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8C_326/2023 (d) du 06.10.2023 – Chute sur l’épaule – Coiffe des rotateurs – Causalité naturelle / 6 LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_326/2023 (d) du 06.10.2023

 

Consultable ici

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt fait foi

 

Chute sur l’épaule – Coiffe des rotateurs – Causalité naturelle / 6 LAA

 

Assuré, né en 1978, plâtrier. Le 05.01.2021, il a glissé dans un escalier verglacé alors qu’il travaillait. En tombant, il s’est fait une contusion au coccyx et à l’avant-bras droit. Sans consulter un médecin, il a d’abord cessé son travail. En raison de douleurs persistantes, il s’est rendu le 11.01.2021 au service des urgences de l’hôpital C.__, où une contusion du rachis lombaire et une luxation acromio-claviculaire de degré I-II à l’épaule droite ont été diagnostiquées et où une incapacité de travail totale a été attestée du 05.01.2021 au 02.02.2021. Par courrier du 01.04.2021, l’assurance-accidents a reconnu son obligation de verser des prestations en ce qui concerne les conséquences de l’accident pour une durée limitée, du 05.01.2021 jusqu’au 04.04.2021 et a ensuite renvoyé l’assuré à la compétence de la caisse-maladie pour la suite du traitement médical. Par décision du 11.02.2022, confirmée par décision sur opposition le 10.08.2022, l’assurance-accidents a maintenu la clôture du cas au 04.04.2021.

 

Procédure cantonale (arrêt VBE.2022.319 disponible ici)

L’instance cantonale a considéré qu’il fallait se fonder sur les appréciations médicales – probantes – du dossier des 01.04.2021 et 12.01.2022 du médecin-conseil. Les constatations peropératoires effectuées le 31.03.2021 permettent de conclure au degré de la vraisemblance prépondérante à une contusion de l’épaule qui a entraîné une aggravation passagère de l’état dégénératif antérieur avec une discrète brèche osseuse dans la zone du tuberculum minus. Tant le tendon du biceps altéré par la dégénérescence que la rupture de la coiffe des rotateurs réparée lors de l’opération du 31.03.2021 n’auraient, selon toute vraisemblance, pas de lien de causalité avec l’accident. Non seulement ces résultats peropératoires mais également le fait que l’assuré ne se soit rendu au service des urgences pour un premier traitement médical que six jours après la chute dans les escaliers invoquée comme cause de l’accident plaident contre la causalité de l’accident pour la problématique de l’épaule persistante après le 04.04.2021.

La cour cantonale s’est penchée de manière approfondie sur les appréciations de la causalité naturelle et a expliqué les raisons pour lesquelles les appréciations des médecins traitants n’étaient pas en mesure d’éveiller des doutes, même minimes, sur le résultat des preuves et pourquoi il n’y avait pas lieu d’attendre d’autres mesures probatoires dans le cadre d’une appréciation anticipée des preuves des éléments nouveaux essentiels à la décision.

Par jugement du 06.04.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 2.3
Il est établi et incontesté que l’épaule droite contusionnée lors de l’accident présente un état dégénératif antérieur qui, selon l’anamnèse, n’a provoqué aucun symptôme jusqu’au 05.01.2021. Selon le rapport du médecin, ni l’opération du 31.03.2021 ni l’opération de révision de septembre 2021 n’ont eu d’effet positif durable sur les douleurs dont l’assuré se plaint depuis lors.

Consid. 3.2
L’assuré n’apporte aucun élément susceptible de remettre sérieusement en question l’appréciation des preuves et la constatation des faits pertinents en droit effectuées par l’instance cantonale. En particulier, ses objections ne sont pas de nature à éveiller des doutes, même minimes, quant à l’appréciation du médecin-conseil ou à invalider l’argumentation de l’instance cantonale.

L’évaluation du lien de causalité naturelle par le médecin-conseil répond aux réquisits jurisprudentiels (cf. arrêt 8C_167/2021 du 16 décembre 2021 consid. 4.1 avec références ; cf. en outre, concernant la position défendue par swiss orthopädics : arrêt 8C_62/2023 du 16 août 2023 consid. 5.2.2 avec référence à SVR 2021 UV no 34 p. 154, 8C_672/2020 E. 4.5 avec références).

L’assuré se réfère à plusieurs reprises au rapport de son chirurgien traitant du 23.03.2021. Il n’avait toutefois pas encore connaissance des résultats peropératoires du 31.03.2021. Ces résultats ont en revanche été appréciés par le médecin-conseil dans son évaluation du dossier du 12.01.2022. Contrairement à la description de l’assuré, c’est précisément le chirurgien traitant qui a indiqué le 23.03.2021 que l’état de santé s’était plutôt détérioré sous physiothérapie, raison pour laquelle l’assuré souhaitait alors une démarche proactive concernant la planification de l’opération du 31.03.2021. Les publications citées par l’assuré ne modifient pas la valeur probante des appréciations médicales sur dossier du médecin-conseil. En particulier, il ne fait pas valoir et il n’apparaît pas que l’événement accidentel aurait entraîné une aggravation déterminante de l’état dégénératif préexistant.

 

Consid. 5
Le recours étant manifestement mal fondé, il doit être considéré comme voué à l’échec au sens de l’art. 64 al. 1 LTF (arrêt 8C_300/2021 du 23 juin 2021 consid. 6 avec référence). La requête d’assistance judiciaire gratuite doit par conséquent être rejetée.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_326/2023 consultable ici

 

Proposition de citation : 8C_326/2023 (d) du 06.10.2023, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2023/11/8c_326-2023)

8C_662/2022 (f) du 25.08.2023 – Troubles psychiques – Causalité adéquate – Agression / Admission du critère du caractère particulièrement impressionnant de l’accident manifesté avec une intensité particulière / Admission de l’assistance juridique gratuite dans le cadre de l’opposition / 37 al. 4 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_662/2022 (f) du 25.08.2023

 

Consultable ici

 

Troubles psychiques – Causalité adéquate – Agression / 6 LAA

Admission du critère du caractère particulièrement impressionnant de l’accident manifesté avec une intensité particulière

Admission de l’assistance juridique gratuite dans le cadre de l’opposition / 37 al. 4 LPGA

 

Assurée, née en 1996, aide de cuisine. Dans la nuit du 08.08.2018 vers cinq heures du matin, l’assurée et trois de ses amies, dont C.__, ont subi une agression violente alors qu’elles quittaient un club et rejoignaient leur voiture. Elles y ont vu un homme pousser une femme puis la frapper violemment. Après s’être interposées pour porter secours à celle-ci, elles ont également été battues par cet individu, soudain rejoint par quatre autres agresseurs, dont l’un avait importuné l’assurée plus tôt dans le club. L’assurée et C.__ notamment ont été rouées de coups de poing et de pied. Leurs agresseurs ont continué à les frapper une fois qu’elles étaient tombées à terre. L’un d’eux avait des béquilles, dont il s’est servi pour frapper la première victime. Des témoins ont décrit que les agresseurs avaient donné des coups de pied comme des joueurs de football lors d’un tir au but, dans la tête de l’assurée notamment. Les assaillants n’ont pris la fuite qu’après l’arrivée de passants, dont trois se sont interposés pour les faire cesser leurs exactions. L’assurée a en particulier indiqué lors de ses dépositions devant la juge d’instruction qu’elle avait cru son amie C.__ morte, car elle était inerte au sol et n’avait pas réagi lorsqu’un faisceau lumineux avait été dirigé sur ses yeux et qu’elle lui avait passé de l’eau sur le visage.

A la suite de cette agression, l’assurée, ses amies et la première victime ont été conduites à l’hôpital. C.__, plongée dans le coma à la suite des coups, était alors dans un état critique et a dû subir une intervention en urgence. Chez l’assurée, les médecins ont relevé une fracture sous-condylienne droite mandibulaire et une fracture de la phalange d’un doigt à gauche. Elle se plaignait de douleurs au niveau de la face et de la mâchoire avec une ouverture de bouche limitée ainsi que de douleurs cervicales. Les médecins ont constaté en outre qu’elle était choquée. L’assurée a également été examinée par une psychiatre qui a rapporté des lésions au niveau du visage (ecchymoses griffures), une difficulté à ouvrir la bouche pour articuler, une anxiété liée à l’état de santé de son amie, alors prise en charge au bloc opératoire, ainsi qu’une thymie abaissée, un sentiment de colère et des pleurs. Les médecins de l’hôpital ont attesté une incapacité de travail totale de l’assurée jusqu’au 20.08.2018. L’assurée a repris son activité professionnelle le 20.08.2018.

Par courrier du 23.10.2019, la psychologue F.__ a indiqué à l’assurance qu’elle avait suivi l’assurée lors de huit séances du 20.08.2018 au 27.11.2018, date à laquelle l’assurée avait voulu faire une pause dans le traitement. En août 2018, l’assurée avait souhaité reprendre très rapidement le travail malgré l’avis très défavorable de la psychologue. Le 23.09.2019, elle avait recommencé la psychothérapie sur les conseils de l’experte judiciaire qui l’avait examinée dans le cadre de la procédure pénale. Le 14.01.2021, l’assurée a requis la prise en charge de la psychothérapie par l’assurance-accidents.

Par jugement du 19.05.2020, le Tribunal correctionnel de U.__ (F) a condamné quatre des agresseurs impliqués dans l’événement du 08.08.2018 à des peines de prison de respectivement cinq ans, huit ans, quatre ans et quatre ans, et a relaxé le cinquième. Il a alloué 10’000 euros à l’assurée en réparation de son préjudice moral.

Dans une décision du 27.05.2021, retenant que l’assurée s’était déplacée dans la direction de l’agresseur en lui demandant ce qu’il avait fait et en l’insultant alors qu’il s’éloignait, l’assurance-accidents a considéré que celle-ci s’était exposé à un énorme risque au vu des faits dont elle avait été témoin. Partant, l’assurance-accidents a décidé qu’elle réduirait ses prestations de 50% si l’assurée devait faire valoir une rechute ou des séquelles tardives de l’accident du 08.08.2018, mais qu’elle renonçait à appliquer cette mesure avec effet rétroactif. L’assurée ne s’est pas opposée à cette décision.

Dans un courrier du même jour, soit le 27.05.2021, l’assurance-accidents a indiqué à l’assurée qu’elle refusait la prise en charge du traitement psychologique. Par décision, confirmée sur opposition le 21.01.2022, l’assurance-accidents a refusé la prise en charge du traitement psychologique et psychiatrique prodigué depuis le 24.09.2019 en l’absence d’un lien de causalité adéquate avec l’évènement du 08.08.2018.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/897/2022 – consultable ici)

Par jugement du 12.10.2022, admission du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 6
En ce qui concerne le lien de causalité naturelle entre les troubles psychiques et l’évènement du 08.08.2018, la cour cantonale a retenu que celui-ci avait été établi de manière convaincante par le docteur G.__ de même que par les experts judiciaires français et qu’il n’était du reste pas contesté par l’assurance-accidents. En effet, le docteur G.__, spécialiste FMH en psychiatrie, a retenu qu’il paraissait incontestable qu’en lien direct avec l’évènement du 08.08.2018, l’assurée avait développé un état de stress post-traumatique avec un impact majeur sévère sur son quotidien et son fonctionnement. Le docteur H.__, médecin légiste, a constaté dans son expertise de l’assurée à la demande de la juge d’instruction que les séquelles physiques ne devaient pas donner lieu à un infirmité ou un préjudice, mais que les séquelles psychiques nécessitaient un traitement régulier (rapport du 12.10.2018). La psychologue I.__ a également réalisé une expertise de l’assurée à la demande de la juge d’instruction. Elle a diagnostiqué en substance un état de stress post-traumatique et a recommandé la prise en charge psychothérapeutique. Ni par sa simple allégation de ne jamais avoir admis un lien de causalité naturelle, ni par le fait que l’assurée avait repris le travail dix jours après l’évènement, l’assurance-accidents démontre en quoi la constatation de la cour cantonale serait manifestement erronée.

Consid. 7.1
Dans le cadre de l’examen de la causalité adéquate, la cour cantonale s’est interrogée sur la qualification de l’accident comme évènement de gravité moyenne retenue par l’assurance-accidents, à tout de moins si on analysait l’évènement dans son ensemble. Au vu du nombre d’agresseurs, de la violence des coups distribués – une des victimes s’étant retrouvée dans un état critique -, du déséquilibre des force en présence eu égard au fait que cinq hommes s’en sont pris à un groupe de femmes, cet accident semblait plutôt devoir être classé à la limite supérieure des accidents de gravité moyenne, voire dans les accidents graves. La cour cantonale a cependant considéré que cette question n’était pas déterminante pour l’issue du litige, puisque le lien de causalité adéquate devait être admis au motif que le critère du caractère particulièrement impressionnant revêtait en l’espèce une intensité telle qu’il suffisait à reconnaitre un lien de causalité adéquate entre l’évènement du 08.08.2018 et les troubles psychiques de l’assurance-accidents. En conclusion, l’assurance-accidents était tenue de prendre en charge les frais de traitement des troubles psychiques de l’assurée.

Consid. 7.2
L’assurance-accidents remet en cause d’abord la qualification de l’accident comme évènement de gravité moyenne à la limite des accidents graves voire de grave et non d’un accident de gravité moyenne stricto sensu, qui exige le cumul de trois critères jurisprudentiels sur sept pour admettre un lien de causalité adéquate. Elle soutient que cette qualification ne serait pas justifiée à la lumière de la jurisprudence fédérale concernant les agressions, dont certains arrêts figuraient dans l’arrêt attaqué à titre d’exemples d’évènements de gravité moyenne (les arrêts 8C_705/2020 du 28 avril 2021; 8C_357/2020 du 8 septembre 2020; 8C_595/2015 du 23 août 2016; 8C_1062/2009 du 31 août 2010; cf. également arrêt 8C_96/2017 du 24 janvier 2018). Selon l’assurance-accidents, ces cas seraient comparables à celui d’espèce. Avec la cour cantonale, on peut toutefois laisser indécise la question de la qualification de l’évènement pour les motifs qui suivent, étant rappelé qu’en présence d’un accident de gravité moyenne, un seul critère peut être suffisant pour admettre l’existence d’une relation de causalité adéquate, à condition que ce critère se soit manifesté de manière particulièrement marquante (arrêts 8C_361/2022 du 13 octobre 2022 consid. 3.3 et la référence).

