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9C_422/2016 (f) du 23.01.2017 – Trouble dissociatif moteur – Trouble somatoforme douloureux ou d’autres troubles psychosomatiques comparables / Exception quant à la nécessité de disposer préalablement d’une expertise psychiatrique

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_422/2016 (f) du 23.01.2017

 

Consultable ici : http://bit.ly/2lQFwdN

 

Trouble dissociatif moteur – Trouble somatoforme douloureux ou d’autres troubles psychosomatiques comparables – 7 LPGA – 8 LPGA – 4 LAI

Exception quant à la nécessité de disposer préalablement d’une expertise psychiatrique

 

Assurée atteinte d’une possible érythromélalgie et d’un éventuel tremblement essentiel avec hystérisation ou symptômes de conversion. L’office AI a rejeté la demande.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/370/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2lQTUTi)

Expertise judiciaire réalisées par deux spécialistes en neurologie. Les experts ont attesté un tremblement psychogène et un trouble moteur dissociatif, de nature psychologique probable. Ils ont conclu à une capacité résiduelle de travail de 60% dans une activité adaptée, en raison de l’impotence fonctionnelle du membre supérieur droit; toute activité nécessitant l’usage conjoint des deux membres supérieurs n’était plus adaptée. Pour les experts, qui n’ont décelé aucun problème orthopédique, un avis psychiatrique n’était pas nécessaire. L’office AI a proposé la mise en œuvre d’une expertise psychiatrique.

Par jugement du 12.05.2016, admission partielle du recours, annulation de la décision et fixation de l’étendue de la capacité résiduelle de travail de l’assurée à 60% dans une activité adaptée. La cause est renvoyée à l’office AI pour investigations complémentaires au sens des considérants, calcul du degré d’invalidité, examen de l’octroi éventuel de mesures de réadaptation et nouvelle décision.

 

TF

Le trouble dissociatif moteur – tel que diagnostiqué en l’espèce par les experts judiciaires – figure au ch. F44.4 de la Classification internationale des maladies (CIM-10), selon lequel « dans les formes les plus fréquentes, il existe une perte de la capacité de bouger une partie ou la totalité d’un membre ou de plusieurs membres; les manifestations de ce trouble peuvent ressembler à celles de pratiquement toutes les formes d’ataxie, d’apraxie, d’akinésie, d’aphonie, de dysarthrie, de dyskinésie, de convulsions ou de paralysie ».

Selon la doctrine médicale, le trouble dissociatif, dont la clinique neurologique atypique implique une démarche diagnostique complexe à l’interface de la neurologie et de la psychiatrie, se présente sous forme d’un syndrome « pseudo-neurologique » pouvant mimer une atteinte motrice, sensitive ou sensorielle, des crises de type épileptique ou des mouvements anormaux, dont des troubles de la marche. Le diagnostic repose sur la présence de signes dits « positifs » qui, lorsqu’ils sont présents, suggèrent fortement le diagnostic de trouble dissociatif. Si certains de ces signes ont été validés, la plupart n’ont pas de spécificité ni de sensibilité établies. C’est donc l’ensemble du tableau clinique qui permet au neurologue d’établir le diagnostic, en évitant de restreindre ce dernier à un diagnostic d’exclusion. Le tremblement dissociatif (le plus fréquent des mouvements anormaux dissociatifs) est reconnu lorsqu’il est variable, qu’il change lorsque le sujet est distrait ou qu’il est entraîné par une autre fréquence (lors d’un mouvement rythmique de l’autre main, par exemple) (M. HUBSCHMID/S. AYBEK/F. VINGERHOETS/A. BERNEY, Trouble dissociatif: une clinique à l’interface de la neurologie et de la psychiatrie, in Revue médicale suisse 2008 p. 412-413).

Selon la jurisprudence, la reconnaissance d’une invalidité ouvrant le droit à une rente en raison d’un trouble somatoforme douloureux ou d’autres troubles psychosomatiques comparables, dont les troubles moteurs dissociatifs (cf. ATF 140 V 8 consid. 2.2.1.3 p. 14; arrêt 9C_903/2007 du 30 avril 2008 consid. 3.4), suppose au préalable qu’un diagnostic psychiatrique relevant de ce champ pathologique ait été posé selon les règles de l’art (ATF 141 V 281 consid. 2 p. 285; arrêt 9C_905/2015 du 29 août 2016 consid. 5.3.1). En d’autres termes, l’avis d’un spécialiste, en l’occurrence d’un psychiatre, est en principe nécessaire lorsqu’il s’agit de se prononcer sur l’incapacité de travail que ce genre de troubles est susceptible d’entraîner chez l’assuré (cf. ATF 130 V 352 consid. 2.2.2 p. 353, 396 consid. 5.3.2 p. 398 ss).

Les constatations de la juridiction cantonale quant au diagnostic et aux répercussions de celui-ci sur la capacité de travail de l’assurée sont fondées sur une expertise réalisée par deux spécialistes en neurologie. Au regard des difficultés de délimitation du trouble dissociatif moteur quant à son origine neurologique ou psychiatrique, il convient de reconnaître aux experts judiciaires la compétence de poser le diagnostic de trouble dissociatif moteur et d’en évaluer les effets dans une certaine mesure, même s’ils ne sont pas spécialistes en psychiatrie. C’est le lieu de rappeler que la jurisprudence a déjà reconnu qu’un spécialiste en rhumatologie dispose d’une certaine compétence d’appréciation en relation avec un tableau clinique de troubles psychosomatiques. Il a ainsi la faculté de se prononcer sur le caractère invalidant des douleurs alléguées, mais il doit alors s’exprimer sur la nécessité de recueillir un avis psychiatrique (cf. arrêts 9C_621/2010 du 22 décembre 2010 consid. 2.2.2, résumé in RSAS 2011 p. 299, I 704/03 du 28 décembre 2004 consid. 4.1.1).

