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9C_765/2019 (d) du 11.05.2020 – Revenu d’invalide – ESS – 16 LPGA / Âge pas nécessairement d’effet négatif sur les activités de niveau de compétences 1 / Abattement 10% (alternance des positions, port de charges max 10 kg, etc.)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_765/2019 (d) du 11.05.2020

 

NB : traduction personnelle, seul l’arrêt fait foi

Consultable ici

 

Revenu d’invalide – ESS / 16 LPGA

Âge pas nécessairement d’effet négatif sur les activités de niveau de compétences 1

Abattement 10% (alternance des positions, port de charges max 10 kg, etc.)

 

Assurée, née en 1968, a perçu une rente entière d’invalidité du 01.07.2011 au 31.07.2012. Elle a déposé une nouvelle demande AI en juillet 2014.

Une expertise polydisciplinaire a été mise en œuvre en février 2017. D’un point de vue orthopédique, la capacité de travail est réduite de 20% en raison du besoin accru de pauses en raison de la douleur. Les limitations fonctionnelles suivantes ont également été retenues : alternance des positions, alternance entre la position assise et la marche, pas de travail dans des positions contraignantes, pas de rotation et de torsion fréquente du haut du corps, soulèvement, transport et déplacement de charges limités à 10 kg, travail en hauteur (Überkopfarbeiten) uniquement pendant une courte période et dans des cas exceptionnels. Sur le plan psychique, les limitations sont : travail tranquille sans exiger de transports publics, sans pression temporelle, sans travail continu (Schichtdienst) et avec la possibilité d’aménagements flexibles des pauses.

L’office AI a octroyé une rente entière d’invalidité du 01.07.2015 au 31.01.2016 et du 01.07.2017 au 31.01.2018.

 

Procédure cantonale

Le tribunal cantonal a retenu que l’assurée avait une capacité de travail dans une activité adaptée de 80%, niant le caractère invalidant des troubles psychiques (sous l’angle de l’ATF 141 V 281).

Par jugement du 21.08.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

S’agissant de l’expertise polydisciplinaire et du caractère invalidant des troubles psychiques, le Tribunal fédéral admet le recours de l’assurée. Le TF retient, conformément à l’avis des experts, qu’une capacité de travail de 50% est exigible dans des activités adaptées.

Le revenu qui peut raisonnablement être réalisé malgré l’atteinte à la santé doit être déterminé par rapport à un marché du travail équilibré, caractérisé par un certain équilibre entre l’offre et la demande de main d’œuvre et qui comprend un éventail d’emplois diversifiés, y compris notamment des emplois de niche (art. 16 LPGA ; ATF 134 V 64 consid. 4.2.1 p. 70 s.). Les revenus statistiques ressortant de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS) comprennent donc également un grand nombre d’activités légères, y compris des activités de contrôle simples.

La prise en compte du niveau de compétences 1 n’est pas contesté/contestable.,

En l’espèce, l’abattement sur le salaire statistique ne dépasse pas 10%. Selon le Tribunal fédéral, il n’est pas évident que d’autres facteurs influençant les revenus – qui en outre ne sont pas explicitement invoqués – seraient si graves que l’assurée devrait s’attendre à des effets négatifs sur le niveau des salaires. En particulier, il n’y a pas de circonstances spécifiques qui pourraient conduire à un abattement (plus élevé) en raison de son âge, née en 1968 (voir sur ce point l’arrêt 9C_470/2017 du 29 juin 2018 consid. 4.2). Cela est d’autant plus vrai que l’âge n’a pas nécessairement un effet négatif sur les activités de niveau de compétences 1, puisque le travail non qualifié est en principe demandé quel que soit l’âge sur le marché du travail hypothétiquement équilibré (cf. entre autres arrêts 8C_378/2019 du 18 décembre 2019 consid. 7.2.1 et 9C_535/2017 du 14 décembre 2017 consid. 4.6, non publié in ATF 143 V 431, mais in: SVR 2018 IV Nr. 20 S. 63).

 

Le Tribunal fédéral reconnait le droit de l’assurée à un quart de rente AI (fondé sur un taux d’invalidité de 45.3%) du 01.02.2018.

 

Le TF admet le recours de l’assurée.

 

 

Arrêt 9C_765/2019 consultable ici

Proposition de citation : 9C_765/2019 (d) du 11.05.2020 – Revenu d’invalide – Âge pas nécessairement d’effet négatif sur les activités de niveau de compétences 1, in assurances-sociales.info – ionta (https://assurances-sociales.info/2020/06/9c_765-2019)

 

Heures de travail en 2019 / Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique 1990-2019

Heures de travail en 2019 / Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique 1990-2019

 

Communiqué de presse de l’OFS du 12.05.2020 consultable ici

Fichier Excel de l’OFS « Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique 1990-2019 » disponible ici

 

NB : nous rappelons que la durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique est une donnée nécessaire pour le calcul des revenus tirés de l’ESS.

 

En 2019, 7,929 milliards d’heures de travail ont été dénombrées dans le cadre professionnel. Entre 2014 et 2019, la durée hebdomadaire effective de travail des salariés à plein temps s’est réduite en moyenne de 15 minutes pour s’établir à 41 heures et 2 minutes. Dans le même temps, le nombre annuel de semaines de vacances a poursuivi sa progression régulière pour s’élever à 5,2 semaines, selon les derniers résultats de l’Office fédéral de la statistique (OFS).

Les résultats du présent communiqué de presse portent sur les heures de travail en 2019. Les effets de la pandémie de coronavirus (COVID-19) sur les résultats au 1er semestre 2020 seront analysés dès que les données seront disponibles. Un communiqué de presse de l’OFS est prévu en septembre 2020.

Selon la statistique du volume du travail (SVOLTA), le nombre d’heures travaillées par l’ensemble des actifs occupés en Suisse a augmenté de 0,5% en 2019 par rapport à l’année précédente. L’augmentation est due à la hausse du nombre d’emplois (+1,0%), compensée en partie par une baisse de la durée annuelle effective de travail par emploi (–0,5%). Tout comme la durée annuelle, la durée hebdomadaire effective de travail par emploi a baissé de 0,5%. Cette baisse est effective, car il n’y a pas eu d’effet spécifique à des jours fériés entre 2018 et 2019 ; les deux années ayant vu le même nombre de jours fériés coïncider avec des jours ouvrables.

 

Recul de la durée effective de travail des salariés

Entre 2014 et 2019, la durée hebdomadaire effective de travail des salariés à plein temps (sans les salariés propriétaires de leur entreprise) s’est contractée de 15 minutes à 41 heures et 2 minutes en 2019. Ceci s’explique par une diminution de la durée hebdomadaire contractuelle de travail (–1 minute à 41 heures et 52 minutes), une baisse de la durée hebdomadaire d’heures supplémentaires (–8 minutes à 50 minutes) et une augmentation de la durée hebdomadaire d’absences (+6 minutes à 1 heure et 41 minutes).

Le nombre de semaines de vacances a poursuivi sa progression régulière, passant de 5,1 à 5,2 semaines par année entre 2014 et 2019, soit un gain de 0,3 jour. Les salariés âgés de 20 à 49 ans disposent de 4,9 semaines de vacances, contre 5,4 semaines pour les 15-19 ans et 5,6 semaines pour les 50-64 ans.

 

Secteur primaire : plus de 45 heures hebdomadaires

Ce sont les salariés à plein temps du secteur primaire qui ont accompli la charge de travail la plus élevée par semaine (durée effective de 47 heures et 28 minutes en 2019). Suivent, dans l’ordre, les branches «Activités financières et d’assurances» (41 heures et 55 minutes), «Activités spécialisées, scientifiques et techniques» (41 heures et 46 minutes), et «Autres activités de services» (41 heures et 32 minutes).

 

Des comparaisons internationales très variées

À des fins de comparaisons internationales, la méthode de calcul de la durée de travail doit être légèrement adaptée (cf. annexe méthodologique). Ainsi calculée, la durée hebdomadaire effective de travail des salariés à plein temps s’élève en Suisse à 42 heures et 24 minutes, ce qui la positionne en tête des pays de l’UE28/AELE devant l’Islande (42 heures et 6 minutes). Le Danemark, la France et la Norvège enregistrent la durée la moins élevée (37 heures et 30 minutes). La durée au sein de l’UE28 s’élevait en moyenne à 39 heures et 12 minutes.

En considérant l’ensemble des actifs occupés, la Suisse (35 heures et 36 minutes) se situe toutefois parmi les pays dont les durées hebdomadaires effectives de travail sont les moins élevées en 2019. Cela s’explique par la forte proportion de personnes occupées à temps partiel. La durée la plus haute et la plus basse ont été enregistrées respectivement en Grèce (40 heures et 18 minutes) et aux Pays-Bas (31 heures et 36 minutes), la moyenne de l’UE28 s’établissant à 36 heures et 18 minutes.

