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Motion 21.3522 « Non au versement par la Suisse des indemnités de chômage des frontaliers de l’UE » – Avis du Conseil fédéral du 18.08.2021

Motion 21.3522 « Non au versement par la Suisse des indemnités de chômage des frontaliers de l’UE » – Avis du Conseil fédéral du 18.08.2021

 

Motion 21.3522 consultable ici

 

Texte déposé

Le Conseil fédéral est chargé d’indiquer clairement à l’Union européenne que la Suisse ne reprendra pas le changement de compétences que la révision du règlement 883/2004 de l’UE portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale prévoit d’apporter en matière de versement des prestations de chômage aux frontaliers. La Suisse doit refuser catégoriquement que les obligations financières liées au versement des indemnités de chômage incombent désormais à l’Etat où la personne a travaillé en dernier et non plus à l’Etat de domicile. Le mandat de négociation sera formulé en conséquence.

 

Développement

La procédure législative interne de l’UE relative à la révision du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale n’est pas encore terminée. Un compromis semblait avoir été trouvé par les instances européennes entre le Parlement, la Commission et le Conseil. Cet accord n’ayant pu trouver la majorité nécessaire au Comité des représentants permanents, il incombera aux futures présidences de l’UE de poursuivre les travaux de réforme du règlement portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale.

En absence d’une version définitive de l’acte modificatif, il n’est pas possible de conférer un mandat de négociation à la délégation suisse auprès du comité mixte de l’accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). Avant que le comité mixte de l’ALCP puisse discuter de la reprise éventuelle du règlement révisé et de ses modalités dans l’ALCP, l’UE doit en adresser la demande à la Suisse.

Conformément à l’annexe II de l’ALCP, la Suisse n’est pas tenue de reprendre une nouvelle réglementation. On peut pourtant s’attendre à ce que l’UE et ses Etats membres exigent de la Suisse qu’elle reprenne le règlement n° 883/2004 révisé dans l’ALCP. Une telle reprise nécessite l’accord des deux parties au sein du comité mixte de l’ALCP, lequel est composé de manière paritaire. Le Conseil fédéral examinera la question d’une reprise du règlement révisé en temps opportun. Vu sa portée et les répercussions qu’elle implique, l’acceptation de la reprise sera vraisemblablement du ressort de l’Assemblée fédérale (de même qu’un éventuel référendum).

Si nous déposons la présente motion, c’est parce que la motion 19.3032, au libellé identique, a été classée après deux ans sans avoir été traitée.

 

Avis du Conseil fédéral du 18.08.2021

La réponse du Conseil fédéral du 15 mai 2019 à la motion identique 19.3032 est toujours valable.

La procédure législative interne de l’UE concernant la révision du règlement (CE) n° 883/2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale n’est pas encore achevée. C’est pourquoi, en l’absence d’une version définitive de l’acte juridique de l’UE, il n’est pas possible d’anticiper les discussions sur cette question au sein du Comité mixte de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP). Le Conseil fédéral examinera en temps utile la question de l’adoption de la réglementation révisée.

Selon la portée et les effets de l’adoption, l’Assemblée fédérale sera probablement chargée de l’approuver (y compris un éventuel référendum).

 

Proposition du Conseil fédéral du 18.08.2021

Le Conseil fédéral propose de rejeter la motion.

 

 

Motion 21.3522 « Non au versement par la Suisse des indemnités de chômage des frontaliers de l’UE » consultable ici

 

 

Message du Conseil fédéral concernant la convention de sécurité sociale conclue avec la Tunisie

Message du Conseil fédéral concernant la convention de sécurité sociale conclue avec la Tunisie

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 18.08.2021 consultable ici

 

Lors de sa séance du 18 août 2021, le Conseil fédéral a transmis au Parlement le message concernant l’approbation de la convention de sécurité sociale conclue entre la Suisse et la Tunisie. La convention coordonne en particulier les systèmes de prévoyance vieillesse, survivants et invalidité des États contractants et règle le versement des rentes à l’étranger. Les relations économiques de la Suisse avec la Tunisie s’en trouveront renforcées.

Sur le fond, la convention correspond aux conventions de sécurité sociale déjà conclues par la Suisse et elle est conforme aux standards internationaux en matière de coordination des systèmes de sécurité sociale. Elle coordonne la prévoyance vieillesse, survivants et invalidité de manière à prévenir que les ressortissants d’un des deux États contractants ne soient désavantagés ou discriminés par rapport à ceux de l’autre État. La convention garantit par conséquent une large égalité de traitement des assurés, règle le versement des rentes à l’étranger et évite les doubles assujettissements. Elle pose en outre les bases de la collaboration en matière de lutte contre les abus.

La convention a été signée par les États partenaires le 25 mars 2019. Son entrée en vigueur requiert l’approbation préalable des parlements des deux États.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 18.08.2021 consultable ici

Message du Conseil fédéral (version provisoire) consultable ici

Texte de la Convention (version provisoire) disponible ici

 

 

Suisse / Royaume-Uni : le Conseil fédéral approuve la nouvelle convention de sécurité sociale

Suisse / Royaume-Uni : le Conseil fédéral approuve la nouvelle convention de sécurité sociale

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 11.08.2021 consultable ici

 

Le 11 août 2021, le Conseil fédéral a approuvé une nouvelle convention de sécurité sociale entre la Suisse et le Royaume-Uni, ce qui doit permettre d’assurer à long terme la coordination des assurances sociales des deux États après la sortie du Royaume-Uni de l’UE. Cette convention est une composante de la stratégie «Mind the Gap», adoptée par le Conseil fédéral à la suite du Brexit. La convention sera déjà appliquée à titre provisoire après consultation des commissions parlementaires compétentes.

Jusqu’à la sortie effective du Royaume-Uni de l’UE, le 21 janvier 2021, les systèmes de sécurité sociale de la Suisse et du Royaume-Uni étaient coordonnés dans le cadre de l’Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’UE (ALCP). L’exécution du Brexit par le Royaume-Uni a mis fin à cette coordination. Dès lors, les droits acquis dans le cadre de l’ALCP sont protégés par l’Accord entre la Confédération suisse et le Royaume-Uni relatif aux droits des citoyens. Afin de réglementer de manière ciblée et exhaustive leurs relations juridiques en matière de sécurité sociale, les deux États ont négocié une nouvelle convention. Le Conseil fédéral vient d’approuver le résultat de ces négociations.

 

La convention facilite la vie des assurés et le fonctionnement des entreprises

La nouvelle convention de sécurité sociale garantit aux assurés une large égalité de traitement et un accès facilité aux prestations de sécurité sociale. Elle évite la surassurance et les lacunes d’assurance pour les personnes concernées par les systèmes de sécurité sociale des deux États. L’engagement temporaire de main d’œuvre dans l’autre État partie est ainsi facilité. La convention correspond largement à la coordination des systèmes de sécurité sociale prévue par le nouvel accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et le Royaume-Uni et se fonde sur les principes du droit de coordination de l’UE, que la Suisse applique dans le cadre de l’ALCP.

 

La nouvelle convention doit être appliquée à titre provisoire aussi vite que possible

Les commissions parlementaires compétentes seront consultées afin que la convention puisse être appliquée provisoirement au plus vite. Elle entrera en vigueur dès qu’elle aura été ratifiée par les parlements des deux États.