Le principe de la nécessité de disposer préalablement d’une expertise psychiatrique pour se prononcer sur le caractère invalidant d’un trouble somatoforme douloureux ou d’une affection psychosomatique comparable peut souffrir d’exceptions. Tel est le cas lorsque, comme en l’espèce, la manifestation du trouble moteur dissociatif – en l’occurrence, un tremblement du membre supérieur droit de repos, postural et d’action, asymétrique, dont la fréquence n’est pas identifiable, variable en amplitude et non inhibé sur la volonté – et ses conséquences sont mises en évidence de façon convaincante et motivée sur le plan médical, alors qu’une expertise complémentaire sur le plan psychiatrique ne changerait rien aux constatations médicales quant au caractère non surmontable, non maîtrisé et indépendant de la volonté de l’assurée de l’expression physique (tremblement) du trouble.

On rappellera à ce sujet que les constatations effectuées par le spécialiste en psychiatrie au regard des indicateurs définis par la jurisprudence (cf. ATF 141 V 281 consid. 4 p. 296) ont pour fonction d’apporter des indices afin de pallier le manque de preuves (directes) en relation avec l’évaluation de l’incapacité de travail des troubles somatoformes douloureux et d’autres troubles psychosomatiques semblables, lorsqu’il s’agit, en particulier, d’apprécier l’existence de douleurs et des ses effets, qui ne sont que très difficilement objectivables (ATF 141 V 281 consid. 4.1 in fine p. 298 en relation avec les consid. 3.4.1.2 et 3.7.2).

En l’occurrence, les constatations objectives des experts judiciaires suffisent à convaincre de l’existence des atteintes psychiques de l’assurée et surtout de leurs effets physiques, dûment mis en évidence et expliqués, sans qu’on distingue, dans l’argumentation de l’office recourant, quel indice supplémentaire admis par un psychiatre pourrait conduire à nier le tremblement du membre supérieur de l’assurée et ses effets incapacitants. Dans cette constellation particulière, la juridiction cantonale était en droit de renoncer (exceptionnellement) à l’administration de preuves requise par l’office AI, sans que son appréciation n’apparaisse insoutenable ou contraire à la jurisprudence en matière de troubles somatoformes douloureux. Par conséquent, il n’y a pas lieu de s’écarter des constatations des premiers juges quant à la capacité de travail résiduelle de l’assurée.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_422/2016 consultable ici : http://bit.ly/2lQFwdN

 

 

9C_587/2016 (f) du 12.12.2016 – Expertise médicale mise en œuvre par l’assurance perte de gain maladie reprise par l’office AI et le tribunal cantonal – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_587/2016 (f) du 12.12.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2j8lgpO

 

Expertise médicale mise en œuvre par l’assurance perte de gain maladie reprise par l’office AI et le tribunal cantonal / 44 LPGA

 

Première demande AI en raison d’une tumeur osseuse bénigne du doigt. Par décision du 16.08.2012, l’office AI a rejeté la demande de l’assurée, fondant sa décision en particulier sur le rapport d’examen rhumatologique du Service médical régional de l’AI.

Nouvelle demande AI le 10.04.2013, en raison d’une dépression depuis septembre 2012. L’office AI a procédé aux investigations habituelles. L’administration a également obtenu copie du rapport de l’expertise réalisée sur mandat de l’assureur perte de gain, daté du 21.03.2014. Le médecin-expert, spécialiste en psychiatrie, avait retenu que les troubles étaient sans incidence sur la capacité de travail de l’assurée. En se fondant sur ces informations, l’administration a décidé de rejeter la demande de l’assurée.

 

Procédure cantonale

La juridiction cantonale a constaté que l’assurée ne présentait pas de nouvelle atteinte de nature somatique, mais souffrait de troubles psychiques, diagnostiqués tant par son médecin traitant que par l’expert mandaté par l’assureur perte de gain. Se fondant sur le rapport de cet expert, le tribunal cantonal a cependant retenu que ces affections étaient sans incidence sur la capacité de travail de l’assurée à partir du 01.07.2013.

Par jugement du 05.07.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

L’assurée fait valoir que la juridiction cantonale aurait violé l’art. 44 LPGA, dès lors que les droits procéduraux de l’assurée n’auraient pas été respectés lors la mise en œuvre de l’expertise [réalisée sur demande de l’assurance maladie perte de gain].

Selon l’art. 44 LPGA, si l’assureur recourt aux services d’un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties; celles-ci peuvent récuser l’expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions.

En l’occurrence, l’office AI n’a pas lui-même mis en œuvre une expertise auprès d’un médecin externe à l’assurance-invalidité, mais a recueilli un rapport médical initié par un tiers. L’assurée a eu connaissance de l’expertise au moment où l’office AI lui a transmis son projet de décision et a pu se prononcer à son égard, son médecin traitant ayant du reste fait parvenir son appréciation y relative à l’office AI.

Dans ces circonstances, les droits procéduraux prévus par l’art. 44 LPGA ne trouvent pas application : l’administration n’a pas elle-même recouru aux services de l’expert indépendant, ni n’est intervenue dans la mise en œuvre de l’expertise, par exemple en posant des questions au spécialiste, ce dont elle aurait alors dû informer l’assurée pour lui donner l’occasion d’en faire de même (arrêt 8C_254/2010 du 15 septembre 2010 consid. 4.2).

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_587/2016 consultable ici : http://bit.ly/2j8lgpO

 

 

9C_127/2016 (f) du 09.11.2016 – Expertise médicale judiciaire / Remise en cause par les parties et non par le juge du diagnostic retenu

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_127/2016 (f) du 09.11.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2jTjfdA

 

Expertise médicale judiciaire

Remise en cause par les parties et non par le juge du diagnostic retenu

 

TF

Il n’appartient pas au juge de remettre en cause le diagnostic retenu par un médecin et de poser de son propre chef des conclusions qui relèvent de la science et des tâches du corps médical. Il convient bien plutôt pour la partie (en l’occurrence, l’office AI) qui entend remettre en cause le bien-fondé du point de vue médical sur lequel se sont fondées les autorités judiciaires de mettre en évidence des éléments objectivement vérifiables – de nature notamment clinique ou diagnostique – qui auraient été ignorés dans le cadre de l’appréciation et qui seraient suffisamment pertinents.