 

Consid. 7.3
Il convient donc d’examiner ce qu’il en est du critère du caractère particulièrement impressionnant de l’accident qui, selon la cour cantonale, s’est manifesté ici avec une intensité particulière, alors que l’assurance-accidents en conteste entièrement la réalisation.

Consid. 7.3.1
La raison pour laquelle la jurisprudence a adopté le critère des circonstances concomitantes particulièrement dramatiques ou du caractère particulièrement impressionnant de l’accident repose sur l’idée que de telles circonstances sont propres à déclencher chez la personne qui les vit des processus psychiques pouvant conduire ultérieurement au développement d’une affection psychique. C’est le déroulement de l’accident dans son ensemble qu’il faut prendre en considération. L’examen se fait sur la base d’une appréciation objective des circonstances d’espèce et non pas en fonction du ressenti subjectif de l’assuré, en particulier de son sentiment d’angoisse. Il faut en effet observer qu’à tout accident de gravité moyenne est associé un certain caractère impressionnant, lequel ne suffit pas pour admettre l’existence du critère en question (arrêt 8C_96/2017 du 24 janvier 2018 consid. 5.1).

Consid. 7.3.2
La cour cantonale a considéré que l’agression avait eu lieu en pleine nuit, alors que l’assurée, ses amies et la première victime étaient seules face à un puis deux agresseurs, bientôt rejoints par trois autres assaillants semblant surgis de nulle part. Quand bien même l’assurée n’avait pas elle-même reçu de coup de béquille, un des agresseurs en portait et s’en était servi contre une des victimes, ce qui pouvait lui faire craindre le recours à cette arme contre elle. Toutes ses amies avaient également reçu des coups. L’assurée avait subi un déferlement de violences, qui l’avait fait tomber au sol, incapable de résister. Ses agresseurs avaient néanmoins continué à se déchaîner à coups de pied, dont la brutalité a été décrite de manière saisissante par plusieurs témoignages (coups de pied penalty). L’assurée avait même porté la marque d’une chaussure sur son visage. La fracture à la mâchoire, imputée par le médecin légiste à un impact direct, démontrait la force appliquée. Ses agresseurs n’avaient pas hésité à viser la tête, ce qui l’exposait à des lésions qui auraient pu s’avérer fatales, et qui pouvait la faire craindre pour sa vie. Simultanément, elle avait vu une de ses amies perdre connaissance à la suite d’un coup particulièrement violent. L’assurée l’avait crue morte. Les victimes n’avaient dû leur salut qu’à l’arrivée inopinée de passants, dont trois avaient dû intervenir pour faire fuir leurs attaquants. L’acharnement de cinq agresseurs, qui avaient passé à tabac plusieurs femmes dans un lieu désert, en pleine nuit, leur assénant notamment des coups de pied à la tête alors qu’elles étaient à terre, dont l’un s’était servi de sa béquille comme d’une arme sur une des victimes – circonstance aggravante retenue au plan pénal pour cet auteur -, avait indubitablement un caractère impressionnant très prégnant. De plus, quand bien même la couverture par la presse d’un événement n’était en soi pas juridiquement pertinente pour analyser ce critère, le très large écho médiatique que cette affaire a rencontré était également révélateur de son caractère dramatique. On ne saurait ici opposer à l’assurée, comme le faisait l’assurance-accidents, que son intervention démontrerait que l’événement n’était pas impressionnant. D’une part, elle avait tenté de s’interposer durant la première phase de l’agression, dont le caractère dramatique avait ensuite été décuplé par l’arrivée imprévisible d’autres agresseurs. D’autre part, le courage dont elle avait fait preuve pour porter secours à une inconnue ne signifiait nullement que cet évènement n’était pas effrayant. Force était ainsi de constater que le critère du caractère particulièrement impressionnant revêt dans la présente cause une intensité particulière.

Consid. 7.3.3
En relevant que l’assurée avait été en mesure de reprendre le travail après dix jours d’incapacité et que le traitement des lésions physiques avait été terminé à fin août 2018 l’assurance-accidents tente en vain de minimiser le caractère particulièrement impressionnant de l’évènement. D’une part, elle invoque, à vrai dire, des faits qui devraient être appréciés dans le cadre de l’examen des autres critères relevants pour l’admission d’un lien de causalité adéquate (cf. ATF 129 V 402; 115 V 133; 115 V 403). D’autre part, la circonstance que l’assurée n’a pas subi des blessures physiques plus sévères ne saurait écarter le fait que notamment les coups de pied contre sa tête comportaient un risque de lésions conséquentes voire mortelles.

Consid. 7.3.4
L’assurance-accidents cite en outre des cas dans lesquels le Tribunal fédéral a nié que le critère du caractère particulièrement impressionnant s’était manifesté de manière marqué. Elle mentionne notamment celui d’un homme victime d’une agression par un jeune homme non armé qui l’avait frappé des poings au visage et au dos durant plusieurs minutes (arrêt 8C_434/2013 du 7 mai 2014 consid. 7.2) et celui d’une femme projetée par terre avec une certaine force (arrêt U 138/04 du 16 février 2005). Contrairement à ce qu’elle soutient, ces cas ne sont pas pertinents et manifestement pas comparables à l’agression en cause, menée par cinq hommes, au cours de laquelle l’assurée s’est vue infliger des coups de pied à la tête et dont l’un des agresseurs était armé d’une béquille qu’il utilisait comme une matraque. En revanche, les cas d’agression cités par la cour cantonale, dans lesquels le critère a été admis, présentent davantage d’analogie avec le cas d’espèce en tant que les agressions étaient, comme ici, spécialement violentes et pouvaient faire craindre la victime pour sa vie ou du moins pour une perte importante et permanente de son intégrité corporelle (cf. notamment les arrêts 8C_480/2013 du 15 avril 2015, U 382/06 du 6 mai 2008 et U 36/07 du 8 mai 2007).

Consid. 7.4
Il s’ensuit que le critère du caractère particulièrement impressionnant est rempli d’une manière extraordinaire, suffisante à admettre à lui seul le lien de causalité adéquate, de sorte qu’il ne faut pas examiner les autres critères. Le jugement entrepris n’est ainsi pas critiquable en ce qui concerne la reconnaissance du lien de causalité adéquate.

 

Consid. 8.1
L’assurance-accidents soutient enfin que les premiers juges auraient violé l’art. 37 al. 4 LPGA en admettant que les circonstances du cas d’espèce justifieraient l’octroi de l’assistance juridique gratuite dans le cadre de l’opposition, tout en lui renvoyant la cause afin qu’elle instruise si la condition liée à l’indigence est réalisée. Cependant, l’assurance-accidents n’allègue pas que l’opposition aurait été dénuée de toutes chances de succès.

Consid. 8.2
La question de savoir s’il existe un lien de causalité adéquate, est une question de droit qui revête une certaine complexité pouvant justifier l’octroi de l’assistance juridique gratuite au sens de l’art. 37 al. 4 LPGA. En plus, l’administration dispose d’une certaine marge d’appréciation, notamment en ce qui concerne la qualification de la gravité de l’accident. Ceci peut requérir, comme le retient la cour cantonale, des connaissances spécialisées, excédant celles que l’on pouvait généralement attendre d’un assistant social, d’une association ou même d’un centre LAVI. Par ailleurs, les juges cantonaux ont également pris en considération l’attitude de l’assurance-accidents dans le cadre de la procédure administrative et ont estimé que sa manière de procéder était peu transparente. A ce propos, on observe en particulier que l’assurance-accidents a notifié la décision de réduction de prestation le même jour qu’elle a informé l’assurée (par simple courrier) de sa position sur la prise en charge des frais de traitement psychiatrique, contribuant ainsi à la complexité de la procédure. Ceci ressort notamment du fait que l’assurée, ne disposant pas de connaissances juridiques, ne s’est pas opposée à cette décision. Au surplus, la cour cantonale a tenu compte de la réticence de l’assurance-accidents à reconnaître la validité de la procuration signé le 05.07.2021 (sous prétexte que celle-ci ne mentionnait pas de litige précis), de son omission de communiquer le dossier à la mandataire et du fait qu’elle a notifié la décision du 31.08.2021 directement à l’assurée et non pas à son avocate. Ces faits ne concernent certes pas l’examen de la situation personnelle de l’assurée, toutefois, les premiers juges ont conclu à juste titre que ce procédé a dans les faits entravé ou à tout le moins compliqué l’exercice des droits de l’assurée. Au vu de l’ensemble de ces circonstances, la cour cantonale n’a pas violé l’art. 37 al. 4 LPGA en octroyant l’assistance juridique gratuite à l’assurée pour la procédure d’opposition.

 

Consid. 9
Finalement, la cour cantonale a retenu, dans les considérants de l’arrêt attaqué, que la décision de réduction du 27.05.2021 était douteuse sur le plan matériel et qu’on peinait à cerner l’intérêt digne de protection de l’assurance-accidents à rendre une telle décision de constatation (cf. art. 49 al. 2 LPGA; ATF 129 V 289 consid. 2.1 et 3.4; arrêt 2C_737/2010 du 18 juin 2011 consid. 4.6). Cette décision, qui n’a pas été attaquée par voie d’opposition dans les 30 jours, ne fait certes pas objet du présent litige. Toutefois, en se bornant à exprimer leur avis sur la nature et le bien-fondé de la décision, sans trancher sa validité, les premiers juges n’ont pas violé le droit fédéral, contrairement à ce que prétend l’assurance-accidents.

 

Le TF rejette le recours de l’assurance-accidents

 

Arrêt 8C_662/2022 consultable ici

 

8C_605/2022 (f) du 29.06.2023 – Revenu d’invalide – Choix de la table ESS (TA1 vs T1) / Niveau de compétences 2 vs 1 / Revenu sans invalidité élevé – Pas de «parallélisation inversée»

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_605/2022 (f) du 29.06.2023

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide – Choix de la table ESS (TA1 vs T1) / 16 LPGA

Niveau de compétences 2 vs 1 – Eventuelles compétences acquises sur le plan administratif ne remplacent pas une formation commerciale ou bureautique

Revenu sans invalidité élevé – Pas de «parallélisation inversée»

 

Assurée est titulaire d’un CFC d’assistante en soins et santé communautaire obtenu en 2007 après avoir suivi une formation d’aide-soignante en France. Engagée le 01.11.2010 en tant qu’assistante en soins et santé communautaire. Accident de la circulation le 30.06.2015, lequel lui a notamment causé des lésions au niveau de l’épaule gauche. Après une interruption de travail suivie d’une reprise, elle a été en incapacité totale de travailler depuis le 01.02.2016.

Par décision sur opposition du 15.02.2019, l’assurance-accidents a mis fin au versement des indemnités journalières avec effet au 31.01.2019. Cette décision n’a pas été contestée.

Par décision, confirmée sur opposition le 25.06.2021, l’assurance-accidents a clôturé le cas, considérant que l’état de santé de l’assurée était stabilisé au 30.11.2019, date à partir de laquelle elle ne prendrait plus en charge les frais médicaux; elle a reconnu le droit de l’intéressée à une rente d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 22% dès le 01.12.2019 et lui a alloué une indemnité pour atteinte à l’intégrité fondée sur un taux de 25%.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/792/2022 – consultable ici)

Par jugement du 09.09.2022, admission partielle du recours par le tribunal cantonal reconnaissant le droit de l’assurée à une rente d’invalidité fondée sur un taux de 47% à compter du 01.11.2018.

 

TF

Consid. 3
En ce qui concerne le revenu sans invalidité (en soi non contesté par les parties), les juges cantonaux ont retenu qu’en 2015, l’assurée travaillait pour l’institution B.__ à raison de 32 heures par semaine, soit à un taux d’activité de 80%. Le revenu annuel tiré de cette activité s’élevait à 73’918 fr. 75, ce qui correspondait à 92’398 fr. 45 à temps plein. Adapté à la hausse générale des salaires dans la branche économique « santé, hébergement médico-social et action sociale » entre 2015 et 2018 selon un taux de 1.014%, cela aboutissait à un revenu sans invalidité final de 93’335 fr. 35.

Pour le revenu avec invalidité, les juges cantonaux se sont fondés sur le salaire médian global des femmes, niveau de compétence 1, de la table TA1_tirage_skill_level (ci-après: TA1) de l’ESS, ce qui correspondait à un salaire mensuel de 4’371 fr., respectivement à un salaire annuel de 52’452 fr. pour 40 heures de travail hebdomadaires. Adapté à la durée normale hebdomadaire de travail en 2018 en Suisse, à savoir 41,7 heures, cela aboutissait à un salaire de référence en 2018 de 54’681 fr. 20 ([52’452/40] x 41.7). Sur la question d’un abattement sur le salaire statistique, les juges cantonaux ont confirmé le taux de 10% retenu par l’assurance-accidents. Le revenu hypothétique d’invalide de l’assurée en 2018 s’élevait donc à 49’213 fr. 10.

En conséquence, la cour cantonale a retenu un taux d’invalidité de 47,273% ([93’335.35 – 49’213.10] / 93’335.35 x 100), arrondi à 47%.

Consid. 4.1
L’assurance-accidents reproche à l’instance cantonale de s’être fondée sur le salaire médian global pour les femmes dans les emplois de niveau de compétence 1 de la table TA_1 de l’ESS 2018 plutôt que sur le salaire médian dans les emplois de niveau de compétence 2 dans la branche économique « Assurances » (ligne 65) de la table « T1_skill_level » (secteur privé et secteur public ensemble) (ci-après: T1) de l’ESS 2018.

A propos du choix de la table, l’assurance-accidents fait valoir qu’on ne saurait faire abstraction de l’historique professionnel de l’assurée, dans la mesure où le fait d’avoir déjà exercé un emploi durant huit ans dans le secteur public augmenterait de manière substantielle les chances de retrouver un emploi dans ce secteur, y compris dans un nouveau domaine d’activité. Le fait que l’assurée ait déjà exercé un emploi dans le secteur public permettrait de démontrer que celui-ci lui est également ouvert. La jurisprudence admettrait d’ailleurs que l’on peut se référer à la table T1 lorsque la personne assurée a exercé sa dernière activité dans le secteur public. En l’occurrence, l’assurance-accidents fait valoir qu’une activité adaptée à son état de santé après l’événement invalidant dans ce secteur serait également envisageable et qu’il serait en effet notoire que les directions de la santé des administrations cantonales et les offices AI emploient des collaborateurs administratifs ayant une formation de base dans le domaine médical ou paramédical.