Enfin, en rapportant le volume total d’heures hebdomadaires travaillées à l’ensemble de la population de 15 ans et plus, l’Islande (30 heures et 12 minutes) et la Suisse (23 heures et 12 minutes) se situent à nouveau en tête des pays de l’UE28/AELE. La position de la Suisse s’explique par la part élevée de personnes participant au marché du travail. Les durées les moins élevées ont été relevées en Italie (16 heures et 24 minutes) et en Grèce (17 heures et 18 minutes). La moyenne de l’UE28 s’établit à 19 heures et 48 minutes.

 

 

Communiqué de presse de l’OFS du 12.05.2020 consultable ici

Fichier Excel de l’OFS « Durée normale du travail dans les entreprises selon la division économique 1990-2019 » disponible ici

 

 

9C_668/2019 (d) du 03.03.2020 – Interruption de l’incapacité de travail / 28 al. 1 lit. b LAI – 29ter RAI Revenu d’invalide selon l’ESS – Assistante de bureau AFP – Niveau de compétences 1 / 16 LPGA

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_668/2019 (d) du 03.03.2020

NB : traduction personnelle ; seul l’arrêt du TF fait foi.

 

Consultable ici

 

Interruption de l’incapacité de travail / 28 al. 1 lit. b LAI – 29ter RAI

Revenu d’invalide selon l’ESS – Assistante de bureau AFP – Niveau de compétences 1 / 16 LPGA

 

Assurée, née en 1965, employée à 100 %, travaillant dans la logistique ainsi que dans le domaine de l’organisation de cours. Le 21.01.2015, annonce AI.

Une expertise a été réalisée par le MEDAS.

L’office AI a nié le droit de l’assurée à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale

Par jugement du 02.09.2019, admission partielle du recours par le tribunal cantonal, octroyant le droit à l’assuré à un quart de rente AI du 01.07.2015 au 31.08.2015, à une rente entière du 01.09.2015 au 29.02.2016 et à un quart de rente AI dès le 01.03.2016.

 

TF

Interruption significative de l’incapacité de travail

Une interruption significative de l’incapacité de travail au sens de l’art. 28 al. 1 lit. b LAI existe lorsque l’assuré a été entièrement apte au travail pendant 30 jours consécutifs au moins (art. 29ter RAI).

L’office AI (recourant) argue qu’aucun certificat médical d’incapacité de travail n’a été délivré entre le 01.09.2014 et le 30.11.2014. Selon les médecins-experts, l’assurée a précédemment travaillé dans un bureau pour 50% et dans la logistique pour 50%. Toutes les activités physiquement légères, qui lui permettent d’épargner le dos, en tout cas l’activité au bureau, étaient raisonnablement exigible à 70%. Cependant, les travaux plus lourds de logistique étaient limités voire impossibles en raison des troubles dorsaux. Il est difficile à les quantifier et dépend des tâches respectives requises. Cependant, ces activités pénibles n’ont plus été possibles depuis le début de l’incapacité de travail en février 2014. Au vu des déclarations des experts, il ne fait aucun doute que leur évaluation est également valable rétrospectivement, à l’exception des incapacités partielles ou totales de travail plus élevées post- ou périopératoires.

Après examen, le Tribunal fédéral conclut que les constatations du tribunal cantonal selon lesquelles le délai d’attente n’a pas été interrompu, ne violent pas le droit fédéral.

 

Revenu d’invalide

L’assurée est au bénéfice d’une formation d’assistante de bureau AFP (attestation fédérale de formation professionnelle ; Eidgenössisches Berufsattest EBA en allemand) et n’a pas de qualification professionnelle supérieure. En particulier, sa formation n’est pas équivalente à celle d’une employée de commerce CFC (certificat fédéral de capacité ; Eidgenössisches Fähigkeitszeugnis EFZ en allemand).

Une AFP est obtenue après une formation professionnelle initiale de deux ans alors que le CFC l’est après une formation professionnelle initiale de trois ou quatre ans (art. 17 al. 2 et 3 et 37 s. LFPr [Loi fédérale sur la formation professionnelle]). Toute personne qui a terminé l’école obligatoire avec les exigences de base est admise à la formation d’assistante de bureau AFP. Pour l’apprentissage d’employée de commerce CFC, en revanche, il faut au moins avoir terminé l’école obligatoire au niveau le plus élevé avec des notes suffisantes ou au niveau intermédiaire avec de bonnes notes dans les matières principales. Après une formation d’assistante de bureau AFP, en cas de très bons résultats, il est possible de suivre une formation complémentaire pour obtenir le certificat fédéral de capacité d’employée de commerce. Dans ces conditions, il est justifié de qualifier la certification de l’assurée comme formation à une activité auxiliaire dans le secteur des bureaux, par rapport à celle d’employée de commerce CFC.

La conclusion du tribunal cantonal, selon laquelle l’assurée, malgré sa formation, ne pouvait être employée que pour de travaux simples de bureau, n’est donc en aucun cas manifestement erronée. Forte de cette constatation, la cour cantonale a établi à juste titre le revenu d’invalide sur la base du niveau de compétences 1. Cela ne peut être modifié par le simple fait que l’expérience professionnelle d’environ cinq ans de l’assurée dans le secteur commercial ne change rien en soi (cf. également dans le cas d’une expérience professionnelle de plusieurs années, arrêt 8C_728/2016 du 21 décembre 2016 consid. 3.3).

Enfin, le fait que le niveau de compétence 1 comprenne de nombreuses activités simples qui nécessitent de la force physique n’est pas pertinent, car chaque domaine d’activité contient un niveau de compétence 1 (cf. l’Enquête sur la structure des salaires de l’Office fédéral de la statistique).

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_668/2019 consultable ici

 

 

Enquête suisse sur la structure des salaires en 2018: premiers résultats

Enquête suisse sur la structure des salaires en 2018: premiers résultats

 

Communiqué de presse de l’OFS du 21.04.2020 consultable ici

Tableau TA1_skill_level (utilisé dans le domaine des assurances sociales) de l’ESS 2018 est disponible ici

 

Pour l’ensemble de l’économie (secteurs privé et public ensemble), le salaire médian était en 2018 de 6538 francs bruts par mois pour un poste à plein temps. Les écarts salariaux sont toujours marqués entre les branches économiques et aussi selon les régions. Entre le haut et le bas de la pyramide des salaires, les différences sont restées relativement stables entre 2008 et 2018. En Suisse, près d’un tiers des salariés touche des boni. C’est ce qu’indiquent les premiers résultats de l’enquête suisse sur la structure des salaires de l’Office fédéral de la statistique (OFS).

Le salaire médian en 2018 s’est élevé à 6538 francs bruts par mois. Les 10% des salariés les moins bien rémunérés ont tous gagné moins de 4302 francs par mois alors que les 10% les mieux payés gagnent tous plus que 11 698 francs.

En Suisse, le paysage salarial présente de fortes disparités selon les branches économiques. Les niveaux de rémunération sont clairement supérieurs au salaire médian dans les activités économiques à forte valeur ajoutée telles que les activités informatiques et services d’information (9000 francs), l’industrie pharmaceutique (9747 francs) ou encore les services financiers (9921 francs). Au bas de l’échelle des salaires, on retrouve l’industrie textile et de l’habillement (5095 francs), le commerce de détail (4875 francs), l’hébergement et la restauration (4412 francs) et les services personnels (4144 francs).

 

Les écarts salariaux restent relativement stables entre 2008 et 2018

La fourchette générale des salaires, à savoir l’écart global entre les salaires les plus élevés et ceux les plus bas, est restée relativement stable entre 2008 et 2018. Durant cette même période, les 10% des personnes les mieux payées ont vu leur rémunération augmenter de 9,1%. Les salariés appartenant à la « classe moyenne » ont connu une augmentation salariale de 7,3% alors que la hausse des salaires pour les 10% des personnes les moins bien payées s’est montée à 9,6%.

 

La valeur des boni a continué d’augmenter en 2018

En 2018, près de 1 salarié sur 3 (32,8%) a reçu des boni, c’est-à-dire un paiement irrégulier annuel qui vient s’ajouter au salaire de base. De 2008 à 2014, la valeur monétaire moyenne des boni attribués a diminué, passant de 11 698 francs en 2008 à 7939 francs en 2014. La valeur moyenne annuelle des boni a connu une première hausse en 2016 (9033 francs). En 2018, le montant des boni a continué à augmenter pour s’établir à 9913 francs. La valeur des boni varie considérablement selon les branches économiques et selon le niveau de responsabilité occupé au sein de l’entreprise. Ainsi, pour les cadres supérieurs, la valeur monétaire des boni atteint par exemple 16 138 francs en moyenne annuelle dans le commerce de détail, 21 432 francs dans la construction, 79 989 francs dans l’industrie pharmaceutique, 89 028 francs dans les services financiers. Les personnes n’occupant pas de fonction dirigeante perçoivent également des boni mais leur valeur monétaire moyenne sur une année est bien plus basse (4137 francs). Dans la grande majorité des branches économiques, les boni représentent une composante à la fois flexible et pleinement intégrée au système global de rémunération du travail salarié.