 

 

Communiqué de presse de l’OFAS du 11.08.2021 consultable ici

Informations sur la situation après la sortie du Royaume-Uni de l’UE en matière d’assurances sociales, site de l’OFAS, consultable ici

 

 

Entrée en vigueur de la convention de sécurité sociale avec la Bosnie et Herzégovine au 01.09.2021

Entrée en vigueur de la convention de sécurité sociale avec la Bosnie et Herzégovine au 01.09.2021

 

Bulletin à l’intention des caisses de compensation AVS et des organes d’exécution des PC No 439 du 04.08.2021 consultable ici

Communication concernant l’exécution des allocations familiales no 42 du 04.08.2021 consultable ici

 

Les procédures d’approbation parlementaires ayant été accomplies dans les deux Etats contractants, la convention conclue par la Suisse avec la Bosnie et Herzégovine entre en vigueur le 01.09.2021.

Ce nouvel accord actualise la coordination des assurances sociales entre la Suisse et cet Etat successeur de la Yougoslavie. Il remplace l’accord avec l’ex-Yougoslavie qui était appliqué jusqu’à présent.

Le contenu de l’accord correspond largement à celui de l’accord jusqu’alors applicable avec l’ex-Yougoslavie. De nouvelles dispositions ont été introduites dans le domaine des allocations familiales au titre de la LAFam, concernant la durée du détachement, la coassurance des membres de famille sans activité lucrative et s’agissant de la totalisation de périodes d’assurance pour les rentes AI.

 

Champ d’application matériel (LAFam/LFA)

Les allocations familiales entraient jusqu’à maintenant dans le champ d’application matériel de la convention de sécurité sociale avec l’ex-Yougoslavie.

Dans le cadre de cette convention, les ressortissants suisses avaient droit aux allocations familiales selon la LAFam et selon la LFA pour leurs enfants domiciliés en Bosnie et Herzégovine. Les ressortissants de Bosnie et Herzégovine avaient droit aux allocations familiales selon la LAFam et la LFA pour leurs enfants ayant leur domicile à l’étranger. La nouvelle convention bilatérale règle principalement l’assurance-vieillesse et survivants, l’assurance invalidité et l’assurance accident ainsi que, dans une mesure limitée, l’assurance maladie.

Les allocations familiales selon la LAFam ne sont plus incluses dans le champ d’application matériel de la nouvelle convention. En vertu de celle-ci, les enfants ayant leur domicile en Bosnie et Herzégovine ainsi que dans les autres pays ne donnent désormais plus droit aux allocations familiales pour les ressortissants de Bosnie et Herzégovine et de Suisse. Aucune disposition transitoire n’est prévue.

En revanche, les allocations familiales selon la LFA entrent encore dans le champ d’application de la nouvelle convention. Les ressortissants de Bosnie et Herzégovine continueront ainsi à avoir droit à l’exportation des prestations dans le monde entier, indépendamment du domicile des enfants. Les ressortissants suisses quant à eux n’auront droit à ces allocations que pour les enfants domiciliés en Bosnie et Herzégovine.

 

Détachement

La nouvelle période de détachement en relation avec la Bosnie et Herzégovine est de 24 mois (contre 36 mois auparavant). La durée du détachement peut toujours être prolongée jusqu’à 6 ans au maximum dans le cadre d’un accord particulier entre les autorités compétentes.

 

Coassurance des membres de famille sans activité lucrative

Les membres de famille sans activité lucrative qui accompagnent p. ex. une personne détachée en Bosnie et Herzégovine, restent désormais assurés à l’AVS/AI/APG. Dans le cas inverse, ils restent assurés dans l’état contractant et sont exemptés de l’AVS/AI/APG suisse.

 

Totalisation de périodes d’assurance pour les rentes AI

Les périodes de cotisation à l’étranger seront désormais prises en compte pour remplir la durée minimale de cotisation de 3 ans pour l’ouverture du droit à une rente AI en relation avec la Bosnie et Herzégovine, à condition qu’elles aient été accomplies dans un pays avec lequel la Suisse a conclu une convention de sécurité sociale prévoyant la totalisation des périodes d’assurance pour le droit à une rente ordinaire de l’assurance-invalidité suisse, et qu’au moins une année de cotisation ait été accomplie en Suisse.

 

 

Bulletin à l’intention des caisses de compensation AVS et des organes d’exécution des PC No 439 du 04.08.2021 consultable ici

Communication concernant l’exécution des allocations familiales no 42 du 04.08.2021 consultable ici

Version allemande du Bulletin No 439 (Inkrafttreten des Sozialversicherungsabkommens mit Bosnien und Herzegowina per 01.09.2021) disponible ici et de la Communication no 42 (Mitteilung über die Durchführung der Familienzulagen Nr. 42) disponible ici

Version italienne du Bulletin No 439  (Entrata in vigore della Convenzione di sicurezza sociale fra la Confederazione Svizzera e la Bosnia ed Erzegovina il 01.09.2021) disponible ici [pas de version italienne de la Communication no 42]

Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la Bosnie et Herzégovine parue à la FF 2020 5637

Arrangement administratif concernant l’application de la Convention de sécurité sociale entre la Confédération suisse et la Bosnie et Herzégovine parue in RO 2021 515

 

Arrêt de la CJUE du 15.07.2021 – Affaire C-535/19 – Prestations de maladie – Droit de séjour de plus de trois mois d’un ressortissant d’un État membre sans activité économique séjournant légalement sur le territoire d’un autre État membre – Législation applicable – Condition de disposer d’une assurance maladie complète – Règl. (CE) n° 883/2004

Arrêt de la CJUE du 15.07.2021 – Affaire C-535/19

 

Arrêt consultable ici

Communiqué de presse du 15.07.2021 consultable ici

 

Prestations de maladie – Droit de séjour de plus de trois mois d’un ressortissant d’un État membre sans activité économique séjournant légalement sur le territoire d’un autre État membre – Législation applicable – Condition de disposer d’une assurance maladie complète / Règl. (CE) n° 883/2004

 

La Cour confirme le droit des citoyens de l’Union économiquement inactifs, résidant dans un État membre autre que leur État membre d’origine, d’être affiliés au système public d’assurance maladie de l’État membre d’accueil. Le droit de l’Union n’impose cependant pas l’obligation d’affiliation gratuite audit système.

A, ressortissant italien marié à une ressortissante lettonne, a quitté l’Italie et s’est installé en Lettonie pour rejoindre sa femme et leurs deux enfants mineurs.

Peu après son arrivée en Lettonie, le 22 janvier 2016, il a demandé au Latvijas Nacionālais veselības dienests (Service national de santé, Lettonie) de l’affilier au système public d’assurance maladie obligatoire letton. Sa demande a été rejetée par une décision du 17 février 2016, qui a été confirmée par le ministère de la Santé au motif qu’A ne relevait d’aucune des catégories de bénéficiaires des soins médicaux financés par l’État dès lors qu’il n’était ni salarié ni travailleur indépendant en Lettonie.

Son recours contre la décision de rejet des autorités lettonnes ayant été rejeté, A a interjeté appel devant l’Administratīvā apgabaltiesa (Cour administrative régionale, Lettonie), laquelle a également adopté un arrêt qui lui était défavorable.

