compte tenu du manque de fiabilité du trafic électronique en général, et en particulier des difficultés liées à la preuve de l’arrivée d’un message électronique dans la sphère de contrôle du destinataire, l’expéditeur d’un courriel était tenu de vérifier soigneusement l’adresse saisie et qu’en cas d’incertitude, il pouvait être tenu de s’informer auprès de l’employeur sur la réception de sa candidature et de réagir en l’absence de cette dernière en déposant son pli auprès de la Poste ou en réessayant de l’envoyer par voie électronique. Il appartient en effet à l’expéditeur de prendre certaines précautions, sans quoi il devra assumer le risque, conformément aux règles sur la répartition du fardeau de la preuve (cf. ATF 145 V 90 consid. 3.2 et les références), que son envoi ne parvienne pas – ou pas dans un délai prévu – auprès du destinataire (cf. ATF 145 V 90 consid. 6.2.2; arrêts 8C_339/2016 du 29 juin 2016 consid. 4.4; 2C_699/2012 du 22 octobre 2012 consid. 4.2).

Selon l’art. 30 al. 3 LACI, la durée de la sanction est proportionnelle à la gravité de la faute et ne peut excéder 60 jours. L’art. 45 al. 3 OACI prévoit que la suspension dure de 1 à 15 jours en cas de faute légère (let. a), de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b) et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (let. c). Lorsque l’assuré refuse, sans motif valable, un emploi réputé convenable, il y a faute grave (art. 45 al. 4 let. b OACI). Cependant, ce motif de suspension ne doit être qualifié de faute grave que si l’assuré ne peut pas faire valoir de motif valable. Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s’agir, dans le cas concret, d’un motif lié à la situation subjective de la personne concernée ou à des circonstances objectives (ATF 141 V 365 consid. 4.1; 130 V 125 consid. 3.5). Ainsi, dans un arrêt C 230/01 du 13 février 2003 (DTA 2003 n° 26 p. 248, consid. 3.3), l’ancien Tribunal fédéral des assurances a qualifié de faute de gravité moyenne – justifiant une suspension d’une durée de 19 jours – le refus d’un assuré d’accepter une modification du contrat de travail au sujet de la période durant laquelle il pouvait prendre ses vacances. Si les circonstances particulières le justifient, il est donc possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à 31 jours. Toutefois, les motifs de s’écarter de la faute grave doivent être admis restrictivement (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 117 ad art. 30 LACI et les références).

 

L’interprétation de la notion juridique indéterminée « sans motif valable » (art. 30 al. 1 let. d LACI) est une question de droit relevant, en principe, du plein pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, contrairement à la question de l’exercice du pouvoir d’appréciation (cf. pour l’art. 45 al. 4 OACI: arrêts 8C_24/2021 du 10 juin 2021 consid. 3.2.2; 8C_7/2012 du 4 avril 2012 consid. 4.1, in DTA 2012 p. 300).

En tant qu’autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l’intention des organes d’exécution. Quoique de telles directives ne sauraient lier les tribunaux, elles constituent un instrument précieux pour ces organes d’exécution lors de la fixation de la sanction et contribuent à une application plus égalitaire dans les différents cantons (ATF 141 V 365 consid. 2.4; arrêt 8C_40/2019 du 30 juillet 2019 consid. 5.4). Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d’apprécier le comportement de l’assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier de celles qui ont trait au comportement de l’intéressé au regard de ses devoirs généraux d’assuré qui fait valoir son droit à des prestations (arrêts 8C_406/2020 du 28 avril 2021 consid. 4.3; 8C_601/2012 du 26 février 2013 consid. 4.1 et les références, non publié in ATF 139 V 164). Elles pourront le cas échéant aller en dessous du minimum prévu par le barème indicatif (arrêts 8C_2/2012 du 14 juin 2012 consid. 3.2; 8C_64/2012 du 26 juin 2012 consid. 3.2). Le barème du SECO prévoit une suspension d’une durée de 34 à 41 jours en cas depremier refus d’un emploi convenable d’une durée déterminée de six mois (Bulletin LACI IC, ch. D79/2.A/9).

En l’espèce, il est établi que l’assuré avait envoyé sa postulation le 11.09.2019 à 19h05 à l’adresse électronique erronée (…@…or au lieu de…@…org) et qu’un message d’erreur que son courriel n’avait pas pu être remis, le domaine du destinataire n’existant pas, lui a été envoyé immédiatement après (soit le 11.09.2019 à 19h05). En outre, l’assuré n’a jamais contesté que, par la suite, il n’avait pas entrepris d’autre démarche pour transmettre sa candidature à l’employeur potentiel. Bien au contraire, il a admis qu’il pensait avoir fait tout son possible afin de transmettre son dossier. Par conséquent, la cour cantonale a retenu à juste titre que l’assuré avait manqué de vigilance lorsqu’il avait voulu envoyer sa postulation et n’avait ainsi pas donné suite à l’assignation du 09.09.2019, de sorte que la sanction était justifiée dans son principe.

Concernant la quotité de la sanction, les juges cantonaux se sont écartés de la décision de l’OCE, en réduisant cette quotité de 34 à 16 jours. Ils ont motivé cette décision par le fait que l’assuré, auquel l’ORP avait adressé une assignation par courrier électronique le 09.09.2019 à 17h05, ne disposait que d’un délai de deux jours pour faire une offre d’emploi. Dans ce délai, il avait rédigé sa lettre de motivation en anglais et avait adressé son dossier de candidature le dernier jour dudit délai à l’adresse électronique figurant dans l’annonce, mais il avait tronqué l’adresse par erreur. Il avait constaté cette erreur trop tard pour la corriger. Compte tenu de l’heure de l’envoi de la postulation, soit 19h07 (recte: 19h05), son allégation apparaissait vraisemblable. Dans ces circonstances, le degré de gravité de sa faute apparaissait moindre que celui d’un assuré qui n’aurait même pas tenté d’envoyer sa candidature. Par conséquent, la sanction de 34 jours était disproportionnée et une suspension de 16 jours était suffisante pour sanctionner le manque de diligence de l’assuré.

Force est en effet de constater que bien qu’il ait eu connaissance que son dossier n’avait pas été transmis à l’employeur en raison d’une erreur dans l’adresse électronique, l’assuré n’a ensuite entrepris aucune démarche ultérieure. Il a notamment omis de contrôler l’adresse électronique qu’il venait d’utiliser et de réessayer de faire parvenir sa postulation à l’employeur. Par ailleurs, l’avertissement de l’échec de la remise de son message lui est parvenu immédiatement après l’envoi à l’adresse erronée, ce qui aurait dû l’amener sur le champ à vérifier l’adresse électronique utilisée. Il n’a pas non plus essayé d’envoyer son dossier par voie postale ou, au moins, de prendre contact soit avec l’employeur soit avec son conseiller auprès de l’ORP. Par contre, le fait mentionné par la cour cantonale qu’il ait dû postuler en anglais dans un délai de deux jours (ce qu’il a réussi à faire) n’a aucune incidence. En outre, contrairement à ce que retiennent les juges cantonaux, la sanction de 34 jours ne dépasse pas le minimum que prévoit le barème du SECO pour le refus d’un emploi convenable ou d’un emploi en gain intermédiaire à durée déterminée de six mois (cf. consid. 3.2.3 supra). Le cas d’espèce ne présente donc aucun élément qui permettrait d’admettre un motif valable justifiant une diminution de la sanction prévue par l’art. 45 al. 4 let. b OACI en relation avec le barème établi par le SECO.

Il résulte de ce qui précède que c’est en violation du droit fédéral que la juridiction cantonale a admis une faute moyennement grave (au lieu d’une faute grave) et a réduit la durée de la suspension du droit à l’indemnité à 16 jours.

 

Le TF admet le recours du SECO, annulant le jugement cantonal et confirmant la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_756/2020 consultable ici

 

 

8C_99/2021 (f) du 27.10.2021 – Droit à l’indemnité chômage – Suspension des indemnités / 30 LACI – 44 OACI / Résiliation du contrat de travail par l’employée – Mobbing possible – Pas de résiliation sans respecter le délai de congé ordinaire – Obligation de réduire le dommage (en LACI)

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_99/2021 (f) du 27.10.2021

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité chômage – Suspension des indemnités / 30 LACI – 44 OACI

Résiliation du contrat de travail par l’employée – Mobbing possible – Pas de résiliation sans respecter le délai de congé ordinaire – Obligation de réduire le dommage (en LACI)

 

Assurée, née en 1980, travaillait comme collaboratrice de vente au service de B.__ SA depuis le 30.09.2008. Par lettre du 28.09.2018, elle a résilié son contrat de travail pour la fin du mois, en invoquant des raisons de santé et en joignant un certificat médical daté du 24.09.2018. Le 01.10.2018, elle s’est inscrite à l’office régional de placement et a revendiqué le droit à l’indemnité de chômage à compter de cette date.

Par décision du 14.11.2018, confirmée sur opposition le 05.04.2019, la caisse de chômage a suspendu le droit de l’intéressée aux indemnités de chômage pour une période de 31 jours à compter du 01.10.2018, au motif que celle-ci n’avait pas respecté le délai de congé contractuel de trois mois.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1199/2020 – consultable ici)

Les juges cantonaux ont constaté que l’assurée avait interrompu plusieurs fois son travail pour raison de santé dès le mois de juillet 2018. L’audition de celle-ci et des témoins avait montré qu’elle subissait objectivement des actes qui, sur la base d’un faisceau d’indices convergents, pouvaient être qualifiés de mobbing. En outre, dans l’attestation médicale produite à l’appui de la résiliation, le médecin traitant de l’assurée avait attesté d’un syndrome d’épuisement professionnel, de somatisations de son angoisse et de symptômes dépressifs dus à des comportements répétés de mobbing depuis plusieurs mois; il n’y avait pas d’antécédent psychiatrique et les conséquences négatives sur la santé d’une reprise de travail y étaient exposées. Se référant en particulier à l’arrêt 8C_66/2017 du 9 juin 2017, les juges cantonaux ont relevé que « même si la mauvaise ambiance de travail et les divergences d’opinion avec des supérieurs ou des collègues ne pouvaient en principe pas rendre déraisonnable la poursuite de la relation de travail, il fallait généralement partir du principe qu’il n’était pas raisonnable de continuer à travailler lorsqu’un certificat médical clair l’attestait pour des raisons de santé ». En conclusion, ils ont considéré que la résiliation du 28 septembre 2018 avec effet (quasi) immédiat était justifiée et ne saurait représenter une faute au sens de l’art. 44 al. 1 let. b OACI, dès lors qu’il ne pouvait pas être exigé de l’assurée qu’elle conservât son emploi au vu de l’ensemble des circonstances et des troubles de la santé établis par un certificat médical détaillé.