En ce qui concerne les critiques relatives à l’importance du trouble dépressif, l’office recourant fait grief aux premiers juges d’avoir attaché une importance trop grande à cette affection. L’appréciation de la sévérité du trouble admise par l’expert est toutefois un débat qui relève typiquement de la compétence du corps médical et dans lequel le juge ne saurait en principe s’immiscer. En l’absence d’autres explications médicales permettant d’éclairer sous un jour différent le point de l’expert, il n’y a pas lieu de s’écarter de son avis (cf. arrêt 9C_855/2015 du 2 mai 2016 consid. 4.3). Quoiqu’en dise par ailleurs l’office recourant, l’expert a retenu les diagnostics psychiques en se fondant sur ses propres observations et non pas seulement sur les plaintes rapportées par l’assuré. Il a en outre détaillé quels traitements étaient effectivement suivis régulièrement par l’assuré et mentionné que celui-ci prenait en tous cas les médicaments « véritablement nécessaires et indiqués ».

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_127/2016 consultable ici : http://bit.ly/2jTjfdA

 

 

SuisseMED@P : comment parer au manque d’experts disponibles

SuisseMED@P : comment parer au manque d’experts disponibles

 

Article de Michela Messi et Ralph Leuenberger, paru in CHSS Sécurité sociale, 4/2016, consultable ici : http://bit.ly/2hhZb66

 

L’attribution aléatoire de mandats d’expertise pluridisciplinaire a fait ses preuves, surtout après la mise en place du principe first in, first out. Mais il n’y a toujours pas suffisamment d’experts pour répondre à la demande.

 

Depuis plus de quatre ans, les mandats d’expertise médicale pluridisciplinaire pour l’assurance-invalidité (AI) sont attribués de manière aléatoire au moyen de la plateforme informatique SuisseMED@P (Kocher 2014). La phase initiale s’étant heurtée au scepticisme et à la méfiance de beaucoup, SuisseMED@P a fait l’objet de nombre de procédures de recours, d’interventions parlementaires et d’articles dans les médias. L’AI est cependant parvenue à démontrer par ce moyen qu’il était possible d’attribuer, avec succès, des mandats d’expertise de manière aléatoire. Pour la bonne marche du système, il importe que les processus et le fonctionnement de Suisse­MED@P soient régulièrement contrôlés et améliorés. Les indications statistiques recueillies grâce à la plateforme, qui ont amené une grande transparence dans le domaine des expertises, sont ici d’un grand secours. Une répartition aussi rapide et équilibrée que possible des mandats dépend dans une mesure déterminante de l’effectif d’experts à disposition, qui reste limité en Suisse. Afin d’éviter aux assurés de longs délais d’attente, les offices AI doivent donc eux aussi tirer au clair rapidement, et à satisfaction de droit, les cas en question.

La demande d’expertises pluridisciplinaires reste importante dans l’AI (rapports 2014 et 2015). Cela s’explique en partie par les révisions portant sur des rentes octroyées en raison d’un syndrome sans pathogenèse ni étiologie claires et sans constat de déficit organique [Dispositions finales de la modification du 18.3.2011 (6e révision de l’AI, premier volet) : http://bit.ly/2fROy78]. Mais la jurisprudence du Tribunal fédéral joue aussi un rôle (ATF 139 V 349 consid. 3.2), puisqu’elle préconise que les premières expertises médicales approfondies requises par l’administration soient en principe pluridisciplinaires et attribuées de manière aléatoire (les exceptions n’étant possibles que dans des cas fondés). En outre, suite à l’ATF 141 V 281, plusieurs demandes d’expertise sont venues s’ajouter à la liste d’attente, car plusieurs expertises établies avant cet arrêt n’étaient pas conformes aux exigences de la nouvelle jurisprudence et nécessitaient un nouvel examen.

 

La demande dépasse les capacités

Les capacités pouvant être mises à disposition par les centres d’expertises habilités ne suffisent toujours pas à faire face à la demande d’expertises pluridisciplinaires. Cette tendance se dessinait déjà en 2014 – à la fin de l’année, SuisseMED@P comptait en tout 1648 mandats qui n’avaient pu être attribués, et l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) y a répondu en introduisant le principe first in, first out. C’est la Suisse romande qui était la plus touchée par cette situation de surcharge.

La réaction de l’OFAS visait à augmenter l’offre de centres d’expertises – surtout en Suisse romande – afin que les assurés n’aient pas à subir des temps d’attente disproportionnés. Sur le plan politique, le conseiller fédéral Alain Berset a abordé le thème lors d’entretiens avec des représentants des gouvernements cantonaux. Il s’agissait en particulier de convaincre des hôpitaux publics ou universitaires de fonctionner comme centres d’expertises, et aussi de garantir pour les médecins une offre appropriée de formation de base et de formation postgrade dans le domaine des expertises. Aussi le chef du Département fédéral de l’intérieur s’est-il adressé en juin 2015 aux cantons, de concert avec la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS), pour les prier de demander aux hôpitaux éligibles de leur territoire de se proposer comme centres d’expertises pluridisciplinaires. Si les efforts déployés auprès des cantons et de leurs hôpitaux publics n’ont malheureusement pas encore rencontré le succès escompté, l’OFAS est parvenu de son côté à trouver au total douze nouveaux centres d’expertises organisés selon le droit privé. Ainsi, fin 2016, ce sont en tout 30 centres qui sont habilités à établir des expertises pluridisciplinaires pour l’AI.