 

La part des postes à bas salaires a légèrement augmenté entre 2016 et 2018

En Suisse, le nombre de postes à bas salaires (équivalent à un niveau de rémunération inférieur à 4359 francs bruts par mois pour un temps plein) a légèrement augmenté en 2018 pour atteindre 353 000 contre 329 000 en 2016. Les branches économiques qui présentent un taux élevé de postes à bas salaires sont les suivantes : le commerce de détail (24,4%), la restauration (44,7%), l’industrie de l’habillement (56%) ou encore les services personnels (57,3%). En 2018, plus de 480 000 personnes perçoivent un bas salaire, soit 12,1% des salariés. Parmi ces salariés 64,4% sont des femmes (2016: 66,4%).

 

Les inégalités salariales entre les femmes et les hommes diminuent progressivement

Dans l’ensemble de l’économie, l’écart de salaire entre les femmes et les hommes a atteint 11,5% en 2018 contre 12,0% en 2016 et 12,5% en 2014. Dans le secteur privé, les femmes ont gagné en 2018 14,4% de moins que les hommes alors que dans le secteur public, cette différence globale est de 11,4%. Ce différentiel des niveaux de rémunération entre les sexes s’explique en partie par des profils structurels et des activités exercées différentes (notamment le niveau de responsabilité du poste occupé ou la branche économique). Ces écarts salariaux mettent en évidence l’insertion professionnelle inégale qui existe entre le personnel féminin et masculin sur le marché du travail.

Le différentiel salarial entre les sexes est d’autant plus marqué que la position dans la hiérarchie est élevée. Ainsi, les femmes occupant les postes à haute responsabilité gagnent 8872 francs bruts alors que la rémunération de leurs collègues masculins – occupant le même niveau de responsabilité – se monte à 10 893 francs, soit une différence de 18,6%. L’écart salarial en défaveur du personnel féminin est moins marqué pour les postes de travail exigeant des niveaux plus bas de responsabilité (9,4%) et de 7,6% pour les femmes sans fonction de cadre.

En 2018, la répartition des femmes et des hommes en fonction des classes salariales était la suivante: 58,3% des postes dont le niveau de salaire est inférieur à 4500 francs bruts par mois sont occupés par des femmes. A l’inverse, 82,4% des emplois dont la rémunération dépasse 16 000 francs bruts mensuels sont occupés par des hommes.

 

Main-d’œuvre étrangère: disparités salariales selon les permis de séjour

Au niveau de l’ensemble de l’économie, on constate que la rémunération des personnes salariées de nationalité suisse reste en moyenne plus élevée que celle versée à leurs collègues de nationalité étrangère, soit respectivement 6873 francs contre 5886 francs. Globalement, ce différentiel salarial en faveur des salariés suisses par rapport au personnel étranger se retrouve quelle que soit la catégorie de permis de séjour.

En revanche, pour les postes exigeant un haut niveau de responsabilité, la main-d’œuvre étrangère gagne des salaires plus élevés que ceux versés aux salariés de nationalité suisse. Ainsi, les frontaliers occupant des postes à haut niveau de responsabilité gagnent 10 750 francs, les bénéficiaires d’une autorisation de séjour 12 510 francs contre 10 138 francs pour les salariés suisses.

Cette situation s’inverse lorsque l’on considère les postes de travail n’exigeant pas de responsabilité hiérarchique. Avec 6260 francs, la rémunération des salariés de nationalité suisse n’occupant pas de fonction de cadre est supérieure aux salaires versés à la main-d’œuvre étrangère, soit 5699 francs pour les frontaliers et 5189 francs pour les salariés disposant d’une autorisation de séjour.

 

Hiérarchie régionale des salaires: Zürich toujours en tête

Le paysage des salaires en Suisse diffère significativement selon les espaces considérés. Pour les emplois les plus qualifiés, les niveaux de rémunération sont régulièrement plus élevés dans les régions de Zürich (9221 francs) et du Nord-Ouest (BS, BL, AG) avec 8874 francs. A l’autre bout de l’échelle régionale des salaires, on retrouve le Tessin, qui connaît les plus bas niveaux de rémunération, que ce soit pour les emplois les plus qualifiés (7367 francs) ou pour ceux qui exigent le moins de qualification (4222 francs). Cette hiérarchie régionale des salaires s’explique en grande partie par la concentration de branches économiques à forte valeur ajoutée dans certains espaces ainsi qu’aux spécificités structurelles des marchés régionaux du travail.

 

 

Commentaire/Remarques

Pro memoria, pour fixer le revenu d’invalide, il y a lieu de se fonder au moment de la décision sur les données les plus récentes (arrêts du Tribunal fédéral 8C_520/2016 du 14 août 2017 consid. 4.3.1 et la référence ; 9C_767/2015 du 19 avril 2016 consid. 3.4).

S’agissant de l’indexation des salaires nominaux, les chiffres pour 2019 paraîtront normalement d’ici une à deux semaines.

 

 

Communiqué de presse de l’OFS du 21.04.2020 consultable ici

Tableau TA1_skill_level (utilisé dans le domaine des assurances sociales) de l’ESS 2018 en français, italien et allemand

Les autres tableaux de l’ESS 2018 parfois utilisés dans le domaine des assurances sociales :

 

 

9C_470/2019 (f) du 02.03.2020 – Revenu sans invalidité chez une jeune avant apprentissage mais après son choix de métier – 16 LPGA – 28a al. 1 LAI – 26 RAI

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_470/2019 (f) du 02.03.2020

 

Consultable ici

 

Revenu sans invalidité chez une jeune avant apprentissage mais après son choix de métier / 16 LPGA – 28a al. 1 LAI – 26 RAI

Vraisemblance prépondérante de la formation qui aurait été entreprise

 

Assurée, née en 1995, était en 9e année du cursus scolaire en voie secondaire générale (VSG) et envisageait une formation d’éducatrice de la petite enfance, lorsqu’elle a été victime d’un accident de la circulation routière, le 24.10.2010, qui a notamment entraîné un TCC sévère avec des difficultés neuropsychologiques séquellaires et une parésie cubitale traumatique.

Avec l’aide de l’AI, qui lui a accordé des mesures de réadaptation professionnelle, l’assurée a entrepris un apprentissage en septembre 2012 qui a abouti à l’obtention d’un CFC d’employée de commerce en été 2016. L’assurée a ensuite bénéficié d’une mesure d’aide au placement, sous la forme notamment de deux stages comme employée de commerce durant l’année 2017. A la suite du second stage, elle a été engagée en qualité de secrétaire, à un taux d’occupation de 40%, pour un salaire mensuel de 1746 fr. 65, versé treize fois l’an.

L’office AI a reconnu le droit de l’assurée à un quart de rente d’invalidité (taux d’invalidité de 46%) dès le 01.08.2016, sous déduction des indemnités journalières octroyées du 03.04.2017 au 30.09.2017.

 

Procédure cantonale (arrêt AI 226/18 – 173/2019 – consultable ici)

La juridiction cantonale a procédé à l’évaluation du niveau de l’assurée et a nié qu’il fût possible d’établir que l’intéressée aurait pu obtenir un diplôme d’une école supérieure (ES) dans la filière « éducation de l’enfance » ou un diplôme d’une Haute école spécialisée (HES) dans la filière de formation « travail social » sans la survenance de l’accident. Dès lors qu’au moment de l’accident, celle-ci suivait un cursus scolaire, non pas en voie baccalauréat, mais en voie secondaire générale (VSG), dont le débouché naturel n’est pas l’entrée au gymnase, mais en apprentissage, les juges cantonaux ont constaté que le chemin pour obtenir un diplôme ES/HES aurait été long et parsemé de raccordements. Leurs constatations à cet égard font en effet état d’une durée de formation allant de six à dix ans pour l’obtention d’un diplôme auprès d’une HES ou ES. La cour cantonale a considéré qu’une projection sur une durée de cinq à dix ans depuis l’accident apparaissait « pour le moins aléatoire », ce d’autant plus qu’il n’était en particulier pas établi que l’assurée avait les capacités pour entrer au gymnase, puis, dans l’affirmative, également pour suivre ensuite avec succès une formation dans une HES ou ES.