Par jugement du 10.12.2020, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 30 al. 1 LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu notamment lorsqu’il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute (let. a). Est notamment réputé sans travail par sa propre faute l’assuré qui a résilié lui-même le contrat de travail sans avoir été préalablement assuré d’obtenir un autre emploi, sauf s’il ne pouvait pas être exigé de lui qu’il conservât son ancien emploi (art. 44 al. 1 let. b OACI).

Le droit de l’assuré à l’indemnité est également suspendu lorsque celui-ci a renoncé à faire valoir des prétentions de salaire ou d’indemnisation envers son dernier employeur, cela au détriment de l’assurance (art. 30 al. 1 let. b LACI).

Le comportement du salarié qui consiste à accepter un congé donné par un employeur en violation du délai contractuel ou légal, à consentir à la résiliation anticipée des rapports de travail ou à refuser la continuation du contrat jusqu’à son terme est susceptible de tomber sous le coup de l’art. 30 al. 1 let. a LACI (ATF 112 V 323 consid. 2b). En effet, dans le cas où, par exemple, le congé a été donné sans respecter le délai légal ou contractuel, l’employé n’est pas fondé à élever des prétentions de salaire ou en dommages-intérêts pour la période allant jusqu’au terme régulier du contrat lorsqu’il l’accepte sans opposition. Or, en l’absence de droit à un salaire, il ne peut pas y avoir renonciation à faire valoir des prétentions au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LACI (arrêts C 135/02 du 10 février 2003 consid. 1.3.1; C 276/99 du 11 juin 2001 consid. 3c; C 76/00 du 10 mai 2001 consid. 2a; BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 45 ad art. 30 LACI; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol XIV, 3e éd. 2016, p. 2517 n. 842).

Le point de savoir si l’assurée était fondée à résilier son contrat de travail avec effet (quasi) immédiat, soit sans respecter le délai de congé ordinaire, impliquait forcément d’examiner d’abord si l’on pouvait exiger d’elle qu’elle le conservât. On ne saurait donc reprocher aux juges cantonaux d’avoir instruit les allégations de mobbing et de s’être référés aux conditions de résiliation immédiate de l’art. 337 CO. En effet, d’après la jurisprudence développée en matière d’assurance-chômage, on ne peut en règle générale pas exiger de l’employé qu’il conserve son emploi lorsque les manquements d’un employeur à ses obligations contractuelles atteignent un degré de gravité justifiant une résiliation immédiate au sens de l’art. 337 CO (arrêts 8C_285/2013 du 11 février 2014 consid. 6.2.2; C 185/04 du 12 avril 2005 consid. 3.2; C 68/02 du 29 janvier 2003 consid. 4; voir aussi CHARLES MUNOZ, La fin du contrat individuel de travail et le droit aux indemnités de l’assurance-chômage, 1992, p. 182; BORIS RUBIN, op. cit., n° 37 ad art. 30 LACI).

En l’espèce, il n’est pas contesté que l’assurée, en incapacité de travail pour des raisons de santé liées à son environnement professionnel, était fondée à résilier son contrat de travail. Cela dit, il y a lieu d’admettre, avec la caisse de chômage recourante, qu’au regard du principe général de l’obligation de diminuer le dommage valable en droit des assurances sociales (ATF 134 V 109 consid. 10.2.7; 117 V 275 consid. 2b et les références), on pouvait attendre de l’assurée qu’elle respectât le délai de préavis de trois mois (cf. Convention collective de travail du commerce de détail du canton de Genève applicable au cas d’espèce). En effet, compte tenu du certificat médical joint à la lettre de résiliation, une reprise effective du travail durant ce délai n’entrait pas en ligne de compte et, au vu de la durée des rapports de travail et de son incapacité de travail, le droit au salaire en cas d’empêchement non fautif de travailler était garanti jusqu’à la fin du délai de congé (cf. art. 324a CO et la CCT précitée). Il ressort certes des déclarations faites par l’assurée lors de l’audience qu’elle voulait une coupure nette avec l’entreprise dont elle ne voulait « plus rien connaître ». Il n’en reste pas moins qu’il n’a pas été établi sur le plan médical que son état de santé ne lui aurait pas même permis de rester formellement liée à l’employeur jusqu’à la fin du délai de congé. Dans ces conditions, il se justifie que l’assurée contribue de manière appropriée à supporter le dommage occasionné par la résiliation anticipée des rapports de travail alors qu’elle n’avait pas déjà obtenu un autre emploi. En effet, il n’appartient pas à l’assurance-chômage de se substituer à l’obligation de l’employeur ou de l’assureur perte de gain de continuer à verser le salaire, respectivement les indemnités perte de gain maladie, jusqu’à la fin des rapports de travail. Il y a ainsi lieu de retenir que du 01.10.2018 au 31.12.2018, l’assurée était sans travail par sa propre faute au sens de l’art. 30 al. 1 let. a LACI.

Compte tenu de la solution à laquelle ils sont parvenus, les juges cantonaux n’ont pas examiné la question de la quotité de la suspension du droit à l’indemnité de chômage, laquelle était également critiquée par l’assurée en instance cantonale. La cause sera donc renvoyée à la cour cantonale pour qu’elle se prononce sur la gravité de la faute et la durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage de l’assurée.

 

Le TF admet le recours de la caisse de chômage et annule le jugement cantonal.

 

 

Arrêt 8C_99/2021 consultable ici

 

 

8C_283/2021 (f) du 25.08.2021 – Suspension du droit à l’indemnité en cas de refus d’un travail convenable – Ne pas donner suite à une assignation à un travail réputé convenable – 30 al. 1 LACI – 16 LACI / Des lacunes en informatique ne constituent pas un motif valable susceptible d’alléger la faute

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_283/2021 (f) du 25.08.2021

 

Consultable ici

 

Devoirs de l’assuré / 17 LACI

Suspension du droit à l’indemnité en cas de refus d’un travail convenable – Ne pas donner suite à une assignation à un travail réputé convenable / 30 al. 1 LACI – 16 LACI

Interprétation de la notion juridique indéterminée « sans motif valable » – Des lacunes en informatique ne constituent pas un motif valable susceptible d’alléger la faute

 

Le 12.02.2019, l’assuré s’est annoncé à l’Office cantonal genevois de l’emploi (OCE) et a sollicité l’octroi de l’indemnité de chômage à compter du 01.03.2019, date à laquelle prendrait fin son activité de chauffeur-livreur sur des véhicules poids lourd auprès d’une société de transport et de logistique.

Par courriel du 29.01.2020, l’OCE a assigné l’assuré à postuler pour un poste de chauffeur poids lourd à plein temps de durée indéterminée. L’intéressé devait postuler en ligne jusqu’au 31.01.2020. Le 29.01.2020, sa conseillère lui a en outre envoyé un message SMS afin d’attirer son attention sur le fait qu’une offre d’emploi par courriel lui avait été adressée. A une date indéterminée, l’employeur concerné a signalé à l’OCE que l’assuré ne lui avait pas fait parvenir de dossier de candidature. Invité par sa conseillère à lui faire part de ses commentaires à ce propos, l’assuré ne s’est pas manifesté.

Par décision, , confirmée sur opposition, l’OCE a suspendu le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage pour une durée de 31 jours, au motif qu’il avait commis une faute grave en ne donnant pas suite à une assignation qui lui aurait permis de quitter l’assurance-chômage de façon durable.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/247/2021 – consultable ici)

La cour cantonale a retenu que l’emploi assigné à l’assuré devait être qualifié de convenable et que celui-ci n’avait pas transmis sa candidature au potentiel employeur. Ce faisant, l’intéressé avait violé son obligation de diminuer le dommage et une suspension du droit à l’indemnité de chômage devait être prononcée à son encontre en application de l’art. 30 al. 1 let. c et d LACI.

L’instance cantonale a toutefois relevé que l’assuré avait pris au sérieux ses obligations de chômeur, dès lors qu’il n’avait pas commis d’autres manquements. Il avait en outre toujours répondu à toutes les exigences de son statut de demandeur d’emploi, en effectuant activement ses recherches d’emploi et en suivant les formations requises par l’OCE. Enfin, il prenait dorénavant connaissance des courriels qui lui étaient adressés et il avait retrouvé un emploi à partir du 01.10.2020 pour une durée de six mois. Dans ces conditions, sa faute était de gravité moyenne et la suspension de son droit à l’indemnité de chômage devait être réduite à 16 jours.

Par jugement du 23.03.2021, admission partielle du par le tribunal cantonal, réduisant la durée de la suspension à 16 jours.

 

TF

Lorsque l’assuré refuse, sans motif valable, un emploi réputé convenable, il y a faute grave (art. 45 al. 4 let. b OACI). Par motif valable, il faut entendre un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s’agir, dans le cas concret, d’un motif lié à la situation subjective de la personne concernée ou à des circonstances objectives (ATF 141 V 365 consid. 4.1; 130 V 125 consid. 3.5). Si des circonstances particulières le justifient, il est donc possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à 31 jours. Toutefois, les motifs de s’écarter de la faute grave doivent être admis restrictivement (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 117 ad art. 30 LACI et les références).

L’interprétation de la notion juridique indéterminée « sans motif valable » (art. 30 al. 1 let. d LACI) est une question de droit relevant, en principe, du plein pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, contrairement à la question de l’exercice du pouvoir d’appréciation (cf. pour l’art. 45 al. 4 OACI: arrêt 8C_756/2020 du 3 août 2021 consid. 3.2.2 et les références).