En 2015, 5177 expertises en tout ont été attribuées aux 29 centres habilités, soit 1089 ou 25 % de plus que l’année précédente. En Suisse romande, les capacités ont permis de plus que doubler le nombre d’expertises attribuées, qui est passé de 330 à 702, tandis que la progression a été de quelque 20 % en Suisse alémanique (de 3440 à 4120). De ce fait, le nombre de mandats non encore attribués est descendu de 1648 en 2014 à 797 en 2015. Fin septembre 2016, SuisseMED@P en comptait encore 686, dont 175 en attente depuis plus de six mois (3 en Suisse italienne, 28 en Suisse alémanique et 144 en Suisse romande).

Par rapport à l’année précédente, les offices AI ont déposé quelque 1500 mandats de moins. Ce recul s’explique du fait que le réexamen des cas concernés par les dispositions finales de la révision 6a est presque arrivé à son terme, que l’ATF 141 V 281 (lettre circulaire AI 2015) a entraîné la suspension du dépôt de tout nouveau mandat pendant trois mois et que la désignation des disciplines médicales pour les expertises correspond mieux à la nature des cas à examiner. Sans oublier que les offices AI demandent aussi davantage d’expertises bidisciplinaires : le volume de celles-ci, à l’échelle suisse, a augmenté de 23 points de pourcentage.

 

Fonctionnement de SuisseMED@P

A l’origine, on supposait qu’en règle générale plusieurs centres d’expertises entreraient en ligne de compte pour un mandat donné et que les différents mandats leur seraient attribués de manière aléatoire. Cependant, l’expérience des dernières années a montré que la demande d’expertises dépasse fréquemment l’offre de centres d’expertises ayant des capacités dans les disciplines recherchées. Aussi l’attribution consiste-t-elle plus souvent à répartir les mandats entre les centres d’expertises que l’inverse.

L’application stricte de l’attribution aléatoire peut avoir pour conséquence qu’un mandat qui vient d’être déposé soit attribué avant d’autres mandats se trouvant déjà depuis un certain temps sur la plateforme et qui conviendraient aussi. En raison du manque de capacités dans les centres d’expertises, les délais d’attente moyens pour l’attribution d’un mandat n’ont cessé d’augmenter jusqu’à fin 2014. A titre de mesure d’urgence, l’OFAS a donc décidé d’introduire dans le système, le 1er janvier 2015, le principe first in, first out, qui veut qu’en fonction des capacités existantes dans les différentes disciplines médicales, le premier mandat attribué est celui qui est en attente depuis le plus longtemps. Cet aménagement a permis de réduire considérablement les délais d’attente.

 

Amélioration des processus

Malgré les mesures prises, le manque de capacités continue de causer une certaine lenteur dans l’attribution des mandats, surtout en Suisse romande. L’expérience montre que la priorité donnée aux cas les plus anciens se traduit parfois par une non-prise en compte des disciplines en situation d’offrir des services, du fait que l’offre ne coïncide pas avec les disciplines requises pour examiner le cas le plus ancien. Les mandats impliquant des disciplines rarement demandées et proposées (p. ex. urologie et gynécologie) continuent de connaître de longs délais d’attente liés au système lui-même. Afin d’accélérer aussi la procédure et de solliciter de façon plus efficiente les éventuelles capacités disponibles, l’OFAS a demandé aux offices AI de vérifier quelles étaient les cas accusant les délais d’attente les plus longs.

Cet examen visait à établir si les disciplines indiquées étaient vraiment nécessaires et à déterminer l’impact des disciplines rarement offertes sur le délai d’attente. S’il ressort de l’examen qu’il est possible de renoncer à une ou plusieurs disciplines, l’office AI est invité à adapter le mandat d’expertise déposé sur SuisseMED@P. Ainsi, ce dernier conservera sa date de dépôt initiale. Dans les cas où une discipline rare s’avère indispensable, l’office AI doit examiner la possibilité de confier une expertise monodisciplinaire. Le rapport d’expertise monodisciplinaire sera, si possible, ensuite mis à la disposition des experts qui établiront l’expertise pluridisciplinaire. Ces démarches doivent être communiquées à l’assuré et inscrites dans son dossier. Les droits procéduraux de l’assuré, qui devrait être d’accord avec la procédure, seront naturellement garantis. Par contre, lorsque, dans le cadre d’une procédure de recours, un tribunal cantonal a renvoyé un dossier à l’office AI pour expertise pluridisciplinaire en indiquant exactement les disciplines qui doivent la composer, l’office AI a les mains liées. Il est tenu d’exécuter cette décision et ne peut pas modifier la configuration de l’expertise.

En conclusion, il convient de relever que les offices AI s’efforcent constamment de confier des mandats d’expertises monodisciplinaires, bidisciplinaires ou pluridisciplinaires de la manière aussi rapide et équitable que possible. L’OFAS tâche donc, précisément pour les disciplines médicales rarement demandées ou proposées, d’obtenir la collaboration de nouveaux praticiens, en particulier dans le cadre des expertises pluridisciplinaires. Mais comme l’expérience montre que l’offre en experts médicaux qualifiés est très limitée en Suisse, il ne sera pas possible d’éviter totalement à l’avenir des délais d’attente relativement longs, selon la discipline requise ou la région linguistique considérée.

 

Bibliographie et documents

Rapports annuels de SuisseMED@P.

Lettre-circulaire AI n° 334 du 7 juillet 2015.

Ralf Kocher, « SuisseMED@P a deux ans : où en sommes-nous ? », in ­Sécurité sociale CHSS no 5, 2014.