Le revenu sans invalidité a été fixé à 65’552 fr. 40, correspondant au salaire obtenu par les femmes travaillant dans le secteur « Santé humaine et action sociale », niveau de compétence 2, femmes, selon l’ESS 2016 (T1_skill_level, 86-88).

Par jugement du 29.05.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Conformément à la jurisprudence, l’art. 26 al. 2 RAI est également applicable lorsque l’assuré n’a pas été en mesure, en raison de la survenance de l’atteinte à la santé, de commencer la formation auquel il se destinait et par rapport à laquelle il avait eu des projets concrets (arrêt 9C_163/2017 précité consid. 4.1). En conséquence, il n’y a pas lieu de revenir sur l’application en tant que telle de cette disposition, contestée à tort par l’office AI.

Contrairement à ce que soutient l’assurée, le fait qu’elle a « manifesté, à de nombreuses reprises sa volonté de se former par le biais du gymnase, suivi d’une formation ultérieure en tant qu’éducatrice de l’enfance » ne suffit pas pour admettre que le gymnase en voie diplôme n’était pas « qu’une éventualité, conditionnée à l’obtention d’un certain nombre de points », comme l’ont retenu les juges cantonaux. On ne saurait en effet inférer de la circonstance que la voie gymnasiale constituait, pour reprendre les termes de l’assurée, « son premier choix », qu’elle aurait eu les capacités pour suivre un tel cursus. Le fait que les médecins et autres professionnels ayant suivi l’intéressée l’aient décrite comme une personne volontaire, s’investissant pleinement dans ses études, et capable de passer beaucoup de temps pour apprendre ses cours ne permet pas non plus d’établir qu’elle aurait obtenu les points nécessaires pour entrer au gymnase sans la survenance de l’accident en octobre 2010. En l’espèce, au moment de l’accident, l’assurée était en 9e année VSG, soit un cursus scolaire dont le débouché naturel est l’entrée en apprentissage. Or, sous l’angle de l’art. 26 al. 2 RAI, il importe que la formation à laquelle se destinait la personne assurée apparaisse réaliste compte tenu de ses capacités avant la survenance de l’atteinte à la santé, comme c’est le cas lors de l’évaluation du revenu sans invalidité d’une jeune personne ayant subi une atteinte à la santé au moment où elle débutait son parcours professionnel (cf. arrêt 8C_612/2014 du 28 avril 2015 consid. 4.2.2.2). Partant, en considérant que l’entrée au gymnase en voie de diplôme n’était qu’une éventualité parmi d’autres, pas suffisamment certaine pour retenir l’obtention d’une maturité, les juges cantonaux n’ont pas fait preuve d’arbitraire.

L’argumentation de l’assurée, selon laquelle si même à admettre que sans la survenance de l’accident, la seule voie envisageable pour elle aurait été un apprentissage d’assistante socio-éducative, on ne saurait en déduire qu’elle n’aurait pas complété celui-ci par « une formation ES de deux ans ou par une maturité professionnelle, puis un diplôme HES », ne peut pas non plus être suivie. Il ne suffit en effet pas d’affirmer qu’elle « a été entravée dans sa formation et a dû opter pour une formation inférieure à celle qu’elle entendait effectuer » pour établir, selon le degré de la vraisemblance prépondérante, qu’elle aurait commencé et terminé avec succès une formation dans une HES ou une ES en complément de son CFC d’ASE si elle n’avait pas été victime d’un accident en 2010. L’application de l’art. 26 al. 2 RAI présuppose en effet qu’il y ait des indications concrètes que l’assuré aurait effectivement achevé sa formation sans l’atteinte à la santé ; de simples déclarations d’intention ou spéculations ne suffisent pas (arrêt I 318/94 du 22 juin 1995 consid. 1b et les arrêts cités).

Au demeurant, on ajoutera dans ce contexte que selon la jurisprudence, la notion de formation professionnelle à laquelle se réfère l’art. 26 al. 2 RAI correspond à la formation professionnelle de base (« berufliche Grundausbildung »), et non à une formation ultérieure (« entsprechende Weiterbildung » ; arrêt I 104/96 du 10 mars 1997 consid. 2a, confirmé par l’arrêt 8C_550/2009 du 12 novembre 2009 consid. 4.2), sans qu’il apparaisse nécessaire d’examiner l’argumentation de l’assurée sous cet angle.

En conclusion, il n’y a pas lieu de s’écarter du résultat de l’évaluation du taux d’invalidité effectuée par la juridiction cantonale.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 9C_470/2019 consultable ici

 

 

Remarque : un élément m’échappe. Même en lisant le consid. 4/cc de l’arrêt de la juridiction cantonale, la question de l’utilisation du T1_skill_level au lieu du TA1_skill_level se pose. Ce d’autant plus que la cour cantonale précise que « les deux [arrêts] plus récents ont été rendus sur la base du tableau TA1_skill_level de l’ESS 2012 ». L’office AI a fixé le revenu sans invalidité sur la base du tableau TA1.

Pour rappel, il convient en règle générale de se référer à la table TA1 « secteur privé » ; la table T1 valable pour l’ensemble du secteur privé et public est généralement utilisé lorsque l’assuré a exercé sa dernière activité dans le secteur public (cf. par exemple l’arrêt du Tribunal fédéral 8C_655/2016 du 4 août 2017 consid. 6.3).

Dans le cas d’espèce, prendre le tableau T1 est à l’avantage de l’assurée, le tableau TA1_skill_level donnant généralement des revenus légèrement inférieurs (in casu, 5’156 francs pour le TA1 et 5’240 francs pour le T1).

 

 

 

9C_537/2019 (f) du 25.02.2020 – Revenu d’invalide selon ESS – 16 LPGA / Abattement de 15% pour une atteinte au membre supérieur droit et une capacité de travail de 60% (baisse de rendement de 40% sur un 100%)

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_537/2019 (f) du 25.02.2020

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide selon ESS / 16 LPGA

Abattement de 15% pour une atteinte au membre supérieur droit et une capacité de travail de 60% (baisse de rendement de 40% sur un 100%)

 

Assurée, née en 1960, a travaillé en dernier lieu en qualité de tenancière d’une épicerie tea-room.

Dans le contexte d’une demande de prestations de l’assurance-invalidité (déposée le 28.02.2012), l’office AI a été enjoint de se prononcer à nouveau sur le droit à la rente en fonction d’une capacité résiduelle de travail de 60% dans une activité adaptée, fondée sur les conclusions du professeur B.__ et de la doctoresse C.__ (arrêt du Tribunal fédéral du 23 janvier 2017 [9C_422/2016]). Les deux spécialistes en neurologie avaient posé le diagnostic de tremblement psychogène et de trouble moteur dissociatif, concluant à une limitation du rendement en raison de l’impotence fonctionnelle du membre supérieur droit. Par décision, l’office AI a alloué à l’assurée un quart de rente d’invalidité à partir du 01.01.2013, fondé sur un taux d’invalidité de 47%. En bref, il a notamment pris en considération dans la comparaison des revenus déterminants un abattement de 10% sur le revenu d’invalide en raison de l’âge de l’assurée et du fait que seules des activités légères restaient possibles.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/556/2019 – consultable ici)

En ce qui concerne l’abattement sur le salaire statistique, les juges cantonaux se sont référés à la casuistique du Tribunal fédéral relative aux déductions pratiquées pour des assurés qui ont une main partiellement ou complètement non fonctionnelle. Ils ont admis que la déduction de 10% retenue par l’office AI était inférieure à la quotité généralement admise pour ce motif, de sorte qu’elle s’avérait problématique pour des questions d’égalité de traitement entre assurés. A cela, il fallait tenir compte de l’âge de l’assurée, également susceptible de réduire son revenu d’invalide. Compte tenu de l’ensemble des circonstances, la déduction de 10% apparaissait insuffisante, tandis qu’un abattement de 15% était plus approprié.

Par jugement du 06.06.2019, admission du recours par le tribunal cantonal, reconnaissant le droit de l’assurée à une demi-rente d’invalidité dès le 01.01.2013. La cour cantonale a considéré que l’abattement sur le salaire statistique devait être fixé à 15%, ce qui entraînait un taux d’invalidité de 50%.

 

TF

En ce qui concerne la fixation du revenu d’invalide (cf. art. 16 LPGA) sur la base des statistiques salariales, il est notoire, selon la jurisprudence, que les personnes atteintes dans leur santé, qui présentent des limitations même pour accomplir des activités légères, sont désavantagées sur le plan de la rémunération par rapport aux travailleurs jouissant d’une pleine capacité de travail et pouvant être engagés comme tels; ces personnes doivent généralement compter sur des salaires inférieurs à la moyenne (ATF 124 V 321 consid. 3b/bb p. 323). La mesure dans laquelle les salaires ressortant des statistiques doivent par conséquent être réduits dépend de l’ensemble des circonstances personnelles et professionnelles du cas particulier (limitations liées au handicap, âge, années de service, nationalité, autorisation de séjour et taux d’occupation). Une déduction globale maximale de 25% sur le salaire statistique permet de tenir compte des différents éléments qui peuvent influencer le revenu d’une activité lucrative (ATF 126 V 75 consid. 5b/aa-cc p. 79).