En tant qu’autorité de surveillance, le SECO a adopté un barème (indicatif) à l’intention des organes d’exécution. Quand bien même de telles directives ne sauraient lier les tribunaux, elles constituent un instrument précieux pour ces organes d’exécution lors de la fixation de la sanction et contribuent à une application plus égalitaire dans les différents cantons (ATF 141 V 365 consid. 2.4; arrêt 8C_40/2019 du 30 juillet 2019 consid. 5.4). Cela ne dispense cependant pas les autorités décisionnelles d’apprécier le comportement de l’assuré compte tenu de toutes les circonstances – tant objectives que subjectives – du cas concret, notamment des circonstances personnelles, en particulier de celles qui ont trait au comportement de l’intéressé au regard de ses devoirs généraux d’assuré qui fait valoir son droit à des prestations. Elles pourront le cas échéant aller en dessous du minimum prévu par le barème indicatif (arrêt 8C_756/2020 précité consid. 3.2.3 et les références). Le barème du SECO prévoit une suspension d’une durée de 31 à 45 jours en cas de premier refus d’un emploi convenable d’une durée indéterminée (Bulletin LACI IC, ch. D79/2.B/1).

Il ressort des faits constatés par la juridiction cantonale que l’assuré a été assigné à postuler pour un emploi par courriel de l’OCE du 29.01.2020 et que sa conseillère a attiré son attention sur ce point par message SMS du même jour. Les juges cantonaux n’ont à ce titre pas retenu que le courriel et le message SMS en question n’auraient pas été acheminés jusqu’à leur destinataire, de telle sorte que celui-ci n’aurait pas été en mesure d’en prendre connaissance en consultant sa boîte de messagerie électronique et son portable. Selon la cour cantonale, la conseillère de l’assuré a par ailleurs indiqué qu’elle communiquait avec lui par courriel et par téléphone. Il résulte en outre des déclarations faites par l’assuré lors de sa comparution personnelle – telles que reproduites dans l’arrêt attaqué – que ses deux fils vivaient encore avec lui et son épouse et que l’un d’eux lui avait créé son adresse électronique et avait écrit pour lui des courriels en février 2019 et en janvier 2020. On peut donc en déduire que l’assuré bénéficiait de l’assistance d’au moins une personne partageant son ménage pour ses échanges électroniques avec l’OCE et sa conseillère, lesquels n’avaient pas un caractère exceptionnel. Il s’est du reste engagé à consulter quotidiennement sa boîte de messagerie électronique en signant un plan d’actions le 25.02.2019 et a indiqué disposer de son propre téléphone mobile. Dans ces conditions, ses lacunes en informatique ne constituent pas un motif valable au sens de l’art. 45 al. 4 OACI, susceptible d’alléger sa faute, comme l’a implicitement retenu l’autorité cantonale.

En réalité, la cour cantonale a jugé que la faute de l’assuré était seulement de gravité moyenne sur la seule base de son comportement général en tant que chômeur, compte tenu notamment du fait qu’il n’avait pas commis d’autre manquement à ses obligations. Or de tels éléments ne sauraient constituer un motif valable tel que visé par l’art. 45 al. 4 OACI, puisqu’ils sont étrangers aux circonstances ayant conduit au manquement reproché à l’assuré. Le raisonnement des juges cantonaux reviendrait à conditionner la reconnaissance d’une faute grave – qui est la règle en cas de refus d’un travail convenable ou de manquement assimilé – à l’existence d’autres manquements de l’assuré, en violation de l’art. 45 al. 4 OACI. Il convient encore de noter que l’OCE, en prononçant une suspension du droit à l’indemnité de chômage d’une durée de 31 jours, a infligé à l’assuré la sanction minimale prévue par la loi et le barème du SECO.

Il résulte de ce qui précède que c’est en violation du droit fédéral que la juridiction cantonale a admis une faute moyennement grave (au lieu d’une faute grave) et a réduit la durée de la suspension du droit à l’indemnité à 16 jours.

 

Le TF admet le recours du SECO, annule le jugement cantonal et confirme la décision litigieuse.

 

 

Arrêt 8C_283/2021 consultable ici

 

 

8C_313/2021 (f) du 03.08.2021 – Devoirs de l’assuré – 17 LACI / Suspension du droit à l’indemnité en cas de refus d’un travail convenable – Faute grave sans motif valable / 30 al. 1 LACI – 16 LACI – 45 al. 3 let. c OACI / L’envoi d’une requête LinkedIn à l’auteur de l’annonce d’un poste de travail n’est pas une démarche suffisante

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_313/2021 (f) du 03.08.2021

 

Consultable ici

 

Devoirs de l’assuré / 17 LACI

Suspension du droit à l’indemnité en cas de refus d’un travail convenable – Faute grave sans motif valable / 30 al. 1 LACI – 16 LACI – 45 al. 3 let. c OACI

L’envoi d’une requête LinkedIn à l’auteur de l’annonce d’un poste de travail n’est pas une démarche suffisante

Prendre au sérieux ses obligations de chômeur n’est pas un motif valable susceptible d’alléger la faute

 

Assurée s’est inscrite à l’Office cantonal de l’emploi (ci-après: l’OCE) le 04.09.2019 et a sollicité des indemnités de chômage. Elle indiquait rechercher un emploi à un taux d’activité de 100%.

Par décision, confirmée sur opposition, l’OCE a suspendu le droit de l’intéressée à l’indemnité de chômage pour une durée de 34 jours à compter du 13.12.2019, au motif qu’elle avait refusé un emploi convenable.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/271/2021consultable ici)

La cour cantonale a retenu que l’OCE avait, par courrier du 10.12.2019, invité l’assurée à présenter d’ici au 12.12.2019 une offre de service par internet pour un poste d’assistante à plein temps auprès de la Fondation B.__. L’assurée avait toutefois mal recopié le lien internet permettant de postuler. Lorsqu’elle s’était rendu compte que le lien ne marchait pas, elle n’avait pas tenté d’atteindre sa conseillère en personnel pour le lui signaler et s’était bornée à envoyer une demande de contact LinkedIn à l’auteur de l’annonce du poste. L’assurée était en effet particulièrement occupée à rechercher un emploi dans le secteur bancaire et n’avait pas pris l’initiative de joindre la Fondation B.__ par téléphone comme elle le faisait pour postuler auprès de banques. Selon les juges cantonaux, l’assurée avait commis une faute qui pouvait être qualifiée de « moyennement grave ».

La cour cantonale a encore constaté qu’il s’agissait du premier manquement de l’assurée et que celle-ci s’était toujours montrée très active dans ses recherches d’emploi. En outre, l’assurée avait toujours respecté ses autres obligations de chômeuse. Partant, il convenait de réduire la sanction à 20 jours de suspension du droit à l’indemnité de chômage en application du principe de la proportionnalité.

Par jugement du 29.03.2021, admission du recours par le tribunal cantonal, ramenant la durée de la suspension à 20 jours.

 

TF

Selon l’art. 30 al. 1 let. d LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente, notamment refuse un travail convenable. D’après la jurisprudence, l’art. 30 al. 1 let. d LACI trouve application non seulement lorsque l’assuré refuse expressément un travail convenable qui lui est assigné, mais également déjà lorsqu’il s’accommode du risque que l’emploi soit occupé par quelqu’un d’autre ou fait échouer la perspective de conclure un contrat de travail (ATF 122 V 34 consid. 3b; arrêt 8C_24/2021 du 10 juin 2021 consid. 3.1 et les références).

Selon l’art. 45 al. 3 OACI, la suspension dure de 1 à 15 jours en cas de faute légère (let. a), de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b) et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (let. c). Le refus d’un emploi réputé convenable sans motif valable constitue, selon l’art. 30 al. 3 LACI en lien avec l’art. 45 al. 4 let. b OACI, une faute grave, laquelle est sanctionnée par une suspension du droit à l’indemnité de chômage d’une durée comprise entre 31 et 60 jours (art. 45 al. 3 let. c OACI). Même en cas de refus d’emploi, il est possible, exceptionnellement, de fixer un nombre de jours de suspension inférieur à 31 jours, en présence de circonstances particulières. Il faut cependant qu’il existe un motif valable, soit un motif qui fait apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère. Il peut s’agir, dans le cas concret, d’un motif lié à la situation subjective de la personne concernée (d’éventuels problèmes de santé, la situation familiale ou l’appartenance religieuse) ou à des circonstances objectives (par exemple la durée déterminée du poste) (ATF 130 V 125 consid. 3.5; BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 117 ad art. 30 LACI).

En l’espèce, il n’est pas contesté par les parties que les conditions de l’art. 30 al. 1 let. d LACI sont remplies puisque l’assurée n’avait pas postulé à l’emploi assigné. A juste titre, la juridiction cantonale a retenu que l’envoi d’une requête LinkedIn à l’auteur de l’annonce du poste était une démarche largement insuffisante et que l’assurée aurait dû contacter sa conseillère en personnel pour lui signaler le problème.

L’arrêt attaqué ne fait pas état d’un motif valable qui ferait apparaître la faute de l’assurée comme étant de gravité moyenne ou légère. Les juges cantonaux ont motivé la réduction à 20 jours de suspension de l’indemnité de chômage uniquement par le fait que l’assurée prenait au sérieux ses obligations de chômeuse (premier manquement, chômeuse très active dans ses recherches d’emploi). Si le fait de prendre au sérieux ses obligations de chômeuse est une circonstance pertinente pour fixer la durée de la suspension, elle ne constitue pas pour autant un motif valable pour refuser un travail convenable (arrêt 8C_650/2017 du 25 juin 2018 consid. 7.4). Les circonstances prises en compte par les juges cantonaux ne sont pertinentes que pour fixer la durée de la suspension à l’intérieur du cadre légal. Or en réduisant la durée de la suspension à 20 jours, les juges cantonaux sont manifestement sortis de ce cadre, fixé entre 31 et 60 jours en cas de faute grave au sens de l’art. 30 al. 3 LACI en lien avec l’art. 45 al. 4 let. b OACI. En outre, ils n’ont pas fait état d’un motif valable lié à la situation subjective de l’assurée ou à des circonstances objectives, étant précisé que de faibles chances d’obtenir le poste assigné – argument avancé par l’assurée au long de la procédure – ne constituent pas un motif valable (arrêt C 143/04 du 22 octobre 2004 consid. 3.2).

On relèvera finalement qu’en cas de faute grave sans motif valable, la valeur moyenne dans l’échelle de suspension de 31 à 60 jours prévue par l’art. 45 al. 3 let. c OACI doit être retenue comme point de départ pour l’appréciation individuelle de la faute (ATF 123 V 150 consid. 3c; arrêt 8C_24/2021 précité consid. 6 et les références). En l’espèce, en fixant à 34 jours la suspension du droit à l’indemnité de chômage, l’OCE s’était déjà écarté considérablement de la moyenne de 45 jours de suspension et avait ainsi dûment tenu compte, en faveur de l’assurée, des circonstances évoquées par les juges cantonaux.