 

 

Article de Michela Messi et Ralph Leuenberger, paru in CHSS Sécurité sociale, 4/2016, consultable ici : http://bit.ly/2hhZb66

 

 

 

8C_21/2016 (f) du 20.09.2016 – Causalité naturelle – 6 LAA / Valeur probante retenue pour expertise médicale du BEM

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_21/2016 (f) du 20.09.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2fJZyW1

 

Causalité naturelle / 6 LAA

Valeur probante retenue pour expertise médicale du BEM

 

 

TF

Le droit à des prestations découlant d’un accident assuré suppose d’abord, entre l’événement dommageable de caractère accidentel et l’atteinte à la santé, un lien de causalité naturelle. Cette exigence est remplie lorsqu’il y a lieu d’admettre que, sans cet événement accidentel, le dommage ne se serait pas produit du tout, ou qu’il ne serait pas survenu de la même manière (ATF 129 V 177 consid. 3.1 p. 181; 402 consid. 4.3.1 p. 406 et les arrêts cités). Pour admettre l’existence d’un lien de causalité naturelle, il n’est pas nécessaire que l’accident soit la cause unique ou immédiate de l’atteinte à la santé; il faut et il suffit que l’événement dommageable, associé éventuellement à d’autres facteurs, ait provoqué l’atteinte à la santé physique ou psychique de l’assuré, c’est-à-dire qu’il se présente comme la condition sine qua non de celle-ci. Savoir si l’événement assuré et l’atteinte à la santé sont liés par un rapport de causalité naturelle est une question de fait, que l’administration ou, le cas échéant, le juge examine en se fondant essentiellement sur des renseignements d’ordre médical, et qui doit être tranchée en se conformant à la règle du degré de vraisemblance prépondérante, appliquée généralement à l’appréciation des preuves dans l’assurance sociale. Ainsi, lorsque l’existence d’un rapport de cause à effet entre l’accident et le dommage paraît possible, mais qu’elle ne peut pas être qualifiée de probable dans le cas particulier, le droit à des prestations fondées sur l’accident assuré doit être nié (ATF 129 V 177 consid. 3.1 et 402 consid. 4.3.1 précités).

Selon une jurisprudence constante, lorsque des expertises confiées à des médecins indépendants sont établies par des spécialistes reconnus, sur la base d’observations approfondies et d’investigations complètes, ainsi qu’en pleine connaissance du dossier et que les experts aboutissent à des résultats convaincants, le juge ne saurait les écarter aussi longtemps qu’aucun indice concret ne permet de douter de leur bien-fondé (ATF 135 V 465 consid. 4.4 p. 469 s.; 122 V 157 consid. 1c p. 161). En présence d’avis médicaux contradictoires, le juge doit apprécier l’ensemble des preuves à disposition et indiquer les motifs pour lesquels il se fonde sur une appréciation plutôt que sur une autre. A cet égard, l’élément décisif pour apprécier la valeur probante d’une pièce médicale n’est en principe ni son origine, ni sa désignation sous la forme d’un rapport ou d’une expertise, mais bel et bien son contenu. Il importe, pour conférer pleine valeur probante à un rapport médical, que les points litigieux importants aient fait l’objet d’une étude circonstanciée, que le rapport se fonde sur des examens complets, qu’il prenne également en considération les plaintes exprimées par la personne examinée, qu’il ait été établi en pleine connaissance de l’anamnèse, que la description du contexte médical et l’appréciation de la situation médicale soient claires et enfin que les conclusions de l’expert soient dûment motivées (ATF 134 V 231 consid. 5.1 p. 232; 125 V 351 consid. 3a p. 352).

L’assurée soutient – à tort – que l’arthrose dégénérative antérieure à l’accident n’est pas à l’origine de ses douleurs, puisqu’avant l’accident elle était totalement asymptomatique. En effet, elle avait déjà été en incapacité partielle de travail pendant plusieurs années, en raison de douleurs liées à des myogéloses étagées. Au demeurant, on ne saurait retenir l’existence d’un lien de causalité du seul fait de l’absence de plaintes avant un événement accidentel (cf. ATF 119 V 335 consid. 2b/bb p. 341 s.).

 

Si l’assurée a effectivement présenté une lésion objectivable de nature accidentelle sous la forme d’une contusion osseuse, celle-ci s’était déjà résorbée avant que l’assurance-accidents ne mette fin aux prestations.

 

Le TF rejette le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 8C_21/2016 consultable ici : http://bit.ly/2fJZyW1

 

 

9C_905/2015 (f) du 29.08.2016 – Expertise médicale et troubles psychosomatiques/ syndrome douloureux somatoforme persistant – 44 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_905/2015 (f) du 29.08.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2eCc2gj

 

Expertise médicale et troubles psychosomatiques/ syndrome douloureux somatoforme persistant – 44 LPGA

 

TF

Selon la jurisprudence, la reconnaissance d’une invalidité ouvrant le droit à une rente en raison d’un trouble somatoforme douloureux suppose au préalable qu’un diagnostic psychiatrique relevant de ce champ pathologique ait été posé selon les règles de l’art (ATF 141 V 281 consid. 2 p. 285).

En règle générale, il n’appartient pas au juge de remettre en cause le diagnostic retenu par un médecin et de poser de son propre chef des conclusions qui relèvent de la science et des tâches du corps médical. Il convient bien plutôt pour celui qui entend faire réexaminer le point de vue médical sur lequel s’est fondé l’administration ou le juge de mettre en évidence des éléments objectivement vérifiables – de nature notamment clinique ou diagnostique – qui auraient été ignorés dans le cadre de l’appréciation et qui seraient suffisamment pertinents pour remettre en cause le bien-fondé de celui-ci ou en établir le caractère incomplet (voir arrêt 9C_855/2015 du 2 mai 2016 consid. 4.3).

Dans le cas d’espèce, le volet psychiatrique de l’expertise réalisée apparaît effectivement lacunaire. L’anamnèse quotidienne rapportée par l’expert psychiatre décrivait une qualité de vie relativement préservée avec des interactions sociales importantes (famille, amis), description qui contrastait avec celles opérées par l’expert rhumatologue et l’expert généraliste. Quant à l’anamnèse médicale, elle ne tenait à l’évidence pas compte de l’ensemble des pièces médicales versées au dossier. Afin de motiver l’exclusion du diagnostic de trouble somatoforme, l’expert psychiatre a par ailleurs affirmé – de manière péremptoire et sans autre forme de discussion – que le tableau clinique ne comportait pas de plaintes intenses et de signes de détresse. Ce constat était d’autant moins compréhensible au regard d’autres constatations de l’expertise. En se prononçant sur l’intensité des plaintes et l’absence de signes de détresse, l’expert s’est référé aux critères diagnostics du ch. F45.40 (syndrome douloureux somatoforme persistant) de la CIM-10, sans toutefois intégrer dans sa réflexion les multiples plaintes douloureuses mentionnées dans les autres volets de l’expertise, où il est fait mention de douleurs constantes, nocturnes comme diurnes, avec une intensité entre 50 et 80 sur 100, ainsi que de douleurs constantes mais fluctuant selon les jours, avec paresthésies.