En ce qui concerne la branche d’activités applicable, l’assurance-accidents fait valoir que l’assurée disposerait de solides connaissances médicales et paramédicales et d’une longue expérience professionnelle dans le domaine de la santé. Avant d’être engagée en qualité d’assistante en soins et santé communautaire par l’institution B.__ dès le 01.11.2010, l’assurée avait travaillé pendant de nombreuses années à la clinique C.__, d’abord comme aide-soignante puis comme assistante en soins et santé communautaire dès l’obtention de son CFC en 2007. Les compétences et l’expérience professionnelles de l’assurée dans le domaine de la santé correspondraient aux critères de plusieurs offres d’emploi dans le secteur des assurances (en référence aux pièces produites à l’appui de son recours et devant l’instance cantonale). La majorité des offres d’emploi pour des postes dans les services administratifs des assurances actives dans le domaine de la santé et dans les offices AI mettraient en effet l’accent sur la nécessité d’avoir achevé une formation dans le domaine médical ou paramédical et de disposer de plusieurs années d’expérience dans ce domaine. Les connaissances administratives, assécurologiques voire juridiques ne constitueraient qu’un atout supplémentaire. Il existerait ainsi sur un marché du travail équilibré des emplois dans le domaine des assurances pour lesquels l’assurée disposerait d’un profil adéquat et qui seraient dès lors raisonnablement exigibles de sa part.

 

Consid. 4.2.1
Selon la jurisprudence, le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l’assuré. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé, soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base des données statistiques résultant de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ATF 148 V 419 consid. 5.2 et les arrêts cités). Dans ce cas, il convient de se fonder, en règle générale, sur les salaires mensuels indiqués dans la table TA1 (secteur privé), à la ligne « total » (ATF 148 V 174 consid. 6.2 et les arrêts cités). Toutefois, lorsque cela apparaît indiqué dans un cas concret pour permettre à l’assuré de mettre pleinement à profit sa capacité résiduelle de travail, il y a lieu parfois de se référer aux salaires mensuels de secteurs particuliers (secteur 2 [production] ou 3 [services]), voire à des branches particulières. Cette faculté reconnue par la jurisprudence concerne les cas particuliers dans lesquels, avant l’atteinte à la santé, l’assuré concerné a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et où une activité dans un autre domaine n’entre pratiquement plus en ligne de compte. Il y a en revanche lieu de se référer à la ligne « total » secteur privé lorsque l’assuré ne peut raisonnablement plus exercer son activité habituelle et qu’il est tributaire d’un nouveau domaine d’activité pour lequel l’ensemble du marché du travail est en principe disponible (arrêt 8C_405/2021 du 9 novembre 2021 consid. 5.2.1 et les références). En outre, lorsque les circonstances du cas concret le justifient, on peut s’écarter de la table TA1 (secteur privé) pour se référer à une table portant sur les secteurs privé et public ensemble, si cela permet de fixer plus précisément le revenu d’invalide et que le secteur en question est adapté et exigible (ATF 148 V 174 consid. 6.2; arrêts 8C_205/2021 du 4 août 2021 consid. 3.2.2; 8C_66/2020 du 14 avril 2020 consid. 4.2.2).

Consid. 4.2.2
Depuis la dixième édition de l’ESS (2012), les emplois sont classés par l’Office fédéral de la statistique (OFS) par profession en fonction du type de travail qui est généralement effectué. Les critères de base utilisés pour définir le système des différents groupes de profession sont les niveaux et la spécialisation des compétences requis pour effectuer les tâches inhérentes à la profession (arrêt 8C_50/2022 du 11 août 2022 consid. 5.1.2 et les arrêts cités). Quatre niveaux de compétence ont été définis en fonction de neuf grands groupes de professions (voir tableau T17 de l’ESS 2012 p. 44) et du type de travail, de la formation nécessaire à la pratique de la profession et de l’expérience professionnelle (voir tableau TA1_skill_level de l’ESS 2012; ATF 142 V 178 consid. 2.5.3). Le niveau 1 est le plus bas et correspond aux tâches physiques et manuelles simples, tandis que le niveau 4 est le plus élevé et regroupe les professions qui exigent une capacité à résoudre des problèmes complexes et à prendre des décisions fondées sur un vaste ensemble de connaissances théoriques et factuelles dans un domaine spécialisé (on y trouve par exemple les directeurs/trices, les cadres de direction et les gérant[e]s, ainsi que les professions intellectuelles et scientifiques). Entre ces deux extrêmes figurent les professions dites intermédiaires (niveaux 3 et 2). Le niveau 3 implique des tâches pratiques complexes qui nécessitent un vaste ensemble de connaissances dans un domaine spécialisé (notamment les techniciens, les superviseurs, les courtiers ou encore le personnel infirmier). Le niveau 2 se réfère aux tâches pratiques telles que la vente, les soins, le traitement des données, les tâches administratives, l’utilisation de machines et d’appareils électroniques, les services de sécurité et la conduite de véhicules (arrêt 8C_444/2021 précité consid. 4.2.3 et les arrêts cités). L’application du niveau 2 se justifie uniquement si la personne assurée dispose de compétences ou de connaissances particulières (arrêt 8C_801/2021 du 28 juin 2022 consid. 3.4 et les arrêts cités).

Consid. 4.2.3
En l’espèce,
après avoir relevé que la dernière activité exercée par l’assurée (en tant qu’assistante en soins et santé communautaire) relevait du secteur public, les juges cantonaux ont retenu que celle-ci était totalement incapable de travailler dans ce domaine d’activité au 01.11.2018, et que cette situation perdurerait à l’avenir (éléments qui ne sont pas contestés par l’assurance-accidents). Aussi, selon les juges cantonaux, dès lors que rien au dossier ne laissait spécifiquement penser que l’assurée pourrait retrouver plus facilement une place dans le secteur public dans un nouveau domaine d’activité, en comparaison avec un assuré moyen, il convenait d’avoir recours au tableau TA1. Pour déterminer le revenu d’invalide, c’était en effet la situation de l’assurée après la survenance de son invalidité qui était déterminante. Le fait que celle-ci ait autrefois exercé un emploi dans le secteur public ne signifiait donc pas automatiquement qu’il en serait de même à l’avenir.

Consid. 4.2.4
Ces considérations ne prêtent pas le flanc à la critique et il convient de s’y rallier. Certes, l’activité d’aide-soignante, respectivement d’assistante en soins et santé communautaire, peut s’exercer dans le secteur public. Il n’en reste pas moins qu’il est établi que l’assurée ne peut plus exercer son activité habituelle. On ajoutera, au demeurant, que l’activité d’aide-soignante de l’assurée auprès de la clinique C.__ relevait du secteur privé. En ce qui concerne ensuite la branche d’activité « Assurances », comme l’ont relevé les juges cantonaux, elle recouvre la souscription de contrats d’assurance de rente et d’autres formes de contrats d’assurance ainsi que l’investissement des primes pour constituer un portefeuille d’actifs financiers en prévision des sinistres futurs ainsi que la fourniture de services d’assurance et de réassurance directe (cf. notes explicatives de la nomenclature NOGA 2008). En l’occurrence, la formation d’aide-soignante et d’assistante en soins et santé communautaire, ainsi que l’expérience accumulée dans ce domaine, ne justifient en rien de se fonder sur cette branche d’activité. La faculté reconnue par la jurisprudence de se référer aux salaires de secteurs particuliers plutôt qu’à la ligne « total » concerne les cas dans lesquels, avant l’atteinte à la santé, l’assuré concerné a travaillé dans un domaine pendant de nombreuses années et où une activité dans un autre domaine n’entre pratiquement plus en ligne de compte. Or, en l’espèce, l’assurée n’a pas travaillé dans le domaine des assurances pendant de nombreuses années. Même si elle pouvait hypothétiquement trouver un emploi dans le secteur administratif d’une assurance, en référence aux offres d’emploi produites par l’assurance-accidents, on ne peut pas encore en déduire que cette branche d’activité soit exigible de sa part, alors qu’il n’apparaît pas – en tout cas l’assurance-accidents ne le soutient pas – qu’elle aurait bénéficié de mesures de réadaptation dans ce secteur. C’est donc à raison que les juges cantonaux se sont référés à la ligne « total » de la table TA1, dès lors que l’assurée ne peut raisonnablement plus exercer son activité habituelle et qu’elle est tributaire d’un nouveau domaine d’activités pour lequel l’ensemble du marché du travail est en principe disponible.

 

Consid. 5.1
Par une argumentation subsidiaire, l’assurance-accidents soutient que les juges cantonaux auraient violé l’art. 16 LPGA en n’adaptant pas le revenu hypothétique d’invalide au moyen d’une « parallélisation inversée » des revenus. Elle soutient en résumé qu’avant l’accident, l’assurée percevait un revenu nettement supérieur au revenu médian des personnes au profil similaire, de sorte qu’il conviendrait d’augmenter le revenu hypothétique d’invalide dans la même proportion, en l’occurrence 36,80% (41,80% – 5% de marge tolérée). A cet égard, elle compare le revenu sans invalidité perçu auprès de l’institution B.__ en 2018, soit 93’335 fr. 35, et le salaire statistique médian d’une employée ayant prétendument les mêmes caractéristiques, soit 65’819 fr. 50 selon l’ESS 2018, T1, lignes 86-88 « domaines de la santé humaine et de l’action sociale », avec un niveau de compétence 2 et un horaire hebdomadaire de 41.6 heures.

Consid. 5.2
L’argumentation est mal fondée. En effet, la possibilité d’opérer un parallélisme des revenus a été introduite afin de ne pas défavoriser et éventuellement exclure du cercle des bénéficiaires de rente les personnes dont les revenus avant l’invalidité étaient nettement inférieurs aux salaires habituels de la branche pour des raisons étrangères à l’invalidité et sans que les personnes en question s’en contentent délibérément (sur le parallélisme des revenus cf. notamment ATF 134 V 322). Tel n’est précisément pas le cas de l’assurée et il n’y a aucun motif de pénaliser cette dernière pour tenir compte du fait qu’elle était éventuellement bien mieux rémunérée que la moyenne des salariés actifs dans son domaine de compétence. En outre, si le salaire perçu auprès de l’institution B.__ était (hypothétiquement) justifié par l’expérience ou d’autres qualités ou compétences personnelles de l’assurée, cela ne signifie pas encore qu’elle pourra mettre à profit ces caractéristiques de la même manière dans un nouveau domaine d’activité auprès d’un nouvel employeur. Contrairement à ce que soutient l’assurance-accidents de manière péremptoire, on ne voit pas que si une personne perçoit un salaire nettement supérieur à la moyenne dans l’activité exercée en bonne santé en raison de ses caractéristiques personnelles, tout indiquerait qu’elle serait également en mesure de réaliser un revenu largement supérieur à la moyenne ensuite de l’événement invalidant.

 

Consid. 6.1
Par une argumentation plus subsidiaire, l’assurance-accidents reproche aux juges cantonaux d’avoir également violé l’art. 16 LPGA en ne se fondant pas sur le niveau de compétence 2 pour fixer le revenu hypothétique d’invalide. Elle invoque à cet égard les compétences professionnelles de l’assurée et ses limitations fonctionnelles excluant un travail du membre supérieur gauche au-dessus de l’horizontale et le port de charges de plus de trois ou quatre kilos.

Consid. 6.2
Ce grief doit être rejeté. En effet, il n’est pas contesté que l’assurée ne peut plus exercer son activité habituelle d’aide-soignante, respectivement d’assistante en soins et santé communautaire, pour laquelle elle dispose d’une formation complète. Or rien au dossier n’indique qu’elle aurait, durant ses années d’activité, assuré des tâches administratives ou logistiques outrepassant largement l’administration de soins, qui, quoi qu’en dise l’assurance-accidents, constitue l’essentiel des tâches incombant aux professions susmentionnées (cf. a contrario arrêt 8C_202/2022 du 9 novembre 2022 consid. 4.4). En outre, les éventuelles compétences que l’assurée aurait acquises sur le plan administratif ne peuvent manifestement pas remplacer une formation commerciale ou bureautique. Dans ce contexte, le Tribunal fédéral a eu l’occasion de préciser, à propos d’une infirmière qui ne pouvait plus exercer son activité habituelle et ne disposait pas de compétences professionnelles transposables dans un autre domaine, qu’il convenait de se référer au niveau de compétence 1 pour déterminer le revenu d’invalide (arrêt 8C_226/2021 du 4 octobre 2021 consid. 3.3.2). Quant aux limitations fonctionnelles invoquées par l’assurance-accidents, elles ne présentent pas de contraintes majeures ou de spécificités telles qu’elles seraient incompatibles avec le large éventail d’activités légères du niveau de compétence 1 sur un marché équilibré du travail (sur cette notion, cf. arrêts 8C_240/2021 consid. 3; 9C_597/2018 du 18 janvier 2019 consid. 5.2 et les arrêts cités).

 

Le rejette le recours de l’assurance-accidents.

 

 

Arrêt 8C_605/2022 consultable ici

 

9C_2/2023 (f) du 25.09.2023 – Survenance de l’invalidité chez un étudiant schizophrène – Montant de la rente chez un assuré n’ayant pas encore accompli sa vingt-cinquième année au moment de la survenance de l’invalidité / 37 al. 2 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_2/2023 (f) du 25.09.2023

 

Consultable ici

 

Survenance de l’invalidité chez un étudiant schizophrène / 4 LAI

Montant de la rente chez un assuré n’ayant pas encore accompli sa vingt-cinquième année au moment de la survenance de l’invalidité / 37 al. 2 LAI

 

Assuré, né en août 1994, titulaire d’un Master en droit obtenu en 2021, a déposé une demande de prestations de l’assurance-invalidité le 08.09.2020.

L’office AI a confié un mandat d’expertise psychiatrique au centre B.__. Dans un rapport, le spécialiste FMH en psychiatrie et psychothérapie et la médecin assistante ont posé le diagnostic de schizophrénie indifférenciée (F20.3). Ils ont attesté que le début d’une symptomatologie polymorphe avec un retentissement important sur son fonctionnement et la construction psychique pouvait être identifié vers l’âge de 13 ans et correspondait à la première hospitalisation en milieu psychiatrique. L’incapacité de travail était de 100% dans toute activité en milieu économique en raison d’angoisses psychotiques avec manifestations cognitives, somatiques et dissociatives, en regard d’une désorganisation du comportement avec des rituels para-kinésies incontrôlables, sans perspective d’amélioration permettant la reprise d’une activité lucrative. Les experts ont précisé que le début de l’incapacité de travail pouvait être situé vers la fin de ses études, le mois de septembre 2020 coïncidant avec la demande de prestations d’invalidité. Le SMR s’est rallié à l’opinion des experts du centre B.__.