 

Le TF admet le recours du SECO, annule le jugement cantonal et confirme la décision litigieuse.

 

 

Arrêt 8C_313/2021 consultable ici

 

 

8C_712/2020 (f) du 21.07.2021 – Suspension du droit à l’indemnité de chômage – 30 LACI / Assignation relative à un poste de travail manquée – Erreur et inattention – Faute moyenne

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_712/2020 (f) du 21.07.2021

 

Consultable ici

 

Suspension du droit à l’indemnité de chômage / 30 LACI

Assignation relative à un poste de travail manquée – Erreur et inattention – Faute moyenne

 

Le 21.10.2019, l’assuré s’est annoncé à l’Office cantonal de l’emploi (OCE) et a sollicité l’octroi de l’indemnité de chômage à compter du 01.12.2019, date à laquelle prendrait fin sa mission auprès de la société B.__.

Le 31.10.2019, le prénommé a reçu une assignation relative à un poste d’assistant administratif à plein temps, de durée indéterminée, auprès de l’association C.__. Il lui était demandé de postuler en ligne jusqu’au 02.11.2019.

La fin des rapports de travail liant l’assuré à B.__ ayant été repoussée au 31.12.2019, son droit aux indemnités de chômage a pris naissance le 01.01.2020.

Par décision du 15.01.2020, confirmée sur opposition, l’OCE a suspendu le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage pour une durée de 31 jours, au motif qu’il n’avait pas donné suite à l’assignation du 31.10.2019.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/972/2020 – consultable ici)

La juridiction cantonale a relevé qu’un défaut de candidature à un emploi réputé convenable ne devait pas systématiquement et forcément être qualifié de grave, malgré la présomption de l’art. 45 al. 4 let. b OACI. Le principe était que la durée de la suspension devait être proportionnelle à la gravité de la faute, conformément au principe constitutionnel de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.). La jurisprudence admettait d’ailleurs que, même en cas de refus d’un emploi convenable assigné, il n’y avait pas forcément faute grave dans la mesure où l’assuré pouvait se prévaloir d’un motif valable à l’appui de son refus, à savoir d’un motif lié à sa situation subjective ou à des circonstances objectives qui faisaient apparaître la faute comme étant de gravité moyenne ou légère (ATF 130 V 125; arrêt C 20/06 du 30 octobre 2006 consid. 4.2). En l’espèce, l’assuré avait reconnu qu’il avait oublié de postuler à l’emploi assigné, en expliquant que cela lui était sorti de l’esprit au vu des circonstances. Selon les juges cantonaux, les motifs invoqués par l’assuré, liés à sa future paternité et à l’arrivée prochaine de son épouse, ne justifiaient toutefois pas sa négligence. Il n’en restait pas moins que sa volonté et sa détermination à retrouver un poste avaient été clairement démontrées : en premier lieu par l’obtention d’une prolongation de son contrat de travail en cours, puis par l’obtention rapide, après un peu plus d’un mois de chômage seulement, d’un nouveau contrat (temporaire) et, enfin, par la conclusion d’un contrat de durée indéterminée. Ainsi, l’assuré avait fait preuve de ressources pour sortir au plus vite du chômage par ses propres moyens et avait réduit ainsi le dommage causé à cette assurance. Dans ces conditions, la cour cantonale a considéré que la gravité de la faute commise était atténuée et ne pouvait pas être qualifiée de grave en l’espèce mais bien plutôt de moyenne, de sorte qu’elle a réduit la durée de la suspension à 16 jours.

Par jugement du 08.10.2020, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, réduisant la durée de la suspension à 16 jours.

 

TF

Les constatations portant sur des éléments inhérents à la pensée ou au psychisme d’un individu, comme par exemple sa volonté, son savoir, ses intentions, ce dont il était prêt à s’accommoder, ce sur quoi il comptait, dans quelle intention et pour quel motif il a agi ou aurait hypothétiquement agi, sont des questions de fait (ATF 144 I 28 consid. 2.4; 130 IV 58 consid. 8.5; arrêt 8C_56/2019 du 16 mai 2019 consid. 2.4).

 

Selon l’art. 30 al. 1 LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable (let. c) ou n’observe pas les prescriptions de contrôle du chômage ou les instructions de l’autorité compétente, notamment refuse un travail convenable, ne se présente pas à une mesure de marché du travail ou l’interrompt sans motif valable, ou encore compromet ou empêche, par son comportement, le déroulement de la mesure ou la réalisation de son but (let. d).

Selon l’art. 30 al. 3 LACI, la durée de la suspension du droit à l’indemnité de chômage est proportionnelle à la gravité de la faute. En vertu de l’art. 45 al. 3 OACI, elle est de 1 à 15 jours en cas de faute légère (let. a), de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b) et de 31 à 60 jours en cas de faute grave (let. c). Selon l’art. 45 al. 4 let. b OACI, il y a faute grave lorsque, sans motif valable, l’assuré refuse un emploi réputé convenable.

La quotité de la suspension du droit à l’indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci. Il y a abus du pouvoir d’appréciation lorsque l’autorité, tout en restant dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l’interdiction de l’arbitraire et de l’inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 V 369 consid. 5.4.1; 141 V 365 consid. 1.2; 137 V 71 consid. 5.1).

Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance n’est pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité a adoptée dans le cas concret, dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit, n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut toutefois pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration. Il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2; cf. aussi, parmi d’autres, arrêt 8C_214/2020 du 18 février 2021 consid. 3.4).

 

Le SECO (recourant) conteste l’existence de motifs valables faisant apparaître la faute comme étant de gravité moyenne. Il fait valoir qu’au vu du délai très court pour postuler à l’emploi assigné, il serait peu vraisemblable que l’assuré « puisse se prévaloir d’une omission ». L’absence de postulation s’expliquerait plutôt par un manque de volonté et parce que l’assuré avait donné la priorité à son projet d’obtenir un poste au sein de la société où il accomplissait sa mission. L’assuré aurait en effet déclaré qu’il ne savait pas qu’il avait l’obligation de postuler, qu’il avait effectué bien d’autres postulations et qu’il était déjà en concours pour un nouveau poste chez B.__. Il aurait en outre expliqué dans son opposition que le poste à repourvoir ne correspondait pas à ses qualifications et qu’au moment de l’assignation, il n’émargeait pas encore à l’assurance-chômage. Malgré la prolongation de sa mission temporaire et le fait qu’il a retrouvé du travail dès le 20.02.2020, il avait pris le risque de tomber au chômage et causé un dommage à l’assurance en ne donnant pas suite à l’assignation. Enfin, le SECO estime qu’on ne saurait considérer que l’assuré a rapidement trouvé un emploi dès lors qu’il est tout de même resté un mois et demi au chômage.

 

Par son argumentation, le recourant ne parvient pas à démontrer en quoi la juridiction cantonale aurait violé le droit d’une quelconque manière. Les éléments mis en évidence par celle-ci pour qualifier la faute de moyenne échappent à la critique et la réduction de la durée de suspension du droit à l’indemnité de chômage opérée en conséquence n’excède pas les limites de son pouvoir d’appréciation. En soutenant que l’assuré n’aurait pas oublié de postuler mais agi par manque de volonté, le recourant ne fait qu’opposer sa propre appréciation de la situation à celle des premiers juges, sans invoquer un établissement arbitraire des faits. Au demeurant, il n’est pas forcément moins grave d’oublier de postuler que de considérer à tort qu’une postulation n’était pas obligatoire.

En matière d’erreur ou d’inattention, le Tribunal fédéral considère que lorsqu’un assuré manque un entretien de conseil mais prouve néanmoins par son comportement en général qu’il prend ses obligations de chômeur et de bénéficiaire de prestations très au sérieux, il n’y a pas lieu de le suspendre dans son droit à l’indemnité (arrêts 8C_761/2016 du 6 juillet 2017 consid. 2.1; 8C_697/2012 du 18 février 2013 consid. 2; 8C_447/2008 du 16 octobre 2008 consid. 5.1, in DTA 2009 p. 271). Si cette jurisprudence s’applique uniquement aux entretiens de conseil manqués, il en ressort toutefois qu’une inadvertance ponctuelle ne saurait être traitée aussi sévèrement qu’un comportement désinvolte.

A suivre l’argumentation du SECO, le seul fait de n’avoir pas donné suite à une assignation démontrerait que l’assuré n’a pas pris au sérieux ses obligations de chômeur et justifierait de retenir une faute grave, et donc une suspension de 31 jours minimum, indépendamment des autres démarches accomplies et de l’ensemble des circonstances entourant l’omission fautive. Or, selon la jurisprudence (citée également par les juges cantonaux), l’art. 45 al. 4 OACI – anciennement art. 45 al. 3 OACI – pose une règle dont l’administration et le juge des assurances peuvent s’écarter lorsque des circonstances particulières le justifient (ATF 130 V 125 consid. 3.4.3; arrêt C 20/06 du 30 octobre 2006 consid. 4.3 et 4.4); ils ne sont ainsi pas limités par la durée minimum de suspension fixée pour les cas de faute grave (arrêt C 186/98 du 8 avril 1999 consid. 4b/aa, in DTA 2000 n° 9 p. 45; voir aussi p. ex. arrêts C 61/99 du 2 septembre 1999 consid. 4c et C 381/99 du 4 juillet 2000 où la faute en lien avec le refus d’un emploi convenable a été qualifiée de légère). Aussi, lorsque l’assuré oublie ou omet par erreur de donner suite à une assignation (au sens de l’art. 45 al. 4 let. b OACI) mais qu’un tel comportement négligent n’est pas caractéristique de l’intéressé et est contrebalancé par un effort particulier et des démarches concrètes démontrant qu’il a cherché activement à participer à la diminution du dommage, le juge des assurances est-il fondé à en tenir compte pour apprécier la gravité de la faute. Cela se justifie en particulier au regard de la large palette de comportements visés par l’art. 45 al. 4 let. b OACI, lequel concerne aussi bien le refus exprès d’un emploi convenable que le simple fait de laisser échapper une possibilité de retrouver un tel emploi (arrêt 8C_24/2021 du 10 juin 2021 consid. 3.1; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Soziale Sicherheit, SBVR vol. XIV, 3e éd. 2016, p. 2519 s., n. 850).