 

Dans la mesure où ce constat était par ailleurs en porte-à-faux avec les avis médicaux précédemment exprimés et l’octroi d’une allocation pour impotent, il appartenait à l’expert d’expliciter de manière détaillée son point de vue et les raisons pour lesquelles il ne partageait pas l’avis de ses confrères. En présence d’un tableau algique sans corrélation avec les atteintes somatiques objectives, le travail d’expertise exigeait en outre de l’intéressé qu’il s’exprime sur les causes d’une telle divergence, en prenant notamment position sur une éventuelle exagération des symptômes, voire une simulation.

 

Le TF accepte le recours de l’assurée, renvoyant la cause à la juridiction cantonale pour la mise en œuvre d’une nouvelle expertise psychiatrique.

 

 

 

Arrêt 9C_905/2015 consultable ici : http://bit.ly/2eCc2gj

 

 

9C_929/2015 (f) du 10.08.2016 – Frais d’expertises judiciaires ne constituent pas des frais de justice / 69 LAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_929/2015 (f) du 10.08.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2eaeVHa

 

Frais d’expertises judiciaires ne constituent pas des frais de justice / 69 al. 1bis LAI

 

TF

Les frais d’expertises judiciaires ne constituent pas des frais de justice au sens de l’art. 69 al. 1bis LAI, mais des frais relatifs à la procédure administrative au sens de l’art. 45 LPGA qui, le cas échéant, peuvent être mis à la charge de l’assurance-invalidité (cf. ATF 139 V 496 consid. 4.3 p. 502; arrêt 9C_803/2013 du 13 février 2014 consid. 4.1

Les décisions préjudicielles et incidentes, dont celles sur les frais et dépens, contre lesquelles un recours immédiat est exclu ou n’a pas été utilisé, n’entrent en force qu’avec la décision finale au fond ; jusqu’à ce moment-là, elles ne sont pas exécutoires et ne valent pas titre de mainlevée définitive (ATF 135 III 329 consid. 1.2.1 p. 332 et la référence; arrêt 9C_722/2013 du 15 janvier 2015 consid. 5). Faute de préjudice irréparable, le recours dirigé contre le prononcé accessoire sur les frais d’expertise est par conséquent irrecevable.

Le sort du présent recours ne préjuge pas de celui de la répartition des frais de l’expertise judiciaire lorsque la décision finale sera rendue (cf. arrêt 9C_567/2008 du 30 octobre 2008 consid. 4.2). En effet, lorsqu’une décision rendue à la suite d’un jugement de renvoi n’est plus contestée, la question de la répartition des frais qui avait fait l’objet de ce jugement peut être directement déférée au Tribunal fédéral dans le délai de recours prévu à l’art. 100 LTF en liaison avec l’art. 60 LPGA (arrêt 2C_309/2015 du 24 mai 2016 consid. 1.3, destiné à la publication dans le Recueil officiel). Concrètement, cela signifie que le recourant pourra contester le ch. 5 du dispositif du jugement cantonal du 11.11.2015 devant le Tribunal fédéral soit de manière indépendante dans un délai de trente jours à compter de la notification de la décision qu’il rendra à la suite de cet arrêt de renvoi, soit avec le nouveau jugement cantonal si sa décision est déférée à l’instance cantonale.

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_929/2015 consultable ici : http://bit.ly/2eaeVHa

 

 

4A_318/2016 (f) du 03.08.2016 – Expertise médicale privée – expertise mandatée par l’assureur LCA / Procédure – Renonciation à la tenue d’une audience publique – 219 CPC – 233 CPC

Arrêt du Tribunal fédéral 4A_318/2016 (f) du 03.08.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2eHycjJ

 

Assurance individuelle d’indemnités journalières perte de gain LCA

Procédure – Renonciation à la tenue d’une audience publique – 219 CPC – 233 CPC

Expertise médicale privée – expertise mandatée par l’assureur LCA

 

Renonciation à la tenue d’une audience publique

En matière d’assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale, le juge statue selon les règles de la procédure civile simplifiée (art. 243 al. 2 let. f CPC); la maxime inquisitoire sociale est applicable (art. 247 al. 2 let. a CPC). Si la demande n’est pas motivée, le tribunal la notifie au défendeur et cite les parties aux débats; si la demande est motivée, le tribunal fixe un délai au défendeur pour se prononcer par écrit (art. 245 CPC). Lorsque les circonstances l’exigent, le tribunal peut tenir des audiences d’instruction (art. 246 al. 2 CPC).

Que la demande soit motivée ou non, le tribunal ne peut en principe pas rendre une décision sur le fond sans avoir tenu une audience de débats principaux (Hauptverhandlung), qui est en principe publique (art. 54 CPC). Le droit fondamental à la tenue d’une audience publique est ainsi assuré. Cela étant, les parties peuvent d’un commun accord renoncer aux débats principaux (art. 233 CPC par renvoi de l’art. 219 CPC). La loi ne prescrivant aucune forme, une renonciation par actes concluants n’est pas exclue. Dans la mesure toutefois où des droits fondamentaux sont en cause (droit d’être entendu; droit à la tenue d’une audience publique), une telle renonciation ne saurait être admise à la légère. En particulier, lorsqu’une partie n’est pas assistée par un avocat, le tribunal doit l’informer qu’il statuera sur le vu des écritures à moins qu’elle ne sollicite expressément une audience de débats dans un certain délai. Ces considérations valent spécialement pour les causes relatives à l’assurance complémentaire à l’assurance-maladie sociale, où le juge doit établir les faits d’office, et a fortiori lorsque la cause est jugée par une instance cantonale unique au sens de l’art. 7 CPC (ATF 140 III 450 consid. 3.2; arrêt 4A_627/2015 du 9 juin 2016 consid 2.2).