C’est dans ce contexte que l’Augstākā tiesa (Senāts) (Cour suprême, Lettonie), saisie d’un pourvoi introduit par A, a décidé d’interroger la Cour de justice sur la compatibilité du rejet de la demande d’A par les autorités lettonnes avec le droit de l’Union dans les domaines de la citoyenneté et de la sécurité sociale.

Dans son arrêt, rendu en grande chambre, la Cour confirme le droit des citoyens de l’Union économiquement inactifs, résidant dans un État membre autre que celui de leur origine, d’être affiliés au système public d’assurance maladie de l’État membre d’accueil, afin de bénéficier de prestations de soins médicaux financés par cet État. La Cour précise, toutefois, que le droit de l’Union n’impose pas l’obligation d’affiliation gratuite audit système.

 

Appréciation de la Cour

Dans un premier temps, la Cour vérifie l’applicabilité du règlement no 883/2004 à des prestations de soins médicaux telles que celles en cause au principal. Elle conclut que des prestations financées par l’État et octroyées, en dehors de toute appréciation individuelle et discrétionnaire des besoins personnels, aux personnes relevant des catégories de bénéficiaires définies par la législation nationale, constituent des « prestations de maladie », au sens de l’article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement no 883/2004 [1]. Ces prestations relèvent ainsi du champ d’application de ce règlement, n’étant pas des prestations d’« assistance sociale et médicale » exclues de ce champ d’application [2].

Dans un deuxième temps, la Cour examine, en substance, si l’article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement no 883/2004 ainsi que l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38 [3] s’opposent à une législation nationale excluant du droit d’être affiliés au système public d’assurance maladie de l’État membre d’accueil, afin de bénéficier de prestations de soins médicaux financés par cet État, les citoyens de l’Union économiquement inactifs, ressortissants d’un autre État membre, relevant, en vertu de l’article 11, paragraphe 3, sous e), de ce règlement, de la législation de l’État membre d’accueil et exerçant leur droit de séjour sur le territoire de celui-ci conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), de cette directive.

À cet égard, la Cour indique, d’abord, que, dans le cadre du système de règles de conflit établi par le règlement no 883/2004 [4], visant à déterminer la législation nationale applicable à la perception des prestations de sécurité sociale, les personnes économiquement inactives relèvent, en principe, de la législation de l’État membre de leur résidence.

Elle souligne, ensuite, que, lorsqu’ils fixent les conditions de l’existence du droit d’être affilié à un régime de sécurité sociale, les États membres sont tenus de respecter les dispositions du droit de l’Union en vigueur. En particulier, les règles de conflit prévues par le règlement no 883/2004 s’imposant de manière impérative aux États membres, ceux-ci ne peuvent pas déterminer dans quelle mesure leur propre législation ou celle d’un autre État membre est applicable.

Partant, un État membre ne saurait, en vertu de sa législation nationale, refuser d’affilier à son système public d’assurance maladie un citoyen de l’Union qui, conformément à l’article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement no 883/2004, portant sur la détermination de la législation applicable, relève de la législation de cet État membre.

La Cour analyse, enfin, l’incidence sur l’affiliation à la sécurité sociale de l’État membre d’accueil des dispositions de la directive 2004/38, et notamment de son article 7, paragraphe 1, sous b). Il découle de cette dernière disposition que, pendant toute la durée du séjour sur le territoire de l’État membre d’accueil supérieure à trois mois et inférieure à cinq ans, le citoyen de l’Union économiquement inactif doit notamment disposer, pour lui-même et pour les membres de sa famille, d’une assurance maladie complète afin de ne pas devenir une charge déraisonnable pour les finances publiques de cet État membre.

Concernant l’articulation entre cette condition d’un séjour conforme à la directive 2004/38 et l’obligation d’affiliation découlant du règlement no 883/2004, la Cour précise que l’État membre d’accueil d’un citoyen de l’Union économiquement inactif peut prévoir que l’accès à ce système ne soit pas gratuit afin d’éviter que le même citoyen ne devienne une charge déraisonnable pour les finances publiques dudit État membre.

La Cour considère, en effet, que l’État membre d’accueil a le droit de subordonner l’affiliation à son système public d’assurance maladie d’un citoyen de l’Union économiquement inactif, séjournant sur son territoire sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, à des conditions, telles que la conclusion ou le maintien, par ce citoyen, d’une assurance maladie complète privée, permettant le remboursement audit État membre des dépenses de santé encourues par ce dernier en faveur de ce citoyen, ou le paiement, par un tel citoyen, d’une contribution au système public d’assurance maladie de cet État membre. Il incombe néanmoins à l’État membre d’accueil de veiller au respect du principe de proportionnalité dans ce contexte et donc à ce qu’il ne soit pas excessivement difficile pour le citoyen concerné de respecter de telles conditions.

La Cour conclut que l’article 11, paragraphe 3, sous e), du règlement no 883/2004, lu à la lumière de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2004/38, s’oppose à une législation nationale excluant du droit d’être affiliés au système public d’assurance maladie de l’État membre d’accueil, afin de bénéficier de prestations de soins médicaux financés par cet État, les citoyens de l’Union économiquement inactifs, ressortissants d’un autre État membre, relevant, en vertu de ce règlement, de la législation de l’État membre d’accueil et exerçant leur droit de séjour sur le territoire de celui-ci conformément à cette directive.

Ces dispositions ne s’opposent pas, en revanche, à ce que l’affiliation de tels citoyens de l’Union à ce système ne soit pas gratuite, afin d’éviter que lesdits citoyens ne deviennent une charge déraisonnable pour les finances publiques de l’État membre d’accueil.

 

 

[1] Règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), tel que modifié par le règlement (CE) no 988/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009 (JO 2009, L 284, p. 43).

[2] En vertu de l’article 3, paragraphe 5, sous a), du règlement no 883/2004.

[3] Directive 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au droit des citoyens de l’Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, modifiant le règlement (CEE) no 1612/68 et abrogeant les directives 64/221/CEE, 68/360/CEE, 72/194/CEE, 73/148/CEE, 75/34/CEE, 75/35/CEE, 90/364/CEE, 90/365/CEE et 93/96/CEE (JO 2004, L 158, p. 77, et rectificatif JO 2004, L 229, p. 35).

[4] Article 1 1, paragraphe 3, sous e), du règlement no 883/2004.