Le point de savoir s’il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou à d’autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral; en revanche, l’étendue de l’abattement du salaire statistique dans un cas concret constitue une question relevant du pouvoir d’appréciation, qui est soumise à l’examen du juge de dernière instance uniquement si la juridiction cantonale a exercé son pouvoir d’appréciation de manière contraire au droit, soit si celle-ci a commis un excès positif (« Ermessensüberschreitung ») ou négatif (« Ermessensunterschreitung ») de son pouvoir d’appréciation ou a abusé (« Ermessensmissbrauch ») de celui-ci, notamment en retenant des critères inappropriés, en ne tenant pas compte de circonstances pertinentes, en ne procédant pas à un examen complet des circonstances pertinentes ou en n’usant pas de critères objectifs (ATF 137 V 71 consid. 5.1 p. 72; 132 V 393 consid. 3.3 p. 399; 130 III 176 consid. 1.2 p. 180).

 

L’assurée présente une capacité de travail de 60% dans une activité adaptée aux limitations fonctionnelles du membre supérieur droit. Le professeur B.__ a indiqué que la main droite, malgré le tremblement, était encore utilisable en appui à la gauche, que les travaux de précision et les gestes fins étaient impossibles, que le port d’objets de plus de 5 kg était à proscrire, et que l’écriture restait possible, bien que difficile. Or ce sont précisément ces limitations qui ont justifié aux yeux des experts la diminution de la capacité de travail à 60%, la baisse de rendement de 40% étant due aux stratégies que l’assurée devait mettre en place pour fonctionner en utilisant « ce qu’il reste de son bras et sa main droite » dans un milieu professionnel.

Il n’y a pas lieu dans le cadre de l’abattement sur le revenu d’invalide de tenir compte une seconde fois de limitations qui ont été prises en considération lors de l’évaluation de la capacité de l’assurée sous l’angle médical (voir par ex. arrêts 9C_273/2019 du 18 juillet 2019 consid. 6.1 et 9C_847/2018 du 2 avril 2019 consid. 6.2.3).

Ce nonobstant, la juridiction cantonale n’a pas violé le droit ni abusé ou excédé de son pouvoir d’appréciation en fixant à 15% l’abattement sur le revenu d’invalide. En effet, au regard des activités citées par les experts neurologues puis l’office AI, il apparaît que le spectre des activités légères adaptées pouvant entrer en considération dans le cas d’espèce est fortement réduit. On ne voit ainsi pas que les activités de « patrouilleuse » scolaire ou surveillante scolaire soient exigibles d’une assurée dont le bras droit est atteint de tremblements pratiquement constants, au regard de la responsabilité inhérente aux postes cités. A l’inverse par ailleurs de ce que prétend l’office AI, l’égalité de traitement fait partie des principes de droit constitutionnel qui régissent l’activité de l’administration et des autorités judiciaires, de sorte qu’on ne saurait reprocher aux juges cantonaux d’avoir pris en considération la pratique du Tribunal fédéral concernant la déduction sur le salaire statistique dans le cas de personnes assurées privées partiellement ou complètement de l’usage d’un membre supérieur (cf. arrêt 8C_58/2018 du 7 août 2018 consid. 5.3 et les arrêts cités).

 

Le TF rejette le recours de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_537/2019 consultable ici

 

 

8C_122/2019 (f) du 10.09.2019 – Revenu d’invalide / Pas d’abattement pour des travaux légers ne nécessitant pas le port régulier de charges excédant les 3 à 4,5 kg ou de mouvement répétitif de flexion-extension du coude droit / Critère de l’âge en LAA / Evaluation de l’IPAI / Frais d’expertise privée à la charge de l’assurance-accidents

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_122/2019 (f) du 10.09.2019

 

Consultable ici

 

Revenu d’invalide / 16 LPGA

Pas d’abattement sur le salaire statistique pour des travaux légers ne nécessitant pas le port régulier de charges excédant les 3 à 4,5 kg ou de mouvement répétitif de flexion-extension du coude droit

Critère de l’âge en assurance-accidents – Question encore laissée indécise

Evaluation de l’IPAI / 24 LAA – 25 LAA – Annexe 3 OLAA

Frais d’expertise privée à la charge de l’assurance-accidents

 

Assuré, né en 1966, travaillait comme maçon, lorsque le 08.07.2015, alors qu’il était occupé à des travaux d’aménagement d’une villa, la toiture d’une véranda, sous laquelle il se trouvait, s’est effondrée. Admis en urgence à l’hôpital, il a subi deux interventions chirurgicales les 08.07.2015 et 10.07.2015 en raison de multiples plaies et coupures au niveau des membres supérieurs, principalement du membre droit (avant-bras droit: sections 100% du long extenseur radial et 70% du court extenseur radial du carpe, section 10% du nerf musculo-cutané; bras droit: section du muscle brachio radialis biceps et brachial, section d’un fascicule du nerf radial, section 100% du nerf musculo-cutané; main gauche: section 100% extenseur D3 zone 4 avec arthrotomie, section moins de 50% en zone 4 au niveau de D2 et de D4).

L’assuré, en incapacité totale de travail depuis l’accident, a repris son activité à titre thérapeutique à 50% à compter du 01.02.2016.

Par décision, l’assurance-accidents a reconnu le droit de l’assuré à une rente d’invalidité fondée sur une incapacité de gain de 20% à partir du 01.10.2016 et lui a alloué une indemnité pour atteinte à l’intégrité fondée sur un taux de 5%. A l’appui de son opposition, l’assuré a produit un rapport d’expertise privée d’un spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur. L’assurance-accidents a soumis cet avis médical à sa spécialiste en chirurgie générale et traumatologie. Sur la base du rapport de cette dernière, l’assurance-accidents a admis partiellement l’opposition et a porté le taux d’invalidité à 21% et celui de l’atteinte à l’intégrité à 7,5%.

 

Procédure cantonale (arrêt ATAS/13/2019 – consultable ici)

La cour cantonale a considéré que la question de la pertinence des DPT choisies par l’assurance-accidents pouvait rester ouverte. En effet, en se référant au calcul du revenu d’invalide opéré par l’assuré dans son recours au moyen de l’Enquête suisse sur la structure des salaires (ESS), elle obtenait un taux d’invalidité inférieur à celui fixé par l’assurance-accidents dans sa décision sur opposition. Au sujet de l’abattement, de l’avis de la cour cantonale, les limitations fonctionnelles étaient en effet déjà prises en compte dans le salaire d’invalide et les autres facteurs de réduction que l’assuré proposait de retenir (âge, nationalité et manque de formation) n’entraient pas en ligne de compte.

Par jugement du 14.01.2019, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Revenu d’invalide – Abattement

Le point de savoir s’il y a lieu de procéder à un abattement sur le salaire statistique en raison de circonstances particulières (liées au handicap de la personne ou à d’autres facteurs) est une question de droit qui peut être examinée librement par le Tribunal fédéral (ATF 142 V 178 consid. 2.5.9 p. 191; 137 V 71 consid. 5.1 p. 72).

Dans le rapport d’expertise privée, le spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur indique que l’assuré ne peut plus fléchir complètement son coude droit ; cela provoque des douleurs, des décharges électriques et un manque de force au niveau du biceps brachial. Il considère que l’assuré peut exercer une activité où son membre supérieur droit ne porte pas de charges plus lourdes que 3 kg « dans moins de 10% du temps », sans travail répétitif de ce membre et sans exercice de motricité relativement fine avec la main droite. Il précise ensuite que la force du biceps est mesurée à environ 6-7 kg au test de force maximale et que cette charge ne peut donc pas être répétée plusieurs fois par jour. Pour un travail répétitif, la charge devrait être plutôt aux alentours de 4,5 kg. Quant à la médecin-conseil, elle indique rejoindre partiellement l’avis de l’expert privé quant à l’exigibilité. Elle soutient que, dans l’ancienne activité de l’assuré, il conviendrait de tenir compte d’une perte de rendement de 25%, puisque le port de charges supérieures à 7 kg et les mouvements répétitifs de flexion-extension du coude doivent être évités. Dans ce cas de figure, il serait judicieux, selon elle, que l’assuré alterne les tâches administratives en sa qualité de chef d’entreprise avec les tâches sur le terrain, afin de soulager son membre supérieur droit. Par contre, dans une activité respectant les limitations fonctionnelles précitées, la capacité de travail est totale.