En l’espèce, il est constant qu’après avoir eu connaissance de son licenciement, l’assuré a entrepris des démarches concrètes pour éviter le chômage alors qu’il travaillait encore à plein temps. Il a ainsi négocié la prolongation de son contrat auprès de B.__ et est parvenu à retarder – respectivement à réduire – d’un mois sa période de chômage. Ensuite, ses recherches lui ont permis de se faire engager rapidement, d’abord à titre temporaire, avant d’obtenir un contrat pour une durée indéterminée. On notera par ailleurs qu’indépendamment de l’assignation litigieuse, les postulations accomplies durant le délai de congé n’ont pas été jugées insuffisantes. Dans ces conditions, on ne saurait considérer que l’assignation manquée résulte d’un comportement désinvolte mais elle constitue bien plutôt une inadvertance ponctuelle et isolée. Aussi les juges cantonaux n’ont-ils pas violé le droit en qualifiant de moyenne la faute commise par l’assuré et en réduisant la sanction infligée à 16 jours de suspension de l’indemnité.

 

Le TF rejette le recours du SECO.

 

 

Arrêt 8C_712/2020 consultable ici

 

 

8C_214/2020 (f) du 18.02.2021 – Suspension de l’indemnité chômage – 30 al. 1 LACI – 45 OACI / Recherches d’emploi insuffisantes pour la période précédant le chômage – Récidive – Quotité de la durée de la suspension

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_214/2020 (f) du 18.02.2021

 

Consultable ici

 

Suspension de l’indemnité chômage / 30 al. 1 LACI – 45 OACI

Recherches d’emploi insuffisantes pour la période précédant le chômage – Récidive – Quotité de la durée de la suspension

 

Assuré, né en 1982, travaillait à 25% en qualité d’enseignant lorsqu’il s’est inscrit au chômage le 16.02.2017. Par décision du 28.03.2017, le Service public de l’emploi (SPE) a prononcé une suspension de 10 jours des indemnités de chômage à son encontre, au motif qu’il n’avait fourni qu’une seule preuve de recherche d’emploi pour la période de trois mois précédant son chômage. Au vu de son engagement du 01.08.2017 au 31.07.2018, le SPE a désactivé son dossier le 24.08.2017.

Le 27.07.2018, l’assuré s’est derechef inscrit au chômage. Par décision du 03.09.2018, confirmée sur opposition, le SPE a suspendu le droit de l’assuré à des indemnités de chômage pour une durée de 20 jours. Il a considéré que les recherches d’emploi présentées par l’assuré à l’Office régional de placement (ORP) pour la période de trois mois précédant son inscription au chômage étaient insuffisantes ; ce comportement fautif constituait en outre une récidive, puisque l’intéressé avait déjà été suspendu dans son droit aux indemnités durant les deux dernières années pour des motifs similaires.

 

Procédure cantonale (arrêt 605 2018 313 – consultable ici)

La cour cantonale a constaté qu’en répartissant sur la période du 01.05.2018 au 31.07.2018 les douze offres d’emploi que l’assuré avait effectuées, on aboutissait à une moyenne de quatre recherches par mois. Confirmant l’appréciation de l’administration cantonale, selon laquelle l’assuré n’avait pas entrepris tout ce que l’on pouvait raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l’abréger, les juges cantonaux ont conclu que celle-ci était par conséquent fondée à prononcer une suspension dans l’exercice de son droit à l’indemnité. S’agissant en revanche de la gravité de la faute commise, la cour cantonale a considéré que le SPE avait outrepassé son pouvoir d’appréciation en s’écartant de la systématique de l’échelle des suspensions édictée par le SECO dans ses directives (Bulletin LACI). S’il était vrai que l’assuré avait réitéré le même type de comportement fautif qui lui avait valu par le passé une suspension de 10 jours, cette première récidive ne permettait pas de qualifier d’emblée de moyenne une faute initialement considérée comme légère; il convenait plutôt de retenir, malgré la récidive, que l’assuré avait commis une faute légère au sens de l’art. 45 al. 3 let. a OACI et de réduire de 20 à 12 jours la durée de la suspension prononcée, ce qui correspondait à la quotité maximale prévue pour ce type de comportement et restait conforme au principe de la proportionnalité.

Par jugement du 14.02.2020, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, réduisant la durée de la suspension de 20 à 12 jours.

 

TF

L’assuré a droit à l’indemnité de chômage s’il satisfait, entre autres conditions, aux exigences du contrôle (art. 8 al. 1 let. g LACI).

Selon l’art. 30 al. 1 let. c LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable. Aux termes de l’art. 45 al. 3 OACI, la durée de la suspension est de 1 à 15 jours en cas de faute légère (let. a) et de 16 à 30 jours en cas de faute de gravité moyenne (let. b). Si l’assuré est suspendu de façon répétée dans son droit à l’indemnité, la durée de suspension est prolongée en conséquence ; les suspensions subies pendant les deux dernières années sont prises en compte dans le calcul de la prolongation (art. 45 al. 5 OACI).

Le Bulletin LACI IC, publié par le SECO (état au 01.08.2020), prévoit que lorsque la personne assurée est suspendue durant la période d’observation de deux ans pour la même raison (le même état de fait), l’autorité cantonale respectivement les offices régionaux de placement prolongent la durée de suspension en suivant la grille de suspension (chiffre D63c).

Des échelles de suspensions ont notamment été élaborées quant aux manquements en rapport avec les efforts de recherche d’emploi (cf. chiffre D79 1) : Une première catégorie concerne les efforts de recherches pendant le délai de congé. Dans ces cas, la durée de la suspension est fixée en fonction de la durée du délai de congé. Ainsi, pour des recherches insuffisantes, la suspension dure 3 à 4 jours pendant un délai de congé d’un mois (1.A1), 6 à 8 jours pendant un délai de congé de 2 mois (1.A2) et 9 à 12 jours pendant un délai de congé de 3 mois et plus (1.A3), la faute étant considérée comme légère dans ces trois cas de figure.

Bien que les directives administratives ne lient en principe pas le juge, celui-ci est néanmoins tenu de les considérer dans son jugement, pour autant qu’elles permettent une interprétation des normes juridiques qui soit adaptée au cas d’espèce et équitable. Ainsi, si les directives administratives constituent une concrétisation convaincante des dispositions légales, le tribunal ne s’en départit pas sans motif pertinent. Dans cette mesure, il est tenu compte du but de l’administration tendant à garantir une application égale du droit (ATF 141 V 365 consid. 2.4 p. 368 et les arrêts cités).

La quotité de la suspension du droit à l’indemnité de chômage dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du Tribunal fédéral uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si elle a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72 s.; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399).

Contrairement au pouvoir d’examen du Tribunal fédéral, celui de l’autorité judiciaire de première instance n’est pas limité dans ce contexte à la violation du droit (y compris l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation), mais s’étend également à l’opportunité de la décision administrative (« Angemessenheitskontrolle »). En ce qui concerne l’opportunité de la décision en cause, l’examen du tribunal porte sur le point de savoir si une autre solution que celle que l’autorité, dans un cas concret, a adoptée dans le cadre de son pouvoir d’appréciation et en respectant les principes généraux du droit n’aurait pas été plus judicieuse quant à son résultat. Le juge des assurances sociales ne peut pas, sans motif pertinent, substituer sa propre appréciation à celle de l’administration. Il doit s’appuyer sur des circonstances de nature à faire apparaître sa propre appréciation comme la mieux appropriée (ATF 137 V 71 consid. 5.2 p. 73).

 

Le SPE recourant critique l’appréciation de la cour cantonale en se prévalant du chiffre D63 du Bulletin LACI ainsi que d’un courrier électronique du SECO daté du 4 mars 2020, produit en annexe à son recours. Dans celui-ci, le SECO indique qu’en cas de manquements répétés, la durée de la suspension doit être prolongée ; par ailleurs, à la lecture du tableau des sanctions dans son ensemble, il n’était nullement spécifié qu’une sanction pour faute légère dans un premier manquement ne pouvait pas se transformer en faute moyenne pour un second manquement.

 

Il est vrai que pour certains états de fait, les échelles de suspensions prévoient une gradation de la faute en fonction du nombre de fois où l’assuré s’est comporté de manière fautive, par exemple lorsqu’il s’agit de la troisième fois que l’assuré a effectué des recherches insuffisantes, respectivement lorsqu’il n’a pas effectué de recherches. Dans ces cas de figure, qui concernent la période de contrôle, la suspension est comprise entre 10 et 19 jours (ch. D79 1.C3; D79 1.D2).

En l’espèce, il est constant qu’il convient de se référer au barème prévu au chiffre D79 1.A3, qui s’applique aux recherches d’emploi insuffisantes pendant le délai de congé et qui prévoit une suspension de l’indemnité de chômage comprise entre 9 et 12 jours, pour une faute qualifiée de légère, sans qu’une gradation en cas de récidive soit prévue, contrairement à la constellation citée plus haut. Cela étant, si l’hypothèse de la récidive n’a pas été réglée dans cette constellation, c’est selon toute vraisemblance parce qu’il a été considéré que pendant un seul et même délai de congé (de un, deux ou trois mois), l’assuré ne pouvait faillir qu’une seule fois à son obligation de diminuer le dommage. Or force est de constater – et le cas d’espèce le démontre – qu’une récidive est bel et bien possible, en particulier lorsque, sur une période de deux ans, plusieurs rapports de travail se succèdent et donnent lieu à des délais de congé distincts. Si, pendant cette période, l’assuré est suspendu de façon répétée dans son droit à l’indemnité, la durée de la suspension doit être prolongée en conséquence, conformément à l’art. 45 al. 5 OACI.

A juste titre, la cour cantonale a précisé que cela ne signifiait pas pour autant qu’en cas de première récidive, la faute doive d’emblée être qualifiée de gravité moyenne. Toutefois, en qualifiant le comportement de l’assuré de faute légère par analogie avec le barème pour les recherches insuffisantes pendant la période de contrôle (ch. D79 1.C3), qui prévoit que la faute ne peut devenir de gravité moyenne qu’à partir de la troisième fois, et en considérant à tort ne pas pouvoir aller au-delà du maximum de la fourchette de 9 à 12 jours prévue au chiffre D79 1.A3, les juges cantonaux ont commis un excès négatif de leur pouvoir d’appréciation. Cette constatation n’exclut toutefois pas qu’une sanction plus légère que celle prononcée par l’administration (20 jours de suspension) puisse apparaître plus opportune. Néanmoins, la motivation qui a conduit la cour cantonale à substituer sa propre appréciation à celle de l’administration ne saurait être confirmée. Il s’ensuit que l’arrêt attaqué doit être annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour qu’elle rende une nouvelle décision conforme à ce qui vient d’être exposé.