 

 

Arrêt de la CJUE du 15.07.2021 – Affaire C-535/19 consultable ici

 

 

Lettre d’information de l’OFSP du 26.03.2021 : Pas d’entraide en matière de prestations pour les ressortissants de pays tiers

Lettre d’information de l’OFSP aux associations de fournisseurs de prestations du 26.03.2021 : Pas d’entraide en matière de prestations pour les ressortissants de pays tiers

 

Consultable ici

 

Manière de procéder à l’avenir avec les ressortissants de pays tiers (UE/AELE non compris) qui possèdent la carte européenne d’assurance-maladie (CEAM) d’un pays de l’UE ou de l’AELE et se font soigner en Suisse

Sur la base du règlement (UE) n° 1231/2010 (Règlement (UE) n° 1231/2010), la majorité des États de l’UE/AELE applique les dispositions de coordination relevant du droit de la sécurité sociale également aux ressortissants de pays tiers qui résident légalement dans l’UE ou l’AELE. Ces dispositions sont fixées dans le règlement (CE) no 883/2004 (Règlement (CE) n° 883/2004) et dans le règlement (CE) n° 987/2009 (Règlement (CE) n° 987/2009). Les personnes concernées disposent donc d’une CEAM qui les autorise à bénéficier de l’entraide en matière de prestations dans la plupart des États de l’UE ou de l’AELE. En Suisse, les ressortissants de pays tiers ne peuvent cependant recourir aux prestations de la CEAM que s’ils sont membres de la famille d’un citoyen de l’UE ou de l’AELE, ou de la Suisse. La même règle s’applique également aux apatrides et aux réfugiés ainsi qu’aux membres de leurs familles s’ils habitent dans un pays de l’UE ou de l’AELE. La Suisse n’a pas repris le règlement (UE) n° 1231/2010.

Jusqu’ici, seuls les organismes d’assurance-maladie espagnols renvoient les demandes de remboursement de l’Institution commune LAMal (IC LAMal) lorsqu’elles concernent les traitements de ressortissants de pays tiers. Par conséquent, les prestations ne sont plus prises en charge par l’IC LAMal via l’entraide en matière de prestations (cf. lettre d’information de l’OFSP du 09.03.2012, ch. 8). D’autres États ont cependant également commencé à contester les demandes de remboursement de frais concernant des ressortissants de pays tiers. Il existe un risque croissant que les remboursements de coûts demandés par la Suisse via l’entraide en matière de prestations pour des traitements médicaux de ressortissants d’États tiers de l’UE ou de l’AELE ne soient plus effectués par l’assureur maladie étranger compétent.

Afin de prévenir d’autres défauts de paiement, les personnes qui possèdent une CEAM ou un certificat provisoire de remplacement devront à l’avenir prouver leur nationalité (UE/AELE ou suisse) s’ils souhaitent recevoir des soins médicaux en Suisse. Dès le 1er juin 2021, les fournisseurs de prestations devront exiger une copie d’une pièce d’identité (p. ex. carte d’identité, passeport). Les ressortissants d’États tiers ne peuvent prétendre à l’entraide en matière de prestations que s’ils sont membres de la famille d’un citoyen de l’UE ou de l’AELE, ou de la Suisse, s’ils sont apatrides ou réfugiés ou que des membres de leurs familles habitent dans un pays de l’UE ou de l’AELE. Outre la demande de garantie pour la prise en charge des coûts ou la facture, les fournisseurs de prestations doivent remettre à l’IC LAMal une copie de la CEAM ainsi que de la pièce d’identité.

Les coûts des traitements de ressortissants d’États tiers qui ne peuvent prétendre à l’entraide en matière de prestations ne seront plus pris en charge par l’IC LAMal. Les personnes concernées seront traitées comme celles au bénéfice d’une assurance privée. En cas de traitement médical, les fournisseurs de prestations doivent s’assurer que le patient dispose d’une couverture d’assurance suffisante ou d’une garantie de prise en charge. Le cas échéant, les fournisseurs de prestations peuvent exiger une avance sur les coûts.

Ne sont pas concernées par cette mesure les personnes possédant une CEAM délivrée par l’Allemagne. En effet, les coûts pour les ressortissants d’États tiers qui résident en Allemagne sont pris en charge dans le cadre de l’accord de sécurité sociale entre l’Allemagne et la Suisse.

 

 

Lettre d’information de l’OFSP aux associations de fournisseurs de prestations du 26.03.2021 (Pas d’entraide en matière de prestations pour les ressortissants de pays tiers) consultable ici

Version allemande : Informationsschreiben an die Verbände der Leistungserbringer vom 26. März 2021 (Keine Leistungsaushilfe für Drittstaatsangehörige) consultable ici

 

 

Arrêt CJUE du 03.06.2021 – Affaire C-784/19 Team Power Europe – Sécurité sociale – Législation applicable – Certificat A 1 – Détermination de l’État membre dans lequel l’employeur exerce normalement ses activités – Entreprise de travail intérimaire / Règl. (CE) no 883/2004 – Règl. (CE) no 987/2009

Arrêt CJUE du 03.06.2021 – Affaire C-784/19 Team Power Europe

 

Consultable ici

Communiqué de presse de la CJUE du 03.06.2021 consultable ici

 

Législation applicable – Détachement – Travailleurs intérimaires – Certificat A 1 – Détermination de l’État membre dans lequel l’employeur exerce normalement ses activités – Notion d’« activités substantielles autres que des activités de pure administration interne » – Absence de mise à disposition de travailleurs intérimaires sur le territoire de l’État membre dans lequel l’employeur est établi / Art. 12 par. 1 Règl. (CE) no 883/2004 – Art. 14 par. 2 Règl. (CE) no 987/2009

 

Pour être considérée comme « exerçant normalement ses activités » dans un État membre, une entreprise de travail intérimaire doit effectuer une partie significative de ses activités de mise à la disposition de travailleurs au profit d’entreprises utilisatrices établies et exerçant leurs activités sur le territoire dudit État membre. L’exercice d’activités de sélection et de recrutement de travailleurs intérimaires dans l’État membre dans lequel l’entreprise de travail intérimaire est établie ne suffit pas pour que cette entreprise soit regardée comme y exerçant des « activités substantielles »

Au cours de l’année 2018, un ressortissant bulgare a conclu un contrat de travail avec Team Power Europe, une société de droit bulgare dont l’objet social est l’exercice d’une activité de travail intérimaire et de courtage à la recherche d’emploi en Bulgarie et dans d’autres pays. En vertu de ce contrat, il a été mis à disposition d’une entreprise utilisatrice établie en Allemagne. Entre le 15 octobre et le 21 décembre 2018, il devait accomplir son travail sous la direction et le contrôle de cette entreprise allemande.

Considérant, d’une part, que la relation directe entre Team Power Europe et le travailleur en cause n’avait pas été maintenue et, d’autre part, que cette entreprise n’exerçait pas une activité substantielle sur le territoire bulgare, le service des recettes de la ville de Varna (Bulgarie) a rejeté la demande de Team Power Europe tendant à la délivrance d’un certificat A 1 attestant que la législation bulgare de sécurité sociale était applicable au travailleur en cause pendant la période de sa mise à disposition. Selon ce service, la situation de ce travailleur ne relevait donc pas du champ d’application de l’article 12, paragraphe 1, du règlement (CE) no 883/2004 [1], en vertu duquel cette législation bulgare aurait été applicable. La réclamation administrative introduite par Team Power Europe contre cette décision du service des recettes a été rejetée.

C’est dans ce contexte que l’Administrativen sad – Varna (tribunal administratif de Varna), saisi d’un recours juridictionnel tendant à l’annulation de la décision de rejet de cette réclamation administrative, a décidé d’interroger la Cour sur les critères pertinents à prendre en compte afin d’apprécier si une entreprise de travail intérimaire exerce généralement des « activités substantielles autres que des activités de pure administration interne » sur le territoire de l’État membre dans lequel elle est établie, au sens de l’article 14, paragraphe 2, du règlement (CE) no 987/2009 [2], lequel précise l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 883/2004. En effet, la satisfaction de cette exigence par Team Power Europe conditionne l’applicabilité de cette dernière disposition à cette affaire.

