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8C_696/2024 (f) du 13.05.2025 – Calcul de la prestation complémentaire – Dessaisissement de fortune – Prêt de 121’266 fr. de l’époux de l’assurée à une tierce personne résidant aux Etats-Unis – Absence de remboursement du prêt pendant plus d’une décennie – Prescription de la dette

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_696/2024 (f) du 13.05.2025

 

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Calcul de la prestation complémentaire – Dessaisissement de fortune / 9 al. 1 aLPC – 17a al. 1 aOPC-AVS/AI

Prêt de 121’266 fr. de l’époux de l’assurée à une tierce personne résidant aux Etats-Unis – Absence de remboursement du prêt pendant plus d’une décennie

Prescription de la dette

 

Résumé
L’arrêt porte sur la prise en compte, dans le calcul des prestations complémentaires d’une assurée résidant en EMS, d’un prêt consenti en 2005 par son époux, resté impayé. Le Tribunal fédéral a confirmé que cette créance, dont la prescription n’était intervenue qu’en août 2022, constituait une fortune puis une fortune dessaisie dès décembre 2022, en l’absence de démarches suffisantes pour en obtenir le remboursement. Il a validé la réduction annuelle de 10’000 francs dès 2024 selon l’art. 17a OPC-AVS/AI, et jugé applicable l’art. 9 al. 3 aLPC en raison de la résidence durable en EMS.

 

Faits
Assurée, née en 1944, et son époux, né en 1942, sont au bénéfice d’une rente AVS. Dès août 2018, l’assurée a séjourné en EMS. Dès septembre 2018, la caisse de compensation leur a versé des prestations complémentaires en tenant compte, dans le calcul, d’une créance de 121’266 fr. correspondant à un prêt consenti en 2005 par l’époux à C.__, laquelle résidait aux États-Unis. Ce prêt, régi par le droit suisse et prévoyant un for en Suisse, n’a donné lieu à aucun remboursement, même partiel, en septembre 2018.

Par décisions du 27 juin 2022, la caisse de compensation a alloué aux époux des prestations complémentaires mensuelles de 3’979 fr. respectivement 685 fr. dès le 01.05.2022, retenant le prêt de 121’266 fr. et une dette de 13’032 fr. relative à des arriérés de frais d’hébergement de l’EMS. Le 20.01.2023, elle a rendu de nouvelles décisions, requalifiant le prêt en dessaisissement de fortune (donation), avec une déduction annuelle de 10’000 fr. dès 2025, et a reconnu le droit de l’assurée à des prestations complémentaires mensuelles de 4’044 fr. dès le 01.01.2023.

L’assurée a formé opposition, faisant valoir que la perte de fortune était involontaire, son époux ayant tenté en vain de recouvrer la créance. Par décisions du 18.08.2023, la caisse a partiellement admis l’opposition : l’amortissement du dessaisissement de fortune de 10’000 fr. était pris en compte dès le 01.01.2024, et la fortune des époux a été actualisée au 01.02.2023. Les prestations complémentaires étaient dès lors fixées à 4’065 fr. pour l’assurée et à 707 fr. pour son époux, sur la base d’une fortune de 63’618 fr. (13’000 fr. de comptes bancaires, 2’384 fr. de titres, 121’266 fr. de fortune dessaisie, sous déduction de 13’032 fr. de dettes envers l’EMS et de la déduction légale pour les couples de 60’000 fr.).

 

Procédure cantonale (arrêt PC 52/23 – 49/2024 – consultable ici)

Par jugement du 18.10.2024, admission très partielle du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision sur opposition en ce sens que l’assurée avait droit à des prestations complémentaires à hauteur de 4’094 fr. dès le 01.02.2023.

 

TF

Consid. 3.2
Le 01.01.2021 est entrée en vigueur la modification du 22 mars 2019 de la LPC (Message du 16 septembre 2016 relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires [Réforme des PC], FF 2016 7249; RO 2020 585). Conformément à l’al. 1 des dispositions transitoires de ladite modification, l’ancien droit reste applicable pendant trois ans à compter de l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions légales aux bénéficiaires de prestations complémentaires pour lesquels la réforme des PC entraîne, dans son ensemble, une diminution de la prestation complémentaire annuelle ou la perte du droit à la prestation complémentaire annuelle.

Les juges cantonaux ont appliqué la LPC dans son ancienne teneur (ci-après: aLPC), jugeant que l’ancien droit était plus favorable à l’assurée. Celle-ci ne le conteste pas. On peut donc s’en tenir aux considérations convaincantes de la cour cantonale, sans autre considération à défaut de grief sur ce point.

Consid. 3.3
Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 aLPC). Ceux-ci comprennent, notamment, un dixième de la fortune nette pour les bénéficiaires de rentes de vieillesse, dans la mesure où elle dépasse 37’500 fr. pour les personnes seules, respectivement 60’000 fr. pour les couples (art. 11 al. 1 let. c aLPC).

L’art. 17a al. 1 OPC-AVS/AI, dans sa version en vigueur jusqu’au 31 décembre 2020, en relation avec l’art. 11 al. 1 let. g aLPC, pose le principe de la réduction, chaque année de 10’000 fr., du montant de la fortune qui a fait l’objet d’un dessaisissement et qui doit être pris en compte dans le calcul de la prestation complémentaire. Par dessaisissement, il faut entendre, en particulier, la renonciation à des éléments de revenu ou de fortune sans obligation juridique ni contre-prestation équivalente (ATF 140 V 267 consid. 2.2; 134 I 65 consid. 3.2; 131 V 329 consid. 4.2). Pour vérifier s’il y a contre-prestation équivalente et pour fixer la valeur d’un éventuel dessaisissement, il faut comparer la prestation et la contre-prestation à leurs valeurs respectives au moment de ce dessaisissement (ATF 120 V 182 consid. 4b).

Consid. 4 [résumé]
Les juges cantonaux ont retenu que l’entrée de l’assurée en EMS en 2018, en raison de son état de santé, relevait de l’art. 9 al. 3 aLPC, applicable aux couples dont l’un ou les deux conjoints résident en home ou à l’hôpital. Cette disposition impliquait un calcul séparé des prestations complémentaires pour chaque époux, sur la base de la fortune du couple répartie par moitié, rendant sans pertinence le fait que l’assurée n’était pas partie au contrat de prêt.

La cour cantonale a constaté qu’aucun remboursement du prêt n’était intervenu malgré les relances effectuées par l’époux de l’assurée entre 2006 et 2009, puis en 2012. Bien qu’il eût été possible de saisir la justice, aucune démarche n’avait été entreprise, ni pour obtenir le remboursement ni pour interrompre la prescription. Ils avaient relevé qu’un courriel d’août 2012 par lequel l’emprunteuse s’engageait à rembourser faisait courir un nouveau délai de prescription, expirant en août 2022. La créance avait ainsi été jugée recouvrable jusqu’à cette date et devait être considérée comme fortune, puis comme fortune dessaisie.

Les juges cantonaux ont retenu que l’époux de l’assurée avait conservé l’intention d’obtenir le remboursement du prêt jusqu’à décembre 2022, date à laquelle les époux avaient réagi aux décisions de prestations complémentaires fondées sur la créance. L’absence de manifestation explicite de renonciation avant cette date justifiait la requalification du prêt en fortune dessaisie à compter du 01.12.2022. Au 01.01.2023, cette fortune devait être intégrée pour sa pleine valeur, puis réduite de 10’000 fr. par an à partir de 2024, selon l’art. 17a al. 1 et 2 OPC-AVS/AI.

Par ailleurs, les juges cantonaux ont relevé une divergence entre le montant de la dette retenue dans la décision sur opposition du 01.12.2023 (20’345 fr. 75) et celui inscrit dans les décisions chiffrées du 18.08.2023 (13’032 fr.). Sur la base des décomptes versés à l’appui de l’opposition, la dette envers l’EMS devait être fixée à 20’105 fr. 45 au 01.12.2023, ce qui modifiait la fortune nette (56’545 fr.) et le montant des prestations complémentaires, porté à 4’094 fr. par mois. Le recours était dès lors très partiellement admis, l’assurée ayant droit à des prestations complémentaires à hauteur de 4’094 fr. dès le 01.12.2023, sans qu’un complément d’instruction fût nécessaire.

Consid. 5.2 [résumé]
Les tentatives passées en vue de recouvrer sa créance ne sont pas pertinentes au regard de la prescription intervenue en août 2022. L’assurée ne prétend pas que son époux aurait tenté d’interrompre cette prescription, mais soutient que la créance était irrécouvrable depuis plusieurs années et qu’une action judiciaire aurait été vaine et coûteuse, vu l’incertitude sur la situation financière de la débitrice et l’inexécutabilité d’un jugement suisse aux États-Unis sans procédure supplémentaire. Toutefois, l’époux avait obtenu une reconnaissance de dette en 2012 sans frais judiciaires, contredisant ses propres déclarations postérieures selon lesquelles il n’aurait plus eu de contact avec la débitrice depuis 2008. L’assurée ne démontre pas que des démarches avaient été entreprises après 2012 pour localiser la débitrice ou recouvrer la créance. Au contraire, l’époux avait cessé tout contact dès 2018. Dans ces circonstances, les juges cantonaux pouvaient, sans arbitraire, rejeter l’argument selon lequel la créance aurait été irrécouvrable.

Consid. 5.3 [résumé]
Ils pouvaient également refuser, sans arbitraire, l’audition de l’époux et du fils de l’assurée, en vertu d’une appréciation anticipée des preuves. Les affirmations vagues selon lesquelles la débitrice aurait évoqué avec le fils de l’assurée l’absence de remboursement n’étaient pas datées ni étayées, et ne suffisaient pas à établir l’irrécouvrabilité de la créance. Par ailleurs, l’assurée admettait elle-même que son fils n’avait pas participé activement aux démarches de recouvrement. Quant à l’audition de l’époux, elle aurait porté sur les conditions de négociation du prêt, qui n’étaient pas litigieuses, rendant cette preuve non déterminante.

Consid. 6.1 [résumé]
L’assurée soutient, à titre subsidiaire, que la créance était en réalité prescrite depuis 2017 déjà, de sorte qu’un amortissement annuel de 10’000 fr. au titre de fortune dessaisie aurait dû commencer au plus tard en 2017. Elle conteste que le courriel du 02.08.2012 constituât une reconnaissance de dette interruptive de prescription au sens de l’art. 135 CO, invoquant son contenu vague, l’absence de proposition concrète ou de paiement, les conditions posées, la référence à Dieu, ainsi que le comportement antérieur de la débitrice, marqué par des promesses jamais respectées.

Consid. 6.2
L’argumentation est mal fondée. En effet, on peut clairement déduire des échanges de courriers électroniques de 2012 que la débitrice reconnaît sa dette et s’engage à la rembourser. Dans le courriel adressé antérieurement, soit le 07.05.2012, elle écrivait « Par rapport au remboursement, je compte commencer à partir du mois de juillet 2012 ». Le fait que dans le courriel du 02.08.2012, la promesse de remboursement restait vague quant aux modalités pratiques et au délai n’y change rien.