 

Le TF admet le recours du Service public de l’emploi, annulant le jugement cantonal et renvoyant la cause à l’autorité cantonale pour qu’elle rende une nouvelle décision.

 

 

Arrêt 8C_214/2020 consultable ici

 

 

8C_675/2018 (f) du 31.10.2019 – Suspension du droit à l’indemnité de chômage – Retard dans la remise de la preuve des recherches d’emploi – 26 al. 2 OACI / Protection de la bonne foi niée – 5 al. 3 Cst. – 9 Cst.

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_675/2018 (f) du 31.10.2019

 

Consultable ici

 

Suspension du droit à l’indemnité de chômage – Retard dans la remise de la preuve des recherches d’emploi / 26 al. 2 OACI

Protection de la bonne foi niée / 5 al. 3 Cst. – 9 Cst.

 

Assuré, né en 1974, s’est inscrit au chômage le 30.08.2017. Par décision, confirmée sur opposition, l’ORP a prononcé la suspension du droit à l’indemnité de chômage pour une durée de cinq jours, à compter du 01.01.2018, au motif que l’assuré n’avait pas remis la preuve de ses recherches d’emploi pour le mois de décembre 2017 dans le délai légal expirant le 05.01.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 39/18 – 158/2018 – consultable ici)

La juridiction cantonale a considéré que le principe de la bonne foi, invoqué par l’assuré, trouvait à s’appliquer en l’espèce. En effet, en indiquant à l’assuré la possibilité de lui remettre directement ses recherches d’emploi lors de leurs entretiens mensuels, la conseillère ORP avait induit un mode de faire, accepté de part et d’autre, laissant entendre que l’on pouvait déroger à la règle de l’art. 26 al. 2 OACI. La cour cantonale a considéré qu’il y avait dès lors lieu de prendre en compte les recherches d’emploi effectuées par l’assuré durant le mois de décembre 2017, lesquelles étaient au demeurant satisfaisantes tant sous l’angle qualitatif que quantitatif, et de ne pas prononcer une quelconque sanction.

Par jugement du 30.08.2018, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Aux termes de l’art. 17 al. 1 LACI, l’assuré qui fait valoir des prestations d’assurance doit, avec l’assistance de l’office du travail compétent, entreprendre tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour éviter le chômage ou l’abréger ; il lui incombe, en particulier, de chercher du travail, au besoin en dehors de la profession qu’il exerçait précédemment ; il doit pouvoir apporter la preuve des efforts qu’il a fournis. Le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu lorsqu’il est établi que celui-ci ne fait pas tout ce qu’on peut raisonnablement exiger de lui pour trouver un travail convenable (art. 30 al. 1 let. c LACI).

Selon l’art. 26 al. 2 OACI, l’assuré doit remettre la preuve de ses recherches d’emploi pour chaque période de contrôle au plus tard le cinq du mois suivant ou le premier jour ouvrable qui suit cette date ; à l’expiration de ce délai, et en l’absence d’excuse valable, les recherches d’emploi ne sont plus prises en considération. Dans un arrêt publié aux ATF 139 V 164, le Tribunal fédéral a admis la conformité à la loi du nouvel art. 26 al. 2 OACI (qui ne prévoit plus l’octroi d’un délai de grâce comme dans son ancienne version). Il a jugé que la loi n’impose pas de délai supplémentaire et que, sauf excuse valable, une suspension du droit à l’indemnité peut être prononcée si les preuves ne sont pas fournies dans le délai de l’art. 26 al. 2 OACI ; peu importe qu’elles soient produites ultérieurement, par exemple dans une procédure d’opposition.

Aux termes de l’art. 5 al. 3 Cst., les organes de l’Etat et les particuliers doivent agir conformément aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu’ils s’abstiennent d’adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2 p. 261). De ce principe découle notamment le droit de toute personne à la protection de sa bonne foi dans ses relations avec l’Etat, consacré à l’art. 9 in fine Cst. et dont le Tribunal fédéral contrôle librement le respect (ATF 138 I 49 consid. 8.3.1 p. 53). L’art. 9 in fine Cst. protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités, lorsqu’il a réglé sa conduite d’après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l’administration. A certaines conditions, le principe de la bonne foi confère au citoyen le droit d’exiger des autorités qu’elles se conforment aux promesses ou assurances précises qu’elles lui ont faites et ne trompent pas la confiance qu’il a légitimement placée dans ces dernières (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 p. 103; 141 V 530 consid. 6.2 p. 538; 137 II 182 consid. 3.6.2 p. 193 et les arrêts cités).

Selon le TF : La juridiction cantonale n’expose pas en quoi les conditions d’application du principe de la bonne foi seraient réalisées en l’espèce. En particulier, on ne discerne pas quelle promesse l’autorité administrative aurait faite à l’assuré qui n’aurait pas été respectée ou quel comportement contradictoire elle aurait adopté. Le fait d’avoir confirmé à l’assuré la possibilité de remettre directement ses recherches d’emploi à sa conseillère ORP lors de leurs entretiens mensuels ne signifiait en aucun cas une permission de déroger à la règle impérative de l’art. 26 al. 2 OACI. On ne saurait rien inférer d’autre du témoignage écrit de la conseillère ORP du 12.02.2018 produit par l’assuré et dont la teneur, reproduite dans l’arrêt attaqué, est la suivante : « Pour donner suite à notre entretien de ce jour, je confirme que nos trois premiers entretiens ont eu lieu avant le 5 du mois suivant. Le quatrième entretien était fixé au 12 et de ce fait cela a certainement porté à confusion nos délais de restitutions ». L’assuré avait du reste bénéficié à plusieurs reprises d’informations précises quant à son obligation de fournir au plus tard la preuve de ses recherches d’emploi le 5 du mois suivant, l’obligation légale prévue par l’art. 26 al. 2 OACI étant rappelée sur chaque formulaire mensuel de preuve des recherches personnelles effectuées en vue de trouver en emploi.

Cela étant, la juridiction cantonale a violé le droit fédéral en admettant que l’assuré pouvait se prévaloir de la protection de sa bonne foi en raison d’un comportement contradictoire émanant de l’administration.

 

Le TF admet le recours du Service de l’emploi, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_675/2018 consultable ici

 

 

8C_769/2018 (f) du 05.09.2019 – Aptitude au placement des assurés ayant la garde d’enfants en bas âge – 8 LACI – 15 LACI / Examen de l’état de fait existant au moment de la décision sur opposition litigieuse – Rappel

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_769/2018 (f) du 05.09.2019

 

Consultable ici

 

Aptitude au placement des assurés ayant la garde d’enfants en bas âge / 8 LACI – 15 LACI

Examen de l’état de fait existant au moment de la décision sur opposition litigieuse – Rappel

 

Assurée, née en 1991, mère de deux enfants nés en 2013 et 2016, a requis l’indemnité de chômage dès le 01.11.2017, indiquant rechercher un emploi à 100%.

L’Office cantonal de l’emploi (ci-après : l’OCE) a invité l’assurée à l’informer sur la manière dont elle entendait concilier la garde de ses enfants avec la prise d’un emploi à 100% et si elle accepterait d’exercer une activité à temps plein ou de suivre un cours durant la journée. Elle était priée de faire parvenir en retour le formulaire d’attestation de garde qui y était joint. La prénommée a répondu qu’elle avait quitté son précédent travail en raison de la difficulté à faire garder ses enfants depuis que son mari avait accepté un travail de nuit qui l’occupait de 21h à 7h alors qu’elle-même travaillait de 6h à 8h. Elle ne produisait pas d’attestation de garde puisque c’est elle qui s’occupait des enfants.

Par décision, confirmée sur opposition, l’OCE l’a déclarée inapte au placement à partir du 01.11.2017, motif pris qu’elle n’avait pas de solution de garde pour ses fils et qu’elle n’était actuellement pas en mesure de suivre un cours en journée.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/876/2018 – consultable ici)

L’assurée a produit une attestation certifiant que B.__ était disposée à garder l’enfant non scolarisé de 8h à 18h30 du lundi au vendredi. Par jugement du 03.10.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le litige porte sur le point de savoir si l’assurée était apte au placement du 01.11.2017 au 10.04.2018. La période ultérieure n’a pas à être prise en considération. En effet, la décision sur opposition du 10.04.2018 constitue l’objet de la contestation soumis à l’autorité cantonale de recours. Elle définit également la limite temporelle jusqu’à laquelle s’étend en principe l’examen juridictionnel en cas de recours. Selon une jurisprudence constante, le juge apprécie la légalité des décisions attaquées, en règle générale, d’après l’état de fait existant au moment où la décision sur opposition litigieuse a été rendue (ATF 131 V 242 consid. 2.1 p. 243; 121 V 362 consid. 1b p. 366). Les règles applicables sont celles en vigueur au moment où les faits juridiquement déterminants se sont produits (ATF 136 V 24 consid. 4.3 p. 27; 130 V 445 consid. 1.2.1 p. 447), étant précisé que le juge n’a pas à prendre en considération les modifications de droit ou de l’état de fait postérieures à la date déterminante de la décision litigieuse (ATF 129 V 1 consid. 1.2 p. 4). Partant, les conclusions de l’assurée relatives à la période postérieure au 10 avril 2018 sont irrecevables.

 

Le jugement entrepris expose de manière correcte les dispositions légales ainsi que les principes jurisprudentiels applicables au présent cas, de sorte qu’il suffit d’y renvoyer. Il convient d’ajouter que l’OFIAMT – aujourd’hui, le Secrétariat d’Etat à l’économie – a édicté une directive relative à l’aptitude au placement des assurés ayant la garde d’enfants en bas âge, parue dans le bulletin AC 93/1, fiche 3. Cette directive, qui figure dans la compilation AC 98/1 – fiche 8, est conforme au droit fédéral (DTA 2006 n° 3 p. 64 consid. 4 et les références [arrêt du 20 juillet 2005, C 88/05]). Elle prévoit que les assurés, hommes et femmes, qui assument la garde de leurs enfants doivent remplir les mêmes conditions que les autres assurés pour être réputés aptes au placement selon l’art. 15 al. 1 LACI. Ils doivent donc être disposés à accepter un travail convenable et en mesure de le faire. Il leur appartient donc d’organiser leur vie personnelle et familiale de telle manière qu’ils ne soient pas empêchés d’occuper un emploi. Selon cette directive, la manière dont les parents entendent régler la question de la garde de leurs enfants relève de leur vie privée. En conséquence, l’assurance-chômage n’entreprendra aucune vérification à ce sujet au moment du dépôt de la demande d’indemnités, sous réserve de cas d’abus manifestes. En revanche, si, au cours de la période d’indemnisation, la volonté ou la possibilité de confier la garde des enfants à une tierce personne apparaît douteuse au vu des déclarations ou du comportement de l’assuré (recherches d’emploi insuffisantes, exigences mises à l’acceptation d’un emploi ou refus d’un emploi convenable), l’aptitude au placement devra être vérifiée en exigeant, au besoin, la preuve d’une possibilité concrète de garde. Cette réglementation doit être appliquée d’une manière rigoureusement identique aux pères et aux mères (cf. consid. 4 de l’arrêt du 19 mai 2006, C 44/05).