Une renonciation par actes concluants aux débats principaux doit être admise si les parties, représentées par des mandataires professionnels ou des collaborateurs de leur service juridique, ne requièrent pas expressément la tenue d’une audience de débats, après que la cour cantonale, dans le cadre de la procédure initiée par le dépôt de la demande, a recueilli les dernières observations des plaideurs (arrêt 4A_627/2015 du 9 juin 2016 déjà cité, consid 2.3).

En l’espèce, la cour cantonale, qui avait prié le psychiatre traitant de l’assuré de répondre à un questionnaire, a communiqué aux deux parties la réponse de ce praticien figurant dans un courrier du 08.02.2016, en les invitant à lui faire part de leurs remarques et à « joindre toutes pièces utiles ». L’assurance s’est déterminée le 01.03.2016, déclarant persister dans ses conclusions libératoires. L’assuré a maintenu ses conclusions en paiement dans une écriture du 04.03.2016 et a requis qu’une expertise psychiatrique soit ordonnée, mais pas la tenue de débats. Par courriers des 3 et 8 mars 2016, la cour cantonale a envoyé à chaque partie, pour information, copie de l’écriture de l’autre. Elle a statué sur le litige sur pièces, par arrêt du 24.03.2016.

Devant la Chambre des assurances sociales, l’assuré a agi par l’intermédiaire d’un avocat, alors que l’assurance était représentée par des membres de son service juridique, ayant achevé une formation en droit. Compte tenu de la manière dont la procédure s’est déroulée, l’assuré devait comprendre que l’autorité précitée, après avoir communiqué à chaque partie les dernières observations de son adversaire, allait trancher le litige sur le fond sans tenir d’audience publique. Comme dans l’affaire 4A_627/2015 du 9 juin 2016 susmentionnée, consid. 2.3 in fine, qui a été rendue dans un contexte similaire, il sied de retenir que les deux parties ont renoncé par actes concluants à une telle audience, dès l’instant où aucune d’elle n’en a requis la tenue dans ses dernières écritures.

 

Expertise médicale privée

Il est de jurisprudence qu’une expertise privée n’est pas un moyen de preuve au sens de l’art. 168 al. 1 CPC, mais qu’elle doit être assimilée aux allégués de la partie qui la produit (ATF 141 III 433 consid. 2.6 p. 437; 140 III 24 consid. 3.3.3 p. 29). Seules doivent être prouvées les allégations qui sont expressément contestées. Une telle contestation doit être suffisamment précise afin que l’on puisse déterminer quelles sont les allégations du demandeur qui sont contestées. En d’autres termes, la contestation doit être concrète à telle enseigne que la partie qui a allégué les faits sache quels sont ceux d’entre eux qu’il lui incombe de prouver. Le degré de la motivation d’une allégation exerce une influence sur le degré exigible de motivation d’une contestation. Plus détaillées sont certaines allégations de la partie qui a le fardeau de la preuve, plus concrètement la partie adverse doit expliquer quels sont au sein de celles-ci les éléments de fait qu’elle conteste. Le fardeau de la contestation ne saurait toutefois entraîner un renversement du fardeau de la preuve (ATF 141 III 433 consid. 2.6 p. 438 et les références).

Dans le cas présent, l’assurance a produit l’expertise privée du Dr B.__, comportant sept pages. Ce rapport détaillé permet de saisir le raisonnement de l’expert, qui l’a amené à considérer que l’assuré était en mesure de travailler en tout cas dès le 23.06.2015. Confronté à cette expertise privée, l’assuré s’est borné à la contester globalement par pli du 24.07.2015, déclarant n’être pas d’accord. Il a certes annexé un rapport de deux pages du Dr A.__, psychiatre qui le traite, lequel a nié une valeur probante suffisante au rapport de l’expert privé B.__, faute d’objectivité et de neutralité de ce dernier. Si le Dr A.__ relève des discordances entre le diagnostic posé par le Dr B.__ (trouble de l’adaptation avec réaction dépressive prolongée), les plaintes subjectives de l’assuré et la conclusion qu’il n’est pas incapable de travailler, le premier ne discute pas précisément les allégations figurant dans l’expertise privée. Autrement dit, la remise en cause des allégations factuelles contenues dans cette expertise demandée par l’assurance ne font pas l’objet d’une contestation motivée de l’assuré. De plus, le Dr A.__ ne s’est exprimé qu’après que son patient l’a sollicité, puisque ce dernier a joint le rapport dudit psychiatre à sa contestation globale du 24 juillet 2015.

Dans de telles circonstances, les allégations précises de l’expertise privée – contestées de manière globale – peuvent apporter la preuve de leur véracité si elles sont appuyées par des indices objectifs. Or, l’office de l’assurance-invalidité du canton de Genève a estimé, dans sa décision de refus de prestations du 02.12.2015, que la capacité de gain de l’assuré était entière depuis le 25.06.2015.

En conséquence, l’autorité cantonale n’a pas violé l’art. 168 CPC en retenant que l’expertise privée du Dr B.__ avait emporté sa conviction.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 4A_318/2016 consultable ici : http://bit.ly/2eHycjJ

 

 

8C_146/2016 (f) du 09.08.2016 – Expertise médicale – 43 LPGA / Récusation des experts proposés niée

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_146/2016 (f) du 09.08.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2bVwTwT

 

Expertise médicale – 43 LPGA

Récusation des experts proposés niée

 

Assurée, travaillant en qualité de serveuse, a été victime d’un accident de la circulation le 05.10.2012 en tant que passagère d’un véhicule, au cours duquel elle a subi d’importantes lésions corporelles.