Par décision du 09.05.2022, l’office AI a alloué à son assuré une rente entière d’invalidité fondée sur un taux d’invalidité de 100% à compter du 01.09.2021, d’un montant mensuel de 1’195 francs. Dans le calcul de la rente, l’office AI a tenu compte d’un revenu annuel moyen déterminant de 5’736 fr., d’une durée de cotisations de 6 ans et de l’échelle de rente 44 (rente complète).

 

Procédure cantonale

Par arrêt du 29.11.2022, la juridiction cantonale a admis le recours, réformé la décision administrative en ce sens que le montant de la rente devait être majoré à 133 1/3% du montant minimum de la rente complète correspondante et renvoyé la cause à l’office AI pour nouvelle décision au sens des considérants.

 

TF

Consid. 3.2
Aux termes de l’art. 4 al. 2 LAI, l’invalidité est réputée survenue dès qu’elle est, par sa nature et sa gravité, propre à ouvrir droit aux prestations entrant en considération. Le moment de la survenance de l’invalidité doit être déterminé objectivement, d’après l’état de santé; des facteurs externes fortuits n’ont pas d’importance. Il ne dépend en particulier ni de la date à laquelle une demande a été présentée, ni de celle à partir de laquelle une prestation a été requise, et ne coïncide pas non plus nécessairement avec le moment où l’assuré apprend, pour la première fois, que l’atteinte à sa santé peut ouvrir droit à des prestations d’assurance (ATF 140 V 246 consid. 6.1 et les arrêts cités). En outre, selon l’art. 28 al. 1 LAI, l’assuré a droit à une rente s’il a présenté une incapacité de travail (art. 6 LPGA) d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (let. b) et si au terme de cette année, il est invalide (art. 8 LPGA) à 40% au moins (let. c).

D’après l’art. 37 al. 2 LAI, lorsqu’un assuré comptant une durée complète de cotisations n’a pas encore accompli sa vingt-cinquième année au moment de la survenance de l’invalidité, la rente d’invalidité lui revenant et les rentes complémentaires éventuelles s’élèvent au moins à 133 1/3% du montant minimum de la rente complète correspondante.

Consid. 4
La juridiction cantonale a admis que la situation de l’assuré correspond à celle des assurés devenus invalides au cours de leurs jeunes années, soit après l’achèvement de leur formation professionnelle, de sorte qu’il convenait de déterminer s’il pouvait bénéficier de l’augmentation de la rente conformément à l’art. 37 al. 2 LAI. Elle a constaté que l’assuré a achevé sa formation en droit à 27 ans révolus. La durée d’étude a été de 9 ans (18 semestres, de septembre 2012 à novembre 2021), alors que le plan d’études prévoit 9 semestres (6 pour le Bachelor et 3 pour le Master). Pour savoir à partir de quand l’atteinte à la santé avait entravé le cours normal des études dans une mesure de 40% au moins sur une année, les juges cantonaux se sont fondés sur l’avis des experts du centre B.__ et du SMR qui ont retenu que l’assuré avait présenté des symptômes invalidants depuis ses treize ans et que les troubles psychiques avaient retardé l’achèvement de la formation. Ils ont dès lors admis que, dès cet âge, le cursus de formation s’était prolongé en raison de la maladie, à tout le moins à 40%, de sorte qu’on ne pouvait exclure, au degré de la vraisemblance prépondérante, que l’assuré aurait terminé ses études avant sa vingt-cinquième année sans sa maladie. Les conditions d’une augmentation du montant de la rente en application de l’art. 37 al. 2 LAI étaient par conséquent réunies.

 

Consid. 6.1
Pour avoir droit au supplément de rente litigieux dont il est question à l’art. 37 al. 2 LAI, l’assuré aurait dû présenter une incapacité de travail d’au moins 40% en moyenne durant une année sans interruption notable (cf. art. 28 al. 1 let. b LAI), cela au plus tard lorsqu’il avait accompli sa vingt-cinquième année, soit en août 2019 (cf. ATF 137 V 417 consid. 2.3). Il faut ainsi déterminer à partir de quand l’atteinte à la santé psychique, qui a évolué depuis l’adolescence de l’assuré, l’a entravé dans la mise à profit de sa capacité de travail ou l’accomplissement de ses travaux habituels à hauteur de 40% au moins durant une année (cf. art. 28 al. 1 let. b et c, 28a al. 2 LAI; art. 26bis RAI).

Consid. 6.2
En retenant que les troubles psychiques ont retardé l’achèvement de la formation de l’assuré avant l’âge de vingt-cinq ans et que le cursus normal de formation s’est prolongé en raison de la maladie, dans une mesure de 40% au moins sur une année, les juges cantonaux n’ont pas apprécié la situation de façon insoutenable. Leur décision n’est pas contredite par un avis médical. En effet, si les troubles psychiques de l’assuré, qui existent depuis ses treize ans, ne l’ont pas empêché d’achever sans retard une formation bilingue gymnasiale en juillet 2012, puis de poursuivre ses études dans le domaine juridique à l’université F.__ (l’assuré y a obtenu son Bachelor en droit en février 2016 en travaillant à temps partiel auprès de la bibliothèque de cet établissement en qualité d’auxiliaire de juillet 2015 à février 2016), il en est allé différemment pour le Master en droit qu’il avait entrepris en 2016. L’assuré ne l’a achevé qu’en février 2021, ayant eu besoin de cinq ans alors que le plan d’études prévoit trois semestres. La durée inhabituellement longue de cette dernière formation s’explique, au degré de la vraisemblance prépondérante (cf. ATF 139 V 176 consid. 5.3), en raison de l’incidence délétère des troubles psychiques sur la capacité de l’assuré d’accomplir ses travaux habituels (c’est-à-dire la préparation du Master en droit), ces troubles ayant considérablement retardé le cursus de cette formation. L’atteinte à la santé a présenté un caractère progressivement déficitaire, aboutissant à une incapacité totale de travailler dès le mois de septembre 2020 selon les experts du centre B.__, qui ne l’ont toutefois pas quantifiée pour la période précédente.

En se limitant à alléguer que les médecins consultés avaient indiqué qu’une incapacité (totale) de travail avait débuté en septembre 2020, sans aborder la durée des études du Master, l’office AI recourant ne démontre pas que la constatation des juges cantonaux, qui retiennent une aggravation progressive de l’état de santé de l’assuré déjà bien avant ses vingt-cinq ans, était manifestement erronée, voire arbitraire. Cette constatation lie le Tribunal fédéral. Il s’ensuit que l’invalidité au sens de l’art. 4 al. 2 LAI est survenue avant que l’assuré ait atteint l’âge de vingt-cinq ans.

Consid. 6.3
Les constatations de l’instance cantonale sont en revanche très imprécises sur le moment à partir duquel la maladie a prolongé le cursus de formation. En effet, elle a simplement retenu que l’assuré « présente des symptômes invalidants depuis ses 13 ans et que les troubles psychiques ont retardé l’achèvement de sa formation », ajoutant que « on peut donc admettre que dès cet âge, le cursus de formation s’est prolongé en raison de la maladie, à tout le moins à 40% ».

Cet élément temporel doit pourtant être connu pour savoir si et comment la rente d’invalidité doit être majorée en vertu de l’art. 37 al. 2 LAI, car la loi requiert que l’assuré ait compté une durée complète de cotisations au moment de la survenance de l’invalidité. La survenance du cas d’assurance est déterminante pour calculer le montant de la rente. Il sied par conséquent de renvoyer la cause à l’office AI recourant afin qu’il puisse établir ce moment et statuer à nouveau. L’éventualité d’une majoration en application de l’art. 40 al. 3 LAI est réservée. En ce sens, la conclusion subsidiaire du recours est bien fondée.

Le TF admet partiellement le recours de l’office AI.

 

Arrêt 9C_2/2023 consultable ici

 

8C_610/2022 (f) du 13.09.2023, destiné à la publication – Indemnisation du chômage partiel d’un joueur de hockey professionnel ayant une seconde activité – Notion de gain intermédiaire – Examen détaillé de la jurisprudence et de la portée de l’art. 24 LACI

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_610/2022 (f) du 13.09.2023, destiné à la publication

 

Consultable ici

 

Indemnisation du chômage partiel d’un joueur de hockey professionnel (taux d’activité 50%) ayant une seconde activité (taux d’activité 40%)

Notion de gain intermédiaire – Examen détaillé de la jurisprudence et de la portée de l’art. 24 LACI

 

Assuré, né en 1989, a été engagé en qualité de joueur de hockey professionnel pour un revenu de 100’000 fr. par an. Il travaillait en sus à 50% pour C.__ GmbH pour un salaire de 26’325 fr. par an. Le 21.04.2021, il a démissionné de son emploi auprès de C.__ GmbH pour le 31.05.2021 et a sollicité l’indemnisation de sa perte de gain auprès de la caisse de chômage (ci-après: la caisse) dès le 01.06.2021 ; l’assuré a indiqué à la caisse de chômage qu’il cherchait désormais, en complément à son engagement en qualité de joueur de hockey professionnel, une activité correspondant à 40% d’une activité à plein temps.

Par décision, confirmée sur opposition le 12.11.2021, la caisse a refusé d’allouer ses prestations, au motif que l’assuré ne subissait aucune perte de gain. En substance, la caisse a retenu qu’avec son emploi de joueur de hockey professionnel à plein temps, l’assuré réalisait un gain intermédiaire de 8’333 fr. 35 par mois, lequel était supérieur à l’indemnité de chômage de 6’666 fr. 70 (80% x 8’333 fr. 35) à laquelle il aurait droit en cas de chômage complet. Aucune indemnité compensatoire ne pouvait dès lors lui être octroyée.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/778/2022 – consultable ici)

L’assuré a produit une attestation de son employeur indiquant qu’il n’était pas employé à plein temps comme indiqué précédemment. L’intéressé a estimé à 48% son taux d’activité comme joueur de hockey professionnel. L’assuré a demandé à être indemnisé sur la base d’un gain assuré déterminant de 10’672 fr. 60 (gain total de 10’527 fr. divisé par 21,7 et multiplié par 22 jours). Sa perte de gain était de 2’339 fr. 27 (10’672 fr. 60 moins 8’333 fr. 33) et elle devait être indemnisée au taux de 80%.

Par jugement du 06.09.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 3.1
L’art. 8 al. 1 LACI énumère les conditions d’octroi de l’indemnité de chômage. Selon cette disposition, il faut notamment que l’assuré soit totalement ou partiellement sans emploi (let. a). Selon l’art. 10 al. 2 LACI, est réputé partiellement sans emploi celui qui n’est pas partie à un rapport de travail et cherche à n’exercer qu’une activité à temps partiel (let. a), ou occupe un emploi à temps partiel et cherche à le compléter par une autre activité à temps partiel (let. b). Parmi les conditions légales ouvrant droit à l’indemnité de chômage, il faut en outre que l’assuré ait subi une perte de travail à prendre en considération (art. 8 al. 1 let. b LACI). Selon l’art. 11 al. 1 LACI, il y a lieu de prendre en considération une perte de travail lorsqu’elle se traduit par un manque à gagner et dure au moins deux journées de travail consécutives. S’agissant des personnes partiellement sans emploi, la perte de travail est prise en considération lorsqu’elle s’élève au moins à deux jours entiers de travail en l’espace de deux semaines (art. 5 OACI; arrêt 8C_455/2008 du 24 octobre 2008 consid. 3.1).

Consid. 3.2
L’indemnité de chômage est versée sous forme d’indemnités journalières: cinq indemnités journalières sont payées par semaine (art. 21 LACI). L’indemnité journalière pleine et entière s’élève à 80% du gain assuré (art. 22 al. 1, première phrase, LACI), respectivement à 70% du gain assuré (art. 22 al. 2 LACI) pour les assurés qui n’ont pas d’obligation d’entretien envers des enfants de moins de 25 ans (let. a), bénéficient d’une indemnité journalière entière dont le montant dépasse 140 francs (let. b) ou ceux qui ne touchent pas une rente d’invalidité correspondant à un taux d’invalidité d’au moins 40% (let. c). Pour déterminer le montant de l’indemnité journalière, le gain assuré multiplié par 70% ou 80% est divisé par 21,7 (art. 40a OACI). Les indemnités journalières sont versées pour la période de contrôle écoulée, laquelle correspond à un mois civil (art. 30 al. 1 OACI en lien avec les art. 18a LACI et 27a OACI). Pour calculer le montant de l’indemnité de chômage mensuelle, il convient donc de multiplier le montant de l’indemnité journalière par le nombre de jours ouvrables pendant le mois concerné, lequel varie selon les mois entre 20 et 23 jours.

Consid. 3.3
Est réputé gain assuré le salaire déterminant au sens de la législation sur l’AVS qui est obtenu normalement au cours d’un ou de plusieurs rapports de travail durant une période de référence, y compris les allocations régulièrement versées et convenues contractuellement, dans la mesure où elles ne sont pas des indemnités pour inconvénients liés à l’exécution du travail (art. 23 al. 1, 1ère phrase, LACI). Un gain accessoire n’est pas assuré; est réputé accessoire tout gain que l’assuré retire d’une activité dépendante exercée en dehors de la durée normale de son travail ou d’une activité qui sort du cadre ordinaire d’une activité lucrative indépendante (art. 23 al. 3 LACI). Selon l’art. 37 OACI, le gain assuré est calculé sur la base du salaire moyen des six derniers mois de cotisation (al. 1), respectivement des douze derniers mois de cotisation précédant le délai-cadre d’indemnisation si ce salaire est plus élevé que le salaire moyen visé à l’al. 1 (al. 2). Le montant maximum du gain assuré (art. 18 LPGA) correspond à celui de l’assurance-accidents obligatoire (art. 23 al. 1, 2ème phrase, LACI), lequel se monte à 148’200 fr. par an (art. 22 al. 1 OLAA), soit à 12’350 fr. par mois. Le gain assuré déterminé selon les art. 23 al. 1 LACI et 37 OACI doit encore être adapté au « taux de placement », respectivement à la disponibilité de l’assuré sur le marché du travail et éventuellement réduit en conséquence (arrêts 8C_93/2021 du 5 mai 2021 consid. 2.2; 8C_736/2011 du 8 novembre 2011 consid. 2.3; voir aussi Directive LACI IC n° C23, deuxième phrase).