En l’espèce, l’assurée a été valablement informée de l’exigence de fournir une attestation de garde. En effet, le courrier de l’OCE contenait une annexe exposant précisément les conditions de l’aptitude au placement (art. 15 LACI) et l’exigence de fournir une telle attestation. Le formulaire remis était également explicite. Il y était notamment indiqué « la personne qui signe ce document atteste assurer la garde des enfants listés ci-dessous, lorsque la personne susmentionnée ne peut pas s’en occuper elle-même pour des raisons professionnelles ou durant sa participation à une mesure du marché du travail ». L’assurée s’est toutefois contentée de répondre qu’elle engagerait quelqu’un le jour où elle trouverait un emploi. A cet égard elle ne saurait être suivie lorsqu’elle soutient que l’OCE n’a jamais remis en question une telle solution de garde. L’OCE a précisément motivé sa décision d’inaptitude au placement par le fait que l’assurée avait déclaré ne pas avoir de solution de garde pour ses fils. Le fait d’avoir cherché à augmenter son taux de travail avant de démissionner ne lui est d’aucun secours. En effet, s’il existait une réelle possibilité de faire immédiatement appel à quelqu’un pour garder ses enfants si ses recherches avaient abouti, on comprend mal pourquoi elle n’a pas eu momentanément recours à cette alternative entre 6h et 8h lorsque son mari a retrouvé un emploi. Pour le surplus, la cour cantonale a retenu à juste titre que l’attestation de garde de B.__ était tardive (ATF 135 I 19 consid. 2.2 p. 21). L’assurée ne l’a par ailleurs pas contesté.

Cela étant, c’est à bon droit que les premiers juges ont retenu qu’au moment de son inscription au chômage, soit dès le 01.11.2017, l’assurée était inapte au placement.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_769/2018 consultable ici

 

 

8C_10/2019 (f) du 13.02.2020 – Suspension de l’indemnité chômage – Assurée ayant renoncé à faire valoir des prétentions de salaire envers son dernier employeur – 30 al. 1 lit. b LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_10/2019 (f) du 13.02.2020

 

Consultable ici

 

Suspension de l’indemnité chômage – Assurée ayant renoncé à faire valoir des prétentions de salaire envers son dernier employeur / 30 al. 1 lit. b LACI

Licenciement immédiat pour faute grave non justifié mais non contesté par l’assurée – Obligation de réduire le dommage

 

Assurée, née en 1969, responsable « finances et administration » dès le 01.09.2015. L’employeur a résilié, le 29.02.2016, les rapports de travail avec effet immédiat au motif que l’intéressée avait gravement manqué à ses obligations contractuelles en relation avec une escroquerie commise par des tiers au préjudice de la société. En outre il indiquait lui allouer, à bien plaire, un montant de 30’000 fr. non remboursable, au titre de soutien à sa famille et afin qu’elle puisse assumer ses obligations dans l’attente de retrouver une nouvelle activité auprès d’un autre employeur.

L’intéressée a requis des prestations de l’assurance-chômage à partir du 01.03.2016 en indiquant rechercher une activité à plein temps et en exposant avoir reçu de l’employeur une somme de 30’000 fr. lors de la résiliation des rapports de travail, au titre de prestation financière supplémentaire au salaire. Selon l’attestation de l’employeur, la durée du délai de congé était de six mois et le dernier salaire mensuel perçu de 11’000 fr. Invitée par la caisse de chômage à fournir des informations complémentaires, l’assurée a notamment indiqué qu’elle avait finalement renoncé à ouvrir une action en dommages-intérêts pour non-respect du délai de congé et que le montant de 30’000 fr. versé par l’employeur consistait en une indemnité de départ.

La caisse de chômage a suspendu le droit de l’assurée à l’indemnité journalière pour une durée de quinze jours, motif pris qu’en s’abstenant de faire valoir ses droits découlant d’un licenciement avec effet immédiat injustifié, l’intéressée avait renoncé de manière fautive au paiement d’une indemnité correspondant à six mois de salaire.

 

Procédure cantonale (arrêt ACH 135/18 – 202/2018 – consultable ici)

Le contrat de travail avait été résilié avec effet immédiat par l’employeur le 29.02.2016 et que l’assurée n’avait pas introduit d’action en réparation du dommage résultant du fait que le délai de résiliation de six mois n’avait pas été respecté. Quant au montant de 30’000 fr. payé par l’employeur, il consistait en un versement exceptionnel, alloué à bien plaire afin de soutenir la famille de l’intéressée, et il n’avait pas eu pour effet de modifier la nature de la résiliation des rapports de travail, soit un licenciement avec effet immédiat pour justes motifs.

L’escroquerie qui était à l’origine du licenciement était particulièrement astucieuse, de sorte que l’on ne pouvait reprocher une faute grave à l’assurée en dépit de la fonction élevée qu’elle exerçait en sa qualité de responsable des finances et de l’administration et qui impliquait un devoir de vigilance et de précaution particulière. Les qualités professionnelles de l’intéressée étaient d’ailleurs reconnues par l’employeur qui avait rédigé un certificat de travail intermédiaire élogieux le 04.12.2015. Selon la cour cantonale, il paraissait au demeurant peu probable que l’employeur eût alloué la somme de 30’000 fr. à l’occasion du licenciement s’il estimait que l’intéressée avait commis une faute grave. Les juges cantonaux infèrent de l’ensemble de ces éléments que la confiance mutuelle entre les parties n’était pas irrémédiablement rompue au point d’empêcher la continuation des rapports de travail jusqu’à l’expiration du délai de congé de six mois.

Enfin, en ce qui concerne la renonciation de l’assurée à faire valoir ses droits, la cour cantonale a rejeté l’argument de l’intéressée selon lequel elle craignait le dépôt d’une plainte pénale par son ancien employeur. Cela étant, elle a considéré que l’assurée ne pouvait pas renoncer à contester le licenciement et à faire valoir ses prétentions de salaire. Quant à la durée de la suspension (quinze jours), elle correspondait à la sanction d’une faute légère (art. 45 al. 3 let. a OACI) et n’était pas critiquable.

Par jugement du 19.11.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 30 al. 1 LACI, le droit de l’assuré à l’indemnité est suspendu notamment lorsqu’il est établi que celui-ci est sans travail par sa propre faute (let. a) ou qu’il a renoncé à faire valoir des prétentions de salaire ou d’indemnisation envers son dernier employeur, cela au détriment de l’assurance (let. b).

Le comportement du salarié qui consiste à accepter un congé donné par un employeur en violation du délai contractuel ou légal, à consentir à la résiliation anticipée des rapports de travail ou à refuser la continuation du contrat jusqu’à son terme est susceptible de tomber sous le coup de l’art. 30 al. 1 let. a LACI (ATF 112 V 323 consid. 2b p. 325). En effet, dans le cas où, par exemple, le congé a été donné sans respecter le délai légal ou contractuel, l’employé n’est pas fondé à élever des prétentions de salaire ou en dommages-intérêts pour la période allant jusqu’au terme régulier du contrat lorsqu’il l’accepte sans opposition. Or, en l’absence de droit à un salaire, il ne peut ainsi pas y avoir renonciation à faire valoir des prétentions au sens de l’art. 30 al. 1 let. b LACI (arrêt du Tribunal fédéral des assurances C 76/00 du 10 mai 2001 consid. 2a; cf. BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n. 45 ad art. 30 LACI; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, 3 e éd., n. 842 p. 2517).

Aux termes de l’art. 337 CO, l’employeur et le travailleur peuvent résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs; la partie qui résilie immédiatement le contrat doit motiver sa décision par écrit si l’autre partie le demande (al. 1); sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d’exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (al. 2). En règle générale, seul un manquement particulièrement grave peut justifier une telle mesure (ATF 142 III 579 consid. 4.2). Si le manquement est moins grave, il ne peut entraîner une résiliation immédiate que s’il a été répété malgré un avertissement (ATF 130 III 213 consid. 3.1 p. 220).

 

L’assurée allègue que, même si elle pouvait penser que le congé avec effet immédiat n’était pas justifié, elle n’a pas voulu introduire une procédure dans laquelle elle aurait eu plus à perdre qu’à gagner puisque le montant correspondant à six mois de salaire (67’500 fr.) était largement inférieur au préjudice subi par la société du fait de l’escroquerie. Aussi, l’intéressée est-elle d’avis que même si le licenciement avec effet immédiat n’était pas justifié, on ne saurait lui reprocher d’avoir renoncé, après une évaluation soigneuse des risques, à introduire une procédure judiciaire aléatoire, à l’issue de laquelle elle s’exposait à devoir réparer le préjudice subi par la société. C’est pourquoi elle soutient que la cour cantonale ne pouvait lui imputer à faute sa renonciation à agir contre son ancien employeur et la suspension de son droit à l’indemnité journalière était ainsi infondée.