Aussi, les appréciations des deux médecins ne divergent-elles que légèrement sur l’étendue des limitations et ne sont en tout cas pas contradictoires. L’on peut retenir sur la base de ces avis médicaux que les limitations fonctionnelles portent sur les mouvements répétitifs au niveau du coude droit et sur le port de charges de plus de 7 kg et qu’il s’agit là d’une valeur maximale en ce sens que le port de charges, même inférieures à ce seuil, doit être alterné avec des périodes de repos du membre supérieur droit. Cela dit, au regard des activités physiques ou manuelles simples que recouvrent les secteurs de la production et des services (tableau TA1_skill_level ESS), un nombre suffisant d’entre elles correspondent à des travaux légers ne nécessitant pas le port régulier de charges excédant les 3 à 4,5 kg (admis par l’expert privé) ou de mouvement répétitif de flexion-extension du coude droit, comme en particulier les activités de contrôle et de surveillance. Une déduction supplémentaire sur le salaire statistique ne se justifie donc pas pour tenir compte des circonstances liées au handicap de l’assuré. En effet, un abattement n’entre en considération que si, dans un marché du travail équilibré, il n’y a plus un éventail suffisamment large d’activités accessibles à l’assuré (cf. en dernier lieu arrêt 8C_174/2019 du 9 juillet 2019 consid. 5.2.2 et et les arrêts cités).

En ce qui concerne le critère de l’âge, le Tribunal fédéral n’a pas encore tranché le point de savoir si, dans le domaine de l’assurance-accidents obligatoire, il constitue un critère d’abattement ou si l’influence de l’âge sur la capacité de gain doit être prise en compte uniquement dans le cadre de la réglementation particulière de l’art. 28 al. 4 OLAA (voir les arrêts 8C_878/2018 du 21 août 2019 consid. 5.3.1; 8C_227/2017 du 17 mai 2018 consid. 5, in SVR 2018 UV n° 40 p. 145; 8C_439/2017 du 6 octobre 2017 consid. 5.6.4, in SVR 2018 UV n° 15 p. 50). Cette question peut encore demeurer indécise en l’espèce dans la mesure où l’assuré n’expose pas en quoi ses perspectives salariales seraient concrètement réduites sur un marché du travail équilibré à raison de son âge. En outre, il était âgé de 50 ans au moment de la naissance du droit à la rente, soit un âge relativement éloigné de celui de la retraite. Quant à l’absence d’expérience et de formation, elle ne joue pas de rôle lorsque le revenu d’invalide est déterminé en référence au salaire statistique auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activités simples et répétitives de niveau de compétence 1. En effet, ce niveau de compétence de l’ESS concerne une catégorie d’emplois ne nécessitant ni formation ni expérience professionnelle spécifique (arrêt 8C_103/2018 du 25 juillet 2018 consid. 5.2). Au demeurant, si l’assuré allègue être de langue maternelle espagnole et n’avoir suivi aucune autre formation que celle de maçon, il n’en demeure pas moins qu’il admet bien parler le français, étant arrivé en Suisse à l’âge de 17 ans, et qu’après un apprentissage de maçon et une expérience auprès d’un second employeur, il est parvenu à fonder sa propre entreprise au service de laquelle il a travaillé pendant presque vingt ans (cf. à ce sujet le rappel anamnestique du rapport d’expertise).

Compte tenu de ce qui précède, les juges cantonaux étaient fondés à refuser de procéder à un abattement sur le revenu d’invalide.

 

IPAI

La fixation de l’indemnité pour atteinte à l’intégrité dépend uniquement de facteurs médicaux objectifs valables pour tous les assurés, sans égard à des considérations d’ordre subjectif ou personnel ; elle n’est d’aucune manière liée à l’importance de l’incapacité de gain qu’elle est susceptible ou non d’entraîner (ATF 143 V 231 consid. 4.4.5 p. 238; 113 V 218 consid. 4b p. 221 s.). La médecin-conseil explique de manière circonstanciée pour quels motifs elle s’écarte de de l’évaluation de l’expert privé. Elle indique en particulier que la perte de force et le déficit en supination de 20° du coude droit ne peuvent pas être comparés à la perte même partielle d’un membre supérieur. En outre, le coude de l’assuré ne présente pas de blocage ou de déficit en flexion ou extension mais uniquement un déficit de supination, pour lequel pourrait être retenu un taux de 2,5%. Considérant que l’état du coude est plutôt similaire à une arthrose moyenne, laquelle implique une diminution de la force due aux douleurs avec ou sans diminution des amplitudes articulaires, la médecin-conseil s’est référée à la table 5 relative aux atteintes à l’intégrité résultant d’arthroses, laquelle prévoit un taux situé entre 5% et 10% en cas d’arthrose moyenne, et a retenu un taux global de 7,5%. Ces considérations n’apparaissent pas critiquables et ne sont pas d’ailleurs pas critiquées par l’assuré. Il y a lieu de s’y rallier.

 

Frais d’expertise privée à la charge de l’assurance-accidents

Aux termes de l’art. 45 al. 1 LPGA, les frais de l’instruction sont pris en charge par l’assureur qui a ordonné les mesures; à défaut, l’assureur rembourse les frais occasionnés par les mesures indispensables à l’appréciation du cas ou comprises dans les prestations accordées ultérieurement. Selon la jurisprudence, les frais d’expertise font partie des frais de procédure (arrêt 8C_61/2016 du 19 décembre 2016 consid. 6.1 et les arrêts cités, in SVR 2017 n° 19 p. 63). Les frais d’expertise privée peuvent être inclus dans les dépens mis à la charge de l’assureur social lorsque cette expertise était nécessaire à la résolution du litige (ATF 115 V 62 consid. 5c p. 63; arrêts 8C_61/2016 précité consid. 6.1 in fine; 8C_354/2015 du 13 octobre 2015 consid. 6.1 et les arrêt cités, in SVR UV n° 24 p. 75).

En l’espèce, même si la cour cantonale a préféré les conclusions de la médecin-conseil à celles de l’expert privé, il n’en reste pas moins que le rapport d’expertise privée a joué un rôle déterminant dans la résolution du litige. En effet, le rapport de la médecin-conseil consiste essentiellement en une prise de position sur le rapport d’expertise privée et ne peut pas être lu indépendamment de celui-ci. En outre, la médecin-conseil s’est partiellement ralliée aux conclusions de ce médecin, ce qui a conduit l’assurance-accidents à admettre l’opposition de l’assuré. Il y a donc lieu de retenir que l’expertise a été utile à la prise de décision et qu’elle a constitué une mesure indispensable à l’appréciation du cas au sens de l’art. 45 al. 1 LPGA. Dans ces conditions, on ne peut pas partager le point de vue des juges cantonaux en tant qu’ils considèrent la question de la prise en charge des frais d’expertise comme étant exorbitante de l’objet du litige. Compte tenu de la jurisprudence, on ne saurait d’ailleurs reprocher à l’assuré d’avoir attendu l’issue de la procédure d’opposition pour réclamer le remboursement de ces frais (sur le sujet voir ANNE-SYLVIE DUPONT, in Commentaire Romand, Loi sur la partie générale des assurances sociales, 2018, n° 14 ad art. 45 LPGA; UELI KIESER, ATSG-Kommentar, 3 e éd. 2015, n os 19-21 LPGA). Partant, en refusant à l’assuré le remboursement par l’assurance-accidents des frais d’expertise privée, la juridiction cantonale a violé le droit fédéral. Sur ce point, le recours se révèle bien fondé.

 

Le TF admet partiellement le recours de l’assuré, reformant le jugement cantonal en ce sens que l’assuré a droit au remboursement par l’assurance-accidents des frais d’expertise privée.

 

 

Arrêt 8C_122/2019 consultable ici

 

 

8C_631/2019 (d) du 18.12.2019 – Revenu d’invalide effectivement réalisé après mesures AI très inférieur au revenu d’invalide selon l’ESS (valeur centrale ; toute branche confondue) – 16 LPGA / Marché équilibré du travail – Obligation de réduire le dommage

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_631/2019 (d) du 18.12.2019

 

NB : Traduction personnelle ; seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Revenu d’invalide effectivement réalisé après mesures AI très inférieur au revenu d’invalide selon l’ESS (valeur centrale ; toute branche confondue) / 16 LPGA

Marché équilibré du travail – Obligation de réduire le dommage

 

Assuré, né en 1980, employé comme couvreur depuis le 02.04.2013, est victime d’un accident le 18.04.2013 : alors qu’il skiait, il a subi une fracture multi-fragmentaire et une fracture-compression dans le pied gauche. Il a été opéré le 01.05.2013 (ostéosynthèse).