Dans son arrêt, rendu en grande chambre, la Cour précise, en ce qui concerne les entreprises de travail intérimaire, la portée de la notion d’« employeur exerçant normalement ses activités » dans un État membre prévue par cette disposition et précisée à l’article 14, paragraphe 2, du règlement no 987/2009.

 

Appréciation de la Cour

La Cour procède, tout d’abord, à une interprétation littérale de cette dernière disposition et relève qu’une entreprise de travail intérimaire se caractérise par le fait qu’elle exerce un ensemble d’activités consistant à procéder à la sélection, au recrutement et à la mise à la disposition de travailleurs intérimaires au profit d’entreprises utilisatrices. À cet égard, la Cour indique que, bien que les activités de sélection et de recrutement de travailleurs intérimaires ne puissent être qualifiées d’« activités de pure administration interne » au sens de cette disposition, l’exercice de ces activités dans l’État membre dans lequel une telle entreprise est établie ne suffit pas pour qu’elle soit regardée comme y exerçant des « activités substantielles ». En effet, les activités de sélection et de recrutement de travailleurs intérimaires ont pour unique objet la mise à la disposition ultérieure par celle-ci de tels travailleurs au profit d’entreprises utilisatrices. La Cour relève à cet égard que, si la sélection et le recrutement de travailleurs intérimaires contribuent certes à générer le chiffre d’affaires réalisé par une entreprise de travail intérimaire, ces activités constituant un préalable indispensable à la mise à disposition ultérieure de tels travailleurs, seule la mise à la disposition de ces travailleurs au profit d’entreprises utilisatrices en exécution des contrats conclus à cette fin avec ces derniers génère effectivement ce chiffre d’affaires. En effet, les revenus d’une telle entreprise dépendent du montant de la rémunération versée aux travailleurs intérimaires ayant été mis à la disposition d’entreprises utilisatrices.

S’agissant, ensuite, du contexte dans lequel la disposition visée s’inscrit, la Cour rappelle que le cas dans lequel un travailleur détaché pour effectuer un travail dans un autre État membre demeure soumis à la législation du premier État membre constitue une dérogation à la règle générale selon laquelle la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un État membre est soumise à la législation de cet État membre [3]. Par conséquent, la disposition qui régit un tel cas doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Dans cette perspective, cette règle dérogatoire ne saurait s’appliquer à une entreprise de travail intérimaire qui ne procède, dans l’État membre où elle est établie, aucunement ou, tout au plus, que de manière négligeable à la mise à la disposition de travailleurs au profit d’entreprises utilisatrices qui y sont également établies. Par ailleurs, les définitions des notions d’« entreprise de travail intérimaire » et de « travailleur intérimaire », prévues par la directive 2008/104/CE [4], en ce qu’elles font ressortir la finalité de l’activité d’une entreprise de travail intérimaire, étayent également l’interprétation selon laquelle une telle entreprise ne peut être considérée comme exerçant, dans l’État membre dans lequel elle est établie, des « activités substantielles » que si elle y accomplit de manière significative des activités de mise à la disposition de ces travailleurs au profit d’entreprises utilisatrices exerçant leurs activités dans le même État membre.

S’agissant, enfin, de l’objectif poursuivi par la disposition concernée, la Cour énonce que la dérogation contenue à l’article 12, paragraphe 1, du règlement no 883/2004, qui représente un avantage offert aux entreprises exerçant la libre prestation de services, ne saurait bénéficier aux entreprises de travail intérimaire orientant leurs activités de mise à disposition de travailleurs intérimaires exclusivement ou principalement vers un ou plusieurs États membres autres que celui dans lequel elles sont établies. En effet, la solution contraire risquerait d’inciter ces entreprises au forum shopping en s’établissant dans l’État membre ayant la législation de sécurité sociale qui leur est la plus favorable. À terme, une telle solution risquerait d’aboutir à une réduction du niveau de protection offert par les systèmes de sécurité sociale des États membres. En outre, la Cour souligne que le fait d’accorder un tel bénéfice à ces mêmes entreprises aurait pour effet de créer, entre les différentes modalités d’emploi possibles, une distorsion de la concurrence en faveur du recours au travail intérimaire par rapport aux entreprises recrutant directement leurs travailleurs, lesquels seraient affiliés au régime de sécurité sociale de l’État membre dans lequel ils travaillent.

La Cour conclut qu’une entreprise de travail intérimaire établie dans un État membre doit, pour être considérée comme « exerçant normalement ses activités » dans cet État membre, effectuer une partie significative de ses activités de mise à la disposition de travailleurs intérimaires au profit d’entreprises utilisatrices établies et exerçant leurs activités sur le territoire dudit État membre.

 

 

[1] Règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1, et rectificatif JO 2004, L 200, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE) no 465/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 (JO 2012, L 149, p. 4). Plus précisément, en vertu de l’article 12, paragraphe 1, de ce règlement, « [l]a personne qui exerce une activité salariée dans un État membre pour le compte d’un employeur y exerçant normalement ses activités, et que cet employeur détache pour effectuer un travail pour son compte dans un autre État membre, demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas vingt-quatre mois et que la personne ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne ».

[2] Règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement (CE) no 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2009, L 284, p. 1). Aux termes de l’article 14, paragraphe 2, de ce règlement, « [a]ux fins de l’application de l’article 12, paragraphe 1, du règlement de base, les termes “y exerçant normalement ses activités” désignent un employeur qui exerce généralement des activités substantielles autres que des activités de pure administration interne sur le territoire de l’État membre dans lequel il est établi. Ce point est déterminé en tenant compte de tous les facteurs caractérisant les activités de l’entreprise en question ; les facteurs pertinents doivent être adaptés aux caractéristiques propres de chaque employeur et à la nature réelle des activités exercées. »

[3] Prévue à l’article 11, paragraphe 3, sous a), du règlement no 883/2004.

[4] Directive 2008/104/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative au travail intérimaire (JO 2008, L 327, p. 9).

 

 

 

Arrêt CJUE du 03.06.2021 – Affaire C-784/19 Team Power Europe consultable ici

Résumé de l’arrêt CJUE du 03.06.2021 – Affaire C-784/19 Team Power Europe consultable ici

Communiqué de presse de la CJUE du 03.06.2021 consultable ici

 

 

Cour de justice de l’Union européenne Affaire C-913/19 – Litige transfrontalier entre un professionnel qui s’est vu transférer la créance d’une victime d’un accident de la circulation sur une entreprise d’assurances et cette entreprise : la Cour précise les règles de compétence juridictionnelle

Cour de justice de l’Union européenne Affaire C-913/19 – Arrêt du 20.05.2021

 

Communiqué de presse du 20.05.2021 consultable ici

Arrêt de la CJUE consultable ici

 

Le 28 février 2018, un accident de la route survenu en Pologne implique deux véhicules entrés en collision. La personne responsable de l’accident avait souscrit un contrat d’assurance de la responsabilité civile automobile auprès de Gefion Insurance A/S (ci-après « Gefion »), compagnie d’assurances ayant son siège au Danemark. Le 1er mars 2018, la personne lésée a loué un véhicule de remplacement auprès de l’atelier de réparation auquel son véhicule endommagé avait été confié. En règlement de cette prestation de location, cette personne a transféré à l’atelier de réparation la créance sur Gefion. Le 25 juin 2018, l’atelier de réparation a ensuite cédé cette même créance à CNP spółka z ograniczoną odpowiedzialnością.