Le 31.10.2014, l’assurance-accidents a informé l’assurée de son intention de mettre en œuvre une expertise médicale et l’a invitée à faire valoir d’éventuels motifs de récusation à l’encontre des deux experts proposés, à savoir les docteurs C.__ et D.__, tous deux spécialistes en chirurgie orthopédique. L’assurée a requis la récusation des deux médecins proposés.

Par décision incidente du 04.06.2015, l’assurance-accidents a écarté les motifs de récusation invoqués, ordonné une expertise orthopédique et désigné le docteur C.__ en tant qu’expert.

 

Procédure cantonale (arrêt AA 67/15 – 4/2016 – consultable ici : http://bit.ly/2dhma0a)

Par arrêt du 12.01.2016, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Selon l’art. 43 LPGA, l’assureur examine les demandes, prend d’office les mesures d’instruction nécessaires et recueille les renseignements dont il a besoin. Les renseignements donnés oralement doivent être consignés par écrit (al. 1). L’assuré doit se soumettre à des examens médicaux ou techniques si ceux-ci sont nécessaires à l’appréciation du cas et qu’ils peuvent être raisonnablement exigés (al. 2). D’après l’art. 44 LPGA, si l’assureur doit recourir aux services d’un expert indépendant pour élucider les faits, il donne connaissance du nom de celui-ci aux parties. Celles-ci peuvent récuser l’expert pour des raisons pertinentes et présenter des contre-propositions. Lorsque l’assureur social et l’assuré ne s’entendent pas sur le choix de l’expert, l’administration doit rendre une décision directement soumise à recours (ATF 137 V 210 consid. 3.4.2.6 p. 256).

Le fait qu’un expert, médecin indépendant ou œuvrant au sein d’un centre d’expertise médicale, est régulièrement mandaté par les organes d’une assurance sociale ou par les tribunaux ne constitue toutefois pas à lui seul un motif suffisant pour conclure à la prévention ou à la partialité de l’expert (ATF 137 V 210 consid. 1.3.3 p. 226 s. et les arrêts cités). Aussi, est-ce à juste titre que le Tribunal cantonal n’a pas donné suite à la requête de renseignements présentée par l’assurée sur le nombre de mandats d’expertise éventuellement confiés au docteur C.__, cet élément ne constituant pas une preuve pertinente pour établir les faits relatifs à la récusation (SVR 2015 IV n° 34 p. 108, précité, consid. 5; arrêt 9C_366/2013 du 2 décembre 2013 consid. 5.3). Ne constitue pas non plus un motif de récusation le fait que l’assurance a renoncé à mandater le docteur D.__. Comme le relèvent les premiers juges, même si cette question n’était pas claire au départ, l’assureur a par la suite signifié sans équivoque à l’assurée que l’expertise serait confiée alternativement soit au docteur C.__ soit au docteur D.__. On ne voit pas que le choix de l’un d’entre eux puisse engendrer un soupçon de partialité à son égard.

L’assurée, en réalité, voudrait que le Tribunal fédéral modifie sa jurisprudence relative à l’indépendance des experts. Elle se prévaut de l’avis exprimé par JACQUES OLIVIER PIGUET (Le choix de l’expert et sa récusation: le cas particulier des assurances sociales, HAVE/REAS 2/2011 p. 127 ss, plus spécialement p. 134 s.), selon lequel l’expert qui consacre la majeure partie de son temps à des mandats d’expertise finit par se trouver dans un rapport de loyauté avec l’assureur.

En dépit de cette critique et quoi qu’en dise l’assurée, il n’y a pas lieu de revenir sur la jurisprudence mise en cause, bien établie et que le Tribunal fédéral a confirmée à maintes reprises (outre l’ATF 137 V 210 consid. 1.3.3 p. 226 s., déjà mentionné, et les nombreux arrêts cités, voir plus récemment, par exemple, SVR 2015 IV n° 34 p. 108 consid. 4; voir aussi l’arrêt de la CourEDH Spycher contre Suisse du 17 novembre 2015, § 21 ss). Le Tribunal fédéral n’a pas méconnu les objections que pouvait soulever cette jurisprudence et l’assurée n’invoque aucun argument nouveau qui justifierait de la modifier (sur les conditions d’un changement de jurisprudence, cf. ATF 139 V 307 consid. 6.1 p. 313; 138 III 270 consid. 2.2.2 p. 273).

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_146/2016 consultable ici : http://bit.ly/2bVwTwT

 

 

9C_136/2016 (f) du 14.07.2016 – Expertise médicale judiciaire – recours de l’office AI rejeté par le TF

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_136/2016 (f) du 14.07.2016

 

Consultable ici : http://bit.ly/2be9TUk

 

Expertise médicale judiciaire – recours de l’office AI rejeté par le TF

 

 

TF

Lorsque l’autorité cantonale juge l’expertise judiciaire concluante et en fait sien le résultat, le Tribunal fédéral n’admet le grief d’appréciation arbitraire que si l’expert n’a pas répondu aux questions posées, si ses conclusions sont contradictoires ou si, d’une quelconque autre façon, l’expertise est entachée de défauts à ce point évidents et reconnaissables, même sans connaissances spécifiques, que le juge ne pouvait tout simplement pas les ignorer. Il n’appartient pas au Tribunal fédéral de vérifier si toutes les affirmations de l’expert sont exemptes d’arbitraire; sa tâche se limite bien plutôt à examiner si l’autorité intimée pouvait, sans arbitraire, se rallier au résultat de l’expertise (ATF 125 V 351 consid. 3b/aa p. 352 et les références; arrêt 9C_960/2009 du 24 février 2010 consid. 3.1).

Le TF rejette le recours de l’office AI sur ce point.

 

 

Arrêt du tribunal cantonal ATAS/4/2016 du 11.01.2016 consultable ici : http://bit.ly/2bLAGtY

 

Arrêt 9C_136/2016 consultable ici : http://bit.ly/2be9TUk