En l’occurrence, il est constant qu’aucune faute grave ne pouvait être imputée à l’assurée en relation avec le préjudice subi par la société à la suite de l’escroquerie. En outre, il n’apparaît pas que la confiance mutuelle entre les parties était irrémédiablement rompue au point d’empêcher la continuation des rapports de travail jusqu’à l’expiration du délai de congé contractuel de six mois. Au demeurant, l’assurée ne conteste en rien le point de vue de la cour cantonale, selon lequel le licenciement avec effet immédiat prononcé par l’employeur était injustifié. Cela étant, en voulant, comme elle le dit, éviter le risque d’un procès éventuel portant sur des conclusions reconventionnelles de l’employeur, l’intéressée a fait en réalité supporter à l’assurance-chômage le dommage découlant de sa renonciation à faire valoir des prétentions contractuelles. Or, laisser à l’appréciation de la personne assurée le choix d’agir ou non contre l’employeur apparaît manifestement contraire à l’obligation générale de diminuer le dommage qui incombe à la personne qui requiert des prestations. C’est d’ailleurs précisément pour limiter des abus éventuels que le législateur a instauré un système de suspension du droit à l’indemnité de chômage en cas de manquement à cette obligation (cf. BORIS RUBIN, op. cit., n. 1 ad art. 30 LACI). On ne saurait dès lors partager le point de vue de l’assurée, selon lequel la cour cantonale ne pouvait lui imputer à faute sa renonciation à agir contre son ancien employeur.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_10/2019 consultable ici

 

 

8C_816/2018 (f) du 05.12.2019 – Droit à l’indemnité chômage – Aptitude au placement – 8 LACI – 15 LACI / Inaptitude au placement prononcée après de multiples suspensions du droit à l’indemnité chômage

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2018 (f) du 05.12.2019

 

Consultable ici

 

Droit à l’indemnité chômage – Aptitude au placement / 8 LACI – 15 LACI

Inaptitude au placement prononcée après de multiples suspensions du droit à l’indemnité chômage

 

Assuré, né en 1965, a travaillé pendant plusieurs années en qualité de chauffeur pour poids lourds. Après avoir été licencié en septembre 2016, il s’est inscrit au chômage le 01.12.2016.

L’Office cantonal de l’emploi (ci-après: l’OCE) a suspendu, par décisions, le droit de l’assuré à l’indemnité de chômage à réitérées reprises :

  • pour une durée de 5 jours à compter du 01.02.2017 car il n’avait effectué que huit recherches d’emploi durant le mois de janvier 2017 au lieu des dix convenues ;
  • pendant 11 jours à compter du 02.06.2017, au motif que l’assuré ne s’était pas présenté à un entretien de conseil le 01.06.2017, sans excuse valable ;
  • pour une durée de 15 jours à compter du 10.06.2017, l’assuré ne s’étant pas présenté à un entretien de conseil fixé le 09.06.2017 et ce, sans excuse valable ;
  • pour une durée de 25 jours, à compter du 23.09.2017, au motif que l’assuré ne s’était pas présenté à un entretien de conseil devant se dérouler le 22.09.2017, sans excuse valable.

Par courrier du 07.04.2017, la conseillère en placement de l’assuré a enjoint ce dernier à participer à un stage de requalification auprès des Etablissements publics pour l’intégration (EPI) devant se dérouler du 10.04.2017 au 09.10.2017. Le 28.09.2017, le conseiller en insertion professionnelle des EPI a informé la conseillère de l’assuré qu’il mettait fin au stage de requalification. Il a joint à son courriel une note rédigée par le maître d’atelier du secteur des transports des EPI détaillant les problèmes rencontrés avec l’assuré au cours du stage.

Par courrier du 17.10.2017, l’OCE a informé l’assuré qu’il procéderait à l’examen de son aptitude au placement, compte tenu des nombreuses suspensions dont il avait fait l’objet et lui a imparti un délai au 28.10.2017 pour s’expliquer.

Par décision du 18.12.2017, l’OCE a déclaré l’assuré inapte au placement dès le 29.09.2017, au motif que depuis son inscription au chômage, son droit à l’indemnité avait été suspendu à de nombreuses reprises, que son stage de requalification aux EPI avait été interrompu en raison du non-respect des consignes en matière d’horaires, d’absences injustifiées, d’une attitude inadéquate malgré plusieurs rappels et de trois incidents ayant engendré des frais sur des véhicules et qu’il ne s’était pas présenté à un entretien de conseil le 18.10.2017. Par courrier adressé à l’OCE le 04.01.2018, l’assuré a indiqué se soumettre à la décision du 18.12.2017, tout en priant l’OCE de reconsidérer son aptitude au placement à compter de ce jour ; il s’est en outre engagé à respecter dorénavant scrupuleusement ses obligations. Le 22.03.2018, l’OCE a rejeté l’opposition ; il a considéré que l’assuré n’avait pas modifié son attitude après le prononcé de son inaptitude au placement vu qu’il n’avait pas remis ses recherches d’emploi de février 2018.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/999/2018 – consultable ici)

La juridiction cantonale a relevé que l’assuré avait rempli pendant plus d’un an son obligation mensuelle de rechercher un emploi et que ses recherches d’emploi s’étaient limitées à huit au lieu de dix pendant un mois seulement, voire deux. En outre, si l’assuré était certes responsable de l’arrêt de son stage aux EPI, il s’était néanmoins soumis à la mesure et ne l’avait pas simplement refusée. Enfin, il avait admis ne pas avoir eu un comportement satisfaisant et l’avait nettement amélioré depuis janvier 2018, sous réserve d’un nombre de recherches insuffisantes en février 2018 et d’une transmission tardive des recherches personnelles d’emploi en mai 2018. Au vu de l’ensemble du comportement de l’assuré, la cour cantonale a admis son aptitude au placement dès le 29.09.2017.

Par jugement du 31.10.2018, annulation de la décision sur opposition.

 

TF

L’assuré n’a droit à l’indemnité de chômage que s’il est apte au placement (art. 8 al. 1 let. f LACI). Est réputé apte à être placé le chômeur qui est disposé à accepter un travail convenable et à participer à des mesures d’intégration et qui est en mesure et en droit de le faire (art. 15 al. 1 LACI). L’aptitude au placement comprend ainsi deux éléments :

  • la capacité de travail d’une part, c’est-à-dire la faculté de fournir un travail – plus précisément d’exercer une activité lucrative salariée – sans que l’assuré en soit empêché pour des causes inhérentes à sa personne, et
  • d’autre part la disposition à accepter un travail convenable au sens de l’art. 16 LACI, ce qui implique non seulement la volonté de prendre un tel travail s’il se présente, mais aussi une disponibilité suffisante quant au temps que l’assuré peut consacrer à un emploi et quant au nombre des employeurs potentiels (ATF 125 V 51 consid. 6a p. 58; 123 V 214 consid. 3 p. 216; DTA 2004 n° 18 p. 186 [C 101/03] consid. 2).

Si le chômeur se soustrait à ses devoirs d’assuré, il ne sera en principe pas d’emblée privé de prestations. Il sera tout d’abord sanctionné (art. 30 al. 1 let. c ou d LACI) puis, en cas de réitération, déclaré inapte au placement (art. 8 al. 1 let. f et 15 LACI; THOMAS NUSSBAUMER, Arbeitslosenversicherung, in Schweizerisches Bundesverwaltungsrecht [SBVR], vol. XIV, Soziale Sicherheit, 3 e éd. 2016, n° 323 p. 2363). En vertu du principe de proportionnalité, l’aptitude au placement ne peut être niée qu’en présence de manquements répétés et au terme d’un processus de sanctions de plus en plus longues, et pour autant que les fautes aient été commises en quelques semaines, voire en quelques mois (ATF 112 V 215 consid. 1b p. 218; DTA 1986 p. 20 consid. III 1 p. 24; arrêt 8C_99/2012 du 2 avril 2012, consid. 3.3). Il faut qu’un ou plusieurs manquements au moins correspondent à des fautes moyennes ou graves. Il n’est pas possible de constater l’inaptitude au placement seulement si quelques fautes légères ont été commises (DTA 1996/1997 p. 33). L’assuré doit pouvoir se rendre compte, au vu de la gradation des sanctions endurées, que son comportement compromet de plus en plus son droit à l’indemnité (arrêts C 320/05 du 20 avril 2006 consid. 4.1 et C 188/05 du 19 janvier 2006 consid. 3). En cas de cumul de manquements sanctionnés, l’inaptitude prend effet le premier jour qui suit le manquement qui entraîne la constatation de l’inaptitude au placement (BORIS RUBIN, Commentaire de la loi sur l’assurance-chômage, 2014, n° 24 ad art. 15 LACI).

Entre les mois de février et septembre 2017, l’assuré a fait l’objet de quatre suspensions du droit à l’indemnité de chômage, la première fois en raison de recherches insuffisantes et les fois suivantes, pour non-participation sans excuse valable à des entretiens de conseil. S’il s’agit certes de fautes légères dans les trois premiers cas, la quatrième suspension a quant à elle été prononcée en raison d’une faute de gravité moyenne (art. 45 al. 3 let. a et b OACI) ; en outre, il y a eu une gradation dans la durée des suspensions puisque les quatre suspensions ont duré respectivement 5, 11, 15 et 25 jours. L’assuré a finalement été déclaré inapte au placement dès le 29.09.2017, soit le premier jour suivant l’interruption, par sa faute, du stage de requalification. Mis à part le premier manquement de l’assuré, les quatre suivants concernaient des mesures d’intégration (entretiens à l’ORP et mesure de marché du travail). Or, l’obligation de participer aux mesures d’intégration a été renforcée lors de la 3e révision de la LACI. Alors qu’avant celle-ci, le refus systématique ou du moins répété des mesures d’intégration conduisait à une privation des prestations, ce principe a été transféré à l’art. 15 LACI (cf. BORIS RUBIN, op. cit. n° 70 ad art. 15 et n° 4 ad art. 30). On relèvera au demeurant que l’argumentation de la juridiction cantonale pour substituer sa propre appréciation à celle de l’administration n’est pas pertinente. En affirmant que si l’assuré était certes responsable de l’arrêt du stage aux EPI, il s’était néanmoins soumis à la mesure et ne l’avait pas simplement refusée, la cour cantonale perd de vue que sous l’angle de l’art. 30 al. 1 let. d LACI, une sanction se justifie aussi bien lorsqu’un assuré refuse de participer à une mesure de marché du travail que s’il en compromet le déroulement en raison de son comportement. Enfin, la constatation selon laquelle l’assuré avait nettement amélioré son comportement dès janvier 2018 est contraire à la réalité des faits puisque ce dernier a fait preuve de nouveaux manquements en février déjà puis en mai 2018, comme l’a du reste constaté elle-même la juridiction cantonale.

Il résulte de ce qui précède que c’est en violation du droit fédéral que la juridiction cantonale a admis l’aptitude au placement de l’assuré dès le 29.09.2017.

 

Le TF admet le recours de l’Office cantonal de l’emploi, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_816/2018 consultable ici