Par lettre du 25 juin 2018, CNP a demandé à Gefion de lui verser le montant facturé pour la location du véhicule de remplacement.

Par lettre du 16 août 2018, Crawford Polska sp. z o.o., société établie en Pologne et chargée par Gefion du règlement du sinistre, a partiellement approuvé la facture relative à la location du véhicule de remplacement et accordé à CNP une partie du montant facturé pour cette location. Dans la partie finale de cette lettre, Crawford Polska a indiqué qu’une réclamation pouvait être introduite à son égard, en sa qualité d’organisme agréé par Gefion, ou directement à l’encontre de Gefion, « soit selon les règles de compétence générale, soit devant la juridiction du domicile ou du siège du preneur d’assurance, de l’assuré, du bénéficiaire ou de l’ayant droit en vertu du contrat d’assurance ».

Le 20 août 2018, CNP a assigné Gefion devant le Sąd Rejonowy w Białymstoku (tribunal d’arrondissement de Białystok, Pologne).

Le 11 décembre 2018, une injonction de payer a été émise par cette juridiction.

Gefion a formé opposition à l’injonction de payer en contestant la compétence des juridictions polonaises pour connaître du litige. Dans ce contexte, la juridiction polonaise a décidé de solliciter la Cour de justice quant à l’interprétation du règlement (UE) n° 1215/2012 sur la compétence judiciaire en matière civile et commerciale.

Par son arrêt de ce jour, la Cour examine, premièrement, la question de savoir si le droit de l’Union fait obstacle à ce que, en cas de litige entre, d’une part, un professionnel ayant acquis une créance initialement détenue par une personne lésée sur une entreprise d’assurances et, d’autre part, cette même entreprise d’assurances, la compétence juridictionnelle soit fondée, le cas échéant, de manière autonome, sur les dispositions de l’article 7 du règlement n° 1215/2012 en vertu desquelles sont compétents les tribunaux du lieu où le fait dommageable s’est produit (point 2) et ceux du lieu de situation d’une succursale, d’une agence ou de tout autre établissement d’une entreprise principale, pour des actions introduites contre cette dernière au titre d’activités impliquant la succursale, l’agence ou l’établissement (point 5) (article 7, points 2 et 5).

Elle rappelle à cet égard que la section 3 du chapitre II du règlement n° 1215/2012, intitulée « Compétence en matière d’assurances », établit un système autonome de répartition des compétences juridictionnelles en matière d’assurances. L’objectif de cette section est de protéger la partie la plus faible au contrat au moyen de règles de compétence plus favorables à ses intérêts que ne le sont les règles générales, et qu’un tel objectif implique que l’application des règles de compétence spéciales prévues à cette section (prévues aux articles 10 à 16 du règlement no 1215/2012) ne soit pas étendue à des personnes pour lesquelles cette protection ne se justifie pas. Par ailleurs, si un cessionnaire des droits de la personne lésée, qui peut être lui-même considéré comme partie faible, doit pouvoir profiter des règles spéciales de compétence juridictionnelle (définies aux dispositions combinées de l’article 11, paragraphe 1, sous b), et de l’article 13, paragraphe 2, du règlement no 1215/2012), aucune protection spéciale ne se justifie dans les rapports entre des professionnels du secteur des assurances, dont aucun d’entre eux ne peut être présumé se trouver en position de faiblesse par rapport à l’autre. En l’espèce, CNP a pour activité le recouvrement de créances auprès d’entreprises d’assurances. Cette circonstance, qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier, fait obstacle à ce que cette société puisse être considérée comme étant une partie en position de faiblesse par rapport à la partie adverse, de sorte qu’elle ne saurait bénéficier des règles spéciales de compétence juridictionnelle.

Par conséquent, la section 3 du chapitre II du règlement no 1215/2012 ne s’applique pas en cas de litige entre, d’une part, un professionnel ayant acquis une créance détenue, à l’origine, par une personne lésée sur une entreprise d’assurances de responsabilité civile et, d’autre part, cette même entreprise d’assurances de responsabilité civile, de sorte qu’il n’y a pas d’obstacle à ce que la compétence juridictionnelle pour connaître d’un tel litige soit fondée, le cas échéant, sur l’article 7, point 2, ou sur l’article 7, point 5, de ce règlement.

Deuxièmement, la Cour poursuit en examinant si une société qui exerce, dans un État membre, en vertu d’un contrat conclu avec une entreprise d’assurances établie dans un autre État membre, au nom et pour le compte de cette dernière, une activité de liquidation de dommages dans le cadre de l’assurance de responsabilité civile automobile doit être considérée comme étant une succursale, une agence ou tout autre établissement, au sens de l’article 7, point 5, du règlement n° 1215/2012. Elle relève à cet égard que la règle de compétence spéciale prévue par cette disposition est fondée sur l’existence d’un lien de rattachement particulièrement étroit entre la contestation et les juridictions qui peuvent être appelées à en connaître, qui justifie une attribution de compétence à ces dernières pour des raisons de bonne administration de la justice et d’organisation utile du procès.

La Cour rappelle que deux critères permettent de déterminer si une contestation est relative à l’exploitation d’une succursale, d’une agence ou de tout autre établissement. En premier lieu, ces notions supposent l’existence d’un centre d’opérations qui se manifeste d’une façon durable vers l’extérieur comme le prolongement d’une maison mère. Ce centre doit être pourvu d’une direction et être matériellement équipé de façon à pouvoir négocier avec des tiers qui sont ainsi dispensés de s’adresser directement à la maison mère. En second lieu, le litige doit concerner soit des actes relatifs à l’exploitation d’une succursale, soit des engagements pris par celle-ci au nom de la maison mère.

Concernant le premier critère, la Cour souligne que Crawford Polska dispose, en tant que personne morale, d’une existence juridique indépendante et est pourvue d’une direction. Par ailleurs, il apparaît qu’elle a tout pouvoir pour exercer l’activité de règlement et de liquidation des sinistres, ce qui produit des effets juridiques pour l’entreprise d’assurances, de sorte que Crawford Polska doit être regardée comme étant un centre d’opérations qui se manifeste d’une façon durable vers l’extérieur comme le prolongement d’une maison mère. En revanche, il appartiendra à la juridiction nationale de vérifier si ce centre est matériellement équipé de façon à pouvoir négocier avec des tiers et à dispenser ceux-ci de s’adresser directement à la maison mère.

Quant au second critère, la Cour observe que Gefion a mandaté Crawford Polska pour procéder au règlement et à la liquidation du sinistre au principal. En outre, c’est Crawford Polska elle-même qui a pris, au nom et pour le compte de Gefion, la décision de n’accorder à CNP qu’une partie de l’indemnisation demandée. Or, si cette circonstance devait être confirmée par la juridiction nationale, il en résulterait que Crawford Polska n’a pas été un simple intermédiaire chargé de transmettre des informations, mais a contribué activement à la situation juridique à l’origine du litige devant la juridiction polonaise. Ce litige devrait être alors regardé, compte tenu de l’implication de Crawford Polska dans la relation juridique entre les parties au principal, comme concernant des engagements pris par Crawford Polska au nom de Gefion.