Consid. 3.4
Selon l’art. 24 al. 1 LACI, est réputé intermédiaire tout gain que le chômeur retire d’une activité salariée ou indépendante durant une période de contrôle. L’assuré qui perçoit un gain intermédiaire a droit à la compensation de la perte de gain. Est réputée perte de gain la différence entre le gain assuré et le gain intermédiaire, ce dernier devant être conforme, pour le travail effectué, aux usages professionnels et locaux (art. 24 al. 3 LACI). Aux termes de l’art. 24 al. 4 LACI, le droit à la compensation de la perte de gain est limité aux douze premiers mois de l’activité visée à l’al. 1; pour les assurés qui ont une obligation d’entretien envers des enfants de moins de 25 ans ou qui sont âgés de 45 ans ou plus, il est limité au terme du délai-cadre d’indemnisation. Selon l’art. 41a al. 1 OACI, lorsque l’assuré réalise un revenu inférieur à son indemnité de chômage, il a droit à des indemnités compensatoires pendant le délai-cadre d’indemnisation.

 

Consid. 5.1.1
Dans deux arrêts de principe (ATF 120 V 233 et 120 V 502), l’ancien Tribunal fédéral des assurances s’est prononcé sur la portée de l’art. 24 LACI, dans sa teneur en vigueur depuis le 1 er janvier 1992. Analysant les travaux préparatoires de cette nouvelle norme légale, il a considéré que la volonté du législateur était d’admettre qu’en matière de gain intermédiaire, l’indemnité de chômage se calculait en fonction de la perte de gain subie, quelle que soit la durée de la perte de travail en cause, et non pas en fonction de la perte de travail prévue par l’art. 11 LACI. En d’autres termes, toutes les formes d’activités lucratives qui étaient qualifiées par le passé de travail à temps partiel (art. 18 al. 1 en liaison avec les art. 22 ss LACI), de gain intermédiaire (ancien art. 24 LACI) ou de travail de remplacement (ancien art. 25 LACI) tombaient désormais sous le coup du nouvel art. 24 LACI. Il en découlait que les méthodes de calcul de l’indemnité exposées dans les arrêts ATF 112 V 229 et 112 V 237 n’avaient désormais plus cours (ATF 120 V 233 consid. 5b, 120 V 502 consid. 8b).

Dans l’ATF 112 V 229, l’assurée était employée en tant que téléphoniste intérimaire à raison de 15 heures par semaine, la durée hebdomadaire normale de travail dans l’entreprise étant de 43 heures. Après son divorce, à l’occasion duquel l’autorité parentale sur sa fille lui avait été attribuée, l’assurée avait cherché un emploi à plein temps, tout en continuant à exercer son activité à temps partiel. Pour la partie chômée, elle était libérée des conditions relatives à la période de cotisation. Le Tribunal fédéral des assurances avait considéré que le gain assuré s’élevait à 80 francs par jour (montant forfaitaire selon les art. 23 al. 2 LACI et 41 al. 1 let. c OACI dans leur teneur en vigueur en mai 1984). En cas de perte totale de travail, l’assurée aurait eu droit à une indemnité de 64 francs par jour (80% x 80 fr.). En raison du travail à temps partiel de 15 heures par semaine qu’elle avait conservé, elle subissait une perte de travail imputable de 28 heures par rapport à la durée normale de travail de 43 heures par semaine dans l’entreprise. Le gain assuré de 80 francs a été pris en compte dans le calcul de l’indemnité journalière au prorata de la perte de travail imputable par rapport à la durée normale de travail dans l’entreprise, soit 28/43, ce qui représentait 52,10 francs. L’assurée avait droit à 80% de ce montant, ce qui donnait une indemnité journalière de 41.70 francs. Ce faisant, le Tribunal fédéral des assurances avait renoncé à imputer le gain à temps partiel sur l’indemnité de chômage et avait calculé celle-ci non pas sur le gain total assuré, mais seulement sur un gain forfaitaire assuré proportionnel.

Dans l’ATF 112 V 237, le Tribunal fédéral des assurances avait constaté que pour un assuré qui exerçait une activité professionnelle à temps partiel (in casu 50%) et qui consacrait le reste de son temps à des études, il était logique de distinguer clairement – à l’issue de celles-ci – les deux temps partiels et, pour la partie chômée, de considérer l’intéressé comme un chômeur complet. En l’espèce, pour le mi-temps qu’il avait consacré à ses études, il satisfaisait à la condition de l’art. 14 al. 1 let. a LACI et était ainsi libéré des conditions relatives à la période de cotisation. Pour ce qui était du calcul de l’indemnité en cas de chômage partiel, il fallait partir du gain assuré tel qu’il résultait de l’art. 37 OACI (cf. consid. 3.3 précité) ou – dans l’hypothèse où l’assuré était libéré des conditions relatives à la période de cotisation comme c’était le cas en l’espèce – de l’art. 41 OACI; si le gain assuré correspondait – ou était censé correspondre, dans le cas des montants forfaitaires mentionnés à l’art. 41 OACI – à une activité exercée à plein temps, ce gain ne devait être pris en compte qu’en proportion de la perte de travail subie. Dans le cas particulier, il fallait ainsi partir d’un gain assuré de 100 francs par jour (correspondant au montant forfaitaire pour un assuré au bénéfice d’une formation mais qui n’avait pas achevé ses études universitaires; cf. art. 41 al. 1 let. b OACI en vigueur en novembre 1984). Ce montant devait toutefois être réduit en proportion de la perte de travail subie (in casu 22 heures par semaine) par rapport à un horaire de travail normal (in casu 44 heures par semaine). Par conséquent, si l’assuré remplissait par ailleurs toutes les conditions du droit à l’indemnité, celle-ci s’élèverait à 80% de 50 francs (100 x 22/44), ce qui donnait une indemnité journalière de 40 francs.

Consid. 5.1.2
Par ailleurs, à l’exception du cas prévu à l’art. 24 al. 4 LACI, la nouvelle réglementation en matière de gain intermédiaire ne prenait plus en compte aucune limite temporelle, en dehors de celle du délai-cadre. Dès lors, les éléments d’appréciation – aléatoires – qui étaient contenus dans l’ancien droit (le caractère provisoire et précaire de l’activité exercée), et qui donnaient lieu à des difficultés d’application, ne devaient plus être pris en considération lors de l’application du nouvel art. 24 LACI (ATF 120 V 233 consid. 5c, 120 V 502 consid. 8c).

Consid. 5.1.3
Selon la jurisprudence, une application saine et efficace de la nouvelle réglementation en matière de gain intermédiaire n’était toutefois concevable qu’eu égard au critère du travail convenable, en particulier sur le plan salarial, posé par l’art. 16 LACI. Cela étant, si durant la période de contrôle en cause, un assuré acceptait un travail dont la rémunération n’était pas réputée convenable au sens de l’art. 16 LACI, il avait droit à l’indemnisation de sa perte de gain en vertu de l’art. 24 al. 1 et 3 LACI. En revanche, si pendant cette même période, l’assuré exerçait une activité lucrative réputée convenable, qui lui procurait un revenu correspondant au moins à celui de l’indemnité de chômage à laquelle il aurait eu droit, on ne se trouvait plus en présence d’un gain intermédiaire au sens de l’art. 24 LACI. En bref, un chômeur partiel n’avait pas droit à des indemnités de chômage lorsque le revenu qu’il tirait de son activité lucrative dépendante et résiduelle satisfaisait aux conditions d’un travail convenable, et notamment excédait le montant de l’indemnité maximale qu’il aurait pu toucher en cas de chômage complet (ATF 120 V 233 consid. 5c, 120 V 502 consid. 8c).

 

Consid. 5.2.1
Dans deux autres arrêts publiés aux ATF 121 V 51 et 121 V 353, le Tribunal fédéral des assurances a précisé la notion de gain intermédiaire. Dans l’ATF 121 V 51, il a considéré que pour juger si une activité à temps partiel offrait une rémunération convenable au sens de l’art. 16 LACI à un chômeur partiellement sans emploi, il y avait lieu de comparer l’indemnité journalière – fixée sur la base du gain journalier assuré selon l’art. 40a OACI – à laquelle la personne avait droit en cas de chômage complet avec le gain journalier brut. Celui-ci, chez les assurés payés au mois, était calculé en divisant le salaire mensuel par 21,7. Si le gain journalier brut était inférieur à l’indemnité journalière brute, il constituait un gain intermédiaire et les conditions du droit à l’indemnisation de la différence (art. 24 al. 1 et 3 LACI) étaient réalisées. Si tel n’était pas le cas, l’activité en question était réputée convenable eu égard au salaire offert et il n’y avait pas de place pour la prise en considération d’un gain intermédiaire. Dans l’ATF 121 V 353, le Tribunal fédéral des assurances a indiqué qu’en présence d’un gain intermédiaire, l’indemnité de chômage devait être calculée uniquement en fonction de la perte de gain et indépendamment de l’ampleur de la perte de travail, en dérogation à l’art. 11 al. 1 LACI.

Consid. 5.2.2
Dans l’ATF 122 V 433, le Tribunal fédéral des assurances a encore précisé sa jurisprudence en jugeant qu’un assuré qui occupait plusieurs emplois, et qui cotisait à l’assurance-chômage sur chacun des salaires qu’il en retirait, pouvait solliciter l’indemnisation de chaque perte de gain partielle subie lorsque le risque de chômage se réalisait pour l’un de ces emplois. Dans le cas en question, l’assuré occupait deux emplois à mi-temps: dans l’un, il était comptable pour un salaire mensuel brut de 4’648 fr. 15 et dans l’autre, il était directeur pour un salaire mensuel brut de 6’129 fr. 15. Ayant perdu son emploi en qualité de directeur, il a demandé l’indemnisation de son chômage partiel, à concurrence de 80% de son dernier salaire comme directeur, soit 4’903 fr. 35 (80% de 6’129 fr. 15). La caisse a refusé de l’indemniser, au motif que le montant du gain assuré maximum de 8’100 fr. par mois [RO 1990 768] ne pouvait pas être dépassé. Or, si l’on additionnait ce qu’il gagnait encore en qualité de comptable et l’indemnité de chômage (4’648 fr. 15 + 4’903 fr. 35 = 9’551 fr. 47), on obtenait un montant total supérieur au gain assuré maximum de 8’100 fr. L’assuré ayant recouru et obtenu gain de cause devant la juridiction cantonale, l’Office fédéral de l’industrie, des arts et métiers et du travail (OFIAMT) a recouru au Tribunal fédéral, lequel a jugé que l’assuré ne pouvait pas être indemnisé au-delà du gain assuré maximum de 8’100 fr. (en vigueur à ce moment-là). Le Tribunal fédéral a considéré que le gain de 4’648 fr. 15 perçu dans l’emploi que l’assuré avait maintenu constituait un gain intermédiaire. En cas de chômage complet, l’indemnité de chômage aurait été de 6’480 fr. (80% de 8’100 fr. et non pas 80% de 10’777 fr. 30 [4’648 fr. 15 + 6’129 fr. 15]). Son gain intermédiaire étant inférieur à l’indemnité de chômage à laquelle il aurait eu droit en cas de chômage complet, l’assuré avait droit à la compensation de sa perte de gain calculée en fonction de l’art. 24 al. 2 LACI et non de l’art. 22 LACI. Sa perte de gain se montait à 3’451 fr. 85 (8’100 fr. [gain assuré] – 4’648 fr. 15 [gain intermédiaire]), laquelle était indemnisable à 80%, soit 2’761 fr. 50 (voir l’ATF précité, consid. 3). En fin de compte, les revenus de l’assuré (gain intermédiaire [4’648 fr. 15] et indemnités journalières [2’761 fr. 50]) se montaient à 7’409 fr. 65, ce qui représentait 91,48% de son gain assuré maximum.

Consid. 5.2.3
On relèvera que ces arrêts se fondent sur la version de l’ancien art. 24 LACI, comme le font du reste les ATF 120 V 233 et 120 V 502 cités au précédent considérant, en vigueur depuis la première révision partielle de la loi sur l’assurance-chômage (au 1er janvier 1992), laquelle est cependant identique à la version actuelle en ce qui concerne le troisième alinéa. Les al. 1 et 2 de l’art. 24 aLACI correspondent également à la réglementation de l’actuel art. 24 al. 1 LACI (FF 2001 2161). La comparaison est donc tout à fait possible.

Consid. 5.3
Selon l’art. 16 al. 2 let. i LACI (en vigueur depuis le 1er janvier 1996), n’est pas réputé convenable tout travail qui procure à l’assuré une rémunération qui est inférieure à 70% du gain assuré, sauf si l’assuré touche des indemnités compensatoires conformément à l’art. 24 (gain intermédiaire); l’office régional de placement peut exceptionnellement, avec l’approbation de la commission tripartite, déclarer convenable un travail dont la rémunération est inférieure à 70% du gain assuré. La jurisprudence a précisé que tant qu’un assuré a droit à des indemnités compensatoires en vertu de l’art. 24 al. 4 LACI, le seuil du travail convenable se situe à 70% ou 80% du gain assuré (selon le taux d’indemnisation applicable). Pour déterminer si la limite de 70% ou 80% du gain assuré est atteinte (seuil réputé convenable), il faut prendre en compte les revenus de tous les rapports de travail. Les revenus de plusieurs activités exercées à temps partiel sont ainsi cumulés pour l’examen de la prétention à la compensation de la perte de gain. Une prétention aux indemnités compensatoires n’existe que si le revenu global de la personne assurée demeure inférieur à l’indemnité de chômage à laquelle elle pourrait prétendre (ATF 127 V 479 consid. 4a). Il s’ensuit qu’une perte de gain ne dépassant pas 20 ou 30% du gain assuré n’ouvre pas droit à l’indemnité puisqu’elle reste dans les normes du travail convenable selon l’art. 16 LACI.

Consid. 5.4
Il découle de ce qui précède que si une personne assurée a perdu l’un de ses emplois à temps partiel et continue d’exercer une ou plusieurs autre (s) activité (s) à temps partiel, il convient, pour déterminer si elle a droit à l’indemnisation de sa perte de gain, de comparer le revenu mensuel brut qu’elle réalise malgré son chômage partiel (revenu provenant d’une ou de plusieurs autres activités à temps partiel) avec l’indemnité de chômage à laquelle elle aurait droit si elle n’était pas au chômage partiel mais si elle était totalement sans emploi.