Consid. 7.1 [résumé]
L’assurée fait valoir qu’un calcul séparé des prestations devrait être appliqué à chacun des époux. Elle invoque la séparation définitive d’avec son époux depuis 2018, rendue irréversible par ses besoins de soins spécifiques. Elle soutient également que l’art. 9 al. 3 aLPC ne devrait pas s’appliquer en l’espèce, puisque la prise en compte d’un prêt dont elle n’était pas titulaire pour calculer sa fortune réduit ses prestations complémentaires et augmente sa dette envers l’EMS, impactant aussi son époux.

Consid. 7.2
Les couples dont l’un des conjoints (ou les deux) vit en permanence ou pour une longue période dans un home par nécessité ne sont pas considérés comme vivant séparés volontairement du point de vue des prestations complémentaires. Dans leur cas, le calcul des prestations complémentaires est réglé part l’art. 9 al. 3 aLPC, en tant que lex specialis. Selon cette disposition, la prise en compte d’un dessaisissement doit intervenir par moitié dans les revenus, peu importe à qui le patrimoine dessaisi appartenait (MICHEL VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n° 45 ad art. 9 LPC). Il s’ensuit que le grief est mal fondé.

Consid. 8
Dans un dernier grief, l’assurée se prévaut d’une violation de l’art. 61 let. g LPGA. Elle reproche à la juridiction cantonale de ne pas lui avoir alloué de dépens pour une procédure ayant conduit à une admission très partielle de son recours. Cependant, les juges cantonaux pouvaient, sans violer le droit fédéral, refuser d’allouer des dépens à l’assurée dans la mesure où elle n’obtenait que très partiellement gain de cause et pour des motifs qu’elle n’avait elle-même pas invoqués dans son recours en instance cantonale, ses griefs ayant été rejetés. Son écriture, à elle seule, n’exigeait pas l’allocation de dépens.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 8C_696/2024 consultable ici

 

 

8C_6/2025 (f) du 07.05.2025 – Montant de la prestation complémentaire – Dépenses reconnues / Partage obligatoire du loyer – Contrat de sous-location et ménage commun entre les assurés et leur fille et ses enfants

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_6/2025 (f) du 07.05.2025

 

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Montant de la prestation complémentaire – Dépenses reconnues / 10 LPC

Partage obligatoire du loyer – Contrat de sous-location et ménage commun entre les assurés et leur fille et ses enfants / 16c OPC-AVS/AI

 

Résumé
S’agissant du calcul des dépenses de logement reconnues pour l’octroi de prestations complémentaires à des bénéficiaires vivant en sous-location auprès de leur fille, le Tribunal fédéral confirme qu’en vertu de l’art. 16c OPC-AVS/AI, le loyer doit être réparti à parts égales entre toutes les personnes cohabitant dans le logement, dès lors que certaines d’entre elles ne sont pas incluses dans le calcul des prestations, sauf exceptions. Il rejette l’assimilation de la fille des assurés à un propriétaire ainsi que toute dérogation fondée sur une obligation d’entretien envers ses enfants, au motif qu’admettre une répartition contractuelle libre du loyer reviendrait à faire supporter aux prestations complémentaires la charge d’entretien de tiers exclus du calcul.

 

Faits
Les époux A.__ (née en 1949) et B.__ (né en 1947), bénéficiaires d’une rente AVS, vivaient avec leur fille et les deux enfants de celle-ci dans une villa individuelle de six pièces. Leur fille, locataire du bien pour un loyer mensuel brut de 2’800 fr., avait conclu avec eux un contrat de sous-location fixant un sous-loyer mensuel de 1’500 fr., frais accessoires inclus.

En août 2023, les époux ont déposé une demande de prestations complémentaires. Par du 06.12.2023, la caisse de compensation leur a accordé des prestations complémentaires mensuelles de 694 fr. 30 par personne dès le 01.08.2023 (correspondant à 16’651 fr. par an pour les deux époux), en tenant notamment compte de frais de logement mensuels de 1’120 fr. au titre des dépenses reconnues. Par décision du 05.01.2024, les prestations ont été portées à 707 fr. 30 par époux à compter du 01.01.2024 (soit 16’963 fr. par an pour les deux époux). Ces décisions ont été confirmées sur opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt 608 2024 97 – consultable ici)

Par jugement du 14.11.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4.1
Le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants (art. 9 al. 1 LPC). Sont notamment reconnues comme dépenses, pour les personnes vivant à domicile, le loyer d’un appartement et les frais accessoires y relatifs (art. 10 al. 1 let. b LPC).

Consid. 4.2
Sous le titre marginal « partage obligatoire du loyer », l’art. 16c OPC-AVS/AI prévoit que lorsque des appartements ou des maisons familiales sont aussi occupés par des personnes non comprises dans le calcul des PC, le loyer doit être réparti entre toutes les personnes. Les parts de loyer des personnes non comprises dans le calcul des PC ne sont pas prises en compte lors du calcul de la prestation complémentaire annuelle (al. 1). En principe, le montant du loyer est réparti à parts égales entre toutes les personnes (al. 2).

Consid. 4.2.1 [résumé]
Avant l’entrée en vigueur de l’art. 16c OPC-AVS/AI le 01.01.1998, la jurisprudence suivait une pratique administrative imposant une répartition du loyer à parts égales entre toutes les personnes cohabitant dans un logement, indépendamment du nom du locataire contractuel ou du payeur du loyer (arrêt du TFA du 15 juillet 1974, in RCC 1974 p. 510). Des exceptions, admises avec retenue pour prévenir les abus, étaient possibles lorsque des motifs juridiques ou moraux justifiaient qu’une personne supporte seule le loyer.

La jurisprudence avait ainsi admis une dérogation au partage du loyer dans le cas où la bénéficiaire des prestations complémentaires vivait avec son petit-fils âgé d’un peu plus de six mois au moment où elle l’avait accueilli chez elle. Selon le Tribunal fédéral, il ne pouvait être raisonnablement question d’une location commune d’un appartement, voire d’un rapport de location payant entre l’assurée et son petit-fils (arrêt P 21/90 du 16 novembre 1990). Ce cas a conduit à l’adaptation du ch. 3023 des Directives concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC), édictées par l’OFAS, dans leur version en vigueur à partir du 01.01.1992 (jusqu’au 31.12.1997).

Consid. 4.2.2
L’art. 16c al. 1 OPC-AVS/AI, introduit le 01.01.1998, a été adopté pour ancrer dans la réglementation d’exécution les principes de la pratique administrative en matière de répartition du loyer. Toutefois, selon cette disposition, la répartition du loyer ne présuppose pas que l’appartement ou la maison familiale soit loué en commun; il suffit que les personnes vivent ensemble (ménage commun). Dans l’ATF 127 V 10, le Tribunal fédéral des assurances a qualifié l’art. 16c OPC-AVS/AI de conforme à la loi, puisque son but était d’empêcher le financement indirect par les prestations complémentaires de personnes non comprises dans le calcul des PC. Selon la lettre de cette disposition, le terme « aussi occupés par » justifie à lui seul déjà un partage du loyer, indépendamment du point de savoir si le logement est loué en commun (arrêt 9C_326/2022 du 23 novembre 2022 consid. 3.2 et les arrêt cités; VSI 2001 p. 236).

Consid. 4.2.3
Le Tribunal fédéral a néanmoins considéré que même après l’entrée en vigueur de l’art. 16c OPC-AVS/AI, la vie commune sous le même toit ne conduit pas dans tous les cas à la répartition du loyer. D’une part, selon la lettre de cette disposition, le partage ne doit être effectué que si les personnes qui vivent sous le même toit ne sont pas incluses dans le calcul des PC. D’autre part, la jurisprudence rendue jusque-là en matière de répartition du loyer n’a pas perdu toute sa signification, de sorte que des exceptions restent possibles. Notamment, le fait que la cohabitation est dictée par un devoir (d’entretien) juridique ou moral peut conduire à une autre répartition du loyer, voire – exceptionnellement – à une renonciation à toute répartition du loyer. La jurisprudence rendue sous l’ancien droit reste d’actualité sous l’empire de l’art. 16c OPC-AVS/AI (ATF 142 V 299 consid. 3.2.1; arrêts 9C_153/2022 du 26 avril 2023 consid. 7.2.2; 9C_326/2022 du 23 novembre 2022 consid. 3.2.1).

Consid. 4.2.4
Le ch. 3231.06 DPC (devenu le ch. 3231.07 à partir du 1er janvier 2025; ci-après: ch. 3231.07 DPC) prévoit que lorsque le bénéficiaire de PC partage un logement avec le propriétaire de celui-ci et qu’un contrat de bail a été passé entre eux, c’est en principe ce contrat de bail et le loyer prévu qui sont déterminants pour le calcul de la PC (jusqu’au montant maximal admissible), pour autant que le loyer convenu soit effectivement payé et qu’il ne soit pas manifestement excessif. Lorsqu’aucun loyer n’a été convenu ou payé, ou si le loyer est manifestement excessif, c’est le montant de la valeur locative du logement, auquel s’ajoute le forfait pour frais accessoires, qui est déterminant, moyennant une répartition par tête.

Consid. 5 [résumé]
La cour cantonale a retenu que le ch. 3231.07 DPC ne permettait pas de déroger à la répartition du loyer par tête dans un cas de sous-location. Une telle dérogation pouvait être envisagée uniquement lorsque le propriétaire du logement cohabitait avec le bénéficiaire de PC, ce qui n’était pas le cas en l’espèce. L’arrêt 9C_153/2022 du 26 avril 2023 invoqué par les assurés ne leur était pas applicable, car une exception à la répartition à parts égales suppose une cohabitation fondée sur un devoir d’entretien juridique ou moral, ce qui n’était pas établi à l’égard de leur fille ou de leurs petits-enfants. Les juges cantonaux ont constaté que cinq personnes vivaient dans le logement, de sorte que le loyer mensuel de 2’800 fr., accessoires compris, devait être réparti en cinq parts égales. Aucun élément du dossier ne permettait de conclure qu’un des membres du foyer faisait un usage disproportionné du logement. C’était donc à juste titre que la caisse de compensation avait pris en compte un montant mensuel de 1’120 fr. (ou annuel de 13’440 fr.) à titre de dépenses reconnues.

Consid. 6.2
Les assurés font une analogie entre le contrat de sous-location signé le 30.06.2023 et le contrat de bail principal du 03.10.2019, en ce sens que la position de leur fille serait assimilable à celle de propriétaire. Or tel n’est pas le cas.