 

 

Communiqué de presse du 20.05.2021 consultable ici

Arrêt de la CJUE consultable ici

 

 

Travailleurs frontaliers : Pluriactivité, télétravail et sécurité sociale

Travailleurs frontaliers : Pluriactivité, télétravail et sécurité sociale

 

Article paru in REAS, 2020, no 4, p. 400-404

 

  1. Introduction

Le droit international et européen s’applique dans de nombreuses circonstances, principalement lorsque le cas présente des liens avec l’ordre juridique d’un pays étranger. La Suisse a conclu environ une cinquantaine de Conventions bilatérales de sécurité sociale. Sur la base de l’Accord sur la libre circulation des personnes entre la Suisse et l’Union européenne, sont applicables à partir du 1er avril 2012 les dispositions du Règlement 883/2004 et de son Règlement d’application 987/2009 en ce qui concerne les relations avec les Etats membres de l’Union européenne. Le Règlement 465/2012, entré en vigueur pour la Suisse le 1er janvier 2015, modifie partiellement les Règl. 883/2004 et 987/2009.

Les Règl. 883/2004 et 987/2009 coordonnent les systèmes européens de sécurité sociale. Ces instruments ont en commun le fait qu’ils sont directement applicables et priment le droit interne. Ils ne modifient en revanche pas la législation interne dans la mesure où ils ne font que coordonner les systèmes nationaux.

Les Règl. 883/2004 et 987/2009 supposent l’existence d’une situation transfrontalière et ne s’appliquent pas erga omnes. Aussi faut-il toujours vérifier si le champ d’application de ces textes est rempli. Dans la négative, il convient de recourir aux Conventions bilatérales ou, cas échéant, au droit interne.

 

La suite, dans l’article publié in REAS :  David Ionta, Pluriactivité, télétravail et sécurité sociale, in: REAS, 2020, no 4, p. 400-404

 

NB : Cet article, bien que publié fin 2020, a initialement été rédigé avant la pandémie et les restrictions qui en ont découlé.

 

 

9C_139/2020 (f) du 10.02.2021 – Rémunérations versées par une entreprise suisse à une société sous-traitante sise au Portugal – Paiement des cotisations sociales à la charge de l’entreprise helvétique / 12 Règl. (CE) n° 883/2004 –13 Règl. (CE) n° 883/2004

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_139/2020 (f) du 10.02.2021

 

Consultable ici

 

Rémunérations versées par une entreprise suisse à une société sous-traitante sise au Portugal – Paiement des cotisations sociales à la charge de l’entreprise helvétique / 12 Règl. (CE) n° 883/2004 –13 Règl. (CE) n° 883/2004

 

 

A.__ SA (ci-après: la société), ayant pour but notamment l’étude et la réalisation d’installations frigorifiques, de climatisation, de ventilation et de pompes à chaleur, a été inscrite au Registre du commerce genevois en 1999. Son administrateur est C.__. La société a été affiliée en tant qu’employeur à la Caisse cantonale genevoise de compensation (ci-après: la caisse de compensation) en mai 1999.

A la suite d’un contrôle d’employeur effectué auprès de la société le 13.09.2017, la caisse de compensation a constaté que celle-ci avait rémunéré la société portugaise D.__ pour des travaux de sous-traitance en Suisse durant les années 2013, 2014 et 2016. Elle a invité A.__ SA à lui transmettre des attestations A1 relatives à la législation applicable en matière de sécurité sociale dans l’Union européenne, tant pour la société portugaise que pour les salariés détachés du Portugal en Suisse pour l’exécution des travaux. Par décisions, confirmées sur opposition, la caisse de compensation a réclamé à la société les cotisations AVS/AI/APG/AC/AMat et les contributions aux allocations familiales dues pour les années 2013, 2014 et 2016, en lien avec les montants versés à D.__. Elle a fixé le montant des reprises sur salaires à 260’325 fr. pour l’année 2013, 281’748 fr. pour 2014 et 624’510 fr. pour 2016. Ces montants conduisaient à des factures complémentaires de 46’137 fr. 85 pour 2013, 42’690 fr. 30 pour 2014, et 100’123 fr. 05 pour 2016.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/1135/2019 – consultable ici)

La juridiction cantonale a constaté que la société avait sous-traité divers travaux, en 2013, 2014 et 2016, à D.__, une entreprise sise au Portugal, et que des employés de celle-ci étaient venus travailler en Suisse. Dans la mesure où la société ne s’était pas souciée de la situation en matière d’assurances sociales de la société portugaise et n’avait pas produit une copie de l’attestation A1 émise par l’organisme de sécurité sociale portugais compétent confirmant la soumission des employés de cette société aux assurances sociales portugaises, les juges cantonaux ont considéré que l’activité déployée par l’entreprise sous-traitante portugaise en Suisse devait être analysée sous l’angle du droit suisse, conformément à la règle posée par l’art. 11 par. 3 let. a du règlement n° 883/2004. Après avoir constaté que le risque économique avait été encouru par la société pour les travaux effectués par les ouvriers portugais sur divers chantiers qu’elle devait terminer, et que rien ne laissait penser que D.__ aurait été très libre dans son organisation, la juridiction cantonale est parvenue à la conclusion que les travailleurs portugais avaient exercé une activité dépendante pour le compte de la société. Au vu de l’absence d’éléments tangibles de preuve sur le nombre d’employés de D.__ venus travailler en Suisse et sur le matériel prétendument fourni par celle-ci et ses frais de fonctionnement, la cour cantonale a considéré que l’intégralité des sommes versées par la société à la société portugaise devait être considérée comme du salaire soumis à cotisations, de sorte qu’elle a confirmé le montant des arriérés de cotisations réclamés par la caisse de compensation.

Par jugement du 10.12.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal, renvoyant la cause à la caisse de compensation pour examen de la demande de remise de la société puis décision sur cette question

 

TF

Au regard du caractère transfrontalier des faits déterminants, il est incontesté que le litige doit être résolu à la lumière des dispositions de droit européen auquel renvoie l’annexe II de l’Accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse, d’une part, et la Communauté européenne et ses Etats membres, d’autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP; RS 0.142.112.681), à savoir en particulier le Règlement (CE) n° 883/2004 du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.1; ci-après: règlement n° 883/2004) et son règlement d’exécution, le Règlement (CE) n° 987/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 fixant les modalités d’application du règlement (CE) n° 883/2004 portant sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (RS 0.831.109.268.11; ci-après: règlement n° 987/2009), applicables pour la Suisse dès le 1er avril 2012 (ATF 143 V 81 consid. 5 p. 86).

 

Contrairement à ce que soutient d’abord la société, « tous les critères de rattachement » ne permettent pas, en l’espèce, d’établir, au degré de la vraisemblance prépondérante, que « le lieu d’exercice de l’activité salariée des employés de la société [portugaise] était bien au Portugal », et donc qu’ils étaient demeurés assujettis au régime de sécurité sociale portugais.