 

Consid. 6.1
Il n’est pas contesté en l’espèce que, au moment où la décision litigieuse a été rendue, l’assuré était partiellement sans emploi et qu’il ne cherchait pas à remplacer son travail à temps partiel par une activité à plein temps, mais à compléter son activité de hockeyeur professionnel à mi-temps par une autre occupation à temps partiel, avec une disponibilité maximale de 40% dans l’activité chômée. Il en résulte que le taux de placement ou la disponibilité de l’assuré sur le marché du travail était globalement de 90%, respectivement de 50% dans l’activité de hockeyeur encore exercée et de 40% dans une autre activité à temps partiel recherchée.

Consid. 6.2
Par ailleurs, selon les constatations non contestées de la juridiction cantonale, le revenu mensuel brut réalisé par l’assuré dans son activité à temps partiel de hockeyeur est de 8’333 fr. 33, ce qui correspond à un gain journalier brut de 384 fr. (8’333 fr. 33 / 21,7). Quant à l’indemnité journalière que toucherait l’assuré en cas de chômage complet dans les limites de sa disponibilité, il est obtenu en multipliant le gain assuré (total réalisé par l’assuré dans ses deux activités à temps partiel) de 10’527 fr. par 70% ou 80% (selon le taux d’indemnisation entrant en ligne de compte en l’espèce; art. 22 LACI) puis en divisant le montant obtenu par 21,7 (art. 40a OACI). Il convient encore de réduire ce montant au prorata du taux de placement global de l’assuré, à savoir 90% (50% dans l’activité de hockeyeur + 40% dans une nouvelle activité), ce qui donne une indemnité journalière de 349 fr. 30 par jour (90% x [80% x 10’527 fr.] / 21,7) pour un taux d’indemnisation de 80% (art. 22 al. 1 LACI), resp. de 305 fr. 60 par jour (90% x [70% x 10’527 fr.] / 21,7) pour un taux d’indemnisation de 70% (art. 22 al. 2 LACI).

Consid. 6.3
Tant la caisse de chômage que les juges cantonaux sont partis d’un taux d’indemnisation au sens de l’art. 22 LACI de 80%. Dès lors que le gain journalier brut de l’assuré dans son activité de hockeyeur (384 fr.) est supérieur à l’indemnité journalière qu’il percevrait en cas de chômage complet (349 fr. 30), l’activité encore exercée à temps partiel est réputée convenable eu égard au salaire perçu et il n’y a dès lors pas de place pour la prise en considération d’un gain intermédiaire, respectivement pour la compensation de sa perte de gain (art. 24 LACI; cf. consid. 5.2.1 et 5.3 supra).

Consid. 6.4
Autre eût cependant été le résultat si l’assuré avait cherché à compléter son activité de hockeyeur à temps partiel par une autre activité à temps partiel au même taux de placement que celle exercée jusque-là, à savoir 50%. En effet, dans cette hypothèse, son indemnité journalière complète se serait élevée à 388 fr. 10 ([80% x 10’527 fr.] / 21,7). Avec un gain journalier brut de 384 fr. inférieur – certes de peu – à l’indemnité journalière de 388 fr. 10, l’activité de hockeyeur aurait procuré à l’assuré un gain intermédiaire lui ouvrant droit à la compensation de sa perte de gain (art. 24 al. 1 LACI).

Consid. 6.5
Au vu de tout ce qui précède, le procédé de la juridiction cantonale consistant à comparer le gain réalisé par l’assuré dans son activité de hockeyeur (8’333 fr. 33) avec l’indemnité de chômage calculée sur la base d’un gain assuré total réduit proportionnellement au taux de placement de l’assuré dans la seule activité chômée est contraire à la jurisprudence exposée ci-dessus. En effet, si l’on suivait le raisonnement de la juridiction cantonale, une personne assurée exerçant comme en l’espèce deux activités à 50% et perdant l’une d’entre elles n’aurait pas droit à l’indemnité journalière de chômage si l’activité qu’elle exerce encore lui procure un revenu équivalent ou supérieur à celui qu’elle a perdu. Selon la jurisprudence susmentionnée, la personne assurée a toutefois droit, dans un tel cas de chômage partiel, à une indemnité de chômage si le revenu qu’elle tire de l’autre activité et/ou d’un autre gain intermédiaire est inférieur à l’indemnité journalière à laquelle elle aurait droit en cas de chômage complet.

Consid. 6.6
En définitive, si le raisonnement des juges cantonaux est erroné, le résultat auquel ils aboutissent dans le cas d’espèce doit être confirmé.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_610/2022 consultable ici

 

9C_567/2022 (f) du 25.09.2023 – Calcul des prestations complémentaires – Revenu hypothétique pour le conjoint / 9 LPC – 11 LPC

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_567/2022 (f) du 25.09.2023

 

Consultable ici

 

Calcul des prestations complémentaires – Revenu hypothétique pour le conjoint / 9 LPC – 11 LPC

 

Assuré bénéficie de prestations complémentaires depuis le mois d’octobre 2019, dont le calcul tient notamment compte d’un revenu hypothétique pour le conjoint et d’un capital LPP. Ces mêmes éléments ont été repris dans les calculs fondant les décisions subséquentes en 2020 et 2021. Ayant constaté une diminution conséquente de la fortune depuis le 01.01.2020, la caisse de compensation (ci-après: la caisse) a réexaminé le droit de l’assuré à partir du 01.01.2021, qu’elle n’a cependant pas modifié (décision du 07.04.2021 confirmée sur opposition le 24.08.2021). Outre les éléments déjà mentionnés, le calcul sur lequel se base cette décision tient compte d’un dessaisissement de fortune.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 02.11.2022, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 6
[…] [L’assuré] soutient substantiellement que les autorités précédentes auraient dû d’office tenir compte du fait que son épouse avait atteint l’âge de 60 ans le 28 janvier 2021 et que, depuis lors, on ne pouvait plus exiger d’elle qu’elle reprenne une activité lucrative. Il fait également valoir qu’elles ont omis de prendre position sur le fait que le montant retenu à titre de dessaisissement de fortune correspondait au montant retenu à titre de dépenses nécessaires. Il semble enfin considérer que la juridiction cantonale ne pouvait pas lui nier le droit de contester la prise en compte du capital LPP puisqu’il s’agissait d’une des bases de calcul de son droit aux prestations.

Consid. 7
[…] Le fait que l’épouse de l’assuré a atteint l’âge de 60 ans n’est effectivement pas déterminant en soi. Le point de savoir s’il est exigible d’un conjoint qu’il reprenne ou, comme en l’occurrence, qu’il étende son activité dépend des circonstances du cas particulier. Selon une jurisprudence constante, il convient de tenir compte non seulement de l’âge du conjoint, mais aussi de son état de santé, de sa formation et, le cas échéant, du temps plus ou moins long pendant lequel il a été éloigné de la vie professionnelle (cf. ATF 134 V 53 consid. 4.1; 117 V 287 consid. 3b; voir aussi arrêt 9C_255/2023 du 8 juin 2023 consid. 4.2). Or il ressort des déclarations de l’assuré que son épouse a toujours travaillé. Il ressort aussi du dossier qu’un revenu hypothétique pour le conjoint a été pris en compte déjà dans la décision originaire du 05.12.2019. Depuis lors, l’assuré n’a fait valoir aucune circonstance (telle qu’une incapacité de travail ou des recherches d’emploi infructueuses) qui aurait permis d’écarter ce revenu de la détermination du droit aux prestations. Dans ces circonstances, rien n’indique que l’épouse de l’assuré ne soit pas en mesure de continuer à exploiter sa capacité de travail jusqu’à l’âge de la retraite.

Il n’y a par ailleurs pas lieu d’entrer en matière sur l’argumentation relative au dessaisissement de fortune. L’assuré se contente à cet égard d’alléguer que le montant que les autorités précédentes lui ont reproché d’avoir dépensé correspond « remarquablement » aux dépenses nécessaires qu’elles ont elles-mêmes retenues et de faire allusion à des méthodes alternatives de calcul qui lui seraient plus favorables. Il n’indique ni les chiffres ni les calculs qui lui permettraient d’aboutir au résultat qu’il prétend, ne précise pas quels éléments seraient contraires au droit, ne décrit pas quelles sont les méthodes auxquelles il fait référence et ne tire aucune conclusion particulière quant à son droit aux prestations. Il n’y a pas davantage lieu d’examiner la prise en compte du capital LPP dans la mesure où l’assuré se limite à soutenir qu’il a droit de le contester. Le recours doit donc être rejeté.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_567/2022 consultable ici

 

8C_50/2023 (f) du 14.09.2023 – Troubles dorsaux – Statu quo sine vel ante – 6 LAA / Valeur probante d’une expertise médicale judiciaire niée quant à la causalité naturelle

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_50/2023 (f) du 14.09.2023

 

Consultable ici

 

Troubles dorsaux – Statu quo sine vel ante / 6 LAA

Valeur probante d’une expertise médicale judiciaire niée quant à la causalité naturelle

 

Assuré, né en 1989, chauffeur-livreur, a été victime, le 08.05.2018, d’une agression. Le bilan radiologique effectué juste après l’accident, comprenant des radiographies du poignet droit ainsi que des scanners thoraco-abdominal et de la colonne cervicale, n’a pas mis en évidence de fracture, de lésion osseuse post-traumatique ni d’atteinte post-traumatique des organes infra-abdominaux. Le diagnostic de contusion du rachis dorso-lombaire a été retenu. En outre, ces examens ont révélé un antélisthésis de L5 de grade I de 4 mm sur lyse isthmique bilatérale.

Par décision du 11.02.2019, l’assurance-accidents a mis fin aux prestations d’assurance avec effet au 28.02.2019, retenant que les troubles dont se plaignait encore l’assuré n’étaient pas suffisamment démontrables du point de vue organique et qu’il n’y avait pas de séquelle en lien de causalité adéquate avec l’accident. Par décision sur opposition du 16.04.2019, l’assurance-accidents a écarté l’opposition formée par l’assuré. Sur le plan somatique en particulier, elle a repris les conclusions de son médecin-conseil 1, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, qui a retenu en substance que le spondylolisthésis révélé par les examens réalisés le 08.05.2018 était sans rapport avec l’accident, que le diagnostic de contusion dorso-lombaire devait être retenu et qu’on pouvait raisonnablement estimer qu’au-delà de six mois, le lien de causalité entre les symptômes persistants et l’évènement initial était tout au plus possible.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1091/2022 – consultable ici)

La cour cantonale a ordonné une expertise médicale sur la question du lien de causalité entre les troubles de l’assuré et l’accident, qu’elle a confiée au professeur E.__, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique. Dans son rapport du 16.03.2022, l’expert a constaté pour l’essentiel que la spondylolyse était un état préexistant que l’accident avait probablement activé, sans l’avoir causé, provoquant des douleurs importantes et invalidantes, et que la situation n’était pas encore stabilisée sur le plan des lombalgies. L’assurance-accidents a produit une appréciation du 21.04.2022 de son médecin-conseil 2, spécialiste FMH en chirurgie orthopédique, qui critiquait les conclusions du professeur E.__. Invité par la cour cantonale à préciser certains points de son expertise, s’agissant de la stabilisation de l’état de santé et de la capacité de travail de l’assuré, le professeur E.__ a répondu qu’une activité adaptée serait exigible à 50% dès le 01.09.2022 et à 100% dès septembre 2023. Dans le cadre d’une nouvelle appréciation, le médecin-conseil de l’assurance-accidents soulignait l’absence d’éléments mettant en cause l’existence d’un statu quo sine atteint à six mois de l’accident.

Par jugement du 08.12.2022, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, se ralliant aux conclusions du professeur E.__, annulant la décision sur opposition et reconnaissant le droit de l’assuré à des indemnités journalières complètes jusqu’au 31.08.2022, puis à des indemnités journalières correspondant à une capacité de travail de 50% dans une activité adaptée du 01.09.2022 au 31.08.2023.

 

TF

Consid. 4.2
En vertu de l’art. 36 al. 1 LAA, les prestations pour soins, les remboursements de frais ainsi que les indemnités journalières et les allocations pour impotent ne sont pas réduits lorsque l’atteinte à la santé n’est que partiellement imputable à l’accident. Lorsqu’un état maladif préexistant est aggravé ou, de manière générale, apparaît consécutivement à un accident, le devoir de l’assurance-accidents d’allouer des prestations cesse si l’accident ne constitue pas la cause naturelle (et adéquate) du dommage, soit lorsque ce dernier résulte exclusivement de causes étrangères à l’accident. Tel est le cas lorsque l’état de santé de l’intéressé est similaire à celui qui existait immédiatement avant l’accident (statu quo ante) ou à celui qui existerait même sans l’accident par suite d’un développement ordinaire (statu quo sine). A contrario, aussi longtemps que le statu quo sine vel ante n’est pas rétabli, l’assureur-accidents doit prendre à sa charge le traitement de l’état maladif préexistant, dans la mesure où il s’est manifesté à l’occasion de l’accident ou a été aggravé par ce dernier (ATF 146 V 51 consid. 5.1 et les arrêts cités). Le seul fait que des symptômes douloureux ne se sont manifestés qu’après la survenance d’un accident ne suffit pas à établir un rapport de causalité naturelle avec cet évènement (raisonnement « post hoc ergo propter hoc »; ATF 119 V 335 consid. 2b/bb; arrêt U 215/97 du 23 février 1999 consid. 3b, in RAMA 1999 n° U 341 p. 407). En principe, on examinera si l’atteinte à la santé est encore imputable à l’accident ou ne l’est plus (statu quo ante ou statu quo sine) sur le critère de la vraisemblance prépondérante, usuel en matière de preuve dans le domaine des assurances sociales (ATF 129 V 177 consid. 3.1), étant précisé que le fardeau de la preuve de la disparition du lien de causalité appartient à la partie qui invoque la suppression du droit (ATF 146 V 51 précité consid. 5.1 et les arrêts cités; arrêt 8C_606/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.2).