Il est établi – et non contesté – que la fille n’est pas propriétaire du logement mais la titulaire du contrat de bail. Elle occupe, avec ses deux enfants, la villa de 6 pièces qu’elle partage avec les assurés, mettant ainsi à leur disposition une partie de la maison moyennant une part du loyer principal. Le contrat de sous-location, conclu entre les assurés et leur fille, prévoit un loyer mensuel de 1’500 fr. (frais accessoires inclus); il en résulte un solde de 1’300 fr., soit une part moindre du loyer pour la fille et ses deux enfants alors même qu’il est probable qu’ils occupent à eux trois plus de la moitié du logement. Les assurés ne soutiennent d’ailleurs pas qu’ils bénéficieraient d’une plus grande part du logement en vertu d’une répartition particulière des locaux (cf. ATF 105 V 271 et ch. 3231.04 DPC). Cela étant, il convient de respecter l’objectif poursuivi par l’art. 16c OPC-AVS/AI, qui est d’éviter que les prestations complémentaires ne doivent également couvrir les parts de loyer de personnes qui ne sont pas incluses dans le calcul des PC (consid. 4.2.2 supra). Le raisonnement des juges cantonaux – selon lequel il résulterait un risque d’abus inadmissible si l’on admettait, sous l’angle des prestations complémentaires, que les locataires et sous-locataires d’un logement puissent, par contrat, ventiler à leur guise la charge commune du loyer convenu avec le tiers propriétaire – ne revient pas à créer une inégalité de traitement entre les bénéficiaires de prestations complémentaires. Comme l’ont exposé à juste titre les juges cantonaux, le propriétaire ne paie pas un loyer correspondant à l’usage du logement mais des charges hypothécaires, dont le montant peut varier fortement et ne pas correspondre au loyer usuel qui pourrait être convenu avec les locataires cohabitant avec lui. On ajoutera que le ch. 3231.03 DPC prévoit, dans le contexte de la répartition du montant du loyer à parts égales, qu’il soit également procédé à une répartition du loyer en cas de sous-location. Il s’ensuit que les assurés ne peuvent se prévaloir du ch. 3231.07 DPC pour prétendre à une dérogation au partage du loyer à parts égales.

Consid. 7 [résumé]
Les assurés ont, à titre subsidiaire, soutenu qu’il convenait de déroger à la répartition du loyer à parts égales prévue à l’art. 16c al. 2 OPC-AVS/AI. Tout en admettant ne pas avoir eux-mêmes une obligation d’entretien envers leurs petits-enfants, ils ont invoqué celle de leur fille à l’égard de ces derniers, estimant que cela justifierait, selon la jurisprudence (arrêt 9C_153/2022 précité), l’exclusion des enfants du calcul des prestations complémentaires. Les assurés ne soutiennent toutefois pas que leur fille aurait elle-même droit à des prestations complémentaires. Admettre leur raisonnement reviendrait à faire financer indirectement, par les prestations complémentaires perçues par les assurés, une partie de la contribution d’entretien incombant à leur fille.

 

Le TF rejette le recours des assurés.

 

Arrêt 8C_6/2025 consultable ici

 

8C_563/2024 (f) du 14.02.2025 – Prestations complémentaires – Montant des pensions alimentaires reconnu comme dépenses / Convention ratifiée par un juge étranger et conventions ultérieures passées sous seing privé

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_563/2024 (f) du 14.02.2025

 

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Prestations complémentaires – Montant des pensions alimentaires reconnu comme dépenses / 10 al. 3 let. e LPC

Convention ratifiée par un juge étranger et conventions ultérieures passées sous seing privé

 

Assuré, né en 1958 et de nationalité suisse, s’est installé en Grèce en 1995, où il a épousé B.__, née en 1970. Ils ont eu une fille en 2000. Depuis 2013, il est à nouveau domicilié à Genève. Par décision du 19.03.2019, le Tribunal de première instance d’Athènes a prononcé la dissolution de leur mariage, ratifiant une convention privée du 20.10.2017 prévoyant des pensions alimentaires de EUR 1’000 pour leur fille (pendant deux ans) et de EUR 300 pour l’ex-épouse.

Le 05.04.2023, l’assuré a atteint l’âge légal de la retraite et, dès le 01.05.2023, il a perçu des rentes mensuelles de l’AVS (CHF 1’589) et de la prévoyance professionnelle (CHF 621.05). Le 14.04.2023, il a demandé des prestations complémentaires, déclarant verser des pensions alimentaires de EUR 500 pour sa fille et de EUR 1’000 pour son ex-épouse.

Par décision du 12.10.2023, confirmée sur opposition le 30.11.2023, le service des PC a calculé les prestations dès le 01.05.2023. Il a reconnu une pension alimentaire en faveur de l’ex-épouse uniquement pour les mois de mai à juillet 2023. Les PC fédérales ont été fixées à CHF 1’532 pour mai, à CHF 1’367 pour juin et juillet, à CHF 544 d’août à octobre, puis à CHF 1’133.90 dès novembre. Les PC cantonales ont été établies à CHF 554 par mois depuis mai.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/646/2024 – consultable ici)

Par jugement du 27.08.2024, admission partielle du recours par le tribunal cantonal. À l’inverse du service des prestations complémentaires, les juges cantonaux ont considéré qu’une contribution d’entretien de EUR 300 en faveur de l’ex-femme de l’assuré devait être prise en considération dans le calcul des prestations complémentaires dès le 01.08.2023.

 

TF

Consid. 3.1
Selon l’art. 9 al. 1 LPC, le montant de la prestation complémentaire annuelle correspond à la part des dépenses reconnues qui excède les revenus déterminants, mais au moins au plus élevé des montants suivants: la réduction des primes la plus élevée prévue par le canton pour les personnes ne bénéficiant ni de prestations complémentaires ni de prestations d’aide sociale (let. a); 60% du montant forfaitaire annuel pour l’assurance obligatoire des soins au sens de l’art. 10 al. 3 let. d (let. b). En vertu de l’art. 10 al. 3 let. e LPC, sont notamment reconnues comme dépenses, pour toutes les personnes, les pensions alimentaires versées en vertu du droit de la famille.

Consid. 3.2
Selon la jurisprudence afférente à l’art. 10 al. 3 let. e LPC, cette disposition a pour but de compenser des besoins vitaux accrus en raison d’obligations alimentaires (ATF 147 V 441 consid. 4.3.3). Les organes des prestations complémentaires sont liés par les décisions ayant force de chose jugée que le juge civil a rendues en matière de contributions d’entretien, que ce soit en homologuant une convention ou en fixant lui-même les contributions (ATF 147 V 441 consid. 3.3.1; arrêts 9C_396/2018 du 20 décembre 2018 consid. 5.1; 9C_740/2014 du 9 mars 2015 consid. 4.1). Toutefois, si l’administration parvient, après un examen approprié, à la conclusion que le bénéficiaire de prestations complémentaires doit payer des contributions trop élevées par rapport à ses possibilités financières, elle doit lui fixer un délai approprié pour introduire une demande en modification du jugement civil (arrêt 9C_396/2018 précité consid. 5.1; cf. aussi MICHEL VALTERIO, Commentaire de la loi fédérale sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI, 2015, n° 66 ad art. 10 LPC). Selon le ch. 3271.02 des directives de l’OFAS concernant les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (DPC), qui sont conformes au droit fédéral (cf. arrêt 9C_396/2018 précité consid. 5.2), si la situation financière du bénéficiaire de PC vient à se péjorer de manière conséquente et durable, l’organe PC doit exiger de celui-ci qu’il sollicite une modification du jugement de divorce ou de la convention conclue entre les parties; le bénéficiaire de PC doit être averti par écrit des conséquences indiquées au ch. 3271.03. Le ch. 3271.03 DPC prévoit que si l’assuré ne se conforme pas à cette exigence dans les trois mois, l’organe PC prend une décision sur la base du dossier existant; il est en droit de prévoir un montant correspondant de zéro franc.

Consid. 4.1 [résumé]
La juridiction cantonale a constaté que le jugement de divorce prononcé en Grèce le 19.03.2019 avait validé une convention conclue entre l’assuré et son ex-épouse le 20.10.2017. Cette convention prévoyait notamment une pension alimentaire de EUR 1’000 par mois pour leur fille, limitée à deux ans, avec possibilité de révision « d’un commun accord en fonction des besoins du moment de l’enfant » à partir du 20.10.2019, ainsi qu’une pension de EUR 300 par mois pour l’ex-épouse, sans limitation de durée. En validant cette convention, le juge civil grec avait fixé la contribution d’entretien en faveur de l’ex-épouse à EUR 300 mensuels pour une durée indéterminée.

L’assuré ne pouvait se prévaloir des conventions ultérieures passées sous seing privé, non validées par un tribunal, qui prévoyaient une augmentation de la pension versée à son ex-épouse (EUR 1’000 dès janvier 2021, puis EUR 800 dès juin 2023). Les motifs avancés par l’assuré pour justifier ces augmentations, tels que l’absence de partage de son deuxième pilier, étaient déjà connus des parties lors de la ratification de la convention initiale par le juge grec et ne pouvaient donc être pris en considération.

Consid. 4.2 [résumé]
Les juges cantonaux ont estimé que l’assuré pouvait, de bonne foi, penser avoir satisfait aux exigences du service des prestations complémentaires en obtenant une réduction de la pension alimentaire de EUR 1’000 à EUR 800. Le service des PC ne lui avait pas clairement indiqué qu’il devait modifier la convention de 2017 ratifiée par le juge grec, et non celle en vigueur depuis février 2023. Dès lors, il ne pouvait lui être reproché de ne pas avoir saisi la justice grecque, et la contribution d’entretien de EUR 300 par mois fixée par le jugement de 2019 ne pouvait être écartée sans examen.

Les juges cantonaux ont relevé qu’au moment de la convention de 2017, l’assuré percevait une indemnité de chômage de CHF 3’706 par mois, tandis que son ex-épouse travaillait à mi-temps. Depuis sa retraite en avril 2023, ses revenus avaient diminué à CHF 2’210 (rentes AVS et LPP). Toutefois, il n’était pas probable qu’une demande auprès du juge grec aurait permis de réduire ou supprimer la pension de EUR 300, compte tenu notamment de la durée du mariage, de la répartition des rôles durant la vie commune, des efforts de l’ex-épouse qui travaillait désormais à plein temps pour un salaire modeste (EUR 829.25), et de la réduction importante de la pension versée à leur fille sans emploi, qui vivait encore avec sa mère.

Enfin, l’absence de partage des avoirs de prévoyance professionnelle avait favorisé l’assuré au détriment de son ex-épouse, qui n’avait pas pu se constituer une telle prévoyance. Dans ces circonstances, la pension de EUR 300 restait adaptée et devait être prise en compte dans le calcul des prestations complémentaires dès le 01.08.2023.

Consid. 5.2.1
Il ressort des faits constatés par la cour cantonale qu’à l’appui de sa demande de prestations du 14.04.2023, l’assuré a produit la convention du 20.10.2017, la décision du tribunal grec du 19.03.2019 prononçant la dissolution du mariage, ainsi que les conventions sous seing privé des 04.01.2021 et 10.02.2023, qui prévoyaient toutes deux des contributions d’entretien mensuelles de EUR 1’000 en faveur de son ex-femme.

En réponse à cette demande, le service des PC a, par pli du 03.05.2023, requis de l’assuré la transmission de plusieurs documents, en particulier la « copie intégrale du jugement de divorce ou la convention de divorce modifiée », au motif que sa situation financière s’était péjorée, en précisant que s’il ne s’y conformait pas dans un délai de trois mois, un montant de 0 fr. pourrait être retenu.

Le 31.05.2023, l’assuré a répondu en expliquant avoir en vain cherché à savoir quel montant pouvait être admis au titre de contribution d’entretien pour son ex-épouse, l’Hospice général ayant évoqué une somme de CHF 833. Il précisait avoir demandé par téléphone au service des PC s’il pouvait signer une nouvelle convention sous seing privé, mais on lui avait répondu qu’il devait produire un jugement d’un tribunal suisse.