Sous l’angle d’abord de l’art. 12 du règlement n° 883/2004, qui énonce les règles particulières applicables en cas de détachement de travailleurs, on constate qu’aucune copie de l’attestation A1, qui aurait été émise par l’organisme de sécurité sociale portugais compétent confirmant la soumission des employés aux assurances sociales portugaises, ne figure au dossier, alors que la société n’a fourni aucune information sur l’identité des ressortissants portugais avec lesquels elle a convenu d’une sous-traitance et ayant travaillé sur ses chantiers, ni sur la situation de la société portugaise et de ses employés en matière d’assurances sociales. Quoi qu’en dise la société, le fait qu’il appartenait en principe à la société portugaise ou aux travailleurs venant du Portugal de requérir l’attestation A1 auprès des autorités portugaises dans une situation de détachement (cf. art. 19 par. 2 du règlement n° 987/2009), et non pas à elle, n’est pas déterminant en l’espèce. Dans un premier temps, la caisse de compensation n’a certes procédé à aucune vérification à cet égard dans le cadre de la coopération prévue par l’art. 76 du règlement n° 883/2004, en se limitant à indiquer à la société que les reprises étaient justifiées puisque A.__ SA n’avait pas produit l’attestation A1. En procédure cantonale, elle a toutefois pris des renseignements par le biais de l’OFAS. Celui-ci a indiqué, après avoir entrepris les vérifications nécessaires auprès des autorités portugaises compétentes, qu’aucune attestation A1 n’avait été émise pour un employeur du nom de D.__. L’éventualité du détachement de travailleurs portugais au sens de l’art. 12 du règlement n° 883/2004 ne saurait dès lors être admise.

 

S’agissant ensuite de l’éventualité prévue par l’art. 13 par. 1 let. a du règlement n° 883/2004, selon lequel la personne qui exerce normalement une activité salariée dans deux ou plusieurs Etats membres est soumise à la législation de l’Etat membre de résidence, si elle exerce une partie substantielle de son activité dans cet Etat membre, auquel se réfère la société, elle n’est pas non plus établie au degré de la vraisemblance prépondérante. A l’inverse de ce que soutient A.__ SA, l’affirmation selon laquelle la société portugaise aurait maintenu les moyens nécessaires à l’exercice de son activité au Portugal pendant que « ses deux seuls et uniques employés » se trouvaient en Suisse, ne suffit pas pour établir que les intéressés étaient soumis à la législation de leur Etat de résidence au sens de la disposition de droit européen.

Tout au long de la procédure administrative et de première instance, la société n’a apporté aucun indice ou élément tangible qui aurait rendu vraisemblable que les deux ressortissants portugais – dont elle a admis la présence sur ses propres chantiers – auraient exercé leur activité également dans leur Etat de résidence. Se limitant à alléguer qu’elle avait traité avec la société portugaise en question, dont les « deux seuls et uniques employés » auraient travaillé avec elle, elle n’a produit aucune pièce ni donné aucune indication qui auraient permis d’identifier ces personnes, voire les responsables de D.__.

Dans ces circonstances, en l’absence de toute indication concrète sur l’identité des ressortissants portugais en cause, une instruction complémentaire à cet égard n’aboutirait à aucun résultat effectif, de sorte que la société doit se laisser opposer le fait que l’allégation d’une activité également exercée par les travailleurs en cause au Portugal au sens de l’art. 13 par. 1 du règlement n° 883/2004 n’est pas établie. A ce sujet, elle invoque en vain avoir ignoré devoir « entreprendre des démarches, pour des employés d’une autre entreprise ». En tant que société active dans le domaine de la construction et du second-œuvre, elle ne saurait ignorer les obligations qui lui incombent en matière de sous-traitance à un prestataire de services étranger (cf. en particulier l’art. 8c de l’ordonnance du 21 mai 2003 sur les travailleurs détachés en Suisse [Odét; RS 823.01], selon lequel le devoir de diligence de l’entrepreneur contractant lui impose de prendre les dispositions contractuelles et organisationnelles nécessaires afin d’être en mesure d’exiger des sous-traitants censés effectuer des travaux dans le cadre ou à la fin de la chaîne contractuelle qu’ils démontrent leur respect des conditions minimales de salaire et de travail).

En conséquence de ce qui précède, c’est à bon droit que les juges cantonaux ont admis que la situation devait être résolue en appliquant le principe général de l’art. 11 par. 3 let. a du règlement n° 883/2004, selon lequel la personne qui exerce une activité salariée ou non salariée dans un Etat membre est soumise à la législation de cet Etat membre, et donc, que le droit suisse était applicable.

 

La société allègue finalement, à titre subsidiaire, que même à considérer que le droit suisse est applicable en l’espèce, les rémunérations qu’elle a versées à D.__ comprenaient, en sus des salaires, d’autres frais encourus par la société portugaise (frais liés au déplacement depuis le Portugal, à l’hébergement et à la nourriture pendant la durée de l’exécution des travaux, ainsi qu’au matériel nécessaire à l’exécution du contrat de sous-traitance, charges sociales portugaises et marge de la société portugaise). En se référant aux salaires prévus par la CCT métallurgie GE, elle considère que les reprises sur salaires ne pouvaient porter que sur une somme de 80’000 fr. en 2013, 120’000 fr. en 2014 et 192’000 fr. en 2016.

L’argumentation subsidiaire de la société ne peut pas être suivie. En l’occurrence, A.__ SA a transmis à la caisse de compensation diverses factures libellées au nom de la société portugaise. Dans chacune d’elles, il est fait mention d’un montant total correspondant au travail effectué en Suisse (« várias tarefas de instalação ne Suiça »), sans aucune autre précision. En ce qu’elle se contente d’affirmer qu’en considérant que le montant total des factures constitue du salaire, « on arrive à des salaires astronomiques et fant[ai]sistes », qui ne correspondent pas à la réalité du marché, et que seuls deux travailleurs seraient venus travailler sur divers de ses chantiers en Suisse, la société n’établit pas que les montants facturés comprendraient des éléments autres que les salaires. L’indication du nombre de travailleurs ne figure par ailleurs que dans trois factures (soit, deux travailleurs pour les mois de mars et avril 2014, respectivement un travailleur pour les mois de mai à juillet et août à novembre 2014), si bien que l’on ne saurait reprocher à la cour cantonale d’avoir considéré qu’il n’était pas établi « au vu des sommes en jeu » que seuls deux employés au maximum avaient travaillé en Suisse sur les chantiers de la société. Compte tenu de son devoir de collaborer à l’instruction, il incombait à la société de démontrer, au degré de la vraisemblance prépondérante, que les montants versés comprenaient également d’autres frais que les salaires. Partant, faute d’éléments tangibles de preuve sur le nombre d’employés venus travailler en Suisse et sur le matériel prétendument fourni par la société portugaise sous-traitante et ses frais de fonctionnement, c’est à bon droit et sans arbitraire que la juridiction cantonale a considéré que l’intégralité des sommes versées par la société aux personnes (non identifiées) ayant signé les factures devait être considérée comme du salaire soumis à cotisations.

 

Le TF rejette le recours de la société.

 

 

Arrêt 9C_139/2020 consultable ici