Consid. 4.3
S’agissant de la valeur probante d’une expertise judiciaire, on rappellera en plus que le juge ne s’écarte en principe pas sans motifs impérieux des conclusions d’une expertise médicale judiciaire (ATF 143 V 269 consid. 6.2.3.2), la tâche de l’expert étant précisément de mettre ses connaissances spéciales à la disposition de la justice afin de l’éclairer sur les aspects médicaux d’un état de fait donné. Selon la jurisprudence, peut notamment constituer une raison de s’écarter d’une expertise judiciaire le fait que celle-ci contient des contradictions ou qu’une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque d’autres spécialistes émettent des opinions contraires aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des déductions de l’expert, on ne peut pas exclure, selon les cas, une interprétation divergente des conclusions de ce dernier par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire sous la forme d’une nouvelle expertise médicale (ATF 135 V 465 consid. 4.4; 125 V 351 E. 3a).

 

Consid. 7.1
En cas de lombalgies et lombosciatalgies, la jurisprudence admet qu’un accident a pu décompenser des troubles dégénératifs préexistants au niveau de la colonne lombaire, auparavant asymptomatiques. En l’absence d’une fracture ou d’une autre lésion structurelle d’origine accidentelle, elle considère toutefois que selon l’expérience médicale, le statu quo sine est atteint, au degré de la vraisemblance prépondérante, en règle générale après six à neuf mois, au plus tard après une année. Il n’en va différemment que si l’accident a entraîné une péjoration déterminante, ce qui doit être établi par des moyens radiologiques et se distinguer d’une évolution ordinaire liée à l’âge (cf. arrêts 8C_102/2021 du 26 mars 2021 consid. 6.3.1; 8C_408/2019 du 26 août 2019 consid. 3.3; 8C_726/2010 du 19 novembre 2010 consid. 3.4; 8C_326/2008 du 24 juin 2008 consid. 3.2 et 3.3; 8C_677/2007 du 4 juillet 2008 consid. 2.3.2, in SVR 2009 UV n° 1 p. 1; U 290/06 du 11 juin 2007 consid. 4.2.1, in SVR 2008 UV n° 11 p. 34; arrêt du Tribunal fédéral des assurances U 60/02 du 18 septembre 2002 consid. 3.2).

Consid. 7.2
En l’espèce, l’expert judiciaire et le médecin-conseil partagent l’avis qu’on est en présence d’un état préexistant, qui n’était pas causé par l’accident, faute de traumatisme sévère, l’assuré ayant chuté de sa hauteur. En effet, le professeur E.__ a expliqué, que la survenue d’un spondylolisthésis ou d’une spondylolyse lombaire post traumatique était comprise comme étant une lésion rare qui ne survenait que lors d’un traumatisme majeur (chute d’une hauteur de plusieurs mètres, collision sévère, écrasement). Le médecin-conseil a retenu que la théorie traumatique ne pouvait prospérer que lorsque le traumatisme était très sévère, ce dernier entrainant une fracture aiguë de l’isthme lors du mécanisme très violent. Il a noté en outre que le spondylolisthésis était un glissement de la vertèbre L5 sur le sacrum. Sur le plan médico-assécurologique, il n’avait pas été créé par l’évènement, ni même aggravé de façon définitive, en vraisemblance prépondérante. La mobilité du segment vertébral L5-S1 n’avait pas pu être aggravée par l’évènement à faible cinétique, évènement qui n’avait pas créé d’atteinte de surcroît.

En ce qui concerne l’état préexistant, ces deux praticiens sont rejoints par le premier médecin-conseil qui a relevé que le bilan radiologique effectué le 08.05.2018 n’avait pas mis en évidence de fracture, en particulier de fracture vertébrale dorso-lombaire, ou de lésion structurelle pouvant être mise en rapport avec le traumatisme. Au surplus, le docteur G.__, spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie, qui avait examiné l’assuré le 24.05.2019, a expliqué dans son rapport du même jour que le CT-Scanner thoraco-abdominal réalisé le 08.05.2018 montrait l’absence de lésion fracturaire avec la présence d’un antélisthésis de L5-S1 et une lyse isthmique bilatérale de L5. Il précisait qu’il était très fréquent de découvrir fortuitement des lyses isthmiques, qui étaient des lésions fréquentes pouvant atteindre jusqu’à 15% de la population et qui n’étaient que très rarement liées à des accidents. L’image de cette lyse isthmique ne faisait pas du tout penser à une lyse fracturaire; il s’agissait probablement d’une lésion présente depuis plusieurs années. Cette lésion n’expliquait pas à elle-même les problèmes du patient. Probablement, l’accident, avec le choc au niveau lombaire, pouvait provoquer des douleurs lombaires propres à aggraver une situation déjà précaire.

 

Consid. 7.3
Il ressort de ce qui vient d’être dit qu’en l’espèce, aucun élément médical objectif n’atteste l’existence d’une fracture ou d’une lésion structurelle attribuable à l’accident. En l’absence d’une telle lésion, la persistance de douleurs et d’une importante contracture musculaire ne suffit pas à constater, au degré de la vraisemblance prépondérante, une aggravation déterminante d’origine accidentelle. Dans ce contexte, les considérations du professeur E.__ relatives à l’absence de pertinence de la notion de statu quo sine, au motif que la spondylolyse isthmique reste dans la majorité des cas asymptomatique, ne peuvent pas être suivies car elles négligent les autres atteintes dégénératives constatées dans le cas d’espèce. Par ailleurs, le professeur E.__ n’expose pas en quoi les articles et ouvrages scientifiques qu’il cite feraient état de connaissances médicales nouvelles, postérieures à la jurisprudence citée ci-avant (consid. 7.1) et qui justifieraient de la remettre en cause.

Consid. 7.4
Vu ce qui précède, l’expertise du professeur E.__ ne permet pas de constater la persistance d’un rapport de causalité naturelle entre les lombalgies présentées par l’assuré et l’accident assuré, plus d’une année après cet accident. Contrairement à l’avis de l’assurance-accidents, elle suffit en revanche pour admettre la persistance d’un rapport de causalité pendant une année après l’accident, ce que la jurisprudence n’exclut pas. Sur ce point, l’assurance-accidents ne peut pas être suivie lorsqu’elle demande, en se référant aux avis de ses médecins-conseil, le constat d’un statu quo sine moins d’une année après l’accident. Le premier médecin-conseil a certes soutenu qu’un statu quo sine était atteint six mois déjà après l’accident, mais au terme d’une analyse très schématique, sans s’appuyer sur un examen clinique de l’assuré ni analyser en détail les constatations cliniques de ses confrères. Il en va de même du second médecin-conseil, qui a par ailleurs pris en considération, dans son analyse, une évolution de vie à 55 ans, alors que l’assuré était âgé de 29 ans au moment de l’accident. Dans ces conditions, les avis exprimés par ces deux médecins ne suffisent pas à établir, au degré de vraisemblance prépondérante, un statu quo sine moins d’une année après l’évènement accidentel.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_50/2023 consultable ici

 

8C_620/2022 (d) du 21.09.2023, destiné à la publication – Prestations en faveur des bénéficiaires non limitées dans le temps en fonction de l’âge en vertu de l’art. 21 al. 1 let. c LAA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_620/2022 (d) du 21.09.2023

 

Arrêt consultable ici

Communiqué de presse du TF du 26.10.2023 consultable ici

 

Prestations en faveur des bénéficiaires de rentes partiellement invalides ne sont pas limitées dans le temps en fonction de l’âge en vertu de l’art. 21 al. 1 let. c LAA

 

Le Tribunal fédéral admet le recours d’une bénéficiaire de rente partiellement invalide dont l’assurance-accidents a supprimé les prestations à sa charge une fois atteint l’âge ordinaire de la retraite. La lettre, la genèse, le contexte et l’interprétation téléologique de l’art. 21 al. 1 let. c LAA s’opposent dans l’ensemble à une limitation dans le temps, en fonction de l’âge, des prestations en faveur des bénéficiaires de rentes partiellement invalides.

L’assurance-accidents verse depuis plusieurs années une rente d’invalidité à la recourante partiellement invalide et a jusqu’ici également pris en charge les frais d’une physiothérapie à long terme visant à maintenir sa capacité résiduelle de gain. Par décision, puis décision sur opposition, l’assurance-accidents a supprimé ces prestations de soins ainsi que le remboursement des frais au 31 mai 2020, au motif que la recourante allait atteindre l’âge de 64 ans à mi-mai 2020 et, par conséquent, l’âge ordinaire de la retraite. Le Tribunal des assurances sociales du canton de Zurich a rejeté le recours formé contre cette décision. Le Tribunal fédéral admet le recours et annule la décision attaquée ainsi que la décision sur opposition.

Le Tribunal fédéral s’est penché de manière approfondie sur la teneur de l’art. 21 al. 1 let. c LAA. Il ressort de la lettre claire de ladite disposition qu’il n’est, premièrement, pas exigé de la personne assurée qu’elle fasse effectivement usage de sa capacité résiduelle de gain. De même, rien n’indique que les prestations en nature en faveur des bénéficiaires de rentes partielles ne soient plus dues une fois l’âge de la retraite AVS atteint. Deuxièmement, le processus législatif n’apporte pas d’indications utiles à cet égard. Troisièmement, et contrairement à ce qui est le cas pour la rente de l’assurance-accidents, il n’existe pas de disposition légale relative aux conséquences de l’âge de la retraite AVS sur le droit aux prestations prévues à l’art. 21 al. 1 LAA. Du point de vue systématique, rien ne permet non plus de conclure à une restriction, voire une limitation temporelle liées à l’âge. Quatrièmement, au regard du sens et du but de la disposition, il apparaît peu probable que le législateur ait voulu, en opérant la distinction entre les let. c et d, limiter le droit au traitement médical des personnes âgées partiellement invalides. En effet, en cas d’invalidité totale, la prise en charge par l’assurance-accidents des frais de traitement des bénéficiaires de rente est accordée aux conditions clairement énoncées à la let. d, indépendamment de l’âge. Il n’y a ainsi pas de raison de répercuter sur l’assurance-maladie le remboursement des frais causés par un accident dans le cas de bénéficiaires de rente partiellement invalides, à partir de l’âge de la retraite AVS.

En résumé, tant la lettre de la disposition que sa genèse, son contexte et son interprétation téléologique s’opposent dans l’ensemble à une limitation dans le temps en fonction de l’âge, fondée sur l’art. 21 al. 1 let. c LAA, des prestations en faveur des bénéficiaires de rentes partiellement invalides. Par conséquent, l’assurance-accidents reste, jusqu’à nouvel ordre, tenue de prendre en charge les coûts d’une physiothérapie à long terme visant à maintenir la capacité résiduelle de gain.

 

Arrêt 8C_620/2022 consultable ici

Communiqué de presse du TF du 26.10.2023 consultable ici

 

8C_39/2023 (f) du 14.07.2023 – Capacité de travail partielle et baisse de rendement post-TCC sévère – Pas d’abattement pour la capacité partielle ni la baisse de rendement – 19 LAA – 16 LPGA / Prise en charge des frais médicaux après stabilisation de l’état de santé

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_39/2023 (f) du 14.07.2023

 

Consultable ici

 

Rente d’invalidité / 19 LAA – 16 LPGA

Capacité de travail partielle et baisse de rendement post-TCC sévère – Pas d’abattement pour la capacité partielle ni la baisse de rendement

Prise en charge des frais médicaux après stabilisation de l’état de santé / 21 al. 1 LAA

 

Assuré, né en 1990, a débuté un apprentissage de cuisinier le 15.08.2006. Le 03.07.2008, il a été victime d’un accident alors qu’il circulait à scooter. Le diagnostic principal de polytraumatisme avec TCC sévère a été posé.

L’office AI a alloué à l’assuré une rente entière d’invalidité à compter du 01.09.2014.

Après expertise pluridisciplinaire (neurologie, psychiatrie et neuropsychologie), l’assureur-accidents a, par décision du 10.12.2019 confirmée sur opposition, alloué à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur un taux de 18% à compter du 01.01.2015 et une IPAI de 35%.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 09.12.2022, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, réformant la décision en ce sens qu’une rente d’invalidité fondée sur un taux de 27% à partir du 01.01.2015 a été octroyée à l’assuré et que le droit au « remboursement des frais médicaux liés à l’accident du 03.07.2008 » (plus précisément, selon les considérants, le droit au remboursement au-delà du 31.08.2015 des frais occasionnés par un traitement psychotrope et un suivi psychiatrique) lui a été reconnu

 

TF

Consid. 3.2
La cour cantonale a constaté que l’expert en neurologie avait indiqué que la seule affection limitant la capacité de travail de l’assuré était un syndrome neuropsychologique en lien avec une contusion cérébrale; dans l’activité habituelle comme dans une activité adaptée, la capacité de travail était de 80% avec une perte de rendement de 20%. Dans le même sens, l’expert en neuropsychologie avait fait état d’une capacité de travail de 80% avec un rendement de 80%, soit une capacité de travail équivalant à 64%. Selon l’experte en psychiatrie, la capacité de travail pouvait être fixée à 80% avec une diminution de rendement de 20 à 25%. L’expert en neurologie avait précisé qu’en consensus, une capacité résiduelle de travail de 60% (80% avec une diminution de rendement de 20 à 25%) avait été retenue. L’instance cantonale a estimé que sur la base de cette appréciation consensuelle, une capacité résiduelle de travail de 60% dans une activité adaptée pouvait être retenue.

Consid. 3.4
Au terme d’une appréciation consensuelle, les experts ont fait état d’une « capacité de travail de 60% (80% de capacité de travail en taux horaire avec une diminution de rendement de 20-25% sur ce 80%) « . Ce taux de 60%, qui correspond à une capacité de travail de 80% avec une diminution de rendement de 25% sur ce 80%, entre bien dans la fourchette d’une baisse de rendement de 20 à 25% évoquée par l’experte en psychiatrie puis reprise en consensus. Il n’y a donc pas lieu de s’en s’écarter, quand bien même les experts n’ont pas exposé pour quelle raison ils ont finalement privilégié – toujours en consensus – une baisse de rendement de 25%.

 

Consid. 4.1.1
Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de l’assuré. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé, soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) (ATF 148 V 174 consid. 6.2; 139 V 592 consid. 2.3; 135 V 297 consid. 5.2). Aux fins de déterminer le revenu d’invalide, le salaire fixé sur cette base peut à certaines conditions faire l’objet d’un abattement de 25% au plus (ATF 148 V 174 consid. 6.3; 129 V 472 consid. 4.2.3; 126 V 75 consid. 5b/aa-cc).