Le 07.06.2023, le service des PC s’est contenté de lui adresser un rappel, en mentionnant n’avoir pas reçu la copie intégrale du jugement de divorce ou de la convention modifiée, sans préciser que le montant de la contribution d’entretien évoqué par l’Hospice général était supérieur à celui ratifié par le juge grec et qu’il était nécessaire de diminuer la première pension convenue.

Le 15.06.2023, l’assuré a fait parvenir au recourant une nouvelle convention datée du 14.06.2023 prévoyant une contribution d’entretien de CHF 833 (EUR 800).

Le 17.07.2023, le service des PC a sollicité la production d’un document bancaire, sans référence à la contribution d’entretien.

Consid. 5.2.2
Sur la base de cette correspondance, les juges cantonaux ont retenu que le service des PC n’avait pas indiqué clairement à l’assuré qu’il devait modifier la convention de 2017 ratifiée par le juge du divorce, et non pas celle en vigueur depuis le 10.02.2023. Le service des PC ne critique pas, à raison, cet établissement des faits. Alors que l’assuré lui avait transmis, en sus de la convention d’octobre 2017 ratifiée par la justice grecque, deux conventions ultérieures prévoyant une contribution d’entretien plus importante, le service des PC s’est en effet contenté d’exiger une copie du jugement de divorce ou de la « convention de divorce modifiée », sans préciser à quelle convention il se référait et, surtout, sans attirer l’attention de l’assuré sur la nécessité de saisir le juge grec d’une demande en modification du jugement de divorce du 19.03.2019, en vue de diminuer ou de supprimer la contribution d’entretien de EUR 300 ratifiée par ce juge. Par la suite, tandis que l’assuré cherchait à diminuer la pension de EUR 1’000 qu’il versait depuis 2021, le service des PC n’a pas clarifié la situation, pas même après réception de la nouvelle convention du 14.06.2023, qui abaissait la pension à EUR 800.

Dans ces circonstances, le service des PC ne pouvait pas calculer le droit aux prestations complémentaires fédérales dès le 01.08.2023 sans prendre en compte, au titre de dépense reconnue, la contribution d’entretien de EUR 300 dont l’assuré est toujours légalement tenu de s’acquitter. Le point de savoir si ce dernier aurait eu de bonnes chances ou non d’obtenir de la justice grecque la réduction ou la suppression de cette contribution peut rester indécis; en l’absence d’une communication claire et complète de ce qui était attendu de lui, le service des PC n’était pas en droit d’écarter cette dépense sur la base du dossier existant, en se livrant à un examen préjudiciel du droit de l’ex-femme à une contribution d’entretien. Il s’ensuit que le recours doit être rejeté.

 

Le TF rejette le recours du service des PC.

 

Arrêt 8C_563/2024 consultable ici

 

8C_495/2024 (f) du 07.01.2025 – Restitution de prestations complémentaires indûment versées / Demande de remise rejetée – Bonne foi niée – Bien immobilier à l’étranger non déclaré

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_495/2024 (f) du 07.01.2025

 

Consultable ici

 

Restitution de prestations complémentaires indûment versées / 25 LPGA – 4 OPGA

Demande de remise rejetée – Bonne foi niée – Bien immobilier à l’étranger non déclaré

 

Par décision sur opposition du 15.02.2019, la caisse de compensation AVS (ci-après: la caisse) a requis de l’assurée la restitution d’un montant de 6’218 fr. pour des prestations complémentaires indûment versées entre le 01.09.2012 et le 31.03.2018. Cette décision faisait suite à un nouveau calcul (rétroactif) des prestations complémentaires, qui tenait compte de la valeur locative d’un bien immobilier à l’étranger dont l’assurée était propriétaire depuis plus de 40 ans, sans en avoir annoncé l’existence à la caisse avant 2017. Après un premier jugement annulant cette décision, la caisse a émis une nouvelle décision réclamant 32’968 fr.

Les parties ont conclu une transaction en juillet 2021, validée par le tribunal cantonal le 24.09.2021. Cette transaction prévoyait que la caisse renonçait à l’augmentation du montant réclamé, que la décision initiale de 6’218 fr. était considérée comme entrée en force, et que l’assurée pouvait demander une remise de dette.

L’assurée a demandé la remise de sa dette de 6’218 fr. en invoquant sa bonne foi et sa situation financière précaire. La caisse a rejeté cette demande de remise par décision du 20.12.2021, confirmée sur opposition.

 

Procédure cantonale (arrêt PC 31/22 – 33/2024)

Par jugement du 04.07.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4 [résumé]
La juge cantonale a rejeté l’argument de bonne foi de l’assurée, qui affirmait avoir cru, sur les conseils d’une ancienne assistante sociale, que son modeste appartement à l’étranger n’affecterait pas ses prestations complémentaires. À cet égard, elle a retenu qu’il n’appartenait pas à l’assurée d’estimer si elle devait ou non annoncer son bien immobilier compte tenu de sa valeur fiscale et/ou locative. L’instance cantonale a estimé que l’assurée ne pouvait ignorer l’importance de déclarer un tel bien, ayant explicitement coché « non » sur un formulaire demandant si elle possédait un bien immobilier à l’étranger. Cette omission a été jugée comme une négligence suffisamment grave pour exclure la bonne foi.

La cour cantonale a considéré que ni la méconnaissance du français, ni le manque de connaissances juridiques, ni l’âge ou l’état de santé de l’assurée ne justifiaient cette omission. La signature du formulaire impliquait une compréhension de son contenu et des obligations associées.

Les arguments de l’assurée concernant un montant à restituer trop élevé et l’absence de dommage pour la caisse ont été écartés. La cour cantonale a également refusé, par appréciation anticipée des preuves, la demande d’audition de l’assurée et de témoins, notamment l’ancienne assistante sociale mentionnée.

Consid. 6.1
L’assurée soutient qu’en application de l’art. 25 al. 2 LPGA, la créance en restitution de la caisse de compensation serait périmée, de sorte qu’elle ne serait plus débitrice du montant litigieux.

Consid. 6.2
Cette critique est mal fondée. L’art. 25 al. 2 LPGA règle exclusivement l’extinction du droit de demander la restitution de prestations indûment perçues. Cette disposition ne concerne pas l’exécution de la décision en restitution, pour laquelle est prévu un délai de péremption de cinq ans dès l’entrée en force de celle-ci, ce délai ne commençant à courir, lorsqu’une demande de remise est déposée, que lorsque la décision de rejet est entrée en force (arrêt 8C_129/2015 du 13 juillet 2015 consid. 2.2 et les arrêts cités). En l’espèce, la décision de restitution du 15.02.2019 est entrée en force, de sorte que le point de savoir si la caisse de compensation a exigé la restitution des prestations en respectant les délais (relatif et absolu) de l’art. 25 al. 2 LPGA ne peut plus être examiné dans le cadre du présent litige, qui porte uniquement sur la remise de l’obligation de restituer. Par ailleurs, le délai de péremption de cinq ans pour exécuter la décision de restitution n’a pas encore commencé à courir, la décision de rejet de la remise n’étant pas encore entrée en force.

Consid. 7.1 [résumé]
L’assurée soutient que sa bonne foi s’opposerait à la restitution des prestations qu’elle a indûment touchées. Elle expose n’avoir eu à l’époque aucune raison de mettre en doute les explications fournies par une assistante sociale à la retraite qui, de par son métier, s’était fréquemment occupée de personnes percevant des prestations complémentaires. Cette ancienne assistante sociale, pour laquelle elle avait effectué quelques travaux de ménage, lui aurait dit qu’en raison de la faible valeur de l’appartement sis à l’étranger, l’annonce de ce bien n’aurait eu aucune incidence sur la décision en matière de prestations complémentaires. Elle-même ne parlant pas bien le français, étant âgée et ne disposant d’aucune connaissance juridique, elle n’aurait pas pu se rendre compte que l’omission d’annoncer le bien en question pouvait conduire à la restitution de prestations.

Consid. 7.2
À raison, l’assurée ne soutient pas que les informations qu’elle a obtenues d’une assistante sociale à la retraite seraient assimilables à des renseignements ou des conseils de l’autorité ou d’un assureur au sens de l’art. 27 LPGA. Elle ne peut donc pas se prévaloir de la jurisprudence selon laquelle un renseignement erroné de l’autorité ou de l’assureur peut, sous certaines conditions, l’obliger à consentir à un administré un avantage auquel il n’aurait pas pu prétendre, en vertu du principe de la protection de la bonne foi (cf. ATF 143 V 341 consid. 5.2.1; 131 V 472 consid. 5). En tout état de cause, l’assurée ne s’est pas contentée de taire par omission, jusqu’en 2017, qu’elle était propriétaire d’un bien immobilier à l’étranger; à deux reprises, en 2012 puis en 2016, elle a complété un questionnaire de manière inexacte, en indiquant qu’elle ne détenait pas d’immeubles, de biens-fonds ou de parts de copropriété à l’étranger. Ce faisant, elle a commis une négligence grave excluant sa bonne foi. Son âge, ses difficultés en français et son manque de connaissances juridiques ne permettent pas de retenir une violation légère de son obligation de renseigner. Malgré ces facteurs, elle ne conteste pas avoir en toute conscience et volonté fait une fausse déclaration en certifiant ne pas posséder de bien immobilier à l’étranger, en répondant aux questionnaires en 2012 et 2016. Pour le reste, il convient de renvoyer à la motivation convaincante développée par la juge unique. Le grief de l’assurée s’avère mal fondé.

En considérant que la condition de la bonne foi n’était pas remplie, la juridiction cantonale n’a pas non plus violé l’interdiction de formalisme excessif (sur cette notion, cf. arrêt 8C_622/2023 du 27 mai 2024 consid. 8.2 et les arrêts cités), comme le soutient l’assurée. L’art. 25 al. 1 LPGA et l’art. 4 al. 1 OPGA, qui définissent les conditions matérielles pour que la remise de l’obligation de restituer puisse être accordée, ne sont pas des règles de procédure dont la stricte application peut, selon les cas, constituer un formalisme excessif.

Consid. 8
Il s’ensuit que le recours, manifestement mal fondé, doit être rejeté selon la procédure simplifiée prévue à l’art. 109 al. 2 LTF. L’assurée, qui succombe, a demandé à bénéficier de l’assistance judiciaire gratuite. Une partie ne remplit les conditions de l’assistance judiciaire que si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et si ses conclusions ne paraissent pas vouées à l’échec (art. 64 al. 1 LTF; ATF 140 V 521 consid. 9.1). Au regard des motifs avancés dans le mémoire de recours, celui-ci apparaissait d’emblée dénué de chances de succès et la requête d’assistance judiciaire doit dès lors être rejetée. L’assurée doit par conséquent payer les frais judiciaires (cf. art. 66 al. 1 LTF) et ne peut pas prétendre à la prise en charge des honoraires de son avocate.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

Arrêt 8C_495/2024 consultable ici

 

Motion CSSS-E 25.3014 «13e rente AI pour les bénéficiaires de prestations complémentaires» – Avis du Conseil fédéral du 07.03.2025

Motion CSSS-E 25.3014 «13e rente AI pour les bénéficiaires de prestations complémentaires» – Avis du Conseil fédéral du 07.03.2025

 

Consultable ici

 

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé de soumettre au Parlement un projet de modification de la loi sur les prestations complémentaires (LPC) prévoyant que les personnes qui touchent une rente AI et ont droit à des prestations complémentaires annuelles au mois de décembre reçoivent un supplément correspondant à un douzième de la rente AI perçue durant l’année civile concernée.