Du 11.04.2016 au 10.10.2016, l’assuré a bénéficié de mesures AI sous la forme d’un stage chez D.__ AG. Dès le 11.10.2016, il travaille dans cette entreprise à 100% au bureau et à l’atelier (imprimeur publicitaire) pour un revenu annuel de CHF 54’600 (CHF 4’200 par mois).

Par décision, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a octroyé une IPAI de 15% et refusé le droit à une rente d’invalidité, le taux d’invalidité n’étant que de 5.87%. L’assurance-accidents a retenu un revenu d’invalide de CHF 64’429 sur la base de l’ESS (niveau de compétences 2, toutes branches confondues, abattement de 10%).

 

Procédure cantonale

Selon le tribunal cantonal, les rapports de travail chez D.__ AG sont stables, que cette activité met pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible l’assuré. La capacité de travail à plein temps dans les activités de bureau et d’atelier (imprimeurs de publicité) avait été créée à la suite de la mesure professionnelle de l’AI. Un retour dans l’ancien activité n’était pas possible et la réadaptation en tant que moniteur de conduite n’avait pas eu lieu. La cour cantonale a estimé que l’activité d’imprimeur publicitaire réalisée à plein temps correspondait de manière optimale au profil d’emploi raisonnable, ce qui lui a permis d’utiliser pleinement sa capacité de travail restante. Cela était d’autant plus vrai que l’assuré n’avait pas réussi l’examen de technico-commercial malgré un soutien scolaire financé par l’AI. En outre, il n’y avait pas de salaire social, puisque le revenu annuel de CHF 54’600 correspondait à sa capacité de travail. Il était donc erroné d’utiliser de prendre le salaire ESS, plus élevé, comme revenu d’invalide. La comparaison entre le revenu d’invalide concret de CHF 54’600 et le revenu sans invalidité de CHF 68’375 (non contesté) donne un taux d’invalidité de 20%.

Par jugement du 20.08.2019, acceptation du recours par le tribunal cantonal, annulant la décision et renvoyant la cause à l’assurance-accidents pour le calcul de la rente sur la base d’un degré d’invalidité de 20%.

 

TF

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. La prise en compte du revenu effectivement réalisé est toutefois subordonnée à certaines conditions cumulatives, à savoir : des rapports de travail particulièrement stables, une activité mettant pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et le gain obtenu correspondant au travail effectivement fourni et ne contenant pas d’éléments de salaire social. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible –, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 p. 296).

Pour déterminer le revenu d’invalide, le revenu réel sert de base si, entre autres, l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’assuré utilise pleinement sa capacité de travail restante. Ce n’est pas le cas si, sur le marché équilibré du travail, il pourrait gagner un salaire plus élevé que celui qu’il reçoit réellement. Sur ce marché du travail hypothétique, un changement d’emploi est également exigible s’il est très difficile, voire impossible, pour l’assuré de trouver un emploi correspondant, en raison des conditions économiques du marché du travail réel. La prise en compte de ce revenu hypothétique plus élevé se fonde moins sur l’obligation de réduire le dommage que sur le fait que l’assurance-accidents ne doit compenser que la perte de salaire causée par l’atteinte à la santé en lien avec l’accident (SVR 2017 UV n° 45 p. 155, 8C_13/2017 consid. 3.3). Lors de l’évaluation de l’invalidité, l’assuré doit tenir compte, comme revenu d’invalide, le salaire qu’il pourrait gagner sur le marché général du travail dans un poste exigible ; même s’il s’abstient de changer de profession ou d’emploi en raison de perspectives favorables au poste qu’il a eu jusqu’à présent, il ne peut pas s’attendre à ce que l’assurance-accidents indemnise la perte de salaire en raison de la renonciation à un revenu raisonnablement exigible (arrêt 8C_109/2018 du 8 novembre 2018 consid. 4.2 et la référence).

Il existe donc une différence importante d’environ CHF 10’000 entre le revenu de CHF 64’429 (selon ESS) et le salaire réel de CHF 54’600. Le Tribunal fédéral conclut que l’assuré ne met pas pleinement en valeur sa capacité de travail résiduelle exigible (voir également l’arrêt 9C_479/2018 du 22 février 2019 consid. 4.2 e contrario, 8C_475/2017 du 5 décembre 2017 consid. 6.3). Lors d’un entretien du 15.03.2017 avec l’office AI, l’assuré a également déclaré que le faible salaire lui causait des problèmes ; on lui avait promis CHF 5’000. Le calcul du revenu d’invalide ne peut donc pas se basé sur les revenus de D.__ AG.

Le Tribunal fédéral ne suit pas le recourant lorsqu’il se réfère à la pratique selon laquelle le revenu d’invalide d’un assuré qui, après des mesures de réadaptation professionnelle réussie dans une nouvelle profession, n’a pas entièrement mis en valeur la capacité de travail résiduelle exigible doit être déterminé sur la base des revenus réels (« projetés à la hausse » [« hochgerechneten »]) et non sur la base des salaires statistiques (arrêt 8C_579/2009 du 6 janvier 2010 consid. 2.3.2). Le Tribunal fédéral rappelle que l’assuré épuise sa capacité de travail en œuvrant à 100% pour D.__ AG, mais reçoit un salaire nettement inférieur à celui qu’on peut obtenir sur le marché du travail équilibré. Par conséquent, le salaire dans cette entreprise ne peut être pris en compte. Cela est d’autant moins vrai que l’assuré ne possède pas de certificat de capacité dans la profession de technicien en publicité, mais qu’il n’a effectué qu’un stage d’une durée de 6 mois.

Par ailleurs, l’office AI a calculé le revenu d’invalide comme l’assurance-accidents.

 

Le TF admet le recours de l’assurance-accidents, annule le jugement cantonal et confirme la décision sur opposition.

 

 

Arrêt 8C_631/2019 consultable ici

 

 

8C_109/2018 (d) du 08.11.2018 – Revenu d’invalide – 16 LPGA / Obligation de réduire le dommage – Exigibilité / Revenu d’invalide effectif vs Revenu d’invalide selon ESS

Arrêt du Tribunal fédéral 8C_109/2018 (d) du 08.11.2018

 

NB : Traduction personnelle ; seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Revenu d’invalide / 16 LPGA

Obligation de réduire le dommage – Exigibilité

Revenu d’invalide effectif vs Revenu d’invalide selon ESS

 

Assuré, né en 1951, travaillant comme chef de cuisine depuis le 01.07.1997 au restaurant B.__, est tombé en travaillant le 28.06.2011. Il a notamment souffert d’une rupture de la coiffe des rotateurs droite. Par décision du 16.02.2016, confirmée sur opposition, l’assurance-accidents a mis fin aux indemnités journalières et aux frais médicaux avec effet rétroactif au 01.03.2012, octroyé une IPAI de 20% et refusé le droit à une rente d’invalidité.

 

Procédure cantonale

Sur la d’une expertise réalisée par un spécialiste en chirurgie orthopédique et traumatologie de l’appareil locomoteur, bien que la capacité exigible de travail dans l’activité habituelle de cuisinier soit de 50%, une capacité de travail de 100% dans une activité adaptée à l’état de santé de l’assuré est exigible. L’assuré peut travailler dans une activité physiquement légère à moyennement lourde, effectuée en position assise ou debout, permettant le port de charges jusqu’à 10 kg avec un bras et avec des activités occasionnelles au-dessus de la tête.

Étant donné que l’assuré a été de nouveau employé par son ancien employeur, le restaurant B.__ de la mi-janvier 2012 à la fin mars 2012, puis par une boulangerie en tant que vendeur de mai 2012 à février 2013 et derechef employé par le restaurant B.__ dès décembre 2013 – en fait, seulement 50 % de sa charge de travail tout au long de la période –, il n’a pas pleinement mis à profit sa capacité de travail restante. L’assurance-accidents était ainsi autorisé à déterminer le revenu d’invalide sur la base des ESS, les conditions pour la prise en compte des revenus effectifs n’étant pas remplies.

Par jugement du 24.11.2017, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. La prise en compte du revenu effectivement réalisé est toutefois subordonnée à certaines conditions cumulatives, à savoir : des rapports de travail particulièrement stables, une activité mettant pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et le gain obtenu correspondant au travail effectivement fourni et ne contenant pas d’éléments de salaire social. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible –, le revenu d’invalide peut être évalué soit sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS, soit sur la base des DPT (ATF 135 V 297 consid. 5.2 p. 301 ; arrêt 8C_749/2013 du 6 mars 2014 consid. 4.1).