Consid. 4.1.2
La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité/catégorie d’autorisation de séjour et taux d’occupation). Il n’y a pas lieu de procéder à des déductions distinctes pour chacun des facteurs entrant en considération. Il faut bien plutôt procéder à une évaluation globale, dans les limites du pouvoir d’appréciation, des effets de ces facteurs sur le revenu d’invalide, compte tenu de l’ensemble des circonstances du cas concret (ATF 148 V 174 consid. 6.3; 126 V 75 consid. 5b/bb; arrêt 8C_716/2021 du 12 octobre 2022 consid. 5.3 et les arrêts cités).

Consid. 4.1.3
Le point de savoir s’il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou à d’autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral (ATF 146 V 16 consid. 4.2; 142 V 178 consid. 2.5.9). En revanche, l’étendue de l’abattement sur le salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci (ATF 146 V 16 consid. 4.2; 137 V 71 consid. 5.1), notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (ATF 135 III 179 consid. 2.1; 130 III 176 consid. 1.2).

Consid. 4.1.4
Le critère du taux d’occupation réduit peut être pris en compte pour déterminer l’étendue de l’abattement à opérer sur le salaire statistique d’invalide lorsque le travail à temps partiel se révèle proportionnellement moins rémunéré que le travail à plein temps. A cet égard, le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de constater que le travail à plein temps n’est pas nécessairement proportionnellement mieux rémunéré que le travail à temps partiel; dans certains domaines d’activités, les emplois à temps partiel sont en effet répandus et répondent à un besoin de la part des employeurs, qui sont prêts à les rémunérer en conséquence (ATF 126 V 75 consid. 5a/cc; arrêt 9C_18/2022 du 9 novembre 2022 consid. 3.2 et les arrêts cités). Cela étant, le travail à temps partiel peut, selon les statistiques, être synonyme d’une perte de salaire pour les travailleurs de sexe masculin (arrêt 9C_18/2022 précité consid. 3.2 in fine et les arrêts cités).

Consid. 4.2
La cour cantonale a fixé le revenu d’invalide sur la base de l’ESS 2014, TA1_tirage_skill_level, niveau de compétence 1, total hommes. S’agissant de l’abattement, elle a retenu que les facteurs de la nationalité, de l’âge et des années de service n’entraient pas en ligne de compte. Il en allait de même des limitations fonctionnelles, dont il avait déjà été tenu compte pour déterminer la capacité de travail. En revanche, dès lors que « dans une activité adaptée, non seulement le rendement, mais aussi la capacité de travail […] a[vait] fait l’objet d’une diminution par les médecins-experts », un abattement de 5% était justifié. Compte tenu d’une capacité résiduelle de travail de 60% et d’un abattement de 5%, le revenu d’invalide s’élevait à 37’991 fr. 95. En présence d’un revenu sans invalidité non contesté de 52’074 fr., il en résultait un taux d’invalidité (arrondi) de 27%.

Consid. 4.4
Selon les médecins-experts, l’assuré doit limiter les activités impliquant un rythme de travail soutenu, la gestion du stress et la prise de responsabilités; des activités sans pression temporelle et interactions sociales « confrontantes » doivent également être privilégiées, l’intéressé présentant par ailleurs un besoin d’encadrement, une tendance à la désorganisation, de la fatigabilité et des troubles de l’attention. Ce sont précisément ces limitations fonctionnelles qui ont amené les experts à conclure que l’assuré disposait d’une capacité de travail de 80% avec une baisse de rendement de 25%, soit une capacité équivalant à une activité à 60% (cf. consid. 3.4 supra), de sorte qu’un abattement en raison des limitations fonctionnelles est exclu, comme retenu à juste titre par les juges cantonaux. En revanche, c’est à tort que ceux-ci ont appliqué un abattement de 5% au seul motif que l’assuré ne disposait pas d’une pleine capacité de travail avec un plein rendement. Dès lors que pour calculer le revenu d’invalide, ils ont multiplié par 60% le revenu annuel pour une activité à plein temps issu de l’ESS, le travail à temps partiel ne se révèle pas proportionnellement moins rémunéré que le travail à plein temps (cf. consid. 4.1.4 supra). Le revenu d’invalide, qui ne peut faire l’objet d’aucun abattement, doit ainsi être corrigé et s’élève à 39’991 fr. 54. Compte tenu d’un revenu sans invalidité de 52’074 fr., le taux d’invalidité doit être fixé à 23%.

 

Consid. 5.1
Selon l’art. 19 al. 1 LAA, le droit à la rente prend naissance dès qu’il n’y a plus lieu d’attendre de la continuation du traitement médical une sensible amélioration de l’état de santé de l’assuré et que les éventuelles mesures de réadaptation de l’assurance-invalidité ont été menées à terme (première phrase); le droit au traitement médical et aux indemnités journalières cesse dès la naissance du droit à la rente (seconde phrase).

Aux termes de l’art. 21 al. 1 LAA, lorsque la rente a été fixée, les prestations pour soins et remboursement de frais (art. 10 à 13) sont accordées à son bénéficiaire dans les cas suivants: lorsqu’il souffre d’une maladie professionnelle (let. a); lorsqu’il souffre d’une rechute ou de séquelles tardives et que des mesures médicales amélioreraient notablement sa capacité de gain ou empêcheraient une notable diminution de celle-ci (let. b); lorsqu’il a besoin de manière durable d’un traitement et de soins pour conserver sa capacité résiduelle de gain (let. c); lorsqu’il présente une incapacité de gain et que des mesures médicales amélioreraient notablement son état de santé ou empêcheraient que celui-ci ne subisse une notable détérioration (let. d). Selon la jurisprudence, l’art. 21 al. 1 let. d LAA s’applique uniquement aux bénéficiaires d’une rente d’invalidité qui présentent une incapacité totale de travail (ATF 124 V 52 consid. 4; arrêts 8C_601/2022 du 31 mars 2023 consid. 5.2; 8C_434/2020 du 26 octobre 2020 consid. 4.3 et les arrêts cités).

Consid. 5.2
Les juges cantonaux ont souligné que l’assurance-accidents avait mis un terme au paiement du traitement médical à partir du 01.09.2015. Dans leur rapport, les médecins-experts avaient évoqué l’instauration d’un traitement psychotrope ou d’une thérapie psychiatrique en cas de péjoration de l’état de santé de l’assuré. Dans ces conditions, celui-ci avait droit, en application de l’art. 21 al. 1 let. d LAA, au remboursement des frais médicaux occasionnés par ces traitements au-delà du 31.08.2015.

Consid. 5.3
L’assurance-accidents soutient qu’aucun expert n’aurait estimé que des mesures médicales pourraient améliorer notablement l’état de santé de l’assuré ou empêcher une notable détérioration dudit état de santé. En outre, il ne serait pas établi au degré de la vraisemblance prépondérante qu’un traitement psychotrope ou un suivi psychiatrique seraient de nature à avoir un impact sur l’état de santé de l’assuré.

Consid. 5.4
Dès lors que l’assuré n’est pas en incapacité totale de travail, l’art. 21 al. 1 let. d LAA ne trouve pas application. Il ne résulte pas non plus des faits constatés par le tribunal cantonal que l’un des autres cas de figure – exhaustifs (arrêt 8C_601/2022 précité consid. 5.1.1 et la référence) – prévus à l’art. 21 al. 1 LAA se présenterait. S’agissant en particulier de l’art. 21 al. 1 let. c LAA, les médecins-experts n’ont pas indiqué que des soins durables étaient nécessaires pour conserver la capacité résiduelle de travail fixée à 60%. L’experte en psychiatrie s’est limitée à relever qu’en cas d’aggravation de l’état de santé, un traitement psychotrope ou un suivi psychologique pouvait être instauré. Par conséquent, c’est à tort que les juges cantonaux ont estimé que l’assuré avait droit au remboursement des frais médicaux postérieurs au 31.08.2015.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assurance-accidents.

 

Arrêt 8C_39/2023 consultable ici

 

8C_211/2023 (f) du 13.09.2023 – Pas de révision de la rente d’invalidité après rechute et nouvelle opération qui ne modifient ni les limitations fonctionnelles ni la capacité de travail exigible – 17 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_211/2023 (f) du 13.09.2023

 

Consultable ici

 

Pas de révision de la rente d’invalidité après rechute et nouvelle opération qui ne modifient ni les limitations fonctionnelles ni la capacité de travail exigible / 17 LPGA

 

Assuré, « gérant-tuyauteur », qui a été victime le 10.10.2012 de la chute d’un tuyau de climatisation d’environ 150 kilos sur la tête, l’épaule droite et les jambes, entraînant un TCC léger et diverses fractures et lésions de l’omoplate droite, de la clavicule droite, du péroné droit, de la cheville gauche, du genou droit et des côtes 3-4-5 à droite. Ostéosynthèse de la clavicule droite le 11.10.2012, les autres fractures ayant fait l’objet de traitements conservateurs. L’AMO a été pratiquée le 09.02.2016. Appréciation médicale du médecin-conseil du 24.08.2016 : la situation était subjectivement et objectivement stabilisée. Il a décrit les limitations fonctionnelles de l’assuré et a indiqué que celui-ci disposait d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée à ces restrictions. Estimation de l’IPAI : 30% (15% pour l’épaule droite, 10% pour le genou droit et 5% pour la cheville gauche).

Par décision sur opposition du 24.03.2017, l’assurance-accidents a alloué à l’assuré une rente d’invalidité fondée sur un taux de 16% dès le 01.05.2016 et l’IPAI.

Alors qu’il travaillait comme soudeur depuis le 10.10.2018, l’assuré a, le 19.02.2019, annoncé une rechute de l’accident du 10.10.2012. L’orthopédiste traitant proposait une arthroscopie de l’épaule droite dans le contexte de la reprise d’un travail relativement lourd, avec des surcharges mécaniques, dans la métallurgie, opération réalisée le 12.03.2021.

Appréciation médicale du médecin-conseil du 13.10.2021 : la situation était stabilisée à plus de six mois de l’intervention chirurgicale du 12.03.2021. Les limitations fonctionnelles sont les mêmes que celles définies en août 2016 et le taux de l’atteinte à l’intégrité demeure inchangé. L’assuré bénéficiait d’une capacité de travail entière dans une activité adaptée à ses limitations fonctionnelles depuis le 01.11.2021. La profession de soudeur n’était toutefois pas adaptée à ces restrictions.

L’assurance-accidents a écrit à l’assuré le 14.10.2021 qu’elle mettrait un terme à la prise en charge du traitement médical au 31.12.2021 ainsi qu’au versement de l’indemnité journalière au 31.10.2021 ; en présence de limitations fonctionnelles inchangées par rapport à celles fixées le 24.08.2016, le droit à une rente d’invalidité de 16% était maintenu. Par décision du 01.12.2021 confirmée sur opposition, renvoyé à son courrier du 14.10.2021, en précisant que l’octroi d’une IPAI supplémentaire déjà allouée ne se justifiait pas.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 61/22 – 31/2023 – consultable ici)

Par jugement du 07.03.2023, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Consid. 5.1
Les juges cantonaux ont relevé que le médecin-conseil avait estimé que la situation de l’assuré n’avait pas empiré. Selon ce médecin, les limitations fonctionnelles retenues en 2016 restaient valables. Le médecin-conseil avait, au terme d’une appréciation minutieuse, dûment motivé ses conclusions et distingué les éléments subjectifs, basés sur les plaintes de l’assuré, et ses propres constatations pour évaluer l’évolution de l’état de santé de l’intéressé et sa capacité de travail résiduelle dans une activité adaptée. Le chirurgien traitant avait indiqué qu’il n’y avait pas eu d’éléments nouveaux très objectifs prouvant une péjoration des troubles de l’épaule droite, l’imagerie étant très peu évolutive et l’examen clinique relativement superposable; il s’agissait principalement d’une décompensation d’un status séquellaire post-traumatique. Ce médecin traitant avait en outre décrit des limitations fonctionnelles similaires à celles retenues par l’assurance-accidents. Il avait certes évoqué une capacité résiduelle de travail de 60-70%, même dans une activité adaptée, mais sans se baser sur des éléments médicaux objectifs. Contrairement à ce que soutenait l’assuré, le médecin-conseil avait par ailleurs pris en compte l’ensemble des atteintes liées à l’accident (épaule droite, genou droit et cheville gauche). Dans ces conditions, rien ne permettait de remettre en cause le constat d’une pleine capacité de travail dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles – identiques à celles posées en 2016 – depuis le 01.11.2021. Dans la mesure où aucun changement n’était intervenu sur le plan de la capacité de travail résiduelle dans une telle activité depuis 2016, il n’y avait pas lieu de réexaminer le calcul de la perte de gain et de revenir sur les bases du calcul du taux d’invalidité de 16% opéré en 2017.

Consid. 5.3
L’appréciation du médecin-conseil du 13.10.2021 est détaillée et convaincante et l’avis du chirurgien traitant ne fait pas douter de son bien-fondé. Au terme de son examen, le premier nommé a considéré que les limitations fonctionnelles de l’épaule droite et des membres inférieurs étaient inchangées depuis l’évaluation de 2016. Or les limitations fonctionnelles dont fait état le chirurgien traitant sont très similaires à celles retenues à cette époque. La seule différence concerne la limite du port de charges (5-10 kilos contre 15 kilos). Le chirurgien traitant n’explique pas pour quel motif il s’écarte sur ce point de l’appréciation du médecin-conseil, ni en quoi cette différence justifierait une diminution de la capacité de travail par rapport à la situation prévalant en 2016. En vérité, il ne motive nullement la capacité de travail partielle de 60-70% qu’il atteste. Il n’expose pas pour quelle raison l’assuré ne pourrait exercer qu’à temps partiel une activité adaptée à ses restrictions fonctionnelles. L’activité exigible de l’assuré étant identique à celle dont il a été tenu compte dans le cadre de la décision sur opposition du 24.03.2017, la rente d’invalidité ne saurait être révisée en application de l’art. 17 al. 1 LPGA. Il est également exclu de retenir que par opposition à la situation prévalant au moment de cette décision, l’assuré ne disposerait pas ou plus de certaines connaissances ou compétences, de telle manière à impacter sa capacité de gain. On rappellera qu’une simple appréciation différente d’un état de fait qui, pour l’essentiel, est demeuré inchangé ne justifie pas une révision au sens de l’art. 17 al. 1 LPGA (ATF 147 V 167 consid. 4.1; 144 I 103 consid. 2.1; 141 V 9 consid. 2.3).

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

Arrêt 8C_211/2023 consultable ici