 

Minorité

Une minorité de la commission (Friedli Esther, Dittli, Germann, Hegglin Peter, Müller Damian) propose de rejeter la motion.

 

Développement

Se fondant sur l’art. 112a Cst., la Confédération et les cantons versent des prestations complémentaires aux personnes dont les besoins vitaux ne sont pas couverts par l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité. En acceptant l’initiative populaire pour une 13e rente AVS – où il est précisé que la 13e rente de vieillesse ne doit pas conduire à une réduction ou à une suppression des prestations complémentaires (PC) –, le peuple et les cantons ont privilégié, dans le domaine des PC, les bénéficiaires d’une rente de vieillesse AVS par rapport aux autres personnes qui ont droit à des PC, et en particulier par rapport aux bénéficiaires de rentes AI : les bénéficiaires d’une rente AVS recevant des PC disposent d’un montant total augmenté d’un douzième de leur rente vieillesse annuelle pour assurer leur subsistance. Il convient donc de corriger la situation privilégiée des bénéficiaires d’une rente AVS recevant des PC et le désavantage qui en découle pour les personnes en situation de handicap qui reçoivent des PC en plus d’une rente AI. Selon les clarifications juridiques, le législateur dispose de la marge de manœuvre nécessaire pour procéder à cette correction. Ce n’est qu’avec une compensation sous forme de complément annuel correspondant à un douzième de leur rente AI annuelle que les bénéficiaires d’une rente AI recevant des PC et les bénéficiaires d’une rente AVS recevant des PC seront traités de la même manière.

 

Avis du Conseil fédéral du 07.03.2025

Le Conseil fédéral comprend la volonté de mettre sur un pied d’égalité les rentiers AI touchant les prestations complémentaires (PC) et les rentiers de vieillesse touchant ces mêmes prestations. La différence dans le revenu global des rentiers de vieillesse et d’invalidité ne trouve toutefois pas son origine exclusivement dans le régime des PC, mais dans l’octroi d’une 13e rente aux bénéficiaires d’une rente de vieillesse. Aux yeux du Conseil fédéral, la solution préconisée par la motion ne règle pas cette question à satisfaction et crée de nouvelles différences de traitement au sein des bénéficiaires de PC. La mise en œuvre telle quelle de la motion créerait une différence de traitement entre les rentiers AI, étant donné que seuls les bénéficiaires d’une rente AI complétée par des PC toucheraient une telle prestation, contrairement aux personnes bénéficiaires d’une allocation pour impotents ou d’indemnités journalières AI complétée par des PC.

Il est en outre probable qu’un supplément de 13e rente AI en lien avec les PC, calculé sur la base de la rente d’invalidité et calqué sur la 13e rente de vieillesse, soit qualifié de prestation d’invalidité selon le droit européen de coordination. Ainsi, peu importe que ce supplément soit prévu dans le cadre des PC, qui sont en principe exclues de l’exportation, il devrait tout de même être exporté aux Suisses et aux ressortissants des pays de l’UE et AELE.

La solution préconisée par la motion créerait un transfert de charges vers la Confédération et les cantons. Sur la base des données statistiques de l’année 2023, une estimation de l’Office fédéral des assurances sociales montre que si cette prestation avait été introduite dans l’année 2023, les dépenses supplémentaires auraient été de 170 millions de francs au total, dont 100 millions à la charge de la Confédération et 70 millions de francs à la charge des cantons.

Indépendamment de cette nouvelle charge financière, la question des bas revenus, notamment des bénéficiaires de prestations de l’AI, sera examinée dans le cadre d’une réforme globale à venir.

En cas d’acceptation de la motion par le 1er Conseil, le Conseil fédéral proposera de la transformer en mandat d’examen.

 

Proposition du Conseil fédéral du 07.03.2025

Rejet

 

Motion CSSS-E 25.3014 «13e rente AI pour les bénéficiaires de prestations complémentaires» consultable ici

Rapport de l’OFAS du 09.01.2025 – Réponses aux questions concernant une solution d’une 13e rente AI passant par les PC, disponible ici

 

8C_314/2024 (f) du 23.12.2024 – Droit aux prestations complémentaires – Séjour légal en Suisse et permis de séjour valable pendant les dix années précédant immédiatement la demande

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_314/2024 (f) du 23.12.2024

 

Consultable ici

 

Droit aux prestations complémentaires – Séjour légal en Suisse et permis de séjour valable pendant les dix années précédant immédiatement la demande / 5 al. 1 LPC

Impossibilité d’expulsion ou mesure pénale en cours ne rend pas le séjour légal

Assujettissement fiscal et cotisation à l’AVS ne remplacent pas l’exigence de résidence légale en Suisse

 

L’assuré, né en 1964 et originaire de U.__, est arrivé en Suisse le 08.07.1994 et a obtenu une autorisation de séjour au titre du regroupement familial à la suite de son mariage, le 08.07.1994, avec une Suissesse. Cette autorisation n’a pas été renouvelée à son échéance, le 07.07.1998. Malgré son divorce en 1999 et un second mariage en 2007 (également dissous en 2011), il a continué à résider à Genève.

En septembre 2000, il a été condamné à une peine de réclusion avec expulsion du territoire suisse. En 2003, sa peine a été suspendue pour un traitement hospitalier. En 2006, sa libération conditionnelle a été ordonnée avec une expulsion immédiate, mais cette dernière a été annulée par le tribunal en 2007.

L’assuré a travaillé comme monteur-électricien de 2007 à 2015. En 2019, l’office AI lui a octroyé une rente entière d’invalidité avec effet au 01.12.2015. Sa demande de prestations complémentaires a été refusée en juillet 2019, motif pris qu’il n’était pas titulaire d’une autorisation de séjour dans le canton de Genève.

En septembre 2023, une nouvelle demande de prestations complémentaires a été rejetée. Bien que l’assuré ait prouvé son domicile et sa résidence à Genève, il n’avait pas résidé de manière ininterrompue en Suisse avec un permis de séjour valable pendant les dix années précédant immédiatement sa demande.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/259/2024 – consultable ici)

Par jugement du 22.04.2024, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4
L’arrêt attaqué expose correctement les règles applicables à la solution du litige, en indiquant en particulier que selon l’art. 5 al. 1 LPC, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 1er janvier 2023, les étrangers n’ont droit à des prestations complémentaires que s’ils séjournent de manière légale en Suisse. Ils doivent y avoir résidé de manière ininterrompue pendant les dix années précédant immédiatement la date à laquelle ils demandent la prestation complémentaire (délai de carence). Le tribunal cantonal a aussi à juste titre précisé que la condition du séjour légal en Suisse n’est qu’une reprise de la jurisprudence du Tribunal fédéral déjà applicable avant l’entrée en vigueur de la disposition en question (cf. arrêts 9C_423/2013 du 26 août 2014 consid. 4.2 et 4.3; P 42/90 du 8 janvier 1992). Dans son jugement, l’instance précédente a en outre rappelé que, d’après la jurisprudence cantonale, ce critère s’applique également dans le cadre de l’application de la loi (genevoise) sur les prestations complémentaires cantonales du 25 octobre 1968 (LPCC; RS/GE J 4 25). Il suffit d’y renvoyer.

Consid. 5 [résumé]
Les juges cantonaux ont reconnu que l’assuré avait probablement résidé en Suisse depuis plus de dix ans au moment de sa dernière demande de prestations complémentaires. Cependant, ils ont souligné qu’il n’avait jamais possédé de titre de séjour valable pendant le délai de carence requis, et que cette situation persistait au moment de la décision contestée. Par conséquent, le refus des prestations complémentaires fédérales ou cantonales était justifié.

Ils ont précisé que la jurisprudence en matière d’assurance-invalidité, qui permet l’octroi de prestations même en l’absence d’autorisation de travail (cf. ATF 118 V 79), ne s’appliquait pas dans ce cas. En effet, contrairement à l’AVS et à l’AI, les prestations complémentaires sont financées par le budget général de la Confédération et des cantons, et non par des cotisations d’assurance. Le tribunal cantonal a également souligné que le fait d’avoir cotisé à l’AVS pendant une période supérieure au délai de carence ne pouvait pas se substituer à l’exigence de résidence légale en Suisse (arrêt 9C_423/2013 précité consid. 4.2 et 4.3).

Par ailleurs, ce n’était pas parce que l’office cantonal genevois de la population et des migrations avait refusé un permis de séjour à l’assuré, tout en renonçant à prononcer son expulsion administrative, que cette autorité lui aurait donné, par ce biais, l’assurance que son séjour, toléré de facto en Suisse, serait considéré comme légal dans la perspective d’un droit à des prestations complémentaires.

Consid. 6.1
L’assuré se plaint d’une violation des art. 7 et 12 Cst., ainsi que des art. 4 et 5 LPC. En s’appuyant sur l’ATF 118 V 79, il soutient qu’il aurait droit aux prestations complémentaires en raison de l’assujettissement fiscal dont il aurait fait objet durant toute la période où il a travaillé en Suisse, ayant ainsi participé au budget général de la Confédération et des cantons finançant les prestations auxquelles il prétend. En outre, dès lors qu’une autorité judiciaire lui aurait imposé de ne pas quitter la Suisse, il serait erroné de retenir que son séjour ne serait que « toléré » par les autorités. En refusant d’octroyer à l’assuré les prestations complémentaires requises, dont il aurait besoin pour vivre en Suisse, la décision violerait son droit à la dignité humaine et son droit d’obtenir de l’aide dans des situations de détresse.

Consid. 6.2
Les critiques sont mal fondées. En l’absence d’autorisation de séjour, celui-ci ne peut pas être considéré comme étant légal au sens de l’art. 5 al. 1 LPC. Le fait que l’assuré ne puisse pas être expulsé ou qu’une mesure pénale soit en cours d’exécution ne permet pas de retenir le contraire. Ces éléments pourraient tout au plus avoir une pertinence dans le cadre de la procédure d’octroi d’une autorisation de séjour, soit lors d’une étape préalable à une demande de prestations complémentaires. Ainsi, comme rappelé par la cour cantonale (cf. consid. 4 supra), le bien-fondé d’une telle demande présuppose le séjour légal du requérant, ce qui rend sans pertinence l’argument relatif aux circonstances du séjour prolongé de l’assuré en Suisse. Il en va de même des griefs tirés de l’ATF 118 V 79, visant à transposer purement et simplement dans le cas d’espèce les principes développés dans cet arrêt, bien que le présent litige ne concerne ni le droit à des prestations de l’assurance-invalidité, ni l’existence d’une autorisation de travail (cf. aussi arrêt 9C_38/2020 du 20 octobre 2020 consid. 3). Enfin, les critiques relatives à la prétendue violation des art. 7 et 12 Cst. ne satisfont pas aux exigences de motivation accrue de l’art. 106 al. 2 LTF (cf. consid. 2.2 supra), ce qui les rend irrecevables.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_314/2024 consultable ici

 

9C_412/2020 (f) du 01.02.2021 – Droit aux prestations complémentaires – Revenus déterminants / Prise en compte de la rente de veuve italienne et conversion des monnaies

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_412/2020 (f) du 01.02.2021

 

Consultable ici

 

Droit aux prestations complémentaires – Revenus déterminants / 11 LPC

Prise en compte de la rente de veuve italienne et conversion des monnaies / 90 Règl. n° 987/2009

 

Assurée, née en 1939, au bénéfice d’une rente AVS depuis le 01.01.2003. Sollicitée à plusieurs reprises, la caisse de compensation a nié le droit de l’assurée à des prestations complémentaires au motif que ses revenus déterminants couvraient ses dépenses reconnues.