Pour déterminer le revenu d’invalide, le revenu réel sert de base si, entre autres, l’on peut raisonnablement s’attendre à ce que l’assuré utilise pleinement sa capacité de travail restante. Ce n’est pas le cas si, sur le marché équilibré du travail, il pourrait gagner un salaire plus élevé que celui qu’il reçoit réellement. Sur ce marché du travail hypothétique, un changement d’emploi est également exigible s’il est très difficile, voire impossible, pour l’assuré de trouver un emploi correspondant, en raison des conditions économiques du marché du travail réel. La prise en compte de ce revenu hypothétique plus élevé se fonde moins sur l’obligation de réduire le dommage que sur le fait que l’assurance-accidents ne doit compenser que la perte de salaire causée par l’atteinte à la santé en lien avec l’accident (SVR 2017 UV n° 45 p. 155, 8C_13/2017 consid. 3.3). Lors de l’évaluation de l’invalidité, l’assuré doit tenir compte, comme revenu d’invalide, le salaire qu’il pourrait gagner sur le marché général du travail dans un poste exigible ; même s’il s’abstient de changer de profession ou d’emploi en raison de perspectives favorables au poste qu’il a eu jusqu’à présent, il ne peut pas s’attendre à ce que l’assurance-accidents indemnise la perte de salaire en raison de la renonciation à un revenu raisonnablement exigible (arrêt 8C_475/2017 du 5 décembre 2017 consid. 6.1).

Selon le Tribunal fédéral, il ne peut être donner suite aux griefs de l’assuré. Dans la mesure où il souhaite baser le calcul du taux d’invalidité sur les revenus actuels de son emploi de cuisinier (sous-chef) à 50%, il néglige le fait qu’il n’épuise pas sa capacité de travail restante. En effet, dans un emploi adapté à son état de santé, il pourrait travailler à 100% et obtenir des revenus qui ne lui donneraient pas droit à une rente. Aucune réadaptation n’étant nécessaire à cette fin, l’assurance-accidents a déterminé le revenu d’invalide sur la base du tableau TA1 de l’ESS 2012 (Total, hommes, niveau de compétence 1). Les activités selon le niveau de compétences 1 ne requièrent ni formation, ni expérience professionnelle spécifique. Ainsi, lors de la détermination du revenu d’invalide, ce revenu hypothétiquement plus élevé doit être pris en compte, ce d’autant plus qu’on pouvait raisonnablement attendre de l’assuré à ce qu’il change d’emploi. En ce qui concerne l’exigibilité définie par le médecin, il est également clair qu’un large éventail de possibilités d’emploi est encore ouvert à l’assuré sur le marché du travail équilibré.

Par ailleurs, l’assuré ne peut pas tirer profit du fait qu’il perçoit une rente de l’AI (et de la LPP) sur la base d’un taux d’invalidité de 50%. Comme l’a rappelé la juridiction cantonale, l’évaluation de l’invalidité par les organes de l’assurance-invalidité n’a pas de force contraignante pour l’assureur-accidents (ATF 131 V 362 consid. 2.2 p. 366 s). En revanche, les offices AI et les assureurs-accidents doivent évaluer l’invalidité de manière indépendante dans chaque cas individuel (ATF 133 V 549 consid. 6.1 p. 553). Par ailleurs, les rentes de l’AI et de la LPP ne peuvent pas être additionnées avec le revenu actuel provenant de l’activité en tant que sous-chef à 50% pour la détermination du revenu d’invalide.

 

Le TF rejette le recours de l’assuré.

 

 

Arrêt 8C_109/2018 consultable ici

 

 

9C_479/2018 (d) du 22.02.2019 – Revenu d’invalide effectif vs Revenu d’invalide selon ESS – 16 LPGA / Différence de salaire d’un peu moins de CHF 700 entre le revenu effectif et le revenu selon ESS ne suffit pas pour conclure que la capacité de travail n’est pas utilisée de manière optimale

Arrêt du Tribunal fédéral 9C_479/2018 (d) du 22.02.2019

 

NB : Traduction personnelle ; seul le texte de l’arrêt fait foi.

Consultable ici

 

Revenu d’invalide effectif vs Revenu d’invalide selon ESS / 16 LPGA

Différence de salaire d’un peu moins de CHF 700 entre le revenu effectif et le revenu selon ESS ne suffit pas pour conclure que la capacité de travail n’est pas utilisée de manière optimale

 

Assurée, née en 1968, a adressé une demande AI en avril 2014 (statut mixte 80%-20% [comme ménagère]). Précédemment, l’office AI avait refusé le droit à une rente d’invalidité (décision du 25.01.2011). L’administration a mis en œuvre une expertise psychiatrique, concluant à une capacité de travail de 60% dans une activité adaptée. L’assurée a été placée chez C.__ et D.__ dans le cadre d’un stage. Dès le 01.01.2017, elle a pu travailler en tant qu’employée à 30 % chacun. L’office AI a déterminé un degré d’invalidité total de 39% en utilisant la méthode mixte et a rejeté la demande de prestations.

 

Procédure cantonale

La cour cantonale a constaté que l’assurée a perçu un revenu brut total de CHF 28’354,00 de son emploi à temps partiel de 30% chez C.__ et D.__ (janvier à octobre 2017), calculé sur l’ensemble de l’année 2017. En revanche, le revenu d’invalidité selon l’ESS, en tenant compte de la capacité de travail exigible de 60% s’élève à CHF 32’275.80 ; avec un abattement de 10%, cela donnerait un minimum de CHF 29’048.20. Comme le revenu effectivement perçu est inférieur au revenu statistique, il faut supposer que l’assurée n’utilise pas de manière optimale sa capacité de travail. Sur cette base, le tribunal cantonal a déterminé le revenu d’invalide sur la base de l’ESS.

Par jugement du 06.06.2018, rejet du recours par le tribunal cantonal.

 

TF

Le revenu d’invalide doit être évalué avant tout en fonction de la situation professionnelle concrète de la personne assurée. La prise en compte du revenu effectivement réalisé est toutefois subordonnée à certaines conditions cumulatives, à savoir : des rapports de travail particulièrement stables, une activité mettant pleinement en valeur la capacité de travail résiduelle exigible et le gain obtenu correspondant au travail effectivement fourni et ne contenant pas d’éléments de salaire social. En l’absence d’un revenu effectivement réalisé – soit lorsque la personne assurée, après la survenance de l’atteinte à la santé, n’a pas repris d’activité lucrative ou alors aucune activité normalement exigible –, le revenu d’invalide peut être évalué sur la base de salaires fondés sur les données statistiques résultant de l’ESS (ATF 143 V 295 consid. 2.2 p. 296 ; 139 V 592 consid. 2.3 p. 593 s.).

Au vu des diagnostics retenus (phobie sociale [F40.1] ; trouble de la personnalité combiné avec des traits de personnalité schizoïdes, impulsifs et narcissiques [F60.0] ; Trouble dépressif récurrent, épisode actuel léger [F33.0]), l’expert psychiatre que l’assurée ne devait pas être exposée à la pression de la performance et de la prestation et ne devrait pas travailler par roulement/par équipe [« Schichtarbeit »]. En raison de la phase dépressive matinale et des troubles du sommeil bien connus, il faut lui donner la possibilité de commencer le travail plus tard dans la matinée. Ces constatations doivent être complétées, dans la mesure où l’expert psychiatre a également souligné explicitement que les emplois encadrés par le Job Coach Placement représentaient des activités adaptées qui étaient appropriées à la psychopathologie en question. L’assurée aurait certainement des difficultés à être et à rester employée dans un autre domaine non adapté de l’économie libre. D’un point de vue médico-théorique, on ne pouvait pas s’attendre à une guérison compte tenu de l’évolution à long terme, de la maladie profonde [« tiefgreifenden »] et de la chronicisation du trouble ; le pronostic était défavorable et grave.

Par conséquent, il a été établi par un médecin que les deux activités spécifiquement exercées sont adaptées à l’assurée. En outre, les relations de travail sont stables, puisque l’assuré travaille déjà pour C.__ depuis mars 2010. Le fait qu’il existe une différence de salaire (relativement faible) d’un peu moins de CHF 700 entre le revenu effectivement gagné (CHF 28’354) et le revenu d’invalide déterminé selon l’ESS (CHF 29’048.20) ne suffit pas pour conclure que la capacité de travail n’est pas utilisée de manière optimale. En outre, il n’apparaît pas que le salaire annuel déterminé sur la base des fiches de salaire de janvier à octobre 2017 ne correspondrait pas travail effectivement fourni ou devrait être considéré comme un salaire social. Ainsi, la situation professionnelle concrète reste pertinente. Ainsi, le revenu d’invalide doit être déterminé sur la base des revenus effectivement obtenus.

 

Le TF admet le recours de l’assurée, annule le jugement cantonal et la décision de l’office AI.

 

 

Arrêt 9C_479/2018 consultable ici