Après avoir découvert que l’assurée percevait une pension versée par l’Istituto Nazionale Previdenza Sociale de Rome (INPS), la caisse de compensation a procédé le 18.01.2018 à un nouveau calcul du droit de l’assurée à des prestations complémentaires à compter du 01.11.2014; elle a nié toute prétention. Le 05.12.2018, elle a reconsidéré la décision du 18.01.2018, constaté que l’assurée présentait un excédent de revenus et derechef nié son droit. Par décision sur opposition du 28.06.2019, la caisse de compensation a maintenu sa position, considérant que la pension versée par l’INPS devait être prise en compte dans les revenus de l’intéressée même si les pensions de décembre 2014 à septembre 2018 avaient été versées rétroactivement le 10.12.2018.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 28.05.2020, admission du recours par le tribunal cantonal, renvoyant la cause à la caisse de compensation pour procéder selon les considérants.

 

TF

Consid. 5.1
La décision litigieuse a été rendue après l’entrée en vigueur de l’Accord entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681), le 01.06.2002, et concerne une prétention postérieure à cette date.

Le litige doit ainsi être examiné, ratione temporis, à la lumière de l’ALCP, en particulier de son annexe II. Selon l’art. 1 al. 1 de l’annexe II à l’ALCP – intitulée « Coordination des systèmes de sécurité sociale », fondée sur l’art. 8 de l’accord et faisant partie intégrante de celui-ci (art. 15 ALCP) – en relation avec la section A de cette annexe (« Actes juridiques auxquels il est fait référence »), les parties contractantes appliquent entre elles en particulier le règlement (CE) n° 883/2004 (ci-après: le règlement n° 883/2004; RS 0.831.109.268.1), ainsi que le règlement (CE) n° 987/2009, tous deux en vigueur pour la Suisse depuis le 01.04.2012, et déterminant le contenu de ses annexes (ci-après: le règlement n° 987/2009).

En l’occurrence, en vertu de l’art. 2 par. 2 du règlement n° 883/2004, l’assurée, en sa qualité de veuve d’un ressortissant italien, entre dans le champ d’application personnel dudit règlement. Par ailleurs, les prestations complémentaires dont il est question en l’espèce relèvent du champ d’application matériel du règlement n° 883/2004 (ATF 143 V 81 consid. 7.1 p. 87 et les références).

Consid. 5.2
En ce qui concerne la conversion des monnaies, l’art. 90 du règlement n° 987/2009 prévoit qu’aux fins de l’application des dispositions du règlement de base et du règlement d’application, le taux de change entre deux monnaies est le taux de change de référence publié par la Banque centrale européenne; la date à prendre en compte pour établir les taux de change est fixée par la commission administrative.

A cet égard, selon l’annexe II ALCP, section B, point 8, les parties contractantes prennent en considération la décision H3 de la commission administrative pour la coordination des systèmes de sécurité sociale du 15 octobre 2009 relative à la date à prendre en compte pour établir les taux de change visée à l’art. 90 du règlement précité [ndr : la décision H3 est remplacée par la décision H12 dès le 28.02.2022]. En vertu des points 1 à 3 de cette décision, dans sa version en vigueur dès le 01.04.2012, la commission administrative a décidé:
1. Aux fins de la présente décision, on entend par « taux de change » le cours du jour publié par la Banque centrale européenne.
2. Sauf disposition contraire dans la présente décision, le taux de change est le taux publié le jour où l’institution exécute l’opération en question.
3. L’institution d’un État membre qui, aux fins de l’établissement d’un droit et du premier calcul d’une prestation, doit convertir un montant dans la monnaie d’un autre État membre, utilise:
a) lorsque, en application de la législation nationale concernée, l’institution doit tenir compte de montants, tels que des revenus ou des prestations, durant une certaine période précédant la date pour laquelle la prestation est calculée: le taux de change publié pour le dernier jour de la période concernée;
b) lorsque, en application de la législation nationale concernée, pour le calcul de la prestation, l’institution doit tenir compte d’un montant: le taux de change publié pour le premier jour du mois précédant immédiatement le mois au cours duquel la disposition doit s’appliquer.

Consid. 5.3
Selon la jurisprudence, lorsque les droits sont calculés sur le seul fondement des législations nationales, ni l’art. 90 du règlement n° 987/2009 ni la décision H3 ne peuvent recevoir application et les taux de conversion des monnaies demeurent déterminés par la législation interne (ATF 141 V 246 consid. 5.2.1 p. 251 et les références). Le Tribunal fédéral a ainsi jugé que la conversion en euros d’une rente AVS calculée uniquement selon le droit suisse en francs suisses doit s’effectuer en vertu du droit interne, soit (à l’époque) de l’ancien ch. marg. 5033 des directives de l’OFAS concernant l’assurance-vieillesse, survivants et invalidité facultative (ATF 141 V 246 consid. 5.3 p. 252 et 6.2 p. 253).

En revanche, les dispositions sur la conversion des monnaies du règlement n° 987/2009 et de la décision H3 trouvent application lorsqu’il s’agit d’examiner des situations qui nécessitent une coordination (ATF 141 V 246 consid. 5.2.1 p. 251). Il s’agit en particulier des situations dans lesquelles une rente ou une pension versée par une institution de sécurité sociale d’un Etat membre de l’Union européenne doit être prise en compte dans le cadre de l’examen du droit à des prestations complémentaires à l’AVS ou à l’AI (arrêt 9C_377/2011 du 12 octobre 2011 consid. 3.3; ATF 141 V 246 consid. 5.2.1 p. 251).

Consid. 5.4
En l’espèce, la juridiction cantonale a méconnu le fait que la situation de l’assurée, qui perçoit une rente de veuve de l’INPS, relève du champ d’application des règlements nos 883/2004 et 987/2009 ainsi que de la décision H3. A cet égard, conformément à l’art. 90 du règlement n° 987/2009, en lien avec le point 2 de la décision H3, la caisse de compensation était tenue d’utiliser le taux de change publié par la Banque centrale européenne le jour où l’institution de la sécurité sociale italienne a exécuté l’opération bancaire en question (cf. ch. marg. 3452.01, 1ère phrase, DPC).

Aussi, selon le site http://www.ecb.europa.eu [ndr : Euro foreign exchange reference rates disponible ici], qui donne les taux officiels diffusés par la Banque centrale européenne, le cours de l’euro par rapport au franc suisse était, au 10 décembre 2018, de 1.1295. Dans son recours, la caisse de compensation se réfère d’ailleurs expressément à ce taux (et non plus à celui de 1.1695). En prenant en compte un taux de conversion des monnaies de 1.1119, la juridiction cantonale a par conséquent violé le droit fédéral. Le grief de la caisse de compensation doit être admis sur ce point.

On précisera que ce taux devra être appliqué au montant de 11’577 euros 37 versé par l’INPS à l’assurée en date du 10 décembre 2018, constaté par la juridiction cantonale (ATF 110 V 17 consid. 3 p. 21; arrêt 9C_831/2016 du 11 juillet 2017 consid. 5.1 et les références), et que la caisse de compensation ne discute pas.

Consid. 6
Comme le fait valoir ensuite la caisse de compensation, la juridiction cantonale s’est finalement écartée à tort du texte de la décision de l’INPS du 14 août 2018. L’INPS fait référence dans ce document au fait que l’assurée perçoit une rente AVS mensuelle suisse, versée douze fois l’an (« importi mensili delle quote estere in valuta per 12 mensilità »), mais ne se prononce pas sur le nombre de mensualités de la pension italienne. Dans sa réponse, l’assurée indique qu’elle perçoit effectivement « 13 versements par année ». Le grief de la caisse de compensation doit partant être admis sur ce point également.

Consid. 7
Ensuite des considérations qui précèdent, il convient de renvoyer la cause à la caisse de compensation pour qu’elle procède à un nouveau calcul des prestations complémentaires pour la période concernée.

 

Le TF admet le recours de la caisse de compensation, annule le jugement cantonal et la décision sur opposition, renvoyant la cause à la caisse cantonale pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

Arrêt 9C_412/2020 consultable ici

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025

 

Article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 26.11.2024, consultable ici

 

À l’instar des rentes AVS et AI, plusieurs prestations sociales vont augmenter au 1er janvier 2025. C’est également à partir de cette date que l’âge de référence des femmes passera progressivement de 64 à 65 ans.

Plusieurs nouvelles mesures entrent en vigueur début 2025. Afin que les assurés, les employeurs et les personnes actives dans le domaine des assurances sociales aient une vue d’ensemble, le présent article résume les principaux changements, sur la base des informations disponibles à la fin novembre 2024. Au moment de la rédaction de cet article, le recours contre le relèvement de l’âge de la retraite des femmes est toujours pendant au Tribunal fédéral.

 

1er pilier : hausse des rentes et des allocations pour impotent

Les rentes du 1er pilier augmentent de 2,9% dès le 1er janvier 2025. La rente minimale dans l’assurance-vieillesse et survivants (AVS) et dans l’assurance-invalidité (AI) passe ainsi de 1’225 à 1’260 francs par mois ; la rente maximale pour une durée de cotisation complète de 2’450 à 2’520 francs. La rente AVS pour couples mariés s’élève désormais à 3’780 francs. La dernière adaptation de ces rentes à l’évolution des prix et des salaires datait de 2023.

En parallèle, le montant de la cotisation minimale AVS/AI/APG pour les indépendants et les personnes sans activité lucrative passe à 530 francs par an ; celui de la cotisation minimale dans l’AVS/AI facultative à 1’010 francs.

Destinées aux bénéficiaires de rentes tributaires de l’aide d’autrui, les allocations pour impotent dans l’AVS et l’AI sont également relevées. Leurs montants dépendent du degré de l’impotence. Enfin, dans l’AI, la contribution d’assistance se monte désormais à 35.30 francs par heure (+ 1 franc) et à 169.10 francs par nuit (+ 4.65 francs).

 

Besoins vitaux : hausse des PC et des Ptra

Les prestations complémentaires (PC) et les prestations transitoires (Ptra) augmentent également. Le forfait annuel pour couvrir les besoins vitaux passe à 20’670 francs pour les personnes seules (+ 570 francs) ; à 31’005 francs pour les couples (+ 855 francs) ; à 10’815 francs pour les enfants âgés de plus de 11 ans (+ 300 francs) et à 7’590 francs pour les enfants de moins de 11 ans (+ 210 francs).

Les montants maximaux des loyers pris en compte dans le cadre des PC et des Ptra sont aussi adaptés au renchérissement. Ils s’élèvent désormais à 18’900 francs dans les grands centres urbains (région 1), à 18’300 francs dans les villes (région 2) et à 16’680 francs à la campagne (région 3). Enfin, les franchises sur le revenu de l’activité lucrative sont relevées de 1’000 à 1’300 francs par an pour les personnes seules ; de 1’500 à 1’950 francs par an pour les couples ou les personnes avec enfant.

 

Allocations familiales : hausse des montants minimaux

Dans le domaine des allocations familiales, les montants minimaux fixés par la Confédération sont revus à la hausse en 2025. L’allocation pour enfant s’élève désormais à 215 francs par mois au lieu de 200 francs ; l’allocation de formation à 268 francs par mois au lieu de 250 francs.

Cette augmentation concerne en premier lieu les parents travaillant dans les cantons qui versent les montants minimaux, à savoir Argovie, Bâle-Campagne, Glaris, Soleure, Tessin, Thurgovie et Zurich. Les autres cantons, qui prévoient déjà des allocations plus élevées, ne sont pas obligés de procéder à une hausse.

 

2e et 3e piliers : nouveaux montants

Liés aux rentes du 1er pilier, plusieurs montant de la prévoyance professionnelle subissent aussi des changements début 2025. La déduction de coordination dans le régime obligatoire (LPP) passe à 26’460 francs ; le seuil d’entrée à 22’680 francs. Pour le 3e pilier (3a), la déduction fiscale autorisée par année s’élève désormais à 7’258 francs pour les personnes avec un 2e pilier et à 36’288 francs pour celles qui n’en ont pas.

Les rentes de survivants et d’invalidité de la LPP sont également adaptées. Elles augmentent de 0,8% si elles ont été adaptées pour la première fois en 2024 ; de 2,5% si leur dernière adaptation a eu lieu en 2023. Dans le régime surobligatoire, c’est l’organe suprême de l’institution de prévoyance qui décide chaque année si et dans quelle mesure les rentes doivent être adaptées.

Le taux d’intérêt minimal dans la LPP reste inchangé à 1,25% en 2025. Le Conseil fédéral a suivi les recommandations de la Commission fédérale de la prévoyance professionnelle pour fixer l’intérêt minimal auquel doivent être rémunérés les avoirs de vieillesse de la LPP.

Enfin, dans la prévoyance individuelle liée (pilier 3a), il sera désormais possible d’effectuer des rachats à certaines conditions. Concrètement, une personne exerçant une activité lucrative en Suisse et qui n’aura pas versé chaque année la cotisation maximale autorisée dans son 3e pilier pourra la verser rétroactivement dans les dix années qui suivent. Seules les lacunes de cotisation survenant après l’entrée en vigueur du projet pourront être rachetées. Les lacunes étant apparues avant 2025 ne peuvent donc pas être comblées. Ce rachat sera autorisé en plus de la cotisation ordinaire et pourra également être déduit du revenu imposable.

 

AVS 21 : 2e étape

La deuxième étape de la réforme Stabilisation de l’AVS (AVS 21) entre en vigueur début 2025. Seules les femmes nées après 1960 sont concernées. Leur âge de référence (auparavant «âge de la retraite») va augmenter progressivement jusqu’en 2028 pour s’établir finalement à 65 ans comme pour les hommes.

 

L’âge de référence indique l’âge auquel une personne peut percevoir sa rente de vieillesse sans réduction ni supplément. Il n’est pas contraignant. Depuis 2024, il est en effet possible de prendre sa retraite entre 63 et 70 ans ; et cela également de manière partielle. En cas de départ à la retraite avant 65 ans, la rente est réduite ; si la retraite est repoussée après 65 ans, la rente est augmentée (Sauvain, 2023). Les taux de réduction et d’ajournement seront prochainement revus à la baisse, probablement en 2027, afin de mieux tenir compte de l’allongement de l’espérance de vie.

L’augmentation de l’âge de référence s’accompagne de mesures de compensation (OFAS, 2022). Ainsi, les femmes nées entre 1961 et 1969 ont droit dès 2025 à un supplément de rente pour autant qu’elles perçoivent leur rente de vieillesse à l’âge de référence ou ultérieurement. Les femmes qui choisissent d’anticiper leur rente n’ont pas droit à ce supplément, mais elles bénéficient de taux de réduction plus favorables.

Le supplément de rente est échelonné en fonction du revenu et de l’année de naissance. Il s’élève entre 13 et 160 francs par mois. Il n’est pas soumis au plafonnement des rentes pour les couples mariés et est versé même si le montant de la rente maximale est dépassé. Versé à vie, il n’entraîne pas de réduction du montant des prestations complémentaires.

AMal : hausse des primes et règles pour les courtiers

Les primes de l’assurance-maladie obligatoire (AMal) augmentent pour toutes les catégories d’âge en 2025. La prime mensuelle moyenne s’élèvera à 378.70 francs, ce qui correspond à une augmentation de 6% par rapport à 2024. La prime moyenne est calculée en additionnant toutes les primes payées en Suisse et en les divisant par le nombre total d’assurés. La hausse moyenne pour les jeunes adultes et pour les enfants sera un peu moins élevée, respectivement de 5.4% et 5.8%.

L’annonce de cette augmentation de primes a pour la première fois été accompagnée de règles contraignantes pour les intermédiaires d’assurances. Ainsi, le démarchage téléphonique à froid, c’est-à-dire la prise de contact avec une personne qui n’a jamais été assurée auprès de l’assureur en question ou qui ne l’est plus depuis trois ans, est interdit. De plus, l’intermédiaire a l’obligation d’établir un procès-verbal lors de ses entretiens-conseils et de le faire signer par le client. Quant à sa rémunération, elle est dorénavant limitée. Les assureurs qui contreviennent à ces règles, entrées en vigueur en septembre 2024, encourent une amende pouvant aller jusqu’à 100’000 francs.

 

Social et santé : numérisation en marche

La numérisation des assurances sociales franchit une nouvelle étape avec la possibilité pour les personnes effectuant un service (militaire, civil, Protection civile) de demander en ligne leurs allocations pour perte de gain (APG). Les modifications légales en ce sens entrent en vigueur début 2025. Les formulaires papier seront dès 2026 progressivement remplacés par une procédure numérisée, plus simple et plus efficace. Le changement de loi vise à alléger les démarches administratives, tant pour les assurés que pour leurs employeurs.

Dans le domaine de la santé, un jalon important pour le dossier électronique du patient (DEP) est posé. La Confédération soutient désormais financièrement les fournisseurs de DEP. Cette mesure visant à diffuser et promouvoir le dossier électronique est transitoire jusqu’à ce que la révision de la loi correspondante soit adoptée et mise en œuvre. Le message sur cette révision complète doit être transmis au Parlement au printemps 2025.

 

Protection de la jeunesse renforcée

La première étape de la nouvelle loi sur la protection des mineurs dans les secteurs du film et du jeu vidéo entre en vigueur en 2025. Les enfants et les adolescents seront ainsi mieux protégés face aux contenus de films et de jeux vidéo susceptibles de les heurter, notamment les contenus violents ou sexuellement explicites. La loi harmonise à l’échelle du pays, le système de classification et de contrôle de l’âge en matière d’accès aux films et jeux vidéo.

 

Champ d’action élargi pour les fonds patronaux

Les fonds patronaux de bienfaisance pourront élargir leur champ d’action dès 2025. Jusqu’ici limités aux situations de détresse, ils peuvent désormais accorder des prestations visant à prévenir les risques financiers liés à la maladie, aux accidents et au chômage. De nouvelles mesures pour soutenir la formation continue, la conciliation entre vie familiale et professionnelle, ainsi que la promotion de la santé, seront également possibles. La modification du Code civil en ce sens vise à encourager ces fondations d’entreprise à caractère social.

 

 

Bibliographie :

OFAS (2024). Montants valables dès le 1er janvier 2025.

Sauvain, Mélanie (2023). Entre le travail et la retraite : plus grande flexibilité dès 2024, Sécurité sociale CHSS. 21 novembre.

OFAS (2022). Fiche d’information AVS 21 : Conséquences pour les femmes

 

Assurances sociales : ce qui va changer en 2025, article de Mélanie Sauvain, paru in Sécurité sociale CHSS du 26.11.2024, consultable ici

Sozialversicherungen: Was ändert sich 2025?, Artikel von Mélanie Sauvain, in Soziale Sicherheit CHSS vom 26.11.2024 erschienen, hier abrufbar

 

Prestations complémentaires : le Conseil fédéral veut promouvoir le logement protégé

Prestations complémentaires : le Conseil fédéral veut promouvoir le logement protégé

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 13.09.2024 consultable ici

 

Le Conseil fédéral souhaite mieux soutenir l’autonomie des personnes âgées et encourager leur maintien à domicile. À l’avenir, les bénéficiaires de prestations complémentaires (PC) à l’AVS et à l’AI auront droit à certaines prestations leur permettant de continuer à vivre dans leur propre logement. Les systèmes d’appel d’urgence ou les services de repas, par exemple, seront ainsi pris en charge dans le cadre des PC sous la forme d’un forfait versé à l’avance. Lors de sa séance du 13 septembre 2024, le Conseil fédéral a adopté le message à l’intention du Parlement concernant la modification de la loi fédérale sur les prestations complémentaires (LPC).

Environ un tiers des personnes qui vivent dans un établissement médico-social (EMS) requièrent moins d’une heure de soins par jour. Leur entrée en EMS pourrait être retardée, voire évitée, si elles avaient la possibilité de vivre dans un logement adapté à leurs besoins ou de bénéficier de prestations d’assistance à domicile. Les personnes âgées aspirent à vivre le plus longtemps possible de manière autonome dans leur propre logement. Pour cela, elles peuvent avoir besoin non seulement d’un soutien médical, mais aussi d’une aide pour le ménage, de services de repas ou d’un environnement sûr (prévention des chutes).

 

Contenu du message

Les nouvelles prestations d’assistance à domicile ne seront pas réservées aux bénéficiaires de PC à l’AVS ; les personnes touchant des PC à l’AI pourront elles aussi y prétendre. Le principe de l’égalité de traitement entre les bénéficiaires de rentes de vieillesse et de rentes d’invalidité sera ainsi respecté. Cependant, les prestations prises en charge par les PC n’interviendront qu’une fois l’offre de prestations de l’AI épuisée.

Lorsque le besoin est avéré, les prestations d’assistance en faveur du logement protégé seront versées à l’avance au bénéficiaire sous la forme d’un forfait. Cette solution est avantageuse pour les assurés, qui n’auront pas à financer les prestations avant d’en obtenir le remboursement. Elle évite également les complications administratives. Ces prestations comprennent, selon les besoins :

  • un système d’appel d’urgence ;
  • une aide au ménage ;
  • un service de repas ;
  • un service de transport et d’accompagnement.

Le supplément pour la location d’un logement adapté et le remboursement des frais d’adaptation (seuils, mains courantes, etc.) seront calculés sur la base des frais effectifs.

Ces prestations profiteront aux assurés qui, en raison de leur âge ou d’une atteinte à leur santé, ont besoin d’un soutien ciblé pour pouvoir continuer à vivre dans leur propre logement. Tout comme les suppléments pour le logement, les prestations forfaitaires énumérées ci-dessus relèvent des frais de maladie et d’invalidité et seront donc entièrement prises en charge par les cantons. Lors de la consultation, ces derniers s’y étaient opposés ; néanmoins, le Conseil fédéral maintient sa décision. En effet, celle-ci correspond à la répartition des compétences entre la Confédération et les cantons définie en 2008 par la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches. Le Conseil fédéral tient ainsi également compte de la situation financière tendue dans laquelle se trouve la Confédération.

Les coûts supplémentaires pour les cantons sont estimés entre 340 et 730 millions de francs en 2030, pour des économies de 280 millions. Ces économies, qui profiteront entièrement aux cantons, sont dues au fait que les mesures prévues permettront de retarder ou d’éviter des entrées en EMS.

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 13.09.2024 consultable ici

Modification de la LPC consultable ici

Message du Conseil fédéral relatif à la modification de la loi sur les prestations complémentaires à l’AVS et à l’AI (Prestations d’aide et d’assistance à domicile) consultable ici

 

8C_664/2023 (f) du 15.07.2024 – Restitution de prestations complémentaires familiales cantonales – Demande de remise – 25 LPGA – 24 LPCC (RS/GE J 4 25) / Bonne foi niée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_664/2023 (f) du 15.07.2024

 

Consultable ici

 

Restitution de prestations complémentaires familiales cantonales – Demande de remise / 25 LPGA – 24 LPCC (RS/GE J 4 25)

Bonne foi niée

 

Assurée, mère célibataire de trois enfants, bénéficie de prestations complémentaires familiales depuis 2013. Dès le 01.09.2013, le SCARPA (service cantonal genevois d’avance et de recouvrement des pensions alimentaires) s’est chargé de recouvrer et d’avancer la pension alimentaire de 1’290 fr. par mois due par son ex-conjoint.

Dès le 01.09.2016, le SCARPA a cessé les avances mais a continué à percevoir et reverser les pensions. Dès lors que le mandat de recouvrement se poursuivait au-delà de cette date, elle n’était pas habilitée à recevoir directement en ses mains les paiements effectués par le conjoint. En pratique, le SCARPA a continué à percevoir les pensions alimentaires et à les reverser à l’assurée, mais plus à titre d’avances.

Par décision du 13.12.2016, le service des prestations complémentaires (ci-après: SPC) a néanmoins recalculé le droit aux prestations complémentaires familiales, en tenant compte du fait que depuis le 01.09.2016, l’intéressée ne percevait plus du SCARPA la pension alimentaire de 15’480 fr. par an (12 x 1’290 fr.).

Dans une attestation du 20.01.2017, transmise au SPC le 19.07.2017, le SCARPA a mentionné qu’au cours de l’année 2016, l’assurée avait reçu la somme de 15’480 fr. à titre de pension alimentaire et/ou d’arriérés pour elle-même et ses trois enfants. Par la suite, le SPC a rendu plusieurs décisions sans prendre en compte de pensions alimentaires ou d’avances de celles-ci.

En 2021, le SPC a demandé à l’assurée de restituer 18’616 fr. de trop-perçu pour la période de juillet 2020 à octobre 2021, puis 49’298 fr. pour la période de septembre 2016 à juin 2020, après avoir pris en compte les pensions alimentaires effectivement reçues. L’assurée s’est opposée à ces décisions, qui ont été maintenues par le SPC en février 2022.

Le 11.04.2022, l’assurée a déposé une demande de remise de l’obligation de restituer la somme de 67’914 francs. Par décision, confirmée sur opposition, le SPC a rejeté cette demande, au motif que la condition relative à la bonne foi n’était pas réalisée.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/617/2023 – consultable ici)

Par jugement du 15.06.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 4 [résumé]
Les juges cantonaux ont examiné les conditions de remise de l’obligation de restituer (en particulier art. 25 al. 1 LPGA et art. 24 al. 1 de la loi cantonale genevoise du 25 octobre 1968 sur les prestations complémentaires cantonales [LPCC; RS/GE J 4 25]), en particulier de la bonne foi. Ils ont retenu que le montant à restituer s’expliquait presque exclusivement par la non prise en compte, par le SPC, de la pension alimentaire que le SCARPA avait en réalité continué de verser à l’assurée, non plus à titre d’avance mais de « produit » du mandat de recouvrement maintenu au-delà du 31.08.2016. Bien que l’assurée ait informé l’administration de ces versements, elle ne pouvait pas invoquer sa bonne foi en raison de sa négligence à signaler une erreur manifeste dans les calculs. Les plans de calcul montraient clairement une diminution de son revenu déterminant, correspondant exactement au montant de la pension alimentaire, ce qui aurait dû l’alerter. Par conséquent, la cour a estimé que l’assurée avait agi avec négligence, ce qui a conduit à la conclusion que la condition de bonne foi n’était pas remplie. Les conditions de la remise de l’obligation de restituer étant cumulatives, il n’était pas nécessaire d’examiner le critère de la situation économique difficile.

Consid. 5 [résumé]
L’assurée conteste l’application de l’art. 25 LPGA, applicable selon elle par renvoi de l’art. 1A al. 2 let. c LPCC, affirmant que l’analyse de sa bonne foi n’a pas été complète. Elle soutient que les juges cantonaux n’ont pas pris en compte les 19 décisions rendues par le SPC entre septembre 2016 et novembre 2021, qui étaient majoritairement des décisions de recalcul difficiles à comprendre en raison de leur manque d’explications. Selon elle, on ne saurait lui reprocher une négligence grave, d’autant que la reconnaissance d’une négligence légère aurait conduit à une remise intégrale de son obligation de restituer le montant de 67’914 francs. De plus, elle argue que la jurisprudence citée par les juges ne s’applique pas à son cas, car elle concerne des bénéficiaires de prestations AVS/AI, dont la situation financière est plus stable, contrairement aux situations financières très fluctuantes des bénéficiaires de prestations complémentaires familiales (« working poors »).

Consid. 6.1
Le litige porte sur des prestations sociales fondées exclusivement sur le droit cantonal. Dans la mesure où l’art. 1A al. 2 let. c LPCC renvoie à la LPGA, celle-ci n’est applicable qu’à titre de droit cantonal supplétif. Au demeurant, la question de la remise de l’obligation de restituer est en l’occurrence réglée par l’art. 24 al. 1 LPCC dont on voit mal qu’il laisserait encore place, en complément, à une application de l’art. 25 LPGA à titre supplétif. Le pouvoir d’examen du Tribunal fédéral est donc limité à l’arbitraire, s’agissant de l’application des règles de droit pertinentes.

Consid. 6.2
Aux termes de l’art. 24 al. 1 LPCC, les prestations indûment touchées doivent être restituées; la restitution ne peut être exigée lorsque l’intéressé était de bonne foi et qu’elle le mettrait dans une situation difficile.

Selon la jurisprudence relative à l’art. 25 al. 1 LPGA – dont le texte est identique à celui de l’art. 24 al. 1 LPCC -, l’ignorance, par le bénéficiaire des prestations, du fait qu’il n’avait pas droit aux prestations ne suffit pas pour admettre sa bonne foi. Il faut bien plutôt que le requérant ne se soit rendu coupable, non seulement d’aucune intention malicieuse, mais aussi d’aucune négligence grave. Il s’ensuit que la bonne foi, en tant que condition de la remise, est exclue d’emblée lorsque les faits qui conduisent à l’obligation de restituer sont imputables à un comportement dolosif ou à une négligence grave. En revanche, le bénéficiaire peut invoquer sa bonne foi lorsque l’acte ou l’omission fautifs ne constituent qu’une violation légère de l’obligation d’annoncer ou de renseigner (ATF 138 V 218 consid. 4 avec les renvois). Les comportements excluant la bonne foi ne sont pas limités aux violations du devoir d’annoncer ou de renseigner. Peuvent entrer en ligne de compte également d’autres comportements, notamment l’omission de se renseigner auprès de l’administration (arrêts 9C_318/2021 du 21 septembre 2021 consid. 3.1; 8C_535/2018 du 29 octobre 2018 consid. 5.1; 9C_184/2015 du 8 mai 2015 consid. 2 et la référence). Dans le contexte de calculs erronés de prestations complémentaires, la personne concernée ne peut pas se prévaloir de sa bonne foi si elle a omis de contrôler ou a contrôlé de manière peu précise la feuille de calcul et ne constate pas, de ce fait, une erreur facilement décelable (arrêt 9C_318/2021 précité consid. 3.2 et les arrêts cités).

Consid. 6.3
En l’occurrence, on doit admettre que l’assurée ne pouvait ignorer l’augmentation importante, dès septembre 2016, de ses prestations complémentaires familiales, en parallèle à la pension alimentaire perçue du SCARPA. Selon les constations non contestées de la juridiction cantonale, cette augmentation se chiffrait mensuellement à 1’290 fr., correspondant ainsi exactement au montant de la pension alimentaire mensuelle. L’assurée ne démontre pas qu’une autre modification du revenu déterminant et/ou des dépenses reconnues aurait pu expliquer cette différence. Par ailleurs, dans sa décision du 13.12.2016, mentionnant liminairement un recalcul du droit aux prestations à la suite de la révision du dossier, le SPC a expressément invité l’assurée à contrôler attentivement les montants indiqués, afin de s’assurer qu’ils correspondaient bien à la situation réelle. Comme l’ont souligné les juges cantonaux, cette « invitation » a été réitérée dans chacune des décisions successives, sans réaction de l’assurée alors que les feuilles de calcul étaient manifestement et de façon reconnaissable fondées sur un état de fait qui ne correspondait plus à la réalité depuis septembre 2016. L’assurée ne saurait, à cet égard, invoquer avec succès la notification d’un nombre particulièrement élevé de décisions durant la période litigieuse (19 décisions entre le 01.09.2016 et le 30.11.2021), pas plus que l’absence de mise en exergue des motifs de recalcul. En effet, l’obligation de contrôler les nouveaux calculs permettait de constater que, de manière constante, la rubrique « revenu déterminant » ne faisait plus apparaître le poste « pension alimentaire reçue », et cela indépendamment des modifications et/ou suppressions d’autres postes. En conclusion, on ne voit pas dans la motivation du recours d’arguments susceptibles de démontrer une application arbitraire du droit cantonal – l’art. 25 LPGA n’étant au demeurant pas applicable (consid. 6.1 supra) – en tant que les juges cantonaux ont nié la bonne foi de l’assurée, retenant qu’elle avait fait preuve de négligence grave en ne relevant pas l’erreur manifeste apparaissant sur les plans de calcul à compter de la décision du 13.12.2016. Dans ces conditions, le refus d’accorder la remise de l’obligation de restituer la somme de 67’914 fr. peut être confirmé.

L’argumentation développée à l’égard de la situation très fluctuante des bénéficiaires de prestations complémentaires familiales ne permet pas d’aboutir à un autre résultat. On soulignera néanmoins que si les juges cantonaux ont fait mention des arrêts 9C_385/2013 et 9C_720/2013, il s’agissait de références jurisprudentielles topiques en matière d’erreur manifeste ressortant des feuilles de calcul.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_664/2023 consultable ici